Les défenseurs de Louis XVI

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Edmond BIRÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE PREMIER

 

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Le Martyrologe de la Révolution. « Le grand crime ». – Les Constituants. Lally-Tolendal. Malouet. Mounier. Nicolas Bergasse. Cazalès. – M. de Narbonne. M. d’Aubier de Lamontille.

 

 

 

I

 

 

LE plus grand des crimes de la Révolution est l’assassinat juridique de Louis XVI.

La Révolution a multiplié les meurtres : elle a égorgé, fusillé, mitraillé, guillotiné, noyé, – et cela, non sur quatre ou cinq points seulement, à Paris, à Lyon, à Arras, à Nantes et en Vendée, mais sur toute la surface de la France ; non pendant ces dix ou douze mois, pendant cette année terrible, si justement appelée la Terreur, mais pendant dix ans, depuis le 14 juillet 1789 jusqu’au 9 novembre 1799, de la prise de la Bastille au 18 brumaire, avant le 10 août comme après le 9 thermidor, sous le Directoire comme sous la Convention. La boue du Directoire est rouge de sang 1. Ce misérable gouvernement, qui se vantait d’avoir créé la guillotine sèche, a dressé, lui aussi, l’échafaud. Il a fait fusiller ceux qu’il ne déportait pas. Il ne se doutait guère, assurément, qu’un jour viendrait où un historien, dont l’audace égale la légèreté, M. Thiers, couvrirait d’un voile ses turpitudes et ses crimes, et lui consacrerait ces lignes enthousiastes : « Jours à jamais célèbres et à jamais regrettables pour nous ! À quelle époque notre patrie fut-elle plus belle et plus grande ? Les orages de la Révolution paraissaient calmés ; les murmures des partis retentissaient comme les derniers bruits de la tempête. On regardait ces restes d’agitation comme la vie d’un État libre. Le commerce et les finances sortaient d’une crise épouvantable ; le sol entier, restitué à des mains industrielles, allait être fécondé. Un gouvernement, composé de bourgeois nos égaux, régissait la république avec modération ; les meilleurs étaient appelés à leur succéder 2. »

Dès 1792, un écrivain royaliste, le journaliste Peltier, publiait le Martyrologe, ou l’histoire des martyrs de la Révolution 3. Cinq ans plus tard, en 1797, un écrivain révolutionnaire, Prudhomme, a fait paraître l’Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution. Deux des six volumes de cet ouvrage sont consacrés à un Dictionnaire des individus condamnés à mort pendant la Révolution, où chacun d’eux se trouve inscrit à sa lettre alphabétique avec ses nom, prénoms, âge, lieu de naissance, profession, la date et le motif de la condamnation, le jour et le lieu de l’exécution. Dix-huit mille six cent treize victimes, dont deux mille cinq cent soixante-sept femmes, figurent sur cette liste funèbre. En 1821, l’abbé Guillon faisait paraître à son tour les Martyrs de la foi pendant la Révolution française, ou Martyrologe des pontifes, prêtres, religieux, religieuses, laïcs de l’un et l’autre sexe, qui périrent alors pour la foi, et ce recueil ne forme pas moins de quatre volumes de 700 pages chacun.

En parcourant ces ouvrages, on est parfois tenté de regretter qu’ils aient paru. Le lecteur, en effet, est porté à croire qu’il a sous les yeux le tableau exact et complet des crimes de la Révolution, alors qu’il n’en découvre en réalité qu’une bien faible partie. Essayera-t-il de pénétrer plus avant ? Joindra-t-il aux livres que nous venons de rappeler ceux de M. Émile Campardon et de M. Henri Wallon sur le Tribunal révolutionnaire de Paris, celui de M. Berriat-Saint-Prix sur la Justice révolutionnaire en province, et les nombreux écrits publiés par de savants et consciencieux érudits sur les Tribunaux criminels des départements ? Il estimera peut-être alors qu’il est descendu au fond de cet enfer, non moins horrible que celui de Dante, qu’il en a parcouru tous les cercles, qu’il en connaît toutes les victimes, qu’il sait tous leurs noms et qu’il en pourrait dresser la liste. Grande serait son erreur. On a bien pu – et encore très incomplètement – relever les noms de ceux qui ont été condamnés par des tribunaux criminels ou des commissions militaires et dont les bourreaux ont pris la peine de tenir état. Mais qui connaîtra jamais ces milliers et ces milliers d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants tués sans jugement ; ces malades des hôpitaux, fusillés dans leurs couvertures 4, ces pauvres brigandes de la Vendée, précipitées dans la Loire ou brûlées dans les fours allumés par les colonnes infernales 5, ces enfants à la mamelle égorgés dans les bras de leurs mères 6 ? Dès ses premiers pas dans l’enfer, Dante Alighieri aperçoit un si grand nombre d’âmes que ce cri lui échappe : « Je n’aurais jamais cru que la mort eût détruit tant de monde ! »

 

            E dietro le venia si lunga tratta

            Di gente, ch’ io non averei creduto.

            Che morte tanta n’avesse disfatta 7.

 

S’il pouvait nous être donné de voir et de compter tous ceux que la barbarie révolutionnaire a fait périr (Si lunga tratta di gente), saisis d’horreur et d’effroi, nous ne pourrions nous défendre de nous écrier : « Je n’aurais jamais cru que la Révolution eût dévoré tant de victimes ! »

Du milieu de cette foule se détachent des figures qui attirent plus particulièrement nos regards et où s’attachent longtemps nos pensées et nos cœurs : la reine Marie-Antoinette, Louis XVII, Madame Élisabeth et la princesse de Lamballe, Malesherbes et Barnave, Lavoisier et André Chénier ; le maréchal de Mouchy, à qui un prisonnier dit : « Courage, monsieur le maréchal ! » et qui répond : « À quinze ans, j’ai monté à l’assaut pour mon roi ; à près de quatre-vingts je monterai à l’échafaud pour mon Dieu 8. » Custine et plus de cinquante officiers généraux 9 ; ces soixante-dix-sept membres des parlements de Paris et de Toulouse, les Lepeletier-Rosambo, les Molé de Champlâtreux, les Pasquier, les Lefèvre-d’Ormesson, et, à leur tête, le premier président Bochart de Saron, à qui l’on demande : « N’avez-vous rien à ajouter à votre défense ? » et qui fait cette réponse : « Je n’ai que deux mots à vous dire : vous êtes juges et je suis innocent 10 » ; la maréchale de Noailles, sa fille la duchesse d’Aryen, sa petite-fille la vicomtesse de Noailles, mourant ensemble, et la dernière, la plus jeune, au moment de gravir le sanglant escalier, se retournant vers l’un de ses compagnons de supplice, qu’elle avait ouï blasphémer, et lui disant, d’un ton et avec des regards suppliants : « En grâce, dites pardon ! 11 » l’abbé de Salignac-Fénelon, neveu de Fénelon et fondateur de l’œuvre des Petits-Savoyards, à qui plusieurs de ses petits protégés ont fait escorte jusqu’à l’échafaud, et qui demande qu’on lui détache un instant les mains pour qu’il puisse les bénir 12 ; ces quatorze religieuses Carmélites de Compiègne, toutes vêtues de blanc, chantant le Te Deum sur le chemin de l’échafaud, s’agenouillant au pied de la guillotine, et, après avoir récité le Veni Creator, prononçant toutes ensemble la formule de leurs vœux, puis demandant à Dieu que leur sacrifice apaisât sa colère 13 ; ce prêtre, qui monte à l’échafaud comme hier il montait à l’autel, disant, le visage serein et les yeux levés vers le ciel : Introïbo ad altare Dei ; cet enfant de treize ans qui, à Nantes, sur la place du Bouffay, à l’exécuteur qui le liait sur la planche de la guillotine, dit d’une voix douce : « Me feras-tu bien du mal 14 ? »

Certes, notre douleur et notre pitié ne feront défaut à aucun de ces martyrs, à aucune de ces victimes innocentes et pures. La mort de chacune d’elles a été un forfait monstrueux, digne à jamais de l’exécration de l’histoire ; – moins odieux pourtant et moins criminel que l’assassinat de Louis XVI.

Ici, en effet, ce n’est plus seulement un tribunal composé de quelques lâches gredins, qui condamne un innocent ; c’est l’Assemblée nationale, ce sont les représentants du peuple qui traduisent à leur barre le plus vertueux et le meilleur des rois. Ils ne l’immolent point en un jour d’emportement, en une heure d’ivresse et de colère ; pendant de longs mois ils parodient les formes augustes de la Justice, ils font de cette chose sacrée une ignoble comédie, une honteuse et sanguinaire parade.

Aussi bien, ils ont compris qu’il ne s’agit point là d’un procès ordinaire et que ce qu’ils ont en face d’eux, c’est le Roi. En Louis XVI, ils poursuivent de leur haine la royauté elle-même, et c’est bien elle qu’ils croient frapper lorsqu’ils laissent tomber de leurs lèvres un verdict de mort. En Louis XVI, ils condamnent, en même temps que l’innocence, la vertu et la bonté, cette famille des Bourbons qui, en moins de deux cents ans, avait agrandi la France de douze provinces : du Béarn, du comté de Foix, de l’Armagnac, de la Bresse et du Bugey, sous Henri IV ; du Roussillon, sous Louis XIII ; de la Flandre, de l’Artois, de la Franche-Comté et de l’Alsace, sous Louis XIV ; de la Lorraine et de la Corse sous Louis XV. Les juges de Louis XVI croyaient l’avilir en l’appelant Louis CAPET : Aveugles, qui ne voyaient pas qu’ils lui restituaient le plus glorieux de ses titres, qu’ils identifiaient avec lui cette vieille race capétienne qui a fait la France ! La France royaliste et chrétienne, la vraie France, est donc montée avec Louis XVI sur l’échafaud du 21 janvier, et c’est pour cela que nous avons eu raison de dire que, parmi tous les crimes de la Révolution, celui-là est le plus grand. Les massacreurs de septembre, les juges du tribunal révolutionnaires, les mitrailleurs de Lyon, les noyeurs de Nantes, les brûleurs de la Vendée ne sont, après tout, que des assassins vulgaires. Les hommes de la Convention sont mieux que cela. En vain essayent-ils de relever leurs fronts et de dire, avec un sourire cynique, qu’ils n’ont commis qu’un crime de lèse-majesté : la conscience indignée leur répond qu’ils ont commis le crime inexpiable, le crime de lèse-patrie. Ils ont commis ce que la postérité, faisant écho à Joseph de Maistre, appellera, comme lui, LE GRAND CRIME 15 !

Et cependant, s’il en fallait croire les historiens, le procès et l’exécution de Louis XVI se seraient accomplis au milieu du silence universel. Seule ou presque seule, la voix de Desèze se serait élevée pour défendre le roi ; les larmes de Malesherbes et de Tronchet auraient seules honoré son infortune. Grâce à Dieu, en dehors de ces dévouements, il s’en est produit beaucoup d’autres ; du commencement à la fin du procès, les protestations furent incessantes, assez nombreuses pour sauver, à défaut de la vie du roi, l’honneur de la nation. Nous en avons recueilli les traces avec soin dans les journaux et les écrits du temps, heureux de disputer à l’oubli les noms des hommes de cœur qui, sans souci du péril, se sont portés au secours de la vérité outragée, du droit méconnu, de la vertu désarmée.

Notre intention d’ailleurs n’est point d’écrire ici l’histoire du procès de Louis XVI. Nous ne rappellerons donc ni les généreux efforts de Malesherbes, de Desèze et de Tronchet, ni la ferme attitude des Lanjuinais, des Morisson, des Duchatel, des Bresson, des Kersaint et des autres députés qui, dans le sein même de la Convention nationale, déployèrent un si noble courage. Nous nous attacherons simplement à montrer ce que des hommes qui n’étaient ni députés, ni défenseurs en titre du roi, ont fait pour lui : les royalistes, on le verra, n’ont pas failli à leur devoir.

 

 

 

II

 

 

Dès que la décision de la Convention nationale, tendant à mettre Louis XVI en jugement, fut connue, quelques-uns des orateurs les plus distingués de l’Assemblée constituante sollicitèrent l’honneur de le défendre.

Le 5 novembre 1792, la veille du jour où fut déposé le Rapport du girondin Dufriche-Valazé sur les crimes du ci-devant roi, le comte de Lally-Tolendal 16, d’Angleterre où il s’était réfugié après son évasion des prisons de l’Abbaye dans la nuit qui précéda celle du 2 septembre 17, écrivit au président de la Convention, afin d’obtenir un sauf-conduit qui lui permît de venir à Paris se mettre à la disposition du royal accusé.

Il renouvela plusieurs fois sa demande, l’adressant tantôt au président de la Convention, tantôt au ministre de la justice. Une seule de ses lettres fut lue à la Convention, dans la séance du 6 décembre ; elle était ainsi conçue :

« Je vous prie de soumettre à la Convention le mémoire que j’ai l’honneur de lui adresser. Je la préviens que ce n’est pas de moi que je veux lui parler 18. »

L’Assemblée passa à l’ordre du jour ; Lally-Tolendal ne se découragea point, et l’on trouve de lui, aux Archives nationales, une nouvelle lettre au président de la Convention, en date du 17 décembre :

 

Depuis le 5 novembre, je me suis porté pour défenseur de Louis XVI. J’ai écrit plusieurs lettres. Une au moins est parvenue, puisqu’elle a été annoncée dans la séance du 6 décembre. Alors elle n’a pas été lue. Elle l’eût été sans doute aujourd’hui que Louis XVI a consenti à se choisir des conseils, aujourd’hui que les conseils qu’il a choisis lui ont refusé leur ministère, aujourd’hui que la Convention a reçu publiquement, a fait elle-même parvenir à Louis XVI et les offres du vertueux Malesherbes et le refus de Target. La Convention, qui a rendu hommage aux principes de l’éternelle justice en voulant qu’un accusé fût défendu, ne voudra pas s’en écarter en précipitant son procès avec une rapidité qui frapperait d’impuissance ses défenseurs. Je demande que mon nom soit présenté à Louis XVI au-dessous de celui de Malesherbes. Mon plaidoier est prêt. Un quart d’heure après être arrivé à Paris, je puis me présenter à la barre. Je n’ai pas même besoin de voir Louis XVI il ne me faut que les plaidoiers de ses accusateurs et son acte d’accusation. J’aurai l’honneur d’envoier à la Convention ce que je n’aurai pu lui dire, et ce sera moins de Louis XVI que de la nation française que j’aurai bien mérité.

Londres, ce 17 décembre 1792.

LALLY-TOLENDAL.

 

Je vous prie, citoyen président, de me notifier par M. Chauvelin 19 ce qui a aura été statué sur ma demande 20.

 

 

La Convention ne délibéra point sur cette lettre, qui ne fut pas portée à sa connaissance.

Peu de jours après le retour de Varennes, Malouet étant allé aux Tuileries, Marie-Antoinette dit au jeune dauphin : « Mon fils, connaissez-vous monsieur ? – Non, ma mère, répondit l’enfant. – C’est M. Malouet, reprit la reine, n’oubliez jamais son nom 21. » Une telle parole était pour Malouet un honneur impérissable ; elle lui imposait des devoirs sacrés : il sut les remplir. Le 8 novembre 1792, il adressa de Londres à Lebrun, ministre des affaires étrangères, la lettre suivante :

 

Sorti de Paris le 17 septembre dernier, ainsi que cela est constaté par mon passeport visé à Amiens le 18 et produit à Londres à M. le ministre de France ; occupé ici à réparer mes établissements à Saint-Domingue, par les avances de fonds qui me sont nécessaires, je ne peux, sous aucun rapport, être compris dans la classe des émigrés, et j’attendrais sans inquiétude l’application du dernier décret, si un intérêt plus puissant que celui de mes propres affaires ne me faisait désirer de rentrer en France le plus tôt possible.

J’apprends par les papiers publics qu’il est question d’instruire le procès de Louis XVI.

Soumis au gouvernement et aux lois établies, quelles qu’elles soient, mais indépendant de toute considération dans le sentiment de mes devoirs et la déclaration de mes opinions, je me crois obligé de me présenter comme défenseur officieux d’un prince dont j’ai toujours honoré les vertus et dont il m’est permis de déplorer l’infortune.

J’ai l’honneur de prier monsieur le ministre de France de soumettre ma demande au conseil exécutif, à l’effet d’obtenir un passeport qui me mettra à l’abri des difficultés qu’éprouvent en rentrant en France ceux mêmes qui, comme moi, n’en sont sortis que le 2 septembre, pour se dérober au fer des assassins, et chercher des ressources que nos désordres à Saint-Domingue et la situation de nos correspondants en France ne permettent plus aux colons de trouver dans l’intérieur du royaume.

 

Lecture de cette lettre fut donnée à la Convention dans la séance du 20 novembre, que présidait Grégoire. L’Assemblée passa à l’ordre du jour, non sans avoir mis à profit l’occasion qui se présentait de faire inscrire le nom de Malouet sur la liste des émigrés 22.

Un ami de Malouet, Mounier, député du tiers état du Dauphiné, l’un des plus nobles caractères et l’un des esprits les plus libéraux de la Constituante, qui avait proposé, le 20 juin 1789, « aux représentants, de la nation, de se réunir dans la salle du jeu de Paume et de se lier au salut public et aux intérêts de la patrie par un serment solennel 23 », s’offrit, lui aussi, comme défenseur de Louis XVI. Il avait quitté la France après les journées des 5 et 6 octobre et s’était réfugié en Suisse. C’est de là qu’il envoya à la Convention une lettre qui demeura sans réponse.

Nicolas Bergasse, député de la sénéchaussée de Lyon, s’était retiré de l’Assemblée en même temps que Mounier, mais il était resté à Paris. Jusqu’au 10 août, il n’avait cessé de prêter au roi l’appui de ses conseils. Il sollicita l’honneur de le défendre 24.

Cazalès 25, l’orateur le plus éloquent de l’Assemblée constituante après Mirabeau et l’abbé Maury, adressa à la Convention nationale, le 30 novembre 1792, la même demande que Malouet, Lally-Tolendal, Mounier et Bergasse, sans être plus heureux.

« Je ne demande pas, disait Cazalès, dans sa lettre au président de la Convention, je ne demande pas que mon nom soit effacé de dessus la liste des émigrés. Je me fais gloire de partager leurs opinions politiques et les malheurs qu’elles leur ont attirés. Je demande seulement que, dans le cas où le roi daignerait m’avouer pour son défenseur, la Convention nationale m’accorde un sauf-conduit pour me rendre à Paris et me dévouer à cette honorable fonction. »

Il adressait en même temps au roi captif la belle lettre qu’on va lire :

 

Sire, il est à craindre que la Convention nationale se décide à faire le procès à Votre Majesté. Si Votre Majesté croit que, sans trahir l’indépendance de la couronne qu’elle a reçue de ses ancêtres, il lui est permis d’avouer la juridiction de la Convention nationale en se défendant devant son tribunal, j’ose la supplier de me choisir pour son défenseur.

À peine connu de Votre Majesté, et n’en ayant reçu aucune grâce, mon amour pour elle ne peut être que l’effet de l’amour que je porte à la monarchie, que la suite nécessaire de ce sentiment profond qui lie tout homme de bien au gouvernement de son pays ; et peut-être que cette circonstance, malheureuse en tout autre temps, me rend plus propre qu’un autre à défendre, par de grandes raisons d’intérêt et de bonheur public, dans la cause de Votre Majesté, la cause de tous les rois.

On ne manquera pas de dire à Votre Majesté qu’ayant été constamment dans des principes opposés à ceux de la Révolution, il est à craindre que je ne jette sur sa cause la défaveur attachée à ma personne. Mais si Votre Majesté daigne se souvenir que j’ai défendu tous les droits de son trône, sans que nul ait osé me soupçonner de ne pas aimer la liberté ; que, dans ces temps de malheur et de haine, où les serviteurs de Votre Majesté, où ceux restés fidèles au gouvernement de leurs pères, ont été livrés à toutes sortes d’outrages et de diffamations, je suis le seul contre lequel aucune haine publique ou particulière n’a été dirigée, Votre Majesté pourra croire que je suis aussi le seul à qui il soit permis de la défendre avec quelque succès.

La grâce que je demande à Votre Majesté me sera plus précieuse que toutes celles qu’elle eût pu m’accorder dans la toute-puissance dont elle a joui : elle sera la plus haute récompense que je puisse recevoir de la constante fidélité que je lui ai gardée, et plus j’y pense, moins je puis croire que mes efforts et mon zèle soient entièrement inutiles au succès de sa cause.

Je suis, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet.

CAZALÈS 26.

South Wold, ce 30 novembre 1792.

 

 

Un ancien ministre, M. de Narbonne 27, qui avait été décrété d’accusation par l’Assemblée législative, le 28 août 1792, et qui avait dû, lui aussi, chercher un asile en Angleterre, demanda à comparaître à la barre de la Convention, afin de pouvoir présenter les éclaircissements qu’il était en mesure de fournir comme ministre et conseiller intime du roi. Les murmures et les cris qui accueillirent sa lettre ne permirent pas d’en achever la lecture.

Les ennemis de Louis XVI l’accusaient d’avoir signé, dans la journée du 10 août, l’ordre de massacrer le peuple, et ce grief était exploité contre lui, auprès de la populace des faubourgs, avec autant d’habileté que de perfidie. Les girondins étaient ici d’accord avec les montagnards, et se montraient d’autant plus violents qu’ils avaient besoin de faire prendre le change au public sur les ordres signés par Pétion. Encore bien qu’il fût d’accord avec les émeutiers, le maire de Paris, en présence de l’insistance énergique de Mandat, commandant général de la garde nationale, s’était vu obligé de lui donner les autorisations nécessaires pour doubler les postes du château, battre le rappel, faire marcher le canon. Que Mandat eût reçu les réquisitions du maire, le fait est aujourd’hui hors de doute les interrogatoires du commandant général de la garde nationale devant le conseil général de la commune et devant les commissaires des sections ne permettent plus de le contester 28. Mandat, il est vrai, ne pouvait plus apporter son témoignage : il avait été assassiné, le 10 août, sur les marches de l’escalier de l’hôtel de ville ; mais quelques personnes avaient vu les réquisitions émanées de Pétion et pouvaient en attester l’existence. De ce nombre était M. d’Aubier de Lamontille, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

Les chefs de l’état-major de la garde nationale, qui en avaient eu, comme lui, connaissance, avaient presque tous continué leurs services sous la Convention ; il crut que, sommés par lui, à la barre de l’Assemblée, de déclarer la vérité, ils ne se refuseraient pas à la dire. Proscrit de France et sous le coup d’un mandat d’arrêt, de Düsseldorf, où il est réfugié, il se rend, le 52 décembre, aux avant-postes français sur la Ruhr. N’y trouvant pas Dumouriez, qui était alors à Liège, et ne pouvant pas l’aller joindre, il lui fait parvenir une lettre dans laquelle il demande à être reçu prisonnier et traduit à la barre de la Convention, pour y faire une déclaration importante. Dumouriez le renvoie aux représentants civils ou diplomatiques. M. d’Aubier s’adresse à M. Thainville, chargé d’affaires de France à la Haye, qui transmet sa requête à Lebrun, ministre des affaires étrangères. Il ne reçoit pas de réponse. Après avoir vainement essayé de pénétrer en France, il écrit à M. de Malesherbes, et le prie de lui procurer les moyens d’arriver à Paris, pour y être confronté avec les accusateurs de Louis XVI. « S’ils me font massacrer ensuite, disait-il, la justification du fait que j’affirme 29 n’en sera que plus constante pour le public. On ne croira jamais qu’un homme sorte d’un asile sûr et vienne jouer sa vie pour soutenir un mensonge. » Moins préoccupé de sauver sa vie que de ne pas compromettre celle de ses serviteurs et de ses amis, le roi chargea M. de Malesherbes de répondre, en son nom, à M. d’Aubier et de le conjurer de ne point donner suite à son dessein. Ce billet, signé Malesherbes, a été conservé ; en voici le texte :

 

N’ayant pas eu de vos nouvelles depuis le 10 août, il (le roi) tremblait que vous n’eussiez été une des victimes des grands massacres ; je l’ai rassuré en lui lisant votre lettre ; et après l’avoir lue, il a exigé de moi de vous mander qu’il vous conjure de ne pas vous compromettre.

On rejetterait votre témoignage comme celui d’un homme à qui son attachement ne permet pas d’être impartial. Je m’acquitte de la commission sans vous donner aucun conseil ; cela ne m’est pas permis avec la fonction dont je suis chargé.

 

Cette lettre était du 12 janvier 1793 ; M. d’Aubier la reçut par le courrier qui lui apprenait la mort de Louis XVI 30 !

 

 

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CHAPITRE II

 

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Nicolas Sourdat et l’adjudant général Menildurand. – Les avocats de Paris : l’ex-constituant Guillaume, Tronson du Coudray, Bellart, Bonnet, Chauveau-Lagarde, Gicquel, Bureau du Colombier, Berryer, Bitouzet des Linières, Delacroix-Frainville, Hulin, Lavaux, Troussel, Piet-Tardiveau et Charles Ducancel. – Les avocats de province : Huet de Guerville, Bouvier, Louvel de Valroger. – Les magistrats les deux Nicolaï, M. de Pastoret, Guillaume Delfau. – Un ancien prisonnier de la Bastille. – Jean-Marie Chassaignon et Olympe de Gouges. Cartouzières et Guélon-Marc.

 

 

 

I

 

 

SI la révolution avait chassé de France les principaux orateurs du parti royaliste et les principaux serviteurs du roi, et s’ils étaient réduits à dater d’une terre étrangère les lettres où ils lui offraient leurs services, il ne manquait pas en France d’hommes de cœur prêts à se dévouer pour lui.

La Convention avait décidé, le 11 décembre, que Louis pourrait choisir un conseil. Le 12, le roi désigna Target, l’un des principaux auteurs de la constitution de 1791, et, à son défaut, Tronchet ; tous les deux si cela était possible. « Jamais, dit un contemporain, Lacretelle jeune, jamais considération n’avait été plus importante que celle dont Target avait joui longtemps et à juste titre, mais il n’avait point l’âme à l’épreuve d’une révolution 31. » Target refusa 32. Lecture de sa lettre, signée le républicain Target, fut donnée dans la séance du 13 ; mais, pour l’honneur de la France, cette lecture fut immédiatement suivie de celle de deux autres lettres, ainsi conçues :

 

 

Paris, 11 décembre 1792.       

 

Citoyen président, j’ignore si la Convention donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre et si elle lui en laissera le choix. Dans ce cas-là, je désire que Louis XVI sache que, s’il me choisit pour cette fonction, je suis prêt à m’y dévouer. Je ne vous demande pas de faire part à la Convention de mon offre ; car je suis bien éloigné de me croire un personnage assez important pour qu’elle s’occupe de moi ; mais j’ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître, dans le temps que cette fonction était ambitionnée par tout le monde. Je lui dois le même service lorsque c’est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. Si je connaissais un moyen possible pour lui faire connaître mes dispositions, je ne prendrais pas la liberté de m’adresser à vous.

J’ai pensé que, dans la place que vous occupez, vous avez plus de moyens que personne pour lui faire passer cet avis.

Je suis avec respect, etc.

 

LAMOIGNON-MALESHERBES.       

 

 

Paris, 12 décembre 1792.      

 

Citoyen président, la renommée publie que la Convention nationale a consenti à donner à Louis XVI un défenseur ou conseil. Avant d’offrir mes services pour cette mission, que le sentiment de l’innocence de Louis XVI et de la justice de la Convention nationale m’inspire le désir d’aborder avec le zèle nécessaire pour la remplir, je désirerais savoir de vous-même ce qu’il en est, en même temps que vous auriez la bonté de m’en apprendre les circonstances. Je pourrais vous donner les notions qu’une telle offre de ma part peut et doit rendre nécessaires. Je me rendrai sur-le-champ à la conférence qu’il vous plaira de m’accorder, et que l’importance de l’objet me donne la confiance de vous demander. La simplicité de ma démarche m’assure, j’ose l’espérer, la loyauté de celle que je dois attendre de vous.

 

SOURDAT, citoyen de Troyes 33.       

 

 

François-Nicolas Sourdat, né à Troyes en 1745, avait exercé dans cette ville les fonctions de lieutenant général de police de 1781 à 1790. « De l’aveu même de ses adversaires, dit M. Albert Babeau, c’était un homme à talents peu communs et à grand caractère 34. »

Trois autres lettres, dont il ne fut pas donné lecture à la Convention, avaient pour auteurs Huet de Guerville, avocat au ci-devant parlement de Normandie ; Gustave Graindorge, ci-devant Menildurand, adjudant général de l’armée, et Guillaume, ancien avocat aux conseils et membre de l’Assemblée constituante, qui, avant de demander à défendre Louis XVI, avait adressé à l’Assemblée une pétition, à l’effet d’obtenir que le jugement du roi fût renvoyé devant, un ou deux tribunaux, et que l’arrêt fût prononcé au scrutin secret.

Un mois avant la lettre de Malesherbes, et dès le 13 novembre, M. Huet de Guerville avait écrit au président de la Convention et s’était proposé pour servir au roi de défenseur officieux. Gensonné, l’un des chefs de la Gironde 35, demanda le renvoi de sa lettre au comité de sûreté générale. « Elle est terminée, dit-il, par une demande, sans motifs, d’un délai d’un mois. Il est possible que ce ne soit qu’une étourderie ; mais il se peut aussi que ce ne soit qu’un piège. » Il fallut que Barère, peu suspect cependant de faiblesse à l’endroit du prisonnier du Temple, fît ressortir en ces termes ce que la motion de Gensonné avait de lâche et d’odieux : « Qu’y a-t-il de commun entre les opérations du comité de sûreté générale et la défense d’un accusé ? Nous devons donner à la défense du ci-devant roi toute la latitude que le droit naturel établit. Nous devons encourager tous ceux qui voudront exercer le plus intéressant ministère. Ce n’est pas avec des soupçons et des renvois au comité de sûreté générale que la Convention nationale peut accueillir les défenseurs officieux d’un accusé 36. »

L’Assemblée passa à l’ordre du jour sur le motif que Louis avait seul le droit de se choisir un défenseur. Huet de Guerville adressa immédiatement une seconde lettre au président de la Convention, le citoyen Hérault de Séchelles, qui crut pouvoir se dispenser de la porter à la connaissance de ses collègues 37.

La lettre de l’adjudant général Menildurand, écrite le 13 décembre, priait l’Assemblée de le mettre sur la liste qu’elle allait envoyer à Louis XVI, et il ajoutait : « La Convention n’aura point à craindre les longueurs et les chicanes d’un avocat ; je ne l’ai jamais été 38. »

Avocat, Guillaume l’avait été, et il avait marqué sa place dans les premiers rangs du barreau. À l’Assemblée constituante, où il siégeait comme député du tiers état de Paris hors les murs, il s’était signalé par l’ardeur de son libéralisme et l’éclat de sa parole. Bien qu’il n’appartînt pas au côté droit et qu’il se rapprochât plus de Barnave que de Cazalès, il n’en était pas moins profondément dévoué au roi, et c’est lui qui, après l’attentat du 20 juin 1792, de concert avec Dupont (de Nemours), rédigea, fit imprimer dans le Journal de Paris et déposa chez les notaires de la capitale une protestation énergique couverte en peu de jours d’un nombre considérable de signatures et appelée la Pétition des vingt mille 39. Sur cent treize notaires, quatre-vingt-dix-neuf avaient consenti à recevoir les signatures, témoignant ainsi de leurs serments de fidélité au roi. Pendant la Terreur, cinquante d’entre eux furent incarcérés ; sept portèrent leur tête sur l’échafaud : MM. Brichard, Chaudot, Girard, Fourcauld de Pavant, Du Foulleur, Prédicant et Duclos du Fresnoy.

Dans la journée du 13 décembre, quatre commissaires de la Convention, Cambacérès, Salicetti, Thuriot et Dupont (de Bigorre), se rendent au Temple, annoncent à Louis XVI le refus de Target, et lui communiquent les lettres de Malesherbes, de Sourdat, de Huet de Guerville et de Menildurand. Ils lui font connaître, en même temps, que Guillaume a offert de se charger de sa défense, mais qu’ils ne sont pas porteurs de sa lettre 40.

Le choix définitif fait par le roi de Tronchet et de Malesherbes 41 ne fut connu que dans la soirée du 14. Ce jour-là et le lendemain, dans l’ignorance où ils étaient encore de cette décision, un grand nombre de royalistes s’offrirent pour être ses défenseurs.

 Dès la fin d’octobre, les avocats qui n’avaient pas abandonné la plaidoirie, malgré la suppression de leur ordre 42, s’étaient émus de la situation de l’auguste accusé. Un appel pouvait être fait à leur dévouement : ils se tenaient prêts. Le soir du 13 décembre, sous le coup de l’émotion produite par l’étrange défaillance de Target, émotion qui ne fut nulle part plus profonde et plus vive qu’au Palais, parmi ses anciens confrères, les principaux d’entre eux – Bellart, Bonnet, Chauveau-Lagarde, Gicquel, Bureau du Colombier, Berryer, Bitouzet des Linières, Delacroix-Frainville, etc. – se réunirent chez Tronson du Coudray. Ils décidèrent que, si le choix de Louis XVI tombait sur l’un d’eux, tous les autres l’assisteraient comme conseils 43. On arrêta dans cette réunion les bases du système de défense ; on convint de s’élever surtout contre l’audacieuse attribution de compétence que la Convention s’était faite à elle-même ; on esquissa, au moins dans ses lignes principales, l’exorde du discours, et l’on décida que l’orateur commencerait par cette déclaration : « J’apporte à la Convention la vérité et ma tête ; elle pourra disposer de ma vie quand elle aura entendu mes paroles ! » Le lendemain de cette réunion, Tronson du Coudray écrivit au président de la Convention ; sa lettre n’ayant pas été insérée dans les procès-verbaux des séances, il adressa à tous les journaux une seconde lettre, datée du 16 décembre et ainsi conçue :

 

Je crois devoir rendre publique l’offre que je faisais, le 14 de ce mois, à la Convention nationale, de défendre Louis, offre que probablement on n’a pas jugé à propos de lui communiquer, parce qu’elle devenait inutile dans les circonstances. J’aurais regardé comme inconvenant et indiscret de prévenir le choix de Louis ; mais les feuilles du soir ayant annoncé que le citoyen Target lui refusait ses conseils et supposé que le citoyen Tronchet n’avait pas accepté, il m’a paru affreux que l’accusé du Temple fût délaissé par les hommes qui se consacrent par état à la défense des malheureux. Je sentais vivement qu’une cause de ce genre demandait de tout autres talents que des discussions juridiques, mais j’ai cru qu’étant un des anciens du barreau actuel, c’était un devoir pour moi d’aller au-devant des périls que d’autres semblaient redouter. J’ai donc écrit sur-le-champ au président de la Convention pour l’avertir que j’offrais à Louis de le défendre à la barre. On ne me fera probablement pas l’injure de supposer qu’une fausse gloire m’ait déterminé ; j’étais au contraire à peu près sûr, vu la brièveté du temps, de compromettre les intérêts de mon amour-propre. C’est donc tout simplement un devoir que je croyais devoir remplir, et je veux que tous mes concitoyens en soient instruits 44.

 

Beaucoup firent comme Tronson du Coudray, et se présentèrent pour remplir le poste déserté par le malheureux Target. Leurs lettres, qui parvinrent à la Convention après le choix fait par Louis XVI de ses deux conseils, ne furent pas rendues publiques. Il importe cependant que ces dévouements ne restent pas ignorés, et j’essayerai d’en donner ici la liste ; elle comprend des noms illustres et aussi plus d’un nom modeste et obscur : tous ont les mêmes droits aux souvenirs et aux respects de l’histoire. Pour reconstituer cette liste j’ai dû recourir aux journaux et aux brochures du temps, aux écrits publiés sous la Restauration, aux Archives nationales et à plusieurs collections particulières qui m’ont été libéralement ouvertes.

 

 

 

II

 

 

À côté de Tronson du Coudray et des avocats dont nous rappelions tout à l’heure les noms, il convient de placer tout d’abord plusieurs autres membres de l’ancien barreau : Hulin, Lavaux, Troussel, Piet-Tardiveau, Ducancel, Bouvier et de Valroger.

La lettre du premier à la Convention nationale est signée : Hulin, homme de loi, rue Hautefeuille, 6, ancien avocat au Parlement et ci-devant commissaire du roi près le Tribunal criminel provisoire d’Avignon 45.

Christophe Lavaux, ci-devant avocat aux conseils, était, en 1792, avoué près le Tribunal de cassation.

 

Je vous prie d’annoncer à la Convention nationale, écrivait-il au président, que j’offre de partager, avec le citoyen Lamoignon-Malesherbes, les fonctions de conseil de Louis XVI. Quelques succès obtenus en défendant les infortunés m’encouragent, bien plus que le sentiment de mes forces, à me présenter pour remplir cette honorable et triste tâche 46.

 

Ancien avocat aux conseils, comme Lavaux, Troussel était, comme lui, avoué près le Tribunal de cassation. Sa lettre à la Convention, en date du 14 décembre 1792, est ainsi conçue :

 

Dans le cas où l’âge et les moyens physiques de M. de Malesherbes ne lui permettraient pas d’espérer de se faire entendre dans une assemblée aussi nombreuse que la Convention, et où les Thouret, les de Bonnières, les Bellart et autres gens à grands talents ne pourraient pas concourir à sa défense, j’offre mes poumons pour répéter devant l’Assemblée ce que le Nestor de la France aura jugé nécessaire 47.

 

Piet-Tardiveau avait, dans les premiers mois de 1792, et sur l’invitation même de Louis XVI, accepté de défendre les prisonniers traduits devant la haute cour d’Orléans : le duc de Cossé-Brissac, le ministre de Lestart, le juge de paix Larivière et leurs compagnons. Convaincu que l’innocence de ses clients ne les sauverait pas, il ne négligea rien pour leur procurer des moyens d’évasion, et il eût peut-être réussi sans les hésitations du duc de Brissac. On sait comment ces braves gens, conduits d’Orléans à Versailles par Fournier l’Américain et les hommes de sa bande, furent massacrés le 9 septembre 1792, au nombre de quarante-quatre. Piet, menacé à son tour, quitta Paris et se réfugia à Nantes. C’est de cette ville qu’il écrivit pour demander à défendre le roi 48.

Nommé, en 1797, député de la Sarthe au conseil des Cinq-Cents, il vit son élection annulée au 18 fructidor, resta à Paris, où il devint un des agents les plus actifs du parti royaliste, fut arrêté en 1799 et enfermé au Temple dans la chambre même de Louis XVI. Dès qu’il fut rendu à la liberté, il reprit sa profession d’avocat. En 1815, les électeurs de la Sarthe l’envoyèrent à la Chambre des députés, où il siégea jusqu’en 1818. Réélu en 1820, il siégea de nouveau jusqu’en 1828 au Palais-Bourbon. Le salon de M. Piet, rue Thérèse, 8, fut longtemps le rendez-vous des députés de la droite 49, ce qui lui valut l’honneur d’être insulté quotidiennement par les prétendus libéraux de la gauche. Les auteurs de La Villéliade, Barthélemy et Méry, nous le montrent, au début de leur poème, donnant à dîner aux députés du centre :

 

            Piet, traiteur du Sénat

 

et, plus loin, au chant cinquième, tirant à la cible dans la charte constitutionnelle :

 

                                      Muni de ses besicles,

Piet de l’auguste cible emporte deux articles 50.

 

Conseiller à la cour de cassation depuis le 22 juin 1822, M. Piet est mort à Paris le 31 octobre 1848 ; il était né à Vouvray (Indre-et-Loire), le 11 septembre 1763 51.

Charles-Pierre Ducancel venait d’être reçu avocat lorsque éclata la Révolution. Il en adopta les principes avec l’enthousiasme et l’ardeur de la jeunesse, et la Société des Amis de la constitution le compta, pendant quelque temps, parmi ses membres les plus assidus ; mais dès 1791, à la vue des excès et des crimes commis par les révolutionnaires, il se sépara des Jacobins, qu’il ne devait plus cesser de combattre. Il les a traduits sur la scène dans une pièce qui fut un évènement. L’intérieur des comités révolutionnaires ou les Aristides modernes, comédie en trois actes et en prose, jouée le 8 floréal an III (27 avril 1795), sur le théâtre de la Cité-Variétés, obtint deux cents représentations, tant sur ce théâtre que sur celui de la Montansier. Le succès ne fut pas moins vif dans les départements, et, pour y mettre fin, il fallut que le Directoire fît défense de jouer la pièce 52. En 1821, Ducancel publia le premier volume de ses Esquisses historiques, politiques et morales du gouvernement révolutionnaire en France aux années 1793 et 1794. On lit dans l’Avertissement placé en tête de l’ouvrage : « Quelques jours avant la mise en jugement de Louis XVI, sans envisager la grandeur de la tâche que j’ambitionnais, j’écrivis à la Convention nationale pour être admis par elle comme l’un des défenseurs du roi. J’avais la simplicité de croire qu’il y avait pour lui quelque chance de salut 53. »

Tronson du Coudray, Hulin, Lavaux, Troussel, Piet, Ducancel appartenaient au barreau de Paris. D’autres avocats les imitèrent, qui avaient appartenu au barreau des parlements de province.

Claude-Pierre Bouvier avait été avocat au parlement de Bourgogne. Nommé à la suite d’un concours, le 29 juillet 1787, membre de l’Université de droit de Dijon, il avait, au mois de novembre 1791, fait le sacrifice de ses fonctions à l’Université pour ne pas prêter le serment prescrit par les lois des 22 mars et 26 avril de la même année, serment qu’il estimait contraire aux intérêts du trône. Il avait souscrit pour le rachat des domaines de la couronne ; au mois d’août 1791, il avait sollicité l’honneur de se constituer prisonnier et d’être l’un des otages de Louis XVI, qui préludait par la captivité des Tuileries à la captivité du Temple 54. Dès que la mise en jugement de Louis fut décrétée, il écrivit à la Convention et demanda que son nom et l’offre de ses services fussent mis sous les yeux du roi 55.

