Clemens Brentano

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Gottfried BOHNENBLUST

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’esprit maître des mouvantes profondeurs de l’âme et les contraignant à une obéissance de tous les instants, la volonté capable de conjurer et d’asservir les forces de l’inconscient, – c’est là ce que le premier romantisme entendait par sa « poésie de la poésie » : triomphe de la poésie sur la vie, toute-puissance, en l’homme, de l’élément créateur. Pour les Schlegel, ce fut un postulat, pour Wackenroder un pressentiment, pour Tieck une tentative, et pour Novalis sa réalité poétique.

Les romantiques de la seconde génération conférèrent à l’unité de la pensée et de la poésie un sens nouveau. Chez eux, toute pensée se résorbait dans l’acte libre de la création poétique. Nostalgie et recherche, espoir, foi et amour, tout prend forme de chant : jusqu’à l’instant où, en face de l’éternité, le chant lui-même se tait.

 

        Alle Sonnen meines Herzens,

        Die Planeten meiner Lust,

        Die Kometen meines Schmerzens

        Klingen hoch in meiner Brust.

        In dem Monde meiner Wehmut,

        Alles Glanzes unbewusst,

        Muss ich singen und in Demut

        Vor den Schatzen meines Innern,

        Vor den Armut meines Lebens,

        Vor den Gipfeln meines Strebens,

        Ewger Gott, mich dein erinnern :

        Alles andre ist vergebens 1.

 

Cette grâce, Eichendorff la connut dans la suprême sérénité du cœur ; Mörike la reçut dans la paix de l’âme profonde ; pour Brentano, ce fut un hymne puissant.

 

 

I

 

La mère de Brentano, Maximiliane, née Laroche, avait été l’amie de jeunesse de Goethe ; sa grand-mère, Sophie, celle de Wieland. Son père, originaire des rives du lac de Côme, était devenu négociant à Francfort. L’ardeur méridionale se perpétua chez les enfants de ce couple étrange : une vive flamme étincelait dans leurs yeux, les ondes de l’esprit, inlassablement, se soulevaient en ces êtres, assoiffés d’un bonheur inaccessible.

De bonne heure, Clemens perdit sa mère, que ne purent remplacer les soins de mains étrangères. À peine son père, déjà âgé, s’était-il remarié, qu’il moulut à son tour. L’enfant alors demande au rêve ce que la vie lui refuse : le monde des féeries apparaît au-dessus de la réalité, « tel le ciel étoilé au-dessus de la mare aux grenouilles ». Il donne à cette patrie de l’âme le nom de Vaduz, comme Mörike appellera Orplid son île imaginaire. Tout cela n’annonce certes pas l’éclosion d’un réalisme poétique. La mère de Goethe prévoit le destin de Brentano : « Ton royaume est dans les nuages et non point d’ici-bas ; et chaque fois qu’il entrera en contact avec la terre, il y aura des larmes. »

« Sentimentalité profonde » : tel est, à en croire Eichendorff, le trait dominant de Brentano. Mais, en ses meilleurs instants, cet abîme du sentiment n’a pas englouti de vains soupirs. Du, fond du gouffre montèrent l’allégresse, le cri de désespoir, le chant d’amour.

Inapte, et d’ailleurs nullement enclin à reprendre la direction des affaires paternelles, le jeune homme entreprit des études universitaires. Quittant Francfort, il gagne Iéna, centre du premier romantisme. Ce n’est pas la philosophie qui l’attire. Il a peu de mémoire, très peu d’ordre, une imagination effrénée, une belle richesse de musique intérieure. Il n’a pas vingt-trois ans, qu’il a déjà écrit son roman romantique, fait en même temps de sauvage abondance, de complication désordonnée, de confession crue et de libre jeu. Et ce « Godwi » renferme la première grande ballade romantique, « Lore Lay », où se rencontrent l’antique effroi qu’inspirait le rocher de Lorelei et son écho, le charmant paysage rhénan de Bacharach, le profond miracle et les profondes épouvantes de l’amour, et le triomphe de l’imagination.

