Les gardiens du seuil

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

P.-L. JACOB

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« LES Elfes, dit M. A. Maury 1, attachent souvent leurs services à un homme ou à une famille, et, suivant les contrées, ils ont reçu dans ce cas des noms différents. On les appelle nis, kobold, en Allemagne ; brownie, en Écosse ; cluircaune, en Irlande ; le vieillard Tom Gubbe ou Tonttu, en Suède ; niss-god-drange, dans le Danemark et la Norvège ; duende, trasgo, en Espagne ; lutin, goblin ou follet, en France ; hobgoblin, puck, robin goodfellow, robinhood, en Angleterre ; pwcca, dans le Pays de Galles. »

En Suisse, des génies familiers sont attachés à la garde des troupeaux ; on les appelle servants. Le pasteur de l’Helvétie leur fait encore sa libation de lait.

 

 

Le cluricaune

 

Le cluricaune se distingue des Elfes, parce qu’on le rencontre toujours seul. Il se montre sous la figure d’un petit vieillard, au front ridé, au costume antique ; il porte un habit vert foncé à larges boutons ; sa tête est couverte d’un chapeau à bords retroussés. On le déteste à raison de ses méchantes dispositions, et son nom est employé comme expression de mépris. On parvient quelquefois par les menaces ou la séduction à le soumettre comme serviteur ; on l’emploie alors à fabriquer des souliers. Il craint l’homme, et lorsque celui-ci le surprend, il ne peut lui échapper. Le cluricaune connaît en général, ainsi que les nains, les lieux où sont enfouis les trésors ; et comme les nains bretons, on le représente avec une bourse de cuir à la ceinture, dans laquelle se trouve toujours un shilling. Quelquefois il a deux bourses, l’une contient alors un coin de cuivre. Le cluricaune aime à danser et à fumer ; il s’attache en général à une famille tant qu’il en subsiste un membre ; il a un grand respect pour le maître de la maison, mais entre dans de violents accès de colère lorsque l’on oublie de lui donner sa nourriture.

En plusieurs lieux, les servants s’appellent drôles, mot qui est la corruption de troll. Les trolls sont, dans certaines légendes, de véritables génies domestiques. Dans le Perche, on trouve des croyances analogues ; des servants prennent soin des animaux et promènent quelquefois d’une main invisible l’étrille sur la croupe du cheval 2. Dans la Vendée, moins complaisants, ils s’amusent seulement à leur tirer les crins 3. Cependant, en général, les soins de tous ces êtres singuliers ne sont qu’à moitié désintéressés, ils se contentent de peu, mais néanmoins ils veulent être payés de leur peine 4.

 

 

Les follets

 

Dom Calmet 5 raconte certains faits singuliers qu’il impute aux follets :

« Pline 6 le Jeune avait un affranchi, nommé Marc, homme lettré, qui couchait dans un même lit avec son frère plus jeune que lui. Il lui sembla voir une personne assise sur ce lit, qui lui coupait les cheveux du haut de la tête ; à son réveil il se trouva rasé, et ses cheveux jetés par terre au milieu de la chambre. Peu de temps après, la même chose arriva à un jeune garçon qui dormait avec plusieurs autres dans une pension : celui-ci vit entrer par la fenêtre deux hommes vêtus de blanc, qui lui coupèrent les cheveux comme il dormait, puis sortirent de même par la fenêtre ; à son réveil, il trouva ses cheveux répandus sur le plancher. À quoi attribuer tout cela, sinon à un follet ?

On nous a raconté plus d’une fois qu’à Paris, dans un séminaire, il y avait un jeune ecclésiastique qui avait un génie qui le servait, lui parlait, arrangeait sa chambre et ses habits. Un jour le supérieur, passant devant la chambre de ce séminariste, l’entendit qui parlait avec quelqu’un ; il entra, et demanda avec qui il s’entretenait : le jeune homme soutint qu’il n’y avait personne dans sa chambre, et en effet le supérieur n’y vit et n’y découvrit personne ; cependant, comme il avait ouï leur entretien, le jeune homme lui avoua qu’il avait depuis quelques années un génie familier, qui lui rendait tous les services qu’aurait pu faire un domestique, et qui lui avait promis de grands avantages dans l’état ecclésiastique. Le supérieur le pressa de lui donner des preuves de ce qu’il disait : il commanda au génie de présenter une chaise au supérieur ; et le génie obéit. »

 

 

 

LES ESPRITS DE LA TERRE

 

« Georges Agricola 7, qui a savamment traité la matière des mines, des métaux, et de la manière de les tirer des entrailles de la terre, reconnaît, dit dom Calmet 8, deux ou trois sortes d’esprits qui apparaissent dans les mines : les uns sont fort petits et ressemblent à des nains ou des pygmées ; les autres sont comme des vieillards recourbés et vêtus comme des mineurs, ayant la chemise retroussée et un tablier de cuir autour des reins ; d’autres font ou semblent faire ce qu’ils voient faire aux autres, sont fort gais, ne font mal à personne ; mais de tous leurs travaux il ne résulte rien de réel. »

 

 

Les esprits des mines

 

