La papesse Jeanne
par
Charles BARTHÉLEMY
Parmi le nombre presque infini d’erreurs et de mensonges dont le champ de l’histoire est désolé ; parmi cette ivraie qui à tout instant menace de dévorer la vérité, il faut mettre en première ligne la tradition de la papesse Jeanne.
Erreur et mensonge à la fois, ce conte scandaleux est accueilli de nos jours encore avec une joie perfide par les libres penseurs et les incroyants ; quant aux catholiques, ils n’opposent à cette fable d’autres armes que celles du silence.
Au XVIIe siècle, il est vrai, une polémique engagée à propos de la papesse Jeanne, entre les catholiques et les protestants, eut pour résultat d’éclaircir et de réfuter d’une manière victorieuse ce vieux mensonge. Non seulement des savants catholiques, mais encore des érudits protestants du plus grand mérite, unis aux catholiques, réduisirent à néant cette monstrueuse invention.
Les protestants célèbres, dont le témoignage hors d’atteinte et de toute suspicion, a anéanti la vieille fable, sont (pour n’en citer que quelques-uns), Charnier, Dumoulin, Bochart, Basnage, Blondel, Jurieu, Burnet, Cave, Bayle, etc.
Nous avons dit que la tradition de la papesse Jeanne est à la fois une erreur et un mensonge historique.
C’est une erreur de la part des catholiques ; de la part des protestants en particulier, et de l’hérésie ou de l’incrédulité en général, c’est un mensonge.
Dirigée par le Christ, son fondateur, l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, forte des promesses de son divin instituteur, et surtout de celle-ci : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles », l’Église n’est pas responsable des fautes que quelques-uns de ses chefs ont pu commettre à certaines époques. Elle est fondée sur Dieu, non sur un bras de chair : le secret de sa durée au milieu des révolutions et des scandales de ce monde, elle le cherche et le trouve dans la promesse du Christ, qui soutient sa marche triomphante à travers les siècles.
Erreur dont la source est assez difficile à trouver, comme le principe de bien d’autres erreurs, la tradition de la papesse Jeanne a circulé dans toutes les vieilles chroniques ecclésiastiques, sans que l’Église s’en soit jamais émue. Ce n’est que du jour où le protestantisme a voulu s’en emparer et s’en faire une arme contre elle, que l’Église a élevé la voix et a confondu, par de savants apologistes, les projets téméraires de ses ennemis.
AEneas Sylvius, depuis pape sous le nom de Pie II, a le premier engagé la polémique ; il a été suivi par Onufre Panvini, Bellarmin, Serarius, Georges Scherer, Robert Persons, Florimond de Remond, Baronius, Allatius, Coëffeteau, Maimbourg, de Launoi, le Père Labbe et une foule d’autres.
La question, jugée et oubliée dès la fin du XVIIe siècle, fut reprise vers la fin du XVIIIe siècle, mais à peine renaissait-elle, que la grande catastrophe de 1789 l’étouffa au berceau.
Depuis, il y a de cela quelque trente ans, une monstrueuse compilation, ayant pour titre : Les crimes des Papes, des Rois et des Reines de France, etc., a repris et développé la vieille fable de la Papesse, le tout orné de gravures exécutées à grands frais.
On pouvait penser que la génération née à la fin du siècle dernier était la seule dépositaire de cette absurde invention, et qu’elle l’emporterait avec elle dans l’oubli du tombeau. Mais, les mensonges ne meurent pas ainsi : semblables à l’hydre antique, pour une tête qu’on leur abat, une autre, deux autres repoussent à l’instant, plus menaçantes que la première.
Ainsi, plus que jamais, la papesse Jeanne, et les mille détails scabreux de ce conte sont rajeunis. La papesse a de nouveaux champions ; nous avons entrepris de les combattre et de les vaincre.
Nous avons cru que le temps était venu de remettre en lumière les arguments par lesquels catholiques et protestants avaient ruiné cette fable, au XVIIe siècle. Nous osons penser que ce travail, résumé fidèle, impartial, de toutes les objections présentées contre un mensonge spécieux, est plus que jamais opportun, sinon pour ramener du mensonge les libres penseurs, au moins pour tirer de l’erreur les esprits de bonne foi, qui tombent dans le scandale ou dans le doute, faute de lumière.
Nous avons cité textuellement nos autorités, et nous avons pensé que c’était là le meilleur système dans ce genre de réfutation. Analyser simplement, c’eût été non seulement atténuer la force des arguments, mais encore faire soupçonner notre exactitude ; et nous ne voulions pas encourir le reproche capital d’avoir cherché à faire dire à nos autorités plus qu’elles n’avaient dit.
La vérité, toute la vérité, rien que la vérité, – telle a été et telle sera toujours notre devise.
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La papesse Jeanne a siégé, dit-on, entre les papes Léon IV (mort le 17 juillet 855) et Benoît III (élu le premier septembre 855).
Anastase le Bibliothécaire, contemporain de ce fait supposé, est cité en première ligne comme un témoin irrécusable de la fameuse Papesse. Cependant, il n’y a nulle apparence que cet auteur ait fait mention de cet évènement monstrueux. Il y a pourtant, dit-on, des manuscrits d’Anastase qui contiennent tout le conte vulgaire ; mais cela seul ne prouve rien, car on ne saurait disconvenir que les copistes ont ajouté beaucoup de choses étrangères aux ouvrages d’un auteur.
Panvini 1 assure que dans les « vieux Livres des Vies des Papes, écrits par Damase, par le Bibliothécaire et par Pandulphe de Pise, il n’est fait aucune mention de cette femme : seulement, à la marge, entre Léon IV et Benoît III, cette fable se trouve insérée par un auteur postérieur, en caractères divers, et du tout (entièrement) différents des autres. »
Blondel, qui avait vu à la Bibliothèque royale de France, un manuscrit d’Anastase, où se trouve l’histoire de la Papesse, a reconnu certainement que cet endroit-là était une pièce de rapport, cousue après coup. « L’ayant lu et relu, dit-il 2, j’ai trouvé que l’éloge de la prétendue Papesse est tissu des propres paroles de Martinus Polonus, pénitencier d’Innocent IV, et archevesque de Cosenza, auteur postérieur à Anastase de quatre cents ans, et de plus fort facile au débit de toutes sortes de fables. Car, afin que l’on ne puisse se figurer qu’il ayt transcrit, soit d’Anastase, soit d’aucun autre qui ayt vescu depuis l’an 900, ce qu’il a inséré dans sa Chronique, le discours qui se trouve aujourd’hui mal enchâssé dans celui d’Anastase, le justifie, tant par sa conformité avec l’idiome de Martinus Polonus, que par les choses qu’il suppose sans crainte qu’elles servent à la conviction de l’imposture. »
Blondel donne quelques exemples de ces choses, et enfin, il fournit une raison très solide ; c’est que le conte de la Papesse ne peut aucunement s’accorder avec le récit d’Anastase sur l’élection de Benoît III.
