Dona Maria

 

 

J’ÉTAIS la fille d’un roi et m’appelais dona Maria ; j’aimais un capitaine, à cause du bien qu’il me voulait. Mon père, quand il le sut, rendit ma vie très dure ; il me donnait le pain par once et me mesurait l’eau.

Le roi fit publier par toute la ville que calfats et charpentiers eussent à se réunir le jour même, afin de construire un vaisseau pour emmener dona Maria. Les calfats étaient nombreux, ils eurent fini le jour même ; on mit dans le vaisseau des vivres pour sept ans et un jour, on mit la nef en mer sans voiles et sans rames. Dona Maria était dedans sans nulle compagnie. Elle arriva à une terre où il n’y avait nulles gens, si ce n’est un ermite pieux qui menait une sainte vie.

– Qui t’a conduite ici, femme, pour la perte de mon âme ?

– Continue, pieux ermite, à mener ta sainte vie. Ce vent, qui m’a menée ici, pourra me remmener. Souffle, vent, souffle ; obéissez, vagues, conduisez-moi dans mon pays, c’est ce que je souhaite.

Le roi, étant à la fenêtre à l’heure de midi, vit entrer un navire sans voiles et sans rames.

– Dites-moi, quel est ce vaisseau qui entre sans ma permission ?

– C’est votre fille, seigneur, appelée dona Maria.

– Puisque c’est ma fille, je la veux aller visiter. Dis-moi, toi, ma fille, comment tu as traversé les mers ?

– Les mers me rendaient honneur, les vents me faisaient courtoisie et les anges venaient la nuit pour me tenir compagnie. Ils partaient avec le soleil et revenaient le lendemain, et la Vierge m’appelait sa servante Maria.

 

 

 

Théodore Boudet, comte de PUYMAIGRE,

Choix de vieux chants portugais,

traduits et annotés par

le comte de Puymaigre,

1881.

 

 

 

 

 

 

 

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