Déjà nous avons eu occasion de signaler le dévouement de M. Huet de Guerville, « ci-devant avocat au parlement de Normandie ». Un de ses jeunes compatriotes, avocat à Granville, demanda, comme lui, à partager la défense du roi. C’était M. Louvel de Valroger, mort en 1820, conseiller à la cour de Caen, et dont le nom a été si honorablement porté de nos jours par ses deux fils : l’un, professeur à la faculté de droit de Paris ; l’autre – le R. P. de Valroger – qui a composé de remarquables travaux d’apologétique chrétienne 56.

Si le barreau acquittait ainsi généreusement sa dette envers le prince qui avait aboli, en 1780, la question préparatoire et qui s’était préoccupé, avec tant de sollicitude, d’améliorer l’état des prisons et le sort des prisonniers, la magistrature n’oubliait pas non plus celui au nom de qui elle avait rendu la justice. L’exemple de Malesherbes, ancien premier président à la Cour des aides, fut suivi par Aymard-Charles-François de Nicolaï, premier président du grand Conseil, et Aymard‑Charles-Marie de Nicolaï, premier président de la Chambre des comptes ; tous les deux offrirent leurs services au roi 57. Au mois d’août 1793, le premier président du grand Conseil, M. de Nicolaï l’aîné, mit de nouveau son zèle et son dévouement à la disposition de la famille royale et sollicita l’honneur d’être l’un des défenseurs de Marie-Antoinette. Voici la lettre qu’il écrivit à la reine, lorsqu’il apprit qu’elle était traduite au tribunal révolutionnaire :

 

Madame, j’ambitionnai toujours d’occuper une place dans votre maison ; l’espoir de remplacer feu M. de Paulmy 58 avait fait mon bonheur ; rien dans la nature ne peut altérer une sensible reconnaissance ; votre position me prescrit le devoir sacré de vous la témoigner publiquement, en osant vous offrir mes services. Je connais la faiblesse de mes talents, mais je me sens un courage inébranlable, une âme pure, un cœur droit : n’est-ce pas suffisant pour devenir le défenseur de la veuve de Louis XVI ? Je m’adresse au président de la Convention nationale pour vous faire parvenir l’expression de mon zèle et de mon dévouement ; puissent l’un et l’autre, si vous daignez les accepter, vous obtenir la justice qui vous est due !

NICOLAÏaîné,                     

ancien premier président du grand conseil 59.

 

M. de Pastoret avait été conseiller à la Cour des aides ; il écrivit à la Convention, demandant à être associé, dans la défense de Louis XVI, à son ancien président, M. de Malesherbes. Les titres de M. de Pastoret à cet honneur étaient aussi éclatants que nombreux. Écrivain remarquable, auteur de savantes études sur la législation et en particulier sur les Lois pénales, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et historiographe de France, président du département de Paris, puis procureur général syndic, il avait été nommé, par la ville de Paris, député à l’Assemblée législative, où ses collègues s’étaient empressés, dès le premier jour, de l’élever à la présidence. Un membre de la Convention, qui se regardait comme obligé envers lui par des sentiments de reconnaissance, et qui était alors à la tête d’un des comités de l’Assemblée, reçut sa lettre et la retint. On en parla toutefois, et M. de Pastoret fut obligé de quitter la France 60.

Parmi les collègues de M. de Pastoret à l’Assemblée législative, un de ceux qui avaient déployé le plus de courage et combattu avec le plus d’énergie les Jacobins et la Gironde était M. Guillaume Delfau, député de la Dordogne. Le 12 juin 1792, il avait dénoncé, à la tribune, un libelle intitulé la Chute de l’idole de la France, qui renfermait une véritable provocation à l’assassinat du roi, et dont il était fait publiquement lecture dans le jardin même des Tuileries. Le 25 juin, il s’était élevé avec force contre la société des jacobins et les douze cents clubs affiliés à la société mère. Le 10 juillet, une députation, qui avait pour orateur Collot-d’Herbois, étant venue réclamer la mise en accusation de La Fayette, il avait, bravant les huées des tribunes, demandé que la pétition fût livrée au mépris public. Le 13 et le 23 juillet, il avait flétri, en termes énergiques, la conduite du maire Pétion et du procureur de la commune Manuel dans la journée du 20 juin et il avait fait entendre cette belle parole : « Ne vaut-il pas mieux mourir honoré, que de vivre en lâche et sans honneur 61 ? » Il était d’une famille où les actes ne faisaient pas mentir les paroles. Son oncle, l’abbé Delfau, archiprêtre d’Aglan-en-Sarladais et député du clergé de la sénéchaussée du Périgord à l’Assemblée constituante, avait refusé de prêter le serment imposé par le décret du 27 novembre 1790 62 ; enfermé aux Carmes comme suspect, il avait été égorgé le 2 septembre 1792. Le 14 décembre, lorsqu’il apprit le refus de Target, croyant de plus à celui de Tronchet, dont le bruit circulait dans Paris, Guillaume Delfau écrivit à la Convention : « Je crois, disait-il, ne devoir plus écouter que mon dévouement 63. »

 

 

 

III

 

 

Nous avons encore sous les yeux bien des lettres à la Convention, écrites les unes de Paris, les autres des départements ou de l’étranger.

Un ancien prisonnier de la Bastille, Brun de Condamine 64, adressa au président de la Convention, le 14 décembre, la lettre suivante :

 

 

Paris, le 14 décembre 1792.            

 

Monsieur le président,

 

Un citoyen, qui n’a reçu d’autre grâce de Louis XVI qu’une détention à la Bastille pendant quatre ans trois mois, se présente pour entreprendre la défense de sa cause. Je vois dans cette entreprise deux grands avantages pour moi.

Le premier consiste à défendre un illustre accusé par qui j’ai été détenu quatre ans trois mois en prison, mais dont les malheurs et les vertus sollicitent mon zèle et ma justice.

Le second consiste à défendre l’honneur de la nation française dont je suis membre.

La Commune de Paris a pris un arrêté par lequel elle déclare que les conseillers de Louis XVI resteront enfermés au Temple jusqu’au jugement de ce roi malheureux. Je doute qu’un arrêté de la Commune de Paris puisse légalement faire mettre en prison des conseillers autorisés à l’être par un décret de la Convention nationale.

J’ignore quelles peuvent avoir été les vues de la Commune en le prenant ; mais, sans chercher à les approfondir, je déclare que cette mesure est incapable d’arrêter mon zèle.

Des gens qu’on doit dire malintentionnés se répandent dans les lieux publics pour annoncer que les conseillers de Louis XVI doivent s’attendre à périr par le fer ou par le poison. Je me mets en garde contre les méchants, mais leurs menaces ne m’intimideront pas.

La défense de Louis XVI est trop glorieuse pour moi pour que le danger de ma vie ne soit pas au-dessous de cette gloire.

Je vous prie, Monsieur le président, de faire donner communication de ma lettre à Louis XVI. Je désire qu’elle lui inspire assez de confiance pour l’engager à accepter mon offre ; mais s’il la refuse, je ferai imprimer les raisons qui militent en faveur de cet illustre accusé.

Je suis avec respect, Monsieur le président, votre très humble et obéissant serviteur,

A.-M. BRUN,            

rue Phélipeaux, n° 17, section des Gravilliers 65.

 

 

Un ancien noble, J.-B. Poupart-Beaubourg, qui se parait du titre de « Vainqueur de la Bastille », écrivit à la Convention pour protester contre la mise en jugement du roi 66.

Voici trois lettres dont les signataires demandaient à être associés à la défense de Louis XVI et qui ont pour auteurs : la première, le « citoyen Bonvallet-Desbrosses 67 » ; la seconde « Rivière fils jeune, citoyen d’Agen 68 » ; la troisième, le « citoyen Miroménil », de Montalet, près Mantes-sur-Seine 69. Le citoyen Miroménil appartenait à la famille d’Armand Hue de Miroménil, garde des sceaux de France, de 1774 à 1787.

De Bruges, l’abbé Pierre de Rumenghen s’adresse au président de la Convention, réclame un sauf-conduit et termine en disant : « Je proteste que je souscris, en punition de ma témérité, sinon à l’arrêt de ma mort, n’étant point propriétaire de ma vie, du moins à ma captivité perpétuelle, si je ne satisfais point aux sublimes engagements que je souscris, en ce moment, à la face du ciel et de la terre 70. »

De Lyon, un écrivain, dont le talent bizarre confinait parfois à une sorte de délire mystique et parfois touchait à l’éloquence, Jean-Marie Chassaignon, offrit de venir à Paris plaider pour Louis XVI 71. L’abbé Guillon de Montléon parle de lui en ces termes, dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de la ville de Lyon pendant la Révolution : « Jean Chassaignon était un Lyonnais dont la candeur d’âme, la pureté de principes, la profondeur de sentiment n’ont pu tenir devant le débordement de vices et de maux répandus dans sa patrie. Il est mort au commencement de 1796, après avoir donné au public plusieurs ouvrages, marqués au coin de l’originalité, de l’érudition, de la misanthropie, de l’énergie et souvent du génie... Dans les accès de son indignation, à la vue des premiers désordres de la Révolution, qui lui en faisaient présager de beaucoup plus effrayants, il publia, en 1792, un livre non moins étrange que rare, dans le genre de la satire Ménippée, et intitulé les Nudités ou les crimes du peuple 72. » Dans cet écrit, Chassaignon prend la défense des prêtres proscrits ; il attaque les principaux auteurs de la Révolution, et couvre de ridicule le nouvel évêque de Lyon, Lamourette, ainsi que Chalier et les autres membres du club et de la municipalité de cette ville. « Le vertueux et mélancolique Chassaignon, que j’ai visité souvent dans son cabinet d’étude, dit encore l’abbé Guillon, travaillait sur une table de bois commun, où se trouvait à côté de son écritoire une tête de mort desséchée, et devant lui un crucifix 73. »

Comme si, dans ce procès, où se trouvent rapprochées toutes les extrémités des choses humaines, depuis les plus viles lâchetés du crime jusqu’aux plus hautes sublimités de la vertu, devaient aussi se réunir tous les contrastes, voici, sur la liste des défenseurs du roi, auprès de Jean-Marie Chassaignon, Olympe de Gouges. La Convention se refusait, depuis que Louis XVI avait choisi Tronchet et Malesherbes, à prendre connaissance des lettres relatives à sa défense ; elle ne souffrait même pas qu’il en fût fait mention dans ses procès-verbaux. Avec la citoyenne Olympe de Gouges, il n’en va plus de même : sa lettre est lue tout entière dans la séance du 15 décembre, et l’Assemblée, au lieu de voter l’ordre du jour, ordonne le renvoi à la commission des Vingt-et-un 74. Peut-être les membres de la Convention espéraient-ils que l’intervention d’une femme perdue de mœurs, – excellente républicaine du reste – jetterait de la défaveur sur la cause de Louis : ils estimaient sans doute que c’était pour eux un coup de partie d’associer au nom respecté de Malesherbes le nom déshonoré d’Olympe de Gouges. Voici les principaux passages de sa lettre :

 

Citoyen président, je m’offre, après le vertueux Malesherbes, pour être le défenseur de Louis... Je suis franche et loyale républicaine, sans tache et sans reproche ; personne n’en doute, pas même ceux qui feignent de méconnaître mes vertus civiques ; je puis donc me charger de cette cause...

Je crois Louis fautif comme roi ; mais dépouillé de ce titre proscrit, il cesse d’être coupable aux yeux de la République... Je désire d’être admise par la Convention nationale à seconder un vieillard, de près de quatre-vingts années, dans une fonction pénible, qui me paraît digne de toute la force et de tout le courage d’un âge vert... Je puis mourir actuellement ; une de mes pièces républicaines est au moment de sa représentation. Si je suis privée du jour à cette époque, peut-être glorieuse pour moi, et qu’après ma mort il règne encore des lois, on bénira ma mémoire, et mes assassins détrompés répandront quelques larmes sur ma tombe 75 !...

 

Olympe de Gouges fit placarder sa lettre sur les murs de la capitale, avec cet en-tête : Olympe de Gouges, défenseur de Louis Capet 76.

 

 

 

IV

 

 

Plus d’un aurait été heureux de défendre Louis XVI qui ne pouvait songer à assumer une semblable tâche, soit qu’il n’y fût pas préparé d’avance, soit que le talent nécessaire lui fît défaut. On vit alors de courageux citoyens chercher à sauver le roi par d’autres moyens. M. Budant envoya aux membres de la Convention, le 9 décembre 1792, une lettre datée de Chartres, et ainsi conçue :

 

Citoyens représentants, souvenez-vous que Louis appartient à toute la France... Voulez-vous maintenant éviter un crime à toute la France, et acquitter une partie des dettes de la nation ? Acceptez ma proposition. La voici : Faites arriver en sûreté cette famille malheureuse sur une terre étrangère ; vous ne souillerez point vos mains dans le sang. Les Français pourront partout avouer leur patrie, et l’on ne rougira plus de communiquer avec eux. Un tel bienfait ne restera pas sans récompense. La nation me doit 20 000 livres ; cent mille individus sont dans le même cas ; nous apporterons tous notre quittance sur le bureau de la Convention, et nous nous estimerons encore heureux de payer cette rançon ; car enfin, si l’on vous persuade que l’existence des prisonniers du Temple puisse nuire à la République, il est plus certain encore qu’il naîtra de leurs cendres des milliers de vengeurs.

 

Imprimée à plusieurs milliers d’exemplaires, cette lettre fut distribuée dans les rues de Paris et insérée dans la Feuille du matin 77.

Un lieutenant-colonel, nommé Cartouzières, fit mieux qu’offrir son argent : il offrit sa vie, dans une lettre au président de la Convention, datée de Béziers le 3 janvier 1793 :

 

            Monsieur le président,

 

Les nouvelles du jour m’apprennent que Louis Seize a été traduit une seconde fois à la barre de l’Assemblée avec ses honorables défenseurs et qu’il est tout à fait décidé qu’il sera jugé. Sans me permettre aucune réflexion, et récapitulant tout ce qui a été fait et dit jusqu’à cet instant, je dois présumer que les jours de Louis Seize sont en danger.

Puisque tout sang aujourd’hui est également bon, j’offre avec joie ma vie pour sauver celle de Louis Seize. Veuillez la faire agréer.

Cette démarche de ma part est autant dictée par ma tendre et respectueuse affection pour le sang de Henry que par les serments que j’ai faits au Roi en 87 lorsqu’il m’a admis en son ordre de Saint-Louis.

Avant tout ceci, j’eusse, de bon cœur, sacrifié ma vie pour Louis Seize dans les combats ; il n’y aura de différence que dans le mode, et j’éviterai sans doute, par mon action, de longs et d’inutiles remords à ma patrie.

Je suis, monsieur le président, avec tous les sentiments que je vous dois,

CARTOUZIÈRES,             

ci-devant capitaine au régiment royal Dragon,

avec brevet de lieutenant-colonel 78.

 

Une jeune fille, qui signait Julie, écrivait de son côté à la Convention :

 

Citoyen président, je ne suis point aristocrate, mais je suis jeune et sensible, et les malheurs de Louis Seize déchirent mon cœur. S’il est condamné, s’il doit périr, je m’offre pour victime à sa place. Sauvez-lui la vie, et laissez-moi monter à l’échafaud.

En vain direz-vous que le sang d’une femme ne vaut pas celui d’un roi ; nous sommes tous égaux, et mon âme est aussi pure que la sienne.

Décrétez ma demande, je vous en supplie, et vous me connaîtrez bientôt 79.

 

Une offre semblable se retrouve dans la lettre d’un négociant de Troyes, Pierre-Prosper Guélon-Marc.

 

Citoyen président, c’est dans l’attente d’un décret qui va décider du sort d’un monarque bienfaisant que tout Français a droit de manifester librement son opinion. Quiconque contribuera au triomphe de Louis servira notre patrie...

Des vœux stériles sont un trop faible hommage pour une âme pénétrée d’amour et de fidélité. Des intérêts moins puissants déterminèrent un Romain à sacrifier sa vie à son pays ; Régulus courut au-devant du supplice qui l’attendait à Carthage. L’histoire, qui met les criminels au carcan de l’opinion publique, l’immortalisa...

Si le décret de mort fut porté dans les assemblées électorales, si ce vote anticipé devint le gage de votre nomination, acceptez une victime fière de se dévouer ; que le sang d’un fidèle sujet soit seul versé. J’offre ma tête pour celle du meilleur des rois. Que l’ami de la religion, des mœurs et de l’ordre, que le soutien du peuple, que celui qui fit tous les sacrifices, que le bon époux, le bon père soit libre : que vingt-cinq millions d’hommes dont il fit le bonheur ne soient pas orphelins, mais que, pour un crime imaginaire, on se contente de la vie d’un citoyen, qui saura mourir, parce que l’échafaud peut être un lit d’honneur. Ses derniers vœux seront : Gloire à Dieu, fidélité au roi, prospérité à la France 80 !

 

 

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CHAPITRE III

 

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Les Otages de Louis XVI. – De Rozoi et la Gazette de Paris. – Les Mémoires du chancelier Pasquier. – Les six habitants d’Auxerre. – Le chevalier d’Antibes. – La sœur d’Henri de Larochejaquelein. – L’arrière-petit-fils de Malherbe et l’arrière petite-fille de Corneille. – Une ode du vieux Malherbe.

 

 

L’HOMME qui écrivait cette lettre au mois de décembre 1792 n’en était pas à faire ses preuves de courage, de fidélité et de dévouement. Au mois d’août 1791, il s’était fait inscrire parmi ceux qui s’offraient en otages pour obtenir la liberté de Louis XVI et de sa famille.

La captivité du roi avait commencé, en réalité, au lendemain du voyage de Varennes (20 juin 1791). C’est alors que prit naissance l’idée des Otages de Louis XVI. De Rozoi, rédacteur de la Gazette de Paris 81, la soumit à ses lecteurs, le 11 juillet 1791, dans les termes suivants :

 

Toutes les fois qu’un roi est prisonnier, des otages sont admis à se mettre pour lui dans les fers...

Voici le projet de ma pétition à l’Assemblée nationale :

1o Tous les vrais royalistes s’offriront en otages.

2o Dans ce nombre seront compris tous les officiers de nos légions actuellement à Paris.

3o L’Assemblée nationale sera bien certaine que le roi ne quittera point le royaume, puisqu’il n’a pas voulu, ni le 6 octobre 1789, ni le 20 juin 1791, exposer un seul de ses sujets à périr pour sa défense, par la main d’un Français ; à plus forte raison n’exposerait-il pas la vie de deux ou trois cents otages qui lui seraient devenus doublement chers par la preuve la moins équivoque du plus tendre amour.

4o Nous demanderons d’avoir pour retraite un lieu désigné, tel, par exemple, que l’ancienne École militaire.

Dès que j’aurai reçu deux cents signatures, je rédigerai la pétition ; quelque député du côté de la droiture voudra bien la publier du haut de la tribune. Je signerai le dernier ; trop heureux d’écrire encore comme otage pour mon roi, travaillant au milieu de tant de royalistes fidèles, je leur dirai : Dictez, que désormais mon travail soit le vôtre : mon plus bel ouvrage est et sera toujours d’avoir pu vous réunir pour une si belle cause 82.

 

Le chancelier Pasquier, au tome Ier de ses Mémoires, parle des otages en ces termes :

 

La captivité du Roi a inspiré à des royalistes dévoués la touchante pensée d’offrir des otages qui seraient emprisonnés à sa place. Sans doute, il était insensé de croire qu’une telle proposition serait adoptée, et cependant elle était faite par le plus grand nombre avec une entière bonne foi. J’en ai connu plusieurs, un surtout, nommé M. Bernard, président à la cour des aides, âgé de soixante ans, ayant au moins soixante mille livres de rente. À peine sa lettre était-elle partie que déjà il avait quitté sa terre près de Chartres et était venu s’établir à Paris, en ayant soin d’avertir le maire du lieu de sa demeure 83, afin qu’on l’eût toujours sous la main en cas de besoin, et osant à peine sortir de chez lui, de peur de faire attendre quand on viendrait le chercher. Malgré ses soixante ans, il a émigré peu après, et est entré, le mousquet sur l’épaule, dans une compagnie noble à Coblentz : il est mort à la peine. Quand on se sacrifie ainsi à ses principes, on a le droit au respect même de ceux qui ne les partagent pas, et il y a eu dans notre Révolution plus de gens de ce caractère qu’on ne l’a cru généralement 84.

 

La première liste des Otages de Louis XVI parut dans la Gazette de Paris, le 14 juillet 1791. En peu de jours, le chiffre de deux cents engagements fut atteint, et de Rozoi put donner, dans son numéro du 30 juillet, le texte de la pétition à l’Assemblée nationale. Il y était dit :

 

Cent, deux cents, trois cents otages s’offrent pour garantir la liberté du monarque ; mille s’offriront, s’il le faut. Le bonheur et l’intérêt de la patrie exigent-ils que l’on ne puisse même penser qu’il ait l’intention de quitter le royaume ? Français, vous n’aurez plus à craindre qu’il sorte de la France.

L’enceinte de l’École militaire pourrait être notre retraite.

Un sexe sensible demande à partager avec le nôtre l’honneur de ce dévouement. Le lycée royal de Saint-Cyr ou le Val-de-Grâce pourrait servir à rassembler les otages de ce sexe, qui lui-même m’autorise, messieurs, à vous désigner l’une de ces deux retraites.

Que le roi signe ou non la constitution dans son ensemble, il faut qu’il soit libre, afin que son refus ou son assentiment le soit ; sans cela l’un ou l’autre devient nul.

Hâtez-vous donc, messieurs, de lui rendre toute la plénitude de sa liberté. Dès que vous aurez prononcé sur cet objet sacré de nos sollicitudes, les otages accourront en foule : j’ai reçu leurs signatures, et, vous n’en doutez pas, ce sont tous noms chers à l’honneur. Fixez, messieurs, le nombre des otages : plus vous en demanderez, plus vous ferez d’heureux ; plus tôt nous serons honorablement acquittés au tribunal de l’Europe.

 

Cette pétition allait être présentée à l’Assemblée nationale ; la Gazette de Paris allait publier une liste nouvelle contenant cent cinquante noms, lorsque de Rozoi apprit que l’on avait jeté en prison à Auxerre six jeunes gens coupables de lui avoir adressé la lettre suivante :

 

Servir Dieu, le roi et la patrie avec honneur et fidélité est le devoir de tout Français. Nous le remplissons aujourd’hui, ce devoir sacré, en vous priant d’insérer nos noms parmi ceux des sujets fidèles qui se sont rendus otages de la liberté du roi et garantissent sur leur tête sa résidence dans le royaume 85.

 

De Rozoi suspendit la publication de ses listes ; mais de toutes parts on lui écrivait : « L’exemple des six habitants d’Auxerre qui sont au cachot ne nous effraye pas. » Cet exemple, en effet, multipliait les dévouements ; prêtres, soldats, magistrats, négociants, gentilshommes, sollicitaient le rédacteur de la Gazette de Paris de ne pas abandonner son entreprise. Le prochain achèvement de la constitution rendait d’ailleurs plus opportune que jamais l’intervention des otages. De Rozoi se décida donc à donner suite à son projet, et il publia une liste qui ne remplissait pas moins de seize colonnes.

Sur ce tableau d’honneur, les noms les plus humbles brillent à côté des plus grands noms de France. Voici, dans la même colonne, le comte de Miroménil, maréchal de camp, et un pauvre habitant de Monistrol, M. Chometton, qui n’avait servi sous Louis XV et sous Louis XVI que comme simple soldat et ensuite comme caporal, et qui s’offre pour otage, « afin que douze enfants dont il est le père se souviennent à jamais de cette leçon de son amour pour le meilleur des rois » ; – le comte de Blacas d’Aulps et Paul Méchin, cultivateur de Vaas, près Château-du-Loir : « Je suis pauvre, écrit ce dernier, mais je porte un cœur sensible, un cœur français ; si l’on ne me juge pas indigne d’un tel honneur, j’irai prendre mes fers ; si je n’ai point assez d’argent, je vendrai mes boucles, ma montre, pour subvenir aux frais du voyage. » Voici les descendants de ce brave Arnauld d’Espagne qui, à la bataille de la Massoure, couvrit de son corps le comte d’Artois ; de ce Sigogne de Beauxoncles qui portait, à la bataille d’Ivry, la blanche cornette de France ; de l’échevin Néret qui, avec l’échevin Langlois et le prévôt des marchands Lhuillier, ouvrit à Henri IV les portes de Paris ; – et voici les descendants de Malherbe, M. Louis de Malherbe, M. de Malherbe-Longvillers et son fils Henri de Malherbe 86.

À chaque page, du reste, nous trouvons le père à côté du fils. Le comte de La Boulaye, lieutenant-colonel et chevalier de Saint-Louis, s’engage pour lui et pour ses dix enfants. Je relève encore, sur les listes de la Gazette de Paris, M. Royou, avocat, et ses cinq fils ; M. le comte d’Espagne et ses trois fils ; M. de Blessebois-Meslay et ses trois fils ; M. Bourbel-Montpinçon et ses trois fils ; M. Dubuisson-Dombret et ses deux fils ; M. de La Martelière et ses deux fils. À la suite de ces noms, nous inscrivons ceux de MM. Victor-Philippe de Cordey, maître des eaux et forêts d’Argentan, de Banville, de Clinchamp, Devaux, Germain, Guyot, Leneuf de Sourdeval, de Marcenay, de Rabaudy, Tridon de Rey, de Valmenier, de Violaines : l’engagement de chacun de ces douze otages est accompagné de l’engagement d’un fils. Les frères, les parents se confondent dans un même sentiment de fidélité, dans un commun dévouement. Ces listes nous présentent onze de Piédoue, tous gardes du corps du roi dans la compagnie de Luxembourg, six de Castillon, quatre de Baritault, quatre de Flavigny, quatre le Harivel, quatre de Jean-Saint-Project, quatre de Sérignac, quatre de Tilly-Blaru, quatre Le Vaillant, trois Guilhand-Ducluzeaux, trois Lhoste de Beaulieu, trois Cantwell, deux Chappe, deux Duchesnoy, deux Hélie, deux Legras et deux Mellemont.

Quelques noms encore, et je voudrais pouvoir ici les citer tous : d’Allonville, du Barail, de Barruel-Beauvert, de Beaumont, de Belzunce, du Coetlosquet, de La Laurencie, Boyer (de Nîmes), de Bouillé, de Caulaincourt d’Éprémesnil, de Ferrières, d’Esgrigny, Garnier-Dufougerais, de Montalembert, de Rode, président à mortier au parlement de Metz, Musset de Pathay, père du poète Alfred de Musset.

En même temps qu’il publiait cette nouvelle liste, sur laquelle figurent M. Guélon-Marc 87 et M. Bouvier, membre de l’Université de droit de Dijon, que nous rencontrions tout à l’heure parmi les défenseurs de Louis XVI, de Rozoi écrivait au président de l’Assemblée nationale :

 

Monsieur le Président, c’est au nom de trois à quatre cents citoyens tous connus, tous irréprochables, que j’ose vous supplier de soumettre à l’Assemblée nationale la pétition que j’ai l’honneur de vous adresser.

Le comité de constitution est chargé de présenter un projet de décret sur les formes d’après lesquelles le roi pourra se livrer à l’examen le plus indépendant, à l’acceptation la plus libre de la charte constitutionnelle. La pétition que je vous prie, monsieur le Président, de soumettre à la discussion, est le mode le plus digne du nom français, le plus fait pour concilier toutes les opinions.

 

Un des otages, le chevalier d’Antibes 88, se chargea de porter au président de l’Assemblée la pétition, les listes et la lettre de M. de Rozoi. Il essaya de s’acquitter de sa mission dans la séance du 24 août 1791, mais sans pouvoir parvenir jusqu’au président qui était, ce jour-là, M. Dupont de Nemours. C’est Malouet qui remit lui-même le paquet sur le bureau.

Le lendemain du dépôt de la pétition, le 25 août, jour de la fête du roi, la Gazette de Paris publia une liste de dames qui demandaient à être les otages de la reine. Ici encore, bien des noms seraient à rappeler. Je n’en citerai que deux, celui de la marquise de Favras, veuve de l’héroïque supplicié du 19 février 1790, et celui d’Anne-Louise du Vergier de La Rochejaquelein. Dans cette lettre, datée du château de la Durbelière, et signée : Anne-Louise du Vergier de La Rochejaquelein, âgée de dix-sept ans, la sœur de celui que les Vendéens appelleront, deux ans plus tard, Monsieur Henri, disait : «... Trop heureuse si, en perdant ma liberté (et même ma vie), je pouvais contribuer à la rendre à la famille royale, à qui on l’a si indignement ravie, malgré tous les bons Français qui lui sont dévoués 89. »

Cependant les jours s’écoulaient, et la pétition n’était pas rapportée. Vainement de Rozoi et le chevalier d’Antibes multipliaient auprès du président et des membres du comité de constitution démarches, instances, supplications mêmes. Le 13 septembre, du Rozoi était réduit à écrire : « Ni le comité ni le président n’ont cru devoir répondre. Cependant nous sommes tous enchaînés par notre engagement. Il n’est qu’un moyen, c’est que chacun des otages résidant à Paris se rende au comité de constitution et demande une réponse à quelque titre que ce soit. » Mais à l’heure même où paraissait cet appel, le président de l’Assemblée nationale recevait du garde des sceaux et portait à la connaissance de ses collègues une lettre du roi où il était dit :

« J’ai examiné attentivement l’acte constitutionnel présenté à mon acceptation. Je l’accepte et je le ferai exécuter. »

 

 

 

II

 

 

Cet épisode des otages de Louis XVI, que tous les historiens ont passé sous silence, a eu son épilogue devant le tribunal du 17 août. Arrêté à Auteuil, quelques jours après le 10 août 1792, de Rozoi comparut, le 24 du même mois, devant le tribunal criminel institué pour juger les crimes commis dans la journée du 10 août, et autres crimes y relatifs, circonstances et dépendances. Son procès dura deux jours. Les lettres qui lui avaient été adressées par les otages furent considérées comme la preuve flagrante d’une grande conspiration, et le courageux écrivain fut condamné à mort. Il entendit son arrêt sans changer de visage, et en sortant du tribunal, le 25 août, à 5 h. 1/2 du soir, il fit passer au président une lettre qui ne contenait que ces mots : « Un royaliste comme moi devait mourir un jour de saint Louis 90. » Le soir même, à 9 heures, il fut guillotiné sur la place du Carrousel. Quelques mois plus tard, le 8 janvier 1794, ce sera la receveuse d’abonnements du journal de de Rozoi, Marie-Aimée Leroy, femme Feuchère, qui sera traduite à son tour devant le tribunal révolutionnaire. Le juré Antonelle la proclama, dans sa déclaration motivée, plus coupable que l’infâme Durosoi : s’il composait le poison, c’était elle qui l’administrait ! « L’accusée Feuchère recevait les abonnements, faisait les envois, était la directrice de tous les moyens de circulation, la grande agente d’une entreprise criminelle qui n’avait son dernier et véritable effet que par elle. C’est par la main de la Feuchère que l’esprit public était, si cela se peut dire, immédiatement empoisonné 91. » On avait trouvé chez elle le portrait de Louis XVI, une bague avec la légende : Domine, salvum fac regem, un gobelet avec l’inscription : Vive le roi ! Elle fut condamnée à mort.

Presque tous les otages durent quitter la France. Ceux qui restèrent payèrent de leur liberté, quelques-uns même de leur vie, le crime d’avoir été fidèles au roi et à la famille royale. Nous en retrouverions plusieurs, pendant les journées de septembre, à l’Abbaye, aux Carmes, à la Conciergerie. M. Jean-Philippe Marchand, vicaire de Notre-Dame de Niort, a été massacré aux Carmes 92, et le chevalier de la Bourdine à la Conciergerie 93. Mme de Paysac de Rastignac, marquise de Fausse-Lendry, qui échappa par miracle aux massacres de l’Abbaye, et qui en a tracé un si intéressant récit sous ce titre : Quelques-uns des fruits amers de la Révolution, était un otage de la reine. D’autres comparurent devant le tribunal révolutionnaire, le journaliste Boyer (de Nîmes) 94, par exemple, et le jeune Louis de Malherbe, âgé de vingt ans. Vainement son défenseur rappela qu’il était l’arrière-petit-fils du poète Malherbe 95 ; il fut condamné le 20 juillet 1793 et envoyé à la guillotine. L’exécution de Charlotte Corday est du 17 juillet. À trois jours de distance, l’arrière-petit-fils de Malherbe et l’arrière‑petite-fille de Corneille 96 sont morts sur l’échafaud. Les jours n’étaient-ils pas venus qu’avait annoncés le vieux Malherbe, dans son ode sur l’attentat commis sur la personne du roi :

 

            Que direz-vous, races futures,

            Si quelquefois un vrai discours

            Vous récite les aventures

            De nos abominables jours ?

            Lirez-vous, sans rougir de honte,

            Que notre impiété surmonte

            Les faits les plus audacieux,

            Et les plus dignes du tonnerre

            Qui firent jamais à la terre

            Sentir la colère des cieux ?

 

Avons-nous eu tort de croire que nous pouvions, sans nous écarter de notre sujet, parler des otages de Louis XVI et de sa famille ? Nous ne saurions, dans tous les cas, nous repentir de cette digression, – si c’en est une – puisqu’elle nous a permis de remettre en lumière des dévouements qui n’honorent pas seulement le parti royaliste, mais la France elle-même.

 

 

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CHAPITRE IV

 

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Les écrits en faveur de Louis XVI. Necker et M. de Narbonne. Le chevalier de Graves. M. de Septeuil. – Bertrand de Moleville et Danton. – J.-B. Delmas. Le chevalier de Rougeville. La Défense préliminaire de M. de Foulaines. L’abbé Emery et le club des Jacobins. Le Rapport de Dufriche-Valazé et le Mémoire de la citoyenne Gilles. – Brochures anonymes. – Le Théiste philanthrope.

 

 

 

I

 

 

DANS la première partie de cette étude, nous avons montré que le dévouement de Malesherbes, de Tronchet et de Desèze avait eu de nombreux imitateurs, les uns sollicitant l’honneur de défendre le roi, les autres offrant leur vie en échange de la sienne. D’autres, plus nombreux encore, publièrent des écrits en sa faveur, rappelant ses vertus, réfutant ses accusateurs, multipliant leurs protestations indignées. Pour inutiles qu’ils aient été, ces efforts généreux n’en demeurent pas moins dignes de mémoire. L’histoire manquerait au plus noble en même temps qu’au plus doux de ses devoirs si elle ne conservait pas, avec un soin pieux, le souvenir du courage, de la fidélité et de l’honneur.

Le premier, M. Necker apporta son témoignage au prince dont il avait été le ministre 97. Il fit paraître, le 30 octobre 1792, sous ce titre : Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI, des pages graves et fortes, dignes de servir d’introduction aux plaidoyers qui allaient suivre. Quelques semaines plus tard, il les complétait par un nouvel écrit : Dernières réflexions de M. Necker.

Ministre de la guerre du 7 décembre 1791 au 10 mars 1792, M. de Narbonne, qui s’était vu refuser par la Convention nationale l’autorisation de comparaître à sa barre et de présenter les éclaircissements qu’il était en situation de fournir comme conseiller du roi 98, les donna sous forme de brochure : Déclaration de M. Louis de Narbonne, ancien ministre de la guerre, en France, dans le procès du Roi. Il y revendiquait l’entière responsabilité de tous les actes de son ministère : s’ils étaient punissables, lui seul devait être frappé, et non le roi, couvert par la constitution.

Son successeur, le chevalier de Graves 99, réfuta, dans une Adresse aux Citoyens, quelques-unes des accusations portées contre Louis XVI.

Dans son Rapport sur les Crimes du ci-devant roi, fait au nom de la commission des Vingt-quatre, Dufriche-Valazé avait représenté Louis sous les traits d’un accapareur, se livrant, pour affamer le peuple, à des spéculations sur les grains. Il n’avait pas rougi d’écrire : « De quoi n’était-il pas capable, le monstre ! Vous allez le voir aux prises avec la race humaine tout entière ! Je vous le dénonce comme accapareur de blé, de sucre et de café ! Septeuil était chargé de cet odieux commerce auquel nous voyons qu’on avait consacré plusieurs millions 100. »

Pendant vingt-huit pages, il commentait à sa façon les douze pièces trouvées chez M. de Septeuil, trésorier, et chez M. de Laporte, intendant de la liste civile, en prenant d’autant plus à son aise avec elles qu’il croyait n’avoir point de contradicteurs à redouter. M. de Laporte n’avait-il pas été guillotiné, le 24 août, sur la place du Carrousel, et M. de Septeuil n’avait-il pas été massacré pendant les journées de septembre ? Que le trésorier de la liste civile eût péri pendant ces affreuses journées, personne, en effet, ne le mettait en doute, et Dufriche-Valazé moins que personne. « Septeuil, que l’on comptait au nombre des victimes du 2 septembre », dit le Moniteur, – non sans une nuance visible de désappointement – dans son numéro du 29 décembre 1792. « Ils ont oublié Morande », s’écriait Brissot, en apprenant que les travailleurs des prisons avaient eu l’impardonnable tort de ne pas égorger son ennemi. Ils avaient aussi oublié Septeuil, qui était parvenu à se soustraire aux massacres et à gagner l’Angleterre 101. Aussitôt qu’il eut connaissance du Rapport de Valazé, il y répondit par une déclaration à laquelle il jugea utile de donner un caractère d’authenticité : faite devant un notaire de Londres, elle fut affirmée par son auteur devant le lord-maire. Il l’envoya à la Convention, aux sections, aux directoires, et aux principales municipalités de la République. Voici le titre de cette pièce : Déclaration adressée à la Convention nationale de France par le ci-devant trésorier général de la liste civile, le 9 novembre 1792, et réponse à différents faits énoncés au Rapport du citoyen Valazé au nom de la commission extraordinaire des Vingt-quatre.

Une autre réfutation du rapport de Valazé, portant sur d’autres faits que ceux relevés par M. de Septeuil, fut adressée le 16 novembre au président de la Convention : elle était l’œuvre de M. Bertrand de Moleville, ci-devant ministre de la marine 102. Outre les quinze cents exemplaires de cet écrit imprimés à Londres et que M. Bertrand fit entrer en France, il en fut imprimé et débité à Paris deux autres éditions dans la même semaine 103.

L’ancien ministre de la marine ne devait point s’en tenir là. M. Malouet ayant écrit une Défense de Louis XVI, elle est aussitôt, par les soins et aux frais de M. Bertrand de Moleville, imprimée à deux mille exemplaires et distribuée à tous les directoires de département et à plusieurs municipalités. C’est également aux frais de M. Bertrand que fut éditée l’Adresse aux Citoyens du chevalier de Graves et qu’elle reçut la même publicité 104.

Comme la connaissance de la Déclaration de M. de Septeuil et de la Lettre de M. Bertrand de Moleville au président de la Convention pouvait être utile au roi et à ses défenseurs, M. Bertrand les joint à un certain nombre de pièces et documents autographes et à la copie d’une déclaration de M. de Bouillé, relative au voyage de Varennes et à l’emploi des fonds que le roi lui avait fait remettre à cette occasion. Il forme du tout un paquet, lui donne pour suscription : Pièces pour la défense de Louis XVI, et l’adresse au citoyen Garat, ministre de la justice, avec réquisition formelle de le faire remettre au roi.

Peu de jours après, il expédie, sous le couvert du même ministre, un autre paquet destiné à M. de Malesherbes et étiqueté : Pièces pour la justification de Louis XVI. Il écrit en même temps à M. de Malesherbes pour le prévenir de ces deux envois et le prier de les faire retirer. Celui-ci s’empresse de se rendre au ministère, où il apprend que les deux paquets ont été remis à la Convention. Il se transporte alors au Comité chargé par la Convention de les examiner. On lui donne sans difficulté les imprimés, qui étaient déjà d’ailleurs en sa possession. Quant aux pièces manuscrites, on refuse de lui en laisser prendre connaissance.

Informé de cet incident, M. Bertrand de Moleville n’a garde de laisser échapper cette occasion de signaler à l’indignation des honnêtes gens les prévarications commises par les prétendus juges de Louis XVI. Il rédige un écrit qu’il adresse au président de la Convention et qu’il fait tirer à plusieurs milliers d’exemplaires, sous ce titre : Dénonciation de prévarications commises dans le procès de Louis XVI. Avec quelle vigueur il flétrit les basses œuvres du ministre Garat : « Ah ! s’écrie-t-il, s’il pouvait jamais exister un département d’assassinats quasi judiciaires, quelle autre conduite pourrait donc être plus digne du ministre de ce département, et que pourrait-il faire de plus fort que de priver un accusé des pièces nécessaires à sa défense, et de les remettre entre les mains de ses accusateurs ? »

La Dénonciation de M. Bertrand de Moleville est du 8 janvier 1793. Le 2 décembre 1792, dans l’espoir de paralyser les efforts de Danton, qu’il estimait le plus dangereux ennemi du roi, il lui avait fait parvenir la lettre suivante :

 

Je ne crois pas devoir vous laisser ignorer plus longtemps, Monsieur, que, dans une liasse de papiers que feu M. de Montmorin m’avait remise en garde, vers la fin de juin dernier, et que j’ai emportée avec moi, j’ai trouvé une note indicative, date par date, des différentes sommes que vous avez touchées sur les fonds des dépenses secrètes des affaires étrangères, des circonstances dans lesquelles elles vous ont été données, et de la personne par l’entremise de laquelle ces paiements ont été négociés et effectués. Vos relations avec cette personne sont constatées par un billet de votre main, qui, malgré son insignifiance apparente, ne permet pas de douter qu’elle n’agît en votre nom, et le billet est attaché avec une épingle à la note dont il s’agit, dont on peut d’autant moins suspecter l’exactitude qu’elle est écrite en entier de la main de M. de Montmorin. Je n’ai jamais fait jusqu’à présent aucun usage de ces deux pièces ; mais je vous préviens qu’elles sont jointes à une lettre que j’écris au président de la Convention nationale et que j’adresse par ce même courrier à une personne de confiance, avec ordre de la remettre, et de la faire imprimer et placarder au coin de toutes les rues, si vous ne vous conduisez pas dans l’affaire du roi comme doit le faire un homme qui en a été aussi bien payé ; si au contraire vous rendez dans cette occasion les services que vous êtes capable de rendre, soyez sûr qu’ils ne resteront pas sans récompense. Au reste, je n’ai mis personne dans la confidence de la lettre que je vous écris ; ainsi, n’ayez aucune inquiétude à cet égard 105.

