Grazia Deledda

 

 

Grazia Deledda, née à Nuoro en Sardaigne, en 1876, auteur d’une oeuvre très abondante de couleur purement sarde, a reçu en 1927 le prix Nobel, en reconnaissance en quelque sorte de ce caractère d’universalité que Maurice Muret lui avait reconnu, dès 1903, dans une solide étude. Certes, l’art de Deledda est né sous le signe d’un vérisme folkloriste qui l’a conduite à faire, pour la Sardaigne, ce que Verga a fait pour la Sicile et d’Annunzio pour les Abruzzes, à savoir une peinture de milieux, forte et définitive.

Pourtant, dès ses débuts, la matière mise en œuvre par Deledda s’élevait de la simple ébauche d’un pittoresque tout extérieur à la Fucini, pour révéler son profond contenu d’épopée, travaillé par des passions primitives et élémentaires que domine un fatalisme écrasant, chargé de superstitions et d’influences ancestrales, – il faut que le péché soit suivi de l’expiation, – contre lequel il serait vain de se rebeller. « Nous sommes juste comme les roseaux au vent », fait-elle dire à l’un des protagonistes d’un de ses romans les plus parfaits et les plus beaux, intitulé précisément Roseaux au Vent. Cette phrase pourrait servir d’épigraphe à tout le « monde » de Deledda. Muret avait déjà senti cela aussi lorsqu’il écrivait : « C’est pourquoi les ouvrages de Mme Deledda exhalent un tel parfum de robuste poésie de la Bible, en effet, et de celle de l’Odyssée. Tantôt dans ses récits domine l’élément épique, tantôt – plus rarement – l’idyllique ; mais il y règne toujours comme une atmosphère d’antiquité, parfois je ne sais quel parfum de classicisme naïf. »

L’art de Deledda s’est perfectionné au fur et à mesure, évitant de tomber dans le danger de la répétition que la fidélité au milieu et au motif qui l’inspirait pouvait faire craindre ; il s’est approfondi et pour ainsi dire détaché de l’auteur. « Aujourd’hui, – dit Ravegnani, – Grazia Deledda se refuse l’émotion, et, en se la refusant, elle atteint mieux la plénitude de l’expression artistique. Le drame de son cœur est devenu celui des êtres qu’elle a créés ; ce qu’il y a d’humain en elle ne revendique plus un ciel connu géographiquement, limité par des coulisses fixes, au-dessus d’un décor qui, à certains moments où elle se laisse aller davantage, peut même avoir l’air d’être en papier mâché ; ce qu’il y a d’humain en elle s’élargit jusqu’à atteindre ce qui est commun à tous et universel : la portée de son art s’étend déjà au delà des particularités détaillées d’un milieu, et se greffe nettement sur l’action, c’est-à-dire sur la vie... Naturellement, par degrés et par développements, son style – et pas seulement son style – a suivi le processus de purification de la matière. Au début, ses romans abondaient en personnages, la trame était compliquée et exubérante ; les descriptions étaient trop explicitement ornementales et tracées pour le plaisir ; les personnages secondaires étaient trop souvent inopportuns ou même hors de propos. En 1920, avec La Mère, Deledda élagua l’arbre, l’émonda abondamment, chercha la sève du tronc vivant. Et, en même temps qu’elle procédait ainsi à cette recherche psychologique de vérité et d’action humaine, son style s’enrichissait de netteté et de lumière. »

Les œuvres de Grazia Deledda ont été éditées par Treves. Un grand nombre ont été traduites en français par G. Hérelle (édit. Calmann-Lévy).

 

BIBLIOGRAPHIE : Amour royal, 1892 ; Fleur de Sardaigne, 1892 ; Âmes honnêtes, 1894 ; Contes sardes, 1894 ; Le Chemin du Mal, 1894 ; L’Hôte, 1898 ; Les Tentations, 1899 ; La Justice, 1899 ; Le Vieux de la Montagne, 1900 ; La Reine des Ténèbres, 1901 ; Après le Divorce, 1902 ; Elias Portolù, 1903 ; Cendre, 1904 ; Nostalgies, 1905 ; Les Jeux de la Vie, 1905 ; Notre Patron, 1910 ; Jusqu’à la Frontière, 1910 ; Dans le désert, 1911 ; Clair-obscur, 1912 ; Colombes et Éperviers, 1912 ; La Robe du Veuf, 1913 ; Les Fautes des autres, 1914 ; Marianna Sirca, 1915 ; L’Enfant caché, 1916 ; Roseaux au Vent, 1917 ; L’incendie dans l’Olivette, 1918 ; Le Retour du Fils, 1919 ; La Mère, 1920 ; Le Secret de l’Homme solitaire, 1921 ; Mauvaises Compagnies, 1921 ; Le Dieu des Vivants, 1922 ; La Flûte dans le Bois, 1923 ; La Danse du Collier, 1924 ; La Fuite en Égypte, 1925 ; Le Sceau de l’Amour, 1926 ; Annalena Bislini, 1927 ; Le Vieux et les Enfants, 1928 ; Le Trésor, 1928.

 

 

Lionello FIUMI et Eugène BESTAUX,
Anthologie des narrateurs italiens contemporains,
Delagrave, 1933.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net