Ne connaissant alors aucune loi en dehors de lui-même, le jeune poète est à ses propres yeux un vrai poème. Sa destinée vagabonde traverse deux mariages, avec Sophie Mereau, son aînée, poète elle aussi, puis avec une jeune diablesse, Augusta Busmann. Vaguant de pays en pays, toujours déçu, il accumule les tentatives, poursuit espérance sur espérance. Implacable, le désespoir l’attend au terme de chaque voyage. Depuis longtemps, les journées romantiques de Heidelberg, les années errantes de Bohème et de Vienne, sont enfuies. Son beau-frère et sa sœur, Achim et Bettina von Arnim, l’ont attiré vers le nord. Et voici qu’il y rencontre la poétesse Luise Hensel qui le perce à jour, le bouleverse, le comble de bonheur et le brise. Elle ne peut ni ne veut être à lui elle-même déjà s’engage sur la voie du retour à l’Église, où elle sera son guide. Les chants les plus vigoureux de Brentano, longtemps ignorés, s’élèvent alors de son cœur.

 

        Schweig Herz, kein Schrei !

        Denn alles geht vorbei !

        Doch dass ich auferstand

        Und wie ein Irrstern ewig sie umrunde,

        Ein Geist, den sie gebannt,

               Das hat Bestand 2 !

 

Vingt-cinq ans s’écoulent entre la confession générale de Brentano et sa pieuse fin. Ni béatitude naïve, ni triomphe de l’apôtre converti : pèlerin en haillons accablé d’une mortelle lassitude, il s’est « endormi en pleurant au pied d’une croix, quelque part sur le chemin qui mène de Babylone à Jérusalem ». Pendant des années, il reste au chevet de la nonne Catherine Emmerick, notant ses visions des « amères souffrances du Christ » et de la vie de Marie. Après la mort de la stigmatisée, il erre de lieu en lieu : Coblentz, Francfort, Ratisbonne, Munich. Prêtre, il ne peut le devenir. Poète, il ne veut plus l’être. Il mourut chez son frère Christian, à Aschaffenburg, et il y repose, non loin de sa patrie rhénane.

 

 

II

 

Après sa conversion, Brentano ne voulait plus entendre parler de poésie. Il n’y voyait désormais qu’ivresse et poison, mensonge et épouvante ; la poésie est miroir d’elle-même, non point de Dieu, qui seul est éternel. Mais peu avant sa mort, il définit les limites que l’erreur romantique avait mises jadis à sa propre poésie : Goethe seul, dit-il, fut grand, parce qu’il savait le prix de la mesure ; pour lui la seule liberté fut la loi de la cristallisation.

Cependant, si peu goethéennes qu’aient été sa vie, ses exaltations et sa poésie, il portait en lui la musique, à laquelle le premier romantisme déjà avait voulu emprunter les éléments d’un nouveau lyrisme allemand. Chez lui, après l’art visuel, c’est la musique et la beauté qui réjouit l’oreille. Ni statues ni tableaux, mais le chant de l’âme. C’est là qu’il est un maître : aujourd’hui, près d’un siècle après sa mort, nous le sentons mieux que jamais.

La grande édition de Carl Schüddekopf, qui pour la première fois depuis l’ancien recueil de Christian Brentano, tente de réunir l’œuvre entier, et qui se poursuit en dépit de tous les obstacles depuis 1909, n’est pas encore achevée. Mais grâce à elle, enfin, on peut porter un jugement d’ensemble. « Jamais on n’a rien imprimé de moi, qui eût mon entière approbation ; tout ce qui a paru m’a été arraché dans des moments de désarroi intérieur. » Faut-il s’étonner que des remaniements tardifs de ses œuvres narratives soient restés sans succès ?

Brentano, qui avouait pour ses auteurs préférés Gottfried de Strasbourg, Boccace, Calderon et Hölderlin, a essayé de tous les genres littéraires, mais on ne le sent vraiment à son aise que dans la poésie lyrique, le conte et la nouvelle.

Ses drames sont tout pétillants d’humour romantique ; mieux encore, on y perçoit les grandes questions vitales que se pose le romantisme. Mais ni sa comédie, « Ponce de Léon », qu’il espéra vainement faire couronner par Goethe, ni sa « Fondation de Prague », anticipant sur la « Libussa » de Grillparzer, ni ses drames patriotiques, ne suffiraient à assurer la durée de son nom en dehors de l’histoire littéraire.

