Citations et extraits
par
Vincent VAN GOGH
Tout ce qui est véritablement bon et beau, de beauté intérieure morale, spirituelle et sublime dans les hommes et dans leurs œuvres, je pense que cela vient de Dieu et que tout ce qu’il y a de mauvais et de méchant dans les œuvres des hommes et dans les hommes, cela n’est pas de Dieu et Dieu ne trouve pas cela bien non plus.
Mais involontairement je suis toujours porté à croire que le meilleur moyen pour connaître Dieu, c’est d’aimer beaucoup. Aimez tel ami, telle personne, telle chose, ce que tu voudras, tu seras dans le bon chemin pour en savoir plus long après, voilà ce que je me dis. Mais il faut aimer d’une haute et d’une sérieuse sympathie intime, avec volonté, avec intelligence, et il faut toujours tâcher d’en savoir plus long, mieux et davantage. Cela mène à Dieu, cela mène à la foi inébranlable.
Quelqu’un, pour citer un exemple, aimera Rembrandt, mais sérieusement, il saura bien qu’il y a un Dieu celui-là, il y croira bien.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, juillet 1880. T. I, p. 198.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Cherchez à comprendre le dernier mot de ce que disent dans leurs chefs-d’œuvre les grands artistes, les maîtres sérieux, il y aura Dieu là-dedans. Tel l’a écrit ou dit dans un livre, et tel dans un tableau.
Puis lisez la Bible tout bonnement, et l’Évangile, c’est que cela donne à penser et beaucoup à penser, et tout à penser. Hé bien, pensez ce beaucoup, pensez ce tout, cela relève la pensée au-dessus du niveau ordinaire, malgré vous. Puisque l’on sait lire, qu’on lise donc !
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, juillet 1880. T. I, p. 198.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Tu fais très bien de lire la Bible. Je commence par là, parce que je me suis toujours abstenu de te recommander cela. Involontairement, en lisant les citations multiples de Moïse, de saint Luc, etc., tiens, me dis-je, il ne lui manquait plus que cela, ça y est maintenant en plein... la névrose artistique. Car l’étude du Christ la donne inévitablement, surtout dans mon cas où c’est compliqué par le culottage de pipes innombrables.
La Bible, c’est le Christ, car l’Ancien Testament tend vers ce sommet. Saint Paul et les Évangélistes occupent l’autre pente de la montagne sacrée.
Que c’est petit cette histoire ! Mon Dieu, voilà. Il n’y a donc que ces Juifs au monde, qui commencent par déclarer tout ce qui n’est pas eux impur.
Les autres peuples sous le grand soleil de là-bas, les Égyptiens, les Indiens, les Éthiopiens, Babylone, Ninive, que n’ont-ils leurs annales écrites avec le même soin ! Enfin, l’étude de tout cela c’est beau, et enfin savoir tout lire équivaudrait à ne pas savoir lire du tout.
Mais la consolation de cette Bible si attristante qui soulève notre désespoir et notre indignation – nous navre pour de bon, tout outré par sa petitesse et sa folie contagieuse – la consolation qu’elle contient, comme un noyau dans une écorce dure, une pulpe amère, c’est le Christ.
La figure du Christ n’a été peinte comme je la sens que par Delacroix et par Rembrandt... et puis Millet a peint... la doctrine du Christ.
Le reste me fait un peu sourire, le reste de la peinture religieuse – au point de vue religieux, non pas au point de vue de la peinture. Et les primitifs italiens – Botticelli, disons les primitifs flamands, Van Eyck, allemands, Cranach, ce ne sont que des païens qui ne m’intéressent qu’au même titre que les Grecs, que Velázquez et que tant d’autres naturalistes.
Le Christ seul – entre tous les philosophes, magiciens, etc., – a affirmé comme certitude principale la vie éternelle, l’infini du temps, le néant de la mort, la nécessité et la raison d’être de la sérénité et du dévouement. Il a vécu sereinement, en artiste plus grand que tous les artistes, dédaignant et le marbre et l’argile et la couleur, travaillant en chair vivante. C’est-à-dire que cet artiste inouï et à peine concevable, avec l’instrument obtus de nos cerveaux modernes nerveux et abrutis, ne faisait pas de statues, ni de tableaux ni de livres : il l’affirme hautement, il faisait... des hommes vivants, des immortels. C’est grave ça, surtout parce que c’est la vérité.
