Travaux de la Société asiatique de Calcutta
Conformité des traditions orientales recueillies
par la société asiatique de Calcutta avec le récit de la Genèse 1.
L’académie de Calcutta, fondée en 1784, par le célèbre William Jones qui la présida le premier, attira dès ses commencements les regards de l’Europe savante, par l’importance des travaux auxquels se livrèrent ses membres et par les espérances qu’ils firent concevoir. On vit avec plaisir et avec un vif intérêt une société européenne transplantée sur le sol de l’Inde, pénétrer dans le sanctuaire de la religion et dans les archives des adorateurs de Brahma et faire tous les jours de nouveaux progrès dans des connaissances que l’on avait cru jusqu’alors inaccessibles.
Ce n’était encore rien pour les savants qui formèrent cette société de s’être transportés chez les peuples et dans les pays dont ils voulaient approfondir la géographie, les sciences et les arts. La connaissance de leurs langues sacrées et profanes, mortes ou vivantes, était indispensable pour y puiser des notions exactes sur tous ces objets, soit dans la lecture des ouvrages originaux, soit dans la conversation des hommes les plus éclairés de l’Inde. Ils entrèrent tous à l’envi dans cette carrière pénible où les succès n’étaient que des moyens. Sir William Jones leur donna l’exemple. C’était un de ces hommes qui sont destinés à faire faire un pas de plus à la science ; il connaissait à fond la plupart des langues anciennes et modernes de l’Orient, et il a laissé de nombreux ouvrages traduits du sanscrit 2. M. Wikins est un des premiers Européens qui aient su cette langue sacrée des Brahmanes, et son zèle a été couronné par le plus grand succès : il est souvent parvenu à expliquer des inscriptions que ne comprenaient pas les pandits les plus habiles ; et l’on doit à M. Halhed une très bonne grammaire de la langue du Bengale et la traduction du code des Gentoux. Beaucoup d’autres membres de la Société asiatique ont rendu de grands services à l’astronomie, aux mathématiques, à l’histoire naturelle et aux arts, par les Mémoires qui font partie des Recherches asiatiques.
Il paraît que très anciennement les Indiens ont eu des idées très saines et très justes en philosophie. Yavan-Atcharija, philosophe, qui peut-être avait conversé avec Pythagore, a laissé des écrits sur le système de l’univers, fondé sur les principes de l’attraction et sur la position centrale du soleil ; il existe en sanscrit un livre nommé Yavan-Djatika, titre qu’on pourrait traduire La secte Ionique, avec les principes de laquelle les siens ont beaucoup de rapport, et l’on sait que les Indiens appellent les Grecs Yavanas, les enfants de Yavan ou Javan.
Les principaux ouvrages des Indiens passent pour avoir été composes par les dieux ; il en a été fait des extraits par de saints personnages. On ne peut se dispenser de commencer par parler des Vedas ; ce sont les livres sacrés qui renferment tout ce qui a rapport à la religion, aux sciences et aux arts. Ces livres sont sortis des bouches de Brâhmah ; ils étaient très nombreux, mais le sage Vyasa les réduisit au nombre de quatre. Ils renferment cent mille stances.
Les commentaires des Védas sont innombrables ; celui de Vasichta est le plus célèbre. L’Oupoenicada est un extrait de ces livres sacrés : il a été traduit en latin par le savant Anquetil du Perron, qui l’a intitulé Oupnek’hat, titre de la traduction persane dont il s’était servi 3.
Les dix-huit Pouranas qui, selon l’Ain-Akbery, sont des étincelles de la sagesse de Vyasa, ont été donnés aux hommes pour leur instruction et leur amusement. Ce sont des commentaires nommés Oupapouranas.
Les lois de Menou, qui ressemble beaucoup au Minos des Grecs, sont renfermées dans ces dix-huit cadres et dans leurs commentaires. Le Kalpa est un des livres les plus respectés des Indous. Le Mimansa est encore un ouvrage divin venu de Brâhmah ; il traite de la morale, et des opinions des philosophes sur la nature de Dieu et du monde.
Les Indiens ont aussi des poèmes épiques qui remontent à une très haute antiquité. Les plus célèbres sont le Ramayana, où l’on célèbre les guerres et les conquêtes de Rama, et le Mahabharata, poème en cent vingt-cinq mille stances sur la famille et les guerres de Bharat, un des premiers rois des Indous. La tradition attribue le premier de ces poèmes à Valmiki, et le second à Vyasa 4.
