Vers écrits au début du printemps

 

 

Composé pendant que j’étais assis à côté du ruisseau qui descend du vallon

où se trouve le village d’Altford. C’était un endroit où je me rendais souvent.

 

 

J’ai entendu mille notes mélangées,

Nonchalamment assis dans un bosquet,

Dans cette douce humeur où les pensées joyeuses

Conduisent l’esprit aux pensées tristes.

 

À ses belles besognes la Nature associait

L’âme humaine qui vibrait en moi ;

Et mon cœur fut bien affligé de penser

À ce que l’homme a fait de l’homme.

 

En ce vert retrait, parmi les touffes de primevères,

La pervenche étalait ses guirlandes.

Je suis convaincu que toute fleur

Jouit de l’air qu’elle respire.

 

Les oiseaux autour de moi sautillaient et jouaient,

Je ne puis concevoir leurs pensées ;

Mais le moindre mouvement qu’ils faisaient

Semblait un émoi de plaisir.

 

Les rameaux bourgeonnants étalaient leur éventail

Pour accueillir la brise murmurante ;

Et je ne puis m’empêcher de penser

Que là aussi il y avait du plaisir.

 

Si cette croyance vient du ciel,

Si tel est le plan divin de la nature,

N’ai-je pas raison de me lamenter

Sur ce que l’homme a fait de l’homme ?

 

                                                                     1798.

 

 

William WORDSWORTH.

 

Recueilli dans Les romantiques anglais,

traduction de Pierre Messiaen,

Desclée De Brouwer, 1955.

 

 

 

 

 

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