Dom Pedro Menino

 

 

LE marquis avait trois fils, trois fils avait le marquis, le roi les fît appeler que chacun s’en vînt à son tour, le plus âgé pour le vêtir et le second pour le chausser et le plus jeune de tous trois, pour être le barbier du roi.

La princesse qui le vit, de lui se sentit éprise. Quand le roi connut telle chose, il ordonna qu’il périrait. Il le fit mettre en une tour pour y rester jusqu’à sa mort.

Passait un chasseur allant à une chasse royale.

– Que faites-vous ici, dom Pedro, mon cousin ?

– On me destine à la potence, demain matin je dois mourir, pour une parole d’amour qu’à la princesse j’ai dite.

Alors s’en fut le chasseur à la chasse royale.

– Je vous apporte des nouvelles, qu’il me coûte de vous donner, car, condamné à la potence, votre fils doit mourir demain.

Dès qu’elle eut entendu cela, elle se hâta de partir, et ses suivantes et ses femmes avaient peine à l’accompagner, avec ses habits sur son bras, n’ayant pris temps de les passer.

– Que faites-vous ici, mon fils, dans une si triste prison ?

– Condamné à la potence, demain matin je dois mourir pour une parole d’amour qu’à la princesse j’ai dite.

– Tenez, prenez cette viole, chantez, en vous accompagnant, cette chanson que votre père chantait au jour de la Saint-Jean.

– Dieu peut-il faire une femme ayant un cœur aussi dur ! Son fils bientôt va mourir, elle lui ordonne de chanter :

« Oh ! quel jour c’est que le jour, que le beau jour de la Saint-Jean, quand jeunes gens avec leurs dames, ensemble se vont promener, les uns portent œillets et roses, les autres portent basilics. Ah ! qu’il est triste pour moi d’être dans une aussi sombre prison, où je ne puis point voir briller le si doux rayon du soleil. »

Le roi qui s’allait promenant, soudain arrêta son cheval.

– Quelle voix divine est-ce là ? Ici qui peut chanter ainsi ? Ou ce sont les anges dans le ciel ou les sirènes dans la mer.

– Ce ne sont anges dans le ciel, ce ne sont sirènes en mer. C’est dom Pedro Pequenino que mon père veut voir mourir, moi je le voudrais pour mari, si mon père me l’accordait.

– Vite que vienne le geôlier et qu’il le mette en liberté, prends-le, ma fille, pour mari, puisque Dieu le veut de la sorte.

 

 

 

Théodore Boudet, comte de PUYMAIGRE,

Choix de vieux chants portugais,

traduits et annotés par

le comte de Puymaigre,

1881.

 

 

 

 

 

 

 

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