La Civiltà Cattolica et le Correspondant

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Joseph Théophile FOISSET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ON rendra au Correspondant cette justice que, depuis la publication des discours de Malines (septembre 1863), il n’a pas dit un mot qui tendît soit à exagérer l’effet produit par ces discours, soit à prolonger la controverse qu’ils ont excitée. Mais, en vérité, nous finirions par être, à certains égards, responsables des malentendus dont surabonde cette controverse, si nous tardions plus longtemps à nous en expliquer en public. Abrégeons ce préambule et entrons en matière.

Avant tout, nous voudrions dégager le débat de tout ce qui l’envenime et de tout ce qui l’embrouille, et par conséquent de ces mots mal définis dont on fait un grand abus, et un immense épouvantail : « principes de 89 ». On l’a dit ici-même : « Il n’est pas un lecteur de la première édition de l’abbé Godard qui ne lui ait reproché d’avoir pris pour texte la fameuse Déclaration des droits de l’homme... En trois mots, on peut reprocher à cette Déclaration d’être une déclaration, de ne s’occuper que des droits, et de ne parler que de l’homme. La déclaration est une inutilité pompeuse ; les droits laissent dans l’ombre les devoirs, et l’homme fait oublier Dieu 1.

Donc, laissons là les mots ; voyons les choses.

Précisons bien d’abord les doctrines qu’on nous oppose et les accusations formulées contre nous ; et, pour nous en rendre un compte exact, écoutons l’organe le plus autorisé de l’école qui nous combat : nous avons nommé la Civiltà cattolica. Cette revue se publie à Rome ; elle y obtient un assentiment considérable ; elle est rédigée par des membres d’une Compagnie qui a rendu et qui rend encore à la Religion d’immenses services. Ce sont là bien des raisons de chercher de préférence dans ce recueil l’expression des principes au nom desquels on nous attaque, et celle des erreurs qu’on nous impute.

Nous verrons mieux ensuite s’il est vrai qu’il y ait un infranchissable abîme entre la Civiltà et nous.

Un premier point est acquis à la discussion : c’est que les libertés purement politiques sont ici hors de cause.

En effet, la Civiltà proteste énergiquement contre cette calomnie que l’Église est l’ennemie de la liberté et l’alliée du despotisme.

« L’Église, s’écrie-t-elle, ne repousse point la liberté politique. Au contraire, elle l’AIME, elle la favorise, elle en profite merveilleusement. Quand elle a eu dans les mains les destinées des nations, elle a introduit et affermi, non seulement au sein des républiques italiennes du moyen âge, mais aussi dans les États monarchiques au delà des Alpes, une liberté bien supérieure à celle d’aujourd’hui 2. »

« Ce que les catholiques réprouvent dans les constitutions modernes, ce n’est pas du tout la liberté ; ce ne sont pas les élections, les Chambres, les discussions parlementaires ; mais c’est l’annihilation de l’Église, séquestrée de l’État sous prétexte de séparation ; c’est la mise sur le pied d’égalité du bien et du mal, de la vérité et de l’erreur, sans distinction ni différence aucune 3. »

La discussion porte donc uniquement sur ces trois points : séparation de l’Église et de l’État, égalité des cultes, liberté absolue de la presse en matière de religion.

C’est exclusivement en vue de ces trois points (qu’on ne l’oublie pas), que la Civiltà résumait en ces termes l’opinion dont elle est l’organe :

« Les libertés modernes (non pas toutes, mais seulement les trois dont on vient de parler), si on les pose en thèse, c’est-à-dire comme des principes UNIVERSELS, sont absolument condamnables, et elles ont été plusieurs fois condamnées par les Pontifes romains, notamment par Pie VI, Pie VII et Pie IX.

« Mais à titre d’hypothèse, c’est-à-dire considérées comme des dispositions appropriées aux conditions spéciales de tels et tels peuples, elles peuvent être légitimes, et les catholiques peuvent les AIMER et les défendre ; ils font une bonne et très profitable chose quand ils usent de ces mêmes libertés le plus efficacement possible pour servir la Religion et la justice 4. »

En d’autres termes, si l’on fait de la séparation de l’Église et de l’État une thèse générale, si l’on en fait autant de l’égalité des cultes et de la liberté absolue de la presse en matière de religion, si l’on fait de ces trois doctrines des principes UNIVERSELS, des vérités de tous les temps et de tous les lieux, des principes du droit naturel, quelque chose d’absolument vrai, d’absolument bon, de vrai et de bon en soi ; si l’on en fait, comme en 1789, des droits IMPRESCRIPTIBLES de l’humanité, c’est là une thèse erronée, condamnable et plusieurs fois condamnée par le Saint-Siège.