Sir William Jones présida, tant qu’il vécut, la société littéraire qu’il avait fondée, et dont il était le plus bel ornement 5. Dans ses travaux il s’attacha à démêler l’origine des nations par l’analogie de leurs langues et de leurs usages. C’est là le sujet de plusieurs discours qu’il prononça annuellement dans des séances solennelles de la société : c’est, selon nous, la partie la plus intéressante des Recherches asiatiques. Il y indique les souches des nations qui ont peuplé la terre et les diverses branches qu’elles ont formées ; et il prouve que le genre humain a pris sa naissance dans les lieux désignés par le législateur des Hébreux.
William Jones, que son immense érudition n’avait fait que confirmer dans ses sentiments religieux, les avait cependant mis en quelque sorte à l’écart, en appréciant la chronologie indienne. Dans son discours prononcé le 28 février 1793, et placé à la tête du quatrième volume des Recherches asiatiques, il se félicite, à la vérité, de ce que le résultat des travaux de la société n’avait fait que prouver davantage le récit de Moïse sur l’origine du monde ; il ajoute ensuite : « Notre témoignage, sur ce point, mérite d’autant plus de confiance, que quand même le résultat de notre travail aurait été différent, nous l’eussions publié de même, et avec une égale franchise. La vérité doit l’emporter sur tout 6. »
William Jones n’avait rencontré dans les antiquités indiennes qu’un amas confus de fables absurdes et incohérentes, sans suite, sans liaison ; enveloppées d’allégories, qui les rendent encore plus inintelligibles. Si l’on y aperçoit par intervalles, ajoute-t-il, quelque faible éclat de lumière, c’est pour faire bientôt place aux ténèbres les plus profondes. Il n’en est point ainsi de la Bible ; elle a conservé le dépôt des archives du genre humain ; elle expose à nos yeux les premiers monuments de l’histoire des nations ; elle en suit la filiation. Ce n’est que par son secours qu’on a pu former un système suivi et raisonnable de chronologie, ainsi qu’en convenait le savant Fréret 7. Elle présente enfin une variété de compositions qui égalent et qui surpassent même les productions analogues qu’on rencontre chez les autres peuples.
« Les recherches théologiques, poursuit à ce sujet William Jones 8, me sont étrangères ; je ne puis cependant m’empêcher de dire que la collection d’ouvrages que nous appelons l’Écriture par excellence, contient, indépendamment de son origine divine, plus de vrai sublime, plus de beautés réelles, plus de moralité, plus d’histoires importantes et plus de traits sublimes de poésie et d’éloquence qu’on ne pourrait en rassembler dans le même espace et extraire des livres qui ont été composés dans tous les temps et dans tous les idiomes. Les deux parties qui composent le corps de nos livres saints sont unies entre elles par un genre de composition qui n’a aucune ressemblance ni pour la forme, ni pour le style, avec tout ce qu’on peut recueillir de la littérature grecque, indienne, persane, et même arabe. L’antiquité de ces compositions, l’application que l’on peut faire des oracles qu’elles contiennent aux évènements qui ont a suivi l’époque de leur publication, ne permettent pas de douter qu’elles ne fussent remplies de l’esprit prophétique, et conséquemment inspirées 9. »
William Jones fait voir que le chef de la nation indienne, celui qui peupla le vaste continent qu’elle occupe jusqu’à Ceylan, fut Rama, dont il est parlé dans la Genèse 10. Son nom fut conservé dans les livres indiens de la plus haute antiquité. On y trouve également des passages assez conformes à ce qui est dit dans la Genèse sur l’état de l’univers au moment de la création. Nous allons le prouver par quelques citations.