 

Signé : De BERTRAND.      

 

« La vérité – ajoute Bertrand de Moleville, après avoir rapporté cette lettre – la vérité est que de Montmorin m’avait réellement communiqué ces pièces un an auparavant, mais qu’il ne me les avait jamais confiées et qu’elles n’étaient nullement en mon pouvoir, quoique j’assurasse le contraire à Danton qui, connaissant parfaitement mes liaisons avec M. de Montmorin et l’existence de ces pièces, ne pouvait pas douter, d’après ce que je lui marquais, qu’elles ne fussent entre mes mains. Il ne répondit point à ma lettre, mais je vis dans les papiers publics qu’il s’était fait députer à l’armée du Nord : il ne revint que la veille du jugement du roi et s’en tint à voter pour la mort dans l’appel nominal. »

Ces derniers faits sont exacts. Dans sa séance du 30 novembre 1792, la convention décréta que quatre commissaires, pris dans son sein, se transporteraient sur-le-champ à l’armée de Dumouriez, afin de vérifier sur les lieux le bien-fondé des allégations du général, relatives aux lenteurs qu’il disait éprouver dans les fournitures de tout genre, dans le numéraire même pour le pain du soldat. Les commissaires nommés furent Camus, Lacroix, Gossuin et Danton 106. Il semble que quelques jours devaient leur suffire pour faire leur enquête, et, en effet, l’un d’eux, Camus, rendait compte de leur mission dans la séance du 12 décembre 107. Et cependant Danton ne revint de Belgique que le 15 janvier 1793. Son absence avait duré sept semaines, pendant lesquelles il était resté complètement étranger au procès de Louis XVI. Peu s’en fallut même qu’il ne prît part à aucun des votes décisifs et suprêmes. Sur la question : Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d’attentats contre la sûreté générale de l’État ? il est porté, au procès-verbal, comme absent par commission de l’Assemblée 108. Il est également porté absent pour le vote sur la seconde question : Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple ? 109 Sur la troisième question seulement : Quelle peine sera infligée à Louis ? il parut enfin à la tribune, dans la séance du 16-17 janvier 110 ; il vota la mort.

Il serait sans doute téméraire d’affirmer que la lettre de Bertrand de Moleville avait effrayé Danton autant que l’a cru son auteur. L’homme qui venait de dire : De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! en aurait-il manqué à ce point de se croire perdu parce qu’on lui aurait jeté à la face les preuves de sa turpitude ? Ne savait-il donc pas qu’en temps de révolution le peuple n’y regarde pas de si près, et que tout est permis, tout est pardonné à qui le flatte ? Il n’en reste pas moins singulièrement étrange que Danton ait cru devoir se tenir loin de Paris et de la Convention en un tel moment, qu’il se soit résigné à abandonner une partie dont le pouvoir était l’enjeu, laissant le champ libre à ses rivaux, et en particulier à Robespierre. Lorsqu’il partit, à la fin de novembre, il était le premier à la Convention ; lorsqu’il revint, au milieu de janvier, il n’était plus que le second, et cette première place, que son absence lui avait fait perdre, il ne devait pas lui être donné de la reconquérir.

Quoi qu’il en soit, sur le fait même de la vénalité de Danton, aucun doute ne saurait subsister : il est certain qu’il a, en 1791, reçu de l’argent de la Cour. Que l’on écarte, si l’on veut, le témoignage de Bertrand de Moleville ; que l’on repousse celui de Brissot : « J’ai vu le reçu de 100 000 écus qui lui furent comptés par Montmorin 111 » ; comment récuser ceux de Mirabeau et de Lafayette 112 ? M. Louis Blanc lui-même, dans ce plaidoyer en dix volumes qu’il a intitulé Histoire de la Révolution française, est obligé de passer condamnation sur ce point ; lui qui a dit pourtant des dantonistes et de leur chef : « La Révolution, qui les tua, portera leur deuil à jamais », il est contraint d’avouer l’infamie de Danton 113.

 

 

 

II

 

 

Nous venons de voir les efforts tentés en faveur du roi par ses anciens ministres.

Parmi les hommes qui n’avaient pu obtenir de l’assister à la barre de la Convention 114, plusieurs écrivirent et publièrent leur plaidoyer.

Celui de Lally-Tolendal forme un volume in-8°, divisé en trois parties, et intitulé : Plaidoier du comte Lally-Tolendal pour Louis XVI 115. L’auteur a pris pour épigraphe ces lignes de Plutarque : « Agésistrate se jeta sur le corps de son fils, et le baisant tendrement, elle lui dit : « Ô mon roi ! ô mon fils ! c’est l’excès de ta douceur et de ta bonté, c’est trop de ménagement et de clémence qui t’a perdu et qui nous a perdus avec toi 116 ! »

Dès qu’il eut envoyé sa lettre au président de la Convention et avant d’avoir la certitude qu’il ne lui serait pas permis de rentrer en France pour s’associer aux travaux des défenseurs du roi et partager leurs dangers, Malouet composa sa Défense de Louis XVI, discussion de toutes les charges connues à l’époque du 14 novembre 1792. Cet opuscule, de cinquante-trois pages, commence ainsi : « Il est inutile que je mette mon nom à la tête de cet ouvrage ; il n’en résulterait aucun bien, et je ne braverais par là aucun danger, car j’écris de Londres ; et si j’ai des ennemis, ils deviendraient ceux de la cause sacrée que je défends. »

La rédaction de cet écrit terminée, Malouet se rendit à Bruxelles, où il attendit la réponse de la Convention à sa lettre du 8 novembre 117. On sait que la Convention se borna, pour toute réponse, à inscrire son nom sur la liste des émigrés 118.

M. Huet de Guerville, qui, dès le 13 novembre 1792, s’était présenté pour être le défenseur officieux de Louis XVI, fit paraître sous ce titre : Opinion de Huet de Guerville sur le procès de Louis XVI, une brochure avec cette épigraphe :

 

            La vie est un témoin qu’il faut entendre aussi.

 

M. Guillaume et M. Sourdat, dont les noms avaient été soumis à Louis XVI, le 13 décembre, en même temps que ceux de Malesherbes, de Huet de Guerville et de l’adjudant-général Menildurand, recoururent aussi à la voie de la presse. Tandis que le premier donnait, le 20 décembre, sa Défense de Louis XVI, le second publiait successivement deux écrits singulièrement remarquables : le 26 décembre, ses Vues générales sur le procès de Louis XVI, et, le 12 janvier 1793, sa Défense particulière pour Louis XVI, sur la journée du dix août.

Chaque jour, d’ailleurs, donnait naissance à des brochures, les unes signées, les autres sans nom d’auteur, toutes empreintes d’un sentiment profond de fidélité et de dévouement au roi.

J.-B. Dalmas, député de l’Ardèche à l’Assemblée législative, où il avait déployé le plus noble courage, luttant sans relâche contre les jacobins et leurs chefs, les Brissot, les Vergniaud, les Guadet et les Gensonné, s’était, après le 10 août, retiré à Rouen. C’est dans cette ville qu’il écrivit ses Réflexions sur le procès de Louis XVI. Il en adressa une copie à M. de Malesherbes, et en fit remettre un exemplaire imprimé à chacun des membres de la Convention 119.

Le chevalier de Rougeville, après avoir défendu, à côté de Lafayette et du marquis de Bouillé, la cause de l’indépendance américaine, était devenu garde du corps de Monsieur, puis officier du bataillon des Filles-Saint-Thomas. Au 20 juin, à la tête de trente grenadiers de son bataillon, il avait préservé les jours de la reine. Ne pouvant plus servir le roi de son épée, il prit la plume et publia une brochure intitulée : Réflexions morales et politiques sur le procès de Louis XVI, dédiées à ma patrie. Elle a pour épigraphe ces quatre vers :

 

            Des maîtres que le Ciel établit sur nos têtes,

            La chute ou les revers sont pour nous des tempêtes ;

            La sûreté publique à leur sort nous unit :

            Dieu seul, quand il le veut, les juge et les punit.

 

M. Le Grand, dans l’espace de quelques semaines, fit paraître trois brochures : Au peuple sur le procès de Louis XVI ; – À la nation sur le jugement de Louis XVI ; – Aux représentants de la Nation. M. M.-A. Myèvre, de Lyon, en faisait paraître deux : De la journée du 10 août ; – Des Défenses de Louis XVI et de l’Acte d’accusation.

M. Larocque, valet de chambre de la Reine avant la Révolution, avait composé, en 1786, une notice sur Louis XVI ; la modestie du roi n’avait pas souffert qu’elle fût imprimée. L’auteur se fit un devoir de la publier, au mois de janvier 1793, sous ce titre : LES BIENFAITS DE LOUIS XVI, Notice faite avant 1787 et dont il avait défendu l’impression, par le citoyen Larocque, valet de chambre de la Reine, réformé en 1789. L’abbé Corbin, instituteur du premier Dauphin 120, retraçait, de son côté, les vertus du roi dans une autre brochure : le Portrait de Louis XVI.

Un ancien conseiller au Parlement de Paris, M. Gin, fit distribuer à tous les membres de la Convention un plaidoyer en faveur de Louis. M. J.-B.-G. Drappeau, ancien professeur d’éloquence en l’Université de Valence, écrivit une Adresse à la Convention. M. Lacroix, professeur de législation au Lycée, auteur d’un ouvrage sur les Constitutions de l’Europe, publia une Opinion sur le procès de Louis XVI. M. Dieudonné Thiébault, qui, après avoir été pendant vingt ans professeur de grammaire générale à l’École militaire de Berlin, était rentré en France en 1784 et était devenu sous-chef du bureau de la Librairie, fit paraître à Épinal, où il avait été envoyé, en 1791, comme directeur général des rôles, un écrit très véhément contre le jugement du roi. Il y soutenait que la Convention, à la fois juge et partie, était incompétente, et qu’en tout cas l’appel au peuple s’imposait comme un dernier recours nécessaire 121. Le citoyen Riston, homme de loi, en publiant son Opinion sur le procès du ci-devant roi Louis XVI à la Convention nationale, la fit précéder de cette double épigraphe :

 

Discite justitiam moniti, et non temnere Divos.

Le Souverain (les 83 départements) vous observe, vous écoute, il attend... il vous jugera.

 

Nous sommes loin d’avoir épuisé la liste des brochures que leurs auteurs ne craignirent pas de publier en les accompagnant de leurs noms. En voici encore toute une série :

Défense de Louis XVI, par M. Pichois.

Défense de Louis XVI, par M. Pulcherante.

Procès de Louis XVI en quatre mots, par François Marignié.

Opinion dans le procès de Louis XVI, par M. R.-F.-S. Vuibert, président du tribunal de Rethel.

Moyens de défense à l’Assemblée nationale, par M. de Formon.

Réflexions morales et politiques sur le procès de Louis XVI, par M. J.-A. d’Yvrande d’Herville.

Du Rapport de Mailhe 122, par M. F. Flécheux.

Doutes d’un Français sur le Rapport de Mailhe et les commentaires de Thuriot, par M. J.-C. Barbier (de Nantes).

Notes de M. Bochart de Saron, ci-devant premier président du parlement de Paris.

Aux juges de Louis XVI, un véritable ami du peuple et de l’humanité, par Louis Mazon.

Plusieurs autres citoyens, MM. Failly, Lauraguais, Mazon d’Entraigues, A.-J. Dugour, F.-N. de Foulaines, signèrent également leurs écrits en faveur de Louis XVI.

Quelques-uns de ces écrits sont de véritables livres ; ils en ont l’étendue et l’importance. Tel est, par exemple, le Mémoire justificatif pour Louis XVI, ci-devant roi des Français, en réponse à l’acte d’accusation qui lui a été lu à la Convention nationale, le mardi 11 décembre 1792, l’an IVe de la liberté et le 1er de l’égalité, par A.-J. Dugour. Il ne forme pas moins de 5 cahiers, de cinquante pages chacun, publiés successivement les 20, 24 et 31 décembre 1792, 7 et 12 janvier 1793. L’auteur suit pas à pas l’acte d’accusation et ne laisse debout aucun des griefs formulés par les ennemis du roi. A.-J. Dugour, qui était en 1792 libraire à Paris, était un ancien doctrinaire, auteur d’une Histoire de Henri IV, d’un Coup d’œil sur l’histoire de France, et de la Collection, par ordre de matières, des discours, des opinions, des déclarations et des protestations de la minorité de l’Assemblée nationale dans les années 1789-1791 123.

Plus considérable encore que le Mémoire justificatif de A.-J. Dugour est la Défense préliminaire de Louis XV1, par M. F.-N. de Foulaines, composée de 7 livraisons, qui parurent les 3, 8, 14, 17, 19, 21 et 24 décembre 1792. Le manuscrit de chaque partie était, avant l’impression, communiqué à M. de Malesherbes.

Il ne semble pas qu’aucun historien ait consulté ce remarquable travail, qui renferme pourtant plus d’un fait curieux, plus d’un détail intéressant. Je n’en citerai que deux. J’emprunte le premier à la livraison du 3 décembre :

 

« Que de traits d’une ingénieuse générosité les modestes vertus de Louis et d’Antoinette dérobent à la connaissance de la foule égarée ! Antoinette est instruite par MM. de Nesle et de Tessé que l’historiographe Garnier 124 végète, et que Billaud-Varenne et Marie-Joseph Chénier sont poursuivis... pour dettes. Elle charge l’abbé Guyot de porter des secours à l’académicien et de libérer Billaud et Chénier 125 ; la princesse dit au célèbre prédicateur, avec cette grâce qui ajoute au bienfait : Qu’ils ignorent d’où cela vient : les historiens, les poètes et les infortunés ne savent pas se taire. – Vous criez !... et je n’ai pas encore touché les chairs vives. Billaud, vous imprimiez naguère que Boufflers était incapable d’adulation ; que, le 26 novembre 1789, il dit de la reine ce qu’en dira l’histoire 126. »

 

Dans la même livraison, après avoir rappelé à Camille Desmoulins, à Robespierre, à Richard et à Leroy, ses anciens camarades de Louis-le-Grand, les conseils que leur adressait leur ancien principal, l’abbé Bérardier, M. de Foulaines ajoute :

 

« Au point où nous en sommes, faut-il dissimuler ? Non. Eh bien, je vous interpelle, Desmoulins, de déclarer si vous n’avez pas dit avant-hier à Panis et à Sergent, en présence des députés Morisson, Villette et Kersaint : « La France veut la mise en liberté de Louis ; elle serait prononcée, si nous ne redoutions pas sa vengeance ; le plus fort doit se sauver. » La loyauté des trois témoins invoqués établit le fait 127. »

 

Mais ce qui mérite surtout, dans cet écrit, d’arrêter l’attention, c’est le texte des motions relatives à Louis XVI, faites au club des Jacobins par les membres de la Convention, pendant le mois de décembre 1792, et que le journal des Débats de la Société n’a reproduites que d’une façon très incomplète. C’est l’abbé Emery, supérieur du séminaire et de la compagnie de Saint-Sulpice 128, qui avait eu l’idée de faire imprimer ces motions dans la nuit même qui suivait chaque séance des Jacobins et de les rendre immédiatement publiques, dans l’espoir qu’il serait peut-être possible d’obtenir la récusation de leurs auteurs, ainsi convaincus de s’être prononcés d’avance contre l’accusé. Le but que se proposait le courageux M. Emery ne fut pas atteint ; mais lorsqu’on écrira un jour l’histoire complète du procès de Louis XVI, ces motions devront y avoir place ; on ne les trouvera que dans la Défense préliminaire de M. de Foulaines.

 

 

 

III

 

 

En même temps que ces écrits, d’autres, en grand nombre, paraissaient sans nom d’auteur, où le sentiment royaliste n’était pas moins profond que dans ceux dont je viens de parler, et qui témoignaient, comme eux, de l’émotion considérable produite par le procès de Louis XVI.

La brochure de M. Necker, publiée, on l’a vu, dès le 30 octobre 1792, donna naissance aux écrits suivants, qui plaidaient également la cause du roi :

Sur le procès de Louis XVI, Supplément aux réflexions de M. Necker.

Adresse à la Convention nationale, pour servir de suite aux réflexions de M. Necker sur le procès du roi, par V. T., citoyen de Dôle, département du Jura.

Réponse aux réflexions de M. Necker sur le procès intenté à Louis XVI, par M. M***.

Cette dernière brochure était l’œuvre de Galart de Montjoie, l’un des écrivains les plus remarquables et les plus courageux de la presse royaliste. Il redoutait sans doute que le souvenir des polémiques ardentes qu’il avait soutenues dans l’Ami du roi ne fît tort à celui dont il prenait en mains la défense, et cette crainte seule put le décider à garder l’anonyme. Au mois de janvier 1793, il fit paraître un nouvel écrit, plaidoirie habile autant qu’énergique, où toutes les vertus, tous les bienfaits de Louis XVI sont retracés avec éloquence, et qui fut publié sous ce titre : Avis à la Convention nationale sur le jugement de Louis XVI, par M. M***, auteur de la Réponse aux réflexions de M. Necker.

D’autres brochures parurent sous le voile de l’anonyme, dont nous pouvons encore indiquer les auteurs, comme nous venons de le faire pour celles de Galart de Montjoie.

L’Appel à la postérité sur le jugement du roi, avec cette épigraphe : Juste postérité, à témoin je t’appelle ! est de Jean-Pierre Gallais 129, qui, après avoir collaboré, avant le 10 août, au Journal général de France, de l’abbé de Fontenay, devint sous le Directoire un des principaux rédacteurs de la Quotidienne. Voici les dernières lignes de l’Appel à la postérité :

 

Ô Louis ! la postérité te rendra justice, et l’histoire qui veille et sur les actions des rois et sur les crimes des peuples écrira ton nom chéri à côté des noms immortels de Marc-Aurèle, de Louis IX et de Henri IV.

Les dénominations barbares de tyrans, de conspirateurs et de despotes resteront à tes ennemis, et leur signalement, substitué à ceux de Mézence et de Néron, deviendra pour l’équitable postérité

 

« Des plus cruels tyrans la plus cruelle injure. »

 

Le Falot du peuple ou Entretien de Mme Saumon, marchande de marée, sur le procès de Louis XVI, était un petit écrit sous forme de dialogue, destiné à être répandu surtout dans les halles et les marchés. Mme Saumon a pour interlocuteurs le père Dustyle, écrivain public du quartier des Halles, et Mme Doucet. Au début, Mme Saumon est contre le roi ; mais peu à peu ses préventions s’évanouissent devant les bonnes raisons que lui donne, Mme Doucet, vigoureusement appuyée par le père Dustyle. Elle finit par se rendre et dit à sa commère : « Ma foi, je tombe d’mon haut ; je n’sais qu’dire, je m’y perds et je sens ben à présent, comme disait Henri IV, qu’il faut écouter les deux partis. » L’auteur du Falot du peuple était M. Bellanger, qui devait devenir, sous la Restauration, conseiller d’État.

Une des principales accusations dirigées contre Louis XVI par Dufriche-Valazé, dans son Rapport au nom de la Commission extraordinaire des Vingt-Quatre, portait sur la prétendue organisation par un sieur Gilles de plusieurs compagnies d’hommes armés, salariées par la liste civile et chargées de travailler au renversement de la Constitution. Gilles avait dû quitter la France après le 10 août, mais sa femme était restée à Paris. Le journaliste Beaulieu rédigea pour elle un Mémoire qui ne laissait rien subsister de la fable grossière et des mensonges de Valazé ; il avait pour titre : Mémoire à la Convention nationale par la citoyenne LAUCHARD, épouse de Jean-Baptiste GILLES, contenant des éclaircissements importants sur un des chefs d’accusation contre Louis Capet 130.

Nous devons, à notre grand regret, renoncer à mettre des noms sur les brochures dont il nous reste à parler. Force nous est de nous borner à une simple énumération, à une sèche nomenclature. Si le lecteur était tenté de la trouver trop aride, qu’il veuille bien se souvenir, en la parcourant, que, sous chacun de ces titres, dans chacune de ces brochures, il y a le cri d’une conscience indignée, la protestation de la fidélité, du dévouement et de l’honneur ; que ces pages, composées à la hâte, écrites d’une main fiévreuse, ont été imprimées par des hommes qui jouaient leur tête ; qu’elles ont été, aux jours les plus sombres et les plus douloureux de notre histoire, la voix même de la France honnête et chrétienne ; que, si elles n’ont pu sauver Louis XVI, quelques-unes du moins, introduites dans la tour du Temple, ont donné au roi martyr une dernière consolation. Pour nous, lorsque nous nous rappelons ces choses, nous ne saurions trouver trop longue l’énumération qui va suivre :

 

Adresse à la Convention nationale, par un citoyen ami des lois, de la justice et de la paix, et zélé partisan de l’honneur du nom français.

Français, prenez et lisez.

Au citoyen Malesherbes.

Lettre à M. Desèze, défenseur officieux du Roi.

Observations rapides sur la nullité du procès commencé contre Louis XVI, et sur l’incompétence des hommes qui ont cru pouvoir se constituer ses juges, pour servir de suite au plaidoyer de M. Desèze.

L’Ami des lois au peuple français sur le procès de Louis XVI.

Plaidoyer pour Louis XVI, par le citoyen Jean-Jacques Liberté.

Un vertueux Français à la Convention nationale.

La Proclamation du Roi à ses sujets révoltés.

L’Inviolabilité de Louis XVI, prouvée par la fausseté des principes philosophiques, adressée au président Barère et autres membres de la Convention nationale ; – avec cette épigraphe : « Nolite tangere Christos meos », ne touchei point à mes représentants.

Réflexions sur l’inviolabilité des rois et la prétendue souveraineté des peuples.

Les grandes prédictions d’un petit prophète.

L’Angleterre instruisant la France.

Lettre d’un Quaker américain.

L’Europe et la France devant le trône de l’Éternel.

Mémoire pour la Nation française dans le procès de Louis XVI.

La partie publique dans la cause de Louis XVI.

Avis à la Convention nationale sur le procès de Louis XVI.

Mémoire pour le Roi.

Bienfaits de Louis XVI.

Réflexions sur ce qui a été dit et écrit jusqu’ici pour la justification de Louis XVI.

Protestation présentée au peuple français contre le jugement de Louis XVI, avec cette épigraphe :

 

Le 30 janvier 1649 131

Je commis un grand crime :

Prenez bien garde de suivre mon exemple.

 

Le Cri des bons cœurs : Adresse de tous les honnêtes citoyens français à la Convention nationale, au sujet du jugement de Louis XVI, par M....., vraie citoyenne.

Conversation sur Louis XVI, entre Piter Goodman, Anglais et voyageur, et Guillaume Franc-Homme, dit la Raison, Français et ancien grenadier. – Premier janvier 1793, l’an 5e des Ingrats.

 

Quelquefois l’auteur, bien que royaliste, se dit sans-culotte, dans l’espoir d’être lu, sous le couvert de ce titre, par les ennemis mêmes de Louis XVI. Dans cette catégorie doivent être rangées les brochures ci-après :

 

Opinion d’un sans-culotte sur toutes les Opinions imprimées à l’occasion du Jugement du ci-devant roi.

Louis XVI à la barre des Sans-Culottes.

Comparution du roi par un sans-culottes français.

Jugement du roi par un sans-culottes français.

Cette dernière brochure, terminée par le cri de : Vive le Roi ! vive Louis XVI ! vive le Roi des Français ! énumère, sous une forme et dans un langage populaire, les innombrables bienfaits de Louis XVI. Il y aurait à recueillir, dans ces pages ignorées, bien des détails curieux et inconnus. J’en citerai ces lignes :

 

Que faisais-tu, Louis, quand, dans ta salle des Glaces, à Versailles, tu aidais à porter la hotte à un maçon, au dédain d’un seigneur de ta cour ? L’égalité.

Que faisais-tu, Louis, quand tu donnais à des ramoneurs, en temps froid, à Versailles, tant de quoi se chauffer, en conversant avec eux ? La bonté.

Que faisais-tu, Louis, quand, dans ta chapelle, à Fontainebleau, tu empêchais, ton grand aumônier Laval 132 de t’éclairer dans ta lecture, au lieu d’être à sa place pour mieux représenter son Dieu et son état ? Le culte des autels.

 

Les royalistes ne se bornaient pas à multiplier les écrits en faveur du roi. Souvent il leur arrivait de les distribuer eux-mêmes dans les rues et sur les places. Ainsi fit M. Bellanger, l’auteur du Falot du peuple. Ainsi fera, le 20 janvier, nous le verrons tout à l’heure, l’abbé de Salignac.

Un gentilhomme normand, M. de Lozières, affronta tous les dangers pour répandre le plus possible autour de lui les sept numéros de la Défense préliminaire de Louis XVI, par M. de Foulaines.

Certains poussaient le courage, disons le mot, l’héroïsme, jusqu’à lire, à haute voix, dans les lieux publics, les brochures favorables à Louis XVI. Un ancien commis des Affaires étrangères, Jean-Joseph de La Ville, demeurant à Versailles, fut traduit, le 25 messidor an II (13 juillet 1794), devant le tribunal révolutionnaire. Fouquier-Tinville s’exprima ainsi dans son réquisitoire :

 

La Ville, ex-commis des affaires étrangères, a figuré au château à la scène des poignards le 28 février 133. Il était un de ceux qui furent désarmés et conduits au corps de garde. On ne peut douter qu’il n’ait été de la journée du 10 août avec les assassins du peuple au château. Enfin, lors du jugement de Capet, il cherchait à lui faire des partisans en lisant publiquement et à haute voix les écrits des contre-révolutionnaires en faveur du tyran.

 

Le dossier renferme une pièce dans laquelle un nommé Favier atteste au comité de surveillance de Versailles que, six semaines avant le jugement de Capet, La Ville avait lu au poste de la Mairie, où il était de garde, le mémoire de Necker pour justifier Capet, et avait terminé en demandant ce qu’on en pensait.

La Ville fut guillotiné 134.

Si monstrueux était l’attentat commis par la Convention qu’un certain nombre de républicains élevèrent la voix pour protester. Le citoyen Hubert-Parvillers, premier juge du tribunal civil de Saint-Quentin, publia une Pétition à la Convention nationale en faveur de Louis XVI. À cet écrit il convient de joindre quatre brochures écrites dans le même esprit.

Opinion d’un jurisconsulte patriote sur le procès intenté à Louis XVI, dernier roi des Français, extraite du no 5 du tome VI de la Galette des tribunaux et Mémorial des corps administratifs et municipaux.

Sentiments d’un vrai républicain sur le procès de Louis XVI.

Un citoyen français à la Convention nationale, avec cette épigraphe : La vérité ne déplaît qu’aux tyrans.

Au peuple souverain sur le procès de Louis XVI, par un républicain.

Les deux traits suivants de la vie de Louis XVI, que je trouve dans la dernière de ces brochures, m’ont paru mériter d’être reproduits :

 

Un cordier avait été forcé de payer un loyer au gouverneur du château de Versailles pour exercer son métier dans une place. Louis passait, et s’informant à ce dernier de ses petites affaires, ce dernier lui répondit que ça irait bien s’il n’était pas obligé de payer un loyer. Louis, étrangement surpris de cette exaction, fit restituer au cordier tous les loyers qu’il avait payés et lui donna une gratification.

On se souvient de ce libraire qui était à Versailles, du côté des escaliers du Palais. Comme il vendait des brochures instructives dans les circonstances, il fut pris, conduit en prison et sa boutique fermée. Sa femme fit parvenir ses plaintes. Louis ordonna qu’on lui amenât le libraire, malgré toutes les représentations, et dit qu’il voulait que le libraire lui apportât dorénavant toutes les nouveautés et qu’il le prenait sous sa protection. Voilà le tyran.

 

Un écrivain qui signe le Théiste philanthrope publia successivement trois brochures, où l’étrangeté de la forme est rachetée par une grande élévation morale et une incontestable puissance de raisonnement. Elles ont pour titres :

 

DIEU ET L’HOMME : modèle de décret national et raisonné sur Louis Seize, présenté à la Convention nationale au nom de la divinité et de l’homme, par un Théiste philanthrope.

La voix du Théiste philanthrope à la Convention nationale ; Supplément au MODÈLE DE DÉCRET NATIONAL ET RAISONNÉ, proposé pour concilier parfaitement les circonstances, les intérêts et les principes, ou l’honneur et la sûreté du peuple avec le sort de Louis Seize et de sa famille. Dernier argument invincible contre les LUDOVICIDES, et défi solennel à l’espèce IGNIVOME et SANGUISORBE d’y répondre. Dieu et l’Homme.

Défense de la Souveraineté nationale contre quelques sujets rebelles par un vrai républicain, ou Observations péremptoires sur le droit, le devoir, le fait et l’application d’une loi jurée par la nation. – Par le Théiste philanthrope, zélé défenseur de toutes les lois divines et humaines.

En dépit de la bizarrerie de ces titres, il y a dans les écrits du Théiste philanthrope des pages vraiment belles, celle-ci par exemple :

 

Ce n’est pas sous les ailes de l’humanité compatissante que repose la cause de Louis XVI ; c’est sous celles de la justice éternelle. Le plaisir de parler des droits du malheur m’avait trompé. Il est un ton plus impérieux, plus souverain à prendre dans cette cause. Le théiste philanthrope n’a point à demander aux législateurs s’ils sont humains, s’ils ont l’âme tendre. Il a une demande plus importante à leur faire, une sommation plus absolue. Il a à leur demander s’ils veulent régénérer le monde par le crime ou par la vertu, par le théisme ou par l’athéisme ; il a à leur demander s ’ils veulent que la société soit dissoute ou qu’elle subsiste ; c’est leur exemple qui doit en décider. Ainsi, je les somme, de la part du Dieu vivant, de commencer par reconnaître eux-mêmes ces grands objets, seules et uniques bases de toute société ; de les reconnaître par leur conduite dans cette cause, et de prononcer comme des hommes qui sont en présence de l’univers et de son législateur, non comme des hommes qui opinent dans un comité d’insurrection, en présence des bouchers du 2 septembre 135.

 

Indépendamment de leur intérêt au point de vue du procès de Louis XVI, ces brochures ont ceci de remarquable qu’elles permettent de reporter à l’année 1792 les commencements des Théistes philanthropes, contrairement à l’opinion de tous les historiens, qui font remonter seulement à l’année 1796 les débuts de la secte théophilanthropique.

 

 

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CHAPITRE V

 

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Imprimeurs et libraires. Duplain. François Froullé. Le Normant. Michel Webert. Charles Gattey. – Les journalistes. Étienne Feuillant. Corentin Royou. Henri Nicolle. La Feuille du matin. Parisau, Després et le vicomte de Ségur. Le Véridique. Un journal-affiche : l’Avertisseur. – L’Adresse de 150 communes de Normandie à la Convention nationale. À Honfleur, à Caen et à Rouen. Michel Aumont. Françoise Lebreton et sa sœur. Pour la vie du Roi !

 

 

 

I

 

 

LES imprimeurs des brochures où l’on prenait en mains la cause du roi, les libraires qui les vendaient publiquement méritent aussi de ne pas être oubliés.

Avant le 10 août, M. Duplain imprimait le Courrier extraordinaire ou le Premier arrivé. Le Premier arrivé paraît le 11 août et rend compte sans enthousiasme des évènements de la veille ; on supprime le journal et on arrête l’imprimeur. Amené devant le conseil général de la Commune, le 3 septembre, Du-plain, sur le réquisitoire du substitut du procureur-syndic qui conclut « à ce que l’on débarrasse l’assemblée de l’odieuse présence de cet homme », est envoyé à l’Abbaye ; une heure après, il est égorgé.

Sachant bien qu’ils s’exposaient au même sort, plusieurs de ses confrères n’en prêtèrent pas moins leur concours aux défenseurs de Louis XVI. Au premier rang de ces braves gens il convient de mettre François Froullé. Parmi les écrits sortis alors de ses presses, je trouve les deux brochures de Galart de Montjoie, Réponse aux réflexions de M. Necker et Avis à la Convention nationale sur le jugement de Louis XVI ; la brochure de Mazon, Aux Juges de Louis XVI ; l’Adresse à la Convention nationale, par V. T., citoyen de Dôle ; la Lettre d’un Quaker américain ; les Observations rapides sur la nullité du procès commencé contre Louis XVI et l’incompétence des hommes qui ont cru pouvoir se constituer ses juges.

L’imprimeur Le Normant, rue de Seine, 8, édita le Falot du peuple. Michel Webert, libraire au Palais-Égalité, 203, mit en vente plusieurs éditions de la brochure de Gallais, l’Appel à la postérité. Charles Gattey, dont le magasin était également au Palais-Égalité, avait la spécialité des brochures contre-révolutionnaires. Au mois de janvier 1793, on saisit un envoi de livres qu’il faisait au dehors et où se trouvaient : 13 (exemplaires de la) Défense de Louis Capet, par Desèze ; 12 Almanach des honnêtes gens ; 13 la République en vaudevilles ; 2 L’Ami des lois, par Laya ; 6 Dernières Réflexions de Necker sur Louis XVI ; 4 Avis à la Convention nationale sur le procès de Louis XVI ; 6 Bienfaits de Louis XVI ; 4 Mémoire pour le Roi 136.

À côté des imprimeurs et des libraires, il n’est que juste de placer les journalistes.

À la suite du 10 août, toutes les feuilles royalistes sans exception avaient dû cesser de paraître. Leurs imprimeries avaient été saccagées, leurs presses confisquées, à la grande joie de leurs adversaires, girondins et montagnards. Brissot écrivait, le 12 août, dans le Patriote français : « La tranquillité est rétablie dans Paris. Elle n’a pas été troublée par l’expédition faite dans les boutiques d’aristocratie et de modérantisme, telles que les imprimeries de la Gazette universelle et du Journal de la Cour et de la Ville, dont on a brûlé les papiers et dispersé le matériel. »

Tous les journalistes suspects d’aristocratie et de modérantisme, qui n’avaient pas eu le bon esprit de se cacher dès le soir du 10 août et de quitter Paris dès le lendemain, avaient été incarcérés. Malheur à ceux qui étaient mariés ! Geoffroy, rédacteur de l’Ami du roi, ayant laissé sa femme derrière lui, le conseil général de la Commune décréta qu’elle serait détenue jusqu’à ce que son mari vînt prendre sa place.

Dans la matinée du 10 août, quelques heures avant la prise des Tuileries, un des plus brillants écrivains de la presse royaliste, François Suleau, avait été haché à coups de sabre et de pique. Sa tête avait été promenée, pendant deux jours, comme un trophée, dans les rues de la capitale 137.

De Rozoi est guillotiné le 25 août.

M. de Charmois, gendre du célèbre acteur Préville et rédacteur du Spectateur national, est égorgé à l’Abbaye pendant les massacres de septembre.

Jourgniac de Saint-Méard, l’un des collaborateurs du Journal de la Cour et de la Ville, n’échappe à la mort que par miracle, après une agonie de trente-huit heures 138.

La presse monarchique avait eu ses martyrs. Plusieurs, parmi les écrivains de la presse royaliste, tinrent à honneur de recueillir leur héritage. Ils savent qu’il y va de leur tête : si terrible que soit l’enjeu, ils n’hésitent pas à jouer la partie. En vain la République est proclamée ; en vain la Commune, où dominent les hommes du 10 août et du 2 septembre, est maîtresse de Paris ; ils reparaissent hardiment sur la brèche.

Le 24 septembre 1792, le jour même où la Convention décrète l’abolition de la royauté, Étienne Feuillant, ancien rédacteur du Journal du soir sans réflexions, publie le premier numéro du Journal du soir, de politique et de littérature 139.

Le Véridique ou l’Antidote des journaux paraît le 1er octobre. Il a pour rédacteur Corentin Royou, ci-devant rédacteur de l’Ami du roi 140.

Le 15 novembre, le Journal français, ou Tableau politique et littéraire de Paris, fait son apparition et débute par une violente attaque contre les Jacobins. Il est rédigé par Gabriel-Henri Nicolle, le même qui, en 1821, de concert avec son frère, l’abbé Nicolle, l’ami du duc de Richelieu, a fondé, rue des Postes, le collège de Sainte-Barbe, aujourd’hui collège Rollin, et en a été le directeur jusqu’à sa mort (8 avril 1829).

Le même jour voit naître les Nouvelles politiques nationales et étrangères, destinées, dans la pensée de leurs fondateurs, à faire suite à la Gazette universelle ou Papier-Nouvelles de tous les pays et de tous les jours, dont les presses avaient été brisées au 10 août et dont le principal rédacteur, Antoine-Marie Cerisier, avait été obligé de s’éloigner de Paris 141. Les Nouvelles politiques étaient dirigées par Suard, membre de l’Académie française 142.

La Feuille du jour, de Parisau 143, avait été supprimée au 10 août. Le courageux écrivain et ses deux collaborateurs, Desprès 144 et le vicomte de Ségur 145, fondent, le 24 novembre, la Feuille du matin ou le Bulletin de Paris.

Ces journaux affichent hautement leurs sympathies pour Louis XVI. Voici en quels termes la Feuille du matin rend compte de la comparution du roi à la barre de la Convention dans la séance du 11 décembre 1792 :

 

Louis a paru à la barre de la Convention nationale avec toute la dignité, toute la noblesse, et, nous osons le dire, toute la majesté du rang qu’il a autrefois occupé..... Les réponses de Louis XVI ont été également fermes, solides et touchantes ; elles ont fait sur tous les esprits l’impression la plus profonde, les cœurs mêmes en ont été atteints, et nous avons vu bien des yeux prêts à laisser échapper les larmes dont ils étaient remplis 146.

 

Les hommes du 10 août ne pouvaient évidemment pas souffrir que l’on parlât du tyran avec un tel respect. Ils obligèrent la Feuille du matin à cesser sa publication le 30 décembre 1792. Le Véridique n’avait pas moins de titres à leur hostilité ; il fut traqué par eux avec une telle rigueur que c’est à grand-peine si, du 1er octobre 1792 au 21 janvier 1793, Corentin Royou put faire paraître quatre à cinq numéros 147.

Le Journal Français, qui affichait moins hautement ses sentiments royalistes, n’eut pas à subir d’interruption pendant toute la durée du procès du roi ; mais, dans la nuit du 25 au 26 janvier 1793, son principal rédacteur, Henri Nicolle, sur un ordre du comité de sûreté générale, fut enfermé à l’Abbaye 148. Un de ses collaborateurs se rendit au comité pour réclamer le registre des abonnés. « Vos abonnés, lui fut-il répondu, sont des aristocrates. Nous avons besoin de les connaître ; nous gardons votre registre 149. »

Du moment que les listes d’abonnement pouvaient ainsi se transformer, du jour au lendemain, en listes de proscription, les feuilles suspectes de modérantisme ne pouvaient guère compter avoir beaucoup d’abonnés. C’est sans doute ce qui avait inspiré à M. La Pie de Lafage l’idée de créer, au mois de décembre 1792, un journal-affiche intitulé l’Avertisseur. Placardé sur les murs, l’Avertisseur avait nécessairement pour abonnés tous les passants, pour peu qu’ils sussent lire. À première vue, il semblait que l’on n’eût sous les yeux qu’une simple affiche destinée à annoncer des brochures ; mais si l’on y regardait d’un peu plus près, on s’apercevait que ces prétendues annonces étaient accompagnées d’analyses et de citations singulièrement significatives. C’est ainsi que, dans les premiers jours de janvier 1793, on pouvait lire, dans les colonnes de l’Avertisseur, l’analyse détaillée d’une Adresse de 150 communes de Normandie à la Convention nationale sur le jugement de Louis XVI, roi de France. Voici la fin de cette Adresse, qui fut, du reste, publiée à part et forme une brochure de quinze pages imprimée à Rouen 150 :

 

Heureusement éloignés d’une capitale infestée de brigands, dont les volontés sont vos lois, citoyens simples et ignorés, nous ne connaissons le descendant des Bourbons que par ses vertus et par ses malheurs. Il était notre roi : fidèles à ce prince, fidèles à nos serments, nous ne voulons pas d’autre maître. Que ses ennemis forment avec vous une République ; que les prédictions funestes qui vous ont été faites s’accomplissent, peu nous importe ; nous nous séparons à jamais de vous ! Jamais vos lois ne seront les nôtres, et nous ne voulons de vous que notre roi. Louis XVI vivant avec sa famille au milieu de nous, au milieu d’une province attachée à ses rois, sera cent fois plus heureux en voyant la joie avec laquelle des sujets fidèles s’empresseront de lui payer les impôts dont vous les accablez, en partageant la fortune de ses amis, de ses enfants, qu’en régnant sur la horde de scélérats qui vous dominent et dont vous servez si cruellement les passions.

La réponse que nous demandons à cette Adresse est notre roi. Après l’avoir fait imprimer pour instruire la France de notre résolution ; après avoir invité tous les vrais Français à s’unir à nous, à se soustraire à la domination d’affreux régicides, nous irons chercher notre souverain, l’arracher des mains de ses bourreaux, et, s’ils ont consommé leur crime, en les massacrant, le venger.