Son talent de narrateur est supérieur. De « Godwi », éloge informe de l’amour désordonné, nous avons vu que les parties lyriques méritaient de subsister. De la même époque juvénile date la « Chronique d’un écolier errant », simple ébauche tirée d’un récit du XIVe siècle, délicieux prologue d’une œuvre que nous ne pouvons qu’imaginer : mais nous l’imaginons avec un plaisir que l’on prend rarement à la lecture de fragments. Un charme délicat, dans ces quelques pages, évoque un moyen âge vivant, soudain tout proche et comme à portée de la main. L’art du narrateur, ici, est né de l’âme des poèmes, sans aucun mélange d’esprit acéré ou de raillerie ; il rappelle le paradis de l’inconscience. La magie verbale agit là sans violence, sans contrastes brutaux, sans grands gestes de charlatan.

 

        Es sang vor dangen Jahren

        Wohl auch die Nachtigall,

        Das war wohl süsser Schall,

        Da wir zusammen waren 3.

 

Pas un mot rare, pas une tournure recherchée, point d’énigme insoluble : une douce sorcellerie du son, du rythme, de l’ambiance, de la mélodie.

L’histoire du brave Kasperl et de la belle Annerl, écrite et publiée l’année même de la conversion (1817), dans un but de pieuse édification, réunit avec audace deux récits que la mère de Luise Hensel avait faits au poète : un peu comme Gottfried Keller devait le faire dans « Dietegen ». Un poème tiré du « Cor enchanté », le célèbre recueil de chansons populaires composé par Arnim et Brentano, relie les deux histoires : Brentano fait des deux personnages des fiancés, et leurs destinées se rejoignent dans la commune fatalité d’un sentiment dévoyé de l’honneur. Certes, cela ne va pas sans quelque artifice, et l’on est encore bien loin de la véritable nouvelle villageoise. Mais l’œuvre ne manque ni d’intérêt dramatique ni d’atmosphère ; et, ici encore, c’est la partie lyrique qui est la meilleure.

Les contes, qui ont accompagné Brentano durant toute son existence, ont été recueillis, après sa mort, par Görres. Dans cet art de l’imagination libre, analogue au rêve, qui ignore les limites de l’espace, du temps, de la personnalité, des valeurs, de la vie et de la mort, dans cet art des infinies possibilités, Brentano est dans son élément. Il partage cette prédilection avec toute l’époque romantique, de Tieck à Mörike et à Gottfried Keller. Cependant, pour lui, le conte de fées n’est pas forme apprise, mais vie vécue : à tel point qu’il faut une analyse minutieuse pour distinguer les inventions personnelles de Brentano de l’antique tradition et des emprunts qu’il fait au Napolitain Basile. On ne retrouvera pas chez lui le monde des contes de Grimm : chercheur, il s’intéressait davantage aux chansons populaires, qu’il traitait d’ailleurs avec une extrême désinvolture, comme si ce trésor anonyme n’eût attendu que de lui appartenir. Ses contes sont donc invention consciente, « poésie d’art » où il n’hésite même pas à mêler de la satire littéraire. Au fond, ce n’est pas Brentano qui raconte ces histoires aux enfants, mais l’éternel enfant Brentano qui s’amuse à ses propres récits.

Enfin, le poète projeta un cycle de romances qui devaient raconter et expliquer l’origine du rosaire : « Fata Morgana au-dessus de son paradis terrestre perdu. » De l’âge du Christ à la guerre civile de Bologne au XIIIe siècle, la courbe du poème devait être très vaste. Un crime très ancien devait être expié par l’invention du rosaire. Une fois de plus, les tercets sur lesquels s’ouvre l’œuvre narrent la vie du poète : de nouveau la poésie apporte ces aveux qu’elle semble voiler. Le plan parle du salut, les fragments écrits de la détresse et de la culpabilité de la créature humaine. L’oreille et la voix du grand poète lyrique se révèlent à la plénitude de la sonorité, des rimes, des assonances et de ces trochées espagnols qui, mieux encore que chez Herder, sont transposés dans le génie de la langue allemande. Ici encore, le chant secret est la véritable substance du poème.

