Saint Paul sur le chemin de Damas
par
Henri GAUBERT
« Chemin faisant, comme il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel l’enveloppa ; et, tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Et il lui dit : « Qui es-tu, Seigneur ? » Et lui : « Je suis Jésus, que tu persécutes. »
Actes des Apôtres, IX.
LA CARAVANE
La caravane cheminait, nimbée d’un nuage de poussière que soulevaient le piétinement des soldats, le trottinement des ânes et des chevaux. Depuis huit jours, la petite cohorte avait quitté Jérusalem ; et maintenant elle arrivait au terme du voyage : on venait d’abandonner la piste aride, serpentant à travers les rocs fendillés par le soleil. On traversait en ce moment un bois, dans l’oasis située en lisière du désert d’Iturée. Déjà, là-bas, en avant de la masse ocrée des collines barrant l’horizon, apparaissait la ligne vert sombre des vergers et des jardins, d’où jaillissaient les tours et les murailles blanches de Damas, but secret de l’expédition.
Cette troupe juive, en majeure partie composée de gens de police, marchait sous le commandement d’un certain Saul, pharisien rigoriste, scribe érudit et théologien de renom, ennemi déclaré de la secte des Nazaréens, et de Jésus, leur prophète crucifié. Ces ardents propagateurs d’une hérésie nouvelle qui, débordant de Jérusalem, commençait maintenant à essaimer dans les grands centres syriens de Damas et d’Antioche, devenaient inquiétants. Il fallait arrêter au plus tôt les progrès de ces illuminés qui, assurait-on, blasphémaient, à la suite de leur maître, contre Moïse, contre la Loi, contre le Temple. Le Collège des Anciens et le Grand Prêtre ne demandaient qu’à seconder le zèle d’un partisan aussi actif et intelligent qu’était Saul. Et c’est ainsi que muni, sur sa propre demande, d’une lettre portant le sceau de Caïphe, Saul se dirigeait vers Damas, dans le but bien arrêté de fondre à l’improviste sur la jeune communauté chrétienne de cette ville, de s’emparer des principaux chefs, et de les conduire aussitôt, dûment enchaînés, devant le Sanhédrin 1 de Jérusalem.
En agissant promptement et par surprise, l’opération devait réussir. D’ailleurs, le chef de la caravane – ce Saul hébreu qui, bientôt, allait devenir le saint Paul 2 des Chrétiens – connaissait à fond la technique de ces raids ; depuis plusieurs années déjà, il poursuivait sans relâche les fraternités vivant sous la Loi du Christ. Il semblait s’être donné la mission de traquer en tous lieux les adeptes du Nazaréen et il le faisait avec la violence d’un sectarisme intransigeant. « Saul – précisent les Actes des Apôtres 3 – ravageait l’Église ; il pénétrait dans les maisons, et, entraînant de force hommes et femmes, il les faisait mettre en prison. » D’ailleurs, saint Paul lui-même ne craindra point de nous renseigner, avec force détails, sur la fureur sanguinaire qui l’animait à cette époque de sa vie : « Cette secte chrétienne – avoue l’apôtre 4 – je l’ai persécutée à mort, chargeant de chaînes et jetant en prison hommes et femmes. » Dans son Discours à Agrippa, il ajoutera : « J’avais cru qu’il fallait m’opposer par tous les moyens au nom de Jésus de Nazareth. J’ai jeté en prison plusieurs saints, après avoir reçu le pouvoir des Grands Prêtres ; et lorsqu’on les faisait mourir, j’y donnais mon suffrage. Souvent même, j’allais d’une synagogue à l’autre ; je sévissais contre les Chrétiens pour les contraindre à blasphémer ; et, transporté de rage, je les persécutais jusque dans les villes étrangères. » Chargé de réprimer sans pitié, Saul, respirant la « menace et le meurtre », marchait en tête de la caravane. Tout laissait donc supposer qu’il se préparait des jours bien sombres pour la petite église chrétienne de Damas.