 

La Pie de Lafage ne s’était pas borné à reproduire dans l’Avertisseur des extraits de cette Adresse, il les avait fait distribuer gratis dans les hôtels de la capitale. Il fut arrêté en même temps que Gautier, l’ancien rédacteur du Journal général de la Cour et de la Ville 151, qui faisait paraître, de son côté, une feuille d’annonces, à laquelle il avait donné pour titre : Le Bulletin de Paris 152. En annonçant à la Convention, dans sa séance du 9 janvier, cette double arrestation, le citoyen Garat, ministre de la justice, « invitait l’Assemblée à prononcer une loi qui mît à la liberté de la presse les restrictions nécessaires 153 ».

 

 

 

II

 

 

L’Adresse de 150 communes de Normandie à la Convention nationale sur le jugement de Louis XVI, roi de France, n’avait certainement point reçu les signatures des habitants de 150 communes ; – comment pareille chose eût-elle été possible, alors que la terreur régnait dans les départements comme à Paris ? – mais elle traduisait avec fidélité les sentiments d’une province restée, malgré tout, profondément royaliste. À l’heure même où cette Adresse était placardée sur les murs de la capitale, on pouvait lire sur les murs d’Alençon une autre affiche, signée DU MOULINET le jeune, et contenant cet énergique appel AUX FRANÇAIS :

 

Louis XVI est dans les fers... Français, vous ne les brisez pas !

Louis XVI meurt à chaque instant... Français, vous vivez !

L’innocence de Louis est aussi évidente que son infortune... Français, vous ne la proclamez pas à la face de l’univers ! Ignorez-vous donc qu’à cet acte est attachée votre gloire, comme l’est à votre silence un opprobre éternel ?... Que diraient tous les peuples de la terre ? Que dirait la postérité la plus reculée en lisant sur le monument de votre ignominie : Ils ont laissé égorger Louis XVI ! Vous verriez-vous donc de sang-froid enlever pour jamais le titre de Français ? Non, vous ne le souffrirez pas : l’univers attentif verra ses enfants sauver un père 154.

 

De leur côté, plusieurs citoyens de la ville d’Honfleur envoyaient à la Convention une lettre datée du 5 janvier 1793, et dont voici les principaux passages :

 

La Convention n’est pas compétente pour prononcer sur le sort de Louis XVI. S’il y avait lieu de le faire, elle ne peut être accusatrice et juge tout à la fois : Ces pouvoirs réunis dans les mêmes individus seraient une monstruosité plus redoutable que le plus affreux despotisme.

Nous avons tout pesé, tout réfléchi, et notre vœu est que Louis XVI vive, Louis, à qui nous ne pouvons ni ne devons imputer aucun des crimes qui ont souillé la France depuis quatre ans. Son cœur a toujours voulu le bien ; on ne peut voir autrement sans cesser d’être juste. Si les instigateurs, les agitateurs et les assassins qui ne craignent pas de se montrer à découvert, à la Convention, venaient à faire prévaloir leurs scélérates opinions, nous le disons à regret, l’anarchie est à son comble, la subversion totale, la guerre civile allumée, et la Convention elle-même attirerait sur sa tête tous les glaives qu’elle aurait aiguisés.

Ces vérités sont grandes et profondes. Nous devons vous les dire, vous avez en vos mains tous les moyens de les prévenir. Il est de la grandeur, de l’honneur, de la magnanimité et de la générosité de la nation d’empêcher que le plus grand des crimes, que le régicide ne soit commis.

Nous espérons avec confiance le succès de nos justes sollicitudes...

 

Dubois Saint-Aubert. – Chevalier. – Hurel. – Duval. – Voisard.

 

P. S. Au nom des citoyens d’Honfleur.

C’est le vœu de tous les vrais patriotes 155.

 

Une autre lettre adressée de Caen au président de la Convention nationale protestait contre le jugement du roi, « le plus juste et le meilleur des hommes ». L’auteur, nommé Moret, ne craignait pas de s’exprimer en ces termes sur le compte de Robespierre, alors tout-puissant : « L’infâme Robespierre, petit-fils de Damiens, ne tardera pas à recevoir le châtiment qu’a subi son grand-père, ainsi que Chabot. Donne-leur lecture de ma lettre. Je la signe au nom de plus de dix mille de mes concitoyens. » Et il terminait en indiquant son adresse, « place Royale, à Caen 156 ».

Mais c’est surtout à Rouen que l’émotion provoquée par le procès de Louis XVI fut considérable. Un ancien avocat au parlement de Normandie, M. Georges-Michel Aumont, rédigea une adresse à la Convention, qui respirait la plus fière énergie. Il y disait :

 

« Paris, que déchirent tant de factions, Paris n’est comme nous qu’une section ; nous qui sommes, avec le reste de la France, ses premiers, ses vrais et seuls juges (s’il peut être jugé), nous ne venons pas discuter devant vous sa défense, mais vous notifier le jugement que nous en portons.

« Vous n’avez pas le droit de juger Louis : il est inviolable.

« Nous ajoutons : il nous paraît innocent ; sa vie est la propriété des Français dont il fut le roi ; le peuple a seul le droit d’en disposer, et vous n’avez point de mandat pour le faire.

« Comment se fait-il maintenant que la tribune retentisse de ce révoltant paradoxe, que votre mission est illimitée ? Assertion fausse et détestable, qui tend à l’arbitraire et au despotisme.

« Vous avez épuisé tous vos pouvoirs, en remplissant les fonctions de jurés d’accusation et décrétant que Louis serait jugé ; vous les avez excédés, en ajoutant qu’il le serait par vous. »

 

L’adresse se terminait par cet avis :

 

« Le peu de délai qui nous reste pour souscrire cette adresse ne permettant pas de remplir vis-à-vis le conseil général de la commune les formalités prescrites pour obtenir un local où les citoyens puissent se rendre pour donner leur signature, ils sont invités de s’adresser chez M. Aumont, place de la Rouge-mare, no 7, chez lequel l’adresse est déposée.

« On recevra les signatures jusqu’à demain samedi (12 janvier) et l’adresse sera envoyée de suite à la Convention nationale 157. »

 

Le directeur de la Chronique nationale et étrangère, et en particulier des cinq départements substitués à la province de Normandie, M. Jacques Leclerc, prêta ses presses pour le manifeste de M. Aumont. Il fit plus ; il en recommanda la signature, dans son journal, par un article intitulé : Vœu d’un Français domicilié à Rouen, et qui commençait ainsi : « Être Français et ne pas contribuer à la défense de Louis XVI sont deux choses incompatibles 158. »

L’Adresse de M. Aumont et le numéro de la Chronique sont placardés dans les rues et distribués dans les marchés de Rouen. Le 11 janvier, deux mille citoyens, armés de cannes et de bâtons, se rendent place de la Rougemare et signent l’Adresse 159. Le conseil général de la commune se réunit et se déclare en permanence. Des patrouilles dissipent l’attroupement ; Aumont et Leclerc sont arrêtés, la Chronique nationale suspendue, les presses saisies. Le lendemain, la foule se porte de nouveau à la maison de M. Aumont ; des tables sont dressées sur la place pour recevoir les signatures, l’arbre de la liberté est scié et brûlé, la cocarde tricolore foulée aux pieds, la cocarde blanche arborée aux cris de Vive le Roi ! Une jeune fille de seize ans et demi, Françoise Lebreton, lingère, accompagnée de sa petite sœur, avait apporté une écritoire et des feuilles de papier blanc, en tête desquelles elle avait écrit de sa main : Pour la vie du Roi 160.

Dans sa séance du 13 janvier, sur la dénonciation d’un officier municipal et d’un officier de la garde nationale de Rouen, qui retracent les faits dont cette ville vient d’être le théâtre et affirment qu’elle ne renferme pas moins de quinze mille aristocrates, la Convention décrète qu’il y a lieu à accusation contre l’imprimeur Leclerc, et charge le ministre de la justice de faire poursuivre les rebelles qui ont insulté la cocarde nationale et commis des attentats contre la nation et la liberté 161.

Quelques jours auparavant, le 22 décembre, un député girondin, Jacques Boileau, de l’Yonne, avait dénoncé plusieurs de ses concitoyens comme coupables de fidélité envers le trône tombé et le roi malheureux. Il signala « un parti de royalistes formé dans la ville d’Avallon, et dont le chef avait inséré, dans une adresse du conseil général de la commune, des doléances sur le sort de Capet 162 ».

À Paris même, si la pire populace réclamait sa mort à grands cris, les honnêtes gens ne craignaient pas de manifester leurs sympathies pour l’auguste accusé. Du commencement à la fin de son procès, des députations composées de femmes du peuple essayèrent, à plusieurs reprises, de porter à la barre de la Convention l’expression de leurs vœux en sa faveur 163.

 

 

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CHAPITRE VI

 

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André Chénier et Grouber de Groubentall. M. Pasquier de Coulans et son fils. Hyde de Neuville. Roux-Laborie et Charles de Lézardière. Le cocher de Malesherbes. Le Bréviaire des dames parisiennes pour la défense de Louis XVI. L’abbé de Salignac. – Romances et complaintes. Louis XVI aux Français. Réponse du peuple français. Le Dauphin à la nation française. Complainte de Louis XVI dans sa prison. Le « Testament de saint Louis Seize ».

 

 

 

I

 

 

TANDIS que l’émotion causée par le procès du roi se traduisait au dehors par des protestations énergiques, par des brochures et des mémoires, par des articles de journaux et des placards, par des adresses à la Convention et des manifestations sur la place publique, les conseils de Louis XVI, après avoir plaidé sa cause à la barre de la Convention nationale, se préoccupaient de ce qu’ils auraient à faire dans le cas où l’appel au peuple serait voté. C’est ici que nous rencontrons le nom du plus illustre défenseur de Louis XVI, André Chénier.

Il avait passé près de quatre années 164, en qualité de secrétaire, auprès de M. de La Luzerne, ambassadeur de France à Londres, et neveu de M. de Malesherbes, avec lequel il s’était ainsi trouvé naturellement en relations 165. Tous les deux se rencontraient d’ailleurs souvent dans le salon des deux frères Trudaine, leurs amis communs 166. Le jour où M. de Malesherbes vint faire appel à son talent d’écrivain, et surtout à ses sentiments d’honnête homme, André n’eut pas un instant d’hésitation et se mit aussitôt à l’œuvre. Il rédigea successivement :

 

1o Le Projet d’une lettre de Louis XVI aux députés de la Convention, pour demander que le peuple fût consulté ;

2° Un Projet de pétition à la Convention, renfermant le texte d’un projet de décret en 18 articles, destiné à assurer la sincérité du vote dans les assemblées primaires, le jour où elles seraient appelées à se prononcer sur le sort du roi ;

3° Une Adresse aux habitants des campagnes, pour les engager à ne pas déserter ce jour-là les assemblées primaires, alors que ne manqueront pas de s’y rendre « ceux qui ont des arrêts de mort dans le cœur ou sur les lèvres ».

L’appel au peuple n’ayant pas été décrété, ces trois écrits ne reçurent aucune publicité, à l’époque du procès du roi. C’est seulement en 1840 qu’ils ont été publiés, d’après les manuscrits mêmes d’André Chénier 167.

M. de Malesherbes avait également demandé le concours d’un ancien avocat au parlement de Paris, M. Grouber de Groubentall, et celui-ci prépara un mémoire en faveur de Louis XVI, qui devait paraître en même temps que l’Adresse d’André Chénier. Ce mémoire, très développé, forme un volume ; il réfute, une à une, toutes les accusations portées contre le roi. Au fur et à mesure que l’auteur avançait dans son travail, il en livrait les pages à l’impression, et les feuilles revues par lui étaient tirées aussitôt, de telle façon que l’ouvrage aurait pu être distribué sans retard dans la France entière, si la Convention avait prononcé l’appel au peuple.

Le travail de Grouber de Groubentall, imprimé chez F.-F. Rainville, rue de Seine, faubourg Saint-Germain, petit hôtel de Mirabeau, no 450 (1793), porte ce titre : Appel de Louis XVI à la nation. Quand la demande de recours au peuple eut été rejetée, M. de Groubentall fit détruire l’édition de son plaidoyer, devenu inutile, et n’en conserva qu’un seul exemplaire, qui fut présenté à Louis XVIII en 1814. L’imprimeur avait gardé les épreuves, portant les dernières corrections de l’auteur et revêtues de ses bon à tirer. C’est sur ces épreuves que ce remarquable et précieux document a été réimprimé, en 1837, dans la Revue rétrospective 168.

André Chénier et Grouber de Groubentall n’avaient pas été seuls à offrir leur concours aux conseils de Louis XVI. On lit dans les Mémoires du chancelier Pasquier :

 

Le procès du Roi fut celui dont s’occupèrent tout d’abord les vainqueurs du 10 août et les massacreurs de septembre. Parlerai-je des horribles journées que ce procès m’a fait passer ? Oui, sans doute, car si jamais cet écrit est publié, s’il est seulement conservé dans ma famille, je dois vouloir qu’on n’ignore pas que nous avons, mon père et moi, autant qu’il dépendait de nous, contribué à la défense du malheureux Roi. Mon père 169, particulièrement lié avec la famille de M. de Malesherbes, ayant eu dans sa carrière parlementaire de nombreux rapports avec MM. Tronchet et de Sèze, avocats au parlement de Paris, se trouva naturellement placé pour leur offrir son assistance en tout ce qui dépendait de lui. Il entra dans leurs délibérations intimes et s’établit, pendant tout le cours des débats, dans la tribune réservée aux défenseurs du Roi, prenant des notes avec eux, les aidant dans leur travail 170. Pendant ce temps je ne quittai pas les tribunes publiques et les corridors de la salle, allant aux renseignements, recueillant les moindres indices et les rapportant à mon père, qui en faisait part à ces messieurs 171.

 

Quatre autres jeunes gens, MM. Hyde de Neuville 172 ; Roux-Laborie 173, Charles de Lézardière 174 et Isidore Langlais 175, s’étaient également donné pour mission d’assister à toutes les séances de la Convention, afin d’en rendre compte immédiatement aux conseils de Louis XVI, qui connaissaient ainsi les discussions de l’Assemblée par une voie plus prompte que celle des journaux, et en même temps plus complète et plus sûre, car les journaux étaient loin de signaler tous les incidents qui se produisaient.

Dans la séance du 16-17 janvier où eut lieu le vote sur la question : Quelle peine sera infligée à Louis ? M. Roux-Laborie aidait M. Desèze à soutenir Malesherbes dans l’étroit escalier de leur tribune. « Par quelle lettre commencera l’appel nominal ? lui dit Malesherbes ; allez vous informer à la tribune du Logographe. » Roux-Laborie revint bientôt et dit : « C’est le G. – Tant mieux ! s’écria Desèze ; c’est la Gironde. Le vote de Vergniaud nous est favorable, et son influence entraînera les autres. » Après la Haute Garonne et le Gers vient, en effet, le vote de la Gironde. Vergniaud et huit de ses collègues de députation prononcent la mort. « Ce n’est pas la Gironde, ce jeune homme se trompe, c’est impossible, dit Malesherbes. – Hélas ! répondit Desèze, il ne se trompe pas, tout est perdu 176. »

C’est appuyé sur le bras du jeune Hyde de Neuville que Malesherbes quitta la Convention après avoir tenté en faveur de son maître un suprême et inutile effort. Hyde de Neuville – il n’avait pas encore dix-sept ans – avait déployé, depuis le commencement du procès, une énergie, une intelligence, un zèle admirables. Non seulement il avait assisté à toutes les séances de la Convention, mais il s’était mêlé aux groupes de la rue, recueillant les propos, essayant lui-même à l’occasion de glisser un mot utile. Il connaissait quelques députés, il pouvait arriver plus ou moins directement jusqu’à d’autres : il les avait vus, il avait agi près d’eux. Muni d’une lettre d’introduction d’un député de son département, il était allé chez Coffinhal, le futur vice-président du tribunal révolutionnaire, dont l’influence était grande sur plusieurs conventionnels, et qu’on se figurait contraire à la peine de mort, en raison des théories philanthropiques et humanitaires qu’il avait affichées en plusieurs occasions. Plus tard, Hyde de Neuville multipliera les actes de dévouement, de fidélité, d’héroïsme, essayant, en pleine Terreur, de sauver les prisonniers du Temple ; allant, sous le Directoire, de Paris en Bretagne, où il se bat à côté de Cadoudal, et revenant à Paris pour conspirer ; continuant contre Bonaparte, sous le Consulat, la lutte qu’il a commencée contre Barras ; toujours vaincu, jamais abattu, aussi varié dans ses changements de nom, de physionomie, de costumes, que constant dans sa fidélité ; jouant sa tête pendant quinze ans, et chaque jour, au jeu terrible des champs de bataille, ou au jeu plus terrible des conjurations, et jouant cette partie impossible avec une ardeur, un entrain, une gaieté, un dévouement, qui en font un héros de roman digne de Walter Scott – ou de Balzac, le Balzac d’un Épisode sous la Terreur et d’Une ténébreuse affaire. – Plus tard encore, sous la Restauration, ambassadeur du roi et ministre de la marine, il inscrira son nom parmi ceux des meilleurs serviteurs de la France ; il organisera l’expédition de Morée et préparera l’expédition d’Alger. Comme il a été fidèle à Louis XVI, il sera, jusqu’à la dernière heure, fidèle au roi Charles X. Il estimera chose toute simple, le sacrifice de ses intérêts, de ses titres et de ses places. Et pourtant, quand ma mémoire évoque cette noble et glorieuse figure, ce royaliste impeccable, ce grand homme de bien, ce n’est ni dans ses ambassades, ni dans son ministère que je me le représente. Je le revois, à seize ans, dans cette nuit du 17 janvier 1793, traversant les couloirs de la Convention, au milieu des députés en rumeur, de la foule hurlante, pâle, tremblant d’émotion et de colère, offrant l’appui de son bras à M. de Malesherbes 177.

Nous venons de rappeler ceux qui furent au cours du procès les auxiliaires de Malesherbes. N’a-t-il pas droit aussi à ce titre, cet homme du peuple dont M. Alissan de Chazet, dans ses Mémoires, nous a conservé le souvenir ? Du 14 décembre au 20 janvier, M. de Malesherbes ne passa pas un seul jour sans aller au Temple 178. L’hiver était rude, le trajet était long. M. de Malesherbes avait soixante-douze ans. Force lui était donc de prendre une voiture. Il avait fait marché avec un cocher de fiacre qui, tous les jours, le conduisait au Temple et le ramenait chez lui, rue des Martyrs 179. Les conférences entre le roi et ses défenseurs commençaient à midi et se prolongeaient quelquefois jusqu’à six heures. Un soir, M. de Malesherbes, qui était resté auprès du roi plus longtemps que d’habitude, adressa à son cocher, en lui donnant un pourboire, quelques paroles d’intérêt : « Je suis très fâché, mon brave homme, que vous ayez attendu si longtemps. – Ne faites pas attention, not’bourgeois. – C’est que, par un froid de dix-huit degrés, c’est un peu dur. – Ah ! bah ! pour une pareille cause, on souffrirait bien aut’chose. – Oui, vous, mon ami, c’est fort bien, mais vos chevaux ! – Mes chevaux, monsieur, mes chevaux pensent comme moi 180 ! »

 

 

 

II

 

 

Cependant l’arrêt fatal est rendu. Le 17 janvier, à neuf heures et demie du soir, Vergniaud, qui occupe le fauteuil de la présidence, a fait connaître le résultat de l’appel nominal et déclaré, au nom de la Convention nationale, que la peine prononcée contre Louis est la peine de mort.

« Cette nouvelle, dit un témoin oculaire, C.-F. Beaulieu, fut bientôt connue de tout Paris, et le calme de la terreur se répandit dans toute la ville ; l’on ne voyait dans les rues que des figures tristes et sombres ; on n’entendait dans les lieux publics que des opinions incertaines, des conversations à voix basse ; Paris, enfin, jadis si folâtre, si bruyant, si agité, paraissait être devenu tout à coup le séjour silencieux de la stupeur et l’effroi 181. »

Vainement tout espoir semble perdu ; jusqu’au dernier moment, il y aura de généreux efforts, des dévouements que le succès ne couronnera pas, mais dont le souvenir ne doit point périr.

Un appel en faveur de Louis XVI paraît, le 19 janvier, sous ce titre : Aux représentants de la Nation. Il a pour auteur M. Le Grand qui, au cours du procès, a déjà publié trois écrits pour la défense du roi 182.

Le même jour on répand dans les rues de Paris une brochure intitulée : Bréviaire des dames parisiennes pour la défense de Louis XVI. Elle se termine par ces lignes :

 

« Citoyennes de Paris, femmes de la halle, qui tous les ans portiez des bouquets à la reine, à la famille royale, et en receviez un accueil aussi gracieux que généreux, réparez vos fautes passées ; ramenez dans son palais Louis XVI, cet illustre rejeton de saint Louis, Charlemagne et Henri le Grand Que lundi prochain 183 Louis soit délivré ! »

 

Le Bréviaire des dames parisiennes porte le nom de son auteur, l’abbé de Salignac, « ci-devant chanoine, du chapitre royal de Péronne, prédicateur de feue la reine de Pologne, et gouverneur des enfants du prince Xavier, oncle du Roi ». Non content de signer sa courageuse brochure, l’abbé de Salignac s’en fit le distributeur. Le dimanche 20 janvier, il en remettait lui-même des exemplaires aux passants, dans une des rues de la section des Quatre-Nations, lorsqu’il fut arrêté et conduit à la prison de l’Abbaye 184.

L’heure était passée de discuter les accusations portées contre Louis XVI, d’invoquer les principes de droit naturel et de justice. C’était le moment de faire un suprême appel aux honnêtes gens ; et tel était l’objet des derniers écrits que nous venons de signaler. Il fallait, en même temps, émouvoir la pitié du peuple ; après avoir parlé à son bon sens et à sa raison, il fallait parler à son cœur. Pour obtenir ce résultat, les amis du roi eurent recours à une forme, populaire entre toutes, celle de la romance et de la complainte.

Au mois de mai 1789, la marquise de Travanet, née de Bombelles, dame de Mme Élisabeth, avait composé les paroles et la musique d’une romance intitulée Pauvre Jacques ! qui était devenue aussitôt populaire. Pendant le procès du roi, M. Hennet, ci-devant employé dans les bureaux de M. d’Ailly, premier commis des finances, écrivit, sur l’air de Pauvre Jacques, une complainte qui avait pour titre : Louis XVI aux Français.

 

            Ô mon peuple, que vous ai-je donc fait ?

                  J’aimais la vertu, la justice ;

            Votre bonheur fut mon unique objet,

                  Et vous me traînez au supplice !

            

            Français, Français, n’est-ce pas parmi vous

                  Que Louis reçut la naissance ?

            Le même ciel nous a vus naître tous ;

                  J’étais enfant dans votre enfance...

 

Voici les deux derniers couplets :

 

            Si ma mort peut faire votre bonheur,

                  Prenez mes jours, je vous les donne.

            Votre bon roi, déplorant votre erreur,

                  Meurt innocent et vous pardonne.

            

            Ô mon peuple, recevez mes adieux.

                  Soyez heureux, je meurs sans peine.

            Puisse mon sang, en coulant sous vos yeux,

                  Dans vos cœurs éteindre la haine 185.

 

Prudhomme, dans ses Révolutions de Paris, est obligé de constater l’immense succès de cette petite pièce, si touchante dans sa simplicité : « J’ai, dit-il, j’ai vu le buveur laisser tomber dans son vin plus d’une larme en faveur de Louis Capet. Déjà, dans nos guinguettes, des chansonniers à gage glapissent une complainte niaise, mais attendrissante, sur le sort du tyran. Cette complainte, sur l’air du Pauvre Jacques, commence ainsi :

 

            Ô mon peuple, que t’ai-je fait ?

 

On en vend par milliers. Elle a fait oublier l’hymne des Marseillais 186. »

Trente ans plus tard, dans ses Mémoires 187, M. Pasquier rendait le même témoignage. « Pendant quelques moments, dit-il, on se laissa aller à des illusions. Les rues, qui le croirait ? retentissaient de complaintes sur le sort du Roi. Il y en avait une sur l’air du Pauvre Jacques ; elle se terminait par ces mots : Louis, n’eut ni favori ni maîtresse ; mais cette émotion n’avait pas le pouvoir de franchir les murs qui entouraient la salle de la Convention. Là on comptait froidement les voix 188. »

En même temps que cette complainte, on vendait une Réponse du peuple français à Louis XVI :

 

            Ami du bien, détestant les abus,

                  Des bons rois tu suivis la trace ;

            Pour les Français, Henri n’eût pas fait plus :

                  Et près de Néron on te place !

            

            Louis périr ! Quel horrible penser !

                  Quoi ! son sang rougirait la terre ?

            Ah ! si Louis en avait su verser,

                  Combien son sort serait contraire !

 

Une autre romance, composée, ainsi que les deux précédentes, sur l’air de Pauvre Jacques, a pour titre : le Dauphin à la nation française :

 

            Peuple français, je suis encore enfant,

                  Mais déjà la raison m’éclaire :

            Ainsi que moi Louis est innocent

                  Des maux qu’on a voulu nous faire...

            

            Maman m’a dit et répété cent fois

                  Que Louis aimait la justice,

            Qu’il fut toujours le défenseur des lois,

                  Et vous parlez de son supplice !...

 

            Ô Dieu puissant, qui voyez tout d’en haut,

                  Écoutez ma voix lamentable ;

            Ne souffrez pas que sur un échafaud

                  Un bon roi périsse en coupable !

 

J’ai là sur ma table une douzaine de ces Romances et complaintes sur Louis XVI, grossièrement imprimées sur un papier gris, pauvre petit cahier de 16 pages, sans valeur aucune, assurément, pour un amateur de belles éditions, mais pour moi, je l’avoue, d’un prix inestimable.

La Complainte de Louis XVI dans sa prison,

 

            Il est minuit : tout m’abandonne...

 

est vraiment remarquable, surtout le dernier couplet :

 

            Ô toi, dont la juste balance

            Pèse les peuples et les rois,

            Si mes malheurs, si ma souffrance

            Sur tes bontés ont quelques droits ;

            Vois ce peuple d’un œil de père,

            Dieu clément, et de ta colère

            Loin de lui détournant les traits,

            Daignes m’accepter pour victime !

            Ah ! si mon sang lave son crime,

            Je meurs heureux et sans regrets !

 

Voici encore deux romances : l’une sur l’air : Comment goûter quelque repos, et commençant par ces vers :

 

            Ô peuple toujours menaçant,

            Qui m’accables de ta colère...,

            Il en est temps, juge ton père,

            De ton Roi finis le tourment !

 

l’autre sur l’air : Triste raison, j’abjure ton empire, et dont voici le début :

 

            Ce n’est pas vous qui me coûtez des larmes,

            Bandeau des rois, sceptre de mes aïeux ;

            À mes regards vous n’offriez de charmes

            Que le pouvoir de faire des heureux.

            

            Je ne vivais que de ce bien céleste ;

            Dans mon amour j’embrassais l’univers :

            De tant d’amour, hélas ! il ne me reste

            Qu’un peuple ingrat, des verrous et des fers...

 

Je citerai une dernière pièce, qui se chantait sur l’air de la Passion de Jésus-Christ :

 

            Un tribunal de factieux

                  Me condamne au supplice.

            Peuple séduit, ouvre les yeux,

                  Tu n’es pas leur complice.

            

            Qui leur donna la liberté

                  Dont je suis la victime ?

            Ce fut un don de ma bonté :

                  Ma bonté fut mon crime.

            

            Un jour vous pleurerez, Français,

                  En lisant mon histoire ;

            Je jouirai de vos regrets

                  Au séjour de la gloire.

            

            Mais en offrant à Dieu pour vous

                  Le sang qu’on va répandre,

            Des traits du céleste courroux

                  Je saurai vous défendre.

            

            Je lui dirai : « Dieu de bonté,

                   « Sauve un peuple infidèle :

             « Tu mourus pour l’iniquité,

                   « J’ai suivi mon modèle. »

 

N’est-il pas remarquable que les auteurs de toutes ces pièces aient mis dans la bouche de Louis ces sentiments de piété, de clémence et de pardon dont il avait lui-même consigné l’expression dans ce testament sublime qu’ils ne pouvaient cependant connaître, et qu’une femme du peuple, au moment où il fut publié, appela le « Testament de saint Louis XVI 189 » ?

 

 

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CHAPITRE VII

 

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François de Marignié. Pétition de grâce et de justice pour Louis XVI. Marignié, Barbaroux et Vergniaud. – Le complot du 21 janvier. Le baron de Batz et Michel Devaux. – Le libraire Vente et Mme de Lézardière.

 

 

 

I

 

 

LA Convention avait fixé au samedi 19 janvier la question de savoir s’il serait sursis ou non à l’exécution du décret prononçant contre Louis la peine de mort. Ce jour-là, la salle des conférences fut envahie de bonne heure par une députation de femmes du peuple. Elles étaient venues en grand nombre, demandant à être admises à la barre pour y présenter une pétition revêtue de leurs signatures et où elles sollicitaient le sursis de l’exécution jusqu’à la paix. On refusa de les laisser pénétrer dans la salle des séances. Elles firent alors parvenir leur pétition sur le bureau et insistèrent pour qu’au moins il en fût donné lecture. Guadet, qui présidait en l’absence de Vergniaud, n’eut garde de déférer à ce vœu, et la députation, après avoir attendu pendant plusieurs heures, fut enfin obligée de se retirer 190.

Parmi les spectateurs qui assistaient à cette séance se trouvait l’auteur du Procès de Louis XVI en quatre mots 191, François Marignié. Rentré chez lui, il passe la nuit entière et une partie de la matinée du 20 janvier à écrire un plaidoyer, dans lequel il développait les considérations de droit public, de justice et d’honneur que soulevait le procès du roi ; il donne à ce travail le titre de Pétition de grâce et de clémence pour Louis XVI, et se rend à la Convention sur les deux heures de l’après-midi. Il pénètre dans la salle et s’assoit sur les bancs des députés. L’assurance de son maintien et le trouble qui règne dans l’Assemblée facilitent le succès de cette première partie de son entreprise. Il avait préparé une lettre ainsi conçue :

 

Citoyen président, je demande à faire une pétition de grâce et de clémence pour Louis. Je crois l’avoir appuyée sur des motifs puissants. Je vous supplie de m’obtenir d’être entendu de la Convention.

 

Il appelle du geste un huissier et le charge de remettre sa lettre au président Vergniaud, qui la décachette et en prend lecture. À ce moment, une discussion venait de s’engager sur la lettre de démission de Guy Kersaint, député de Seine-et-Oise. Une heure environ s’écoule. Il s’adresse à un second huissier et le prie d’aller demander au président quelle réponse il a à faire au nommé Marignié, dont il vient de recevoir une lettre. L’huissier revient ; le président lui a répondu que le citoyen Marignié devait attendre l’heure des pétitionnaires, mais qu’il n’était pas probable que la Convention l’entendît. La séance continue ; Barbaroux étant venu à passer auprès de Marignié, celui-ci l’arrête et lui dit le motif de sa présence dans la salle. Barbaroux le regarde avec stupéfaction et s’écrie : F... ! quelle idée avez-vous eue là ? Vous ne serez, pas entendu. Comme son interlocuteur insiste, il reprend : Je souhaite au reste que vous le soyez, et il s’éloigne.

Cependant la présence de l’intrus dans la salle des séances a été remarquée. Un huissier vient à lui et lui demande s’il est député. Sur sa déclaration qu’il ne l’est point, mais qu’un motif puissant le retient dans l’enceinte, où il attend une réponse du président, on ne lui permet pas de rester au milieu des législateurs, et on le conduit au banc réservé pour les étrangers admis aux honneurs de la séance.

Un long temps se passe encore, pendant lequel plusieurs orateurs sont entendus, et en particulier le ministre de la justice, Garat, qui remet à l’Assemblée un billet de Louis XVI demandant « un délai de trois jours pour pouvoir se préparer à paraître devant la présence de Dieu ». La Convention passe à l’ordre du jour. Marignié sent alors plus vivement que jamais le prix de chaque minute qui s’écoule. Tout à coup, le président fait appeler à la barre un pétitionnaire ; c’est un major de l’armée de Belgique. Hors de lui, Marignié quitte son banc, se mêle de nouveau aux membres de l’Assemblée et se trouve à côté de Rouyer, député de l’Hérault. Il prend confiance de lui dire quelle demande il brûle de faire. Comme Barbaroux, Rouyer se récrie ; mais, plus généreux que son collègue, il ne se refuse pas à aller lui-même faire connaître au président qu’il insiste pour être entendu. Le major de l’armée de Belgique a achevé de lire sa pétition ; l’Assemblée en a ordonné le renvoi au comité de défense générale ; la séance va être levée. Marignié descend précipitamment les gradins et court au fauteuil. « Vous êtes monsieur Vergniaud ? dit-il au président. – Oui. » L’Assemblée était debout et les députés se disposaient à sortir. « Monsieur, continue le courageux royaliste, je suis Marignié ; vous avez lu ma lettre ; je vous en supplie, proposez à la Convention d’écouter la pétition de grâce et de clémence que j’ai demandé à lui soumettre. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait déjà ? – Eh ! si j’en avais seulement fait la proposition, j’aurais été lapidé... » – Déjà les bancs des députés et les tribunes publiques commençaient à se dégarnir. – « Ainsi, reprend Marignié, il ne me reste plus qu’à publier inutilement ce que je n’ai pu faire entendre. Je le ferai, et je ferai connaître, en même temps, je vous en préviens, les paroles que vous m’avez répondues et qui témoignent si clairement de quel esprit la Convention est animée ! – Que voulez-vous dire, Monsieur ? – Je veux dire, Monsieur le président, que je publierai vos paroles : Si j’en avais seulement fait la proposition, j’aurais été lapidé ! – Je ne sais de quoi vous me parlez ; je reçois tant de lettres, et il y a tant de pétitions ! J’ignore absolument quel est le motif de la vôtre ! – Ah ! vous le savez fort bien, Monsieur Vergniaud, et votre réponse le prouve de reste. Je vous répète que tout sera rendu public. – Faites tout ce que vous voudrez ; seulement je vous avertis que je vous désavouerai. – J’imprimerai cela aussi. »

Marignié tint parole et fit imprimer dans la nuit même du 20 au 21 janvier sa Pétition et le récit de la scène qui précède, sous ce titre : PÉTITION DE GRÂCE ET DE CLÉMENCE POUR LOUIS XVI, dont la lecture m’a été refusée à la séance du dimanche 20 du présent mois de janvier 1793, malgré tous les efforts que j’ai faits pour l’obtenir, et dont je rends un compte exact dans l’avertissement qui suit, par MARIGNIÉ. Paris, le 21 janvier 1793 192.

En même temps que la lettre de Marignié, Vergniaud avait reçu, le 20 janvier, une pétition signée de Louis-Henri Duchesne, ancien premier commis des bureaux de M. de Trudaine et ancien intendant de Mme la comtesse de Provence. Après un éloge de Louis XVI, Duchesne disait aux députés qui avaient prononcé contre lui un verdict de mort :

 

« Rougissez, législateurs, de vos forfaits, et tâchez de réparer la gloire et l’honneur du nom français, en innocentant un roi que vous avez illégalement condamné. Donnez au citoyen Dumouriez, actuellement à Paris, des ordres immédiats pour qu’il se mette à la tête de la garde nationale et qu’il empêche l’exécution d’un jugement que vous pouvez et devez renvoyer aux assemblées primaires 193. »

 

Vergniaud avait également fait le silence sur cette pétition.

 

 

 

II

 

 

Dans la nuit du 20 au 21 janvier, on glissa sous les portes un petit écrit, signé Cujus, commençant par ces mots : Braves Parisiens ! et invitant le peuple à sauver le meilleur des rois 194. On afficha sur les murs, dans plusieurs rues, un placard à la main, ainsi conçu :

 

            AU PEUPLE,

 

L’Assemblée peut traîner Louis XVI innocent à l’échafaud, et, soulevant ainsi contre nous l’univers indigné, nous plonger dans des malheurs inouïs. Qu’a-t-elle à craindre ? Rien. Elle n’a que les honnêtes gens contre elle. Mais ses décrets sont-ils donc d’un Dieu qu’on ne puisse les révoquer ? Sauvons-le, sauvons-nous nous-mêmes, il est encore temps 195 !

 

Un complot avait été formé, en effet (en fut-il jamais de plus légitime ?), pour arracher Louis XVI à ses bourreaux, dans le trajet du Temple à la place de la Révolution. L’un des conjurés, M. Hyde de Neuville, avait mis Malesherbes dans le secret, et Malesherbes, à son tour, le confia au roi. Louis XVI, du fond de son cachot, commandait encore, sûr d’être obéi par eux, aux braves gens qui lui étaient restés fidèles. Il chargea M. de Malesherbes de faire connaître à Hyde de Neuville et à ses amis qu’ils eussent, d’ordre du roi, à renoncer à leur projet. « Mon jeune ami, dit le défenseur de Louis XVI à M. Hyde de Neuville, vos efforts, ceux de vos compagnons seraient inutiles ; renoncez tous à votre entreprise : c’est la volonté, c’est l’ordre du saint roi, qui ne pense qu’à la France, et ne veut pas que le sang coule pour lui 196. »

Cependant, en dehors de ce groupe de jeunes royalistes, un homme avait résolu de sauver le roi, de le tenter, du moins. C’était un ancien membre de l’Assemblée constituante, le baron de Batz 197. Rentré en France depuis peu de jours, obligé de se cacher, il n’en avait pas moins formé le projet d’enlever Louis XVI à main armée, dans la journée du 21 janvier. L’attaque devait avoir lieu dans la partie des boulevards comprise entre la porte Saint-Denis et le boulevard Bonne-Nouvelle, Là, le cortège aurait à remonter une pente assez forte, dominée par une hauteur, où il serait peut-être possible aux assaillants d’arriver sans être trop remarqués, grâce au grand nombre des rues qui débouchaient à cet endroit. Le 20 janvier, l’abbé Edgeworth fut mis au courant de ce qui se préparait. « Un grand nombre de personnes dévouées au roi, dit-il, avaient résolu de l’arracher de vive force des mains de ses bourreaux, ou au moins de tout oser pour cela. Deux des principaux acteurs, jeunes gens d’un nom très connu, étaient venus m’en prévenir la veille, et j’avoue que, sans me livrer entièrement à l’espérance, j’en conservai jusqu’au pied de l’échafaud. J’ai appris, depuis, que les ordres pour cette affreuse matinée avaient été conçus avec tant d’art et exécutés avec tant de précision que, de quatre à cinq cents personnes qui s’étaient ainsi dévouées pour leur prince, vingt-cinq seulement avaient réussi à gagner le rendez-vous ; toutes les autres, par l’effet des mesures prises dès la pointe du jour dans toutes les rues de Paris, ne purent pas même sortir de leurs maisons 198. »

La Commune avait pris, en effet, un ensemble de mesures contre lesquelles devaient venir se briser le dévouement et l’énergie des amis du roi. Elle a ordonné à tous les jeunes gens de se rendre au matin du 21 janvier, à telle heure, en tel lieu, chacun dans son quartier, avec avertissement qu’il sera tenu deux contrôles, l’un des présents, l’autre des absents, et que ces derniers, sans autre examen, seront réputés conspirateurs : les pères sont déclarés responsables de la conduite de leurs enfants. Tout ce qui est en état de porter les armes, excepté les fonctionnaires publics, doit, individuellement, se trouver avant le jour au poste désigné ; là, on enjoint sévèrement à chacun de garder, d’aussi loin qu’il voit venir l’escorte, le silence le plus profond, l’immobilité la plus absolue. Défense à toutes autres personnes de paraître dans les rues de Paris, et de se montrer aux portes et aux fenêtres sur le passage du condamné ; défense à qui que ce soit de passer entre les haies et de s’avancer sur le chemin destiné au cortège sous peine d’être traité de conspirateur, c’est-à-dire sous peine de mort ; défense à toute voiture de rouler ce jour-là ; défense à tous les corps de quitter les postes assignés avant que leurs chefs aient reçu l’ordre spécial du départ, de crainte que leur marche ne devienne un premier ébranlement favorable au mouvement médité pour sauver Louis XVI 199.

Cependant le fatal cortège s’était mis en marche. À la sortie du Temple, le cri : Grâce ! grâce ! retentit, poussé par quelques voix de femmes, et aussitôt étouffé par un silence menaçant 200.

Du Temple au boulevard, la rue était garnie de plus de dix mille hommes armés.

Le boulevard était bordé, de chaque côté, d’une double haie d’hommes sur quatre rangs, portant des fusils ou des piques ; ils ne s’élevaient pas à moins de 80 000. Des canons marchaient en tête du cortège, composé de douze à quinze mille hommes en armes. En avant des chevaux de la voiture, une multitude de tambours et de trompettes résonnaient avec fracas. Derrière la voiture venaient d’autres canons.

Au moment où la voiture arriva devant la porte Saint-Denis, trois jeunes gens et un homme un peu plus âgé, ce dernier le sabre à la main, s’ouvrirent un passage à travers le quadruple rang des hommes armés et s’écrièrent avec force à plusieurs reprises : À nous ceux qui veulent sauver le roi... À cet appel héroïque nul ne répond. Ils repassent au travers de cette haie d’hommes stupéfaits. Celui qui avait un sabre à la main parvient à s’échapper, ainsi que l’un de ses compagnons. Les deux autres sont saisis au moment où ils essaient de se réfugier dans une maison de la rue de Cléry, et ils sont hachés à la porte. Les noms de ces deux hommes de cœur ont péri avec eux. Les deux autres étaient le baron de Batz et Jean-Louis-Michel Devaux, commis à la trésorerie nationale.

