Bénissez le Seigneur !

 

 

Auprès de Nazareth, au bord de la piscine,

La Vierge vint laver les langes de Jésus.

Or, une pauvre femme était là, sa voisine,

Qui lui dit, reprenant ses travaux suspendus :

 

« De ce ruisseau, ma sœur, connaissez-vous l’histoire ?

Ce n’était qu’un ravin au temps de la moisson ;

Le plus petit oiseau n’y trouvait pas à boire ;

Des troupeaux maintenant y plongent leur toison.

 

« Ses flots semblent créer des édens dans leur course,

Et sous les feux du soir redoubler de fraîcheur :

On dirait que quelque ange a remué leur source. »

La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Sa vertu bienfaisante en tout se manifeste :

Les arbres qu’il arrose en ont plus de vigueur :

Leurs fruits semblent mûris dans le jardin céleste. »

La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Alors que sa cavale ici se désaltère,

Le simoun n’a jamais surpris le voyageur,

Ni l’Arabe infesté sa route solitaire. »

La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Et, pour mettre le comble à ces choses étranges :

Mon enfant pâlissait : il reprend sa couleur

Depuis que dans ces eaux je viens laver ses langes. »

La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Toute la Galilée est pleine d’allégresse ;

Savez-vous d’où nous vient une telle faveur ?

Nos scribes, nos docteurs y perdent leur sagesse. »

La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

Elle aurait pu tout dire à la pieuse femme :

Marie à ce prodige avait longtemps rêvé ;

Mais le bruit du dehors n’allait pas à son âme,

Et le temps de son fils n’était pas arrivé.

 

 

 

Jean REBOUI.

 

Recueilli dans Bouquet à l’Immaculée,

Éditions Saint-Jean, 2004.