Un rayon de soleil

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Alphonse KARR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA religion est une belle chose ; c’est elle qui fait que l’homme trouve tant de force et de consolation en levant les yeux au ciel.

J’ai vu dans un grand danger un touchant exemple du courage et des ressources que les idées religieuses peuvent donner à l’homme.

J’avais accompagné des pêcheurs à la mer ; en partant, le temps était calme, et le ciel ne présentait aucune apparence de danger à un marin aussi peu expérimenté que moi.

Mais, vers le milieu du jour, le vent passa brusquement de l’est au sud-ouest, et nous livra à une horrible tempête.

Notre petit bâtiment était roulé par les lames, comme si c’eût été une coquille de noix. Après de vains et longs efforts, les matelots perdirent courage.

Le maître de l’équipage, suivant les indications de sa boussole, gouvernait sans résultats, attendu que tout le monde avait abandonné la manœuvre.

Lui-même ne tarda pas à voir qu’ils étaient perdus : il ôta son bonnet de laine et dit :

– Enfants, prions !

Mais le second lui dit :

– Pourquoi prier ? Voyez ces nuées qui touchent nos mâts et nous séparent du ciel ; nos prières n’arriveront pas jusqu’en haut.

Le maître allait répondre qu’une prière faite, même du fond de son cœur, n’est jamais perdue, lorsqu’il aperçut, entre les nuées noires qui pesaient sur la mer et obscurcissaient le jour, comme une tache d’un beau bleu pur.

À travers cette déchirure du nuage tombait un rayon de soleil sur la mer toute noire.

– Enfants, s’écria-t-il, voici ouverte une fenêtre du ciel ! Dieu voit ses pauvres créatures en danger ; il sait que nous avons des femmes et des enfants, et ce rayon de soleil est un de ses regards. Prions !

Alors, tous se tournèrent vers cette belle fenêtre du ciel, et adressèrent à la Vierge une courte et fervente prière.

Un rayon plus brillant encore sembla descendre et porter dans tous les cœurs l’espoir et la confiance d’avoir été entendus d’en haut.

Tout le monde se mit à l’œuvre avec un nouveau courage et des forces nouvelles. Quatre heures après, nous étions dans le port.

 

 

 

Alphonse KARR.

 

Recueilli dans Corbeille de légendes et d’histoire,

par l’abbé Allègre, 1888.

 

 

 

 

 

 

 

 

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