Sainte Germaine
par
Marguerite d’ESCOLA
La Briouletto de Pibrac (la Violette de Pibrac)
You boli de Pibrac festéja la briouletto,
La Germèno, nostro sor, uno pastoureleto.
Moi, je veux de Pibrac fêter la violette
Germaine, notre sœur, une jeune bergère...
(G. BERNÈS [1].)
Que se passe-t-il donc, ce matin, dans le petit village de Pibrac, en Gascogne ? Et quel visiteur illustre y est attendu ?
Le château, dont les tours massives dominent la colline, est envahi par la foule des serviteurs. En hâte, les villageois dressent des arcs de triomphe ; les tapissiers suspendent des courtines d’or et d’argent dans les hautes salles, où les tables du festin sont préparées. Un festin royal, car, ce matin, le seigneur Gui du Faur de Pibrac, chancelier de la reine Marguerite de Navarre et auteur des célèbres quatrains moraux, reçoit la reine de France, Catherine de Médicis, qui vient d’entreprendre le voyage de Guyenne et de Gascogne pour traiter des conditions de la paix avec les protestants. Depuis de longs mois, en effet, la guerre religieuse dévaste le pays et tout le Midi de la France est rouge de sang. Donc, la reine Catherine, quittant la grande ville de Toulouse, a passé de la rivé droite sur la rive gauche de la Garonne, c’est-à-dire du Languedoc en Gascogne. Maintenant, son carrosse gravit la pente du coteau de Pibrac. Au pied de ce coteau coulent un ruisseau, l’Aussonne, et son affluent, le Courbet. Plus loin, au delà des prairies, on aperçoit la forêt de Bouconne, aimée des loups.
Au delà du ruisseau, une longue chaîne de collines forme, à son sommet, une plaine assez vaste. Sur cette plaine, on voit plusieurs fermes et un hameau appelé le Gaïné. Non loin de ce hameau, une maison isolée montre ses toits roussis par le soleil. Cette ferme porte le nom de maître Laurent, mestre Laourent, dans la langue du pays. Et voici maître Laurent Cousin lui-même, debout sur le seuil de sa porte, dans ses habits de fête – car il va lui aussi saluer le cortège de la reine de France ; – maître Laurent, originaire des environs de Nantes, a mérité l’estime des gens de Pibrac, qui l’ont choisi comme consul (maire). Il possède quarante arpents de terre en bordure de la forêt de Bouconne. Il vend du bois et du charbon. Fermier des religieuses Clarisses et des contributions publiques, il tient même, à Toulouse, une boutique de chaussures et d’habits. Maître Laurent n’est pas, comme on le voit et comme certains l’ont cru, un homme pauvre. Il a été marié trois fois. Ses deux premières femmes mortes, il a épousé, à soixante ans, Marie Laroche, dont la santé lui donne du souci.
Il a l’air triste et soucieux, ce matin, Mestre Laurent, tandis qu’arrivé au pied du château il voit défiler en habits magnifiques, à côté du seigneur Gui du Faur de Pibrac, la reine de France, à la haute collerette godronnée, toujours vêtue de noir depuis son veuvage ; le dauphin, son fils, en pourpoint brodé ; le duc de Montpensier, la jeune princesse de Lorraine, et tant d’autres, tant d’autres, sans compter les pages, les gens d’armes et les écuyers. La population les applaudit et les acclame – dans son langage que les gens de la reine ne comprennent guère, car tout le monde ici parle gascon, cette langue d’oc qu’emploie la moitié de la France, et qui est celle même que le bon roi Henri apprit la première. – Il n’est pas ici, le bon roi Henri de Navarre, le futur Henri IV. Il est allé attendre, à l’Isle en Jourdain, sa femme, la reine Margot. Mais l’un et l’autre viendront, eux aussi, plus tard, à Pibrac, et peut-être y apercevront-ils, dans la foule, le bon mestre Laourent et sa dernière fille, la petite Germaine, une pauvre enfant bien menue, bien chétive, une infirme à la main paralysée et à la gorge gonflée d’écrouelles, une petite fille sans maman, car la sienne, Marie Laroche, la troisième femme de maître Laurent, vient de mourir.
La petite Germaine,
sa méchante belle-soeur Anne de Rajols
et la bonne Jeanne Aubier, sa servante
À l’atche de cinq ans, la Germèno, la paouro,
Trobo sa mayré n cos, per un mal que la laouro :
Uno mayrastro ben mestreja dins l’oustal.
À l’âge de cinq ans, la Germaine, la pauvre,
Perd sa mère et une marâtre vient faire la loi à la maison.
