Citations et extraits

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Georges DESVALLIÈRES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaque maître a trouvé une manière particulière de peindre. Ce qui est commun à tous, c’est une petite graine très mystérieuse que Dieu a cachée en eux, et qu’ils ont développée comme ils ont pu bien plus que comme ils l’ont voulu.

 

Georges DESVALLIÈRES, Réponse à

l’Enquête sur l’art chrétien, de Louis DIMIER,

Revue d’action française, 1912-1913.

 

Recueilli dans L. DIMIER,

Faits et idées de l’histoire des arts,

Bloud et Gay, 1923, p. 243.

 

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Il faut se résigner à cette constatation que l’art est une des manifestations les plus mystérieuses de l’humanité. La peinture ce sont des lignes et des tons auxquels on met une âme. Seuls les artistes peuvent faire ce miracle. C’est une sorte de présence réelle.

 

L’art est tellement d’essence religieuse, que ce sont les paroles des grands saints qui vous viennent à l’esprit quand on cherche à l’éclaircir. Et pour expliquer la parole de Michel-Ange : « Toute œuvre d’art est dévote », et pour lui donner son vrai sens, je pense au fameux : « Aimez et faites ce que vous voudrez », de saint Augustin. Je dirais encore aux peintres : « Soyez artistes et faites ce que vous voudrez. » Mais qu’est-ce qui fait l’artiste ? L’amour. Quel amour ? L’amour divin.

 

Voyez alors combien un être ayant le sens de l’amour divin et ne croyant pas en Dieu peut errer dans la vie et dans son œuvre. Aux époques de fausse croyance, l’aspiration divine étant quand même la volonté de l’artiste, le côté dévot apparaîtra plus facilement; mais aux époques de non croyance, ces pauvres et grands artistes écriront leurs poèmes dans un langage barbare, fait de sons inintelligibles, de paroles grossières correspondant aux appétits de la brute, de mots très purs évoquant la foi passée. Le croyant a le droit de s’effarer devant de telles œuvres, et cependant, si les paroles sont peu édifiantes, la mélodie en sera toujours et forcément élevée, puisque c’est aux sphères divines que même involontairement l’auteur aura puisé son inspiration.

 

Georges DESVALLIÈRES, Réponse à

l’Enquête sur l’art chrétien, de Louis DIMIER,

Revue d’action française, 1912-1913.

 

Recueilli dans L. DIMIER,

Faits et idées de l’histoire des arts,

Bloud et Gay, 1923, p. 243.

 

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Jamais un artiste n’a songé à rejeter la beauté visible; mais il y a toutes sortes de beautés. Chaque œuvre d’art est un reflet, un rayon, un fragment de la divine perfection. Et ces beautés ne sont jamais découvertes par tout le monde. Il faut les lui montrer, à tout le monde, pour qu’il les voie. Il faut même souvent les lui imposer. Aux époques de foi, ces découvertes sont plus facilement admises, car elles sont sanctifiées par les divinités qu’elles représentent matériellement (ainsi s’explique la vogue d’un Greco); mais aux époques comme la nôtre, le conflit est bien plus violent. C’est la nuit complète. Et, si d’aventure quelque pauvre artiste, quelque pauvre croyant, veut tirer quelque malheureuse étincelle de son briquet, la surprise est telle que l’on crie à l’attentat. Le petit éclat brillant donne l’effet d’une bombe. Si un artiste ne peint pas les Vierges avec l’onction de pinceau de M. X..., ou les Christ avec le style de M. Y..., on le traite d’extravagant, et on lui reproche de ne pas s’appuyer sur les « communes ressources de l’art ».

 

Georges DESVALLIÈRES, Réponse à

l’Enquête sur l’art chrétien, de Louis DIMIER,

Revue d’action française, 1912-1913.

 

Recueilli dans L. DIMIER,

Faits et idées de l’histoire des arts,

Bloud et Gay, 1923, p. 243.

 

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Le visage authentique du Christ ne m’intéresse pas, le pittoresque historique. Le véritable Christ, c’est dans notre cœur que nous le trouvons. Nous sommes en lui, il est en nous; si nous sommes bien vrais, nous ne pouvons pas le trouver ailleurs. On m’a reproché de lui donner ma ressemblance, mais c’est fatal.

 

Georges DESVALLIÈRES.

 

Desvallières au Saulchoir,

conversations rapportées

dans la Vie intellectuelle,

25 septembre 1933.

 

Recueilli dans Les créateurs et le sacré,

par Camille Bourniquel et

Jean Guichard-Meili,

Cerf, 1956.

 

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Nos grands maîtres du moyen âge n’ont pas craint de prendre le vice à la gorge pour nous le présenter dans toute sa violence et son horreur : et la vertu s’exaltait à la hideur du vice. On ne craignait pas de regarder l’ennemi en face, on l’attaquait vaillamment, dût-on en recevoir quelques horions. La vertu était héroïque alors. Je voudrais que mes artistes le fussent.