« Dans les éloges de Léon IV et Benoît III, tels que nous les donne le manuscrit de la Bibliothèque royale enflé du roman de la Papesse, se trouvent les mêmes termes qu’en l’édition de Mayence : d’où il s’ensuit nécessairement que (selon l’intention d’Anastase, violée par la témérité de ceux qui l’ont meslée de leurs songes), il est absolument impossible qu’aucun ayt tenu le Papat entre Léon IV et Benoît III ; car il dit qu’après que le prélat Léon fut soustrait de cette lumière, aussi tost (niox) tout le clergé, les notables et le peuple de Rome ont arresté d’élire Benoist : qui aussi tost (illico) ils ont esté le trouver, priant dans le titre de S. Calliste, et qu’après l’avoir assis sur le throne pontifical, et signé le décret de son élection, ils l’ont envoyé aux très-invincibles Augustes Lothaire et Louys : dont le premier (par la confession de tous les auteurs du temps) est mort le 29 septembre 855, 74 jours après le pape Léon 3. »
« N’est-il pas vrai, s’écrie Bayle 4 en cet endroit, que si nous trouvions dans un manuscrit que l’empereur Ferdinand II mourut l’an 1637, et que Ferdinand III lui succéda tout aussitôt, et que Charles VI succéda à Ferdinand II, et tint l’Empire pendant deux ans, après quoi Ferdinand III fut élu pour Empereur, nous dirions qu’un même écrivain n’a pas pu dire toutes ces choses, et qu’il faut de toute nécessité que les copistes aient joint ensemble sans jugement ce qui avait été dit par différentes personnes ? Ne faudrait-il pas qu’un homme fût fou ou ivre, ou qu’il rêvât, s’il narrait qu’Innocent X étant mort, on lui donna promptement pour successeur Alexandre VII, qu’Innocent XI fût pape immédiatement après Innocent X, et siégea plus de deux ans, et qu’Alexandre VII lui succéda ? Anastase le Bibliothécaire serait tombé dans une pareille extravagance, s’il était l’auteur de tout ce qu’on trouve dans les manuscrits de son ouvrage qui font mention de la Papesse. Disons donc que ce qui concerne cette femme-là est une pièce postiche, et qui vient d’une autre main. »
Sarrau, zélé protestant et homme instruit, porta le même jugement que Panvini 5, Blondel et Bayle sur le conte de la papesse Jeanne, après avoir examiné avec beaucoup d’attention le manuscrit de la Bibliothèque du Roi, consulté par Blondel. Il conclut de la narration qui s’y trouve touchant l’élection de Benoît III, faite aussitôt après la mort de Léon IV, que la fable de la papesse y a été cousue par un homme qui abusait de son loisir.
Parmi les raisons dont Sarrau appuie sa négation, une surtout nous semble sans réplique. La mention de la papesse Jeanne ne paraît pas dans le manuscrit précité d’Anastase, comme un fait dont cet auteur se rende garant : il se sert de l’expression vague : on assure que, etc., on dit que, etc. Un historien contemporain, établi à Rome, peut-il parler de la sorte touchant les aventures d’un Pape, aussi extraordinaires que celles-là 6 ?
Cette raison (à défaut d’autres) est si propre à persuader qu’Anastase n’a rien dit de la Papesse, que pour la détruire, elle et bien d’autres que nous passons, il ne suffit pas d’alléguer qu’il y a plusieurs manuscrits semblables à celui de la Bibliothèque du Roi 7. Il faudrait nécessairement montrer le conte dans l’original d’Anastase ; car, alors on aimerait mieux croire sur le témoignage de ses yeux que cet auteur s’était rendu ridicule en racontant des choses contradictoires, et en se servant follement d’un ouï-dire, que de raisonner ou de disputer.
On ne délie point le nœud quand on objecte qu’Anastase n’est point exact, et qu’il se trouve des variations et des contrariétés dans ses récits 8. N’est-il pas certain que cela ne tire point à conséquence pour les choses qui se sont passées sous ses yeux ? Ceux qui parlent des siècles passés, consultent plusieurs écrits, en prennent de l’un une chose et de l’autre une autre. Voilà pourquoi, s’ils n’ont pas du jugement, ils mettent ensemble des faits qui s’entre-détruisent ; mais cela ne leur arrive point à l’égard des évènements frais et nouveaux, et aussi notoires que l’installation des papes.
« Pour ce qui est de ceux qui prétendent que les particules mox et illico ont été fourrées par une autre main dans le texte d’Anastase 9, il faut leur répondre, dit Bayle 10, qu’avec un semblable échappatoire on secouerait le joug de tous les témoins qui incommodent, et que l’on réduirait toute l’histoire à un Pyrrhonisme épouvantable. Une raison particulière et très-forte nous défend ici d’admettre la conjecture de ces gens-là, c’est que nous avons des preuves fondées sur des passages de quelques auteurs contemporains, par lesquelles il paraît que Benoît III a été le successeur immédiat de Léon IV, et que l’intervalle entre la mort de l’un et l’installation de l’autre a été petit 11 ; c’est pourquoi la raison veut que l’on suppose qu’Anastase s’est servi des particules en question. »
Examinons une chose dont on fit, au XVIIe siècle, un grand bruit et qui n’était fondée que sur les conversations de Saumaise.
« Marc Velser, dit Blondel, l’un des principaux magistrats d’Augsbourg, ayant envoyé l’an 1601, aux jésuites de Mayence, le manuscrit d’Anastase, pour le faire mettre sous la presse ; ils prièrent Marquard Freher, conseiller de son Altesse Électorale à Heidelberg, de les aider en ce sujet ; sous la promesse qu’ils faisaient de donner au public de bonne foy ce qui leur serait communiqué, il leur envoya deux manuscrits d’Anastase, où la vie de la prétendue Papesse se trouvait. Mais ces messieurs se contentant de faire tirer deux exemplaires de cette sorte, ils supprimèrent dans le reste de l’édition ce qui leur avait été fourni ; tellement qu’il n’a point paru, et monsieur Freher a esté contraint de se plaindre, par une espèce de manifeste imprimé, du tour qui luy avait esté joué 12. »
Voilà ce que Blondel avait ouï dire à Saumaise, en 1640 13.
« J’avais un très particulier regret, continue Blondel 14, de ce que personne ne pouvant monstrer ni l’escrit de monsieur Freher contre les Jésuites, ni les exemplaires qu’ils avoient fait imprimer pour luy, ni enfin ceux qu’il avoit fournis de la bibliothèque d’Heidelberg, qui sans doute ont esté ensevelis dans les ruines du Palatinat, ou transportés par les Bavarois où il leur a plu, nous demeurions privez du moyen d’apprendre ce qu’ils pouvoient contenir. »
Rivet 15, Sarrau 16, Desmarets 17, Spanheim 18 et Boëcler 19, auteurs protestants, avaient ouï dire la même chose à Saumaise, et ils n’ont pas manqué, sur son témoignage, d’accuser publiquement les Jésuites de Mayence d’avoir commis un faux manifeste.
Admettons, pour un moment, que Saumaise ait tenu le propos qu’on lui attribue ; il reste à savoir si sa mémoire, quelque bonne qu’elle fût, ne le trompait point. Quoi qu’il en soit, si le conte de Saumaise était vrai, nous aurions ici, comme le remarque très bien Bayle, un des plus étranges prodiges qui aient jamais paru dans le genre humain.
Les Jésuites auraient commis une fraude insigne dans un point controversé entre les catholiques et les protestants. Marquard Freher, vilainement pris pour dupe dans cette affaire, s’en serait plaint au public, et aurait eu les moyens les plus faciles et les plus incontestables que l’on puisse souhaiter quand on veut couvrir de honte un trompeur que l’on déteste. Il eût pu montrer à tout le monde la conformité des manuscrits avec les deux exemplaires dont on lui eût fait présent, et la différence qui se serait trouvée entre ces deux exemplaires et les autres ; et néanmoins il n’y aurait eu aucun auteur qui eût fait mention de cette insigne et publique fourberie des Jésuites.
Du Plessis Mornai, qui avait des correspondances dans tout le monde protestant, et des relations particulières avec le Palatinat, n’aurait rien su de cette lettre imprimée de Marquard Freher ; car il n’en a point parlé dans le chapitre de la papesse Jeanne 20.
Rivet, l’homme du monde le plus curieux en toutes sortes de livres de controverse, n’aurait pas été mieux instruit que Du Plessis en réfutant Coeffeteau qui avait nié l’histoire de cette Papesse.
Conrard Decker, publiant un livre dans le Palatinat pour soutenir cette histoire, aurait ignoré l’aventure de l’édition d’Anastase.
Un certain Ursin, qui se dormait la qualité d’Anti-Jésuite, et qui publiait dans le même pays divers ouvrages très satiriques contre la Société, n’aurait rien dit de cette aventure.
David Pareus, professeur à Heidelberg, qui était perpétuellement aux prises avec les Jésuites, et nommément avec quelques Pères du collège de Mayence, les eût épargnés sur ce point-là !
