Un vieux frère

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

José CABANIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un vieux frère que je ne connaissais pas et n’avais pas vu venir, me toucha l’épaule en souriant, et me fit signe de le suivre. Il ouvrit la porte de l’église, s’effaça devant moi, puis referma la porte. Il avançait sans bruit, et j’essayais moi-même de marcher sur la pointe des pieds, car le moindre craquement résonnait ici étrangement. Non loin de l’autel, il a allumé une lumière, s’est retourné, et m’a montré du doigt au bas d’un pilier une sorte de coffret vitré, tandis qu’il me regardait droit dans les yeux, avec un sourire émerveillé. Il y avait là un poupon tout nu, en celluloïd, sur un peu de paille. Nous nous sommes mis à genoux tous les deux. C’était au visage radieux de ce vieux moine que je pensais. Il n’avait pas le droit de me dire un mot, mais voulait me communiquer sa joie, et Dieu sait si je la comprenais. Dans cette église où j’étais à genoux, par ce matin de Noël, il faisait bien froid, mais quelle allégresse en moi, et quelle chaleur au cœur ! Je savais très bien que j’étais devant une poupée médiocre, mais je me disais aussi que le Christ était né, et qu’on ne pouvait plus être triste.

 

 

 

Recueilli dans Noël en poésie,

présenté par Claude Garda,

Gallimard, 1983,

collection Folio junior en poésie.

 

 

 

 

 

 

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