Saint Gonéry

 

 

Il est chez nous des soirs si doux, si vaporeux,

Qu’on voit planer dans l’air léger les Bienheureux...

Un soir où brillait la rosée au clair de lune,

Dans les parfums de miel du sarrasin fleuri,

Parmi les rocs, sur la bruyère et sur la dune,

Marie-ar-Born a vu passer saint Gonéry.

Il allait voir sa vieille mère Éliboubane

Et marchait sur les flots de la mer océane.

 

Le jour de son Pardon, quand les rudes marins

Mènent à Léobran les fervents pèlerins,

Il se plaît aux accents des hymnes que l’on chante,

Étendards déployés sur la mer blanchissante,

Autour de cet îlot qu’il embauma jadis

De son parfum miraculeux de fleur de lys.

Mais quand la nuit est douce, ainsi qu’une prière,

Gonéry part de Plougrescant pour voir sa mère.

 

À la vieille Marie, assise en son jardin,

Par une nuit pareille il apparut soudain...

À deux genoux ayant prié jusqu’à l’aurore,

Elle vit Gonéry venir vers elle encore.

Il avait sur son front la couronne des Rois ;

Et, tel qu’il est aux cieux dans sa gloire immortelle,

Il éleva sa main quand il fut devant elle,

Et fit trois fois, dans l’air, le signe de la croix.

 

 

 

Yves BERTHOU.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

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