Citations et extraits

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Constantin LÉONTIEV

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

IL serait affreux et douloureux de penser que Moïse fit l’ascension du mont Sinaï, que les Hellènes bâtirent l’Acropole, que les Romains entreprirent les guerres Puniques, que le beau et génial Alexandre, coiffé de son casque empenné, franchit le Granique et combattit sous les murs d’Arbelles ; que les apôtres se vouèrent à la prédication, que les martyrs donnèrent leurs souffrances, les poètes leurs chants et les peintres leurs plus belles couleurs, que les chevaliers enfin brillèrent dans les tournois, pour que le bourgeois français, russe ou allemand, vêtu de son costume grotesque, pût se vautrer en fin de compte dans ce bonheur « individuel » ou « collectif » fait de toutes les ruines de la splendeur d’antan !... On rougirait d’être homme, si ce bas idéal de bien-être général, de travail mesquin et de prose ignominieuse, devait triompher pour toujours !

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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Toutes les idées de progrès sont primaires et grossières, elles sont à la portée de chacun. Tant qu’elles ne furent que l’apanage de quelques esprits d’élite, elles témoignèrent d’intelligence et de profondeur. Des hommes d’un grand savoir les ont ennoblies, grâce à leurs dons exceptionnels. Mais, en elles-mêmes, ces idées-là sont à la fois fausses, grossières et tout à fait repoussantes. Le bonheur terrestre est absurde et impossible ; le règne d’une justice universelle et égale pour tous, est pareillement une absurdité. Il est même une injustice et une insulte à l’égard de l’élite. En sa vérité, l’Évangile n’a pas promis la justice terrestre. Il n’a pas prêché la liberté juridique, mais seulement la liberté de l’esprit, laquelle est accessible même à ceux qui sont enchaînés. Les martyrs au nom de la foi ont existé sous le joug turc. Sous le régime de la Constitution belge, il n’y aura à peine que des bienheureux.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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Ô égalité haïssable ! Ô lâche monotonie ! Ô progrès trois fois maudit ! Ô montagne féconde, nourrie de sang, mais pittoresque, de l’histoire universelle ! Depuis le siècle dernier, te voilà déchirée par une naissance nouvelle, et tes entrailles martyres ont accouché d’une souris. Nous assistons à la venue au monde d’une caricature qui défigure l’image des anciens hommes : l’Européen rationnel moyen, avec son grotesque vêtement, que le miroir de l’art ne saurait même pas idéaliser ; un être à l’esprit mesquin qui se sustente d’illusions, frotté de vertu terrestre et de bonnes intentions pratiques ! Depuis le début de l’histoire, on n’avait point vu d’alliage plus monstrueux : jactance intellectuelle devant Dieu, et platitude morale devant l’idole humanitariste, uniforme et incolore. Humanité exclusivement travailleuse, impie, et dénuée de passions. Peut-on aimer une humanité pareille ? Ne doit-on pas haïr, non pas les hommes eux-mêmes, lesquels sont stupides et ont perdu le sens, mais l’avenir qu’ils se préparent ? Ne devons-nous pas le haïr de toutes les forces de notre âme, et même de notre âme chrétienne ?

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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Ils se sont tous assigné comme idéal dans l’avenir quelque chose qui leur ressemble : le bourgeois européen. Quelque chose de moyen : ni prêtre, ni paysan, ni seigneur, ni guerrier. On ne sera plus un Breton, ni un Basque ; un Tcherkesse, ni un Tyrolien ; un marquis en habit de velours et chapeau à plumes, ni un trappiste en cilice, ni un prélat en robe brochée... Les hommes ignorent et ne sauraient saisir les lois de la beauté ; car, toujours et partout, c’est précisément ce type moyen, qui est le moins esthétique, le moins expressif, le moins beau, le moins héroïque. Ces qualités-là, on ne les trouve que chez les individus qui sortent de la moyenne, les types extrêmes et complexes. Tout cela n’est pas scientifique, précisément parce que ce n’est pas artistique. C’est encore la mesure esthétique qui est la plus certaine, car elle seule a une portée générale, applicable à toutes les sociétés, à toutes les religions, à toutes les époques.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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L’évêque orthodoxe le plus cruel, et même le plus vicieux (à quelque race qu’il appartienne, et même s’il n’est qu’un Mongol baptisé), devrait à nos yeux avoir plus de prix que vingt démagogues et progressistes slaves.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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Notre génie populaire russe, d’essence païenne, a tendance à détruire l’armature chrétienne, à saper les bases du Christianisme. Ce trait nous est surtout sensible dans les manifestations que nous offrent nos sectes mystiques populaires. C’est grâce au Byzantinisme que s’est maintenue l’unité de notre religion. Trois éléments sont réellement forts chez nous : l’Orthodoxie byzantine, l’autocratie héréditaire et illimitée, et probablement la communauté rurale... Notre tsarisme, si fécond et salutaire pour nous, s’est fortifié sous l’influence de l’Orthodoxie, sous celle des idées et de la culture byzantine. Cet apport a consolidé la Russie à demi sauvage et il a fait d’elle un corps véritable... Sachons demeurer fidèles à cette consigne et nous pourrons résister aux assauts de l’Europe internationale, s’il lui venait un jour à l’idée – après avoir détruit tout ce qu’elle possédait de noble – de nous imposer la pourriture et la puanteur de ses lois nouvelles, son bien-être mesquin, et sa médiocrité radicale universelle.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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La société russe, déjà assez égalitaire par ses habitudes, va être entraînée plus vite que les autres peuples dans le chemin mortel de la confusion générale. Il se peut même (et comme les Juifs qui étaient sûrs de voir naître dans leur sein le maître d’une foi nouvelle), il se peut que nous voyions sortir l’Antéchrist de nos entrailles politiques. Notre politique, d’abord, ne distinguera plus les classes ; ensuite, elle s’affranchira en tout ou en partie du principe ecclésiastique.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

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Ils (les Slaves) s’évaporeront comme une simple bulle de savon. Ils s’abîmeront un peu plus tard que les autres races dans le giron de cette bourgeoisie occidentale si haïssable ; ils finiront par être piétinés (et ce sera bien fait) par l’invasion chinoise.

 

 

Extrait de Constantin Léontiev, par Nicolas Berdiaev,

Berg international, 1993.

 

Recueilli dans La Russie retrouve son âme,

numéro de juin 1967 de la revue La Table ronde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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