« Lavater, cité par Taillepied 9, dit qu’un homme lui a écrit qu’à Davoise, au pays des Grisons, il y a une mine d’argent en laquelle Pierre Buol, homme notable et consul de ce lieu-là, a fait travailler dans les années passées, et en a tiré de grandes richesses. Il y avait dans celle-ci un esprit de montagne qui, en général le vendredi, lorsque les métaillers versaient ce qu’ils avaient tiré dans les cuves, se faisait fort de les en empêcher, changeant à sa fantaisie les métaux des cuves en d’autres. Ce consul ne s’en souciait autrement, car quand il voulait descendre dans la mine ou en remonter, se confiant en Jésus-Christ, il s’armait du signe de la croix et jamais il ne lui advint aucun mal. Un jour, cet esprit fit plus de bruit que de coutume, tellement qu’un métailler impatient commença à l’injurier et à lui commander d’aller au gibet avec imprécation et malédiction. Alors cet esprit prit le métailler par la tête, qu’il lui tordit de telle sorte que le devant était droitement derrière. Il n’en mourut pas toutefois, mais vécut longtemps avec le col tors et renversé, connu familièrement de plusieurs qui vivent encore.

Semblablement, on dit qu’en la mine de Saint-Grégoire en Schueberg, il en fut vu un, ayant la tête enchaperonnée de noir, lequel prit un tireur de métal et l’éleva fort haut, ce qui ne fut pas sans le blesser grièvement. »

« Olaüs Magnus, cité par dom Calmet 10, dit qu’on voit dans les mines, surtout dans celles d’argent, où il y a un plus grand profit à espérer, six sortes de démons qui, sous diverses formes, travaillent à casser les rochers, à tirer les seaux, à tourner les roues, qui éclatent quelquefois de rire et font diverses singeries ; mais que tout cela n’est que pour tromper les mineurs qu’ils écrasent sous les rochers ou qu’ils exposent aux plus éminents dangers pour leur faire proférer des blasphèmes ou des jurements contre Dieu. Il y a plusieurs mines très riches qu’on a été obligé d’abandonner par la crainte de ces dangereux esprits. »

 

 

Forgerons et orfèvres

 

« Les nains de la Bretagne, les bergmännchen de l’Allemagne sont regardés, dit M. A. de Maury 11, comme d’une extrême habileté dans l’art de travailler les métaux. Les idées défavorables que l’on a sur eux les font même passer chez les Bretons, les Gallois, les Irlandais, comme de faux monnayeuts ; c’est au fond des grottes, dans les flancs des montagnes, qu’ils cachent leurs mystérieux ateliers. C’est là qu’aidés souvent des Elfes et des autres génies analogues, ils forgent, ils trempent, ils damasquinent ces armes redoutables dont ils ont doté les dieux et parfois les mortels. L’un de ces forgerons, nommé Wiéland ou Velant, instruit par les nains de la montagne de Kallowa, s’était acquis une immense renommée. Son nom de la Scandinavie était passé en France, changé en celui de Galant, ce même Galant qui avait fabriqué Durandal, l’épée de Charlemagne, et Merveilleuse, l’épée de Doolen de Mayence. La Vilkina Saga nous dit que la mère de ce célèbre Viéland était un Elfe et son père un géant vade. Suivant d’autres traditions, il serait lui-même un licht elf. Ainsi, les Elfes, en une foule de circonstances, voient leur histoire se mêler à celle des nains. L’Edda parle aussi de l’extrême habileté des Elfes dans l’art de travailler les métaux : ce sont eux qui ont forgé Gungner, l’épée d’Odin, qui ont fait à Sifa sa chevelure d’or, à Freya sa chaîne d’or. Le cluricaune irlandais est aussi un forgeron et le paysan assure entendre souvent la montagne retentir du bruit de son marteau. »

 

 

Les gardiens des trésors souterrains

 

« Suivant Bodin 12, Oger Ferrier, médecin fort savant, étant à Toulouse, prit à louage une maison près de la Bourse, bien bâtie et en beau lieu, qu’on lui bailla quasi pour néant, parce qu’il y avait un esprit malin qui tourmentait les locataires. Mais lui ne s’en souciait non plus que le philosophe Athénodorus, qui osa seul demeurer en une maison d’Athènes, déserte et inhabitée à cause d’un esprit. On ne pouvait, pensait-on, aller en toute sécurité en la cave. Aussi l’avertit-on qu’il y avait un jeune écolier portugais, étudiant à Toulouse, qui faisait voir sur l’ongle d’un jeune enfant les choses cachées. L’écolier appelé usa de son métier, et une petite fille enquise dit qu’elle voyait une femme richement parée de chaînes et dorures, et qui tenait une torche en la main, près d’un pilier. Le Portugais conseilla au médecin de faire fouir en terre, dedans la cave, près du pilier, et lui dit qu’il trouverait un trésor. Qui fut bien aise, ce fut le médecin, lequel fit creuser. Mais lorsqu’il espérait trouver le trésor, il se leva un tourbillon de vent, lequel éteignit la lumière, sortit par un soupirail de la cave et rompit deux toises de créneaux qui étaient dans la maison voisine, dont il tomba une partie sur l’auvent et l’autre partie en la cave, par le soupirail, et sur une femme portant une cruche d’eau qui fut rompue. Depuis, l’esprit ne fut ouï en sorte quelconque. Le jour suivant, ce Portugais, averti du fait, dit que l’esprit avait emporté le trésor, et que c’était merveille qu’il n’avait offensé le médecin, lequel me conta l’histoire deux jours après, le 15 de décembre 1558. »

Voilà ce que raconte Monsieur de Villamont 13 :