Marie Laroche, mère de Germaine, vient de mourir. Mestre Laourent la suivra de près. Il n’est donc point vrai qu’il ait donné une marâtre à Germaine comme on l’a cru longtemps. Hélas ! la pauvre petite n’y gagnera rien, car son frère aîné a épousé une mégère. C’est cette mégère, Armande de Rajols, qui règne désormais dans « l’oustal ». Ses cris nous arrivent encore, à travers l’histoire. Il faut que toute la maison plie sous sa loi. Encore si cette loi était juste ! Mais Armande de Rajols est méchante. Tout de suite elle s’est mise à détester Germaine, cette enfant maladive dont les plaies suppurent, dont la main est nouée. Elle en a honte, peut-être. Et peut-être qu’elle en a peur ! peut-être craint-elle que ses propres enfants ne prennent le mal de Germaine en l’approchant ? S’il en est ainsi, et qu’elle ne veuille pas la soigner elle-même, comme son devoir l’y obligerait, que ne l’envoie-t-elle à l’hospice ! On y trouve des cœurs compatissants et des mains adroites. Mais Armande de Rajols est orgueilleuse. Il ne sera pas dit qu’on livrera la fille de mestre Laourent à la charité publique. Tout le village en serait étonné et indigné. Mieux vaut donc garder Germaine à la maison et l’y tourmenter à sa fantaisie, comme les garnements tourmentent parfois les animaux malades qui ne peuvent pas se défendre. En premier lieu, la petite n’approchera point les gens de « l’oustal ». Elle vivra à l’écart, comme une lépreuse. Mais où donc ? La ferme est grande. On pourrait y trouver pour elle une place convenable. Non, Armande de Rajols a décidé que Germaine dormirait, en hiver, sous l’escalier, dans un réduit où, parfois, on consent à laisser coucher les pauvres. Un autre pauvre, saint Alexis, reposa en pareil endroit. Il s’y endormit pour toujours et s’éveilla en paradis.
L’été, mon Dieu, la petite pourra dormir dehors, sur un lit de sarments. Nous sommes dans un pays de vignobles, et le sarment n’est pas rare et ne coûte pas cher. Quant à la nourriture, la maison de mestre Laourent est, sinon riche, du moins aisée. Assurément, on y a de quoi manger : le lait des vaches, le fromage des brebis, les œufs des poules, le lard et la graisse que l’on prépare, à l’automne, et qui donnent du goût à la garbure, à la bonne soupe aux choux du pays. Parfois, les crêpes de blé noir, que l’on fait sauter à la veillée, ou la tranche de « millias [2] » grillé sur la braise. Des noix et des châtaignes, des fruits frais à 1a saison ; des galettes quand on « fournèje [3] ». Non, Germaine n’aura rien de tout cela, mais seulement un morceau de pain noir, coupé bien juste et bien petit.
Allons ! quelle histoire nous conte-t-on là ? Est-il possible qu’une enfant, déjà chétive, puisse vivre à un pareil régime ? De plus robustes qu’elle n’y tiendraient point ! Il est vrai, Germaine n’aurait sans doute pas fait long chemin en ce monde (elle y resta vingt-deux ans), si elle n’y avait rencontré Jeanne Aubier, la bonne servante ; Jeanne Aubier, que mestre Laourent nomme avec reconnaissance dans son testament, que son fils Hugues nommera de même dans le sien, sans doute pour se racheter un peu de sa lâcheté, car lui, le frère de Germaine, a permis qu’on la maltraitât sans oser s’y opposer. Oui, il y eut Jeanne Aubier, qui prit soin de la petite et, soit en face, soit autrement, dut résister aux ordres cruels de la sœur marâtre. Nous la voyons, cette brave et maternelle Jeanne Aubier, qui devait nouer sur sa tête le mouchoir bariolé des Gasconnes et marcher pieds nus le plus souvent, apporter à la petite Germaine le bol de lait qui la réchauffera, jeter en cachette une couverture sur sa botte de sarments ; panser les plaies, laver le visage. Sans doute enseigna-t-elle à l’enfant ses premières prières, ce Pater et cet Ave qu’elles récitaient toutes les deux non en latin ni en français, mais en patois – ce patois qu’une autre bergère, Bernadette Soubirous, parla plus tard à Notre-Dame de Lourdes. Et la belle Dame à ceinture bleue de la Grotte lui répondit dans le même langage : Yo soun era Immaculata Conceptioun.
Nous aimons imaginer Jeanne Aubier et Germaine Cousin quittant le dimanche leur ferme du Gaïné, descendant la colline, franchissant le ruisseau pour se rendre à la petite église de Pibrac, qu’ombrageait peut-être déjà, à cette époque, un bouquet de marronniers et d’acacias.
La Messe a sonné. Le prêtre monte à l’autel. Il s’appelle Guillaume Carné et n’est, en réalité, qu’un vicaire, car le curé en titre est le grand prieur de l’Ordre de Malte, auquel appartient la commune de Pibrac. Guillaume Carné est pauvre et pieux. Il n’a pas même de quoi acheter des livres, car il adresse, un jour, une supplique à l’archevêque de Toulouse pour le prier de l’aider à se mieux instruire, afin de bien continuer ses prêches. Mais il n’est pas besoin de livres savants pour instruire la petite Germaine. Le plus simple catéchisme lui suffit, le même catéchisme qu’elle enseignera plus tard aux petits paysans du village. Elle y trouve sa force et son courage, et le secret de sa patience et de sa joie. De l’une comme de l’autre elle va avoir grand besoin.
