La pèlerine

 

 

DU haut de ces montagnes vertes descendait une pèlerine. Nulle autre plus honnête et belle en pèlerinage n’alla. Elle portait longue jupe qui aux herbes s’accrochait. Son chapeau rabattu cachait de bien jolis yeux. Un chevalier va derrière elle, à mauvais dessein il la suit. Pour tant qu’il pressât le pas, il avait peine à la rejoindre, si bien qu’il ne put l’atteindre avant un bois d’oliviers qui touche à un ermitage. La pèlerine effrayée s’appuie à l’arbre béni : – Je te prie, chevalier, par Dieu et sainte Marie, n’attente pas à mon honneur en ce saint pèlerinage. – Le chevalier, qui est pervers, n’entend à Dieu ni à raison. Emporté d’un désir bestial, il veut assouvir son amour. Ils luttèrent bras à bras, ce fut une lutte acharnée. La pèlerine, plus faible, enfin par terre fut jetée. En tombant, à sa ceinture elle aperçut un poignard. Elle l’arracha de force et dans son cœur lui planta. Aussitôt le sang noir jaillit, le sang noir coulait à flots. – Pèlerine, je t’en supplie, par Dieu et la Vierge Marie ! Dans ton pays n’en parle pas. Au moins ne va pas te vanter de la façon dont tu punis l’affront que je te voulais faire. – J’en parlerai dans ton pays, je me vanterai dans le mien d’avoir tué un vil coquin avec les armes qu’il portait. – Elle tire la corde de la cloche et la cloche retentit : – Au nom de Dieu, je vous demande, bon ermite de l’ermitage, d’avoir pitié de ce méchant dont l’âme vient de partir. Au corps donnez terre bénite, qu’à l’âme Dieu fasse pardon.

 

 

 

Théodore Boudet, comte de PUYMAIGRE,

Choix de vieux chants portugais,

traduits et annotés par

le comte de Puymaigre,

1881.

 

 

 

 

 

 

 

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