Évidemment en effet, ajoute la Civiltà, l’Église ne peut laisser poser en thèse que la Synagogue soit son égale, que l’erreur soit l’égale de la vérité, et que l’homme qui se trompe en matière de religion ait LE DROIT ABSOLU (car la question est là, et il ne s’agit pas d’une simple faculté, il s’agit du droit en thèse générale), ait le droit ABSOLU de propager l’erreur par la voie de la presse. Si l’Église admettait cela en thèse générale, qui ne voit qu’elle se mettrait en contradiction avec elle-même, avec son passé comme avec son présent ?

Voilà qui est bien expliqué 5.

Mais si l’unité de religion continue d’être désirable partout, la Civiltà comprend et admet qu’elle a cessé d’être possible en beaucoup de lieux.

« Si vous entendez seulement, dit-elle, que le changement des conditions religieuses et morales de quelques contrées a fait juger que ce serait un moindre mal d’y introduire la liberté des cultes et celle de la presse, il n’y a à cela NULLE DIFFICULTÉ, et cette nécessité a été tolérée par l’Église elle-même avec une condescendance pleine de longanimité 6. »

Mais de ce que l’unité de religion n’est point toujours et partout possible, cela n’empêche pas qu’elle ne soit bonne en soi, absolument bonne, quelque inapplicable qu’elle puisse être en certains temps et en certains lieux ; les conditions particulières des temps, des lieux, des circonstances n’ôtent rien à la vérité intrinsèque du principe. « Car nous ne sommes pas ici à la recherche de ce qui est le plus utile, mais de ce qui est le plus vrai 7. »

 

Après ces explications toutes récentes de la Civiltà, la discussion nous paraît singulièrement simplifiée.

Avons-nous donc besoin de déclarer ici que nous n’avons jamais pensé à ériger nos opinions en principes UNIVERSELS, en vérité de tous les temps et de tous les lieux ?

M. de Montalembert l’a dit à Malines : « Je ne fais point ici de théorie, ni surtout de théologie. Je parle uniquement en homme politique et en historien. Je ne réponds pas par des arguments dogmatiques ; j’invoque les faits et j’en tire des arguments purement pratiques 8... L’essentiel dans la politique est de distinguer le possible de l’impossible 9. » Est-ce clair ?

Cela dit, en quoi avons-nous donné atteinte aux trois points, derrière lesquels se retranche la Civiltà ? Où avons-nous demandé la séparation de l’Église et de l’État ? Dans le Correspondant ? Jamais. N’est-ce pas à Malines qu’ont été entendues ces paroles significatives : « L’indépendance réciproque de l’Église et de l’État, qui est la grande loi des sociétés modernes, n’entraîne nullement leur séparation absolue. Cette séparation absolue n’est pas du tout une condition essentielle de la liberté religieuse ou publique. Tout au contraire, elle peut très bien se combiner avec une effroyable oppression. On l’a bien vu sous la Révolution française. L’Église libre dans l’État libre ne signifie nullement l’Église hostile ou étrangère à l’État. Il y a entre l’une et l’autre une alliance possible, légitime, souvent nécessaire, qui peut et doit être sérieuse et durable. Cette alliance peut comporter des concessions comme des engagements réciproques. » Qui a dit cela ? M. de Montalembert 10.