« Près de Naples, nous trouvant au bord de la mer, joignant une montagne où l’on descend en la grotte qu’on appelle du roi Salar, nous y entrâmes avec un flambeau allumé, et cheminâmes jusqu’à l’entrée de certaine fosse, où notre guide s’arrêta, ne voulant passer outre. Lui ayant demandé la cause de cela, il répondit que cette entrée était très périlleuse et que ceux qui voulaient passer plus avant n’en retournaient jamais dire nouvelles aux autres. C’est ce qui était arrivé il y avait environ six ans (il racontait l’histoire au commencement de l’année 1589), au prieur de l’abbaye de Margouline, à un Français et à un Allemand, que l’on avait pourtant avertis. « Mais se moquant de mes avertissements, dit le guide, ils prirent chacun son flambeau pour descendre. Ce que voyant, je les y laissai entrer, sans vouloir aller en leur compagnie, les attendant toutefois à l’entrée. Comme je les attendais depuis déjà quelque temps, je me doutai incontinent qu’ils étaient morts, de sorte qu’étant retourné à Naples, je racontai l’aventure à plusieurs ; tant qu’enfin cela vint à la connaissance des parents du prieur, qui me firent constituer prisonnier, alléguant contre moi que je l’avais fait entrer dedans, ou du moins ne l’avais averti de l’inconvénient. Mais sur-le-champ, je prouvai le contraire et fus absous à pur et à plein. » Quelques jours après, on découvrit que ces trois étaient magiciens, avaient entrepris de descendre en cette fosse pour y chercher un trésor. »

 

 

 

LES ESPRITS FAMILIERS

 

« Plutarque, au livre qu’il a fait du démon de Socrate, tient, dit Bodin 14, comme chose très certaine l’association des esprits avec les hommes et dit que Socrate, estimé le plus homme de bien de la Grèce, disait souvent à ses amis qu’il sentait assidûment la présence d’un esprit, qui le détournait toujours de mal faire et de danger. Le discours de Plutarque est long et chacun en croira ce qu’il voudra, mais je puis assurer avoir entendu d’un personnage encore en vie l’an 1580 qu’il y avait un esprit qui l’assistait assidûment, et qu’il commença à le connaître ayant environ trente-sept ans ; combien ce personnage me disait qu’il avait opinion que toute sa vie l’esprit l’avait accompagné par les songes précédents et visions qu’il avait eus de se garder des vices et inconvénients. Toutefois il ne l’avait jamais aperçu sensiblement, comme il fit depuis l’âge de trente-sept ans : ce qui se produisit, comme il dit, ayant un an auparavant continué de prier Dieu de tout son cœur soir et matin à ce qu’il lui plût de lui envoyer son bon ange pour le guider en toutes ses actions. Avant et après la prière, il employait quelque temps à contempler les œuvres de Dieu, se tenant quelquefois deux ou trois heures tout seul assis à méditer et contempler, et chercher en son esprit, et à lire la Bible pour trouver laquelle de toutes les religions débattues de tout côté était la vraie. Il disait souvent ces vers du psaume 143 :

 

        Enseigne-moi comme il faut faire,

        Pour bien ta volonté parfaire :

        Car tu es mon vrai Dieu entier.

        Fais que ton esprit débonnaire

        Me guide et mène au droit sentier.

 

Il blâmait ceux qui prient Dieu qu’il les entretienne en leur opinion et, continuant cette prière et lisant les saintes Écritures, il trouve dans le livre des Sacrifices que le plus grand et le plus agréable sacrifice que l’homme de bien et entier peut faire à Dieu, c’est d’être par lui sanctifié. Il suivit ce conseil, offrant à Dieu son âme. Depuis il commença comme il m’a dit d’avoir des songes et visions pleines d’instructions : tantôt pour corriger un vice, tantôt un autre, tantôt pour se garder d’un danger, tantôt pour résoudre une difficulté, puis une autre, non seulement des choses divines, mais encore des choses humaines. Entre autres, il lui sembla avoir ouï la voix de Dieu en dormant, qui lui dit : « Je sauverai ton âme : c’est moi qui te suis apparu ci-devant. » Depuis, tous les matins, sur les trois ou quatre heures, l’esprit frappait à sa porte : il se levait parfois pour ouvrir sa porte, mais ne voyait personne. Tous les matins l’esprit continuait : et s’il ne se levait pas, il frappait derechef et le réveillait jusqu’à ce qu’il se fût levé. Alors il commença d’avoir crainte, pensant que ce fût quelque malin esprit. C’est pourquoi il continuait de prier Dieu, sans faillir un seul jour, que Dieu lui envoyât son bon ange, et chantait souvent les psaumes qu’il savait presque tous par cœur. Alors l’esprit se fit connaître en frappant doucement. Le premier jour, il perçut sensiblement plusieurs coups sur un bocal de verre, ce qui l’étonnait bien fort : et deux jours après, comme il dînait avec l’un de ses amis, il entendit l’esprit frapper sur un meuble tout proche. Il commença à rougir et à craindre ; mais il lui dit : « N’ayez point de crainte, ce n’est rien. » Pour le rassurer, toutefois, il lui conta la vérité du fait. Or il m’a assuré que depuis cet esprit l’a toujours accompagné, lui donnant un signe sensible, comme le touchant tantôt à l’oreille droite, s’il faisait quelque chose qui ne fût bonne, et à l’oreille gauche, s’il faisait bien. Et s’il venait quelqu’un pour le tromper et surprendre, il sentait soudain le signal à l’oreille droite ; si c’était quelque homme de bien, et qui vînt pour son bien, il sentait aussitôt le signal à l’oreille gauche. Et quand il voulait boire et manger chose qui fût mauvaise, il sentait le signal ; s’il doutait aussi de faire ou entreprendre quelque chose, le même signal se produisait. S’il pensait quelque chose mauvaise et qu’il s’y arrêtât, il sentait aussitôt le signal pour s’en détourner. Et quelquefois quand il commençait à louer Dieu par quelque psaume ou parler de ses merveilles, il se sentait saisi de quelque force spirituelle qui lui donnait courage. Et afin qu’il discernât le songe par inspiration d’avec les autres rêveries qui arrivent quand on est mal disposé ou que l’on est troublé d’esprit, il était éveillé de l’esprit sur les deux ou trois heures du matin ; et un peu après il s’endormait. Alors il avait les songes véritables de ce qu’il devait faire ou croire des doutes qu’il avait, ou de ce qui devait lui advenir. En sorte qu’il dit que depuis ce temps-là, il ne lui est arrivé presque aucune chose dont il n’ait eu avertissement, ni doute des choses qu’on doit croire, dont il n’ait eu résolution. Il est vrai qu’il demandait tous les jours à Dieu qu’il lui enseignât sa volonté, sa loi, sa vérité... Au surplus de toutes ses actions, il était assez joyeux et d’un esprit gai. Mais si en sa compagnie il lui arrivait de dire quelque mauvaise parole et de laisser pour quelques jours à prier Dieu, il était aussitôt averti en dormant. S’il lisait un livre qui ne fût bon, l’esprit frappait sur le livre pour le lui faire laisser, et était aussitôt détourné s’il faisait quelque chose contre sa santé, et en sa maladie gardé soigneusement...

