Citations et extraits
par
Soren KIERKEGAARD
Si tu es, ô Dieu, comme une source, je suis l’homme près de la source.
Soren KIERKEGAARD, Journal.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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Celui qui voit souffrir son frère dans le besoin et lui ferme son cœur, il exclut Dieu de son cœur. L’amour de Dieu et celui du prochain sont comme deux portes qui ne peuvent être ouvertes et fermées qu’en même temps.
Soren KIERKEGAARD, Journal.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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J’ai remarqué de mieux en mieux que tous ceux que Dieu a vraiment aimés, les modèles, etc., ils ont tous dû souffrir dans le monde... De plus : que ceci est une doctrine de christianisme : être aimé de Dieu et aimer Dieu est souffrance.
Soren KIERKEGAARD, Journal.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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Comme le pêcheur quand il a jeté son filet se met à agiter l’eau, comme le chasseur avec tous ses rabatteurs parcourt le terrain, de même Dieu chasse les hommes à l’aide de l’inquiétude.
Le Christianisme est l’inquiétude, l’inquiétude la plus grande, la plus intense possible, on ne peut en imaginer une plus grande ; il veut inquiéter l’existence humaine dans son fondement, tout faire éclater, tout briser.
Là où doit naître un chrétien, il doit y avoir de l’inquiétude, et là où un chrétien est né, il y a de l’inquiétude.
Soren KIERKEGAARD, L'Écharde dans la chair.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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C’est par la foi qu’Abraham quitta le pays de ses pères et fut étranger en terre promise. Il laissa une chose, sa raison terrestre, et en prit une autre, la foi ; sinon, songeant à l’absurdité du voyage, il ne serait pas parti. C’est par la foi qu’il fut un étranger en terre promise où rien ne lui rappelait ce qu’il aimait, tandis que la nouveauté de toutes choses mettait en son âme la tentation d’un douloureux regret. Cependant, il était l’élu de Dieu, en qui l’Éternel avait sa complaisance ! Certes, s’il avait été un déshérité, banni de la grâce divine, il eût mieux compris cette situation qui semblait une raillerie sur lui et sur sa foi. Il y eut aussi dans le monde celui qui vécut exilé de sa patrie bien-aimée. Il n’est pas oublié, ni ses complaintes où, dans la mélancolie, il chercha et trouva ce qu’il avait perdu. Abraham n’a pas laissé de lamentations. Il est humain de se plaindre, humain de pleurer avec celui qui pleure, mais il est plus grand de croire, et plus bienfaisant de contempler le croyant.
C’est par la foi qu’Abraham reçut la promesse que toutes les nations de la terre seraient bénies en sa postérité. Le temps passait, la possibilité restait, Abraham croyait. Le temps passa, l’espérance devint absurde. Abraham crut. On vit au monde celui qui eut une espérance. Le temps passa, le soir fut à son déclin, et cet homme n’eut point la lâcheté de renier son espoir ; aussi ne sera-t-il jamais oublié lui non plus. Puis il connut la tristesse, et le chagrin, loin de le décevoir comme la vie, fit pour lui tout ce qu’il put et, dans ses douceurs, lui donna la possession de son espérance trompée. Il est humain de connaître la tristesse, humain de partager la peine de l’affligé, mais il est plus grand de croire et plus réconfortant de contempler le croyant...
Mais Abraham crut et garda fermement la promesse à laquelle il aurait renoncé s’il avait chancelé...
... Abraham, père vénérable ! Quand tu revins chez toi de Morija, tu n’eus aucunement besoin d’un panégyrique pour te consoler d’une perte ; car, n’est-ce pas, tu avais tout gagné, et gardé Isaac ?
Désormais, le Seigneur ne te le prit plus, et l’on te vit joyeux à table avec ton fils dans ta demeure, comme là-haut pour l’éternité. Abraham, père vénérable ! Des milliers d’années se sont écoulées depuis ces jours, mais tu n’as pas besoin d’un admirateur attardé pour arracher par son amour ta mémoire aux puissances de l’oubli ; car toute langue te rappelle – et pourtant, tu récompenses qui t’aime plus magnifiquement que personne ; tu le rends là-haut bienheureux en ton sein, et tu captives ici-bas son regard et son cœur, par le prodige de ton action. Abraham, père vénérable Second père du genre humain ! Toi qui le premier as éprouvé et manifesté cette prodigieuse passion qui dédaigne la lutte terrible contre la fureur des éléments et les forces de la création pour combattre avec Dieu, toi qui le premier as ressenti cette passion sublime, expression sacrée, humble et pure de la divine frénésie, toi qui as fait l’admiration de païens, pardonne à celui qui a voulu parler à ta louange, s’il s’est mal acquitté de sa tâche. Il a parlé humblement, selon le désir de son cœur ; il a parlé brièvement comme il convenait ; mais il n’oubliera jamais qu’il t’a fallu cent ans pour recevoir contre toute attente le fils de la vieillesse, et que tu as dû tirer le couteau pour garder Isaac ; il n’oubliera jamais qu’à cent trente ans, tu n’étais pas allé plus loin que la foi.