Jamais les disputes entre les Protestants et les Jésuites ne furent aussi violentes, surtout en Allemagne, que pendant les trente premières années du XVIIe siècle ; cependant, parmi une infinité de traités de controverse et de libelles, qui parurent contre les Jésuites dans cet intervalle de temps, il ne s’en trouve aucun qui leur ait reproché l’imposture de l’édition d’Anastase.
D’où peut venir une débonnaireté si universelle ?
Se serait-on fait une loi à Heidelberg, depuis l’édition d’Anastase en 1602, jusques à la ruine de la bibliothèque en 1622, de ne montrer à personne les deux exemplaires dont les Jésuites avaient fait présent, et d’empêcher les confrontations ? Tout le monde s’accorda-t-il à jeter au feu la plainte publique de Marquard Freher, et même à en perdre le souvenir ? D’où vient que Saumaise, le seul qui n’ait pas eu le don d’oubliance, ne parla jamais de cette fourbe dans les ouvrages qu’il publia, trop content d’en entretenir ses amis en conversation ?
Les questions que l’on pourrait faire sur ce sujet sont infinies. Le Père Labbe en a poussé quelques-unes d’une façon et avec des termes victorieux contre Desmarets 21. Ce sont des questions qui se présentent d’elles-mêmes, et pourtant aucun des auteurs protestants précités, qui ont publié ce que Saumaise leur avait dit de vive voix sur les suites de cette édition de Mayence, ne s’est jamais avisé de lui proposer aucun de ces doutes. Spanheim, qui connaissait les questions du Père Labbe, n’y a jamais rien répondu.
Donc, de deux choses l’une : ou Saumaise a dit une imposture, ou bien (ce que nous aimons mieux croire pour l’honneur de l’illustre commentateur) ce conte est un de ces mille absurdes propos, comme on n’en a jamais que trop prêtés aux hommes qui ont joui d’une certaine réputation. Les recueils d’Ana comme le Scaligerana et le Menagiana, pour ne citer que deux exemples connus, fourmillent presque à chaque page d’aussi étranges assertions que celle que l’on prête à Saumaise.
Mais quand même tout ce que Saumaise raconte serait certain, ce ne serait pas une chose dont on pût tirer quelque conséquence pour le fond de la question ; car ce qui a été observé à l’égard du manuscrit de la bibliothèque du Roi n’aurait pas moins de vertu contre celui de la bibliothèque Palatine. On dirait sur le même fondement que l’histoire de la Papesse a été cousue à l’un et à l’autre, et ainsi l’on conclurait qu’Anastase n’en est point l’auteur.
Nous verrons plus loin de quelle force peut être ici le silence des auteurs contemporains.
Le témoignage d’Anastase, contemporain de la papesse Jeanne, étant ainsi écarté, examinons ce qu’il faut penser du dire de Marianus Scotus, second auteur allégué pour prouver la vérité de la fameuse Papesse.
On a cru longtemps que Marianus Scotus, qui a vécu deux cents ans après Anastase, est le premier qui ait parlé de la Papesse. Quelques auteurs prétendent le contraire, et en tout cas ce qu’il en a dit est fort peu de chose ; car il s’est contenté de marquer à l’an 853, que Jeanne femme succéda au Pape Léon IV durant deux ans, cinq mois, quatre jours 22.
Citons d’abord Coeffeteau : « Plusieurs doctes personnages, qui tiennent Marianus Scotus pour assez bon chroniqueur, soupçonnent les Luthériens d’avoir falsifié l’exemplaire dont ils se sont servis pour l’imprimer ; car il est certain que ce conte ne se trouve point ès vieux exemplaires. Et Mireus, chanoine d’Anvers, personnage sçavant, particulièrement bien versé en l’histoire, qui n’agueres a fait imprimer le Sigebert, assure qu’il a un vieil exemplaire de Marianus, écrit en parchemin, que le révérend abbé de Gembloux, nommé Ludovicus Sombechus, luy a envoyé, dans lequel cette fable de la prétendue Papesse n’a point esté inserée, ny au texte, ny à la marge. Ce qu’avoit aussi témoigné celuy qui a fait imprimer à Cologne, le Krantzius. Mesme Serarius dit avoir vu à Francfort un manuscrit entre les mains de Latomus qui le luy montra, où ce conte est rapporté non absolument, comme porte celuy de Basle, que le calviniste Heroldus a imprimé, mais selon le bruit commun, ut asseritur 23. »
L’édition de Marianus, donnée par Heroldus, fut faite sur le manuscrit de Jean Latomus, doyen de Saint-Barthélemi, à Francfort. Or, de l’aveu du jésuite Serarius, ce manuscrit ne diffère de l’édition qu’à l’égard des termes ut asseritur. Il contient donc tout le reste, et par conséquent il y a des manuscrits de Marianus qui font mention de la Papesse, sans qu’on puisse dire que les luthériens y ont ajouté ce conte ; car il est indubitable que le manuscrit de Latomus n’avait pas été falsifié par les Luthériens. Ce fut un prêtre qui le fournit, et qui le tira de la bibliothèque d’une église 24.
Mais d’où viennent, dira-t-on, ces variantes des manuscrits de Marianus ? Pourquoi trouve-t-on dans quelques-uns la papesse Jeanne et pourquoi ne la voit-on pas dans quelques autres ?
À cela nous répondrons que cette diversité peut avoir été produite aussi bien par addition que par soustraction, et que pour savoir au vrai si Marianus est l’auteur de la période touchant la Papesse, il faudrait voir l’original de sa chronique. Si on y trouvait cet article, il l’y aurait mis ; si on ne l’y trouvait pas, ce serait une pièce supposée dans les manuscrits qui la contiendraient. Mais comme on n’a point l’original (au moins que nous sachions), il est impossible de rien décider par cette voie.
On peut encore demander s’il est plus apparent que ce qui concerne la Papesse a été ôté par les copistes, qu’il n’est apparent qu’il ait été ajouté ? Il est difficile de répondre quelque chose de positif, car il y a des raisons de part et d’autre. On prétend qu’il est probable que certains copistes, ayant trouvé scandaleuse la mention de la Papesse, n’ont pas voulu l’insérer ; et il est probable que d’autres copistes, frappés de la singularité du fait, n’ont pas voulu qu’il manquât dans leur Marianus, et l’y ont ajouté.
Il y a des lecteurs qui écrivent à la marge d’une chronique ou d’un calendrier un grand nombre de suppléments. Si un libraire faisait réimprimer cette chronique sur un exemplaire de cette nature, il insérerait dans sa nouvelle édition toutes ces notes marginales chacune en son rang, et il ne se donnerait pas toujours la peine de les distinguer de l’ancien texte. Une pareille conduite avait encore plus lieu avant l’invention de l’imprimerie. Les livres étaient plus chers, et ainsi l’on aimait mieux joindre à la marge les suppléments qu’un autre livre pouvait fournir, que d’acheter deux ouvrages. Or, ces additions marginales passaient ordinairement dans le texte quand on faisait une nouvelle copie.
C’est ici le lieu d’insérer une remarque fort juste de Florimond de Rémond à ce sujet : « Les livres… faits à pièces rapportées et bâtons rompus, comme sont les chronologies, sont fort subjects aux gloses de ceux ès mains desquels ils tombent. On y voit ordinairement cent et cent crevasses, lesquelles sont ramparées par le premier venu, et de toute telle matière qui luy vient en main et bien souvent calfeutrées de quelque pièce fausse. Chacun selon les années adjouste aisément ce qui à son advis a été laissé par l’autheur, qui ne peut avoir remarqué tout ce qui est espars parmy la grande multitude de livres que nous avons, et parmy les confusions des choses advenues ès siècles passez. Qui est celui de nous, qui ne glose et reglose la chronologie du docte PONTAC et celle de GENEBRARD, grand maistre des langues, pour avoir et l’un et l’autre obmis peut-être par mesgard quelques particularitez, ou sciemment passé par-dessus ? Que si après, ces livres apostillez tombent en la main de quelque imprimeur, il n’a garde de faillir à faire passer tout sous le nom de son premier maistre, innocent toutes-fois des fautes que ce glossateur y pouvait avoir commises 25. »
On peut comprendre par là d’où vient que l’histoire de la Papesse se trouve dans les manuscrits d’Anastase et dans ceux de Marianus Scotus.