Quand avons-nous nié que l’unité de religion fût un bien, le plus grand des biens pour un peuple catholique ? Quand avons-nous blâmé les efforts de nos pères pour maintenir en France l’unité de foi ? Qu’on cite une seule ligne du Correspondant en ce sens, nous disons une seule. Mais, encore une fois, nous ne faisons point de théorie, nous faisons de la politique. La politique n’est point le domaine de l’absolu, c’est le domaine des faits. La politique n’aspire au mieux qu’autant qu’elle le juge possible. L’unité de religion est-elle aujourd’hui possible en France ? On convient que non. En concluons-nous qu’elle n’est possible nulle part ? Pas le moins du monde. La Civiltà sait d’ailleurs, mieux que personne, que l’unité de religion nous paraît « désirable et conforme à l’ordre 11 ». Elle ne peut donc douter de nos sentiments. Elle ne peut croire que nous faisons de l’égalité des cultes un droit imprescriptible de l’humanité.

Bien avant le discours de Malines, le Correspondant s’est expliqué nettement sur cette question, et il l’a fait en ces termes :

« M. de Lamennais avait érigé en axiomes, en vérité de tous les temps et de tous les lieux, la liberté illimitée des écrits et des cultes. L’encyclique pontificale du 15 août 1832 réprouve cette thèse, en tant que thèse absolue, telle que le journal l’Avenir l’avait posée. Est-ce à dire que le Saint-Siège excommunie les catholiques belges et les États où la liberté de la presse est, ainsi que la tolérance, entrée dans le droit public ? Non. Seulement l’encyclique n’admet point qu’on fasse de la Constitution belge l’idéal absolu des sociétés humaines : un seul Dieu, une seule foi, voilà quel devrait être l’état normal de l’humanité. Mais quand l’unité religieuse est irréparablement détruite, Fénelon enseigne que le prince doit souffrir ce que Dieu souffre, et cette doctrine de Fénelon, Rome ne l’a jamais condamnée. Rome ne renie point pour cela le passé de l’Église, elle ne désavoue point ce qu’elle a fait en d’autres temps pour sauvegarder l’unité de foi, l’unité dans la vérité, qui, pour elle, est toujours le bien suprême. Rome ne canonise point la liberté de l’erreur ; aussi longtemps qu’elle le peut, elle en préserve les peuples. Mais quand l’ivraie a pris une fois racine dans le champ du Père de famille, Rome n’exige point assurément qu’elle soit extirpée, de peur qu’en arrachant l’ivraie, on n’arrache le froment avec elle 12. »

Est-ce là nier les droits de la vérité ? Est-ce déclarer théologiquement tous les cultes également raisonnables ? Est-ce autoriser qui que ce soit à supposer que nous attribuons à toutes les religions, vraies ou fausses, un droit égal à régner sur les consciences et à dominer sur les peuples ? M. de Montalembert n’était-il pas allé au-devant de cette imputation quand il avait dit à Malines : « Un catholique, qui vient défendre devant une assemblée catholique la liberté des cultes, ne saurait être soupçonné de vouloir professer ou défendre la ridicule et coupable doctrine que toutes les religions sont également vraies et bonnes en elles-mêmes... J’admets donc pleinement la distinction si justement consacrée entre l’intolérance dogmatique et la tolérance civile... Je tiens que la liberté morale me donne la faculté de choisir entre le bien et le mal, et non LE DROIT de choisir le mal 13. »

 

Et maintenant, que reste-t-il entre la Civiltà et nous ? Une question d’orthodoxie ? Nous ne le croyons pas ; nous attendrons qu’on le prouve.

Que reste-t-il donc encore une fois ? il reste ceci : la Civiltà s’écrit en Italie 14 et le Correspondant s’écrit en France.

Entre le recueil romain et le recueil français, même soumission à l’Église, même dévouement au Saint-Siège, même zèle pour  la revendication de ses droits spirituels et temporels. Mais quelle différence de situation entre les deux pays ! Et, par suite, quelle divergence naturelle dans l’appréciation des hommes et des choses du temps présent ! Puis, par une conséquence en quelque sorte forcée, quelle divergence d’opinion sur l’attitude à prendre en face de l’ennemi commun ! À Rome, la prééminence du Catholicisme est encore intacte ; et, si elle est entamée dans le reste de l’Italie, elle ne l’est que d’hier. En France, cette prééminence est déracinée depuis trois quarts de siècle, sans nulle apparence qu’elle se relève jamais. Les idées modernes, en Italie, n’ont guère été jusqu’ici qu’une machine de guerre pour battre en brèche la souveraineté temporelle du pape et pour pénétrer dans la place qu’assiège la révolution depuis trente-trois ans. En France, les idées modernes n’ont plus rien à détruire ; elles ont toute la puissance d’un symbole national : elles ne conservent d’action dissolvante que par l’habileté des révolutionnaires à faire accroire qu’elles sont menacées, habileté bien malheureusement secondée par l’attitude et le langage d’un certain nombre d’écrivains catholiques. Si le Siècle et l’Indépendance belge étaient lus à Rome, on y reconnaîtrait que ces deux journaux vivent par-dessus tout de la peur qu’ils font à leurs lecteurs du retour de la prépotence cléricale, et qu’ils se font une arme journalière des citations qu’ils empruntent dans ce but aux feuilles catholiques antilibérales.