La petite Germaine et ses moutons
La Germèno aymo tout car soun cor es ta tendre !
May parmi les agnels caresso le plus mendro.
La Germaine aime tout, car son cœur est si tendre !
Mais elle caresse, de préférence, le plus jeune de ses agneaux...
Cependant, Armande de Rajols n’a point désarmé. Elle s’avise que, tout compte fait, la petite Germaine lui coûte encore trop cher (une croûte de pain, un lit de sarments) et que désormais, toute infirme qu’elle est, elle peut servir à quelque chose. À quoi donc va-t-elle l’employer ? Dans une ferme, le travail ne manque point. Germaine pourrait, sans trop se fatiguer, être occupée au ménage, au jardinage, carder la laine, égrener le maïs, tamiser la farine. Certes, elle n’est point paresseuse et ne boude pas à l’ouvrage. Mais nous savons que la sœur méchante ne peut point la supporter. Elle va l’envoyer loin de la maison, le plus loin possible. L’en chasser de grand matin, ne l’y laisser rentrer qu’à la nuit. Elle va lui confier les moutons de la ferme. La petite les gardera, en filant sa quenouille, dans les prés qui avoisinent la forêt de Bouconne.
Garder les moutons n’est pas un travail facile. Tous les gens de la terre vous diront que n’importe qui peut devenir vacher, mais que les moutons sont des bêtes capricieuses et bizarres. Pour un rien, elles prennent peur, s’enfuient de droite et de gauche, s’affolent sans raison. Ne raconte-t-on pas qu’un troupeau entier se jeta à la mer par pur instinct d’imitation ?
Au pays de Pibrac, il n’y a rien à craindre de la mer, fort lointaine, mais la forêt est là ; cette forêt de Bouconne, peuplée de loups, de loups qui, plus hardis que ceux d’aujourd’hui, n’hésitent point à s’avancer jusqu’aux abords des villages, à s’attaquer aux troupeaux, et même aux bergers. Germaine s’en va, pourtant, armée de sa seule quenouille. De l’aube à la nuit, elle veille sur ses brebis en filant. Qu’il pleuve, qu’il grêle, elle part avant que le soleil ne se lève, quand le givre ou la rosée tremblent encore sur les prés. Elle part, poursuivie par les cris et souvent par le bâton d’Armande de Rajols. Elle part, mais non pas seule, car Dieu est avec elle. Sa présence invisible l’accompagne sur les collines, l’accompagne tout le long du jour ; la journée de la petite Germaine est une longue oraison.
Ce qu’elle raconte à Dieu, tandis que ses agneaux broutent autour d’elle les touffes de la menthe sauvage ou s’en viennent manger dans son tablier, ce que Dieu lui répond pendant que le soleil marque les heures dans le ciel, aucun de nous ne l’a entendu. Mais nous savons que, parfois, au son de la cloche qui annonçait la Messe, Germaine quittait ses moutons et s’en allait, plantant sa quenouille au milieu du troupeau. Elle descendait la colline, franchissait la rivière, ce Courbet que l’on passe aisément à pied sec pendant l’été, mais qui se gonfle l’hiver. Et des paysans ont affirmé avoir vu alors les eaux du torrent se séparer pour laisser passer Germaine. La Messe entendue, elle s’en revenait vers son troupeau et, souvent, les enfants de Pibrac l’escortaient. Ils se groupaient autour d’elle dans la prairie du Cavé, et, toujours filant, elle les instruisait, leur expliquant la parole divine. Et jamais les loups ne profitaient de l’absence de Germaine pour dévorer un seul de ses moutons. Jamais troupeau ne fut plus prospère que le sien. On croirait que, par un instinct mystérieux, certains animaux se soumettent volontairement à l’ordre secret des saints et subissent leur loi. Sans parler de sainte Blandine qui, livrée aux fauves du cirque, les vit soudain se coucher à ses pieds, on sait que saint François d’Assise dompta, par sa seule parole, le loup féroce qui désolait la ville italienne de Gubbio. Les loups de la forêt de Bouconne respectèrent donc les moutons de Germaine, de celle que, par moquerie, on appelait « la bigote » et que, peu à peu, on apprit à respecter aussi. Un nouveau miracle survint alors, qui émut le village de Pibrac et lui montra le prix et la récompense de la charité.
La petite Germaine et le pain changé en fleurs
O miraclo del cel ! La mayrastro ben pallo
Quand de milo parfums et de milo coulous
Toumbo del darmantal uno plejo de flous.
Ô miracle du ciel, la marâtre pâlit
Lorsqu’une pluie de fleurs odorantes
et multicolores tomba du tablier !