 

 

 

III

 

 

Aucun des historiens de la Révolution n’a cru devoir mentionner cet épisode. Serait-ce donc qu’on puisse en contester l’exactitude et qu’on doive le reléguer au rang des légendes ? Les révolutionnaires eux-mêmes se sont chargés d’en établir la réalité. Le 3 floréal an II (22 avril 1794), le comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention, écrivant à l’accusateur public, lui rappelle que « l’infâme Batz » avait voulu délivrer Capet, et qu’il « était des quatre qu’on entendit sur le boulevard, le 21 janvier, criant : À nous ceux qui veulent sauver le roi 201 ! »

Le 25 prairial suivant (13 juin 1794), le comité de salut public écrit à Fouquier-Tinville :

 

            Citoyen,

Le Comité te demande d’interroger de nouveau Devaux, secrétaire de Batz, sur le comité autrichien et sur ce fait qui vient de nous être prouvé que Devaux était avec Batz des quatre qui, passant armés de sabres derrière les rangs, quand Capet allait au supplice, criaient : À nous ceux qui veulent sauver le roi. Châtelet a reconnu hier soir à la Conciergerie, entre les détenus, Devaux pour celui d’entre eux à qui il parla. Tu es autorisé à offrir pardon à Devaux s’il indique où est de Batz. Tu enverras de suite au Comité l’interrogatoire et tu viendras ce soir.

Salut et fraternité,             

COLLOT-D’HERBOIS, BILLAUD-VARENNE, ROBESPIERRE 202.

 

Le même jour, Devaux était interrogé par Fouquier-Tinville. Voici la fin de son interrogatoire :

 

D. – Dites la vérité. Dites où est caché Batz, et vous serez pardonné.

R. – Je suis innocent et ne sais pas où est Batz.

Lecture faite, a persisté et signé 203.

 

Quatre jours plus tard, le 29 prairial an II (17 juin 1794), Devaux comparut devant le tribunal révolutionnaire, en même temps que Cécile Renault, âgée de vingt ans ; Mme de Sartines, âgée de dix-neuf ans ; Marie-Nicole Bouchard, servante, âgée de dix-huit ans ; Louise de Sainte-Amaranthe, âgé de dix-sept ans ; – en même temps que Sombreuil père, ex-gouverneur des Invalides, âgé de soixante-quatorze ans. Il y avait ce jour-là cinquante-quatre accusés. Le procès dura trois heures, selon le greffier Wolff, cinq heures, selon Fouquier-Tinville. Les cinquante-quatre furent condamnés à mort et menés au supplice dans le costume des assassins : la chemise rouge. On les faisait déjà monter dans les charrettes lorsque Fouquier s’aperçut qu’on n’avait point songé à cet appareil. Il fit suspendre le départ et donna ordre que l’on confectionnât à la hâte ce costume avec des sacs. Furieux du courage que montraient ses victimes, parmi lesquelles étaient dix femmes : « Voyez, dit-il, comme elles sont effrontées. Il faut que j’aille les voir monter sur l’échafaud pour voir si elles conserveront ce caractère, dussé-je manquer mon dîner 204. »

..... Le régicide est consommé. Si quelques misérables y applaudissent, quelle n’est pas la stupeur des honnêtes gens ! Un militaire, décoré de la croix de Saint-Louis, meurt de douleur en apprenant l’exécution du roi. Une femme se jette de désespoir dans la Seine. Le libraire Vente, autrefois attaché aux Menus-Plaisirs, en devient fou. Un perruquier de la rue Culture-Sainte-Catherine, royaliste ardent, se coupe la gorge avec un rasoir 205. La mère de Charles de Lézardière, retirée à Choisy-le-Roi, lorsque son fils est revenu de Paris, portant sur ses traits décomposés la fatale nouvelle, est tombée morte 206. Un jeune garde national de la section de la Halle-au-Blé, nommé Delrive, qui avait assisté, en qualité de garde, à l’immolation du 21 janvier, meurt quelques jours après dans des convulsions affreuses, suite de l’impression déchirante qu’avait faite sur lui ce terrible spectacle 207.

La douleur fut aussi grande en province qu’à Paris, aussi profonde chez les gens du peuple que chez les aristocrates. Le comte de Jaucourt 208, obligé de quitter la France après le 10 août, se risqua à rentrer avec Joseph de Broglie, au mois de février 1793. À peine avaient-ils mis le pied sur la terre de France qu’ils rencontrèrent une jeune femme allant à la pêche. « Qu’y a-t-il de nouveau ?.... » fut leur première question. « Ils ont tué le roi, répondit la femme : ils lui ont ouvert le paradis et nous l’ont fermé. »

 

 

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CHAPITRE VIII

 

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Après le 21 janvier. Le libraire Levigneur et l’imprimeur Froullé. La Feuille du Matin et l’exécution de Parisau. Le Thermomètre du jour de Dulaure et la lettre de Sanson. – Les défenseurs de Louis XVI et le Tribunal révolutionnaire. Une faiseuse de modes. Poirier de Beauvais. L’imprimeur François Beaudevin. Prêtres et religieuses. Les habitants du village de Caussade. Les vrais patriotes.

 

 

LOUIS XVI avait eu des défenseurs au cours de son procès ; il en trouva encore au lendemain de son exécution.

Le 22 janvier, le libraire Levigneur mit en vente une brochure imprimée par Froullé, contenant, avec la liste comparative des appels nominaux dans le procès du roi, une Relation des vingt-quatre heures de l’agonie de Louis XVI. Cette brochure vaudra plus tard à Levigneur et à Froullé d’être traduits au tribunal révolutionnaire, pour avoir « cherché à perpétuer l’amour de la royauté par les regrets sur le sort du tyran ». En les condamnant à mort, le 3 mars 1794 209, le juge ajoutera cette clause à la sentence

 

Ordonne que l’ouvrage ou écrit ou imprimé sus-énoncé sera brûlé au pied de l’échafaud par l’exécuteur des jugements criminels.

      DOBSENT, président,

      MASSON, LANNE, juges,

      J. DERBEZ, greffier 210.

 

Le 20 mai 1794, Marie-Pierrette Henneveux, femme Lesclapart, sera guillotinée à son tour pour le seul crime d’avoir vendu la liste des cinq appels nominaux et les Vingt-quatre heures de l’agonie du roi 211.

Étienne Feuillant, le rédacteur du Journal du soir, publia, dans son numéro du 22 janvier le testament de Louis XVI.

La Feuille du matin, de Parisau, qui avait dû suspendre sa publication le 30 décembre 1792, reparut le 28 janvier 1793. Les extraits suivants montreront que les persécutions dirigées contre le courageux journaliste n’avaient point eu pour effet de l’intimider :

 

1er février 1793. – Épitaphe pour être gravée sur le tombeau d’un Grand Personnage mort en janvier 1793 :

 

            Ci-gisent la Vertu, l’Honneur et l’Innocence,

                      Et tout le bonheur de la France.

 

8 février 1793. – Une dame nous prie instamment d’inscrire dans notre journal l’épitaphe ci-après, que nous croyons être celle de Charles Ier :

 

                    Ci-gît qui, malgré ses bienfaits,

                Fut immolé par ses propres sujets,

            Et qui, par un courage inconnu dans l’histoire,

            Fit de son échafaud le trône de sa gloire.

 

9 février 1793. Épitaphe dont nous laissons à nos lecteurs à faire l’application :

 

            CI-GÎT QUI DONNA LA VIE À LA LIBERTÉ,

            ET À QUI LA LIBERTÉ DONNA LA MORT.

 

Même numéro. – Vers pour mettre au bas d’un portrait :

 

            Vertueux sur le trône et fidèle à l’honneur,

            D’un peuple que j’aimais j’ai voulu le bonheur ;

            Mais l’ingrat, égaré par une secte impie,

            Sous le fer des bourreaux m’a fait perdre la vie.

 

Dans son numéro du 13 février, la Feuille du matin donna le Testament de Louis XVI, mis en vers. Cette pièce forme neuf strophes.

Précisément ce jour-là, le girondin Dulaure, député du Puy-de-Dôme et l’un de ceux qui avaient condamné Louis XVI, publiait dans son journal le Thermomètre du four, et sous ce titre : Anecdote très exacte sur l’exécution de Louis Capet 212, un récit que, par un raffinement d’imposture, il avait mis dans la bouche du bourreau lui-même, de Charles-Henri Sanson 213. D’après Dulaure, l’admirable fermeté dont Louis XVI avait fait preuve n’était due qu’à un copieux déjeuner fait le matin, et à la persuasion où il était qu’au dernier moment on lui ferait grâce. Sanson rétablit la vérité dans une lettre qui, sous sa plume, est d’une singulière éloquence, et où il y a comme un écho de cette parole du centenier, qui a traversé les siècles : Vere hic homo erat justus ! En voici les dernières lignes :

 

Et pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés. Je reste très convaincu qu’il avait puisé cette fermettée dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissait pénétrée ny persuadé.

Vous pouvez être assuré, citoyen, que voilà la véritée dans son plus grand jour 214.

 

En reproduisant cette lettre dans son journal, Parisau y mit cet en-tête :

 

Les âmes sensibles ne pourront lire, sans frémir et sans verser des larmes de douleur, la déclaration suivante ; elle a, cependant, été nécessaire pour imposer silence à l’affreuse calomnie qui s’attachait à noircir, même après sa mort, l’infortuné prince qui en est l’objet 215.

 

Encore une citation :

Après avoir rappelé qu’en Égypte les actions et le caractère des rois décédés étaient examinés avec une grande rigueur, en présence de certains juges, afin qu’on pût régler, d’une manière équitable, ce qui était dû à leur mémoire, la Feuille du Matin ajoutait, dans son numéro du 8 mars :

 

Ô... ! ô Roi tout débonnaire ! tu pouvais naître impunément sur le trône des Sésostris et des Séthon. Ta mémoire adorée n’eût eu rien à craindre des sévères jugements qui attendaient les rois après la mort. L’austère Nécrologue de Memphis n’eût pu te trouver reprochable que par ton excès de bonté 216.

 

Le journaliste qui écrivait ces lignes savait qu’il signait son arrêt de mort. Encore quelques mois, et il sera traîné à l’échafaud.

Combien d’ailleurs payèrent, comme lui, de leur tête, l’honneur d’avoir élevé la voix en faveur de l’auguste accusé ! Presque tous ceux qui avaient figuré, à un titre quelconque, si modeste fût-il, parmi les défenseurs de Louis XVI, furent jetés en prison. M. Desèze lui-même, bien que couvert par un vote de la Convention 217, qui eût dû le rendre inviolable, fut arrêté le 20 octobre 1793 et conduit à la Force. Il ne recouvra la liberté qu’après le 9 thermidor. S’il eut la vie sauve, grâce à la chute de Robespierre, et si même fortune advint à beaucoup d’autres qui, avec moins d’éclat, mais avec un égal dévouement, avaient écrit ou parlé pour le roi, plusieurs avaient péri, dont les noms doivent ici trouver place :

Les voici, avec la date de l’exécution :

De Rozoi, 25 août 1792 ; – Louis de Malherbe, 20 juillet 1793 ; – Michel Aumont et Jacques Leclerc, 5 septembre ; – Olympe de Gouges, 2 novembre ; – Henri Duchesne, 2 novembre ; – J.-B. Poupart-Beaubourg, 2 mars 1794 ; – François Froullé et Thomas Levigneur, 3 mars ; – Charles Gattey, 4 avril ; – Pasquier de Coulans et Bochart de Saron, 20 avril ; – Lamoignon de Malesherbes, 22 avril ; – Charles-François de Nicolaï, 28 avril ; – Michel Webert, 20 mai ; – Michel Devaux, 17 juin ; – Vuibert, 30 juin ; – Boyer (de Nîmes) et Charles-Marie de Nicolaï, 7 juillet ; Parisau, 10 juillet ; – Joseph de La Ville, 13 juillet ; – André Chénier, 25 juillet.

 

 

 

II

 

 

C’était un crime d’avoir essayé de défendre Louis XVI au cours de son procès. C’en fut un également de protester contre sa condamnation, de pleurer sa mort, de porter son deuil, de conserver dans le secret de sa maison un écrit, une image, un signe qui rappelât son souvenir.

Une « faiseuse de modes », Claude-Françoise Loissillier, âgée de quarante-sept ans, comparut devant le tribunal révolutionnaire le 5 mai 1794. Six jours auparavant, le 30 avril, elle avait affiché de ses mains sur les murs de Paris un placard manuscrit ainsi conçu :

 

Peuple, habitants de Paris, armez-vous donc de courage pour sauver la vie à ces innocentes victimes que l’on fait périr tous les jours et faire finir la guillotine. C’est attaquer tout à la fois le créateur et la créature : le créateur, en détruisant son ouvrage ; la créature, en la privant du bienfait de Dieu. Craignez surtout que cela n’attire sur vous et sur cette grande ville les grands fléaux de Dieu, en laissant faire plus longtemps. Allez dans les prisons en faire sortir les innocentes victimes.

 

Après une exhortation à désarmer le courroux de Dieu par la prière, le jeûne et l’aumône, elle finissait ainsi :

 

Vous voyez les grands maux de la guerre. Craignez surtout les autres. Car il est un Dieu vengeur des innocents opprimés qui vous traiterait comme vous laissez traiter les autres, car vous manquez d’humanité 218.

 

Elle avait préparé un autre placard qu’elle destinait au lieu où était enfoui Louis XVI :

 

Au cimetière de la Madeleine de la Ville-l’Évêque 219.

Âme juste, ici repose l’innocent opprimé, le plus grand des rois chrétiens. Dieu écoute la voix du sang innocent si cruellement répandu, etc. 220

 

On trouva encore chez elle plusieurs versions ou répétitions du même thème 221 ; une exhortation au peuple d’aller à la guerre en chrétien à l’exemple de Clovis 222, etc.

Françoise Loissillier fut envoyée à l’échafaud, en même temps que huit autres victimes, dont cinq femmes 223.

Louis-Philippe Bourgeois, perruquier, avait dit à plusieurs citoyens le 21 janvier : « Vous avez donc laissé assassiner votre bon roi ! » Il fut guillotiné le 22 mai 1794 224.

Deux jours plus tard, un professeur de géographie et de grammaire, François Paulin, subissait le même sort. Il était accusé d’avoir tenu ce propos : « Que la Montagne était les balayeurs de la Convention ; que Capet était une malheureuse et innocente victime ; que ceux qui avaient voté sa mort étaient des scélérats 225. »

 

Le 14 juin, le tribunal révolutionnaire condamnait à mort François Baquelot, propriétaire, Antoine Billioud, ci-devant chanoine de Sully, et la fille Madeleine Godepain. François Baquelot avait dit, et on ne lui reprochait pas autre chose, que « la Convention avait commis un grand crime en condamnant Capet ». Antoine Billioud, en apprenant la mort du roi, s’était écrié : « Tant pis ! » ajoutant que « les députés étaient un tas de voleurs ; que, quand il n’y a pas de roi, il n’y a pas de loi. » Madeleine Godepain avait dit plus crûment : « Que c’étaient tous gueux qui avaient assassiné et égorgé le roi 226 ! »

Joseph Yvon, courrier de la malle, s’était permis de dire : « Voilà un joli bien que la Convention aura fait en faisant couper la tête du roi. » Cela suffit. Il fut guillotiné le 17 juillet 227.

Antié dit Léonard, ancien coiffeur de la reine, avait appelé scélérats les députés qui avaient voté la mort du roi : il fut guillotiné le 25 juillet 228.

Pas n’est besoin du reste, pour être traîné à l’échafaud, d’avoir protesté publiquement contre l’exécution de Louis XVI. Le seul fait de l’avoir déplorée, dans le secret d’une correspondance intime, est également puni de mort. Georges Vechembre, homme de loi, écrit le 31 janvier 1793 à un ami :

 

Que puis-je vous dire dans un temps de deuil et de tristesse où tout s’anéantit ? Hélas ! qui aurait jamais pensé qu’un royaume qui paraissait si bien policé, où les mœurs étaient douces et enviées, devînt tout à coup cruel et féroce, ne faisant pas plus de cas de la vie d’un homme que de celle d’une bête ?... Celui qui était présenté comme contraire à notre bonheur et à cette sainte liberté dont on a su aveugler le peuple, est tombé sous le glaive des factieux. Il n’existe plus : mais qu’en résultera-t-il ? Que la France ne se lavera jamais de cette tache ; que l’on n’aura fait qu’irriter davantage les puissances étrangères, etc.

 

Plus d’un an après, on trouve cette lettre au cours d’une visite domiciliaire. Vechembre est traduit au tribunal révolutionnaire et condamné, le 30 juin 1794, en même temps que vingt-trois autres accusés 229.

La mort pour une lettre jetée à la poste. La mort aussi pour un simple projet de lettre. Maurice Collinet de la Salle-Chonville, ci-devant lieutenant général du bailliage d’Épernay, avait envoyé à sa belle-sœur, émigrée, mille quarante livres sur ses revenus. On l’arrête, et on saisit dans ses papiers un projet de lettre à un député, où il lui reprochait d’avoir voté la mort du roi. Il avait, dans le même esprit, préparé un projet d’adresse des communes de Lorraine, calqué sur l’adresse des cent cinquante communes de Normandie. Condamné à mort le 1er août 1793, il fut exécuté le même jour à sept heures du soir 230.

Cl.-Fr. Berger, cultivateur, fut envoyé du département de la Nièvre à Paris, pour des lettres et papiers où il exprimait son indignation contre les régicides. Il n’avait communiqué ces lettres à personne. Ce n’étaient que de simples projets 231. Il n’en fut pas moins condamné à mort le 13 septembre 1793.

Bertrand Poirier, homme de loi à Chinon, fut déféré au tribunal révolutionnaire par les commissaires du département d’Indre-et-Loire. On avait trouvé chez lui, outre de nombreux projets de lettres, un manuscrit de sa main intitulé : L’Ombre d’Henri IV, où il faisait l’éloge de ses descendants, notamment de Louis le dernier, « qu’il ne rougissait pas d’appeler le meilleur, le plus juste des rois. » Il fut guillotiné le 13 novembre 1793 232.

Chez Alexandre Beaugrand, curé d’Orveau-Bellesauve, on avait saisi des écrits où il déplorait la mort du roi et manifestait la haine qui l’animait contre ses bourreaux. On avait de plus trouvé chez lui un extrait du Mercure français du 23 février 1793, mentionnant, sous la rubrique Willingsen, 29 janvier, le service funèbre célébré en mémoire de Louis XVI, avec l’inscription placée sur le fronton du catafalque

 

PIIS MANIBUS

DILECTISSIMI GALLIAE REGIS

LUD. AUG. DECIMI SEXTI

DIE 21 JANV. 1793

CRUDELITER ET INIQUE

AB IMPIIS

TRUCIDATI

CONDAEUS

SERENISSIMI PRINCEPS BORBONII

ET NOBILIUM TURMAE

MOERENTES.

 

Il avait fait suivre cette inscription de ces mots :

 

L’on pourrait ajouter :

 

PROBIQUE GALLI

NECIS REGIS INNOXII

DOLENTES.

 

Beaugrand fut guillotiné le 21 avril 1794, la veille du jour de l’exécution de Malesherbes 233.

Évidemment, il avait mérité deux fois la mort, puisqu’il avait annoté, de sa main, une inscription en l’honneur du roi. Est-ce qu’il ne suffisait pas, pour être envoyé à l’échafaud, d’avoir conservé dans sa maison le Testament de Louis XVI, un écrit composé en sa faveur, une malheureuse complainte où l’on s’apitoyait sur son sort ?

Jeanne-Baptiste Blandin, servante de l’abbé Touzet, de Besançon, fut condamnée le 19 juillet 1794. Fouquier-Tinville disait dans son réquisitoire : « On a trouvé, dans la maison qu’elle habitait, plusieurs écrits et ouvrages aussi contre-révolutionnaires que fanatiques, notamment le Bref du Pape, le Testament de Capet 234. »

On trouva aussi le bref du pape aux cardinaux chez Nicolas Delaroque, un vieillard de 72 ans ; et avec ce bref plusieurs autres écrits non moins fanatiques : le prospectus d’un journal intitulé : l’Ami des vieillards, au profit des prêtres non assermentés ; la Légitimité du serment civique, par M.***, convaincu d’erreur (26 janvier 1791) ; l’Adresse des 150 communes de Normandie en faveur de Louis XVI. Nicolas Delaroque fut guillotiné le 5 novembre 1793 235.

Parmi les écrits en faveur de Louis XVI, celui dont la possession constituait surtout, aux yeux de Fouquier-Tinville, un crime irrémissible, était la romance de LOUIS XVI AUX FRANÇAIS : Ô mon peuple, que vous ai-je donc fait ?

Le 8 mars 1794, Louis Desacres de l’Aigle, ancien maréchal de camp aux armées du roi, fut traduit devant le tribunal révolutionnaire. L’acte d’accusation relevait contre lui que l’on avait trouvé dans ses papiers la complainte de Louis XVI aux Français. Il fut envoyé à l’échafaud, en même temps que sa nièce, la comtesse de Durtal (Anne-Alexandrine-Rosalie de La Rochefoucauld), qui n’était pas poursuivie, qui n’était pas même assignée comme témoin, et qui, extraite de la Conciergerie pour donner des éclaircissements au tribunal, fut, séance tenante et sur la réquisition de l’accusateur public, jetée sur le banc des accusés et condamnée à mort 236.

Chez Marie-Claudine de Blaire, on avait découvert dans le haut d’une armoire la terrible romance, et, dans le fond d’un portefeuille, le portrait du « tyran ». La condamnation allait de soi. Mlle de Blaire fut guillotinée le 20 mai 1794 237.

René Croullière avait servi contre les Vendéens ; mais il avait un frère prêtre qui s’était exilé, conformément à la loi, plutôt que de prêter serment. Lui-même, étant à l’armée, avait écrit à ses parents : « Nous avons été trois jours à Angers pour nous reposer. J’ai vu mourir trois personnes par la guillotine. Cela est bien triste... » On l’arrêta et une perquisition à son domicile fit mettre la main sur un petit registre où il consignait ce qui l’intéressait : on y lisait en tête la complainte de Louis XVI aux Français. Il fut guillotiné le 24 juin 1794, et avec lui son père, Jean Croullière, charpentier, et sa mère, Marie Sallier. Ce jour-là, du reste, on fit « mourir par la guillotine » non pas trois personnes seulement comme à Angers, le jour où René Croullière s’y était trouvé, mais sept personnes 238.

Dix jours auparavant, le 14 juin, le nombre des victimes s’était élevé à trente-huit. Tandis que la section qui siégeait dans la salle de la Liberté condamnait trente magistrats des parlements de Toulouse et de Paris, l’autre section (salle de l’Égalité) envoyait à la mort huit malheureux, parmi lesquels François Beaudevin, imprimeur, coupable d’avoir conservé un chant royaliste, composé à propos de la mort de Louis XVI sur l’air de la Marseillaise. Il avait de plus gardé une image du roi, – une image révolutionnaire. C’était une gravure représentant la tête tranchée de Louis XVI, tenue par le bras du bourreau, avec cette inscription :

 

ECCE VETO

Le 21 janvier 1793, à dix heures du matin.

 

Mais au-dessus François Beaudevin avait écrit :

 

Je meur pour tois et tas famille.

 

Et par derrière, il avait tracé une page entière dans le même esprit 239.

Sans vouloir préjuger les décisions de l’Église, les royalistes ne pouvaient se défendre de voir dans Louis XVI un martyr, qui avait donné sa vie pour la foi. Le 28 avril 1794, dans une fournée qui ne comprenait pas moins de trente-trois accusés, figurait Marie-Marguerite Bragelongne, veuve de Paris-Montbrun. Voici un extrait de ses réponses devant le tribunal :

 

Le Président à la veuve Paris. Reconnaissez-vous cette lettre comme émanée de vous ?

R. Je la reconnais comme l’ayant écrite le 21 juin 1793.

Le Président. Voici ce que vous écriviez à cette époque :

« Louis XVI a souffert le martyre sur la place de la Révolution. Dieu veuille le récompenser des maux qu’il a soufferts et du jugement injuste que les représentants de la nation ont prononcé contre lui. Dieu veuille nous délivrer des turbulents, favoriser le succès des armes de nos princes et ramener l’ordre et la tranquillité. »

R. Je croyais au martyre de Louis XVI, et mon opinion était fondée sur ses vertus 240.

 

Mme de Paris-Montbrun fut guillotinée ainsi que sa sœur, Marie-Nicole Bragelongne, ancienne religieuse, chez laquelle on avait trouvé une prière à Jésus-Christ, une prière pour le roi, le bref du pape à tous les cardinaux, Charitas quæ docente Paulo apostolo (Rome, 12 avril 1791), et une lettre de M. le curé du bourg d’Argenteuil, adressée à la municipalité de ladite paroisse sur le serment qu’il devait faire le dimanche 30 janvier 1791, lettre très ferme et très courageuse, dont l’exesse-religieuse, comme il est dit dans une des pièces du dossier, partageait sans doute les sentiments 241.

La guillotine ne chômait pas, même le jour de l’an. Parmi ceux qui montèrent à l’échafaud le 1er janvier 1794 était un prêtre assermenté, Pierre-Joachim Vancleemputte. Après avoir appartenu au clergé paroissial de Saint-Nicolas des Champs, à Paris, réduit à se cacher, il avait continué d’exercer secrètement son saint ministère. Lorsqu’il fut arrêté, on découvrit chez lui, parmi des reliques de saints, un petit papier cacheté sur lequel était écrit : Sang de Louis XVI. Dans son réquisitoire, Fouquier-Tinville l’accusa « d’avoir fait des rassemblements en différentes maisons pour y entretenir le fanatisme religieux et d’être l’auteur d’une conspiration tendant à tromper le peuple, en présentant à plusieurs personnes du sang, supposé être celui du tyran, pour apitoyer sur son sort, afin de parvenir, par ce moyen, au rétablissement de la royauté, à exciter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres et contre l’autorité légitime. » L’abbé Vancleemputte n’avait pas gardé pour rien une goutte du Sang de Louis XVI : il alla à la mort avec le même courage que le roi martyr. Un de ses compagnons de captivité, le jeune Bimbenet-Laroche, « aspirant à l’état ecclésiastique », raconte en ces termes les derniers moments de ce saint prêtre, dans un billet écrit à un de ses frères le 3 janvier 1794 :

 

Le 1er de ce mois, à dix heures du soir, un de nos intimes a été jugé à mort pour ses étrennes. Depuis trente mois que ce respectable homme était chassé de son poste, il n’avait pas cessé un instant de se sacrifier pour les fidèles. Il était âgé d’environ 32 à 33 ans. Dès qu’il fut descendu du tribunal pour attendre l’heure du supplice, il demanda son bréviaire au guichet, où il passa la nuit. Il nous le fit remettre le lendemain par le concierge, et il nous écrivit deux mots où il nous marquait, entre autres choses, qu’il avait passé la nuit fort tranquillement, et qu’il était comblé de consolations. Je n’ai pas de peine à le croire lorsqu’on a vécu comme lui, le moment de la mort paraît fort doux. Il est maintenant où nous espérons aller sous peu. Il nous a promis, dans son écrit, qu’il ne nous oublierait pas. J’ai quelques reliques de lui que je garde bien précieusement, et que je vous ferai passer lorsque j’aurai le bonheur de le suivre 242.

 

Le 21 juin 1794, ce n’est plus seulement une famille entière, comme il arrivait trop souvent, qui comparaît devant le tribunal révolutionnaire. C’est pour ainsi dire un village, au moins des membres de toutes les familles du village de Caussade. À la nouvelle de la mort du roi, ils avaient fait célébrer une messe, où ils avaient porté une cocarde noire en signe de deuil. Ils étaient accusés d’avoir parcouru le village en criant : « À bas les cocardes nationales ! Il faut en prendre de noires. » Dix-sept étaient poursuivis : tous furent condamnés, moins un qui ne se trouva pas. Voici les noms de ces braves gens, victimes expiatoires du deuil de Louis XVI :

Dominique Lacroix, 44 ans ; Raymond Delpèche Saint-Ton père, 63 ans ; Jan Delpèche Saint-Ton fils, 38 ans ; Jean-Savit Labat, 3o ans ; J.-Pierre Clavière, 64 ans ; Joseph Borie, 30 ans ; Bertrand Genèbre, 21 ans ; Pierre Moulet, 50 ans ; Jean-François Pichelier aîné, 51 ans ; François Foussegrive, 27 ans ; Raymond Borie, 19 ans ; Jean Riette, 28 ans ; Mafre Calmette, 56 ans ; Antoine-Ange Bastie, 29 ans ; Jacques Cassaigne, dit Cauvin, 27 ans ; Jean Cassaigne, dit Cauvin, 28 ans 243.

C’est sur les noms de ces héros obscurs, de ces vrais patriotes, que je veux clore ce chapitre.

 

 

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CHAPITRE IX

 

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La Chapelle expiatoire et le Conseil municipal de Paris. Chateaubriand et Michelet. – Le Mémoire de Marie-Thérèse-Charlotte de France. – Les Révolutions de Paris. – Trois hommes de la Commune. Dorat-Cubières. Le Rapport de Coulombeau. – Les habiletés de M. Louis Blanc.

 

 

 

I

 

 

MON unique dessein, en commençant ce livre, était de parler des défenseurs inconnus de Louis XVI, de ces honnêtes gens, obscurs pour la plupart, dont le nom ne saurait prétendre à l’éclat qui entoure si justement les noms de Malesherbes, de Desèze et de Tronchet, mais dont le dévouement méritait, je l’ai cru, d’être tiré de l’oubli où les historiens l’ont jusqu’ici laissé. Le but que je me proposais est donc rempli. Je ne puis cependant fermer ces pages sans dire quelques mots de la captivité et des derniers moments de Louis XVI.

Dans sa séance du 28 décembre 1892, désirant sans doute célébrer à sa façon le centenaire de la captivité du Temple, le conseil municipal de Paris a, par 54 voix contre 12, adopté un vœu ainsi conçu :

 

    Le conseil,

Considérant que la démolition de la Chapelle expiatoire a été réclamée à différentes reprises par les républicains de la ville de Paris ;

Considérant que le maintien de cette chapelle à une époque où la France célèbre les glorieux centenaires de la Révolution est une nouvelle insulte faite à tous les républicains ;

Renouvelle le vœu que le gouvernement de la République prenne les mesures nécessaires pour faire disparaître la Chapelle dite « expiatoire » ;

Invite le bureau du conseil municipal à transmettre directement ce vœu aux représentants des pouvoirs publics ;

Invite les députés de Paris à déposer un projet de loi tendant à l’abrogation de ce qui reste de la loi du 19 janvier 1816.

 

Après avoir lu cette délibération de messieurs du conseil municipal, j’ai rouvert les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et j’y ai trouvé les lignes suivantes :

 

Le 18 janvier 1815 furent exhumés les restes de Marie-Antoinette et de Louis XVI. J’assistai à cette exhumation dans le cimetière où Fontaine et Percier ont élevé depuis, à la pieuse voix de Madame la dauphine et à l’imitation d’une église sépulcrale de Rimini, le monument peut-être le plus remarquable de Paris. Ce cloître, formé d’un enchaînement de tombeaux, saisit l’imagination et la remplit de tristesse 244.

 

Ce monument, les républicains peuvent le détruire ; ils n’aboliront pas l’histoire. Si les pierres dispersées ne parlent plus, les témoins parleront.

Je sais bien que M. Michelet, dont beaucoup veulent faire aujourd’hui notre historien national, traite de « fable » l’histoire de la captivité du Temple, telle que la rapportent ceux qui se trouvaient alors auprès de Louis XVI. Il n’y faut voir, d’après lui, qu’une légende, ridicule autant que mensongère, fabriquée de toutes pièces par les royalistes. « Qui nous a raconté, dit-il, ces évènements du Temple ? Pas un jacobin, pas un montagnard, pas un homme de la Commune. Les seuls témoins par lesquels nous connaissions les détails du séjour du roi au Temple, ce sont ses valets de chambre. C’est M. Hue... c’est Cléry 245. » Et M. Michelet ajoute bravement : « Nous avons encore de prétendus Mémoires de Madame d’Angoulême, écrits à la tour du Temple, où elle ne pouvait écrire, n’ayant jamais eu ni papier ni encre. Ceux qui vinrent la délivrer furent touchés de voir qu’elle était réduite à charbonner sur les murs. »

N’en déplaise au célèbre historien, ces Mémoires de Mme la duchesse d’Angoulême (à laquelle il nous semble que M. Michelet aurait bien pu donner son véritable nom, ne fût-ce qu’en souvenir du temps où il était professeur d’histoire de Mademoiselle, fille du duc de Berry, et où il faisait étalage de son royalisme), ces prétendus Mémoires sont d’une authenticité absolue.

Le Mémoire écrit par Marie-Thérèse-Charlotte de France sur la captivité de ses parents a été imprimé six fois du vivant même de la duchesse d’Angoulême. En 1817 (deux fois, à Paris chez Audot et à Montpellier chez Seguin aîné) ; en 1823, en 1824, en 1825, en 1847. En 1843, il a été reproduit presque intégralement par Alfred Nettement dans sa Vie de Marie-Thérèse de France, ouvrage qui avait un caractère officieux, sinon officiel. Si ce Mémoire n’eût pas été son œuvre, eût-elle souffert qu’on lui en fît ainsi l’attribution ? Se serait-elle prêtée à une fraude, à un mensonge qui eût rejailli jusque sur son père et sur sa mère, elle dont on a pu dire : « C’était le plus loyal gentilhomme et qui n’a jamais menti 246 » ? M. Louis Blanc, qui n’est pas suspect, n’élève pas le moindre doute sur l’authenticité de ces Mémoires. Il les cite en maint endroit et en reproduit même plusieurs passages. Ainsi a fait également Sainte-Beuve, qui ne péchait pas, lui non plus, que je sache, par excès de royalisme, et à qui il n’arrivait guère de se laisser prendre aux documents apocryphes. « Mme la duchesse d’Angoulême, dit-il, au tome V de ses Causeries du lundi, a raconté l’histoire de sa captivité et des évènements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire. Elle s’y oublie elle-même et sans affectation, le plus qu’elle peut ; et elle s’arrête au moment où meurt son frère, la dernière des quatre victimes immolées. »

Quant à l’impossibilité d’écrire où se serait trouvée Mme Royale, réduite à charbonner sur les murs de son cachot faute de papier et d’encre, c’est encore là une de ces affirmations gratuites où se complaît M. Michelet. Sans doute, pendant longtemps, la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette n’a pu que crayonner sur les murailles de sa chambre. Le conventionnel Rovère nous apprend qu’entré dans cette chambre après le départ de Mme Royale, il a trouvé sur les murs ces lignes tracées au crayon par l’orpheline du Temple : Ô mon père, veille sur moi du haut du ciel ! et un peu au-dessous : Ô mon Dieu, pardonnez à ceux qui ont fait mourir mes parents ! – Après la mort de Louis XVII (20 prairial an III – 8 juin 1795), la presse, redevenue momentanément libre, fit entendre de vives réclamations en faveur de Mme Royale. Une députation de la ville d’Orléans vint demander son élargissement à la Convention, qui se décida, en présence du mouvement de l’opinion, à adoucir la captivité de la fille de Louis XVI. Le 2 messidor an III (2o juin 1795), le comité de sûreté générale arrêta qu’une femme serait placée auprès d’elle « pour lui servir de compagnie », et il choisit à cet effet Mme Roquet de Chanterenne 247. Le 15 thermidor suivant (2 août 1795), on accorda à l’auguste prisonnière des livres, du papier, des crayons, de l’encre de Chine et des pinceaux. Elle distribua alors son temps de la manière suivante : elle passait la matinée à écrire ; dans l’après-midi, elle lisait, brodait, dessinait. Au mois de septembre, Mme et Mlle de Tourzel et la baronne de Mackau, autrefois sous-gouvernante des Enfants de France, obtinrent l’autorisation de la visiter trois fois par décade : elles venaient au Temple vers midi et ne se retiraient qu’à 7 ou 8 heures du soir. On le voit, à partir du 2 août 1795, la fille de Louis XVI a pu écrire à la tour du Temple, et elle n’a plus été réduite à charbonner sur les murs ; en affirmant le contraire, M. Michelet – mirabile dictu ! – M. Michelet a calomnié... la République !

La question d’ailleurs n’en est plus une. Le manuscrit du Mémoire existe, écrit tout entier de la main de Mme Royale et formant un cahier de 35 pages et demie et de 31 centimètres de hauteur sur 23 centimètres de largeur. Le papier en est fort grossier. La couverture du manuscrit, faite d’une feuille du même papier, porte en titre : Mémoire écrit par Marie-Thérèse-Charlotte de France sur la captivité des princes et princesses ses parents, depuis le 10 d’août 1792 jusqu’à la mort de son frère arrivée le 9 de juin 1795. Il se termine par ces lignes :

« Telle a été la vie de mes vertueux et malheureux parents durant les dernières années de leur auguste vie.

« J’atteste que ce mémoire contient vérité.

« MARIE-THÉRÈSE-CHARLOTTE.

« Fait à la Tour du Temple,

ce 14 octobre. »       

 

Au sortir de la prison du Temple, Mme Royale laissa son manuscrit entre les mains de Mme de Chanterenne. Le petit-fils de cette dernière en fit hommage à M. le comte de Chambord, peu de temps avant la mort du prince. Mme la duchesse de Madrid, qui le possède aujourd’hui, a bien voulu autoriser M. Gabriel de Saint-Victor à le copier. Par les soins de M. de Saint-Victor, une édition, scrupuleusement conforme à l’original, a paru en 1893, à la librairie Plon, avec une introduction de M. le marquis Costa de Beauregard.

 

 

 

II

 

 

Au surplus, qu’importe à M. Michelet que les « Mémoires de Mme d’Angoulême » soient authentiques ou non ? Il les écarte, comme les ouvrages de M. Hue et de Cléry, par cela seul que le témoin est royaliste. Il ne tient pour valables que les témoignages républicains, et de ceux-là, suivant lui, il n’en existe point. Il y en a de tels, au contraire, et en grand nombre.

J’en rencontre tout d’abord dans les journaux révolutionnaires eux-mêmes. Malgré leur haine et leur mauvaise foi, il leur arrivait souvent d’être obligés d’enregistrer des faits, des détails où se révélait, même à travers leurs insultes, la vertu admirable, la sainteté de Louis XVI. J’en veux ici donner un exemple, et je l’emprunte à une feuille qui rivalisait alors de violence avec celles d’Hébert et de Marat.

Le numéro 171 des Révolutions de Paris (20 octobre 1792) s’ouvre par un grand article intitulé : Du jugement de Louis XVI, et dont voici le début :

 

Nous avons démontré, dans notre précédent article, que le ci-devant Louis XVI avait mérité la mort ; nous avons prouvé, d’après l’histoire et l’exemple de tous les peuples, qu’il devait être jugé et exécuté : nous allons prouver aujourd’hui que la ci-devant Constitution ne doit ni ne peut nous arrêter dans cette affaire. Les forfaits de Louis XVI sont avérés ; il n’y a que des traîtres comme lui qui puissent les révoquer en doute ; ils crient vengeance... La République entière est couverte de ses crimes ; il faut que le glaive de la loi, trop longtemps suspendu, tombe enfin et lui fasse, aux yeux de l’univers, expier ses trahisons.

 

Or, dans ce même numéro, à la suite de cet article, le journal qui s’est fait une spécialité de demander la tête du tyran trace de Louis XVI dans sa prison la peinture qu’on va lire :

 

Louis XVI, que fait-il dans sa tour ? Il dort ou lit son bréviaire. Les évènements qui se passent en foule autour de lui et à son occasion, et dont il est instruit puisqu’il voit régulièrement, en cachette de sa femme, le journal du soir et celui des débats et des décrets de la Convention, n’affectent en aucune manière son âme impassible... On le prendrait pour le plus stoïque des philosophes, si on ne savait pas qu’il est devenu le plus stupide, c’est-à-dire le plus dévot des hommes...

Louis XVI occupe seul un appartement dans la tour 248 ; il s’y fit dernièrement apporter deux ou trois milliers de volumes, et s’opposa à ce qu’on les lui mît en ordre, se réservant le plaisir de les arranger lui-même. Il paraît que l’ennui est le seul sentiment pénible que le ci-devant roi éprouve dans sa prison. Il occupe le second étage avec Cléry, son valet de chambre... Médicis-Antoinette voit son mari trois fois par jour et une heure chaque fois. Le matin, l’officier municipal de garde vient l’avertir que le déjeuner est prêt, à deux heures le dîner, à huit heures le souper. Elle monte à ces trois époques avec toute sa famille. Le repas fait, on la prie de descendre ; on ne leur permet pas de parler bas ou par signes. Des abat-jour garantissent toutes les croisées, en sorte que les prévenus ne peuvent voir que le ciel et ne communiquent point avec la terre. Louis Capet ne descend presque plus au jardin ; il garde la chambre et parle peu au municipal qui le surveille.

La santé de Médicis-Antoinette ne paraît pas altérée, mais ses cheveux grisonnent avant l’âge...

Les guichetiers, la tête couverte d’un bonnet rouge, ne se gênent point et font tout le bruit qu’on peut faire en ouvrant ou fermant les portes de leurs prisonniers, garnies de gros verrous. Avant de parvenir à la pièce qu’habite Louis XVI, il y a trois portes à ouvrir, dont l’une est de fer. Médicis d’Autriche semble ne pas prendre garde à tout cela ; la sœur de Louis XVI observe le même maintien ; le fils et la fille du ci-devant roi ont l’air de n’y pas penser...Ces quatre personnages occupent la même pièce au premier étage, divisée en quatre parties 249. Au plafond de celle qui sert d’antichambre est suspendu le bonnet de la liberté.