On lit dans le Padma-Pourana et dans les lois de Menou, fils de Brahma :
« L’univers n’existait que dans la pensée divine, d’une manière imperceptible, indéfinissable, non susceptible d’être découverte par l’entendement, comme si elle eût été enveloppée d’ombres 11, ou plongée dans le sommeil. Alors la puissance existante par elle-même créa le monde visible avec les cinq éléments et les divers principes des choses, étendit son idée, et dissipa les ténèbres 12, sans diminuer sa gloire. Celui que l’esprit seul peut apercevoir, celui qui n’a point de parties, celui dont l’essence ne peut être sentie par nos organes, celui qui existe de toute éternité, enfin LUI, l’âme de tout ce qui vit, est tout resplendissant de lumière. Quand il eut résolu de tirer tous les êtres de sa propre substance, de sa seule pensée il créa les eaux, et il mit dans leur sein un germe productif. Ce germe devint un œuf brillant comme l’or et plein de lumière ; dans cet œuf naquit la forme de Brahma, le père de tous les esprits. Les eaux furent d’abord appelées nara, parce qu’elles étaient produites par le nara ou l’esprit de Dieu, et comme elles furent aussi la matière sur laquelle le premier ayana, ou mouvement du créateur s’opéra, elles reçurent le nom de narayana, ou mouvement sur les eaux 13. Le premier mâle, celui que dans tous les mondes nomme Brahma, naquit de ce qui est, de la cause première ; la grande puissance créatrice resta inactive enfermée dans l’œuf pendant toute une année du créateur. Au bout de ce temps, l’œuf s’ouvrit de lui-même ; la moitié supérieure forma le ciel, et l’autre la terre, l’air eut sa place au milieu, de même que les huit régions et le réservoir des eaux, Brahma forma ensuite les créatures ; il leur appliqua des noms, et leur donna différentes dispositions pour vaquer à des occupations différentes. Il donna l’être au temps et à ses divisions, ainsi qu’aux étoiles, aux planètes, aux rivières, à l’océan, aux montagnes, aux plaines unies et aux vallées inégales, afin de pouvoir lui adresser des actions de grâces et des remerciements religieux pour sa volonté d’avoir donné l’existence à toutes les créatures savantes.
« Pour pouvoir distinguer les actions, il établit une différence totale entre le juste et l’injuste.
« Quand le souverain pouvoir divin, moitié mâle et moitié femelle, eut terminé l’œuvre de la création, il fut absorbé dans l’esprit de Dieu, changeant ainsi son temps d’énergie en temps de repos 14. »
Un des védas appelle le premier homme Adima, le premier ; il lui donne pour compagne une femme qu’il nomme Prakriti, qui, chez les Indiens, comme Héva chez les Hébreux, signifie la vie. Ils sont d’abord dans l’innocence et le bonheur, mais cet heureux temps dure peu ; les premiers parents se corrompent, les enfants deviennent encore plus méchants que les pères : Dieu s’irrite, il couvre les cieux de ténèbres, fait partir des pôles les éclairs et les tonnerres, élève les flots de la mer sur la surface de la terre, et engloutit le genre humain. Brahma échappé à la ruine générale repeupla l’univers 15.
S’il y a des traits nombreux de ressemblance entre cette cosmogonie et celle de la Genèse, nous allons voir qu’il en existe en plus grand nombre encore entre le déluge indien et celui décrit par Moïse.
« Les Hindous croient, dit sir William Jones, que sous le règne de Vaivasaouata, ou enfant du soleil, toute la terre fut submergée, et tout le genre humain détruit par un déluge, à l’exception de ce prince religieux, des sept rishis et de leurs épouses ; cette histoire est racontée avec autant de clarté que d’élégance, dans le huitième livre du Bhâgaouata, d’où je l’ai extraite et traduite avec beaucoup de soin. Je me bornerai à en présenter ici un abrégé.