Ce grand artiste n’a pas non plus fait de livres ; la littérature chrétienne, certes, dans son ensemble, l’indignerait, et bien rare sont dans celle-là les produits littéraires qui, à côté de l’Évangile de Luc, des épîtres de Paul – si simples dans leur forme dure et guerrière – puissent trouver grâce. Ce grand artiste – le Christ – s’il dédaignait d’écrire des livres sur les idées (sensations), a certes bien moins dédaigné la parole parlée – la Parabole surtout. (Quel semeur, quelle moisson, quel figuier ! etc.).
Et qui nous oserait dire qu’il en ait menti le jour où, prédisant avec mépris la chute des constructions romaines, il affirma : « Quand bien même ciel et terre passeraient, mes paroles ne passeront point. »
Ces paroles parlées – qu’en grand seigneur prodigue il ne daignait même pas écrire, sont un des plus hauts – le plus haut – sommets atteints par l’art qui y devient force créatrice, puissance créatrice pure.
Ces considérations, mon cher copain Bernard, nous mènent bien loin, bien loin ; nous élevant au-dessus de l’art même. Elles nous font entrevoir l’art de faire la vie, l’art d’être immortel-vivant. Elles ont des rapports avec la peinture. Le patron des peintres, – Saint Luc, médecin, peintre, évangéliste – qui a pour symbole, hélas ! rien que le bœuf, est là pour nous donner l’espérance.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Émile Bernard, juin 1888. T. IV, p. 209-210.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Ah ! il est sans doute sage, juste, d’être ému par la Bible ; mais la réalité moderne a tellement prise sur nous que même en cherchant abstraitement à reconstruire les jours anciens dans notre pensée, les petits événements de notre vie nous arrachent à ce même moment à ces méditations, et nos aventures propres nous rejettent de force dans les sensations personnelles – joie, ennui, souffrance, colère, ou sourire. La Bible ! la Bible ! Millet dès son enfance étant éduqué là-dedans, ne faisait que lire ce livre-là ! Et pourtant jamais, ou presque jamais, il ne fit de tableaux bibliques. Corot a fait un Jardin des Oliviers, avec le Christ et l’étoile du berger, sublime ; dans son œuvre on sent Homère, Eschyle, Sophocle aussi parfois comme l’Évangile ; mais combien discret, et prépondérant toujours les sensations modernes possibles communes à nous tous. Mais, diras-tu, Delacroix ? Oui !
Delacroix – mais alors tu aurais encore tout autrement à étudier, oui, étudier l’histoire, avant de mettre les choses à leur place comme ça. Donc, c’est un échec, mon brave, les tableaux bibliques ; mais il y en a peu qui se trompent comme ça, et c’est une erreur ; mais le retour de cela sera, j’ose croire, épatant ! C’est en se trompant qu’on trouve parfois le chemin.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Émile Bernard, décembre 1889. T. IV, p. 236.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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J’ai un besoin terrible de – dirai-je le mot – de religion – alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles, et je rêve toujours un tableau comme cela avec un groupe de figures vivantes des copains...
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, septembre 1888. T. III, p. 321.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Victor Hugo dit : Dieu est un phare à éclipse, et alors certes maintenant nous passons par cette éclipse.
Je voudrais seulement qu’on trouvât à nous prouver quelque chose de tranquillisant et qui nous consolât de façon que nous cessions de nous sentir coupables ou malheureux, et que tels quels nous pourrions marcher sans nous égarer dans la solitude ou le néant, et sans avoir à chaque pas à craindre ou à calculer nerveusement le mal, que nous pourrions sans le vouloir occasionner aux autres. Ce drôle de Giotto, duquel sa biographie disait qu’il était toujours souffrant et toujours plein d’ardeur et d’idées, voilà, je voudrais pouvoir arriver à cette assurance-là qui rend heureux, gai et vivant en toute occasion.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, septembre 1888. T. III, p. 322.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Je ne crois pas que ma folie serait celle de la persécution, puisque mes sentiments à l’état d’exaltation donnent plutôt dans les préoccupations d’éternité et de vie éternelle.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, octobre 1888. T. III, p. 350.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Je ne suis pas indifférent, et dans la souffrance même quelquefois des pensées religieuses me consolent beaucoup.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, 10 septembre 1889. T. III, p. 456.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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Il faut une certaine dose d’inspiration, de rayon d’en haut, qui n’est pas à nous pour faire les belles choses.
Vincent VAN GOGH.
Verzamelde brieven van Vincent Van Gogh, 4 vol.,
Amsterdam-Anvers, Wereldbibliotheek, 1952-1954.
– Lettre à Théo, 1er f.vrier 1888. T. III, p. 497.
Recueilli dans Les créateurs et le sacré,
par Camille Bourniquel et
Jean Guichard-Meili,
Cerf, 1956.
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