Il faut le dire ici, et ce fait n’est pas le moins curieux de tous ceux qu’on a vus et qu’on verra encore dans ce travail ; si la chronique de Marianus Scotus a été allongée de quelques lignes pour l’insertion de la Papesse Jeanne, ç’a été par des catholiques romains, et non par des hérétiques de quelque secte que ce soit.
Cela, dira-t-on, est contre toutes les apparences : les catholiques ont dû être incomparablement plus enclins à effacer l’aventure de Jeanne partout où ils la trouvaient, qu’à l’insérer où ils ne la trouvaient pas. Ils voyaient bien qu’elle couvrait de honte leur Église.
Cette objection, qui a quelque chose de spécieux au premier abord, n’est au fond qu’un vain fantôme ; car si le conte de la Papesse est une fable, c’est dans le sein du catholicisme qu’elle a été forgée, et ce sont des prêtres et des moines qui l’ont publiée les premiers. Elle a été crue et adoptée par des auteurs très dévoués à la papauté, comme saint Antonin, archevêque de Florence. Une infinité d’écrivains l’ont rapportée bonnement et simplement, sans soupçonner qu’elle fît aucun préjudice au Saint-Siège ; et depuis même que les sectaires de Bohême en eurent tiré un argument contre le catholicisme 26, on continua de la débiter, et l’on ne commença à la combattre tout de bon qu’après que les Protestants en ont voulu faire un grand plat, pour nous servir du mot de Bayle.
Il y a, du reste, bien d’autres choses que les catholiques avaient intérêt de supprimer, et qu’ils n’ont point fait disparaître, quoiqu’elles fussent infiniment plus scandaleuses et plus flétrissantes, ce semble, que celle-là.
Après Marianus Scotus, on cite comme preuve de la vérité de l’histoire de la Papesse, le moine chroniqueur Sigebert (mort en 1413), lequel a circonstancié un peu plus cette anecdote ; mais c’est un morceau supposé, disent les opposants de la Papesse, et ils se fondent sur des manuscrits où il n’est point.
Ce que nous avons dit sur les manuscrits de Marianus Scotus, peut s’appliquer à ceux de Sigebert.
Il y a des manuscrits de Sigebert qui n’ont rien de ce passage. Aubert le Mire assure « qu’en quatre exemplaires divers, entre lesquels estoit l’exemplaire de l’abbaye de Gembloux, d’où Sigebert estoit moine, qui est l’original, ou au moins a esté pris sur le propre manuscrit dont Sigebert s’est servi pour le mettre en lumière, il n’est faict aucune mention de Jeanne la Papesse, non pas même à la marge, encores qu’il s’y trouve force choses adjoustées depuis peu : partant, c’est chose certaine que cette fable est faussement attribuée à nostre Sigebert 27. »
Qu’on joigne maintenant à cela ces paroles de Florimond de Rémond : « La fausseté, que nous disons avoir esté commise en Sigebert, se monstre à l’œil par la conférence d’un vieux autheur nommé Guillaume de Nangiac, qui a faict une chronique jusques en l’an 1302, dans laquelle celle de Sigebert est transcrite d’un bout à l’autre, sans qu’il y ait rien à désirer. Et toutesfois le seul conte de ceste Papesse ne s’y trouve pas. Pourquoy l’eust-il omis, vu que l’original d’où il dit l’avoir tiré, le pouvoit démentir ? Ce manuscrit se voit encores aujourd’huy dans l’abbaye de Gemblours près Louvain, si elle a eschappé la rage des hommes de ce siècle. C’est là où nostre Sigebert estoit religieux. Son livre y est gardé fort curieusement par les moines, pour le monstrer, comme chose rare, lorsque quelques hommes de sçavoir visitent leur couvent. Il est escrit de la main de Sigebert, où il ne se dit rien de ce nouveau pontife. Ce sçavant cordelier, le Père Protasius, m’a juré l’avoir vu, et assuré qu’il n’y a pas un mot de ceste fable : aussi Onuffre, Genebrard et autres le tesmoignent. C’est chose bien aisée à vérifier, si quelque incrédule en veut prendre la peine. Le mesme Onuffre escrit, qu’ès anciennes copies, qui se trouvent de Sigebert en Italie, prises sur l’original de Gemblours, et lesquelles se voyent parmy les anciennes librairies, il ne s’en parle pas non plus 28. »
Nous lisons dans les Dialogues d’Alanus Copus, auteur du XVIe siècle, que Molanus lui avait assuré comme témoin oculaire, que le manuscrit de Gembloux ne contenait rien touchant la Papesse, et que si ce n’était point l’original de Sigebert, c’était pour le moins une copie faite sur l’original. Alanus Copus assure, en outre, que plusieurs impertinences d’un écrivain amateur de fables ont été insérées par les copistes dans la chronique de Sigebert 29.
Spanheim avoue que les paroles de Sigebert, rapportées d’après l’édition de Paris, en 1513, sont une parenthèse que l’on peut ôter sans que les récits de l’auteur et ses calculs chronologiques en reçoivent nul dommage ; car il donne à Benoît III, immédiatement après Léon, la même année que la parenthèse assigne à Jeanne 30. Spanheim reconnaît aussi, avec franchise, que la parenthèse ne se trouve pas dans le manuscrit de la bibliothèque de Leyde 31. C’est un manuscrit fort ancien, et de 1154, si l’on s’en rapporte au titre.
Blondel n’a point pris parti dans la dispute relative aux manuscrits de Sigebert ; mais il insinue très clairement qu’il trouve probable que cet auteur n’a rien dit de la Papesse. Voici l’une de ses raisons 32. « Vincent de Beauvais et Guillaume de Nangis 33 (qui ont d’année en année inséré les paroles de Sigebert dans leurs recueils, et particulièrement à l’égard de ce qu’il a escrit sur l’année 854 touchant Benoist III, et Anastase, son antipape, et sur l’année 857 touchant Nicolas Ier), ne copient point la clause concernant la Papesse. »
Cette raison est bien forte pour prouver du moins que ces copistes se servaient d’un exemplaire de Sigebert, qui ne disait rien de Jeanne.
Il est vrai qu’on répond qu’ils sautaient cet endroit de l’original, parce que Sigebert même raconte qu’il y a des gens « qui ne mettent point Jeanne au rang des papes, et qu’ainsi elle n’augmente point le nombre des papes du nom de Jean ».
On se sert aussi de cette remarque pour réfuter l’argument que Blondel tire de ce que plusieurs célèbres historiens ne font aucune mention de la Papesse. On fait voir que certains papes ont été rayés des dyptiques de Rome 34 ; et l’on nous cite Bède, qui nous apprend que deux rois anglo-saxons se rendirent si odieux, qu’on jugea nécessaire d’anéantir leur mémoire, et d’unir immédiatement dans les fastes le règne qui précéda et le règne qui suivit ces deux princes apostats 35.
Mais ces réponses ne peuvent point satisfaire un esprit désintéressé ; car l’observation même de Sigebert a dû être cause que les auteurs qui adoptaient ses récits parlassent de la papesse Jeanne. Ils ont dû, à son exemple, raconter les aventures de ce prétendu pontife, et puis ajouter qu’elle ne compte pas parmi les papes, etc. N’ayant point parlé de la sorte, c’est un signe qu’ils n’ont point trouvé dans Sigebert le passage dont il s’agit.