Voilà l’explication bien simple de tous nos malentendus.

Doit-on donc s’étonner, après tout, que les catholiques italiens montrent peu d’empressement à échanger leur situation dix fois séculaire contre celle qui leur est offerte par la révolution triomphante ? Doit-on s’étonner qu’ils se défient des promesses de liberté qui leur sont faites pour le jour où ils accepteraient la séparation de l’Église et de l’État ? « Pour nous gagner », écrivait M. de Montalembert à M. de Cavour dans une Lettre traduite, si nous ne nous trompons, par les soins des rédacteurs de la Civiltà même, « pour nous gagner, vous nous promettez la liberté pleine et absolue de l’Église. Cette promesse, vous ne la tiendrez pas. Je ne parle pas de votre bonne foi, je constate votre impuissance. J’ai pour garants de cette impuissance vos ancêtres, vos antécédents, vos auxiliaires 15. »

La Civiltà écrit en face des continuateurs de M. de Cavour ; elle écrit les yeux fixés sur leurs violences et sur leurs embûches. Et, de plus, c’est à travers l’Italie qu’elle regarde et juge ce qui se passe en Europe. Voilà comment, tout en reconnaissant la légitimité de l’insurrection belge en 1830, elle se persuade si gratuitement que le comte Félix de Mérode, M. de Gerlache et les membres catholiques du congrès constituant pouvaient envoyer promener les libéraux, et qu’ils ont fait un métier de dupes en laissant inscrire dans la Constitution l’égalité des cultes (qui était en vigueur en Belgique depuis la réunion du pays à la France en 1792 16). Voilà pourquoi, tout en concédant que Mgr de Ketteler a eu de justes motifs de condescendre aux préjugés publics de l’Allemagne, pays miné par l’hérésie (affaticata dall’ eresia prevalente), elle se représente la France comme une contrée toute catholique, où les mêmes préjugés n’ont aucun empire, en sorte que nul Français ne serait excusable d’en tenir compte 17. Voilà enfin ce qui explique le manque de sympathie de la Civiltà pour notre façon de comprendre la défense des intérêts catholiques.

Naturellement donc elle a peu de confiance dans le succès de nos efforts. Certes, nous n’espérons pas être assez heureux pour la détromper ; mais nous sera-t-il permis d’appeler un moment son attention sur un témoignage qui ne saurait lui être suspect, car il est de l’un de ses amis les plus ardents ?

« Les libéraux rationalistes, dit M. le comte du Val de Beaulieu, sont plus embarrassés par les libéraux catholiques (qui leur demandent seulement la pratique loyale du système libéral) que par les catholiques qui combattent le libéralisme en lui-même. Contre ceux-ci ils n’ont qu’à lancer les odieux préjugés de l’ignorance ; mais les autres les dérangent EXTRÊMEMENT. En effet, la pente du parti libéral rationaliste, des faux libéraux enfin, est vers la violation du principe de la liberté pour tous, en s’efforçant d’écraser le catholicisme sous le rationalisme ; sinon, rien ne les séparerait des libéraux catholiques, qui aiment et demandent partout la liberté égale pour tous. Et c’est cela même qui gêne LE PLUS les faux libéraux. Car la plus grande portion du parti libéral est composée de gens de bonne foi. La sincérité du libéralisme des catholiques libéraux une fois reconnue, ces gens de bonne foi se réuniraient à eux et fuiraient les faux libéraux, ce que ceux-ci veulent éviter en niant la bonne foi de ces intrus, dont le langage, d’après eux, n’est qu’une ruse de guerre pour s’introduire dans leur défroque et les supplanter. Cependant la bonne foi des catholiques libéraux est évidente 18. »