La petite Germaine a grandi, toujours souffreteuse, toujours pieuse et patiente, attentive à son devoir quotidien. Et la sœur marâtre continue de la persécuter méchamment. On dirait que la sainteté de Germaine l’exaspère. Ne raconte-t-on pas, dans le pays, que cette fille, qui vit d’un morceau de pain trempé dans l’eau du ruisseau, partage ce pain avec les pauvres !
C’en est trop ! Le bien de la riche Armande de Rajols ne servira plus à nourrir les mendiants !
Un matin, donc, que Germaine se rend au pâturage, relevant d’une main le pan de son tablier, elle entend vociférer derrière elle. La sœur marâtre, un bâton à la main, la poursuit. Des témoins ont assisté à la scène, ils ont entendu les cris d’orfraie d’Armande de Rajols. Ils l’ont vue se jeter sur Germaine, ouvrir de force son tablier, une pluie de fleurs s’en échapper. Ainsi advint-il, dit la légende, pour sainte Élisabeth de Hongrie, surprise par son mari, Louis de Thuringe, au moment où elle faisait l’aumône.
La sœur marâtre a donc vu le pain changé en fleurs. Le bâton lui est tombé des mains, ou plutôt elle n’a plus osé s’en servir, car tout le village – qui déjà sans doute ne l’aime guère – se révolterait. Dès ce jour, on murmure que Pibrac a une sainte, et que cette sainte est la plus jeune fille du mestre Laourent, celle qu’on voit passer tous les jours, menant son troupeau, filant sa quenouille, et pour qui Dieu fait des miracles. On raconte que la sœur marâtre elle-même n’ose plus la tourmenter comme autrefois. Certes, elle n’aime guère ni Dieu ni Germaine, Armande de Rajols, mais peut-être craint-elle un peu le diable ? Peut-être craint-elle surtout que sa sœur ne se serve contre elle de son pouvoir miraculeux ? Est-il vrai qu’elle offre alors à Germaine de quitter son réduit du bas de l’escalier ? (Peut-être va-t-elle jusqu’à lui offrir une paillasse et une place à la table de la ferme ?) Il se peut, mais il est trop tard. Germaine refuse avec douceur. Depuis son enfance, elle dort dans le réduit où le Christ, si souvent, est venu la visiter. Quand on l’envoie coucher au grand air sur son lit de sarments, les étoiles du ciel lui tiennent compagnie. Elles lui racontent la gloire de Dieu. Pourquoi s’assiérait-elle à la table de la ferme ? Son pain noir lui suffit et il lui en reste assez pour en donner aux pauvres. Et l’eau du Courbet suffit de même à sa soif.
Germaine restera donc dans son réduit. Et c’est là qu’un matin, ne l’entendant point se lever pour mener les moutons au pré, on la trouvera blanche et sans mouvement, morte comme elle a vécu, paisiblement, pieusement, sans déranger personne.
Or, le même jour, deux religieux qui se rendaient à Pibrac s’arrêtèrent dans la forêt de Bouconne à la nuit tombée. Incertains de leur chemin, ils décidèrent d’y passer la nuit. Soudain, une vive lueur jaillit devant eux et ils virent s’avancer une troupe de jeunes filles vêtues de robes blanches, se dirigeant vers une habitation inconnue. Quelques instants plus tard, ils les virent revenir. Les jeunes filles entouraient une de leurs compagnes couronnée de fleurs nouvelles, et que les religieux n’avaient port aperçue lors de leur première vision. Arrivés à Pibrac, ils apprirent qu’une pauvre fille appelée Germaine venait de mourir à vingt-deux ans, dans une ferme voisine. C’était la ferme de leur vision, et ils la reconnurent. L’histoire ne dit pas ce que devint ce jour-là et les jours suivants la terrible Armande de Rajols. Pour Germaine, on l’ensevelit dans l’église de Pibrac. On parla quelque temps de sa sainteté. Et puis on l’oublia.
Le culte et les miracles de sainte Germaine
La Germèno, cadun la trato que de santo
Qui s’en truffec la prego, aouey la canto !
Chacun célèbre désormais Germaine comme une sainte.
Ceux qui s’étaient moqués la prient et chantent aujourd’hui.