La grosse Élisabeth n’a pas encore pris le maintien modeste qui sied au malheur. N’ayant plus aumônier ni chapelain, à l’exemple de son frère elle lit avec exactitude tout son bréviaire, qu’on disait jadis pour eux à si grands frais ; elle s’en est procuré un complet en quatre parties. Dernièrement, elle fit emplette d’une petite pacotille de livres pour la valeur de quinze à vingt corsets 250. Presque tous ces volumes sont de dévotion. On désirerait en elle un peu plus de cette humilité chrétienne dont elle doit trouver des leçons dans ses lectures pieuses. Sa nièce la copie parfaitement... Mais ces manques de savoir-vivre n’autorisent pas les citoyens-sentinelles dans la tour à s’y conduire comme s’ils étaient dans leurs corps de garde. La nuit, le jour, ils chantent à pleine voix, et dansent la carmagnole avec un bruit dont la famille captive ne doit rien perdre 251.

 

En dépit des gros mots et des épithètes insultantes, la vérité perce sous l’injure ; elle contraint cet ennemi implacable à confesser la grandeur de ces âmes vraiment royales et vraiment chrétiennes.

 

 

 

III

 

 

Le rédacteur des Révolutions de Paris était certes assez jacobin, assez montagnard pour que M. Michelet ne le puisse récuser ; mais enfin puisqu’il veut absolument un homme de la Commune, nous allons lui en citer non pas un, mais plusieurs.

M. le marquis de Beaucourt a publié, en 1892, plusieurs récits originaux sur la captivité de Louis XVI 252. Trois des récits insérés dans son recueil ont pour auteurs des membres de la Commune : Charles Goret, Jean Verdier et François Moelle.

Charles Goret était, avant la Révolution, inspecteur de l’approvisionnement aux halles ; dès cette époque, il était en relations d’amitié avec Hébert, le futur rédacteur du Père Duchesne, qui lui rend ce témoignage dans le no 193 de son journal : « Le pauvre Goret, que je connais depuis longtemps pour un brave bougre et que j’ai visité souvent dans sa solitude plus de dix ans avant que l’on songeât à des révolutions... » Il appartenait à la section de Sainte-Geneviève. Goret figure parmi les commissaires chargés de rédiger l’adresse des sections demandant la déchéance de Louis XVI (3 août 1792). Il est nommé, dans la nuit du 9 au 10 août, membre de la Commune insurrectionnelle. Le 23 septembre suivant, il est appelé à faire partie du Comité de surveillance. Il était de garde au Temple le 21 janvier 1793.

Tour à tour avocat au Parlement de Paris, docteur en médecine et chef d’une maison d’éducation, Jean Verdier était, comme Goret, un ardent révolutionnaire. La section du Jardin-des-Plantes le désigna comme commissaire pour la rédaction de l’adresse réclamant la déchéance. Membre de la Commune du 10 août, il fut envoyé plusieurs fois au Temple en qualité de commissaire.

C’est encore un bon jacobin que François Moelle. Il était commis à la caisse d’escompte, quand il fut nommé membre du jury d’accusation auprès du tribunal criminel du 17 août, puis appelé par la section du Faubourg-Montmartre, le 2 décembre 1792, à faire partie de la Commune. Dans une lettre du 23 novembre précédent, après s’être déclaré « un des champions de la mémorable journée du 10 août », il avait écrit : « L’on peut se rappeler comment je traitai Manuel, qui voulait qu’on épargnât les officiers suisses dans la crainte des représailles 253. »

Voilà bien les témoins demandés par M. Michelet : des jacobins, des montagnards, des hommes de la Commune ! Eh bien, Louis XVI apparaît, dans leurs récits, aussi touchant, aussi noble, aussi sublime que dans le Journal même de Cléry.

J’emprunterai seulement un ou deux extraits à l’écrit publié par Charles Goret :

 

...Le roi passait dans sa chambre à coucher accompagné de Cléry, je les y suivais ; pendant que ce dernier faisait tous les préparatifs pour son maître, celui-ci entrait dans une petite tourelle servant de cabinet à la chambre, pour y faire sa prière ; je l’y accompagnais ; cet endroit n’avait qu’environ quatre pieds de diamètre, il était si resserré qu’à peine y tenait-on deux sans être gêné. Le roi m’en fit l’observation tout en faisant sa prière dans un bréviaire, et en me mettant en main un livre que je reconnus être l’Imitation de Jésus-Christ. Voyant que cet état de gêne contrariait le roi, car il ajouta : « Je ne me sauverai pas, n’en ayez pas peur », je me retirai dans la chambre, où Sa Majesté rentra après avoir fait sa prière. Il se déshabillait, aidé par Cléry, et se couchait ; je restais seul avec le roi dans cette chambre... Le roi n’était pas plutôt couché qu’il paraissait dormir d’un profond sommeil...

 

Voici comment se termine le Récit de Charles Goret :

 

La bonté du caractère et du cœur de Louis XVI va se peindre dans le peu de mots qui suivent. Le roi sortant de sa prison pour n’y plus rentrer, accompagné de ceux qui le conduisaient au martyre, descendait l’escalier. Il y rencontra Mathé, qui, remplissant les fonctions de concierge, allait sans doute fermer la porte de l’endroit d’où sortait le roi, qui le reconnut comme s’étant souvent présenté devant lui pour demander s’il ne désirait rien. Un jour que le roi était assis devant la cheminée, Mathé, sans plus d’égards, se plaça à côté de lui, en tendant la jambe et posant le pied sur l’un des tisons. Ce maintien put ne pas plaire au roi, qui alors dit à cet homme : « Mathé, j’ai besoin d’être seul, laissez-moi. » Celui-ci parut choqué de ces paroles et se retira ; le roi ne le vit plus reparaître. Mais le roi, se rappelant sans doute sur l’escalier, à la rencontre de Mathé, la circonstance que je rapporte, et qui avait pu décider ce dernier à ne plus reparaître comme de coutume, le roi, dis-je, s’arrêta, et adressant la parole à Mathé, lui dit : « Mathé, est-ce que vous m’en voudriez ? Pour moi, je ne vous en veux pas. » Et lui prenant la main pour la porter à l’endroit où est le cœur, il ajouta avec l’accent de la bonté : « Tenez, portez plutôt là votre main 254. »

 

 

 

IV

 

 

Veut-on que le Récit de Charles Goret et ceux de Verdier et de Moelle, écrits tous les trois assez longtemps après les évènements, soient tenus pour suspects ? Il en est d’autres qui ne sauraient, ceux-là, être accusés de complaisance : ce sont les procès-verbaux officiels de la Commune de Paris. Or, on y trouve en maint endroit des faits, des témoignages qui attestent la piété, la grandeur d’âme, le courage héroïque de Louis XVI. Le recueil de M. de Beaucourt contient tous ces procès-verbaux. J’en citerai quelques passages :

 

CONSEIL GÉNÉRAL DE LA COMMUNE. Séance du 18 novembre 1792. Le citoyen Verdier a fait lecture d’un rapport de dépenses particulières, ordonnées par le ci-devant roi, depuis le 10 août jusqu’au 31 octobre 1792... Parmi ces dépenses se trouvent 14 volumes du Missel et Bréviaire de Paris pour Louis, 86 livres ; 14 volumes de l’Office de la nuit et autres livres d’église pour Madame Élisabeth, 84 livres... 255

Rapport de Dorat-Cubières au Conseil de la Commune, 21 décembre 1792 : « ...Louis Capet, selon son usage, s’est levé entre 7 et 8 heures. Il s’est fait habiller, a pris un livre et s’est mis à lire au coin de son feu. Après avoir lu une demi-heure, il est venu à nous, son livre à la main, et nous a priés de séparer deux feuilles qui étaient attachées ensemble. Mon collègue avait un canif ; il s’en est servi pour séparer les deux feuilles. Pendant qu’il les coupait, j’ai regardé le livre d’assez près, j’ai cru que c’était l’histoire grecque ou romaine, Valléius Patroculus (sic) ou Horace, livres que la Commune a permis à Louis Capet de lire, et jugez de mon étonnement lorsque j’ai vu que c’était un bréviaire. Louis est retourné près de son feu avec son bréviaire et il a continué de lire pendant trois quarts d’heure. Le déjeuner est arrivé, et mon étonnement n’a pas été moindre lorsque nous avons entendu Louis dire ces paroles : « C’est aujourd’hui les quatre-temps 256, et je ne déjeunerai point. » Cléry, valet de chambre, voyant ma surprise, s’est approché de moi et m’a dit à demi-voix : « Non seulement il ne déjeunera point, mais il ne soupera point même ; car ce matin, lorsque je l’habillais, il m’a demandé pour le soir une collation très légère... » Ces détails vous paraîtront minutieux peut-être ; quant à moi, je ne les crois pas indifférents : ils donnent la clef, ce me semble, du caractère moral de Louis, et certes ce n’est pas une vertu, chez un roi, que la dévotion : c’est un vice au contraire bien dangereux et bien redoutable 257.

 

Le lendemain jeudi (20 décembre), Dorat-Cubières, ayant fini son service chez Louis, passa la journée dans la chambre du conseil avec son collègue, le citoyen Vannembras 258. Pendant que quatre députés, membres de la commission des vingt-un, communiquaient à Louis XVI des pièces relatives à son procès, Malesherbes arriva et dut attendre dans la chambre du conseil. Vannembras lui dit :

 

La facilité que vous avez de communiquer avec Louis, les portes fermées, rend notre responsabilité illusoire, et nous sommes fâchés de voir... – Je vous entends, interrompit Malesherbes. Eh bien, fouillez-moi, si vous voulez. – La loi ne nous ordonne point de vous fouiller. – En ce cas, je vais me fouiller moi-même. – Il a montré alors, continue Dorat-Cubières, tout ce qu’il avait dans les poches de sa veste et dans ses goussets, une ou deux clefs, quelques écus de six livres, etc. Quant aux poches de son habit : – J’ai là, a-t-il ajouté, un grand nombre de papiers que je porte au roi ; je lui porte aussi le Moniteur et plusieurs autres journaux.

– Vous êtes l’ami de Louis, lui ai-je dit, et comment pouvez-vous lui faire lire des journaux et gazettes où chaque jour il doit voir des témoignages non équivoques de la juste indignation du peuple contre lui, où chaque jour on fait contre lui les sorties les plus vigoureuses ? – Le Roi (il, disait toujours le Roi ; nous disions toujours Louis) est un homme d’un grand caractère ; il a l’âme forte et courageuse, et il se met au-dessus de toutes les atteintes. – Nous croyons que vous êtes un honnête homme ; mais si vous étiez un traître, et si vous portiez à Louis des poisons ou des armes cachées pour se donner la mort ?... – Je ne porte point d’armes, comme vous l’avez vu, et d’ailleurs ne craignez rien sur cet article. Si le roi était un philosophe, s’il était de la religion des anciens Romains où une sorte d’honneur était attaché au suicide, le Roi pourrait se donner la mort ; mais il est de la religion catholique qui défend de se tuer ; mais le Roi est pieux et croyant autant qu’on peut l’être, et la crainte de déplaire à Dieu arrêtera toujours son bras.

Nous sourîmes à ces paroles. Quant à moi, qui ai toujours regardé la religion comme un vice, et qui n’aime pas plus les prêtres que les rois, je vis pourtant, grâce à Malesherbes, que la dévotion est bonne à quelque chose 259.

 

 

 

V

 

 

Louis XVI avait comparu une première fois à la barre de la Convention, le 11 décembre. Sa seconde et dernière comparution eut lieu le 26 décembre, le lendemain de la fête de Noël. Ce jour-là, Louis fit le trajet de la tour du Temple à la salle du Manège dans la voiture du maire, où se trouvaient avec lui Chambon, maire de Paris ; Chaumette, procureur, et Coulombeau, secrétaire greffier de la Commune. Il pleuvait beaucoup et il faisait un vent violent ; on laissa cependant les portières ouvertes, sans doute dans la crainte de mécontenter la foule qui voulait voir. Ainsi exposé en spectacle à ses ennemis, Louis XVI n’en conserva pas moins, durant tout le trajet, la sérénité la plus parfaite. Il prit part, avec la plus entière liberté d’esprit, à la conversation qui roula sur la littérature, et spécialement sur quelques auteurs latins, Sénèque, Tite-Live, Tacite 260.

Après le plaidoyer de Desèze, Louis sortit de la Convention. Il marchait d’un pas ferme et la tête haute 261. Il remonta en voiture avec Chambon, Chaumette et Coulombeau. Cette fois le trajet eut lieu au pas et dura deux heures. Pendant ce long itinéraire, le calme et la sérénité du roi ne se démentirent pas un instant. À Coulombeau qui avait son chapeau sur la tête, il dit en souriant : « La dernière fois que vous êtes venu, vous aviez oublié votre chapeau ; vous avez été plus soigneux aujourd’hui 262. » À propos de l’indisposition du procureur de la Commune, la conversation étant tombée sur les hôpitaux de Paris, il entra dans des détails sur la dépense de ces maisons et sur les différents projets mis en avant à cet égard. Poussant plus loin ses observations, il émit le vœu qu’il y en eût un dans chaque section 263.

Au commencement de la séance du conseil général de la Commune, tenue dans la soirée, Coulombeau lut le procès-verbal de la translation de Louis XVI à la barre de la Convention. Son rapport témoigne à chaque ligne du profond étonnement que lui causa le prodigieux sang-froid de Capet dans une circonstance si tragique.

 

Louis, dit-il en commençant, s’est rendu à la voiture en faisant attention au détachement de cavalerie de l’école militaire, dont il ne connaissait pas la formation ; mais il a témoigné là, comme pendant toute la marche, le plus grand sang-froid et la plus parfaite tranquillité. Il faut que cet homme soit fanatisé, car il est impossible d’expliquer autrement comment l’on peut être aussi tranquille avec tant de sujets de craindre 264.

 

Le rapport de Coulombeau se termine ainsi :

 

En voyant un homme déchu du faîte des grandeurs, chargé de l’exécration publique, touchant au moment de la plus terrible catastrophe, on se demande quelle est la cause d’une apathie, d’une insensibilité sans exemple. Ne pouvant la trouver dans le sentiment intime de son innocence, on est forcé de l’attribuer au fanatisme inspiré par les Lenfant, les Bonnal et autres malheureux prêtres insidieux, auxquels la République doit la plus grande partie des calamités qui l’ont affligée et qui la tourmentent aujourd’hui 265.

 

La fermeté d’âme dont Louis XVI fit preuve pendant cette journée tenait en grande partie, quoi qu’en ait pensé le secrétaire de la Commune, au « sentiment intime de son innocence ». Mais elle tenait aussi, et en cela Coulombeau ne se trompait pas, à ce qu’il appelle le fanatisme de Louis XVI, c’est-à-dire à sa piété.

M. Louis Blanc a pourtant essayé d’expliquer autrement l’admirable sérénité du roi. Il ne craint pas de l’attribuer à la folie de ses illusions. Louis XVI, affirme-t-il, était convaincu, le jour où il comparut devant la Convention, qu’il ne serait pas condamné, et que bientôt même il remonterait sur le trône ! La vérité est qu’il savait parfaitement ce jour-là, et depuis longtemps, que sa perte était décidée. Dans la soirée du 26 décembre, ses défenseurs vinrent le voir. Il dit à Malesherbes : « Vous êtes certainement bien convaincu à présent que, dès le premier instant, je ne m’étais pas trompé, et que ma condamnation avait été prononcée avant que j’eusse été entendu 266. »

Cela n’empêche pas M. Louis Blanc d’écrire : « Il sentait si peu la gravité de sa situation, ou il vint à la perdre si complètement de vue que, dans le trajet de la Convention au Temple, il parla aussi de ses projets d’avenir, et notamment de l’intention où il était de faire en deux années le tour de France 267. » M. Louis Blanc, qui cite ici le Nouveau Paris de Mercier, écrit plusieurs années après les évènements, a-t-il pu croire un seul instant à la réalité d’une telle parole prononcée par Louis XVI en un pareil moment ? A-t-il surtout pu y croire, alors qu’il avait sous les yeux le récit des Révolutions de Paris, qui est ainsi conçu : « Capet s’enquit au citoyen Chambon de quel pays il était. – De la Haute-Marne. – Et tout de suite, l’ex-roi, qui est instruit, de citer les rivières, les montagnes et autres objets géographiques de ce département. – Et vous, monsieur Chaumette, d’où êtes-vous ? – Du département de la Nièvre, sur les bords de la Loire. – C’est un pays enchanté ! – Est-ce que vous y avez été ? – Non, répondit Capet, mais JE ME PROPOSAIS de faire mon tour de France en deux années et d’en connaître toutes les beautés. Je n’ai vu que le pays de Caux 268. » Et M. Louis Blanc, dans cette même page, reproche à M. de Barante « les altérations les plus formelles de la vérité » ! Altération formelle de la vérité ! M. Louis Blanc prête bravement ses qualités aux autres.

Voici un autre exemple des habiletés de M. Louis Blanc, toujours à l’occasion de la journée du 26 décembre :

 

Pendant que la voiture, dit-il, roulait entre deux longues lignes d’hommes armés, tous immobiles, tous silencieux et sombres, l’ex-monarque s’entretenait familièrement avec l’un de ses conseils, assis à côté de lui, parlant littérature, histoire, et comparant le style de Tive-Live à celui de Tacite 269.

 

Ni Malesherbes, ni Tronchet, ni Desèze n’étaient dans la voiture qui conduisait le roi à la Convention. Il n’avait à côté de lui que des ennemis, ce qui rend son sang-froid et sa sérénité plus extraordinaires encore. Et c’est bien pour cela, c’est pour diminuer l’admiration qu’inspire ici la conduite de l’ex-monarque, que M. Louis Blanc le fait causer avec l’un de ses conseils. Il est difficile de croire à une erreur involontaire lorsqu’il s’agit d’un fait aussi formellement contredit par les documents officiels, que M. Louis Blanc connaissait mieux que personne et auxquels il renvoie lui-même plusieurs fois. En cet endroit même, il renvoie au rapport de Coulombeau ; or, ce rapport constate précisément que Louis, bien loin d’avoir à ses côtés l’un de ses conseils, se préoccupait de la manière dont ceux-ci pourraient se transporter à la Convention. « Louis est descendu sur-le-champ, dit le secrétaire greffier de la Commune ; il était alors neuf heures et demie. Il a marqué quelque inquiétude sur la manière dont ses conseils se transporteraient à la Convention ; il a dit qu’hier ils avaient demandé à la Commune qu’elle prît une décision à cet égard. On lui a répondu « que sur cet objet ses conseils feraient comme ils voudraient ; que le conseil général avait arrêté qu’il n’y avait pas lieu à délibérer 270 ».

La veille, en effet, les commissaires de service au Temple avaient transmis à la Commune une lettre des « trois conseils de Louis Capet », demandant comment ils se rendraient, le 26 décembre, à la Convention pour la défense du ci-devant roi. Les membres du conseil général s’étaient empressés de passer à l’ordre du jour, non sans y joindre, à l’adresse de Malesherbes, Tronchet et Desèze, des plaisanteries de haut goût. On lit dans la Révolution de 92 du 27 décembre :

 

Il semblait au premier coup d’œil que la demande du conseil du Temple et l’adresse des trois conseils méritaient quelque considération, surtout dans un moment où les factieux pourraient se porter à quelque atroce lâcheté ; mais, sur l’opinion d’un membre qui a demandé l’ordre du jour motivé sur ce que les trois conseils de Louis XVI pouvaient se rendre à la Convention nationale à pied ou à cheval, comme ils le jugeraient convenable, le conseil général a arrêté que sur-le-champ on instruirait la commission du Temple qu’il a passé à l’ordre du jour sur cette demande.

 

 

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CHAPITRE X

 

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Le 21 Janvier, par Edgar Quinet. – Le Mot de l’abbé Edgeworth. M, Édouard Fournier et l’Esprit dans l’histoire. Charles His et Charles de Lacretelle. – M. Louis Combes. Une gravure des Révolutions de Paris. – Le silence de l’abbé Edgeworth dans ses Mémoires. Bertrand de Moleville, le comte d’Allonville et l’abbé Carron.

 

 

 

I

 

 

LE 21 janvier, Louis XVI a quitté la prison du Temple pour aller à l’échafaud. Sa mort fut admirable. Un ardent révolutionnaire, M. Edgar Quinet, la raconte en ces termes :

« Pendant que toute une nation se déchaînait autour de la prison du Temple, un seul homme était calme et semblait étranger à la tourmente : c’était le prisonnier. Rien ne marquait plus en lui le roi que l’indifférence souveraine au milieu des outrages, car on lui avait ôté jusqu’à son nom. On l’appelait Louis Capet, comme si on eût aboli par là le souvenir de ses ancêtres. Jamais on ne surprit en lui un moment de trouble ; pourtant, il ne pouvait se faire illusion sur son sort. Aucune réponse barbare, même celle de Jacques Roux : Je suis ici pour vous conduire à l’échafaud, ne put le faire sortir de cette mansuétude qu’il dut à sa piété sincère.

« Il lisait Tacite et la Vie de Charles Ier, qui lui montrait d’avance le chemin du supplice. Il enseignait le latin à son fils ; il méditait, il priait dans une petite tour, quand il pouvait se dérober quelques instants aux regards de ses gardiens. Jamais plus grande paix, au milieu d’une plus grande tragédie ; ce calme, qu’on ne pouvait concevoir, ajoutait à la haine. Était-ce un sage, un prêtre, un instituteur ? Le dernier homme du peuple peut apprendre de ce roi à bien mourir.

« La veille du 21 janvier, à neuf heures du soir, Mme Élisabeth, le dauphin, la dauphine 271 tombent à ses genoux ; ils se tiennent longtemps embrassés au milieu des sanglots. Au moment de se quitter, ils se promettent de se revoir le lendemain. Mais cet adieu devait être le dernier. La nuit fut mêlée de prières et de moments de sommeil. Un peu avant le jour, vers six heures, le roi entendit la messe et communia. Il ne fit pas avertir la reine, ayant pris déjà congé des affections terrestres.

« Santerre le pressait, la foule attendait. Louis XVI entra encore une fois dans la tourelle où il avait coutume de chercher, de trouver la paix et la résignation. Il en sortit armé contre la mort, puis il dit : « Partons ! »

« Il traversa Paris dans le fond d’une voiture fermée, les yeux attachés sur les prières des agonisants et sur les psaumes. Le silence était profond autour de lui. On ne voyait que des haies de baïonnettes, comme si la ville se fût gardée elle-même contre ce mourant.

« Quand il arriva au pied de l’échafaud, sa lecture n’était pas finie. Il l’acheva paisiblement sans se hâter, il ferma le livre ; puis il descendit de voiture, s’abandonna au bourreau. Comme on s’apprêtait à lui lier les mains, le roi se retrouva dans Louis Capet et s’indigna. Il voulut résister ; mais, sur un signe de son confesseur, le roi céda ; il ne resta que le chrétien.

« Je pardonne à mes ennemis. » Tous les tambours de Santerre n’ont pu étouffer ces paroles ni les empêcher de retentir dans la postérité. Louis XVI, seul, a parlé de pardon du haut de cet échafaud où tous les autres devaient apporter des pensées de vengeance ou de désespoir. Par là il semble régner encore sur ceux qui vont le suivre dans la mort avec les passions et les fureurs de la terre. Lui seul paraît en être détaché, déjà posséder le ciel, quand les autres se disputent, presque sous le couteau, des lambeaux de partis déchirés 272. »

Edgar Quinet a eu raison de dire, dans cette belle page, que les dernières paroles du roi martyr : Je pardonne à mes ennemis, retentiront dans la postérité. Elle répétera aussi ces autres paroles, que Quinet n’a pas reproduites : Fils de saint Louis, montez au ciel !

Ce mot, l’abbé Edgeworth de Firmont l’a-t-il prononcé ?

Des doutes se sont élevés à cet égard, et les plus récents historiens de la Révolution le tiennent pour apocryphe, non seulement les historiens révolutionnaires, tels que Louis Blanc et Michelet, mais encore les historiens royalistes, tels que Barante, Poujoulat, Beauchesne et Mortimer-Ternaux. Ils ne le discutent point, du reste, et se bornent, pour la plupart, à le passer sous silence. Seuls, deux érudits d’un réel mérite, M. Édouard Fournier et M. Louis Combes, ont essayé de démontrer que la « fameuse phrase » de l’abbé Edgeworth devait être rangée au nombre des erreurs historiques.

M. Édouard Fournier, dans son livre : L’esprit dans l’histoire ; Recherches et curiosités sur les mots historiques, s’est exprimé en ces termes : « Le mot de l’abbé Edgeworth à Louis XVI prêt à mourir : Fils de saint Louis, montez au ciel ! est un mot prêté. C’est Charles His, rédacteur du journal le Républicain français, qui l’inventa le soir même de l’exécution. Il courut bientôt tout Paris. Le pauvre abbé fut l’un des derniers à apprendre... qu’il l’avait dit. » – Et M. Édouard Fournier cite, à l’appui de son dire, ce passage des Souvenirs diplomatiques de lord Holland : « Ce mot a été inventé dans un souper le soir même de l’exécution 273. »

Dans la troisième édition de son ouvrage, donnée en 1867, M. Édouard Fournier ne se montre plus aussi affirmatif au sujet de l’attribution du mot à Charles His ; il dit seulement que ce journaliste « passa pour l’avoir inventé le soir de l’exécution ». À défaut de Charles His, il introduit un autre prétendant, l’historien Charles de Lacretelle, qui s’exprime ainsi dans un ouvrage intitulé : Dix années d’épreuves pendant la Révolution et publié en 1842 :

« Je fis dans l’un des journaux du temps, soumis à l’unique censure de la guillotine, un récit des derniers moments. Comme c’était alors presque le seul où respirât de l’intérêt pour l’auguste victime, il fut généralement copié et traduit dans plusieurs langues. C’est là que se trouve le mot attribué au confesseur du roi, l’abbé Edgeworth : Fils de saint Louis, monte au ciel ! Cet ecclésiastique ne l’a point avoué. J’en ai cherché depuis vainement l’auteur. Je ne me crois point assez éloquent pour l’avoir trouvé, et il me semble qu’une telle invention ne doit point se perdre ; j’ai pu avec franchise l’insérer dans mon Histoire de la Convention, qui parut d’abord sous le titre de Précis historique 274. »

Après avoir cité ces lignes, M. Édouard Fournier ajoute : « Ce journal, « alors presque le seul où respirât de l’intérêt pour l’auguste victime », ne serait-il pas le Républicain français ? et ne serait-ce pas pour cela que le mot fut attribué à Ch. His, qui, après sa sortie du Moniteur, avait fondé cette feuille où l’on combattait énergiquement les principes de la Terreur ? »

Malheureusement, pour la thèse de M. Édouard Fournier, il se trouve qu’aucun numéro du Républicain français ne renferme le mot de l’abbé Edgeworth, ni le numéro du mardi 22 janvier, où l’exécution est rapportée en dix lignes assez sèches, ni le numéro du 23, qui contient plus de détails, ni les numéros suivants.

L’auteur de l’Esprit dans l’histoire ajoute que « Ch. de Lacretelle, moins discret dans l’intimité que dans son livre, se déclarait l’auteur du mot ». Mais s’il en était vraiment l’auteur, s’il avait fait vraiment, dans les conditions où il le dit, l’article dont il parle, pourquoi n’a-t-il pas reproduit cet article ? Pourquoi ne nous a-t-il pas tout au moins donné le nom du journal qui l’a publié ? Son silence sur ce point ne permet pas d’attacher à son récit la moindre autorité.

En terminant, M. Édouard Fournier fait remarquer que, d’ailleurs, nul n’aurait pu garder un souvenir certain des paroles prononcées le 21 janvier sur la place de la Révolution. « La mémoire, dit-il, ne survit pas à ces ivresses de sang et d’épouvante. » Et il cite Mercier, qui dit dans son Nouveau Paris : « J’y étais, et je n’ai jamais pu savoir où j’étais ; c’est-à-dire comprendre ou le péril où je me trouvais, ou toutes les singularités qui m’environnaient. » Ce que M. Édouard Fournier ne dit pas, c’est que ce même Mercier, dans ce même ouvrage, a écrit ce qui suit : « La religion semble aussi avoir affermi Louis XVI dans cet horrible passage du trône à l’échafaud, et les paroles du confesseur furent sublimes : Allez, fils de saint Louis, montez au ciel 275 ! »

M. Louis Combes ne croit pas que la paternité du mot puisse être attribuée à Charles His ou à Lacretelle ; seulement il demeure convaincu que l’abbé Edgeworth ne l’a pas prononcé, et il en donne pour preuve le silence des journaux.

« On ne trouve, dit-il, ce mot mentionné ni dans le Patriote français, ni dans la feuille de Marat, ni dans la Chronique, ni dans le Républicain français, ni dans le Journal de Perlet, ni dans le Journal des Amis, ni dans le Moniteur, ni dans la feuille d’Hébert, ni dans les Révolutions de Paris, où se trouve un récit très détaillé, ni dans les Annales patriotiques, ni enfin dans les pièces officielles, rapports et procès-verbaux. Nous n’en voyons pas de traces non plus dans un recueil royaliste de 1798 intitulé Procès des Bourbons, souvent cité, et dont l’auteur affirme tenir ses renseignements d’un témoin oculaire... Le bourreau, bien placé pour entendre et voir, n’en dit rien non plus dans sa lettre au Thermomètre du 13 février, lettre où il rectifie les assertions inexactes de ce journal relativement aux détails de l’exécution... 276 »

Les journaux du temps ne sont pas aussi muets que le dit M. Combes.

On lit dans les Annales de la République française du 28 janvier 1793 : « ... C’est elle (la religion) qui a adouci les derniers moments de Louis et qui l’a fait monter sur l’échafaud en souriant. En effet, comme il était sur le point d’y monter, Fermond, son confesseur, lui dit : « Fils de saint Louis, montez au ciel... » Et Louis monta avec un air serein. »

Le Véridique ou l’antidote des journaux dit dans son no VIII (février 1793) : « ... À peine le vénérable Fermont a-t-il fait entendre à l’illustre victime ces dernières paroles : « Montez, fils de saint Louis, les cieux vous sont ouverts », que la hache homicide, rapide comme l’éclair, fond sur sa tête sacrée. »

Dans le Thermomètre du jour, du conventionnel Dulaure, on lit, à la date du 16 février 1793 : « Le prêtre Edgeworth, qui a dit si ingénieusement à Louis XVI en le conduisant à la mort : Montez, fils de saint Louis, au ciel, est à Londres actuellement ; il reçoit beaucoup de visites 277. »

Le lendemain, 17 février, le Journal de France d’Étienne Feuillant, en donnant la même nouvelle, ne manquait pas de rapporter, lui aussi, les paroles prononcées par l’abbé Edgeworth.

Les Révolutions de Paris, dont l’exaltation démagogique égalait presque celle des feuilles d’Hébert et de Marat, publièrent, dans leur no 185 (19-26 janvier 1793), une gravure représentant Louis sur l’échafaud et l’abbé Edgeworth sur la plus haute marche de l’échelle de la guillotine, avec cette légende :

Louis Capet, étant arrivé sur l’échafaud, les mains liées derrière le dos, considéra pendant quelques minutes les objets qui l’environnaient. Son confesseur lui dit : ALLEZ, FILS AÎNÉ DE SAINT LOUIS, LE CIEL VOUS ATTEND !

Dans son no 188 (9-16 février 1793), la même feuille donne la nouvelle suivante : « Le prêtre Edgeworth, qui a dit à Louis XVI, en le conduisant à la mort : Allez, fils de saint Louis, le ciel vous attend ! est à Londres actuellement, il reçoit beaucoup de visites. » Ainsi, pour les révolutionnaires eux-mêmes, l’abbé Edgeworth est l’homme qui a prononcé les paroles à jamais fameuses ! Son nom est inséparable de ces paroles ! Et cela se passe au lendemain du 21 janvier ! Et l’on voudrait que ces paroles n’eussent pas été dites ? Mais si elles ne l’avaient pas été, est-ce qu’il ne se serait pas trouvé, parmi tous ces ennemis de Capet qui entouraient, le 21 janvier, Louis XVI et son confesseur, est-ce qu’il ne s’en serait pas trouvé un pour écrire aux Révolutions de Paris : « Le prêtre Edgeworth n’a pas prononcé les paroles que vous lui prêtez » ? –On fait grand bruit – et M. Louis Combes tout le premier – du silence de l’abbé Edgeworth dans son récit sur les Dernières heures de Louis XVI (et nous allons voir tout à l’heure si ce silence n’a pas une explication toute naturelle) ; mais comment, en présence des affirmations des Révolutions de Paris, devant ce mot que chacun répète et qui fait une auréole à la victime, comment explique-t-on le silence de tant de témoins de l’exécution, ennemis acharnés du roi, qui étaient au pied de l’échafaud, et qui ont vu et entendu ?

Mais ce ne sont pas seulement les journaux qui parlent, ce sont aussi les contemporains qui apportent leur témoignage.

Le citoyen Rouy l’aîné, témoin oculaire, dans son Récit authentique de tout ce qui s’est passé à l’égard des jugement et exécution de Louis XVI, écrit :

« Étant arrivé à ce lieu terrible, Louis Capet fut livré aux exécuteurs des jugements criminels, lesquels s’emparèrent de lui, lui coupèrent les cheveux, le déshabillèrent et lui lièrent les mains par derrière ; ensuite de quoi ils lui demandèrent, par trois fois différentes, s’il croyait avoir quelque chose de plus à dire ou à déclarer à son confesseur ; ayant persisté à répondre que non, celui-ci l’embrassa et lui dit en le quittant : Allez, fils de saint Louis, le ciel vous attend. Alors on le fit monter sur l’échafaud... 278 »

Un autre témoin oculaire, auquel on doit une brève relation publiée, en 1802, dans l’ouvrage intitulé : Les illustres victimes vengées des injustices de leurs contemporains, etc. (attribué à Charles-Claude de Montigny) après avoir cité les paroles de pardon prononcées par Louis XVI, ajoute :

« Les autres paroles que les historiens rapportent ne furent point entendues. Je n’ai point entendu celles de M. de Fermont : Fils de saint Louis, montez au ciel ; mais elles circulèrent dans les rangs comme ayant été dites. »

La vérité est qu’il y eut alors unanimité pour admettre l’authenticité du mot de l’abbé Edgeworth. Pas une seule voix ne s’éleva, même du côté des révolutionnaires les plus ardents, pour nier qu’il eût été prononcé. C’est pourquoi il a été tenu pour constant par tous, ceux des historiens de la Révolution qui avaient été contemporains des évènements et qui ont écrit d’après leurs propres souvenirs. Je ne citerai ni Beaulieu, ni Peltier, dont le royalisme pourrait être ici une cause de suspicion ; mais voici ce que disent les deux amis de la liberté, au tome X de leur Histoire de la Révolution en France : « Arrivé sur le lieu de l’exécution, il (Louis XVI) mit trois minutes à descendre de voiture, pendant lesquelles il parla à son confesseur qui, voyant qu’il le quittait enfin pour aller à l’exécuteur, lui cria : Allez, fils de saint Louis, montez aux cieux 279 ! »

Le républicain Soulavie dit, de son côté, dans ses Mémoires historiques du règne de Louis XVI : « Louis se mit ensuite à deux genoux pour recevoir de son confesseur l’absolution in articulo mortis. Le relevant pour monter à l’échafaud, son confesseur tombe lui-même à genoux et s’écrie, comme par inspiration : « Allez, fils de saint Louis, montez au ciel 280 ! »

Devant de tels témoignages, si nombreux et si concordants, – et j’en pourrais citer encore beaucoup d’autres – on se demande comment le doute a pu naître. M. Louis Combes et d’autres avec lui insistent pourtant. Tout cet ensemble de preuves tombe, selon eux, devant le silence gardé par l’abbé Edgeworth dans ses Mémoires. Il a écrit une relation des dernières heures de Louis XVI. Il n’y rapporte pas le mot : Fils de saint Louis, montez au ciel. Donc le mot n’a pas été dit.

Dès la publication des Mémoires 281, leur éditeur, M. Sneyd Edgeworth, neveu de l’auteur, les fit suivre de la note suivante :

« Il est digne de remarque que, dans le récit des derniers moments de Louis XVI, l’abbé Edgeworth a oublié de rapporter cette belle apostrophe qui est gravée dans tous les souvenirs, et que chacun croit avoir été adressée au Roi, à son dernier moment : « Fils de saint Louis, montez au ciel ! »

« On a demandé à M. l’abbé Edgeworth s’il se rappelait cette exclamation. Il a répondu qu’il ne pouvait affirmer s’il l’avait faite ou non ; qu’il était possible qu’elle lui fût échappée, sans que pour cela il en eût connaissance, parce que son âme était dans un tel état d’exaltation et ses facultés dans un si grand abattement que sa mémoire ne lui retraçait rien de particulier sur ce qu’il avait pu dire dans ce terrible moment. Son incertitude à cet égard semble prouver que s’il a prononcé ces paroles, ce fut uniquement par inspiration. »

Du vivant même de l’abbé Edgeworth, en 1802 282, Bertrand de Moleville avait dit à ce sujet, au tome X de son Histoire de la Révolution de France :

« La modestie et l’exactitude de l’abbé Edgeworth sont telles que le grand succès de ces belles paroles lui a fait rechercher scrupuleusement dans sa mémoire s’il les avait réellement prononcées, et il m’a dit que son trouble et sa douleur profonde dans ce moment lui avaient fait oublier la plupart des choses qu’il avait dites au Roi, et ne lui avaient laissé d’autre souvenir, relativement à cette phrase, que celui d’en avoir exprimé la pensée à Sa Majesté ; mais que, quoiqu’elle lui eût toujours été répétée telle que je la rapporte, il n’était pas parfaitement sûr de l’avoir exprimée dans les mêmes termes. Néanmoins, comme cette version généralement répandue dans la capitale dès l’instant de la mort du roi, et consignée dans tous les journaux, n’a été contredite par personne, j’ai cru pouvoir la regarder comme incontestablement exacte, malgré les scrupules respectables de l’abbé Edgeworth qui, sans affaiblir ce fait, prouvent seulement avec quelle confiance on peut croire tous ceux qu’il affirme 283. »

Le comte d’Allonville, qui avait également beaucoup connu le confesseur de Louis XVI, s’exprime ainsi dans ses Mémoires : « Quant à Edgeworth, qui a assuré avoir entendu ou cru entendre quelques voix proférer et répéter les cris de grâce, il ne m’a jamais dit avoir proféré ces sublimes paroles (Fils de saint Louis, montez au ciel !) ; il ne me les a pourtant pas niées, non qu’il voulût s’en faire honneur ; ses modestes vertus étaient bien au-dessus d’un si vaniteux calcul. « J’ai parlé, m’a-t-il dit, au moment où cette tête auguste allait tomber ; j’ai parlé, je me le rappelle, mais sans me souvenir de rien ; mon esprit était égaré alors au point que j’ignorais presque où je me trouvais 284. »

Je terminerai par un dernier témoignage, celui du saint abbé Carron, qui avait vu de près l’abbé Edgeworth pendant l’émigration : « Lorsqu’on allait frapper le coup fatal, M. Edgeworth s’écria : « Fils de saint Louis, montez au ciel ! » Interrogé depuis sur cette circonstance, le modeste disciple du Dieu des humbles a répondu qu’il ne pouvait se rappeler s’il s’était servi de ces expressions 285. »

Il résulte de ces divers témoignages que l’abbé Edgeworth n’a jamais dit qu’il n’avait pas prononcé les paroles du 21 janvier, n’a jamais repoussé la gloire qu’elles répandaient sur son nom ; et cependant qui peut douter qu’avec sa grande modestie il n’eût considéré comme un devoir d’écarter de lui un tel honneur si ces paroles n’avaient été qu’une fiction, le jeu d’un homme d’esprit, quelque chose comme une trouvaille de journaliste ? – Il est établi, en second lieu, par les témoignages que je viens de citer, et par l’aveu même de l’abbé Edgeworth, qu’il avait parlé au moment où le sacrifice allait se consommer, et qu’il avait exprimé la pensée contenue dans la fameuse phrase. Que faut-il de plus ? Et lorsqu’il ajoutait qu’il n’était pas parfaitement sûr de s’être servi des expressions que tous, amis et ennemis, s’accordaient à trouver sublimes, qu’était-ce autre chose qu’une tentative suprême faite par le modeste disciple du Dieu des humbles, pour écarter de lui ce calice de gloire ?

Ne nous laissons donc pas aller à rayer ainsi de nos annales, avec une déplorable facilité, ces mots admirables, qui ont été à de certaines heures le cri de la vraie France, de la France monarchique et chrétienne : ne découronnons pas l’histoire !

 

 

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CHAPITRE XI

 

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Le Testament de Louis XVI. – Le Roi Martyr. – Discours du pape Pie VI sur la mort de Louis XVI.

 

 

LE lendemain du 21 janvier, la Commune de Paris fit publier le testament de Louis XVI. Aveuglée par son fanatisme antichrétien, elle croyait rendre Louis ridicule en divulguant un écrit où il se montrait si profondément attaché aux principes de la religion et aux pratiques de la piété. L’effet produit fut tout contraire à celui qu’elle espérait. On se disputa ces pages comme des reliques. Les Annales de la République française, dans leur numéro du 29 janvier 1793, écrivent : « L’empressement du public à se procurer le testament de Louis XVI est extrême. On en a déjà fait plusieurs éditions qui sont épuisées. » Et dans le numéro du 24 février : « On vient de faire plusieurs éditions du Testament de Louis XVI, les unes gravées, les autres imprimées, mais toutes avec son portrait, et disposées de manière qu’elles peuvent faire tableau et être encadrées. »

Dans toutes les familles chrétiennes, à Paris comme en province, il n’y eut qu’une voix pour décerner à l’auguste victime le titre de Roi Martyr. À ce titre le chef de l’Église allait donner bientôt une suprême consécration. Dans le consistoire secret du 17 juin 1793, le pape Pie VI prononça une allocution dans laquelle, après avoir rappelé les belles qualités et les sentiments religieux de Louis XVI, il déclarait voir en lui un véritable martyr, dont la mort avait eu pour cause principale son attachement à la foi catholique 286.