« Le démon Hayagriva ayant soustrait les vedas à la vigilance de Brahma, tandis qu’il se reposait à la fin du sixième manaouantara, toute la race des hommes devint corrompue, hormis les sept rishis et Satyavrata, qui régnait alors à Dravira. Un jour que ce prince s’acquittait de ses ablutions dans la rivière Gritâmala, Vishnou lui apparut sous la forme d’un petit poisson, et, après avoir augmenté en stature dans divers fleuves, il fut placé par Satyavrata dans l’Océan, où il adressa ces paroles à son adorateur surpris : Dans sept jours un déluge détruira toutes les créatures qui m’ont offensé ; mais tu seras mis en sûreté dans un vaisseau merveilleusement construit. Prends donc des herbes médicinales et des graines de toute espèce, et entre sans crainte dans l’arche avec les sept personnages recommandables par leur sainteté, vos femmes et des couples de tous les animaux. Tu verras alors Dieu à la face, et tu obtiendras des réponses à toutes les questions. »
« Il disparut à ces mots et au bout de sept jours, l’Océan commença à submerger les côtes, et la terre fut inondée de pluies continuelles. Satyavrata, étant à méditer sur la divinité, aperçut un grand navire qui s’avançait sur les eaux. Il y entra après s’être exactement conformé aux instructions de Vishnou, qui, sous la forme d’un vaste poisson, permit que le navire fût attaché avec un grand serpent marin, comme avec un câble, à sa corne démesurée. Quand le déluge eut cessé. Vishnou tua le démon, recouvra les vedas, instruisit Satyavrata dans la science divine, et le nomma septième Menou, en lui donnant le nom de Vaivasaouata. »
« Comparons les deux récits de la création et du déluge avec ceux de Moïse, et voyons, dit William Jones, si la création décrite par le premier Menou, que les brahmanes appellent la création du lotus, n’est pas la même que celle qui est rapportée dans l’Écriture, et si l’histoire du septième Menou n’est pas la même que celle de Noé. Je laisse à d’autres le soin de déterminer si Adam est dérivé d’Adim, qui, en sanscrit, signifie le premier, ou Menou de Nouahh, véritable nom du patriarche que nous appelons Noé ; si le sacrifice que l’on dit avoir été honoré de la présence de Dieu, est une allusion à l’offrande d’Abel ; en un mot, si les deux Menous peuvent designer d’autres personnages que le grand procréateur et le restaurateur de notre espèce 16. »
Le savant auteur des Recherches sur les religions de l’antiquité, observe que l’histoire de Brahma est l’histoire du monde et de ses révolutions ; c’est en même temps, dit-il, l’histoire de l’homme, de sa chute et de ses longues erreurs, de ses transmigrations expiatoires et de son retour définitif dans le sein du Très-Haut 17.
« On voit dans les Vedas, dit un autre orientaliste 18, Vishnou prendre un corps mortel, et paraître sur la terre pour la sauver aussi bien que les hommes. Les Indiens donnent le nom d’avantaras à ces incarnations, ils en comptent dix principales. L’incarnation appelée Kali-avantaram, n’a pas encore eu lieu, mais elle est attendue, quoiqu’on ne désigne pas le temps, ni l’endroit où elle arrivera. Elle doit mettre fin au règne du péché, qui a commencé avec le Kali-Yuga. Ce sera sous la forme d’un Brahme que Vishnou naîtra ; il conversera avec ceux de sa race, fera régner la justice et la vérité sur la terre, la délivrera de tous les maux, offrira le sacrifice du cheval, et soumettra l’univers aux Brahmes. »
Les académiciens de Calcutta ont étudié attentivement la mythologie des peuples orientaux, et ils ont trouvé qu’elle rendait également hommage à Moïse. On savait qu’elle était passée de l’Égypte en Grèce, et de la Grèce en Italie ; mais on ignorait de qui les Égyptiens l’avaient empruntée. Cette découverte est due aux savants de la Société asiatique ; ils ont trouvé dans l’Inde les premiers caractères de toutes les mythologies, et ont remarqué d’ailleurs dans les livres sacrés des Brahmes, dans leurs liturgies, dans leurs monstrueuses divinités, des traits si ressemblants aux personnages et aux faits dont a parlé Moïse, que ces copies grossières et altérées ne permettent pas de se méprendre sur leur modèle, et décèlent évidemment la source primitive à laquelle on doit les rapporter 19.
Les mêmes traditions se trouvent chez les Perses. On voit dans leurs livres, Ormuzd, principe de tous les êtres, qui créa le monde en six temps. Il fit d’abord le ciel, puis l’eau, la terre, les arbres, les animaux ; l’homme et la femme furent les derniers ouvrages de la création. Placés dans un jardin, tous deux étaient destinés à être heureux, mais tous deux se laissent séduire par Ahriman, le grand serpent, le rusé 20, le menteur, et ils devinrent malheureux par leur désobéissance..... La mort a été introduite dans le monde par Ahriman, à cause du péché du premier homme ; mais la mort elle-même doit être vaincue par Ormuzd, ce Verbe de bonté, cette image resplendissante de l’infini. Ormuzd enverra un sauveur, le prophète Sosiosch, pour les préparer à la résurrection générale. À la fin des temps, tout reparaîtra comme au premier jour de la création ; Ahriman sera précipité dans l’abîme. Les montagnes décomposées s’écrouleront en torrents de feu, avec les métaux qu’elles renfermaient dans leur sein. Les âmes passeront à travers ces flots brûlants pour effacer leurs dernières souillures ; une ère de félicité sans fin commencera pour elles, et tout sera consommé 21.