L’HOMME « DE TROIS COUDÉES »
Ce théologien juif, d’abord persécuteur acharné des Nazaréens, ensuite propagateur infatigable de la foi chrétienne dans le bassin oriental de la Méditerranée, cet apôtre à l’activité féconde qui, partout où il passera, en Asie Mineure, en Macédoine, en Grèce, en Italie, fera surgir des « églises » sur ses pas, ce docteur ardent et fougueux, l’iconographie le représente parfois sous l’aspect d’un athlète puissant, à la carrure imposante. Effigie bien inexacte, car Saul devrait nous apparaître sous les traits d’un petit Hébreu malingre, chétif, « haut de trois coudées 5 », chauve, un peu bancal, et miné par le paludisme. « Un laid petit Juif », selon l’expression de Renan.
Si l’on veut bien admettre l’exactitude approchée du portrait brossé par l’auteur des Actes Apocryphes de Paul, et rédigés moins d’un siècle après la mort de l’Apôtre, ce dernier se serait trouvé fort dépourvu de cette prestance noble et avantageuse qui, d’ordinaire, impressionne si favorablement les foules. « Un homme petit de taille, le front dépouillé, les jambes torses, le teint clair, les sourcils arqués, le nez légèrement aquilin, plein de grâce », voilà le signalement que donne l’écrivain, s’appuyant sur une tradition orale probablement assez exacte.
En somme, un de ces Juifs de ghetto, comme chacun a pu en rencontrer : chauve, maigrelet, petit, un peu contrefait, tel était au physique ce pharisien avide de répandre le sang chrétien, tel était ce Saul qui, à la tête de ses séides, se présentait devant Damas.
SAUL LE PHARISIEN
La « diaspora », dispersion des tribus israélites à travers l’Orient méditerranéen, eut tout d’abord, pour contrecoup logique, l’affaiblissement de la religion hébraïque. Peu à peu, en effet, sous l’influence des mœurs asiatiques et grecques, les Juifs disséminés dans la Gentilité 6 commencèrent à perdre le sens de leurs traditions raciales ; bientôt on vit déferler jusque sur Jérusalem, sur la Ville Sainte qui se considérait comme l’incorruptible gardienne des institutions religieuses, une vague de libéralisme, issue des centres hellénisés.
Mais, en réaction contre l’hellénisme, et aussi contre les Sadducéens, le parti des Pharisiens prêchait un rigorisme étroit, une obéissance aveugle aux préceptes de la Thora. Dans la société juive du temps, les Pharisiens ne constituaient ni une caste fermée, ni un parti politique, ni une secte religieuse : unis par le seul amour de la Foi religieuse, qu’ils arrivaient à ne plus considérer comme un moyen de sanctification, mais plutôt comme une fin en soi, ils emplissaient leur vie quotidienne d’une infinité de rites minutieux et puérils. À ce compte, on le conçoit, la lettre a bientôt fait de tuer l’esprit ; un formalisme aussi poussé supprime tout élan du cœur ; insensiblement, la religion se transforme en une succession de gestes mécaniques, et la moindre transgression d’une des innombrables prescriptions obligatoires au fidèle prend aussitôt figure de faute grave.
Il ne faudrait pas toutefois se figurer les Pharisiens comme de pauvres victimes écrasées sous le joug pesant de la Loi qui, d’ailleurs, permettait tout ce qui était nécessaire à la vie. Les Pharisiens, au contraire, proclament la joie qu’ils éprouvent à se plier aux prescriptions de la Thora. Et le Talmud retentit inlassablement des hymnes de reconnaissance composés par les Scribes et les Docteurs vivant sous cette perpétuelle sujétion.
C’est ainsi que l’influence hellénique, qui semblait devoir provoquer une atténuation de la loi mosaïque, donna naissance, par réaction, à la grande famille pharisienne, jalouse gardienne des traditions hébraïques. Graves et suffisants, raidis par leur foi intransigeante, ces Pharisiens ne manquèrent pas d’être durement stigmatisés par Jésus, qui les comparait à des « sépulcres blanchis », nets extérieurement, mais à l’intérieur remplis de pourriture.