 

La peinture religieuse ne peut exister qu’en s’appuyant sur la nature, en creusant la nature, en arrachant au corps humain, à la figure humaine, sa ressemblance avec Dieu. Idéaliser, au sens chrétien, ne veut pas dire atténuer certains défauts, les cacher. Ces défauts, les vices mêmes, il faut, au contraire, les regarder bien en face et les disséquer jusqu’à ce que l’on y trouve le grain d’or sacré. C’est tout l’effort de l’artiste.

 

Plus on est croyant, plus il faut tout affronter, tout oser, tout risquer, pour retrouver cette étincelle divine, ce que nous chercherons dans la laideur, dans la platitude, nous le chercherons dans la beauté mondaine, malsaine, dans la beauté grecque, et nous inclinerons toutes ces beautés, toutes ces laideurs aux pieds de N. S. J.-C.

 

L’art du Moyen Âge n’est pas le résultat d’une éducation plastique, c’est la fleur d’un développement intellectuel, développement que seul le dogme catholique a pu et pourra donner.

 

Or, pourquoi ne le donne-t-il plus ?

 

Pourquoi, tout au contraire, assistons-nous à un affaissement de l’intelligence ? Le croyant moderne, en effet, ne se plaît qu’aux œuvres les plus mièvres et l’artiste catholique bien approprié à l’esprit des croyants ne donne que des œuvres pitoyables. Pourquoi ?

 

Je trouve l’explication de cette décadence dans ce fait que si nous restons croyants de sentiment, par sensiblerie, la partie forte de notre être a perdu la vision de Dieu. Et cela parce que l’on a négligé de nous le faire découvrir. On nous a imposé Dieu; nous l’avons accepté par habitude, quand ce n’était pas par paresse, mais on ne nous l’a pas fait trouver en développant également notre cœur et notre intelligence et l’on a réussi à atténuer ce cœur et cette intelligence.

 

En un mot, l’éducation religieuse s’appuie bien moins sur l’amour du bien que sur la peur du mal.

 

La peur. L’un des visages du démon.

 

Est-ce que les Apôtres avaient peur du mal ?

 

Est-ce que les Docteurs avaient peur de la controverse ?

 

Est-ce que les martyrs avaient peur des coups ?

 

Aujourd’hui si l’on ne donne plus de coups, c’est surtout que l’on n’aimerait guère en recevoir.

 

Aujourd’hui on interdit les mauvaises lectures, c’est bien; mais fait-on de bons livres ? Ce serait mieux. Et ainsi à fuir éperdument le mal, on fait moins passionnément le bien.

 

Il en va de même au point de vue artistique. Dans les écoles officielles, les professeurs font une telle chasse aux... défauts, que les qualités qui ne peuvent se présenter que toutes imparfaites chez les jeunes gens se trouvent invariablement fauchées, dès leur apparition. Ces maîtres oublient la parabole de l’ivraie, qu’il faut laisser librement pousser pour en faire plus sûrement le départ un jour sans risquer de perdre les fruits de la bonne semence.

 

D’ailleurs tout est si profondément bouleversé dans le domaine des arts, que c’est parmi les peintres « les plus avancés », les moins croyants, que nous retrouverons la trace des règles plastiques qui ont fait la grandeur de nos ancêtres.

 

Ces règles que les besoins de leur foi, les exigences de la construction, ont fait découvrir aux artistes du Moyen Âge, elles se retrouvent aujourd’hui aux mains de certains intransigeants « cubistes » ou autres.

 

Mais ces artistes ne savent pas employer leur trouvaille. Ils ont beau retourner en tous sens la graine rencontrée dans la vie, ils ne pourront l’amener à fleurir; ils ignorent qu’elle n’atteint son complet développement qu’au contact chaud des âmes chrétiennes. Et ces chercheurs s’égarent la boussole en main, ces malades se meurent en serrant dans leurs doigts affolés le remède à leurs maux...

 

Cependant que nous, pauvres catholiques anémiés, sans boussole et sans remède, nous agonisons perdus dans les fumées d’une sensiblerie qui caresse notre égoïsme, contente notre imagination, tout en négligeant la gloire et l’amour de Dieu.

 

Si donc je prends comme base d’éducation plastique la cathédrale avec toutes ses déformations humaines et toute son harmonie ornementale, qui en découle, et si je suis amené à penser que seuls les plus avancés de nos artistes matérialistes sont les héritiers des grands plastiques du XIIIe siècle, du coup je condamne toute une production artistique tendrement chérie de bien des catholiques.

 

Trouverai-je un théologien qui, dans son domaine, faisant table rase de tant de niaiseries modernes et modernistes, m’aidera dans une tentative qui ne peut réussir qu’avec un peu d’héroïsme de la part de ceux qui enseignent et de ceux qui appliqueront cet enseignement ?

 

 

Georges DESVALLIÈRES, Projet d’une école d’art

placée sous la protection de Notre-Dame de Paris.

Dans Notes d’art et d’archéologie

de la Société de Saint-Jean, juin 1912.

 

Cité dans Albert GARREAU, George Desvallières,

Les Amis de saint François, 1942, p. 88-94.

 

Recueilli dans Les créateurs et le sacré,

par Camille Bourniquel et

Jean Guichard-Meili,

Cerf, 1956.

 

 

 

 

 

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