Les babioles

 

 

Mon petit garçon avec ses yeux pensifs

ses gestes et ses mots tranquilles de grande personne

m’a désobéi pour la septième fois,

et je l’ai frappé, je l’ai renvoyé

durement sans l’embrasser,

car sa mère qui était patiente est morte.

Puis j’ai eu peur que le chagrin l’empêche de dormir

et j’ai été le voir dans son lit,

mais il était dans un profond sommeil

paupières battues et cils encore mouillés

de son dernier sanglot.

Alors, ému, je l’ai embrassé

et mes larmes remplaçaient les siennes,

car sur une table tirée à son chevet

il avait mis à portée de sa main

une boîte de jetons et une pierre veinée de rouge,

un bout de verre usé par la plage

et six ou sept coquillages,

une bouteille avec des campanules,

et deux sous français, le tout rangé avec soin

pour consoler son pauvre cœur.

Et ce soir-là, dans ma prière,

j’ai pleuré, j’ai dit à Dieu :

Ah, quand à la fin nous serons couchés sans un souffle

et que, morts, nous ne te blesserons plus

tu te rappelleras de quelles babioles

nous avons fait nos joies

et comme nous avons peu compris

ta grande loi de bonté.

Alors tu ne seras pas moins père

que moi dont tu as pétri l’argile,

tu laisseras ta colère, tu diras :

Voyons, ce sont des enfants.

 

 

 

Coventry PATMORE.

 

Recueilli dans Dieu en poésie,

Présentation de Jean Grosjean,

Gallimard, Folio junior, 1984.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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