L’allocution du 17 juin est une admirable page d’histoire, et pourtant tous nos historiens se sont accordés pour la passer sous silence. Il est vrai qu’elle n’est ni au Moniteur ni dans les autres journaux du temps. Il l’eût fallu chercher dans le Bullaire romain ou dans la Collection des brefs de Pie VI. Le lecteur nous saura gré sans doute de reproduire ici les principaux passages d’une pièce qui se rattache directement à notre sujet :

 

« Vénérables Frères,

« Comment notre voix ne serait-elle pas étouffée par les larmes et les sanglots ? Et n’est-ce point par des gémissements, plutôt que par des paroles, que doit éclater la profonde douleur dont mon âme oppressée a besoin de se soulager, en vous annonçant la sanglante tragédie dont Paris a été le théâtre le jour du 21 janvier de la présente année ?

« La conspiration ourdie par l’impiété a triomphé ; Louis XVI, le roi très chrétien, a été condamné à la peine de mort, et la sentence a été exécutée.

« Quels hommes ont donc rendu un semblable jugement ? Quelles manœuvres l’avaient préparé ? C’est ce dont nous allons sommairement vous entretenir.

« La Convention nationale, qui s’est établie son juge, en avait-elle le droit ? Nullement. Cette assemblée, après avoir aboli la royauté, le meilleur de tous les gouvernements 287, avait transporté l’autorité publique tout entière dans les mains du peuple, incapable de suivre aucun plan de conduite sage et raisonnable, sans discernement pour apprécier les choses, réglant la plupart de ses décisions non sur ce qui est vrai, mais sur ce qu’il croit, sans principes fixes, facile à égarer, prompt à suivre les impressions les plus erronées, peu susceptible de reconnaissance, présomptueux et cruel, qui se fait un jeu de voir couler le sang des hommes, un spectacle des échafauds et de la souffrance des victimes expirantes, comme autrefois il courait en repaître ses regards à l’amphithéâtre.

« Les plus emportés parmi ce peuple, non contents de s’être mis en révolte contre l’autorité du monarque, et résolus de se porter au dernier attentat contre sa vie, ont voulu que ceux-là même fussent ses juges qui s’étaient déclarés ses accusateurs et n’avaient pas fait mystère de leurs violentes dispositions contre sa personne. Dès l’ouverture du procès, on s’était hâté de rappeler un certain nombre des plus factieux, afin d’assurer la majorité au parti votant pour la mort ; et malgré ce renfort, ils ne l’avaient pas obtenue, en sorte qu’aux termes de leurs propres lois, ce prince a péri victime d’une minorité soi-disant légale 288.

« Une aussi monstrueuse coalition de juges iniques et pervers et de suffrages surpris par artifice pouvait-elle laisser d’autre perspective que le dénouement le plus triste, le plus affreux, le plus digne de l’exécration de tous les siècles ?

« Toutefois, parce qu’il s’en était rencontré plusieurs qui, au moment de consommer l’attentat, en avaient paru épouvantés, l’assemblée, à la suite de violents débats, avait ordonné un second appel, dont l’issue, bien que ménagée par les conspirateurs, a été déclarée légale.

« Nous ne relèverons point ici quantité d’autres irrégularités qui frappent la procédure d’une nullité absolue 289. On peut consulter à ce sujet la défense de l’auguste victime par ses avocats et le compte qui en a été rendu par les feuilles publiques. Jetons aussi le voile sur le détail de ce qu’elle eut à souffrir avant son dernier sacrifice, l’impitoyable surveillance dont elle fut obsédée durant les diverses détentions auxquelles il ne lui était permis d’échapper que pour aller paraître à la barre de la Convention, la privation de son confesseur massacré 290, la séparation d’avec la famille royale, si chère à son cœur, tant d’autres raffinements d’une haine ou cruelle ou insultante, dont il est impossible, pour peu qu’on ait de sentiments d’humanité, d’entendre le récit sans horreur, surtout quand on se rappelle, ce que personne au monde n’a pu ignorer, quel était le caractère de Louis, combien il fut doux, bienfaisant, aimant à pardonner, toujours maître de lui-même ; combien il chérissait son peuple, ennemi de tout ce qui sentait la rigueur et la sévérité, se prêtant à tous les vœux avec une bonté dont on abusa pour obtenir de lui la convocation de ces États généraux, de qui le pouvoir, sorti de ses bornes, devait être si funeste à sa royale autorité et à sa propre personne.

« Mais ce que nous ne nous permettrons point de passer sous silence, c’est l’éclatant témoignage que donne de ses vertus son testament écrit de sa propre main, dicté par son cœur, dépositaire de ses pensées. Ce monument, que l’impression a fait connaître partout, attestera l’héroïsme de sa vertu, la ferveur de son zèle pour la religion catholique, la tendre piété qui l’animait, le regret amer et le profond repentir où il était d’avoir, bien que malgré lui, donné sa signature à des actes contraires à la discipline et à la foi de l’Église orthodoxe, dans un temps où, de toutes parts, assailli par des chagrins dont le poids s’aggravait de jour en jour, il pouvait s’appliquer à lui-même ces paroles de Jacques Ier, roi d’Angleterre : « Que l’on répandait contre lui, dans son Parlement, les accusations les plus calomnieuses, non pour s’être rendu coupable d’aucun crime, mais parce qu’il était roi, ce qui était le plus grand de tous les crimes. »

 

Pie VI se détourne ici un moment du sujet qui l’occupe pour emprunter à l’histoire un exemple qui s’en rapproche, celui de la condamnation et de la mort de Marie Stuart. Il rappelle ce qu’avait écrit, à l’occasion de cet évènement, le pape Benoît XIV, dans le troisième livre de son ouvrage sur la Béatification des serviteurs de Dieu. Il cite en particulier ce passage : « Pour que le martyre existe véritablement, il suffit que le tyran qui ordonne le supplice le fasse en haine de Jésus-Christ, bien qu’il en rejette le motif sur tout autre prétexte étranger ou simplement accessoire... Tout acte, en effet, reçoit son caractère spécial non de ce qui en est l’occasion ou la cause prochaine, mais de ce qui en est la cause principale et profonde. Ainsi, pour constituer le martyre, c’en est assez que le persécuteur, en décrétant la peine de mort, soit déterminé par la haine de la foi, quand même le supplice paraîtrait occasionné par quelque autre intérêt qui, à raison des circonstances, n’appartiendrait point à la foi 291. »

 

Rentrant alors dans son sujet, le pape Pie VI continue en ces termes :

 

« Après une autorité aussi grave que celle de Benoît XIV, et les dispositions qu’il énonce en faveur du martyre de la reine Marie Stuart, qui nous empêche de témoigner le même assentiment à reconnaître Louis pour martyr ? Le rapprochement est exact dans les sentiments, dans l’intention, dans la catastrophe, et par conséquent dans les mérites. Eh ! qui jamais révoquera en doute que la principale cause qui a provoqué la mort de ce prince, ç’a été la haine de la foi et la conjuration tramée contre la religion catholique ? »

 

Après avoir établi l’existence de cette conjuration, le souverain Pontife ajoute :

 

« De cette chaîne non interrompue d’entreprises criminelles dont la France a été le théâtre, peut-on ne pas conclure avec certitude que la haine de la religion a été l’âme des machinations ourdies par cette secte pour agiter, ainsi qu’elle le fait aujourd’hui, et bouleverser l’Europe entière, et que, par une conséquence ultérieure, elle n’est pas innocente de la mort de Louis ?

« Les conjurés ont réuni leurs efforts pour accumuler contre lui des accusations tirées de l’ordre politique, dont, remarquez-le bien, une des principales est la fermeté de courage avec laquelle il refusa d’approuver et de sanctionner le décret de déportation des prêtres catholiques ; de plus, sa lettre à l’évêque de Clermont 292, où il lui déclare sa résolution de rétablir le culte catholique aussitôt que les circonstances le lui permettront. Ces imputations-là ne suffisent-elles point pour justifier la pensée, que j’ai hautement exprimée, que Louis est martyr ? L’arrêt de mort rendu contre Marie Stuart portait de même sur de prétendues conspirations tramées contre la sûreté de l’État. La différence de religion n’intervenait que par une mention vague. Ce qui n’a pas empêché Benoît XIV de discerner le vrai motif de la condamnation à travers les frauduleux prétextes énoncés dans la sentence, pour le rapporter exclusivement à une haine antireligieuse, et de conclure que cette reine est morte martyre.

« Pour prononcer la même décision à l’égard de Louis, quelques personnes verraient une difficulté dans l’approbation donnée par ce prince à l’acte de la constitution civile, flétrie par Nous dans notre bref du 10 mars 293. Mais cette objection se trouverait combattue par l’assurance qu’au moment où on vint le présenter à sa signature, Louis hésita, qu’il réfléchit et refusa de signer, de peur que sa signature ne fût interprétée comme une approbation ; mais que, sur la représentation qui lui fut faite par un de ses ministres, en qui il avait une grande confiance 294, que sa signature n’aurait d’autre effet que de certifier l’authenticité de l’écrit contenant l’acte de cette constitution, et par là de prévenir, dans notre esprit, quand l’envoi nous en aurait été fait, le soupçon qu’il eût rien de supposé, cette considération, simple en apparence, le détermina sans peine à signer. C’est ce qu’il témoigne en termes assez clairs dans son testament, où il affirme avoir souscrit contre son propre gré 295. Il faudrait donc supposer dans sa conduite la plus manifeste contradiction si, après avoir approuvé dans son cœur, il eût ensuite désapprouvé constamment, par exemple en refusant de sanctionner le décret de déportation des prêtres insermentés ; en écrivant à l’évêque de Clermont qu’il était dans la disposition de rétablir le culte catholique. Quoi qu’il en soit (car nous ne prenons rien ici sur nous), en accordant même que, soit par défaut de réflexion soit par une surprise quelconque, Louis ait engagé son approbation par sa signature, sera-ce une raison plausible pour changer d’avis à l’égard de son martyre ? Mais oublierons-nous l’incontestable et solennelle rétractation qu’il ne tarda pas à en faire, et l’héroïsme de ses derniers moments ? S’il est vrai, comme nous l’avons prouvé, que sa mort fut l’ouvrage de la haine de la religion catholique, cette mort elle-même ne revendique-t-elle pas tout l’honneur du martyre ? Nous en avons un exemple dans saint Cyprien. Ses sentiments sur le baptême des hérétiques n’étaient pas conformes à la saine doctrine ; mais, dit et répète dans vingt endroits saint Augustin, Dieu l’a purifié par la sanglante épreuve du martyre, comme la vigne dont le fer retranche les branches gourmandes. »

Pie VI rappelle ici la décision rendue par la congrégation des Rites, relativement à Jean de Britto, de la Compagnie de Jésus, quand il s’est agi de le qualifier martyr. Dans la mission du Maduré, il avait employé les rites des Chinois. Les assesseurs de la congrégation et, avec eux, Benoît XIV, considérèrent que le serviteur de Dieu, en mourant après cela pour la religion, avait rétracté par son sang l’usage qu’il avait fait de ces rites superstitieux.

 

« Autorisé par cet exemple, continue Pie VI, envisageant l’authentique et incontestable rétractation de Louis, manifestée tout à la fois et par sa propre signature et par la généreuse effusion de son sang, nous croyons devoir nous en tenir au jugement de Benoît XIV, non pas encore pour rendre un décret conforme au sien, mais pour maintenir le sentiment que nous avons exprimé sur le martyre du roi Louis, nonobstant l’approbation qu’il aurait pu donner à l’acte de constitution civile du clergé.

« Ô France ! France ! que nos prédécesseurs proclamaient « le miroir de tout le monde chrétien et la colonne immobile de la foi, toi qui marchais, non à la suite, mais à la tête des autres nations dans la ferveur de la foi chrétienne et la soumission à l’autorité du siège apostolique 296 », combien aujourd’hui ne t’es-tu pas éloignée de Nous ! Quelle animosité t’aveugle sur ta véritable religion, et t’a poussée à des excès de fureur qui te donnent le premier rang parmi les plus cruels persécuteurs ! Et cependant pourrais-tu, quand tu le voudrais, ignorer qu’elle est, cette religion, le plus ferme appui des empires, parce que c’est elle qui réprime et les abus du pouvoir dans ceux qui gouvernent, et la licence dans ceux qui obéissent ? Et voilà pourquoi ceux qui en veulent aux droits de l’autorité royale aspirent, pour la renverser, à l’anéantissement de la foi catholique.

« Encore une fois, ô France ! à qui, disais-tu, il fallait un roi catholique, parce qu’ainsi le voulaient les lois fondamentales du royaume : tu l’avais, ce roi catholique, et par cela seul qu’il était catholique, tu l’as assassiné !

« Tel a été le délire de ton emportement que le sang même de la victime n’a pu en calmer la fureur. Tu as voulu que sa dépouille mortelle et ses restes sans vie fussent en proie à tes outrages ; son cadavre même n’a pas obtenu de toi l’honneur de la sépulture..... Quel profit te reviendra-t-il d’une haine aussi implacable ? Rien que l’opprobre, l’infamie, l’indignation des peuples et des rois, et l’horreur d’un forfait plus atroce encore que celui qui pèse sur la mémoire d’Élisabeth d’Angleterre.

« Jour de triomphe pour Louis ! Oui, nous avons la confiance que le Seigneur, d’où lui venait ce courage qui brave la persécution et rend supérieur à la souffrance, l’a appelé à lui, échangeant une couronne terrestre, hélas ! si frêle, et des lis sitôt flétris, contre une autre couronne impérissable, tissue de ces lis immortels qui ornent les esprits bienheureux...

« En donnant à ce discours une plus longue extension, mon âme cherchait à calmer la douleur où la jette le fatal évènement qui en est l’objet. Pour terminer, Nous vous invitons à vous réunir à Nous, selon l’usage, pour les obsèques solennelles du feu roi. Il est vrai que, d’après la conviction où nous sommes que Louis a mérité le titre de martyr, une pompe funèbre et des prières expiatrices semblent ici superflues, selon le témoignage de saint Augustin, « que l’Église ne prie point pour les martyrs, mais qu’elle se recommande à leurs prières 297 ». Néanmoins, la proposition du saint docteur ne devant point s’appliquer au Martyr simplement reconnu par la seule persuasion des hommes, mais à celui que le siège apostolique proclame en cette qualité ; en conséquence, le jour qui vous sera indiqué, nous célébrerons ensemble, vénérables frères, dans notre chapelle pontificale, avec les cérémonies accoutumées, un service solennel 298 pour le roi très chrétien. »

Pouvais-je mieux finir mon livre qu’en rappelant cette admirable allocution de Pie VI, le plus illustre des Défenseurs de Louis XVI ?

 

 

 

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APPENDICE

 

Liste des Otages de Louis XVI et de sa famille.

 

Dans mon chapitre V, je n’ai pu donner les noms de tous les bons Français qui s’offrirent pour être « otages de la liberté du roi » et pour « garantir sur leur tête sa résidence dans le royaume ». Tous ces noms cependant méritent d’être conservés.

De Rozoi avait conçu le projet de publier une liste générale des otages. Voici comment il s’en expliquait, dans la Gazette de Paris, quelques jours avant l’acceptation de la constitution par le roi (13 septembre 1791) :

 

« Mon ouvrage ne pourrait suffire à faire connaître tous les noms ; en y consacrant une colonne ou deux de chaque numéro, il y aurait des noms qui ne seraient cités que dans deux mois. Il y a d’ailleurs dans chaque lettre ou des élans d’éloquence du cœur ou des anecdotes : comment me priver du bonheur de les transmettre à la postérité ? Une nomenclature aride perdrait tout son intérêt ; une nomenclature enrichie de cent traits, d’une sensibilité expansive ou d’un héroïsme perpétué par une longue descendance, ne peut être qu’un monument cher à l’honneur, à l’amour filial...

« Je fais imprimer la liste sainte : en tête des noms des hommes sera le médaillon du bon roi ; en tête des noms des femmes sera celui de la reine...

« En comparant l’époque où ce monument aura été consacré avec le sentiment qui en aura fait la dédicace, on dira : « Le roi qui peut inspirer tant d’amour dut éprouver dans son malheur même une bien douce consolation. Il fut plus aimé encore qu’outragé. Ni Louis XII, ni Henri IV, ni Louis XIV, ni même Louis XV à Metz, ne reçurent un hommage égal à celui que Louis XVI recueille par un si beau dévouement. Les rois ses aïeux étaient au comble de la fortune et de la grandeur ; il est sans appui, sans sceptre, sans couronne ; il n’en est pas moins plus roi qu’ils ne le furent jamais ; il est roi par notre amour. »

Malheureusement, de Rozoi ne donna pas suite à son projet. L’acceptation de la Constitution le détermina sans doute à l’abandonner. En 1814, M. Boulage, avocat à Auxerre, a publié une Liste des Otages de Louis XVI. Pour la former, il a réuni en une seule toutes les listes éparses dans beaucoup de numéros de la Gazette de Paris, et il y a joint une liste supplémentaire comprenant dix noms 299. J’ai à mon tour fondu ces deux listes en une seule, à laquelle j’ai été assez heureux pour pouvoir ajouter quelques noms nouveaux.

Voici donc la Liste générale des Otages de Louis XVI, divisée en deux parties comprenant, la première, les noms des hommes, et, la seconde, les noms des femmes.

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

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A

 

            Messieurs

 

Adoubeden de Rouville : Cherbourg.

Agrain (Jean-Jacques-Martin de Pradier, vicomte d’) : Auvergne.

Aguisy (d’), ancien chevau-léger du roi.

Alez-Bosse (Auguste d’), comte de Saint-Pierre, de Vienne.

Allonville (le comte Armand-Jean d’).

Andrieu-Poulet, négociant en draperies, à Lyon.

Antibes (le chevalier d’).

Argent (d’), vicomte de Deux-Fontaines, lieutenant-colonel.

Astier (le chevalier d’).

Aulnette de Vautenet, ancien capitaine de vaisseau.

Aulnette (Louis), fils du précédent.

Auriac (Gilbert-Gillet d’) : Saint-Flour.

Auzuret, curé de Saint-Hilaire, de Niort.

Azemar de la Baume (d’) : Languedoc.

 

 

B

 

Baillif de Mesnager (le), capitaine d’infanterie, gentilhomme ordinaire du roi, chevalier de Saint-Louis.

Baissière-Sobusse (de).

Balsac (de), officier à la suite de l’infanterie.

Banquet de la Roque, officier au régiment de Bretagne.

Banville de la Londe (de), ancien chevau-léger de la garde ordinaire du roi.

Banville de la Londe (de), âgé de onze ans, fils du précédent.

Barail (Charles du), ci-devant capitaine de remplacement au régiment de Vivarais.

Baritault (le chevalier de), garde-du-corps du roi, compagnie de Luxembourg.

Baritault, fils du précédent.

Baritault (Hector de), garde-du-corps du roi, chevalier de Saint-Louis.

Barre (Charles Le Picart, chevalier de).

Barruel-Beauvert (le comte de), capitaine de grenadiers royaux de Bretagne.

Baudelot fils, élève de l’école royale militaire d’Auxerre.

Bayhier (le chevalier de), ancien lieutenant-colonel d’infanterie.

Beaufort (Jacques de Jay de), chevalier de Saint-Louis, ancien chevau-léger de la garde du roi.

Beaumont (le comte de), maréchal des camps et armées du roi ; Orléans.

Belliard de Marey fils, élève de l’école royale militaire de la Flèche : Caen.

Belsunce (le chevalier de), capitaine au régiment des chasseurs du Hainaut.

Bergier (du).

Bernard, ancien conseiller au Parlement de Paris.

Blacas d’Aulps (le comte de), officier de dragons.

Blanchod : Faucogney (Franche-Comté).

Blessebois-Meslay, ancien officier au régiment d’infanterie d’Orléans.

Blessebois (Amable), fils aîné du précédent.

Blessebois (Armand), frère du précédent.

Blessebois (Auguste), âgé de neuf ans, frère du précédent.

Blondel, curé de Banneville.

Bonnefond (de), capitaine au régiment de Sois-sonnais.

Bonneville : Auxerre.

Borg fils : Versailles.

Boucher (Charles-Gabriel-Auguste Le).

Boucley, abbé.

Bouillé (Louis-Joseph de Pays de).

Boulage, avocat : Auxerre.

Boulaye (le comte de la), lieutenant-colonel et chevalier de Saint-Louis.

Bourbel-Montpinçon (Louis-Raoul-Antoine).

Bourbel (Antoine-Raoul-Henri), officier d’infanterie, fils du précédent.

Bourbel (Louis-Auguste), chevalier de Malte, frère du précédent.

Bourbel (Antoine-Raoul-Alexis), chevalier de Malte, frère du précédent.

Bourdeaux, avocat : Auxerre.

Bourdeilles (de), lieutenant.

Bourdine (le chevalier de la), officier de cavalerie.

Bourdon, curé de Buisions-Villons, près Caen.

Bourdon de Lille, chevalier de Saint-Louis.

Bouvier, docteur agrégé en l’université de Dijon.

Boyer, ancien substitut du procureur de la commune et député du corps municipal de Nismes à Paris.

Bretelonde (Briard de la), docteur de la faculté de médecine de Caen.

Buffevent (le comte de), ci-devant lieutenant au régiment de Lorraine-infanterie.

Busseul (le vicomte de), colonel de cavalerie, sous-lieutenant des gardes-du-corps du roi, chevalier, de Saint-Louis et de Saint-Lazare.

 

 

C

 

Campet, garde-du-corps du roi.

Cantwel de Mokabki (André-Samuel-Michel de), lieutenant des maréchaux du roi.

Cantwel (René-Théophile de), page du roi.

Cantwel (André-François de), élève, placé par le roi à l’école militaire de Vendôme.

Cassaigne (Gérard-Joseph), ingénieur-géographe : Auxerre.

Castelas (le comte Hubert de).

Castillon (l’abbé de), aumônier de Mme Adélaïde.

Castillon (le comte de), capitaine d’infanterie.

Castillon (l’abbé de), aumônier de Madame.

Castillon (le chevalier de), capitaine au régiment de Bassigny.

Castillon (le vicomte de), page de Louis XVI.

Caubios (Jean-Barthélemy-Gaston de) : Nicolle, près Aiguillon-en-Agénois.

Caulaincourt (le vicomte de), officier aux gardes françaises : Caen.

Caverot fils, avocat : Auxerre.

Cernay (Marie de), gentilhomme servant de S. M.

Champeaux (l’abbé de), vicaire général de Nismes.

Chappe, citoyen d’Étain, diocèse de Verdun.

Chappe de la Huriex, frère du précédent.

Chassagne (de la), garde-du-corps du roi.

Chastenay (le marquis de), ancien officier supérieur de gendarmerie (hôtel royal des Invalides).

Chaumontel (André de), capitaine de cavalerie : Normandie.

Chaussée (le comte de la), ci-devant capitaine au corps royal d’artillerie.

Cheuille du Vaulerant : Saint-Malo.

Chevardière (Louis de la) : Stenay.

Chometton, négociant de Monistrol.

Clerroy (Louis-Marie-Auguste, vicomte du).

Clervaux (de).

Clinchamp (Louis-Pierre de), ancien officier de cavalerie.

Clinchamp (Louis-Auguste), âgé de 14 ans, fils du précédent.

Coetlosquet (le vicomte du), ancien mestre-de-camp d’infanterie.

Condorcet (François-Hélène de Caritat, comte de), colonel commandant des chevau-légers de la garde de S. M.

Conjon (de) : Bayeux.

Constantin-Pechegut (Jean-Baptiste-Joseph de), ancien chevau-léger de la garde ordinaire du roi : Rouen.

Cordey (Victor-Phélippe de), ancien maître des eaux et forêts d’Argentan (Basse-Normandie).

Corgne de Launay (le chevalier le), lieutenant de cavalerie.

Courtie (de la), procureur au parlement.

Cressac-Bourdeille (le chevalier de), ancien mousquetaire du roi.

Crocquet de Montreuil : Montargis.

Croix (Jean-Baptiste-Jérémie de la), ancien garde-du-corps du roi.

Cullon-Villarson (le comte de).

 

 

D

 

Dagien.

Damayé (Edmond), garde-du-corps surnuméraire.

Dandasne de Lincour : Dieppe.

Dapirieux de la Balme, ancien chevau-léger de la garde du roi.

Decitres, soldat, gentilhomme.

Deforsanz du Houx, lieutenant des maréchaux de France.

De la Haye-Monbeault, officier de dragons : Niort.

Deloges, ancien dragon de Belsunce : Merlay près Harcourt.

Denis, prêtre et professeur à l’Université de Caen.

Desbois, grand bailli du Mâconnais.

Deshayes, commis à la régie générale de Charly.

Desmaretz, garde-du-corps.

Devaux père : Paris.

Devaux fils.

Dobignie, ci-devant receveur de la régie générale de Charly.

Dorlan de Polignac (Louis-François), ancien chevau-léger de la garde ordinaire du roi : Condom.

Dorlan de Polignac (Marie-Joseph), fils du précédent : Condom.

Doulx de la Faverie, ancien officier au régiment Dauphin-infanterie.

Doury, procureur au parlement de Normandie.

Drudes de Campagnolles (Michel-François-Jacques-Alexandre), ancien mousquetaire noir : Vire.

Dubreuil (le chevalier), ancien capitaine du régiment royal des vaisseaux.

Dubuisson-Dombret, ancien capitaine de dragons.

Dubuisson-Dombret, lieutenant de vaisseau, fils du précédent.

Dubuisson-Dombret, volontaire dans un régiment, frère du précédent.

Duchesnoy (Charles-Pierre-Marie-Poulain), premier fonctionnaire du bataillon de garnison de Monsieur.

Duchesnoy (Pierre-François-Poulain, chevalier), lieutenant des grenadiers royaux au régiment de Bretagne.

Duhamel (Jean-Philippe), le jeune.

Duhaumont, chevalier de Saint-Louis.

Dumotet, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

Dumoulin des Coutanceries (le baron), ancien chevau-léger, chevalier de Saint-Louis.

Duparc, gentilhomme breton.

Dupuy le jeune : le Mans.

Duval (François-Joseph Jeunet), ancien capitaine de grenadiers.

 

 

E

 

Eprémesnil-Marefosse (d’), garde-du-corps du comte d’Artois.

Esgrigny (Louis d’) : Bourbon-l’Archambault.

Emiéville, capitaine d’une compagnie de canonniers-gardes-côtes.

Espagne (le marquis d’), et ses trois fils.

Estrain (l’abbé Leclerc de Saint-), ancien préfet apostolique, supérieur général des missions du Cap-Français.

 

 

F

 

Falaiseau (de), capitaine de réforme au régiment des chasseurs à cheval d’Alsace.

Favols (Jean-François Deshoms, baron de), gentilhomme agénois, ancien officier de dragons au régiment royal.

Fay de Solignac (Charles de), officier au régiment de Brie.

Ferrières (le comte de) fils, ci-devant lieutenant au régiment Mestre-de-Camp dragon.

Flavigny (le baron Louis de), ancien page du comte d’Artois.

Flavigny (le chevalier Édouard), officier d’infanterie.

Flavigny (Alexandre de), officier au corps royal d’artillerie.

Flavigny (le vicomte Louis de), lieutenant en second au ci-devant régiment des gardes-françaises, lieutenant-colonel d’infanterie.

Fontainemarie (de), ancien chevau-léger de la garde du roi : Marmande en Agénois.

Fontbonne (Lavergne de) : Clermont, en Auvergne.

Fontenay (de), officier de cavalerie au régiment d’Egmont, et chevau-léger.

Foucaucourt (Morel Cresmery, baron de).

Foye (G.-A.-F. de la), ci-devant capitaine au régiment de Lorraine.

Frémont, vicaire général et chanoine de Noyon.

 

 

G

 

Garnier du Fougerais : Saint-Malo.

Germain, ancien officier d’artillerie, procureur du roi de la maîtrise des eaux et forêts de Senlis.

Germain, âgé de 16 ans, fils du précédent.

Gilles Labbé, prêtre : Beaugré, prés Aunai, en Basse-Normandie.

Godefroi de Soulle, officier aux grenadiers royaux de la Normandie : Bois-Jugan.

Godefroi, capitaine de canonniers.

Godefroi de Laissart, garde-du-corps du roi, compagnie du Luxembourg.

Godefroi de la Madelaine, garde-du-corps du roi, compagnie de Luxembourg.

Godefroi de Mingré, lieutenant des vaisseaux du roi.

Godefroi (le chevalier de), élève de la marine royale.

Godefroi de Saint-Félix, lieutenant au régiment d’Angoulême, dragons.

Godefroi de la Hazardière, lieutenant de canonniers.

Godefroi Dosbets, lieutenant de canonniers.

Godey, l’aîné : Caen.

Grand (Le).

Granier, ancien sous-directeur de l’académie royale de musique.

Grassevie (Guérin de la).

Groult, docteur de Sorbonne, curé de Montbellet, diocèse de Mâcon.

Guélon-Marc, négociant à Troyes.

Guérard de la Guesnerie, substitut en la cour des comptes, aides et finances de Normandie.

Gueulluy (de), comte de Rumigny, chevalier de Saint-Louis.

Gueulluy (de), fils du précédent : Metz.

Gueydon de Monrepos, garde du roi : Avignonet, près Villefranche-de-Lauraguais.

Guilhand Ducluzeaux, curé de Negret, diocèse d’Angoulême.

Guilhand Ducluzeaux, prieur, curé d’Oradour, diocèse de Limoges, frère du précédent.

Guilhand Ducluzeaux, curé d’Agris, diocèse d’Angoulême, frère des précédents.

Guilhem de Saint-Marc (de), capitaine au régiment de dragons de la Reine.

Guilhem de Maignan (de), lieutenant au régiment d’Agénois.

Guyot, notaire, à Troyes.

Guyot, fils du précédent.

 

 

H

 

Harivel (Jacques-François Le).

Harrivel de Gonneville (Le), ancien garde du roi.

Harrivel de Flagy (Le), ancien lieutenant au régiment d’infanterie de Penthièvre.

Harrivel de Sainte-Honorine (Le), ancien officier d’infanterie.

Hauffroy de Ville-sur-Arcé, capitaine de cavalerie, garde-du-corps du roi.

Hauffroy (le chevalier), surnuméraire des gardes-du-corps du roi.

Havre de l’Épine (Jean-Baptiste) : près de Nantes.

Hébert, prêtre : Sannerville, près Caen.

Hélie de Bonnoeil (Alexandre-Louis-César), officier au 18e régiment de dragons.

Hélie de Combray (Auguste-Louis-Timoléon), frère du précédent.

Hélie de Treperel (Louis-César-Pierre-Marc-Antoine), chevalier de Saint-Louis.

Hespel d’Hoeron, et ses deux fils.

Hocquet, chanoine de l’église de Reims.

Houssaye (André-Charles de la), chevalier de Saint-Louis.

Hugonet (d’), ancien lieutenant-colonel d’infanterie.

 

 

I

 

Ivelin de Béville, procureur du roi, au siège de la vicomté de l’Eau, à Rouen.

 

 

J

 

Jeannin (P.), procureur au parlement de Paris.

Jolivet de Colomby, conseiller à la cour des comptes, aides et finances de Normandie.

Jolivet de Basly.

Jolivet de Colomby, garde-du-corps du roi.

Jolivet de Beauxanier.

Jolivet (César de) : Caen.

Jumigny (le chevalier de), garde-du-corps du roi : Caen.

 

 

L

 

Lainé, curé de Suré, diocèse de Séez.

Lamare, curé d’Anisy, près de Caen.

Lamasche de la Besnardière, ancien magistrat.

Landreville (le comte Maillard de), officier à la suite du régiment de Rouergue.

Lart (le), ancien mousquetaire noir, près Morlaix.

Lart (Armand le) fils, soldat au régiment de Rouergue.

Laurencie (Bertrand de la) : Angoulême.

Leblanc de Sannerville : près Troarn, Normandie.

Lefevre-Duquesnoy, chevalier de Malte.

Legras (le chevalier), officier au régiment de Béarn.

Legras (Édouard), lieutenant au même régiment.

Leneuf de Sourdeval (Louis-Bernardin), ancien enseigne des vaisseaux du roi.

Leneuf de Sourdeval (Alexandre-Louis-Hippolyte), sous-lieutenant au 37e régiment d’infanterie, fils du précédent.

Lenteigne (Benjamin).

Léon (Louis de), filleul du roi : Rennes.

Lespinasse Langeac (le comte de), ancien colonel d’infanterie.

Lestourbeillon (le marquis de), ancien officier au régiment du Roi-cavalerie : près Pontchâteau, Bretagne.

Lhoste de Beaulieu (Augustin-François), lieutenant-colonel d’infanterie.

Lhoste de Beaulieu (Achille-Léonor), conseiller auditeur des comptes de Paris, frère du précédent.

Lhoste de Beaulieu (Claude-Léonor, chevalier de), frère des précédents.

Libault de la Barossière (le chevalier) : Nantes.

Limoges (le chevalier de).

 

 

M

 

Mahy (Charles de), âgé de 10 ans, fils du marquis de Favras.

Malherbe (Louis de).

Malherbe-Longvillers (de) : Caen.

Malherbe (Henri de), fils du précédent.

Malval (Étienne-Joseph de).

Marcenay (de), capitaine réformé du régiment de Royal-Bourgogne cavalerie.

Marcenay (de), fils du précédent.

Marchand (Philippe), vicaire de Notre-Dame de Niort.

Margueray, garde-du-corps du roi, et son fils.

Martelière (de la), ancien capitaine de canonniers au corps royal de l’artillerie.

Martelière (de la), âgé de 14 ans, fils du précédent.

Martelière (de la), âgé de 13 ans, frère du précédent.

Masquarène (Rivière de), ancien mousquetaire noir.

Massacré (le comte de).

Mauduisson (de) aîné, ancien mousquetaire.

Méchin (Paul) : Vaas, près Château-du-Loir.

Mélignan (l’abbé), aumônier de Mme Victoire de France.

Mellemont (de).

Mellemont (Timothée-Hilaire de), ancien gendarme.

Melleville, lieutenant au régiment de Foix.

Merle (le comte du), officier de dragons.

Mirabel (Antoine-Augustin Darlempde comte de)

Miroménil (le comte de), maréchal des camps.

Montdejeu (Guilbert de), garde-du-corps de Monsieur.

Monlon, lieutenant au 10e régiment d’infanterie, ci-devant Neustrie.

Montalembert, élève de l’école militaire.

Montiel (l’abbé de).

Montoussin, baron de Radaudy, et ses quatre enfants.

Musset de Pathay, capitaine d’infanterie.

 

 

N

 

Néret, ancien mayeur de la ville de Saint-Quentin.

Neuilly (Achille de).

Noel-Durocher (S.-Auguste), chevau-léger de la garde du roi : Vire, en Normandie.

 

 

O

 

O’Dwin, chevalier de Saint-Louis.

Olivary (d’), élève de la marine royale.

Orme (Michel-Gilbert de 1’), maître de mathématiques : Arles en Provence.

 

 

P

 

Palissaux, garde-magasin général des armées.

Panthou, ancien garde du roi.

Parc (Joseph-René du), ancien capitaine des vaisseaux du roi.

Patte (Louis-Charles), curé d’Hengleville-sur-Scie, pays de Caux.

Pelissier-Viens (le baron de), capitaine de cavalerie.

Pérard (le chevalier), près Claunoy en Poitou.

Perrot de Briois (de).

Petit (Charles-Marie), officier chez le roi.

Piédoue (Jean-Charles-Louis de), garde-du-corps du roi, dans la compagnie de Luxembourg. Pour lui et pour dix de ses parents, tous gardes du roi dans la même compagnie.

Pierrepont (Guillaume de), ci-devant maréchal-des-logis des gardes du roi.

Poisson (le vicomte d’Usson de).

Ponciès (l’abbé de la Roche de), prieur de la Grange-Dubois : Autun.

Pontual (Hyacinthe de) fils : Saint-Malo.

Poreaux, médecin : Le Cateau.

Porte (le chevalier de la), ancien officier au régiment de Touraine.

Porte (de Gouëlde la), officier au régiment de Viennois.

Pressac de Lioncel, ancien capitaine au régiment de Chartres.

Project (Étienne de Jean-Saint), lieutenant au bataillon de chasseurs des Ardennes.

Project (François-Antoine de Jean-Saint), frère du précédent.

Project (Jean-Marie-Cécile de Jean-Saint), fils du précédent.

Project (Jean-Noël de Jean-Saint), chevalier de Malte, frère du précédent.

Puisaye (de), ancien mousquetaire : Bayeux.

 

 

R

 

Rabaudy (le chevalier), ancien garde-du-corps.

Rabaudy (de), fils du précédent.

Ramondeau (Alix de), ancien chevau-léger.

Roche-Lambert (Joseph, comte de), lieutenant au régiment des Gardes-Françaises.

Rode (de), président à mortier au parlement de Metz.

Royou (Corentin) 300, avocat, pour lui et ses cinq enfants.

Rosoi (de), rédacteur de la Gazette de Paris.

Rubat (de), conseiller au parlement.

Rubat de Livron (le chevalier de).

 

 

S

 

Saint-Esther (de) : Saint-Omer.

Saint-Germe (de) : Nérac.

Saint-Pomy (le marquis de), capitaine de chasseurs aux régiment des Trois-Évêchés.

Salimbéni (Frédéric-Roland-François, chevalier de).

Sancené (Louis de), chasseur, légion d’Aspe.

Sapinaud de Bois-Huguet : Poitou.

Sarrazin (Guillaume de) : province d’Auvergne.

Sauvage (Le), prêtre.

Seigne (de), ancien gendarme.

Serbac (l’abbé de), vicaire général d’Uzès.

Sérignac (le comte de) ancien capitaine d’infanterie au régiment du roi.

Sérignac (Dominique de), fils du précédent.

Sérignac (Charles de), frère du comte.

Sermentot (le comte de), Belleval.

Sézille de Biarre (Marie-Balthazar), officier au régiment des grenadiers royaux de Champagne.

 

 

T

 

Tachainville (Bernard de), président honoraire de la cour des aides de Paris.

Tardif du Granger, garde-du-corps.

Tellier (Jean-Marie-Hippolyte Le).

Terrafort de Montleau, officier aux Gardes-Françaises.

Thomassy (François de), officier d’infanterie : Meyrueis.

Thouiellier (de), garde-du-corps de Monsieur.

Tilly-Baru (le vicomte de), capitaine au régiment de Provence.

Tilly-Baru (le comte de), fils aîné du précédent.

Tilly-Blaru (le chevalier de), frère puîné du précédent.

Tilly-Blaru (Louis, chevalier de), oncle des deux précédents, capitaine au régiment de Piémont.

Tiphane, avocat au parlement de Rouen.

Toustaing-Richebourg (le vicomte de).

Treil Pardailhan (le chevalier Alexandre de), garde du roi.

Tribard.

Tridon de Rey, père, maréchal des camps, etc.

Tridon de Rey, fils, officier au régiment de Barrois.

Typhagne (Louis), avocat au parlement de Rouen.

Trolong Du Rumain (Charles-Olivier-Marie de), âgé de 6 mois, offert par sa mère, la comtesse Du Rumain.

 

 

V

 

Vacognes (Achard de).

Vaillant (Le), chevalier dé Saint-Louis, Caen.

Vaillant de la Servière (Hyacinthe Le), capitaine d’infanterie, Caen.

Vaillant (Paul Le), Caen.

Vaillant (Eugène Le), Caen.

Valleton (Léon de), lieutenant des maréchaux de France.

Valmenier (Étienne-Marie-Georges de), retiré du service de la marine.

Valmenier (Charles-Georges Cacqueray de), fils du précédent.

Vandeuil (Marie-Philippe Daucour de), filleul du comte et de la comtesse d’Artois.

Varangerie (Claude-Adrien Lecomte de la), capitaine de chasseurs de l’état-major de l’armée.

Varlet de Semeuzs : Reims.

Varroc (P. de) : Basse-Normandie.

Vaulx (des), lieutenant-colonel d’artillerie.

Veance (le vicomte de), ci-devant capitaine au 4e régiment de dragons : Riom.

Venderet (le chevalier de), officier au régiment provincial de Paris.

Violaines (Charles, comte de), ancien major d’infanterie.

Violaines (Jules-César de), fils du précédent.

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

 

_______

 

A

 

            Mesdames

 

Antibes (Françoise-Angélique Stollemverck d’).

Antibes (Marie-Alexandrine-Angélique d’), fille de la précédente.

Aubrier-Landois, veuve de J.-J. Tapret : Paris.

Azémar-la-Baume (d’), née Marin : Gignac en Languedoc.

 

 

B

 

Baissière-Sobusse (de).

Bastide (de la), née Bœil : Limoges.

Bimorel (le Cornu de), veuve du baron de Villequier : Rouen.

Bissy (de Regnauld de).

Boulaye (de la) : Billom en Auvergne.

Buffière (la comtesse Louise de).

 

 

C

 

Cardaillac (Eugénie de).

Cardaillac (Françoise de), sœur de la précédente.

Cardaillac (Hélène de), sœur des précédentes.

Cardaillac (Suzanne de), sœur des précédentes.

Chaulieu de Claire (Julie). Offrant avec elle son fils et sa fille.

Corbeau (Aimée de). Pour elle et trente de ses compagnes, pensionnaires au deuxième couvent de la Visitation de Grenoble.

 

 

D

 

Dubreuil-Helyère, fille d’un capitaine d’artillerie.

Dumoulin-Descontanceries (Mlles), élèves de l’école royale de Saint-Cyr.

 

 

E

 

Espagne (Andrée-Urbaine d’), comtesse d’Hunaud.

Espagne (Marguerite d’).

Espagne (Gabrielle d’).