Or, l’année 1644, mourut dans la ferme de mestre Laourent une femme nommée Endoualle, sans doute apparentée aux Cousin, puisqu’on porta son corps dans la sépulture de leur famille. Le même jour, une dévote, Françoise Pérès, vint entendre la Messe dans l’église paroissiale. Elle vit entrer le carillonneur et le fossoyeur qui se disposaient à creuser une tombe vis-à-vis de la chaire. Ils soulevèrent une seule des dalles qui formaient le pavé de l’église, et commencèrent à creuser la terre pour y déposer le corps d’Endoualle. Mais, au premier coup de pioche, le carillonneur se retire épouvanté : il vient de découvrir le corps d’une jeune fille. Ce corps, nous dit-on, était intact, de même que les vêtements et le suaire, sur lequel était déposée une couronne d’œillets et d’avoine (Germaine avait dû mourir une nuit de plein été). « Les fleurs étaient légèrement fanées, mais les épis avaient conservé leur couleur, et les grains dont ils étaient remplis avaient la même fraîcheur qu’au temps de la moisson. Un cierge était placé entre les mains de la morte. »
On s’aperçut en même temps de la difformité que présentait une des mains, et des cicatrices du cou. À ces signes, plusieurs témoins déclarèrent que ce corps était celui de Germaine Cousin, que l’on appelait en son temps « la Bigote », et qui avait été enterrée quarante-quatre ans plus tôt dans cette église. On adossa le cercueil au mur de l’église, près de la chaire et du banc seigneurial des Beauregard.
Or, la comtesse de Beauregard manifesta de l’humeur de ce voisinage. La vue de ce cadavre semblait l’incommoder. Et voilà qu’elle-même fut atteinte d’un ulcère et que l’enfant qu’elle nourrissait alors refusa de prendre le sein. Son mari, la voyant dans cet état, lui déclara que le mépris qu’elle avait fait du corps de la bergère avait pu lui attirer cette punition. Aussitôt, la comtesse se met en prières, implore Germaine qui lui apparaît dans la nuit, enveloppée d’une clarté céleste et lui promet la guérison. La comtesse guérit, en effet, et, accompagnée du comte son époux et de toute sa maison, se rend à pied à l’église portant son enfant dans ses bras, malgré la longueur du chemin, pour assister à une Messe d’action de grâces. En outre, elle fait hommage à la Sainte d’un cercueil de plomb où son corps est enfermé.
Et les prodiges ne cessent d’entourer le tombeau de Germaine. L’année 1692, elle sauva Pibrac du feu du ciel, d’une tempête qui dévasta tous les alentours. La foule épouvantée, réfugiée dans l’église de Pibrac, se précipita vers le cercueil de Germaine, la suppliant de protéger ses champs et ses vergers. Or, tandis que les moissons voisines périssaient sous l’orage, le ciel resta serein au-dessus de la colline de Pibrac.
Nous ne pouvons relater ici, même en abrégé, tous les miracles obtenus grâce à l’intervention de sainte Germaine. En voici trois, les plus célèbres de tous, et que la Sacrée Congrégation des Rites a retenus lors du procès de béatification et de canonisation de la Sainte.
Le premier miracle s’est produit bien loin du pays de Germaine, au Bon-Pasteur de Bourges, en Berry. Cette maison était pauvre et renfermait alors cent seize personnes, tant religieuses que pensionnaires gratuites. On n’y avait plus de quoi manger. La Supérieure, ayant entendu parler des miracles opérés par la vénérable Germaine, résolut de lui demander la multiplication du pain. Elle fit donc commencer une neuvaine de prières. La vie de Germaine fut lue dans les classes. On suspendit de ses médailles aux arbres du jardin. Cela dura quinze jours. Or, tous les cinq jours, on faisait deux fournées de pain, employant pour chaque fournée douze corbeilles de farine, qui donnaient vingt pains de vingt livres chacun. La supérieure, ayant imploré Germaine, ordonna de ne détremper que huit corbeilles de farine au lieu de douze, priant la vénérable d’ajouter le reste ; les Sœurs boulangères exécutèrent cet ordre, mais, sans le dire à personne, elles ajoutèrent un peu de farine dans chaque corbeille. Elles obtinrent ainsi vingt pains, plus petits que les autres et que l’on consomma en trois jours. Il fallut avouer le subterfuge à la supérieure qui se fâcha et ordonna de faire les deux fournées suivantes chacune avec huit corbeilles. Cette fois, les Sueurs boulangères obéirent, mais n’obtinrent que trente-huit pains au lieu de quarante. Quatre fois la même expérience fut répétée, sans succès, et l’on murmurait que c’était à cause du manque de foi d’une sœur converse, appelée Sœur Saint-Janvier, qui grognait à chaque essai nouveau, disant qu’on dépensait beaucoup de bois pour rien et qu’en outre les religieuses entraient sans cesse dans le fournil pour lui demander des nouvelles du miracle et l’accuser de l’empêcher, par son incrédulité, tant et si bien que la supérieure elle-même se découragea et résolut de mettre fin à la dépense et de révoquer son ordre. Mais Dieu permit qu’elle oubliât de le faire, et le premier jour de décembre, les deux Sœurs boulangères de service – Sœur Saint-Janvier et Sœur Saint-Augustin – ne prirent, dans le grenier, que huit corbeilles de farine pour la première fournée, et encore n’étaient-elles pas bien pleines. Or, de ces deux Sœurs, l’une, Sœur Saint-Augustin, avait la foi, l’autre, Sœur Saint-Janvier, était incrédule. Celle-ci déclara donc qu’il fallait mettre plus de pâte dans chaque corbeille pour que les pains fussent moins nombreux et que la supérieure les laissât en paix, ajoutant par moquerie « que puisque Germaine ne voulait pas multiplier la farine, peut-être multiplierait-elle la pâte ». Et ce fut exactement ce qui arriva, car, à mesure qu’on la plaçait dans les corbeilles, la pâte augmentait tellement qu’on obtint vingt gros pains, et qu’il resta encore de la pâte de surplus. Or, il y eut ainsi plusieurs fournées miraculeuses, et les unes plus belles que les autres. Sur quoi les Sœurs converses chantèrent victoire et appelèrent la communauté à la boulangerie. L’économe y fut, et la supérieure. Et la bonne Sœur Saint-Janvier, repentante, ne savait où cacher sa confusion et sa joie.