Il en va de même dans la ballade, où « Lore Lay » montre de quelle perfection Brentano est capable. D’autres poèmes rappellent cette première réussite ; mais ils restent loin de sa puissance, à l’exception de « Treulieb », où le désespoir romantique fait entendre son terrible gémissement. Bien qu’il arrive à retrouver le ton de la chanson populaire, et même à lui conférer l’achèvement de l’œuvre d’art, Brentano n’est pas en-deçà de la civilisation consciente : mais il souhaite de la rejeter loin de lui, pour se perdre dans la communauté salvatrice qui fut celle des anciens âges, antérieurs à l’éveil de la conscience personnelle.

 

        Ich will kein Einzelner mehr sein.

        Ich bin die Welt, die Wellt ist mein 4.

 

Schiller venait de déclarer : « La seule chose que puisse nous donner un poète, c’est son individualité. » Brentano voit dans la personne la pire des tyrannies, après y avoir cherché l’absolue liberté ; il ne connaît ni mesure ni juste milieu, il se tient aux extrêmes. Dans l’illimité Goethe veut « se trouver » ; Brentano veut s’y perdre. Mais à peine s’est-il perdu que son chant s’élève des profondeurs : et alors, tout jeu conscient, si heureux, si sarcastique fût-il, se tait. Une voix s’éveille, qui remonte des origines lointaines. Et cet appel nous bouleverse. Aucune fuite n’est plus possible : les trompettes du jugement vous tirent du sommeil, la parole de l’Éternel met fin au rêve.

 

        Gott, dein Himmel fasst mich bei den Haaren.

        Deine Erde reisst mich in die Hölle.

        Herr, wo soll ich doch mein Herz bewahren,

        Dass ich deine Schwelle sicherstelle ?

        Also fleh ich durch die Nacht : da fliessen

        Meine Klagen hin wie Feuerbronnen,

        Die mit glühnden Meeren mich umschliessen.

        Doch inmitten hab ich Grund gewonnen,

        Rage hoch gleich rätselvollen Riesen,

        Memnons Bild. Des Morgens erste Sonnen

        Fragend ihren Strahl zur Stirn mir schiessen,

        Und den Traum, den Mitternacht gesponnen.

        Ueb ich tönend, um den Tag zu grüssen 5.

 

Après de pareilles images, l’oreille encore toute résonante de ces mélodies, comment parler des poésies politiques de Brentano ? Passons. Parmi les poésies amoureuses, il faut mettre au premier rang celles à Luise Hensel, où l’amour terrestre, sous l’effet d’un dernier choc bouleversant, se transforme en amour céleste.

 

        Dein Lied erklang. Es war kein Ton vergebens.

        Der ganze Frühling, der von Liebe haucht,

        Hat, als du sangest, nieder sich getaucht

        Im sehnsuchtsvollen Strome meines Lebens,

        Im Sonnenuntergang,

        Als mir dein Lied erklang 6.

 

Même quand Brentano compose des variations sur d’anciennes chansons, elles deviennent son bien propre. Seul « Ich hört’ ein Sichlein rauschen » a défié ses efforts : il n’y avait rien à y ajouter. La Berceuse prolonge de façon grandiose la vieille chanson de l’aigle qui, là-haut sur la tour, berce son petit : en bas, dans la tour, la mère berce son enfant, ses espérances s’envolent au loin, par-delà les mers, vers la Vierge à l’enfant. Puis, une fois encore, dans la dernière strophe, le cercle se fait plus vaste.

 

        Wohl über dem Monde

        Und Wolken und Wind

        Mit Szepter und Krone

        Steht Jungfrau und Kind.

        Hier unten ward’s Kindlein

        Am Kreuz ausgespannt,

        Dort oben wiegts Himmel

        Und Erd in der Hand 7.

