Zaïra

 

 

« D’où vient que vous aimez de la sorte ? demanda encore Sahid. – Nos femmes sont belles et nos jeunes gens sont chastes », répondit l’Arabe de la tribu d’Azra.

            (Ebn-Abi-Hadlah, manuscrits, 1461-1462. – Bibliothèque royale.)

 

 

Le couchant s’éteignait voilé ;

Un air tiède, comme une haleine,

Sous le crépuscule étoilé

Flottait mollement sur la plaine.

 

L’Arabe amenait ses coursiers

Devant ses tentes entrouvertes.

Les platanes et les palmiers

Froissaient leurs longues feuilles vertes.

 

Son menton bruni dans la main,

Tout amoureusement penchée,

La jeune fille, un peu plus loin,

Sur une natte était couchée.

 

Ses yeux noirs, chargés de langueur,

De leurs cils ombraient son visage.

– Devant elle, le voyageur

Arrêta son cheval sauvage ;

 

Et, se courbant soudain, il dit :

« Allah ! comme vous êtes belle !

Veux-tu fuir ce désert maudit ?

Je t’aime, et te serai fidèle. »

 

L’enfant le regarda longtemps ;

Et, se soulevant avec peine :

« Tu n’es pas celui que j’attends,

Ô voyageur au front d’ébène !

 

« Un autre a déjà mon amour ;

Et mon amour, c’est tout mon être.

J’attends ici le giaour

Qui reviendra, ce soir, peut-être !

 

« Mais... ce collier d’ambre, veux-tu ?

Tiens ! prends ! et qu’Allah te conduise ! »

– La main sombre de l’inconnu

Tourmentait sa dague, indécise. –

 

« Ô perle du désert ! dis-moi :

Si le giaour infidèle

Ne s’en revenait plus vers toi ?

– Je te comprends bien, lui dit-elle :

 

« Mais je m’appelle Zaïra.

Va, mon cœur l’aimerait quand même :

Je suis de la tribu d’Azra ;

Chez nous on meurt lorsque l’on aime ! »

 

 

 

Auguste de VILLIERS DE L’ISLE-ADAM.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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