Je lui demandai pourquoi il ne parlait point à l’esprit. Il me fit réponse qu’une fois il l’en pria, mais qu’aussitôt l’esprit frappa bien fort contre sa porte, comme d’un marteau, lui faisant entendre qu’il n’y prenait pas plaisir, et souvent le détournait de s’arrêter à lire et écrire pour reposer son esprit et à méditer tout seul.

 

 

Discrétion assurée...

 

Je lui demandai s’il avait jamais vu l’esprit en forme. Il me dit qu’il n’avait jamais rien vu en veillant, hormis quelque lumière en forme d’un rondeau, bien fort claire. Mais un jour qu’il était en grand péril, ayant prié Dieu de tout son cœur qu’il lui plût de le préserver, il aperçut, alors qu’il sommeillait encore, sur le lit où il était couché, un jeune enfant vêtu d’une robe blanche, changeant en couleur de pourpre, d’un visage de beauté merveilleuse. Une autre fois, étant aussi en danger extrême, se voulant coucher, l’esprit l’en empêcha, et ne cessa qu’il ne fût levé ; lors il pria Dieu toute la nuit sans dormir. Le jour suivant, Dieu le sauva de la main des meurtriers d’une façon étrange et incroyable. Après s’être échappé du danger, il dit qu’il entendait en dormant une voix qui disait : « Il faut bien dire qui en la garde du haut Dieu pour jamais se retire. »

 

 

 

LE ROYAUME DES FÉES

 

« Toutes les fées, dit M. Leroux de Lincy 15, se rattachent à deux familles bien distinctes l’une de l’autre. Les nymphes de l’île de Sein, principalement connues en France et en Angleterre, composent la première et aussi la plus ancienne, car on y retrouve le souvenir des mythologies antiques mêlé aux usages des Celtes et des Gaulois. Viennent après les divinités scandinaves, qui complètent en les multipliant les traditions admises à ce sujet. »

Pomponius Mela 16 nous apprend que « l’île de Sein est sur la côte des Osismiens ; ce qui la distingue particulièrement, c’est l’oracle d’une divinité gauloise. Les prêtresses de ce dieu gardent une perpétuelle virginité ; elles sont au nombre de neuf. Les Gaulois les nomment Cènes : ils croient qu’animées d’un génie particulier, elles peuvent, par leurs vers, exciter des tempêtes et dans les airs et sur la mer, prendre la forme de toute espèce d’animaux, guérir les maladies les plus invétérées, prédire l’avenir ; elles n’exercent leur art que pour les navigateurs qui se mettent en mer dans le seul but de les consulter. »

Telles sont, suivant M. Leroux de Lincy 17, « les premières de toutes les fées que nous trouvons en France et dont le souvenir, conservé dans nos plus anciennes traditions populaires, s’est perpétué dans les chants de nos trouvères et dans nos romans de chevalerie ; il se mêle aux croyances que le paganisme avait laissées parmi nous, et ces deux éléments confondus multiplièrent à l’infini ces fantastiques créatures. L’île de Sein ne fut bientôt plus assez vaste pour les contenir ; elles se répandirent au milieu de nos forêts, habitèrent nos rochers et nos châteaux, puis bien loin, vers le Nord, au-delà de la Grande-Bretagne, fut placé le royaume de féerie. Il se nommait Avalon.

On trouvait à Avalon ces simples précieux qui guérissaient les larges blessures des chevaliers. C’est là que fut porté Arthur après le terrible combat de Cubelin : “Nous l’y avons déposé sur un lit d’or, dit le barde Taliessin dans la Vie de Merlin par Geoffroi de Monmouth ; Morgane, après avoir longtemps considéré ses blessures, nous a promis de les guérir. Heureux de ce présage, nous lui avons laissé notre roi.” »

C’est dans cette île aussi que Morgane mena son bien-aimé Ogier le Danois pour prendre soin de son éducation. C’est encore là que fut porté Renoart, l’un des héros de la chanson de gestes de Guillaume au court nez :

 

        Avec Artur, avecques Roland,

        Avec Gauvain, avecques Yvant.