Si nous parcourons les annales des Chinois, et principalement le Chou-King rédigé par Confucius, et qu’ils regardent comme la base inébranlable de leur histoire, nous y voyons l’univers tiré du néant par un être éternel appelé Jéhovah 22, la terre créée, toute la race des hommes issue d’un seul couple, le déluge 23 qui la submerge, une famille exceptée. On y parle de la pierre aux sept couleurs, ou de l’arc-en-ciel. On lit que Nin-Wa, ou Noé, vainquit l’eau par le bois, et se sauva dans un bateau 24 ; qu’une colonie des descendants de Nin-Wa vint s’établir dans le Chen-Si ; qu’elle avait pour chef le sage Yao, dont les premiers soins furent de procurer l’écoulement des eaux, et le dessèchement des vallées, de régler le temps de la culture, des semailles et des récoltes.
Les autres Kings fournissent des témoignages encore plus singuliers. Il y est parlé de l’état d’innocence, du paradis terrestre, de l’arbre de vie, du fruit défendu, de la chute de la femme, de la longue vie des patriarches, et même de la promesse d’un rédempteur.
Confucius dit expressément que le saint envoyé du ciel saurait toutes choses et qu’il aurait tout pouvoir au ciel et sur la terre. Il parle plusieurs fois dans ses ouvrages de ce saint homme qui doit venir 25.
William Jones n’est pas le seul des savants de la Société asiatique qui ait prouvé la supériorité des traditions hébraïques sur celles des Indiens. Il y a dans les recueils de Calcutta plusieurs mémoires sur la chronologie indienne, où l’on en démontre le ridicule et l’absurdité. Dans le nombre, on peut distinguer la dissertation du capitaine Wilford sur cette matière, et les remarques sur les ères et les époques principales des Indous, par sir John Bentley 26.
Le premier, le capitaine Wilford, remarque que lorsque Mégastène fut envoyé dans les Indes, peu après l’expédition d’Alexandre, les Indiens n’avaient pas encore imaginé les monstrueux systèmes de chronologie qu’on leur prête aujourd’hui. Sir Bentley ajoute que ce sont les Brahmes et les poètes qui ont dénaturé l’histoire par des allégories et des fictions. Ils ont imaginé des périodes astronomiques et poétiques qui n’ont rien de commun avec les périodes historiques : on les a cependant toutes confondues, et l’ignorance où l’on a été à cet égard a engendré ces ténèbres qui enveloppent l’histoire indienne, et les absurdités grossières dont elle fourmille.
Il nous serait facile d’ajouter une foule d’autres citations à celles que nous avons extraites des Recherches asiatiques. Mais nous aurons occasion de puiser de nouveau à une mine si abondante ; ce que nous venons d’en citer suffira pour faire comprendre à nos lecteurs l’immense importance de ce recueil, et combien les découvertes scientifiques qui y sont renfermées sont précieuses pour la défense de la religion. Nous n’hésitons donc pas à dire que l’établissement de cette académie au milieu des peuples stationnaires, superstitieux, et jusqu’à présent ignorés de l’Asie, a été aussi utile au christianisme qu’à la science. Nous croyons devoir ajouter ici le témoignage que rend à ses travaux un savant, un homme de génie.
« On a appelé en témoignage contre Moïse, l’histoire chronologique, l’astronomie, la géologie, etc. Les objections ont disparu devant la véritable science..... Tout le système des antiquités indiennes ayant été renversé de fond en comble par les utiles travaux de l’académie de Calcutta, et la simple inspection d’une carte géographique démontrant que la Chine n’a pu être peuplée qu’après l’Inde, le même coup qui a frappé sur les antiquités indiennes a fait tomber celles de la Chine, dont Voltaire surtout n’a cessé de nous assourdir..... L’Europe doit des actions de grâce à la Société anglaise de Calcutta, dont les honorables travaux ont brisé cette arme dans les mains des malintentionnés 27. »
Paru dans Annales de philosophie chrétienne en 1831.