Soren KIERKEGAARD, Crainte et Tremblement.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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Car aimer Dieu sans avoir la foi, c’est se réfléchir en soi-même : mais aimer Dieu avec la foi c’est se réfléchir en Dieu. Telle est la cime où est Abraham.
Soren KIERKEGAARD, Crainte et Tremblement.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.
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Le Christ ne vint pas pour abolir la Loi mais seulement pour l’accomplir, de telle sorte qu’Elle existe désormais dans son accomplissement.
Oui, Il fut amour et son amour fut l’accomplissement de la Loi qui, avec la conscience, connaît toutes choses : « il n’y eut pas non plus la moindre tromperie, dans Sa bouche », mais tout en Lui fut vérité ; son amour entre l’exigence de la Loi et son accomplissement ne connut pas la distance d’un instant, d’un sentiment, d’une intention ; il ne dit pas comme le premier frère : « Non », ni comme l’autre : « Oui », car sa nourriture était de faire la volonté de son Père. Il ne faisait à ce point qu’Un avec le Père, avec chacune des exigences de la Loi, que l’accomplissement de la Loi était son désir propre, son unique besoin vital. L’amour en Lui était action constante. Il n’y eut pas un moment, pas un seul, dans sa vie où l’amour eût été simplement en lui un sentiment inactif qui cherche après un mot tout en laissant s’écouler le temps ; ou un état d’esprit qui s’arrête satisfait de lui-même auprès de lui-même, ne se fixant aucune tâche. Non, son amour fut action constante. Même les larmes qu’il versa n’occupèrent pas le temps ; car même si Jérusalem ignorait ce qui était utile à sa paix, lui le savait. Même si les parents endeuillés auprès du tombeau de Lazare ignoraient ce qui devait arriver, lui, néanmoins, savait ce qu’il devait faire. Dans les plus petites choses comme dans les plus grandes, son amour était toujours prêt. Il ne se concentra point en quelques moments solennels, comme si quelques heures déterminées de la vie quotidienne étaient placées en dehors des exigences de la Loi, il fut le même en tout instant, pas davantage lorsqu’il expira sur la croix qu’au moment où il accepta de venir au monde. Ce fut le même amour qui dit « Marie a choisi la meilleure part » et qui punissait ou absolvait Pierre d’un regard ; ce fut le même amour lorsqu’il accueillit ses disciples à leur retour joyeux, après qu’ils eurent fait des miracles en son nom ; et le même amour lorsqu’il les trouva dormant. Son amour ne réclama rien à un autre homme, ni son temps, ni sa force, ni son assistance, ni son service, ni son amour en retour. Car ce que le Christ réclama de chacun c’était uniquement le Bien de l’intéressé lui-même et il ne l’exigea que pour l’amour de l’autre ; aucun homme ne vécut avec lui qui s’aimât autant que le Christ l’aimait. Dans son amour il n’existait pas d’accord négocié, de concessions, de coterie avec un autre homme qui pût rivaliser avec les exigences infinies de la Loi ; le Christ en son amour ne réclama aucune exception pour lui, pas la moindre. Son amour ne fit aucune différence. Il ne fit même pas la plus tendre des différences, celle qui eût pu exister entre sa mère et le reste des hommes ; car il dit, désignant ses disciples : « C’est ceux-ci qui sont ma mère. » Et inversement il n’aimait pas ses disciples sous prétexte qu’ils représentaient quelque chose de particulier ; car son unique désir était que chacun pût devenir son disciple et il le désirait pour l’amour de chaque homme pris individuellement. Son amour ne fit pas non plus de différence entre ses disciples ; car son amour, à la fois divin et humain, était exactement le même à l’égard de tous les hommes ; il voulait les racheter tous et il était le même à l’égard de tous ceux qui voulaient se laisser sauver. Sa vie ne fut qu’amour.
Soren KIERKEGAARD, Vie et règne de l'Amour.
Traduction de P. Villadsen.
Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident,
choisis et présentés par Solange Lemaitre,
Plon, 1955.