 

Là étaient Auberon et Mallabron, « ung luyton de mer », dit le roman d’Ogier ; et M. Maury pense que c’est dans cette île mystérieuse que fut conduit Lanval par la fée sa maîtresse.

Giraud de Cambrie place à Glastonbury, dans le Somersetshire, la situation de cette île enchantée, de cette espèce de paradis des fées. « Cette île délicieuse d’Avalon, dit le roman d’Ogier le Danois, dont les habitants menaient vie très joyeuse, sans penser à nulle quelconque méchante chose, pour prendre leurs mondains plaisirs. »

Le nom d’Avalon vient d’Inis Afalon, île des pommes, en langue bretonne, et l’on a expliqué cette qualification par l’abondance des pommiers qui se rencontraient à Glastonbury. Suivant M. de Fréminville 18, Avalon serait la petite île d’Agalon, située non loin du célèbre château de Kerduel, et dont les chroniqueurs font le séjour favori du roi Arthur.

 

 

Le séjour habituel des fées

 

Le fond des forêts et le bord des fontaines étaient le séjour favori des fées.

« Les fées, dit M. A Maury 19, se rendaient visibles près de l’ancienne fontaine druidique de Baranton, dans la forêt de Brocéliande.

“Là soule l’en les fées veoir”, écrivait en 1096 Robert Wace. Ce fut également dans une forêt, celle de Colombiers en Poitou, près d’une fontaine appelée aujourd’hui par corruption la font de scié, que Mélusine apparut à Raimondin 20. C’est aussi près d’une fontaine que Graelent vit la fée dont il tomba amoureux et avec laquelle il disparut pour ne plus jamais reparaître 21. C’est près d’une rivière que Lanval rencontra les deux fées dont l’une, celle qui devint sa maîtresse, l’emmena dans l’île d’Avalon, après l’avoir soustrait au danger que lui faisait courir l’odieux ressentiment de Genièvre 22. Viviane, fée célèbre dont le nom est une corruption de Vivlian, génie des bois, célébrée par les chants celtiques, habitait au fond des forêts, sous un buisson d’aubépine, où elle tint Merlin ensorcelé 23.

 

 

On leur doit les eaux minérales

 

Les eaux minérales, dont l’action bienfaisante était attribuée à des divinités cachées, à Sirona, à Vénus anadyomène, auxquelles on consacrait des ex-voto et des autels, furent regardées au Moyen Âge comme devant leur vertu médicale à la présence des fées. Près de Domrémy, la source thermale qui coulait au pied de l’arbre des fées et où s’était souvent arrêtée Jeanne d’Arc, en proie à ses étonnantes visions, avait jailli, suivant le dire populaire, sous la baguette des bonnes fées. C’est encore sous le même patronage que les montagnards de l’Auvergne placent les eaux minérales de Murat-le-Quaire. Les habitants de Gloucester, l’ancienne Kerloiou, prétendent que neuf fées, neuf magiciennes, veillent à la garde des eaux thermales de cette ville ; et ils ajoutent qu’il faut les vaincre quand on veut en faire usage. »

Une des principales occupations des fées, c’est de douer les enfants de vertus plus ou moins extraordinaires, plus ou moins surnaturelles.

« La nuit où l’enfant naquit, relate le Roman d’Ogier le Danois, les demoiselles du château le portèrent dans une chambre séparée, et quand il fut là, six belles demoiselles qui étaient fées se présentèrent : s’étant approchées de l’enfant, l’une d’elles, nommée Gloriande, le prit dans ses bras et, le voyant si beau, si bien fait, elle l’embrassa et dit : Mon enfant, je te donne un don par la grâce de Dieu, c’est que toute ta vie tu seras le plus hardi chevalier de ton temps. Dame, dit une autre fée, nommée Palestrine, certes voilà un beau don, et moi j’y ajoute que jamais tournois et batailles ne manqueront à Ogier. Dame, ajouta la troisième, nommée Pharamonde, ces dons ne sont pas sans péril, aussi je veux qu’il soit toujours vainqueur. Je veux, dit alors Melior, qu’il soit le plus beau, le plus gracieux des chevaliers. Et moi, dit Pressine, je lui promets un amour heureux et constant de la part de toutes les dames. Enfin, Mourgues, la sixième, ajouta : J’ai bien écouté tous les dons que vous avez faits à cet enfant, eh bien ! il en jouira seulement après avoir été mon ami par amour, et avoir habité mon château d’Avalon. Ayant dit, Mourgues embrassa l’enfant, et toutes les fées disparurent. »

 

 

L’intimité des fées

 

« Souvent, dit M. Leroux de Lincy 24, et principalement en Bretagne, au lieu d’attendre les fées, on allait au-devant d’elles, et l’on portait l’enfant dans les endroits connus pour servir de demeure à ces divinités. Ces lieux étaient célèbres, on doit le penser, et beaucoup de nos provinces ont consacré le souvenir de cette croyance dans la désignation de grottes aux fées que portent quelques sites écartés ou souterrains de leur territoire. »

Les fées aimaient à suborner les jeunes seigneurs, témoin ce chant de la Bretagne que rapporte M. de la Villemarqué 25 : « La Korrigan était assise au bord d’une fontaine et peignait ses cheveux blonds ; elle les peignaient avec un peigne d’or, car ces dames ne sont pas pauvres : Vous êtes bien téméraire de venir troubler mon eau, dit la Korrigan ; vous m’épouserez à l’instant ou pendant sept années vous sécherez sur pied, ou vous mourrez dans trois jours. »

Mélusine suborna ainsi Raimondin pour échapper au destin cruel que lui avait prédit sa mère Pressine.

