Citations et extraits
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Nous avons de la matière une idée plus confuse encore et moins utilisable que celle que nous avons de l’esprit. (Mars 1901.)
La révolution sociale sera morale, ou elle ne sera pas. (Avril 1901.)
À moins d’avoir du génie, un homme riche ne peut pas imaginer ce qu’est la pauvreté. (Juin 1901.)
Le classique se reconnaît à sa sincérité, le romantique à son insincérité laborieuse. (Décembre 1901.)
À la plupart des grands théoriciens socialistes il a manqué d’être pauvre. (Février 1902.)
Presque toute la culture universitaire est de la fausse culture. (Avril 1902.)
Un homme qui tient dans une assemblée des propos qu’il ne peut pas tenir dans une autre où il fréquente n’est pas un honnête homme. (Novembre 1902.)
Une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas; qui ne s’estime pas; et tel est précisément le cas de la société moderne. (Octobre 1904.)
Un véritable savant, qui travaille dans son laboratoire, n’écrit point Science avec un grand S. (Octobre 1904.)
L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude. Les seuls démagogues ont intérêt à essayer de nous faire croire le contraire. (Novembre 1905.)
La vertu qui est devenue la plus rare dans les temps modernes : la fidélité. (Novembre 1905.)
Un homme qui a de la probité, manquant d’instruments, a beaucoup plus de chances d’avoir accès à quelque vérité qu’un homme qui n’a que des instruments, manquant de probité. (Novembre 1906.)
Tous les gens intelligents que nous connaissons, et cette engeance pullule à Paris en France, haïssent mortellement le génie et les œuvres du génie. C’est même le seul sentiment sincère qu’on leur connaisse. (Novembre 1906.)
Les vérités sont des personnes essentiellement compromettantes. (Novembre 1906.)
Ne pas prendre certaines positions, ne pas occuper certaines situations, c’est infailliblement en prendre ou en occuper d’autres. (Février 1907.)
Quand un pauvre homme a la probité dans la peau, il est perdu. J’entends perdu pour les grandeurs. De toutes les tares qui s’attaquent aux os même et aux moelles, celle-ci est peut-être encore la plus irrémissible et celle qui pardonne le moins. (Octobre 1907.)
On croit que c’est de l’amour paternel que de vouloir que la vie des enfants soit la prolongation de la nôtre. (Octobre 1910.)
Un mot est toujours plus grand que plusieurs mots. (Octobre 1910.)
Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. (Octobre 1910.)
Tout le monde a une métaphysique. Patente, latente... Ou alors on n’existe pas. Et même ceux qui n’existent pas ont tout de même, ont également une métaphysique. (Février 1913.)
Le plus beau métier du monde, après le métier de parent... c’est le métier de maître d’école et c’est le métier de professeur de lycée. (Février 1913.)
Que les instituteurs se contentent de ce qu’il y a de plus beau. Et qu’ils ne cherchent point à leur tour à exercer un gouvernement spirituel; et un gouvernement temporel des esprits. Ce serait aspirer à descendre. C’est à ce jeu précisément que les curés ont perdu la France. (Février 1913.)
Cessons de considérer comme contradictoires en elles-mêmes des qualités qui précisément ne sont contradictoires que dans les classements des intellectuels. (Avril 1914.)
Il y a des intellectuels de partout et il y a des intellectuels de tout. C’est-à-dire : il y a une immense tourbe d’hommes qui sentent par sentiments tout faits, dans la même proportion qu’il y a une immense tourbe d’hommes qui pensent par idées toutes faites. (Avril 1914.)
Homère est nouveau ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. (Avril 1914.)
Une grande philosophie n’est pas celle qui n’a pas de vide. C’est celle qui a des pleins. (Avril 1914.)
Le véritable philosophe sait très bien qu’il n’est pas institué en face de son adversaire; mais qu’il est institué à côté de son adversaire et des autres en face d’une réalité toujours plus grande et mystérieuse. (Avril 1914.)
C’est le propre du génie que de procéder par les idées les plus simples. (Avril 1914.)
Ce qu’il y a de plus contrarié au salut même, ce n’est pas le péché, c’est l’habitude. (Avril 1914.)
C’est un préjugé, mais il est absolument indéracinable, qui veut que de la raison raide soit plus de la raison que de la raison souple. Et surtout qu’une morale raide soit plus de la morale qu’une morale souple. C’est comme si on disait que les mathématiques de la droite sont plus des mathématiques que les mathématiques de la courbe. (Avril 1914.)
Pensées extraites du recueil
Pensées, Gallimard, 1934.