Remarquons, en outre, que s’il y eût eu un décret portant que le nom de la Papesse serait effacé des actes publics, et que ses statues seraient renversées, c’eût été une de ces circonstances insignes que les chroniqueurs rapportent principalement. Un décret de ce genre fut porté contre la mémoire de l’empereur Domitien, qui n’a pas laissé pour cela d’avoir une place dans toutes les histoires parmi les empereurs romains. Cet arrêt même du sénat est l’une des choses que les historiens ont le plus soigneusement marquée. Spanheim, qui cite Procope 36, eût pu citer Suétone 37. Ce qu’il rapporte de Bède confirme ceci. Et au fond il est certain qu’afin que les annalistes entrent dans le véritable esprit d’un tel décret, et qu’ils répondent aux intentions expresses du Sénat, qui a voulu que la mémoire d’un tyran fût abolie, ils doivent faire mention de cet arrêt infamant. Il n’est nullement croyable que ceux qui infligent une telle peine à un usurpateur, souhaitent que personne ne parle de lui en bien ni en mal ; ce serait le ménager et le vouloir mettre à couvert de l’ignominie. Or, c’est ce qu’ils ne pourraient avoir en vue sans tomber en contradiction ; et par conséquent ils désirent que ce qu’ils ordonnent contre sa mémoire serve à la faire détester dans tous les siècles à venir. Ils souhaitent donc que leur sentence soit expressément marquée dans les annales du pays.
Ajoutons qu’il y a une extrême différence entre effacer quelqu’un du nombre des papes, et ne faire aucune mention de lui. Les antipapes ne font point nombre : ceux qui ont pris le nom de Clément, par exemple, ne sont point comptés parmi les Clément ; et cependant les annalistes ne suppriment pas les actions, l’intrusion et les désordres de ces faux papes.
À cela, Desmarets fait cette objection : N’y a-t-il pas eu en France un Charles X, que la Ligue opposa à Henri IV ? et cependant nul historien ne l’a mis au nombre des rois de France 38.
Si les historiens ne le mettent pas au nombre des rois, ils ne laissent pas de nous apprendre ce que la Ligue fit pour lui.
Il n’est pas question ici de savoir si la Papesse a siégé de droit : il ne s’agit que du fait ; a-t-elle été usurpatrice du Siège papal après la mort de Léon IV ? L’a-t-elle tenu pendant deux ans ? L’a-t-elle perdu par sa mort ? Un historien, qui la regarde comme un faux pape, pourra bien l’exclure du nombre des papes qui ont porté le nom de Jean, et compter Léon IV pour le cent deuxième ; mais il faudra qu’il parle de l’interrègne de cette usurpatrice. Les historiens français commencent le règne de Charles VII à la mort de Charles VI, et ne comptent point pour roi de France Henri VI, roi d’Angleterre ; mais ils ne dissimulent point, qu’après la mort de Charles VI, ce Henri VI fut proclamé roi de France. Quelque honteux que puissent être de semblables faits, ils sont trop publics pour que les annalistes les suppriment entièrement.
C’est donc raisonner par le sophisme à non causa pro causa, que de supposer que la remarque de Sigebert empêcha que ses copistes ne transcrivissent son récit de la Papesse. Il faut donc regarder comme nulle la réponse de Desmarets.
Martin Polonus, qui mourut environ l’an 1270, c’est-à-dire 484 ans après la mort de Marianus 39, étendit beaucoup plus le conte de la Papesse, en y joignant des détails d’un tel cynisme, que la plume se refuse à les transcrire.
C’est ainsi que parle David Blondel, qui, tout ministre protestant qu’il était, n’a pas laissé de traiter de fable cette histoire de la Papesse, et de composer des livres pour la réfuter 40.
Comme on forme ordinairement sur Martin Polonus les mêmes difficultés que sur Marianus Scotus et sur Sigebert, on peut y répondre par les mêmes arguments qu’on vient de lire ci-dessus.
Quelques savants croient que l’endroit de la chronique de Polonus où il est parlé de la Papesse n’est pas de cet auteur ; quelques autres s’imaginent qu’il est le premier qui ait écrit touchant cette fable.
Cave, célèbre érudit anglican, soutient que le conte de la Papesse a été intercalé par une main étrangère dans l’ouvrage de Polonus. Il traite de fable ce qui concerne Jeanne, et dit que certains manuscrits fort estimés n’en font aucune mention 41. Jurieu n’hésite pas à qualifier l’histoire de la Papesse de fable monstrueuse 42 : nous rapporterons ailleurs, plus au long, les aveux de Jurieu ; on sait s’il était suspect en cette affaire.
Burnet, évêque anglican, s’exprime en ces termes : « Je ne crois point l’histoire de la papesse Jeanne, ayant vu de mes propres yeux, en Angleterre, un manuscrit de Martinus Polonus, qui est un des plus anciens auteurs qu’on a accoutumé de citer en cette matière, et lequel semble avoir été écrit peu de temps après la mort de l’auteur, où cette histoire ne se trouve qu’en la marge et point au texte, et encore est-elle d’une autre main que celle qui a écrit le texte 43. »
Mais c’est assez, si ce n’est même déjà trop sur l’authenticité du témoignage de Martin Polonus ; revenons au conte de la Papesse qui, comme le dit très bien Blondel, a esté tout composé de pièces de rapport, et enrichi avec le temps 44.
Florimond de Rémond 45 se sert d’un quatrain latin intraduisible pour convaincre de mensonge ceux qui disaient que certaine coutume durait encore 46 de son temps (fin du XVIe siècle).
Voilà cette fable monstrueuse, comme la qualifie Jurieu : on y eût sans doute cousu de nouvelles pièces de temps en temps, si les catholiques ne se fussent enfin résolus à la combattre ; ce qui mit fin aux broderies.
Une infinité d’écrivains, qui étaient d’ailleurs attachés à la papauté, ont cru cette historiette, comme dit Bayle. AEneas Sylvius 47 (depuis pape sous le nom de Pie II), au XVe siècle, est le premier qui l’ait révoquée en doute, ainsi qu’Aventin 48, quoique luthérien dans l’âme. Depuis lors, Onufre Panvini 49, Bellarmin 50, Serarius 51, Georges Scherer, Robert Persons 52, Florimond de Rémond, Allatius 53, De Launoi, le Père Labbe 54, et beaucoup d’autres 55, ont réfuté amplement cette vieille tradition. Baronius témoigna beaucoup d’estime pour le travail de Florimond de Rémond 56. « Je ne pense pas, dit Bayle, que personne eût encore si bien réfuté le conte de la Papesse... Ses preuves parurent très-convaincantes à Juste-Lipse », comme nous l’apprenons par une lettre de cet érudit à Aubert le Mire 57.
Et maintenant, raisonnons un peu sur les faits dont on vient de lire l’exposé impartial, et par cela même exact, puisque les objections précitées contre l’existence de la papesse Jeanne sont tirées d’auteurs protestants.
Ne peut-on pas dire que les protestants anciens et modernes, les libres penseurs, les impies, qui soutiennent encore avec tant de chaleur que l’histoire de la papesse Jeanne est véritable, consultent plutôt les intérêts de leur cause, que l’état et la condition des preuves ? Car s’ils étaient (ce qu’ils ne sont pas, ce qu’ils n’ont jamais été) exempts de toute passion, ne se souviendraient-ils pas que le silence des auteurs contemporains leur a paru plusieurs fois une raison invincible contre diverses traditions alléguées par Rome ? Un homme, exempt de tout préjugé, n’aurait besoin que de l’argument négatif pour rejeter le roman de la Papesse. Ce n’est pas que nous prétendions qu’à l’égard de toutes sortes de faits, le silence des auteurs contemporains soit une bonne raison de les nier. On ne doit prétendre cela qu’à l’égard des évènements insignes, comme, par exemple, la retraite de Charles-Quint dans un monastère, et qu’à l’égard des circonstances essentielles et capitales d’une action, qui n’ont pu être ignorées de personne, et dont il serait absurde d’espérer que les siècles à venir n’auront nulle connaissance. Nous mettons dans cette classe le genre de mort de Henri II, de Henri III et de Henri IV ; le premier tué dans un tournoi, le second assassiné par Jacques Clément durant le siège de Paris, et le troisième dans son carrosse, au milieu de la capitale de la France, par Ravaillac. Il n’est pas concevable que tous les historiens qui ont vécu au XVIe et au XVIIe siècle aient pu s’opiniâtrer ou conspirer à ne pas dire un mot de l’abdication de Charles-Quint, ni de ce qu’il y eut de tragique dans la mort des trois Henri, rois de France.