« La beauté, dit M. Maury 26, est, il est vrai, un des avantages qu’elles ont conservés ; cette beauté est presque proverbiale dans la poésie du Moyen Âge ; mais à ces charmes elles unissent quelque secrète difformité, quelque affreux défaut ; elles ont, en un mot, je ne sais quoi d’étrange dans leur conduite et leur personne. La charmante Mélusine devenait, tous les samedis, serpent de la tête au bas du corps. La fée qui, d’après la légende, est la souche de la maison de Haro, avait un pied de biche d’où elle tira son nom, et n’était elle-même qu’un démon succube.

Le nom de dame du lac, dit le même auteur, donné à plusieurs fées, à la Sibylle du roman de Perceforest, à Viviane, qui éleva le fameux Lancelot, surnommé aussi du Lac, a son origine dans les traditions septentrionales. Ces dames du lac sont filles des meerweib-nixes qui, sur les bords du Danube, prédisent dans les Niebelungen l’avenir au guerrier Hagène ; elles descendent de cette sirène du Rhin qui, à l’entrée du gouffre où avait été précipité le fatal trésor des Niebelungen, attirait par l’harmonie de ses chants, que quinze échos répétaient, les vaisseaux dans l’abîme.

Les ondins, les nixes de l’Allemagne, attirent au fond des eaux les mortels qu’elles ont séduits ou ceux qui, à l’exemple d’Hylas, se hasardent imprudemment sur les bords qu’elles habitent. En France, une légende provençale raconte de même comment une fée attira Brincan sous la plaine liquide et le transporta dans son palais de cristal 27. Cette fée avait une chevelure vert glauque, qui rappelle celle que donnent les habitants de la Thuringe à la nixe du lac de Sal-Zung 28 ou celle qu’attribuent les Slaves à leurs roussalkis 29. Ces roussalkis, comme les ondins de Magdebourg 30, comme les korrigans de la Bretagne, viennent souvent à la surface des eaux peigner leur brillante chevelure. Mélusine nous est représentée de même peignant ses longs cheveux, tandis que sa queue s’agite dans un bassin. »

Plusieurs fées, dit encore M. A. Maury 31, sont représentées comme de véritables divinités domestiques. Dame Abonde, cette fée dont parle Guillaume de Paris, apporte l’abondance dans les maisons qu’elle fréquente 32. La célèbre fée Mélusine pousse des gémissements douloureux chaque fois que la mort vient enlever un Lusignan 33. Dans l’Irlande, la banshee vient de même, aux fenêtres du malade appartenant à la famille qu’elle protège, frapper des mains et faire entendre des cris de désespoir 34. En Allemagne, dame Berthe, appelée aussi la dame blanche, se montre comme les fées à la naissance des enfants de plusieurs maisons princières sur lesquelles elle étend sa protection... Dans les bruyères de Lunebourg, la klage weib annonce aux habitants leur fin prochaine. Quand la tempête éclate, que le ciel s’ouvre, quand la nature est en proie à quelques-unes de ces tourmentes où elle semble lutter contre la destruction, la klage weib se dresse tout à coup comme un autre Adamastor et, appuyant son bras gigantesque sur la frêle cabane du paysan, elle lui annonce par l’ébranlement soudain de sa demeure que la mort l’a désigné 35. »

 

 

Les dames blanches

 

Les historiens citent encore d’autres dames blanches, comme la dame blanche d’Avenel, la dona bianca des Colalto, la femme blanche des seigneurs de Neuhaus et de Rosenberg, etc.

On donne encore le nom de dames blanches aux fées bretonnes ou korrigans. Elles connaissent l’avenir, commandent aux agents de la nature, peuvent se transformer en la forme qui leur plaît. En un clin d’œil les korrigans peuvent se transporter d’un bout du monde à l’autre. Tous les ans, au retour du printemps, elles célèbrent une grande fête de nuit ; au clair de lune elles assistent à un repas mystérieux, puis disparaissent aux premiers rayons de l’aurore. Elles sont ordinairement vêtues de blanc, ce qui leur a valu leur surnom. Les paysans bas-bretons assurent que ce sont de grandes princesses gauloises qui n’ont pas voulu embrasser le christianisme lors de l’arrivée des apôtres 36.