Or, un Berrichon, qui nous est très proche, se rappelle avoir entendu raconter ce miracle par son aïeule qu’on avait emmenée à un pèlerinage au Bon-Pasteur de Bourges, vers cette époque, pour la récompenser de ses succès scolaires. Le prodige venait de s’y accomplir et déjà le culte de la sainte gasconne se répandait dans la province.
Et voici le récit de la guérison miraculeuse de Françoise Huot, née à Bonnecourt, canton de Neuilly, au diocèse de Langres.
Née vigoureuse, elle le resta jusqu’à dix-neuf ans. À cette époque, elle se mit en service chez M. Jacquinot, en la terre de Chaumont, et là elle fut prise à l’improviste de souffrances fort vives à la tête et surtout à la partie postérieure du crâne, aux yeux et aux tempes. Vers le même temps, elle commence à éprouver à l’extrémité de l’épine dorsale une douleur qui alla toujours en augmentant et peu à peu envahit toute l’étendue du dos. Françoise continua son service le mieux qu’elle put, mais avec beaucoup de peine, pendant l’espace de dix mois ; après quoi, elle fut contrainte de s’en retourner à la maison paternelle. Les médecins qui la visitaient ayant déclaré son mal fort grave et dangereux, sa maladie, dans ce nouveau séjour, ne fit que s’aggraver, et les douleurs de tête et de l’épine dorsale devinrent telles que la pauvre infirme perdit l’usage des bras et des jambes. Sa vue s’affaiblit, les articulations vertébrales du cou se raidirent de façon qu’elle ne pouvait plus se mouvoir sans éprouver des douleurs et des spasmes affreux. On lui appliqua plusieurs remèdes violents, mais ils ne servirent qu’à accroître ses souffrances et sans doute ses mérites par sa patience et sa résignation à la volonté divine. Elle resta dans cet état durant quatorze mois, quand enfin la famille, ne pouvant plus suffire aux dépenses d’une si longue infirmité, se trouva contrainte de l’envoyer à l’hôpital de la Charité, à Langres. Là, d’autres médecins, après avoir employé inutilement toutes les ressources de l’art, confirmèrent la déclaration, faite par les premiers, que la maladie de Françoise était un ramollissement de la moelle épinière, accompagnée de symptômes mortels, reconnue désormais incurable.
Il y avait déjà six mois qu’elle était à l’hôpital, épuisée de forces, couverte de plaies, paralytique et attendant la mort chaque jour, lorsque le 5 juin 1858 elle fut tendrement exhortée par une religieuse de la Compassion à mettre sa confiance dans l’intervention de la bienheureuse Germaine.
Comme l’infirme disait n’avoir jamais entendu parler de cette bienheureuse, la religieuse lui apprit que c’était une pauvre bergère récemment béatifiée, que Dieu se plaisait à glorifier en opérant par elle beaucoup de miracles. À ces mots, Françoise prit courage et dit : « Si Germaine a été bergère, elle est ma protectrice, car moi aussi j’ai été bergère dans mon enfance. Je ferai une neuvaine en son honneur, et j’espère qu’elle aura pitié de moi et m’obtiendra, en me guérissant, la grâce d’entrer, comme je le désire, chez les Petites Sœurs des Pauvres. » Sans en dire davantage, elle commença aussitôt la neuvaine, et elle répétait souvent les paroles : « Bienheureuse Germaine, si Dieu veut que je devienne Petite Sœur des Pauvres, obtenez qu’il me guérisse par votre intercession. »
Durant la neuvaine, il arriva que les douleurs de la malade s’accrurent outre mesure, mais elle ne cessa pas de prier et ne perdit rien de sa confiance. Le 14 juin, dernier jour de la neuvaine, on la mit, non sans grande difficulté, sur un siège, et on la porta à la chapelle où l’on devait offrir pour elle le divin Sacrifice.
Au moment de la Communion, on approcha le siège de la balustrade, et deux religieuses soulevèrent l’infirme afin qu’elle pût recevoir la sainte Eucharistie. À peine eut-elle communié, qu’elle sentit dans tous ses membres un mouvement insolite, et à l’instant même ses jambes paralysées et contractées s’allongèrent ainsi que ses bras. Les plaies se cicatrisèrent tout à coup, et les douleurs cessèrent instantanément, la laissant dans une santé parfaite.