Espagne (Octavie d’).

Espagne (Louise d’).

 

 

F

 

Fars de Fausse-Lendry (la vicomtesse de), née Paysac.

Favras (la marquise de).

 

 

G

 

Guenand (Françoise-Renée de), chanoinesse : Noisy-le-Grand.

Guenand (Blanche de), chanoinesse, sœur de la précédente.

Guenand (Louise-Henriette de), sœur des précédentes.

Gujot : Troyes.

 

 

H

 

Hélie de Combray (la marquise), née Geneviève de Brunelles : Caen 301.

Hugonet (de Sainte-Marie d’).

Hugonet (d’), fille de la précédente.

 

 

J

 

Jay (de Beaufort de), née Béatrix de Paty.

Jay (Élisabeth de), fille de la précédente.

Jougla (Antoinette de Montaigu de), née de Darassus : Languedoc.

 

 

L

 

Labassée de Cantwel.

Landeville-Levaillant.

Lhoste (Aglaé de), chanoinesse de Malte.

 

 

M

 

Mahy (la comtesse de).

Malherbe-Longvillers (de).

Malherbe Langvillers (de), fille de la précédente.

Malvin de Watronville, fille de M. Malvin, conseiller en la Chambre des comptes de Lorraine.

Margueray.

Margueray, fille de la précédente.

Metaer Desplanches : Caen.

Montagu (Caroline de).

Montalembert (de).

Montlezun (la comtesse Félicité de).

Mothe-Montfort (Henriette, comtesse de la).

 

 

N

 

Neuilly (de Beauchamp, comtesse de).

Neuilly (Clémentine de), fille de la précédente.

 

 

P

 

Plouin (Marie) : Lisieux.

 

 

R

 

Rochejaquelein (Anne-Louise du Vergier de la).

Roffiac de Beaulieu.

Rotalier (La Calmette de).

Rotalier (Pauline), fille de la précédente.

 

 

S

 

Sérignac (Claude-Louise de la Châtre de).

Sérignac (Françoise de), fille de la précédente.

 

 

T

 

Tapret (Adélaïde-Joséphine) : Paris.

Le Tellier.

Terrafort de Montleau.

Tournay (Marie de),

Trolong du Rumain (Marie-Jeanne Mascarène de Rivière, comtesse de) : Tréguier.

Trolong du Rumain (Marie-Célestine-Honorate de Kermel, comtesse de), bru de la précédente.

Trolong du Rumain (Jeanne-Charlotte de), belle-sœur de la précédente.

Trolong du Rumain (Marie-Alexandrine de), sœur de la précédente.

Turpin (Antoinette de), chanoinesse du chapitre noble de Neuville.

 

 

U

 

Ussel-Ligier (Claude-Marie-Marguerite), pour elle et ses enfants.

 

 

V

 

Vassan (de) : Paris.

Villepatour (de).

Vincent (Marguerite) : Nismes.

 

 

_____________

 

 

 

 

 

Edmond BIRÉ, Les défenseurs de Louis XVI, 1896.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



1 Voir le très beau livre de M. Victor PIERRE, si neuf et si concluant : La Terreur sous le Directoire, histoire de la persécution politique et religieuse après le coup d’État du 18 fructidor (4 septembre 1797). – Un volume grand in-octavo, Paris, 1887, Retaux-Bray, éditeur, rue Bonaparte, 82. – Consulter également le recueil de documents inédits que M. Victor Pierre a publié sous ce titre : 18 fructidor. Un volume in-8, Paris, 1893, Alphonse Picard, éditeur, 80, rue Bonaparte.

2 Histoire de la Révolution française, t. VIII, p. 432.

3 Coblentz et Paris, chez Artaud, in-8, 2 parties en un volume, 466 pages.

4 « Sous cette affreuse pression (celle du conventionnel Le Carpentier), les femmes furent fusillées, les enfants de cinq ans jugés, les morts condamnés, les malades des hôpitaux transportés sur le champ de carnage et fusillés dans leurs couvertures. » (Précis du proconsulat exercé par Le Carpentier, sous la tyrannie de Robespierre, dans la commune de Port-Malo, par F.-M.-C. DUAULT, p. 187.)

5 « Turreau prétend avoir des ordres pour tout anéantir, patriotes ou brigands. Il confond tout dans la même proscription. À Montournais, aux Épesses, et dans plusieurs autres lieux, le général Amey fait allumer les fours, et, lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations convenables ; il nous a répondu que c’était ainsi que la république voulait faire cuire son pain. D’abord, on a condamné à ce genre de mort les femmes brigandes, et nous n’avons trop rien dit ; mais aujourd’hui les cris de ces misérables ont tant diverti les soldats et Turreau qu’ils ont voulu continuer ces plaisirs. Les femelles des royalistes manquant, ils s’adressent aux épouses des vrais patriotes. Déjà, à notre connaissance, vingt-trois ont subi cet horrible supplice, et elles n’étaient, comme nous, coupables que d’adorer la nation. La veuve Pacaud, dont le mari a été tué à Châtillon par les brigands, lors de la dernière bataille, s’est vue, avec ses quatre petits enfants, jetée dans un four. Nous avons voulu interposer notre autorité ; les soldats nous ont menacés du même sort. »

(Lettre écrite à la Convention, le 4 germinal an II (24 mars 1794), par les citoyens Morel et Carpenty, commissaires municipaux à la suite des colonnes infernales.)

6 « Les délits ne se sont pas bornés au pillage. Le viol et la barbarie la plus outrée se sont représentés dans tous les coins. On a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur des pierres amoncelées le long des grandes routes, et les fusiller ou les poignarder en sortant de leurs bras ; on en a vu d’autres porter des enfants à la mamelle au bout de la baïonnette ou de la pique qui avait percé du même coup et la mère et l’enfant. » (Mémoire sur la Guerre de la Vendée et des Chouans, par LEQUINIO, représentant du peuple, député par le département du Morbihan, 3e édition, 30 brumaire an III, Paris, 250 pages.)

7 Inferno, III.

8 Histoire des prisons de Paris et des départements, contenant des mémoires rares et précieux, ouvrage dédié à tous ceux qui ont été détenus comme suspects, rédigé et publié par P.-J.-B. NOUGARET. Paris, l’an V (juin 1797), t. IV, f. 383.

9  Voici la liste des officiers généraux, au nombre de cinquante-quatre, envoyés à la guillotine par le tribunal révolutionnaire de Paris : Charles-Auguste de Balleroy, François-Auguste de Balleroy, Alexandre de Beauharnais, Beysser, Biron, Jelle-Dominique de Boisgelin, Louis-Bruno de Boisgelin, Victor de Broglie, Brunet, Chaillet de Verges, Chambon d’Arbouville, Chancel, de Choiseul-Labeaume, de Clermont-Tonnerre, Custine, Dailly, Daoust, Davaine, Deflers, Delattre, Desherbiers-Létanduère, Devaux, Donadieu, Dortoman, Dublaizel, Dusson, Duverne, Houchard, Grangier La Ferrière, Lamarlière, Laroque, Frédéric de la Tour-du-Pin-Chambly, Antoine de la Tour-du-Pin-Gouvernet, Laumur, Lescuyer, de Lévis-Laviéval, de Lévis-Mirepoix, le maréchal de Luckner, de Marcé, Miaczinski, le maréchal de Noailles Mouchy, O’Moran, d’Ornano, Pernay, Aubert de Rassay, Romé, Rossi, Rouxel-Blanchelande, Saint-Germain d’Apchon, de Sombreuil, de Thiars, Troussebois, Vanno de Montpereux, Verdière d’Hem. –– Le duc de Mailly, maréchal de France, fut condamné à mort le 23 mars 1794, par le tribunal révolutionnaire d’Arras.

10 DES ESSARTS, Procès fameux depuis la Révolution. t. IX, p. 106.

11 Anne-Paule-Dominique de Noailles, marquise de Montagu, p. 170.

12 Souvenirs de la Terreur, par Georges DUVAL, t. IV, p. 380. – L’abbé de Fénelon était âgé de quatre-vingts ans.

13 Mémoires pour servir à l’histoire de la religion, par M. JAUFFRET, t. II, p. 350 et suiv.

14 Plaidoyer de Tronson-Ducoudray pour Proust, an III, p. 27.

15 Au mois de février 1793, Joseph de Maistre, envoyant à Mallet du Pan le manuscrit de son Adresse à la Convention nationale, lui écrivait : « Combien il m’en a coûté d’adresser la parole à cette Convention française ! À chaque instant, je croyais me souiller en lui parlant et je l’ai perdue de vue autant qu’il m’a été possible, vous l’apercevrez en me lisant. Depuis le grand crime, toute ma philosophie m’abandonne. » Lettre inédite, publiée par M. François Descostes, dans son livre sur Joseph de Maistre pendant la Révolution.

16 Député de la noblesse de la ville de Paris.

17 Lettre de Lally-Tolendal au baron de Romeuf, du 15 avril 1821.

18 Moniteur de 1792, no 343.

19 François-Bernard, marquis de Chauvelin, ambassadeur de France à Londres depuis la fin de mars 1792.

20 Archives nationales.

21 Mémoires de Malouet, t. II, p. 149. – Malouet était député du tiers état de la sénéchaussée de Riom.

22 Mémoires de Malouet, t. II, page 268.

23 Archives parlementaires, par MM. MAVIDAL, LAURENT et CLAVEL, t. Ier, p. 138. – Mounier s’est noblement accusé lui-même devant l’histoire de son rôle dans la journée du 20 juin : «... Craignant, dit-il, de voir s’évanouir cette grande occasion si longtemps attendue de réformer les abus, d’améliorer le sort du peuple ; cédant au désir de reprendre sur le parti populaire le crédit que j’avais perdu, et que je ne voulais recouvrer que pour l’employer au bonheur de ma patrie ; espérant que la réunion des ordres procurerait une majorité favorable à l’autorité du roi, je crus ce serment moins dangereux ; je le crus excusé par les circonstances ; je me chargeai imprudemment de le faire mettre en délibération. Ce fatal serment était un attentat contre l’autorité du monarque. Combien je me reproche aujourd’hui de l’avoir proposé ! » (Recherches sur les causes qui ont empêché les Français de devenir libres. Genève, 1792, t. Ier, p. 296.)

24 Nicolas Bergasse, publiciste, avocat au parlement de Paris, député de Lyon à l’Assemblée constituante (1750-1832), par Léopold DE GAILLARD, p. 100. Voyez aussi Gazette de France, du 9 juin 1832.

25 Député de la noblesse des pays et jugerie de Rivière-Verdun, Gaure, Léonae et Marestaing.

26 Cette lettre de Cazalès au roi et le texte complet de sa lettre au président de la Convention nationale ont été publiés par le comte de Falloux, dans son livre sur Louis XVI, p. 359.

27 Le comte Louis de Narbonne, ministre de la guerre du 7 décembre 1791 au 10 mars 1792.

28 Voyez ces interrogatoires au tome II, p. 269 et suiv. de l’Histoire de la Terreur, par M. MORTIMER-TERNAUX.

29 L’ordre donné par Pétion à la garde du château de repousser la force par la force.

30 Histoire de la Révolution de France, par A.-F. Bertrand DE MOLEVILLE, ministre d’État, 1802, tome X, p. 453. – Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, par C.-F. BEAULIEU, 1803, t. IV, p. 278.

31 Histoire de la Révolution française, par Charles LACRETELLE.

32 Sur le refus de Target, voyez une lettre de son petit-fils, insérée par Alfred Nettement dans ses Études critiques sur les Girondins (janvier 1848), et le volume publié, en 1893, par M. Ph. Target, sous ce titre : Un Avocat du XVIIIe siècle. Target fit répandre, au cours du procès, des Observations sur le procès de Louis XVI, signées de son nom et concluant contre la condamnation. Mais cette brochure fut loin de détruire l’effet produit par sa lettre à la Convention nationale. Aussi, lorsque son successeur à l’Académie française, le cardinal Maury, vint prendre séance à sa place, le 6 mai 1807, il se vit condamné à dire de lui : « M. Target s’était attiré au plus haut degré, à l’époque de l’exil du Parlement, la faveur de son tribunal et de son ordre, par ce même silence qui depuis... Mais alors il ne lui mérita que des éloges dans une nation qui juge surtout les hommes publics par le double courage de leur caractère et de leurs principes. »

33 Archives nationales, c. II, dossier 304. – Moniteur du 25 décembre 1792.

34 Histoire de Troyes pendant la Révolution, par M. Albert BABEAU, t. II, p. 22.

35 Gensonné vota pour la mort et contre le sursis.

36 Séance du 14 novembre 1792. Moniteur du 15. – Le Moniteur appelant M. Huet de Guerville M. Huet tout court, M. Louis Blanc a cru devoir le raccourcir encore et en a fait M. Hue (Histoire de la Révolution, t. VII, p. 501).

37 Opinion de Huet de Guerville sur le procès de Louis XVI.

38 Archives nationales, c. II, 59, 304.

39 Histoire de la Terreur, par MORTIMER-TERNAUX, t. I, p. 278.

40 Procès-verbal de la Convention nationale, imprimé par son ordre, t. IV, p. 221. – Les lettres de Malesherbes, de Sourdat, de Huet de Guerville et de Menildurand existent encore aux Archives ; on n’y trouve pas celle de Guillaume.

41 La Convention décida le 15 décembre que Louis serait entendu pour la dernière fois le mercredi 26 ; elle décréta en même temps que quatre commissaires, pris dans son sein, se transporteraient immédiatement au Temple et remettraient à Louis et à ses conseils une expédition des pièces qui ne lui avaient pas encore été communiquées. Commencée avant quatre heures du soir, cette opération se prolongea jusqu’à minuit. Effrayé par la masse énorme de pièces sur lesquelles s’appuyait l’accusation, et craignant que le temps ne leur manquât pour les étudier et y répondre, Malesherbes et Tronchet, par une lettre lue à la Convention au début de la séance du 17, demandèrent que, vu la brièveté du délai accordé, M. Desèze leur fût adjoint dans la défense qui leur était confiée. Cette demande ayant été accueillie, Desèze se rendit le jour même au Temple. – Desèze était alors, suivant l’expression des Révolutions de Paris, un illustre de l’ancien barreau de la capitale, et non, comme le dit Louis Blanc, t. VIII, p. 2, un jeune avocat de Bordeaux.

42 « Sur six cents avocats, on n’en trouva pas cinquante qui fussent disposés à reprendre l’exercice de la profession. » (Souvenirs de M. Berryer, doyen des avocats de Paris de 1774 à 1838, t. I, p. 117.)

43 Souvenirs de M. Berryer, t. I, p. 146.

44 Biographie universelle, de MICHAUD, t. XLVI.

45 Archives nationales, carton C., II, 59, dossier 304.

46 Archives nationales. – Christophe Lavaux (1747-1836) avait été reçu avocat aux conseils en 1787, la même année que Danton. Outre divers ouvrages de jurisprudence, on lui doit une curieuse brochure, publiée en 1815 sous ce titre : Les Campagnes d’un avocat ou Anecdotes pour servir à l’histoire de la Révolution.

47 Archives nationales.

48 Correspondance du comte de Serre, t. Il, p. 109. – Biographie des hommes vivants, t. V, 1819.

49 Histoire du gouvernement parlementaire, par M. DUVERGIER DE HAURANNE, I. III, p. 293.

50 Dans leur poème-pamphlet, très spirituel d’ailleurs, Barthélemy et Méry représentent M. de Villèle sous les traits d’un Sardanapale mangeant la France dans de riches banquets, sous la figure d’un Minotaure

            Dont la dent terrible dévore

            Et notre fortune et nos lois.

Et l’homme auquel s’adressaient ces injures, appelé au mois de novembre 1820 à prendre part, comme ministre d’État, aux délibérations du conseil des ministres, avait mis pour condition à son acceptation qu’il ne recevrait aucun traitement. Nommé ministre des finances, en décembre 1821, il avait droit à une somme de 25 000 francs, pour frais d’installation : il la refusa. Louis XVIII l’éleva, le 4 septembre 1822, à la dignité de président du Conseil. Un supplément de 50 000 francs de traitement annuel était attaché à ces fonctions : il le refusa. Lorsqu’il sortit du ministère en 1828, Charles X exigea de lui qu’il acceptât la pension de ministre d’État ; cette pension fut inscrite au grand livre. Il s’empressa d’y renoncer aussitôt après la Révolution de 1830. Chef de la majorité de la Chambre, ce Sardanapale doublé d’un Minotaure écrivait à sa femme, à Toulouse : « Vends toujours du maïs, de manière à avoir devant toi un millier de francs. » Tempi passati !

51 Biographie moderne, t. III. – Biographie des hommes vivants, Supplément, t. IV, 2e partie. – Archives de la Cour de Cassation.

52 Théodore MURET, l’Histoire par le Théâtre, t. Ier, p. 145. – Histoire de Troyes pendant la Révolution, par M. Albert BABEAU, t. II, p. 404.

53 Ducancel, né à Beauvais en 1776, est mort en 1835. M. Louis Moland a réimprimé, dans Le Théâtre de la Révolution (un vol. in-18, 1877), l’Intérieur des comités révolutionnaires.

54 Les otages de Louis XVI et de sa famille, par M. B. 1814.

55 Claude-Pierre Bouvier était né à Dôle en 1759. Il devint, sous l’empire, procureur général à la cour d’appel de Besançon et vice-président du Corps législatif. Sous la Restauration, membre de la Chambre des députés, puis procureur général à Limoges, il fut nommé, par ordonnance du 4 juillet 1820, président honoraire à la cour royale de Besançon.

56 M. Louvel de Valroger, né à Granville le 5 septembre 1767, avait fait ses études au collège d’Harcourt, sous la direction de son grand-oncle, conseiller à la Chambre des comptes. À la suite de l’assassinat du duc de Berry par Louvel, il fut autorisé, par une ordonnance du 28 juillet 1820, à porter exclusivement, lui et les siens, le nom de Valroger.

57 Défense préliminaire de Louis XVI, par F.-N. FOULAINES, n° 1, 3 décembre 1792. – Louis XVI et ses défenseurs, t. Ier, Ire partie, no 5.

58 Antoine-René de Voyer d’Argenson, marquis de Paulmy (1722-1787), chancelier de la reine Marie-Antoinette. Sa précieuse et très considérable bibliothèque, devenue la propriété du comte d’Artois, est aujourd’hui la bibliothèque de l’Arsenal.

59 Archives nationales, carton W, 354, dossier 737.

60 Études critiques sur les Girondins, par Alfred NETTEMENT, p. 132. – M. de Pastoret devint, sous la Restauration, membre de l’Académie française (1820) et chancelier de France (1829). En 1834, il fut choisi par Charles X pour tuteur des enfants du duc de Berry. Il est mort le 28 septembre 1839. Son principal ouvrage, l’Histoire de la législation des anciens peuples (1817-1837, 11 volumes in-8), est une œuvre de premier ordre, où marchent de pair la sûreté de l’érudition et l’élégance du style.

61 Voy. Moniteur de 1792, nos 165, 178, 195, 199 et 207.

62 « Faire porter le serment, a dit un écrivain protestant, M. de Pressensé, directement sur la constitution civile du clergé, c’est-à-dire sur une mesure qui blessait profondément la conscience d’un nombre considérable de prêtres honorables, c’était transformer la résistance en un devoir sacré..., c’était jeter un défi à des convictions respectables et entrer dans une voie au bout de laquelle étaient la dictature et la proscription. » (L’Église et la Révolution française, p. 140).

63 Archives nationales, carton C, II, 59, dossier 304.

64 Sur Brun de Condamine et sa captivité à la Bastille, voir, dans mes Légendes révolutionnaires, le chapitre II, la Bastille sous Louis XVI.

65 Archives nationales, fo 4.674. – Je suis redevable de la connaissance de cette pièce intéressante à une gracieuse communication de M. Alfred Bégis.

66 Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, par H. WALLON, t. II, p. 451.

67 Archives nationales.

68 Collection de M. le baron F. Feuillet de Conches, qui avait bien voulu nous autoriser à prendre copie de toutes les pièces de son cabinet relatives au procès de Louis XVI.

69 Cabinet de M. Feuillet de Conches.

70 Archives nationales.

71 Biographie universelle, de MICHAUD ; Supplément, t. LX.

72 Mémoires de l’abbé GUILLON, t. Ier, p. 92.

73 GUILLON DE MONTLÉON, p. 93.

74 Procès-verbal de la Convention nationale imprimé par son ordre, t. IV, p. 232.

75 Archives nationales. – Moniteur du 17 décembre.

76 Elle s’appelait Marie Gouges, veuve de Louis-Yves Aubry, et était née à Montauban, le 7 mai 1748. Elle fut guillotinée le 3 novembre 1793.

77 La Feuille du matin ou Bulletin de Paris, n° 29, 24 décembre 1792.

78 Cabinet de M. Feuillet de Conches.

79 Cabinet de M. Feuillet de Conches, qui a donné un fac-similé de cette lettre au tome VI de son ouvrage sur Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth.

80 Biographie universelle, Supplément, t. LXVI. – Biographie moderne, t. Ier. – Biographie des contemporains, t. III. – Louis XVI et ses défenseurs, t. Ier. – Histoire de Troyes pendant la Révolution, par L. Albert BABEAU, t. II, p. 20.

81 Gazette de Paris, ouvrage consacré au patriotisme, à l’histoire, à la politique et aux beaux-arts par de ROZOI, du 1er octobre 1789 au 10 août 1792. – 6 vol. in-8.

82 Les Otages de Louis XVI, par M. B. Un vol. in-8, 1814. – L’auteur de ce livre est M. T.-P. Boulage, né à Orléans le 25 mars 1769, mort à Paris le 20 mai 1820. L’un des otages de 1791, avocat à Auxerre, puis à Troyes, il devint, en 1810, professeur de droit français à la Faculté de Paris.

83 Ange-François-Charles Bernard, président honoraire à la Cour des aides, demeurait à Paris, rue Saint-Marc. (Almanach royal de 1789.)

84 Mémoires du chancelier Pasquier, t. Ier, p. 65.

85 Cette lettre était signée Bonneville, Jeannin, procureur au parlement de Paris, Baudelot fils, élève à l’École royale militaire d’Auxerre, Caverot fils, avocat, Bourdeaux, avocat, Boulage, avocat. L’arrestation de M. Bonneville et de ses compagnons eut lieu le 3 août 1791.

86 Liste générale des otages de Louis XVI et de sa famille, par M. B. (M. Soulage), 1814.

87 « L’engagement de Guélon-Marc, dit l’auteur des Otages de Louis XVI, p. 134, est un chef-d’œuvre de sensibilité. »

88 Le chevalier d’Antibes s’était signalé, dès le commencement de la Révolution, par son zèle pour la famille royale. Le jour où il présentait à l’Assemblée nationale la pétition et la lettre de M. de Rozoi, il faisait imprimer dans les journaux une variante de la romance de Blondel dans Richard Cœur-de-Lion :

            Ô Louis ! ô mon roi !

            Notre amour t’environne !

En 1792, il publia un écrit intitulé Marie-Antoinette, reine de France, à la Nation. En 1793, le chevalier d’Antibes avait été déjà arrêté neuf fois. Il réussit à gagner la Vendée et ne revint à Paris qu’en 1797. Sous le Consulat, il fut arrêté pour la dixième fois et subit au Temple une longue détention. Lorsqu’il en sortit au mois d’avril 1805, ce fut pour être envoyé en surveillance à Orléans, et son exil ne prit fin qu’à la rentrée du roi, en 1814. (Biographie des hommes vivants, 1816, t. Ier. – Biographie des contemporains, t. Ier.)

89 L’original de la lettre de Mlle de La Rochejaquelein, datée du château de la Durbelière, août 1791, est exposé dans l’une des salles des Archives nationales.

90 Bulletin du tribunal du 17 août, n° 3.

91 Déclaration du juré Antonelle. – H. WALLON, Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, t. II, p. 340.

92 Les Martyrs de la foi pendant la Révolution française, par l’abbé GUILLON, t. IV, p. 14.

93 Histoire des Girondins et des massacres de Septembre, par A. GRANIER DE CASSAGNAC, t. II, p. 346.

94 Jacques-Marie Boyer-Brun, rédacteur du Journal du peuple, fut guillotiné le 20 mai 1794. Un autre Boyer, également journaliste, Pascal Boyer, ancien rédacteur de la Gazette universelle, avec Cerisier et Michaud, fut guillotiné le 7 juin 1794.

95 Bulletin du tribunal révolutionnaire, Ire partie, no 74.

96 Voy. dans la Notice biographique sur P. Corneille, en tête de l’édition de ses Œuvres, par M. Ch. MARTY-LAVEAUX, la Généalogie de P. Corneille. Consultez aussi LEPAN, édition des Œuvres de Corneille, 1817 ; – l’Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, par TASCHEREAU, 1829 ; – Maison et généalogie de Corneille, par BALLAIN, 1833 ; – Pierre Corneille (le père), par E. GOSSELIN, 1864 : – Charlotte de Corday et les Girondins, par Ch. VATEL, 1864-1872. Il est désormais hors de doute que Marie-Anne-Charlotte de Corday d’Armans était l’arrière-petite-fille du grand Corneille, et non son arrière-petite-nièce, comme le disent MM. Louis Blanc et Michelet.

97 Une première fois, du 22 octobre 1776 au 19 mai 1781 ; une seconde fois, du 25 août 1788 au 11 juillet 1789 ; une troisième fois, du 29 juillet 1789 au 4 septembre 1790.

98 Voir ci-dessus, chap. Ier.

99 Ministre de la guerre du 10 mars au 8 mai 1792.

100 Rapport fait à la Convention nationale, au nom de commission extraordinaire des Vingt-quatre, le 6 novembre 1792, l’an premier de la République, sur les crimes du ci-devant roi, dont les preuves ont été trouvées dans les papiers recueillis par le Comité de surveillance de la Commune de Paris, par DUFRICHE-VALAZÉ, député du département de l’Orne. – Le girondin Dufriche-Valazé n’a point démenti, dans la suite du procès de Louis XVI, ce que promettait un pareil début. Dans la séance du 11 décembre, où eut lieu l’interrogatoire du roi, Dufriche-Valazé, chargé de lui communiquer les pièces, s’acquitta de cette mission avec un air de mépris et d’inhumanité qui révolta les plus forcenés d’entre les démagogues. (Voy. Révolutions de Paris, n° 179 ; – Le Courrier des départements, n° du 14 décembre 1792 ; – Les Mémoires de BARÈRE). – Cinq jours après l’exécution de Louis XVI, le 26 janvier 1793, Dufriche-Valazé écrivait à ses commettants une lettre d’où j’extrais ce passage : « Mes amis, depuis le 1er octobre dernier, jour où j’ai été nommé membre de la Commission des Vingt-quatre, mon soin particulier a été l’examen et la vérification des pièces qui constatent les crimes de Louis Capet... J’ai recueilli ces titres et je les ai fait valoir autant qu’il était possible contre le grand coupable que nous avions à juger. Je suis le premier qui l’ai dénoncé, et si le ciel m’a donné quelque énergie, j’en ai fait usage dans cette circonstance. » Archives nationales, A F II 45. (Comité de salut public.)

101 Mme Septeuil, qui était restée à Paris, fut arrêtée et renfermée à la Force. Les commissaires de la commune lui enlevèrent 1 187 000 livres, tous ses diamants et 700 000 livres de la liste civile dont son mari était dépositaire.

102 Lettre de M. Bertrand de Moleville, ci-devant ministre de la marine, au président de la Convention nationale de France. Londres, le 16 novembre 1792. Bertrand de Moleville avait été ministre du 7 octobre 1791 au 15 mars 1792.

103 Histoire de la Révolution de France pendant les dernières années du règne de Louis XVI, par M. BERTRAND DE MOLEVILLE, ministre d’État, t. X, p. 208.

104 Ibidem, t. X, p. 212.

105 Histoire de la Révolution de France, par BERTRAND DE MOLEVILLE, t. X, p. 250.

106 Procès-verbal de la Convention nationale, t. III, p. 410.

107 Ibid., t. IV, p. 197.

108 Procès-verbal de la Convention nationale, séance du 15 janvier 1793, t. V, p. 298.

109 Ibid., t. V, p. 230.

110 Cette séance, ouverte à 10 h. 1/2 du matin, le 16 janvier 1793, ne fut levée que le 17, à 11 heures du soir.

111 Mémoires de Brissot, t. IV, p. 193.

112 Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), t, III, p. 82. Lettre de Mirabeau, du 10 mars 1791. – Mémoires du général de Lafayette, t. III, p. 85 et 376. – Voy. encore Mémoires de GARAT (Histoire parlementaire, de BUCHEZ et ROUX, t. XVIII, p. 447) ; – RŒDERER (Œuvres inédites), t. III.

113 Histoire de la Révolution française, par M. Louis BLANC, t. X, p. 409 et suivantes.

114 Voir ci-dessus, chapitre Ier.

115 Londres, chez Elmsly, 1792.

116 PLUTARQUE, Vie d’Agis.

117 Mémoires de Malouet, t. II, p. 364.

118  Voir ci-dessus, chapitre Ier.

119 Louis XVI et ses défenseurs, t. Ier, p. I. – 1817.

120 Le premier Dauphin, fils aîné de Louis XVI, né le 22 octobre 1781, mort le 4 juin 1789.

121 Souvenirs du général baron Thiébault, t. I, p. 286, 348. – 1893. Dieudonné Thiébault mourut le 5 décembre 1807. On a de lui, outre plusieurs écrits sur la grammaire, sur l’origine et la formation des langues, un très curieux ouvrage paru en 1804 et qui ne forme pas moins de cinq volumes : Mes Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, ou Frédéric le Grand, sa famille, sa cour, son gouvernement, etc.

122 Rapport et projet de décret, présentés à la Convention nationale, au nom du comité de législation, par Jean MAILHE, député de la Haute-Garonne.

123 Cette collection, publiée par Dugour sous ce titre : École de politique, comprend douze volumes in-8o.

124 Garnier (1729-1805), membre de l’Académie des inscriptions, historiographe de France et continuateur de l’Histoire de France de Velly et de Villaret. Il a écrit la partie qui s’étend de Louis XI au règne de Charles IX.

125 Billaud-Varenne, député de Paris, et Marie-Joseph Chénier, député de Seine-et-Oise, ont voté la mort, contre l’appel du peuple et contre le sursis.

126 Le chevalier de Boufflers (1737-1815), membre de l’Académie française et député de la noblesse du bailliage de Nancy aux États généraux, avait, le 26 novembre 1789, en qualité de directeur de l’Académie, adressé au roi et à la reine un discours empreint des sentiments les plus profondément royalistes.

127 Défense préliminaire de Louis XVI, par F.-N. DE FOULAINES, p. 25, 26, 31.

128 M. Emery avait été nommé supérieur général de Saint-Sulpice le 10 septembre 1782.

129 Né à Doué, près de Saumur, le 18 janvier 1756, mort à Paris, le 26 octobre 1820.

130 BEAULIEU (Claude-François), publiciste et historien, né à Riom en 1754, mort à Paris en 1827. Il fonda, le 27 juin 1789, le journal l’Assemblée nationale, consacré à la reproduction des séances de la Constituante, et travailla à la rédaction des Nouvelles de Paris en 1790, du Postillon de la guerre en 1792 et du Courrier français en 1793. Arrêté le 8 brumaire an II (29 octobre 1793), il fut détenu à la Conciergerie, puis au Luxembourg, jusqu’à la chute de Robespierre. À peine sorti de prison, il redevint journaliste, ce qui lui valut d’être proscrit une seconde fois : le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), il fut porté sur une liste de déportation, comme directeur du journal royaliste le Miroir, mais fut assez heureux pour échapper aux agents du Directoire. – Beaulieu, outre le Diurnal de la Révolution de France pour l’an de grâce 1797, ou histoire, jour par jour, de l’année 1793, a publié cinq volumes intitulés : Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution française (1801-1803). De 1813 à 1826 il a rédigé, pour la Biographie universelle de MICHAUD, des notices sur la plupart des hommes qui avaient figuré dans la Révolution. Peu d’écrivains ont mieux connu cette époque, et encore aujourd’hui je ne sais s’il existe sur la Révolution française un meilleur ouvrage que les Essais historiques de Beaulieu.

131 Date de l’exécution de Charles Ier.

132 Louis-Joseph de Montmorency-Laval, évêque de Metz, grand aumônier du Roi.

133 Le 28 février 1791. Ce jour-là, la populace s’était portée à Vincennes, pour attaquer et démolir le donjon, comme elle avait attaqué et démoli la Bastille. Le bruit courut qu’au retour de cette expédition les émeutiers se porteraient sur les Tuileries. Un grand nombre de royalistes s’y réunirent pour faire au roi un rempart de leur corps. Dans la soirée, La Fayette, à la tête de quelques compagnies de grenadiers de la garde nationale, pénétra au château et en expulsa les défenseurs de Louis XVI. Comme la plupart avaient des armes, les feuilles révolutionnaires les appelèrent les « Chevaliers du poignard ».

134 Frédéric MASSON, le Département des Affaires étrangères, pendant la Révolution, p. 515.

135 La Voix du Théiste philanthrope à la Convention nationale, p. 5.

136 WALLON, Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, t. III, p. 230.

137 François Suleau, par Auguste VITU, p. 133.

138 Mon agonie de trente-huit heures, par JOURGNIAC DE SAINT-MÉARD.

139 Feuillant (Étienne), né à Brassac (Auvergne), avocat au parlement de Paris. Fidèle à ses principes royalistes, il fonda en 1814 le Journal général de France. Dénoncé pendant les Cent-Jours à la Chambre des représentants, il fut arrêté et conduit à la Force. À la seconde restauration, il fut élu par le département de Maine-et-Loire à la Chambre des députés. En 1818, il publia un livre de philosophie politique, les Lois fondamentales. Il est mort, en 1840, en Anjou. En tête de ses amis figuraient Michaud, l’historien des Croisades, et Berryer. (Notice nécrologique sur Étienne Feuillant, dans la Gazette de France du 26 juillet 1840.)

140 Frère du célèbre abbé Royou, Corentin Royou, né à Quimper le 2 mars 1749, est mort à Paris en 1828. Au 18 fructidor, il fut déporté à l’île d’Oléron. On lui doit de bons résumés historiques, les tragédies de Phocion (1817) et de la Mort de César (1822), et une comédie en vers, le Frondeur (1819).

141 Il s’était réfugié dans le département de l’Ain, ou il fut arrêté et jeté en prison. Le 9 thermidor le rendit à la liberté.

142 Supprimé au 18 fructidor, le journal de Suard reparut successivement sous les titres de : le Nouvelliste, le Narrateur universel, le Narrateur politique, et enfin le Publiciste. Il conserva ce dernier titre du7 nivôse an VI (27 décembre 1797) jusqu’au 1er novembre 1810, époque à laquelle cessa sa publication.

143 Parisau (Pierre-Germain), né à Besançon en 1753, auteur dramatique et journaliste. Ses principales pièces sont Julien et Colette, le Ruban, la Veuve de Cancale, jouée aux Italiens, le Prix académique, comédie en un acte et en vers, représentée par les comédiens français, le 28 août 1787.

144 Desprès (1752-1832), appelé par Fontanes à faire partie du conseil de l’Université, était un écrivain du savoir le plus varié, du goût le plus sûr et le plus élégant. On lui doit une traduction d’Horace, faite en société avec M. Campenon, et une traduction de Velleius Paterculus. Emprisonné en octobre 1794, il resta neuf mois à Saint-Lazare, où il occupa la même chambre qu’André Chénier.

145 Le vicomte de Ségur (1756-1805), maréchal de camp en 1788, avait quitté le service au commencement de la Révolution. Il réussit dans le roman, la comédie et la chanson. Lorsque son frère, l’ancien ambassadeur de Louis XVI en Russie, devint maître des cérémonies sous Napoléon, le vicomte, pour se distinguer de lui et pour s’en railler un peu, s’écrivait volontiers chez ses amis : Ségur sans cérémonies. – Arrêté en même temps que son ami Desprès, il a publié le récit de sa captivité sous ce titre : Ma Prison, depuis le 22 vendémiaire jusqu’au 10 thermidor. L’an III de la République, par le citoyen Alexandre Ségur le cadet, in-8 de 30 pages.

146 La Feuille du matin, no 18, 13 décembre 1792.

147 Le Véridique ne compte que dix numéros d’octobre 1792 à mars 1793, époque à laquelle il cessa de paraître. – Voir Eugène HATIN, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, p. 238.

148 Moniteur de 1793, no 33.

149 Ibidem.

150 Elle porte en tête l’indication suivante : À Rouen et se trouve à Paris chez les défenseurs de Sa Majesté.

151 Gautier et La Pie de Lafage furent arrêtés dans les premiers jours de janvier 1793 (Journal des Débats et des décrets de la Convention nationale, séance du 9 janvier 1793).

152 Histoire parlementaire de la Révolution française, par BUCHEZ et ROUX, t. XXIII, p. 22.

153 Journal des Débats et des décrets de la Convention nationale, janvier 1793, p. 24.

154 Extrait du procès-verbal de la Convention nationale du 13 janvier 1793, l’an premier de la République française, p. 4.

155 Cabinet de M. le baron F. Feuillet de Conches.

156 Ibidem.

157 Bulletin du tribunal révolutionnaire, 1re partie, p. 394.

158 Chronique nationale et étrangère, no 100.

159 Journal des Débats et des Décrets de la Convention nationale, janvier 1793, p. 172.

160 Bulletin du tribunal révolutionnaire. – Archives nationales, carton W, 285, dossier 131.

161 Journal des Débats et des Décrets de la Convention nationale, janvier 1793, p. 174.

162 Mercure français, no du 22 décembre 1792.

163 La Feuille du matin, no LXXXXI.

164 De janvier 1788 à juin 1791.

165 Notice sur la vie et les ouvrages d’André de Chénier, par M. Gabriel DE CHÉNIER (neveu du poète).

166 Ibid.

167 Le savant éditeur d’André Chénier, M. L. Becq de Fouquières, les a reproduits, en 1872, dans sa remarquable édition des Œuvres en prose ; mais l’ordre qu’il a suivi semble peu logique. Il commence par l’adresse aux Habitants des campagnes et il finit par le projet d’une lettre de Louis XVI aux députés de la Convention. Ce projet de lettre, ainsi que le projet de pétition à la Convention, en vue de réglementer les conditions du vote dans les assemblées primaires, ont dû bien évidemment précéder la rédaction de l’écrit aux Habitants des Campagnes.

168 Revue rétrospective, 2e série, t. IX, et 3e série, t. Ier.

169 M. Pasquier de Coulans, conseiller de grand-chambre au parlement de Paris.

170 « Voir sur ce fait ce qui est dit à la page 401 du deuxième volume de l’Histoire du procès de Louis XVI, publiée en 1814 par M. Maurice Méjan. » (Note du chancelier Pasquier.)

171 Mémoires du chancelier Pasquier, t. 1er, p. 84.

172 Hyde de Neuville, né à la Charité-sur-Loire, le 24 janvier 1776, mort à Paris, le 28 mai 1857, a été, sous la Restauration, ministre de la marine dans le Cabinet Martignac (1828-1829).

173 Roux de Laborie, né en 1769, mort en 1840. Marmontel dit de lui dans ses Mémoires : « Le jeune homme qui avait pris soin de nous lier, M. de Sèze et moi, était ce Laborie, connu dès dix-neuf ans par des écrits qu’on eût attribués sans peine à la maturité de l’esprit et du goût... âme ingénieuse et sensible,... aimable et heureux caractère. » Avant le 10 août 1792, Roux de Laborie avait été secrétaire de M. Bigot de Sainte-Croix, dernier ministre des affaires étrangères sous Louis XVI. Au mois d’avril 1814, il remplit les fonctions de secrétaire adjoint du gouvernement provisoire et eut une grande part aux évènements de cette époque.

174 Charles de Lézardière, né au château de la Verrie, en Poitou, quitta Paris après la mort de Louis XVI et prit part à la guerre de la Vendée, en qualité d’aide de camp de Charette. Membre de la Chambre des députés sous la Restauration, il s’y fit remarquer par la modération de ses idées non moins que par son talent. – Sa sœur, Mlle Marie-Charlotte-Pauline de Lézardière, a composé, sous ce titre : Théorie des lois politiques de la monarchie française, un ouvrage dont un bon juge, M. Guizot, a pu dire : « Avant Mlle de Lézardière, l’histoire de France était un livre fermé ; c’est elle qui l’a ouvert la première. » – Ses deux frères, l’un lieutenant de vaisseau, l’autre élève de marine, n’échappèrent aux massacres de septembre que pour être guillotinés le 19 messidor an II (7 juillet 1794). M. Émile Campardon (le Tribunal révolutionnaire de Paris, t. II) et M. Henri Wallon (t. III et VI) les désignent ainsi : Robert, dit Désardières (Jacques-Paul), et Robert, dit Désardières (Sylvestre-Joachim). Leur vrai nom est Robert de Lézardière. – Avant le procès du roi, Charles de Lézardière avait déjà perdu un frère, qui avait péri dans les massacres de septembre.

175 Mémoires et Souvenirs du baron Hyde de Neuville, t. Ier, p. 36.

176 POUJOULAT, Histoire de la Révolution française, t. Ier, p, 396. – M. Poujoulat tenait ces détails de M. Roux-Laborie lui-même.

177 Voir Mémoires et Souvenirs du baron Hyde de Neuville, t. Ier, ch. Ier.

178 M. Malesherbes vit Louis XVI le 17 janvier pour la dernière fois. Les 18, 19 et 20 janvier, il se présenta au Temple, mais sans pouvoir être admis.

179 « Avec quelle joie, dit Lacretelle, je montais tous les matins la rue des Martyrs où était son hôtel ! Combien de fois depuis je me suis rappelé le nom en quelque sorte prophétique de cette rue ! » Testament philosophique et littéraire, t. Ier, p. 311.)