« On a aussi appelé dames blanches, dit Reiffenberg 37, d’autres êtres, d’une nature malfaisante, qui n’étaient pas spécialement dévoués à une race particulière ; telles étaient les witte wijven de la Frise, dont parlent Corneil Van Kempen, Schott, T. Van Brussel et des Roches. Du temps de l’empereur Lothaire, en 830, dit le premier de ces écrivains, beaucoup de spectres infestaient la Frise, particulièrement les dames blanches ou nymphes des anciens. Elles habitaient des cavernes souterraines, et surprenaient les voyageurs égarés la nuit, les bergers gardant leurs troupeaux, ou encore les femmes nouvellement accouchées et leurs enfants, qu’elles emportaient dans leurs repaires, d’où l’on entendait sortir quantité de bruits étranges, des vagissements, quelques mots imparfaits et toute espèce de sons musicaux. »

 

 

L’Aïa, nommée aussi Ambriane ou Caieta

 

L’Aïa, Ambriane ou Caieta est une fée de la classe des dames blanches, qui habite le territoire de Gaëte, dans le royaume de Naples, et qui y préoccupe autant l’esprit des personnes faites que celui des enfants. Comme chez la plupart des dames blanches, les intentions de l’Aïa sont toujours bienveillantes : elle s’intéresse à la naissance, aux évènements heureux et malheureux, et à la mort de tous les membres de la famille qu’elle protège. Elle balance le berceau des nouveau-nés. C’est principalement durant les heures du sommeil qu’elle se met à parcourir les chambres de la maison ; mais elle y revient encore quelquefois pendant le jour. Ainsi, lorsqu’on entend le craquement d’une porte, d’un volet, d’un meuble, et que l’air agité siffle légèrement, on est convaincu que c’est l’annonce de la visite de l’Aïa. Alors chacun garde le silence, écoute ; les cœurs battent ; on éprouve à la fois de la crainte et un respect religieux ; le travail est suspendu ; et l’on attend que la belle Ambriane ait eu le temps d’achever l’inspection qu’on suppose qu’elle est venue faire. Quelques personnes, plus favorisées ou menteuses, affirment avoir vu la fée, et décrivent sa grande taille, son visage grave, sa robe blanche, son voile qui ondule ; mais la plupart des croyants déclarent n’avoir pas été assez heureux pour l’apercevoir. Cette superstition remonte à des temps reculés, puisque Virgile la trouva existant déjà au même lieu.

 

 

ELFES

 

Les Alfs ou Elfes sont dans les pays du Nord les génies des airs et de la terre. Ils ont quelque ressemblance avec les fées. Leur roi Obéron, immortalisé par Wieland, est le roi des aulnes, Ellen König, chanté par Goethe.

« Je suis persuadé, disait Einard Gusmond, que les Elfes existent réellement, et qu’ils sont les créatures de Dieu ; qu’ils se marient comme nous, et reproduisent des enfants de l’un et l’autre sexe : nous en avons une preuve dans ce que l’on sait des amours de quelques-unes de leurs femmes avec de simples mortels. Ils forment un peuple semblable aux autres peuples, habitent des châteaux, des maisons, des chaumières ; ils sont pauvres ou riches, gais ou tristes, dorment et veillent, et ont toutes les autres affections qui appartiennent à l’humanité. »

« Chez les peuples septentrionaux, dit M. A. Maury 38, les Elfes ont été divisés en diverses classes suivant les lieux qu’ils habitent et auxquels ils président. On distingue les Dunalfenne, qui répondent aux nymphes monticolae, castalides des anciens, les Feldalfenne, qui sont les naïades, les hamadryades ; les Muntalfenne ou orcades ; les Scalfenne ou naïades ; les Undalfenne ou dryades. »

« On dépeint les Elfes, dit M. Leroux de Lincy 39, comme ayant une grosse tête, de petites jambes et de longs bras ; quand ils sont debout, ils ne s’élèvent pas au-dessus de l’herbe des champs. Adroits, subtils, audacieux, toujours malins, ils ont des qualités précieuses et surhumaines. C’est ainsi que ceux qui vivent sous la terre et qui veillent à la garde des métaux sont réputés comme très habiles à forger des armes. Ceux qui habitent l’onde aiment beaucoup la musique et sont doués de talents merveilleux en ce genre. La danse est le partage de ceux qui vivent entre le ciel et la terre, ou dans les rochers. Ceux qui séjournent en de petites pierres appelées Elf-mills, Elf-guarnor ont une voix douce et mélodieuse.

Chez les peuples scandinaves, les Elfes passaient pour aimer passionnément la danse. Ce sont eux, disait-on, qui forment des cercles d’un vert brillant, nommés Elf-dans, que l’on aperçoit sur le gazon. Aujourd’hui encore, quand un paysan danois rencontre un cercle semblable, aux premiers rayons du jour, il dit que les Elfes sont venus danser pendant la nuit. Tout le monde ne voit pas les Elfs-dans. Ce don est surtout le partage des enfants nés le dimanche ; mais les Elfes ont le pouvoir de douer de cette science leurs protégés en leur donnant un livre dans lequel ceux-ci apprennent à lire l’avenir.

Les Elfes demeurent dans les marais, au bord des fleuves, disent encore les paysans danois ; ils prennent la forme d’un homme vieux, petit, avec un large chapeau sur la tête. Leurs femmes sont jeunes, belles, et d’un aspect attrayant, mais par-derrière elles sont creuses et vides. Les jeunes gens doivent surtout les éviter. Elles savent jouer d’un instrument délicieux qui trouble l’esprit. On rencontre souvent les Elfes se baignant dans les eaux qu’ils habitent. Si un mortel ose approcher d’eux, ils ouvrent leur bouche, et atteint du souffle qui s’en échappe, l’imprudent meurt empoisonné.