Alors, se sentant complètement guérie, elle écarta les personnes qui la soutenaient, se leva de son siège et se mit à genoux pour rendre grâces à Dieu. Ensuite, elle sortit librement et pleine de santé de la chapelle, entourée de plusieurs religieuses et de beaucoup d’autres personnes auxquelles l’émotion arracha des larmes, et qui, à la vue d’un si grand prodige, louaient hautement le Seigneur qui est toujours admirable dans sa sainte.
Ce miracle a été approuvé pour la canonisation de sainte Germaine.
Citons enfin le touchant récit de la guérison de Jacqueline Catala, âgée de sept ans, tel qu’il a été fait par sa mère elle-même.
Jacqueline Catala, fille de Jean Catala et de Marie Morens, l’un et l’autre de santé délicate, s’était assez bien portée jusqu’à l’âge de dix-huit mois, quand elle fut soudain prise d’une faiblesse extraordinaire dans la partie inférieure du corps. Cette faiblesse était si grande que la petite ne pouvait s’asseoir sans être soutenue, elle ne pouvait non plus faire aucun usage de ses pieds difformes, tournés en dehors, ni de ses jambes qui, nous dit-on, « ressemblaient à deux petits bâtons flottants ». Toujours fiévreuse et ne paraissant point souffrir en temps ordinaire, si on la touchait elle poussait des cris aigus. On essaya, pour la guérir, de plusieurs remèdes, entre autres de fumigations avec des plantes aromatiques, qui ne firent qu’augmenter son mal. Découragée, sa mère promit de faire trois pèlerinages à Pibrac, les deux premiers seule, le dernier avec la jeune malade. Voici comment elle raconte ce voyage, déposant sous la foi du serment :
« Je partis à pied avec une de mes amies qui travaillait avec moi... Devant nous marchait une bête de somme, ayant deux paniers aux côtés. Dans l’un de ces paniers, j’avais placé Jacqueline, dans l’autre mon autre fille, et entre toutes les deux se trouvait mon fils âgé de dix ans. Il ne survint rien d’extraordinaire durant le voyage. Nous entrâmes dans l’église. C’était un dimanche, et M. le curé faisait la prédication. Je fis asseoir ma fille Jacqueline entre son frère et moi, pour les surveiller l’un et l’autre. Pendant la Messe, au moment du Sanctus, Jacqueline poussa un cri, et en même temps j’entendis un craquement qui, je crois, fut produit dans les articulations de son petit corps. J’étais dans une assez grande inquiétude quand tout à coup me vint la pensée que ma fille devait être guérie. Toutefois, je continuai de réciter mes prières. Au moment de me rendre à la Sainte Table, je recommandai à mon fils de surveiller sa sœur, ne voulant point l’attacher sur sa chaise par rapport aux assistants. À peine je fus agenouillée, voilà Jacqueline qui s’échappe des mains de son frère et vient s’agenouiller ainsi à côté de moi, sans que personne la contînt. Je ne puis exprimer mon émotion, surtout quand je vis ma fille prendre avec moi la nappe de la Sainte Table, comme si elle voulait faire la Communion. Je fis signe de la main à M. le curé de ne pas la lui donner, et quand je retournai à ma place, ma fille me suivit et s’assit elle-même sur sa chaise. J’observais que ses pieds avaient repris leur position naturelle. Jacqueline était alors toute rayonnante d’allégresse et quand, à la fin de la Messe, elle vit que le prêtre était sur le point de donner la sainte bénédiction, elle se leva d’elle-même et s’agenouilla sur sa chaise, la retournant avec dextérité comme elle l’avait vu faire aux autres.
Une fois le vœu accompli, nous repartîmes à l’instant pour Toulouse. Ni mes enfants, ni ma compagne, ni moi, ne songeâmes à prendre aucune nourriture... Comme nous approchions de notre habitation, Jacqueline, voyant son père, s’écria : « Ôtez-moi de cette corbeille et prenez-moi dans vos bras ! Vous verrez comme je marche et comme m’a guérie la vénérable Germaine ! »
L’enfant marchait, en effet. Et depuis lors, elle s’est toujours bien portée.
Germaine de Pibrac fut béatifiée à Rome le 7 mai 1854, et canonisée treize ans plus tard par Pie IX (1867).