 

Image et son, ici, ne font plus qu’un : comme si la nostalgie romantique, tendant à briser toute forme, à renverser toute barrière, avait fini par retrouver la voie et la voix de la perfection. Mais Brentano reste fidèle à lui-même. Le premier romantisme déjà avait rêvé de poèmes qui seraient devenus musique pure, qui n’auraient plus besoin d’aucun sens particulier, puisque le son signifierait tout et donnerait à entendre bien davantage que le sens de n’importe quels mots. À la limite de ce jeu, Brentano récrit à sa manière grave la vieille chanson du « Schnitter Tod » :

 

        O Stern und Blume, Geist und Kleid,

        Lieb, Leid und Zeit und Ewigkeit !

 

Ainsi commence la dernière strophe de ce nouveau « Moissonneur ». Mais il y a là davantage qu’un écrin de mots magiques. Chaque couple de mots renferme à son tour le contraste de ce que nous ne pouvons unir : ciel et terre, esprit et réalité éphémère, joie et peine, temps et éternité. Le poète, cependant, perçoit l’unité éternelle. La coexistence des puissances opposées subsiste, mais la création ne cesse pas d’être le monde de son créateur. À quel moment l’éternité cesserait-elle d’être éternelle ?

Et voici la poétique du romantisme accomplie pour devenir poésie romantique.

 

        Hör, es klagt die Flöte wieder,

        Und die kühlen Brunnen rauschen.

        Golden wehn die Töne nieder,

        Stille, stille, lass uns lauschen !

 

        Holdes Bitten, mild Verlangen,

        Wie es süss zum Herzen spricht !

        Durch die Nacht, die mich umfangen,

        Blickt zu mir der Töne Licht 8.

 

Gottfried BOHNENBLUST.

 

(Traduit de l’allemand par A. B.)

 

Paru dans les Cahiers du Sud en 1937.

 

 

 

 

 



1  « Tous les soleils de mon cœur, et les planètes de ma joie, les comètes de ma douleur, chantent bien haut dans mon cœur. Dans l lune de ma tristesse, ignorant de toute lumière, il me faut chanter, humblement, et à la vue des trésors de mon âme, devant le dénuement de ma vie, devant les sommets auxquels j’aspire, Éternel, il faut humblement me souvenir de toi. Tout le reste est vanité. »

2  « Tais-toi, mon cœur, pas un cri ! Car tout passe et s’enfuit ! Mais une chose demeure : je suis ressuscité, et pour l’éternité, astre errant, je tourne autour d’elle, je suis un esprit par elle ensorcelé. »

3  « Il y a bien des années, il chantait aussi, le rossignol. Et son chant était doux à entendre lorsque nous étions ensemble. »

4  « Je ne veux plus de cet isolement. Je suis l’univers ; l’univers est à moi. »

5  « Seigneur, ton ciel mie prend aux cheveux. Ta terre m’entraîne vers l’Enfer. Seigneur, où faut-il donc abriter mon cœur, pour que je puisse veiller au seuil de ton sanctuaire ?

« Ainsi, j’implore dans la nuit et voici s’épandre mes plaintes, comme des sources de feu qui m’environnent de mers enflammées. Mais au milieu de ces flots, j’ai pris pied, et je me dresse bien haut, semblable aux mystérieux géants, statue de Memnon ! Les premiers soleils du matin viennent, de leurs rayons interrogateurs, frapper mon front. Et le rêve qu’avait tissé minuit, je le poursuis dans mes chants, pour saluer la venue du jour. »

6  « Ton chant se fit entendre. Aucune note ne fut vaine. Le printemps tout entier, qui respire l’amour, s’est plongé, lorsque tu chantas, dans le flot nostalgique de ma vie, clans le coucher du soleil, lorsque pour moi ton chant se fit entendre. »

7  « Bien haut au-delà de la lune, et des nuages et du vent, avec son sceptre et sa couronne, se tient la Vierge avec l’enfant. Ici-bas, le petit enfant fut écartelé sur la croix. Là-haut, il berce le ciel et la terre dedans sa main. »

8  « Écoute, la flûte fait entendre sa plainte, à travers le murmure des fraîches fontaines. Entends-tu ? Voici la musique au souffle d’or. Silence ! Paix ! Laissons venir à nous ces sons.

Innocente prière, exquise nostalgie, qu’est douce la parole adressée à mon cœur ! À travers la nuit qui m’a environné, le regard lumineux des son descend vers moi. »

 

 

 

 

 

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