Souvent, par un beau clair de lune, on voit les femmes des Elfes danser en rond sur les vertes prairies ; un charme irrésistible entraîne ceux qui les rencontrent à danser avec elles : malheur à qui succombe à ce désir ! car elles emportent l’imprudent dans une ronde si vive, si animée, si rapide qu’il tombe bientôt sans vie sur le gazon. Plusieurs ballades ont perpétué le souvenir de ces terribles morts. »

 

 

Les Nokkes

 

« Ces Elfes habitants des eaux s’appellent nokkes, chez les Danois. Beaucoup de souvenirs se rattachent à eux. Tantôt on croit les voir au milieu d’une nuit d’été, rasant la surface des ondes, sous la forme de petits enfants aux longs cheveux d’or, un chaperon rouge sur la tête. Tantôt ils courent sur le rivage, semblables aux centaures, ou bien sous l’apparence d’un vieillard, avec une longue barbe d’où l’eau s’échappe, ils sont assis au milieu des rochers.

Les nokkes punissent sévèrement les jeunes filles infidèles, et quand ils aiment une mortelle, ils sont doux et faciles à tromper. Grands musiciens, on les voit assis au milieu de l’eau, touchant une harpe d’or qui a le pouvoir d’animer toute la nature. Quand on veut apprendre la musique avec de pareils maîtres, il faut se présenter à l’un d’eux avec un agneau noir, et lui promettre qu’il sera sauvé comme les autres hommes et ressuscitera au jour solennel. »

 

 

P.-L. JACOB.

 

Recueilli dans Le monde de la magie,

Robert Laffont, 1980.

 

 

 

 

 

 



1MAURY (Alfred), Les Fées du Moyen Âge, recherches sur leur origine, leur histoire et leurs attributs, pour servir à la connaissance de la mythologie gauloise. Paris, Ladrange, 1843, in-12, p. 76.

2FRET, Chroniques percheronnes, t. 1, p. 67. L’auteur du Petit Albert rapporte l’histoire d’un de ces invisibles palefreniers qui, dans un château, étrillait les chevaux depuis six ans.

3VILLEGILLE (A. de la), Notice sur Chavagne en Paillers, p. 30. Mém. des antiq. de France, nouvelle série, t. VI.

4Suivant Shakespeare (Midsummer night’s dream, acte II), Robin Good Fellow est chargé de balayer la maison à minuit, de moudre la moutarde ; mais si l’on n’a pas soin de laisser pour lui une tasse de crème et de lait caillé, le lendemain le potage est brûlé, le feu ne peut pas prendre.

5Traité sur les apparitions des esprits. F. N. Taillepied, Paris, 1617, t. 1, p. 246.

6PLINE, I, VII, Epist. 27 et suiv.

7De mineral. subterran., p. 504.

8Traité sur les apparitions des esprits, t. I, p. 248.

9Traité sur les apparitions des esprits, pp. 128-130.

10Traité sur les apparitions des esprits, t. I, p. 251.

11Les Fées du Moyen Âge, op. cit., pp. 81-82.

12Démonomanie, livre III, chap. III, cité par GOULART, Thrésor des histoires admirables, t. II, p. 629.

13Voyages, livre I, chap. XXIII.

14Démonomanie, livre I, chap. II.

15Le Livre des légendes, introduction, par M. LEROUX DE LINCY, p. 170. Paris, Silvestre, 1836, in-8°.

16De situ orbis, livre III, chap. VI.

17Le Livre des légendes, introduction, p. 174.

18Antiquités de la Bretagne, Côtes-du-Nord, p. 19.

19MAURY (Alfred), Les Fées du Moyen Âge, op. cit.

20ARRAS (Jean d’), Histoire de Mélusine. Paris, 1698, in-12, p. 125.

21Poésies de Marie de France. Édit. Roquefort, t. 1, p. 537 ; lai de Graelent.

22Même ouvrage, t. II, p. 207 ; lai de Lanval.

23VILLEMARQUÉ (Th. de la), Contes populaires des anciens Bretons.

24Le Livre des légendes, introduction, p. 180.

25Chants populaires de la Bretagne, t. I, p. 4.

26Les Fées du Moyen Âge, op. cit., p. 53.

27KIRGHTLEY, The fairy Mythology, t. II, p. 287.

28BECHSTEIN, Der Sagenschatz und die Sagenkreise des Thuringeslandes, p. IV, p. 117. Meiningen, 1838, in-12. (Les nixes de ce lac enlevaient aussi les enfants, comme les korrigans de la Bretagne.)

29MAKAROFF, Traditions russes (en russe), t. I, p. 9.

30GRIMM, Traditions allemandes, t. I, p. 83.

31Les Fées du Moyen Âge, op. cit.

32PARIS (Guillaume de), De Universo, t. 1, p. 1037. Orléans, 1674, in-folio. (Cette dame Abonde paraît être la même que la Mab dont Shakespeare parle dans sa tragédie Roméo et Juliette. Elle se rattache à la Holda des Allemands.) Voyez ZIMMERMANN (G.), De Mutata saxonum veterum religione, p. 21. Darmstadt, 1839.

33ARRAS (Jean d’), Histoire de Mélusine, p. 310.

34CROKER (Crofton), Fairy Legends and Traditions of the South of Ireland. Londres, 1834, in-12, part. I, p. 228 ; part. II, p. 10.

35Spiels Archiv., II, 297.

36Voyez l’introduction des Contes populaires des anciens Bretons, par M. DE LA VILLEMARQUÉ, p. XL ; et Les Fées du Moyen Âge, par M. MAURY (Alfred), p. 39.

37Dictionnaire de la conversation, article Dames blanches.

38Les Fées du Moyen Âge, op. cit., p. 73.

39Le Livre des légendes, introduction, p. 160.

 

 

 

 

 

 

 

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