1 Ces travaux sont consignés dans les Mémoires de la Société établie au Bengale pour faire des recherches sur l’histoire, les antiquités, les arts, les sciences et la littérature de l’Asie.
Cette précieuse collection, imprimée à Calcutta et réimprimée à Londres in-4o et in-8o, forme actuellement 17 vol. in-4o ; les deux premiers ont été traduits en français, et publiés en 1805 avec des notes de MM. Delambre, Cuvier et Langlès.
Les Archives littéraires de 1805 renferment plusieurs articles pleins d’intérêt sur William Jones, et sur les Recherches asiatiques ; nous nous en sommes servis pour faire connaître l’origine de la société de Calcutta.
2 On peut en avoir la notice dans la Biographie universelle.
3 Anquetil est mort en 1805. Ce savant estimable possédait presque toutes les langues anciennes, et principalement celles de l’Orient. Religion, philosophie, théologie, histoire, chronologie, toutes les sciences qui étaient nécessaires à ses travaux, avaient été l’objet de ses méditations. Il avait étudié les anciennes langues des Mèdes et des Perses, le Zend, le Pehlvi, le Parsis. La connaissance de ces langues lui permit d’entreprendre la traduction du Zend-Avesta et du Boundehesch, livres antiques dans lesquels on retrouve une partie de la doctrine de Zoroastre. Après dix ans de séjour dans l’Inde, Anquetil revint en France riche de travaux et de connaissances, et déclara hautement qu’il n’avait rien trouvé de contraire au récit de Moïse et au témoignage de l’Écriture-Sainte dans les plus anciens livres connus des Perses et des Indiens. Voir la préface du Zend-Avesta et la Biograph. univers.
Le major Reunell, auteur de deux savants ouvrages sur la géographie d’Hérodote et sur l’Histoire de l’Hindoustan, et l’un des collaborateurs les plus distingués de la Société asiatique de Calcutta, dans un des nombreux articles qu’il a composés pour cette société, fait la même déclaration. Il dit « qu’après avoir comparé, avec une grande attention, les doctrines des chrétiens et des Indiens, les ressemblances qu’il a trouvées entre elles, lui font affirmer, sans aucune hésitation, que toute l’histoire et les antiquités de l’Inde, confirment tout ce qui est dit et avancé dans les livres saints. » Biograp. des viv., Michaud 1817, art. Reunell.
4 Vyasa paraît être un personnage mythologique ; son nom signifie Compilateur. Quoi qu’il en soit, les Indiens le croient auteur de plusieurs ouvrages, et placent son existence vers le quatorzième ou le quinzième siècle avant notre ère. M. Hamilton, l’un des savants membres de l’académie de Calcutta, croit que Valmiki vivait avant Vyasa. Voyez Biog. univ.
5 Depuis les travaux de sir William Jones, les recherches de nos célèbre orientalistes, Saint-Martin, Abel Rémusat, Klaproth, et celles de M. Cuvier, ont mis hors de doute l’exactitude de la chronologie mosaïque.
Voir le témoignage de ce dernier dans notre numéro 6, page 386.
6 Recherches asiatiques, 10e discours.
7 Partout Fréret parle de Moïse comme du plus ancien et du plus respectable de tous les écrivains : partout il montre l’accord de l’histoire des anciens peuples, dans ce qu’elle a de mieux fondé, avec la vraie chronologie de l’Écriture. Voyez les mémoires de l’Académie des inscriptions, Traité sur la certitude et l’antiquité de la chronologie chinoise, 18e vol. in-4o.