Toulouse vit se dérouler, en ces occasions, des fêtes magnifiques. Toulouse lui éleva un monument sur une de ses places publiques. Et à quoi bon parler des profanations qui à deux reprises (1789-1881) insultèrent aux reliques d’abord et à la statue de la Sainte ? Les auteurs de ces profanations reçurent, nous dit-on, leur châtiment dès ce monde. Quant au culte de Germaine, il ne cessa de s’étendre :
« Germaine, écrit François Veuillot, rayonne sur tous les continents. Elle possède son image au Vatican. Honorée dans les deux Amériques, au centre du pays noir, en Extrême-Orient. Pendant la guerre de 1914, on vit des soldats annamites prier au pied de sa châsse. Elle est invoquée dans la cathédrale de Saigon, et une petite île, auprès de My-Tho, lui est consacrée. Dix-neuf districts du Chen Si lui témoignent une dévotion particulière. Objet d’un culte spécial dans l’île de Ceylan. Des petites filles de Jérusalem la chantent en syriaque. Une de ses reliques est en grand honneur à Kouendé, dans le Haut-Dahomey. Son nom a pénétré jusque chez des peuplades encore presque inconnues qui habitent les forêts de l’arrière-Brésil. »
Le message de sainte Germaine
Atal uno briouletto a nostris els s’amago,
S’acato dejouts tout ; mey soun ferun, en pago
La fa biste conneyse, e ne dits tout le prets.
Ainsi la violette se dérobe à nos yeux ;
Elle se cache ; mais son parfum
La fait reconnaître, en révèle tout le prix.
Or, pour atteindre à cette gloire, qu’a fait Germaine ? Fut-elle belle, savante, riche d’argent et de santé ? Fit-elle, comme sainte Brigitte, de longs pèlerinages ? Construisit-elle des églises, prêcha-t-elle les infidèles comme saint François Xavier ? Fonda-t-elle, comme Thérèse d’Avila, un ordre religieux ? Commanda-t-elle des armées, comme Jeanne d’Arc ? Confondit-elle les docteurs, comme sainte Catherine ? Non, en vérité. Rien de tout cela !
Elle naquit infirme et vécut pauvre. Sans doute ne sut-elle jamais lire, ne parla-t-elle jamais d’autre langue que son patois gascon.
Non seulement elle ne fut point honorée de son vivant, mais on la méprisa, on la moqua sans pitié. Reléguée sous son escalier comme une lépreuse, nourrie d’un morceau de pain noir, rouée de coups, pas une bête de somme de la ferme, pas une des brebis dont elle prenait soin ne fut traitée si durement qu’elle. Des œuvres brillantes, elle n’en accomplit aucune. Simplement, elle garda ses moutons, fila sa quenouille, pria Dieu, assista les pauvres et prit patience. Elle supporta les cruautés d’une sœur marâtre, non seulement sans murmurer, mais sans lui vouloir aucun mal. L’injustice et le malheur auraient pu la pousser à la méchanceté, à l’hypocrisie, à la révolte. Hélas ! les hospices et les prisons ne sont-ils point remplis d’enfants criminels dont le premier crime, aux yeux du monde, fut celui d’avoir été abandonnés et malheureux ?
À l’injustice, Germaine n’opposa que la douceur, non point par faiblesse, mais au contraire, parce qu’une force intérieure et merveilleuse la soutenait. Et c’était la force invincible de l’amour. Ceux qui la persécutaient ne se doutaient point que leurs persécutions, qu’elle ressentait d’ailleurs cruellement, ne pouvaient rien contre sa joie, car sa joie ne dépendait point d’eux ; elle fleurissait et mûrissait comme un fruit de sa patience.
L’office de sainte Germaine la compare à la fleur des champs, à ce lis de la vallée que bien souvent elle dut cueillir pour en orner l’autel.
Il compare ensuite ses épreuves à celles du saint homme Job qui – couché sur son fumier – ne trouva, lui non plus, ni ami ni secours.
Aujourd’hui, ajoute l’office, Germaine est debout dans la lumière, en présence du grand Roi, et comme jadis Esther devant Assuérus, elle a reçu la récompense de son courage et de sa foi. Elle est reine à son tour, et c’est à nous d’implorer sa protection.
Oui ! Quand Germaine allait par les collines, filant sa quenouille, menant son troupeau, trempant son pain dans l’eau du torrent et le partageant avec les pauvres, réunissant les enfants autour d’elle pour leur transmettre le divin message qui la réjouissait au milieu même de la douleur, les gens qui passaient secouaient peut-être les épaules avec pitié, ou peut-être ne la voyaient-ils même pas. Or, ces gens-là, et même les rois, et même les princes, les coteaux de Pibrac n’en ont gardé qu’à peine le souvenir, mais la vallée et le coteau et le pays tout entier chantent la patience, la douceur, la charité de Germaine : Germaine qui fut pauvre sans envie, infirme sans révolte, persécutée sans haine, abandonnée des hommes sans désespoir. Et chérie de Dieu, Germaine qui jamais ne rendit le mal pour le mal, mais qui changea le mal en bien, le pain noir en roses et la haine en amour. Comment ne pas répéter, en la regardant, le mot du Pape qui la canonisa :
– Germaine de Pibrac, questa piccola Pastourella (cette petite bergère) ! Elle a vite fait son chemin... Ah ! voilà bien la Sainte qu’il nous faut !
Marguerite d’ESCOLA,
Sainte Germaine, Bonne Presse.