Oui, dirons-nous à notre tour, oui, la bonne foi des catholiques libéraux est évidente. Nés dans la société moderne, nourris dans son sein, n’ayant connu du passé que des ruines, comment leur serait-il venu à l’esprit de chercher leur point d’appui dans ces ruines, quand ils le pouvaient trouver dans les lois de leur pays ? Aussi, en fait de sincérité, ont-ils fait leurs preuves. En Belgique, par exemple, le comte Félix de Mérode, le comte de Theux, M. Dechamps, M. de Decker ont été mis à l’épreuve ; ils ont été successivement aux affaires. Leur libéralisme s’est-il un seul instant démenti ? Jamais.

Du reste, en invoquant en toute sincérité les lois de notre pays, nous n’avons point à canoniser ces lois ; nous n’entendons pas certes les déclarer irréprochables ni décerner à leurs auteurs les honneurs de l’apothéose. Mais il nous semble au moins inutile de déclamer sans relâche contre une législation dont nous réclamons l’appui.

En un mot, placés pleinement dans l’hypothèse, pour parler le langage de la Civiltà, nous réclamons le droit que ce recueil accorde en pareille occurrence, d’aimer et de défendre les institutions qui en résultent. Or la Civiltà serait sans doute embarrassée de nous dire comment on pourrait s’y prendre pour aimer des institutions en les maudissant sans relâche, et pour les défendre en ne cessant de les décrier ?

Est-il donc besoin de rappeler que nous avons toujours réservé hautement, sans respect humain, sans réticences, la suprématie spirituelle de l’Église et notre soumission filiale à ses décisions dogmatiques ? On sait bien (les faits sont là) que ce n’est point de notre part une vaine formule, c’est un cri du cœur, le cri d’une fidélité mille fois éprouvée. Le comte Félix de Mérode eût été bien étonné de s’entendre dire qu’en se qualifiant de catholique libéral il cessait d’être catholique romain.

Mais, ces explications données, et tous les principes catholiques nettement sauvegardés, nous déclarons que nous aimons la liberté éclairée par la religion et tempérée par des lois sages. Nous l’aimons avant tout pour elle-même, comme on aime la beauté morale, comme on aime la justice. Nous l’aimons parce qu’elle donne de la dignité à la vie humaine et qu’elle trempe fortement les âmes. C’est ce qu’aurait dû sentir la Civiltà quand elle reconnaît que, si les catholiques d’Italie avaient montré la dixième partie de l’énergie déployée par les catholiques belges, la révolution italienne exit été vaincue 19. C’est là que la Civiltà aurait pu voir la différence d’un peuple énervé par une longue privation de toute vie publique et d’une nation préparée à la lutte par des institutions libérales.

Nous aimons enfin la liberté, disons-le, parce qu’elle contient dans une certaine limite la volonté des forts et parce qu’elle est secourable aux faibles. Il nous semble qu’au moins dans notre pays, comme dans tous ceux où les idées modernes ont définitivement prévalu, cette façon de voir et de sentir sert mieux la défense de la religion que la disposition contraire. Nous avons même la présomption de croire que nos efforts ne seraient point sans quelque efficacité, s’ils n’étaient pas ouvertement contredits par ceux de nos frères dans la foi qui ne partagent point nos convictions politiques. Mais, quand bien même nous nous ferions illusion sur ce dernier point, quand nous devrions succomber dans la lutte contre l’antichristianisme révolutionnaire, du moins n’aurons-nous pas renié la liberté, ni accepté, dans aucun temps ni à aucun degré, d’être conduits au supplice avec un bâillon dans la bouche.

 

 

Joseph Théophile FOISSET.

 

Paru dans Le Correspondant en 1864.

 

 

 

 

 



1 Correspondant, tome LVIII ; pages 401 et 402, article de M. COCHIN.

2 Torniamo pertanto a dire per la centesima volta (e faccia il Cielo che anche questa non sis indarno !) che la Chiesu... non rifugge dalla libertà civile ; L’AMA, anzi la PROMUOVE, se ne giova mirabilmente ; et quando essa ebbe mano nell’ordinamento delle nazioni, introdusse tra lord e stabili una libertà cosi ampia, non pure nelle repubbliche italiane del medio evo, ma eziandio negli Stati monarchici di altremonte, che quei nostri antichi ci compatirebbero e si rederebbero di noi. (Civiltà, numéro du 6 février 1864, pages 263 et 264.)