8 Huitième discours annivers., Asiatik research., tom. III, pag. 15.
9 « À ne considérer les annales hébraïques que comme une œuvre purement humaine, la simplicité des formes les mettrait bien au-dessus et des Vedas des Indiens, et du Chou-King des Chinois, et du Zend-Avesta des Persans. Là seulement se trouvent des réponses populaires à toutes les grandes questions qui ont rapport à l’origine du mal, à l’âge du monde, à la vie des premiers hommes. Point de ces cosmogonies absurdes, si accréditées en Orient, point de voile, point de mystères, point de hiéroglyphes. Les attributs du créateur n’y sont pas personnifiés comme dans l’Inde et en Égypte. Le Dieu des Juifs est un Dieu indivisible, il a dit lui-même qu’il est celui qui est, c’est-à-dire qu’il n’y a point d’autre existence absolue que la sienne, et c’est dans ce sens qu’il est Dieu Jaloux. » Essai sur l’histoire de l’esprit humain, par M. Rio, tom. I, pag. 146, 1829.
10 Il y est nommé Regma, petit-fils de Cham, et l’un de ceux qui ont peuplé l’Orient. Voir ch. X, v. 7.
11 Et tenebræ erant super faciem abyssi. Gen., ch. I, v. 2.
12 Dixitque Deus : Fiat lux ; et facta est lux. Ibid. v. 3.
13 Et spiritus Dei ferebatur super aquas. Gen. ch. II, v. 2.
14 Et requievit die septimo ab universo opere quod patrarat. Gen. ch. II, v. 2.
Voir Asiatik-research., tom. V, p. 362 et 244. Tom. VIII, pag. 6, 10, 11, 13, 16, 21 à 32 et 56 de l’édit. in 8o.
15 Voir Religions de l’antiquité de Frédéric Crenzer, 1825, in-8o, tom. Ier, liv. Ier, chap. IV, pag. 254 et 180 ; et le Shaster.
16 Recherches asiatiques, tom. II, p. 171, traduction de Paris.
17 Symbolique de Creuzer, liv. Ier, chap. IV, édit. de 1825.
18 Mœurs et cérémonies des peuples de l’Inde, par J. Dubois, de la Société asiatique de Londres et de paris, 1815, tome II, page 402.
19 Voir Recherches asiatiques. Discours sur la mythologie des Indous, par sir William Jones.
20 Sed et serpens erat callidior cunctis animantibus terræ. Gen. ch. III, v. 2.
21 Vendidad fargard XIX. Hyde, hist. relig. veter. Pers. c. 10. Voyer aussi le Boundchesch traduit par Anquetil du Perron, et l’Histoire des religions de l’antiquité, de Creuzer, tome I, liv. II, chap. 2.
M. Silvestre de Sacy parle de ces traditions dans ses Mémoires sur diverses antiquités de la Perse, p. 95.
22 « Cette transcription si exacte du nom de Jéhovah, tout étranger qu’il est à la langue chinoise, est un point que, malgré la concision antique du langage, une critique savante a de nos jours suffisamment éclairci. » M. Rio, Essai sur l’histoire de l’esprit humain, tome I, page 60.
Voyez encore le savant Mémoire de M. Abel Rémusat sur Lao-Tseu, VIIIe vol. des Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
23 « Sous Yao, les eaux qui s’étaient élevées jusqu’au ciel, baignaient encore le pied des plus hautes montagnes, couvraient les collines moins élevées, et rendaient les plaines impraticables. » Chou-King, p. 9.
24 Bryant fait une remarque curieuse au sujet du déluge chinois. Il dit que le caractère de barque, chez ce peuple, est composé d’un croissant horizontal, de la figure d’une bouche, et du chiffre huit, et que le caractère qui signifie navigation heureuse est composé du trait qui signifie bouche, du chiffre huit et du trait qui signifie eau ; allusions manifestes, dit-il, aux huit personnes sauvées du déluge. Bryant, Analyse de l’ancienne mythologie.
25 Voir morale de Confucius et L’invariable milieu, chap. XXVII, § 1–5, page 94. M. Abel Rémusat, traducteur du dernier ouvrage, a prouvé que l’idée de la venue d’un saint était répandue à la Chine dès le 6e siècle avant l’ère vulgaire. Voyez surtout la note, page 160.
26 On les trouve dans le cinquième volume des Asiatic Research, édit. in-8o de Londres.
Sir Joseph Bentley démontre, dans son savant mémoire, que les tables astronomiques des Indiens, au lieu de trois mille ans avant Jésus-Christ qu’on voulait leur donner, ne remontent qu’à mille soixante-un ans avant Jésus-Christ. M. De la Place, dans son Exposition du système du monde, convient de la nouveauté de ces tables.