Nous ne considérons pas ici en général le silence des auteurs contemporains : nous n’ignorons pas qu’il est très possible que dans des livres de dévotion ou de morale, composés au XVIe et au XVIIe siècle, on rapporte incidemment plusieurs actions de ces quatre princes, sans dire où ils moururent, ni comment. Nous ne parlons que de ceux qui ont écrit, ou l’histoire particulière de ces monarques, ou l’histoire d’Espagne et de France, ou l’histoire générale de l’Europe. Ce serait un prodige et une conspiration des plus étranges, non seulement si tous ces historiens étaient muets à l’égard des faits que nous avons indiqués, mais même si sept ou huit des principaux les supprimaient.
Supposons qu’au XXIVe siècle (si toutefois le monde existe encore) il ne reste plus que sept ou huit des meilleurs historiens qui aient vécu sous Charles-Quint et sous Henri IV, ou un peu après ; et que ceux qui vivront en ce temps-là ne trouvent aucune trace de l’abdication de Charles-Quint et de l’assassinat de Henri III et de Henri IV, que dans quelque misérable annaliste du XIXe siècle ; nous soutenons qu’ils seront les plus téméraires et les plus crédules de tous les hommes, s’ils ajoutent foi à cet annaliste et à cent autres qui l’auront pu copier.
On peut aisément appliquer ceci à la dispute sur la Papesse.
Nous avons prévenu l’objection de ceux qui s’aviseraient de supposer que nous n’avons pas tous les annalistes qui vivaient en ce temps-là, il nous suffit qu’il en reste quelques-uns des principaux.
Mais afin qu’on voie plus clairement qu’il a été impossible que les historiens du IXe siècle aient supprimé un fait aussi extraordinaire que le serait le Papat de la prétendue Jeanne, essayons de réfuter ceux qui cherchent des raisons de ce grand silence des historiens contemporains relativement au fait de l’existence de la Papesse. Cette discussion, où nous allons entrer, fera ressortir d’une manière encore plus visible toute la force de l’argument négatif.
Les champions de la Papesse disent que la papauté de Jeanne fut considérée comme si honteuse à l’Église romaine, que l’on défendit d’en parler, et qu’ainsi les auteurs se turent, les uns par zèle, et les autres par crainte.
Argument pitoyable, qu’il est facile de ruiner d’autant plus facilement, qu’encore une fois, ce seront les protestants, représentés par leurs sommités, qui nous fourniront des armes terribles pour broyer le raisonnement précité et le réduire en poussière.
Disons en premier lieu 58, et sans crainte d’être contredit par tout homme sensé, – catholique, protestant ou incrédule, – qu’il n’est pas vrai que cette aventure ait été envisagée comme une infamie de la catholicité, ni comme une chose qui donnât atteinte aux droits de la communion de Rome : car, selon ses principes, ils ne dépendent point des qualités personnelles des papes.
Il est vrai que si le conte de la papesse Jeanne n’est point capable de déshonorer l’Église en général, et Rome en particulier, que Jurieu, – le fougueux Jurieu, – le prenant au sérieux, s’exprime ainsi : « Je ne trouve pas que nous soyons fort intéressés à prouver la vérité de cette histoire de la papesse Jeanne. Quand le siège des papes aurait souffert cette surprise, qu’on y aurait établi une femme pensant y mettre un homme, cela ne formerait pas à mon sens un grand préjugé. Et l’avantage que nous en tirerions ne vaut pas la peine que nous soutenions un grand procès là-dessus. Je trouve même que de la manière que cette histoire est rapportée, elle fait au siège romain plus d’honneur qu’il n’en mérite. On dit que cette Papesse avait fort bien étudié, qu’elle était savante, habile, éloquente, que ses beaux dons la firent admirer à Rome, et qu’elle fut élue d’un commun consentement, quoiqu’elle parût comme un jeune étranger, inconnu, sans amis et sans autre appui que son mérite. Je dis que c’est faire beaucoup d’honneur au siège romain, que de supposer qu’un jeune homme inconnu y fût avancé uniquement à cause de son mérite ; car on sait que de tout temps il n’y a eu que la brigue qui ait fait obtenir cette dignité 59. »
Malgré son parti pris de tout dénigrer, Jurieu donne un grand poids à cette remarque du catholique Florimond de Rémond : « Mais quand bien ce malheur seroit advenu à l’Église, qu’une femme eust tenu le siège romain, puis qu’elle y estoit parvenue par ruses et tromperies, et que la monstre et parade qu’elle faisoit de sa vertu et sainte vie avoit éblouy les yeux de tout le monde, la faute devoit estre rejetée sur elle, et non sur les électeurs, lesquels tenans le grand chemin, et marchans à la bonne foy, sans brigue, ni menée, ne pouvoient estre accusez d’avoir part à la supposition 60. »
Il ajoute que « cest accident ne pourroit estre si monstrueux s’il estoit véritable comme ce que ceux qui se sont appelez Reformez, Evangélistes et Puritains, ont non seulement tolleré, mais estably, voire forcé aucunes reynes et princesses de se dire et publier chef de l’Église en leurs Estats et Seigneuries, disposant des choses pies et sainctes, et des charges ecclésiastiques à leur appétit et volonté 61. »
En second lieu, l’on peut répliquer qu’il n’y a nulle apparence que Rome ait défendu de faire mention d’un évènement aussi public et aussi extraordinaire que celui-là. Un tel ordré eût été bien inutile, on ne commet point ainsi son autorité par des défenses qui ne sont point de nature à être observées, et qui excitent plutôt le désir de parler, qu’elles ne ferment la bouche 62.
Ajoutez en troisième lieu, que si le zèle ou la crainte avaient arrêté la plume des historiens, nous ne verrions pas que les premiers qui ont publié le papat de Jeanne sont des personnes dévouées à la religion catholique, et plus à portée que les autres d’être châtiées ; car, ce sont des moines. Il est sûr que presque tous ceux qui ont débité ce conte étaient bons catholiques romains, et qu’ils ne pensaient à rien moins qu’à des médisances.
Enfin, l’on ne peut sans tomber en contradiction supposer une défense de parler de la Papesse ; car cet ordre de se taire ruinerait de fond en comble les principales circonstances de la narration précitée. Blondel n’oublie pas cette observation, et il y répond ainsi : « Plusieurs... ont pensé sauver le roman de Marianus contre le préjudice d’un silence de plus de deux cents ans, en soutenant que les auteurs qui ont vescu depuis l’an 855, jusqu’à l’an 1050, se sont abstenus d’en parler, à cause de la honte qu’ils en avoient, et qu’ils ont mieux aimé altérer l’ordre de la succession des Papes par un silence affecté, que contribuer, par l’expression d’une vérité odieuse, à la conservation de l’exécrable mémoire de cette fille, qui avoit (comme on prétend) déshonoré leur suite, en s’y ingérant. Car laissant à part que les auteurs du temps expriment (selon qu’il a esté démontré cy-dessus) des véritez très contraires à cette supposition née depuis leur mort : ceux qui demeuroient à Rome comme Nicolas I, et Guillaume et Anastase, le bibliothécaire, eussent eu le sens tout à fait troublé, s’ils eussent pensé pouvoir (par l’effort de leur silence et de leur honte) ensevelir une ordure que l’on suppose avoir tellement comblé Rome d’estonnement, d’indignation, et de scandale, qu’elle n’ayt peu (pu) se satisfaire qu’en éternizant l’effet de son juste desdain, et en proposant des marques perpétuelles à la postérité, par l’érection d’une statue représentant la cause de son despit par le destour de ces processions, et par l’introduction de coustumes inouies auparavant, et peu honnestes 63. »
Il y avait longtemps que Florimond de Rémond s’était servi de la même preuve 64. Cependant, si victorieuse qu’elle ait semblé à Bayle, Du Plessis-Mornai n’y eut nul égard « Onuphre dit qu’Anastase, qui vivait de ce temps, n’en dit rien ; Regino non plus, et plusieurs autres venus depuis. Et à cela serait respondu en un mot, qu’argumenter ab authoritate negativè, ne conclut rien. Ranulfe aussi en son Polychronicon, lui respondroit, qu’il a esté laissé en arrière pour la rectitude du fait 65. »
La réponse de Coeffeteau sur ces paroles de Ranulphe est remarquable. « Cela serait bon, dit-il, si ces autheurs n’avaient pas remply le siége d’un vray Pape en ce temps-là, et qu’ils y eussent laissé au moins assez d’intervalle pour faire accoucher cette fille 66. D’ailleurs où est icy la conscience des réformes ? Ils veulent qu’en détestation de cette infamie, et pour monument éternel de ce scandale, l’on ayt basty à Rome une chapelle au lieu où elle accoucha ; qu’on ayt érigé une statue de marbre pour représenter le fait ; et qu’on ayt fait dresser des chaires peu honnestes, pour se garder à l’avenir de choses semblables : Et cependant ils asseurent que les historiens n’en ont osé parler, pour le respect des Papes. Quel rayon, ains (bien plus) quelle ombre de vérité en choses si mal accordantes 67 ? »
Rivet, qui essaya de réfuter Coeffeteau, et qui le suivit presque pas à pas, ne répliqua rien à ce passage. Nous n’avons encore trouvé aucune solution sur ce point-là dans les écrits des champions de la Papesse. Bayle dit très plaisamment à ce propos : « Ils ont imité Homère qui abandonnait les choses qu’il désespérait de bien traiter. »
Au reste, c’est en vain qu’on met en avant, pour prouver la vérité de la tradition de la Papesse, cette multitude d’auteurs, tant catholiques que protestants, qui ont copié en l’étendant ce conte monstrueux. Ce grand nombre de témoins est impuissant à établir et à fonder une preuve de l’existence de la Papesse, puisque le plus ancien est postérieur de deux cents ans au fait en question, et qu’il est incompatible avec des faits incontestables qui se trouvent dans les auteurs contemporains.