3 Quello che i sinceri Cattolici riprovano nelle moderne Costituzioni... non è la libertà, non sono le elezioni in primo od in secundo grado, non è la Camera duplice od unica, non sono i ministeri, le arrigghe, le interpellante, i comitati, gli emendamenti con tutto il resto del meccanismo... Di questo la Chiesa lascia fare a ciascun popolo ciò che gli talenta. Ciò che quella e questi (Cattolici) riprovano net sistema moderno, sono le parti sustanzialmente ree, tra le quali sono precipue quello sconoscere i diritti della Chiesa, col volerla sequestrata da ogni ingerimento nel mondo, sotto pretesto di separazione ; e quel pareggiare il bene ed il male, la verità e l’errore, senza nulla voler distinguere. (Loco citato.)

4 Quelle libertà, in ragione di tesi, cioè come principii UNIVERSALI riguardanti la natura umana per sè medesima e l’ordinamento divino, sono assolutamente condannevoli ed iteratamente condannate dai romani pontefici, e notatamente dal sesto, dal settimo e dal nono, che dalla Pietà presero il nome.

Ma, secundo la ragione d’ipotesi, cioè come provvedimenti appropriati alle speciali condizioni di tali e tali popoli, esse possono essere legittime ; e i Cattolici le possono AMARE, difendere, facendo bella ed utilissima opera, quando le usufruttuano, il più efficacemente che possono, in servigio della religion e della giustizia. (Civiltà, numéro du 17 octobre 1863, page 149.)

5 Nous ne faisons que résumer ici le plus brièvement possible une assez longue argumentation de la Civiltà. Elle insiste beaucoup sur sa distinction entre la faculté de mal faire et le droit de mal faire. La faculté de mal faire, dit-elle, n’est pas de l’essence du libre arbitre, car Dieu est libre, bien qu’il ne puisse mal faire. Sans doute cette faculté ne saurait être toujours entravée par la loi ; mais il ne suit pas de là que la loi DOIVE la protéger. La loi peut tolérer le mal, mais elle ne DOIT pas, en droit absolu, le mettre sur la même ligne que le bien. Si elle le fait, ce n’est pas en vertu d’un principe absolu, mais par des considérations purement politiques.

6 Se intendete che le cangiate condizioni religiose e morali di alcune contrade haneo fatto giudicare che fosse minor malo introdurvi la libertà dei culti e della stampa, noi già abbiamo detto che in ciò non vi può essere DIFFICULTA’ ALCUNA ; e la Chiesa medesima ha tollerato con longanime pieghevolezza quella necessità. (Numéro du 16 janvier 1864.)

7 Stiamo trattando non di ciò che è più utile, ma di ciò che è più vero. (Numéro du 6 février 1864.)

8 Discours de Malines, 1re édition, pages 25 et 26.

9 Même discours, page 14.

10 Discours de Malines, pages 142, 143, 144.

11 Voir le numéro de la Civiltà du 16 janvier dernier, page 175.

12 Correspondant, tome LI, pages 68-69, septembre 1860, article de M. Foisset.

13 Discours de Malines, pages 87, 88, 89.

14 Noi scriviamo in Italia e principalinente per l’Italia. (Civiltà, page 271, numéro du 6 février 1864.)

15 Seconde lettre à M. de Cavour, page 11.

16 Civiltà, 6 février 1864, page 271.

17 Numéro du 21 novembre 1863, page 445, note.

18 L’Erreur libre dans l’État libre, par le comte Edgar du Val de Beaulieu. Bruxelles, décembre 1863.

19 Noi compiacciamo a dire che... i Cattolici fecero e stan facendo colà (nel Belgio) sforzi maravigliosi e veramente giganteschi ; tanto che non dubitammo di asserire, noi Italiani, che in Italia non se ne sarebbe fatto un decimo. (Numéro du 6 février 1864, page 375.)

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net