Les auteurs qui ont réfuté le conte de la Papesse, établissent clairement que l’on ne la peut placer entre Léon IV et Benoît III. Ils en donnent des démonstrations chronologiques, qu’ils appuient sur des passages évidents des auteurs du IXe siècle 68. D’où il résulte que le premier qui a parlé de la Papesse, deux siècles après, est indigne de toute créance, et que ceux qui dans la suite ont débité la même chose, se sont copiés les uns les autres sans remonter à la vraie source, et sans faire aucun examen, et, par conséquent, que l’on ne doit faire aucun fond sur leur multitude.
Mais laissons parler Blondel ; ses paroles ont une remarquable énergie, – celle de la vérité même : « Ainsi, Marianus est la première et seule source d’où tous les ruisseaux des écrivains posterieurs sont derivez, et je ne croy pas (apres en avoir descouvert à nud le vice inexcusable) qu’il soit aucun besoin de passer plus avant en l’examen de ceux qui n’ont fait que copier les uns des autres, sans savoir si le premier avoit esté bien fondé. Quand les tesmoins se leveroient à centaines, voire à milliers, pour donner des depositions digerées de la sorte, il n’y auroit ame bien faite qui daignast avoir égard, soit à leur nombre, qui ne devroit jamais faire de contrepoids contre la verité et la raison, soit à leur discours, qui n’auroit esté en effet que le simple Écho des premieres reveries, qui eussent esté très aisées à convaincre d’impertinence et de faux, si ceux qui l’ont entrepris eussent plus eu le cœur à estudier l’Histoire du IXe siècle, qu’a exercer cette éloquence mesdisante que sainct Hierosme eust en son temps appelée caninam facundiam 69. » Quelques pages après, Blondel rapporte plusieurs exemples de fausses traditions, et nommément celle du siège de Paris sous le règne de Louis le Débonnaire, par le Géant Isaure, dont on monstre la sépulture 70 ; puis il conclut ainsi : « Qu’il nous suffise, que tous ces contes sont contes et rien de plus ; que quand tout le monde les tiendroit pour oracles, il ne seroit pas en son pouvoir de leur faire changer de nature ; et à l’opposite, que quand la vérité (opprimée par la tyrannie des prejugez, et bravée par la vanité des romans, et trahie par l’oubly, ou par la lascheté des hommes) auroit à se voir pour quelque temps mesconnue et desdaignée, ni sa solitude ne pourroit luy tourner à honte, ni l’effort de ses ennemis la faire decheoir de sa dignité, ni la belle apparence des fables causer de l’éclipse à sa divine lumière 71... Vu donc qu’elle se trouve si évidente du costé des Auteurs, qui ont escrit entre les années 850 et 1050 de nostre Seigneur, que toutes leurs depositions s’accordans composent un corps bien ajusté, et proposent les evenements dont on dispute, avec une aussi grande clarté que s’ils en avoient tiré le crayon avec un ray (rayon) du soleil, et que les écrivains posterieurs sont pleins de contradictions et incomptabilitez, tant avec les antecedents qu’avec eux mêmes : il semble que leur opinion (de quelque longueur de cours qu’elle se puisse vanter) ne merite point de meilleur traitement, d’estre (par la commune voix de tous ceux qui se rendent dociles à la raison) condamnée au billon 72. »
Les auteurs qui ont écrit pour démontrer la fausseté de l’histoire de la Papesse, en ont recherché l’origine, et ont allégué plusieurs conjectures, dont la plus raisonnable nous semble celle-ci. On a dit que le pape Jean VIII montra tant de lâcheté dans l’affaire de Photius, qu’on jugea qu’il devait être plutôt nommé femme qu’homme, dit Baronius 73. Bellarmin veut que cette fable soit venue de ce qu’il courut un bruit qu’une femme avait été patriarche de Constantinople 74. Allatius prétend qu’une certaine Thiota, qui s’érigea en prophétesse en Allemagne au IXe siècle, fut l’occasion du conte de la papesse Jeanne. Blondel, qui réfute ces conjectures et bien d’autres encore, relatives à la même fable, déclare que l’on ne doit point exercer son esprit en des enquestes inutiles pour un sujet qui n’en vaut pas la peine 75. « Où en serions-nous, ajoute-t-il, s’il nous falloit deviner sur quoy se sont fondez les auteurs de tant de romans qui trouvent jusques à présent du crédit dans l’opinion du commun 76 ? » Il en rapporte plusieurs exemples. Nous ne croyons point qu’il ait raison de rejeter tout ce que l’on a conjecturé sur l’origine de la fable de la Papesse.
« J’oserai bien dire (c’est Bayle qui parle) que les protestants, qui ont tant crié contre Blondel, et qui l’ont considéré comme un faux frère, n’ont été ni équitables, ni bien éclairez sur les intérêts de leur parti. Il leur importe peu que cette femme ait existé ou qu’elle n’ait pas existé : un ministre, qui n’est pas des plus traitables (Jurieu), l’avoue. Ils ont pu objecter légitimement le conte de la Papesse pendant qu’il n’était pas réfuté. Ils n’en étaient pas les inventeurs ; ils le trouvaient dans plusieurs ouvrages composés par de bons papistes : mais depuis qu’il a été réfuté par des raisons très valables, ils ont dû l’abandonner... »
De tout ce qu’on vient de lire (et ce n’est pas la dixième partie de ce qui a été écrit), on peut donc hardiment conclure que la tradition de la papesse Jeanne est un mensonge flagrant.
Non seulement les catholiques, mais même les protestants ont réfuté victorieusement cette honteuse fable.
Nous aurons lieu d’admirer, dans d’autres études de ce genre, l’unanimité avec laquelle les hérétiques ont souvent condamné des mensonges, qui eussent pourtant servi énergiquement leur cause, mais que la puissance de la vérité leur a fait combattre, contre leur intérêt même.
Il était donné aux philosophes, aux libres penseurs et aux incrédules de notre temps de relever ces vieux mensonges et de tenter de les rajeunir. Mais, comme par le passé, et plus facilement encore que jadis, on les verra s’évanouir à la lumière du flambeau de la vérité, porté haut par ceux mêmes qui s’étaient déclarés ses plus grands ennemis.
Charles BARTHÉLEMY, Erreurs et mensonges historiques,
Première série, 1881.
1. Dans ses additions à Platina : De vitis Romanorum Pontificum, cité par Coeffeteau : Réponse au Mystère d’Iniquité, p. 506.
2. Familier éclaircissement de la question, si une femme a été assise au siége papal de Rome. (Amsterdam, 1647-9, in-8º, p. 6 et 7.)
3. Blondel, loc. cit. sup., p. 9 et 10.
4. Dictionnaire historique et critique, article Papesse (Jeanne la).
5. Inde patet quod de ea (Joaunâ) ibi dictum est, assumentum esse hominis otio abusi. (Epist. CXXXVIII, p. 144, édition d’Utrecht, 1697.)
6. Idem, ibid., p. 146. Voyez aussi : Epist. CXLVI, p. 151.
7. Voyez Colomiès : Mélanges historiques, p. 56.
8. Desmarets (en latin Maresius) : Examen quaestionis de Papa foemina, p. 31, 32, 155 ; et Coocke : Traité de la Papesse, p. 106 et suiv.
9. Idem, ibid., p. l56, l76.
10. Loc. cit. sup.
11. Blondel, p. 39 et suiv. ; et le Père Labbe : Cenotaphium Johannae Papissae eversum, p. 842 et suiv. du t. II De Scriptoribus Ecclesiasticis.
12. Blondel, p. 3 et 4.
13. C’est de Saumaise que Blondel a voulu parler ; comme Colomiès (Mélanges hist., p. 55, 56) l’a observé.
14. Page 5.
15. Critici sacri, lib. III, cap. xvi. Voyez aussi Spanheim : De Papa foemina, p. 292.
16. Idem, ibid., ut sup.
17. Loc. cit. sup., p. 178.
18. Page 292.
19. Commentar. de rebus seuli noni, cité par Spanheim.
20. Mystère d’Iniquité, 1611.
21. Cenotaph. evers., p. 929 et suiv. – Daniel Francus (p. 145 De Indicibus Librorum expurgandorum) rapporte toutes les objections du Père Labbe, et pour toute réponse exhorte ceux qui auront la lettre de Freher à la produire.
22. Blondel, p. 17.
23. Réponse au Mystère d’iniquité, p. 506.
24. Florimond de Rémond : l’Anti-Papesse, chap. III, num. 4, folio 366.
25. Chap. V, num. 3, fol. 375, verso.
26. Aeneas Sylvius : Epist. CXXX.
27. Coeffeteau : loc. cit. sup., p. 507.
28. Chap. V, num. 5, fol. 376.
29. « Antiquiora Sigeberti exemplaria nullam hujusmodi narrationem complectuntur : et satis praeterea constat, illius historiae multa ascititia et plane varia ex, nescio, cujus Galfridi Monumetensis libro aspersa. » (Voy. Dialog. I, cap. viii, p. 37. Edition d’Anvers, 1573, in-4º.)
30. Page 53.
31. Page 52.
32. Page 69. – Il joint aux deux auteurs suivants, dans son ouvrage latin, p. 42, Albéric, moine des Trois Fontaines, Sigeberti exscriptor, qui de Joanna silet.
33. Voyez aussi Genebrard, ad ann. 858, p. 539. Chronica Guliel. Nangiaci, in quibus cum totus Liber alioqui Sigeberti exscriptus sit, hoc unum desideretur.
34. Voyez Spanheim, p. 38 et suiv.
35. Bède : Hist. Eccles. Anglorum, lib. III, cap. I. – Cf. Spanheim, p. 40.
36. Cap. VIII, Hist. arcanae. – Cf. Spanheim, p. 40.
37. In Domitiano, cap. ult.
38. Pages 45, 46.
39. Blondel, p. 17, 18.
40. Avant Blondel, les protestants Chamier, Dumoulin, Bochart, Basnage et autres hommes instruits de diverses sectes, avaient eu la bonne foi de reconnaitre que l’histoire de la prétendue Papesse Joanne n’était qu’une fable.
41. De Script. Ecclesiasticis, t. I, p. 739, 740. Édition de Londres, de 1688.
42. Apologie pour la réformation, t. II, p. 38, 39. Edition in-4º.
43. Voyage de Suisse, d’Italie, etc., p. 300.
44. Page 17.
45. Chap. XVIII, num. 1, fol. 410, verso.
46. On ne trouve nulle part la mention de la chaise stercoraire avant le XIIe siècle ; c’est ainsi qu’on appelle un siège de pierre sur lequel s’asseyait le Pape le jour de son intronisation. Voici ce qui se pratiquait : le nouveau Pape, après avoir été introduit dans l’église de Latran, était installé sur le trône, placé dans l’abside de cette basilique. Là il admettait à l’osculum ou baiser les évêques et les cardinaux. On le conduisait ensuite au portique de l’église et on le faisait asseoir sur un siège de marbre. Pendant qu’il était assis, on chantait l’antienne tirée du psaume CXII : Suscitat de pulvere egenum, ou, selon la Vulgate : Suscitans de terra inopem, et de stercore erigit pauperem. En même temps on soulevait le pontife, qui qittait le siège. C’était là un de ces enseignements sublimes, tels que le chritianisme seul est capable de les inspirer. « C’est Dieu qui, de la poussière, tire le pauvre pour l’exalter ; c’est Dieu qui, du vil fumier, élève aux plus hauts honneurs l’indigent. » D. Mabillon assure avoir vu cette chaise et qu’elle n’est point percée. Le nom de stercoraire n’était donc vulgairement imposé à ce siège de marbre, qu’à cause du mot stercore de l’antienne précitée.
47. Epist. CXXX, du 2 août 1451, adressée à Juan de Carvajal, cardinal de Saint-Ange.
48. Annalium Boiorum, lib. IV.
49. Dans ses notes sur Platina.
50. De Romano Pontif., lib. III, cap. xxiv.
51. Rerum Mogunt. lib. I.
52. De tribus Conversionibus Anglix, 2e partie, chap. V.
53. Confutatio fabulae de Joanna Papissa, ex monumentis graecis, imprimé à part en 1630, et inséré aussi dans le Symmicta du même auteur, en 1653, in-8°. C’est la 19e pièce de ce recueil.
54. L. c. sup.
55. Voyez-en la liste que le Père Labbe en a donnée, au t. I, De Scriptor. Ecclesiast., p. 837 et suiv.
56. Prae caeteris commendandus fama nobilis Florimondus. (Annales Ecclesiast., t. X, ad num. 853, cum. 62.)
57. Voyez cette lettre dans les notes d’A. le Mire sur Sigebert, apud Gretser, in Mysta Salmuriensi, p. 300.
58. Nous suivons l’argumentation de Bayle en la resserrant seulement.
59. Apologie pour la Réformation, t. II, p. 38. Édition in-4º.
60. Chap. XI, num. 5, fol. 39l.
61. Voyez à peu près la même pensée dans Alanus Copus (1er Dialog., chap. VIII, p. 39), et dans Genebrard (Chron., lib. IV, ad ann. 858, p. 540).
62. Florimond de Rémond, chap. XXVIII, fol. 442.
63. Pages 78, 79.
64. Chap. XXII, num. 1, et chap. XXIV, num. 6.
65. Page 161.
66. Ici, comme plus haut, nous adoucissons un terme très énergique, trop énergique même pour nos oreilles.
67. Pages 505, 506.
68. Voyez surtout la dissertation de Joseph Garampi (Rome, 1749, in-4º), intitulée : De nummo argenteo Benedicti III, où il est prouvé sans réplique qu’entre la mort de Léon IV et la nomination de Benoit III, il n’y a pas eu l’intervalle nécessaire pour placer le pontificat de la papesse Jeanne.
69. Pages 70, 71,
70. Pages 93, 94.
71. Page 94.
72. Page 95.
73. Cité par Blondel, p. 85.
74. Le pape Léon IX le témoigne, epist. I, chap. XXIII, cité par Blondel, p. 89. Cf. D. Mabillon : Museum Italicum, t. I, p. 27, – et Spanheim, l. c. sup., p. 12 et suiv.
75. Page 92.
76. Page 93.