Et maintenant, ces Juifs rigoristes prétendaient répondre victorieusement au Christ : le Sanhédrin dépêchait le scribe Saul, pour tâcher de prendre à Damas, sur les adeptes du charpentier de Nazareth, l’éclatante revanche que ce même Saul avait déjà bien cru s’assurer à Jérusalem.
LE CHEMIN DE DAMAS
Donc, en avant des sbires et des affidés, Saul marche, indifférent à la chaleur étouffante, insoucieux du tableau champêtre qui, au loin, se présente aux yeux de la caravane. Il doit être près de midi.
Or, voilà que, tout à coup, une lumière tombant du ciel, une lumière plus éblouissante que celle du soleil s’abat sur la caravane et l’enveloppe d’un cercle de feu, apeurant les bêtes de somme, renversant à terre les hommes de l’escorte. Puis, s’élevant au milieu du silence, une voix surhumaine lance cet appel, comme dans un roulement de tonnerre : « Saul ! » Ensuite, plus bas, presque affectueusement, le même nom est répété : « Saul ! » Enfin, usant de cette langue araméenne que parla le Christ durant son existence terrestre, le Tout-Puissant interroge avec mansuétude « l’avorton 7 » juif : « Pourquoi me persécutes-tu ? Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon ! »
Sans nul doute, et en raison de sa subtilité orientale, Saul a déjà identifié son mystérieux interlocuteur. Il le connaît bien pour avoir si souvent, dans l’enceinte du tribunal, entendu les Chrétiens confesser leur foi. Il se pourrait même qu’en ce moment le Docteur de la Loi se souvînt du premier martyr de la secte des Nazaréens, ce diacre Étienne que, à la vue de Saul, les Juifs lapidèrent si cruellement, tandis que la noble victime se tournait vers le ciel, pour demander à Dieu de pardonner à cette foule sanguinaire.
« Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutes-tu ? »
Mais un scribe tatillon, un théologien ergoteur ne saurait se contenter d’une impression personnelle ; aussi, tout comme au sein du Sanhédrin on s’enquiert du nom de l’accusé, ici, la face contre terre, et quoique plongé dans une aveuglante clarté surnaturelle, Saul se permet de demander à celui qu’il a peut-être reconnu : « Qui es-tu, Seigneur ? » – Seigneur : oui, le Pharisien perce bien l’identité de celui qui lui parle ; mais, en bon enquêteur, il exige encore des preuves, il demande des explications. Il va les obtenir, et complètes, dans leur concision : « Je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes. »
Par deux fois, le Christ vient de rappeler au bourreau son rôle impitoyable. Par deux fois, il précise qu’il est Celui-là même que Saul poursuit de sa haine. Dès cet instant, le Docteur juif a conscience de son erreur monstrueuse, et de toute la force de sa conviction retournée, il appartient au Nazaréen, il devient sa chose, il se sent son apôtre. Dans un accent de confiance ardente, d’impatience ingénue, il interroge à nouveau, mais en disciple obéissant, cette fois : « Que dois-je faire, Seigneur ? » Et le Scribe hébreu reçoit cette réponse sereine : « Lève-toi, va à Damas ; là, on te dira ce qu’il t’est ordonné de faire. »
La lumière disparaît, la vision se dissipe. Titubant encore sous le choc physique causé par cette fulgurante clarté, épouvantés par cette voix mystérieuse dont ils ont entendu le bruit sans pouvoir reconnaître le sens des paroles, les âniers, les soldats, les chameliers se redressent un à un, reprennent leurs esprits, s’interrogent mutuellement sur la cause possible de ce phénomène étrange. Mais voici que Saul, leur chef, les appelle. On se précipite : le Docteur pharisien, les yeux grands ouverts, tâtonne en plein soleil comme s’il se débattait dans une ombre opaque ; Saul n’est plus qu’un pauvre aveugle, que l’on prend par le bras, et que, avec maintes précautions, l’on conduira à Damas, vers la maison, située dans la rue Droite, d’un certain Judas.
LES INCRÉDULES
Ainsi se présente à nous le récit simple, direct, pathétique, de la conversion de Saul, récit consigné à trois reprises différentes dans les Actes des Apôtres. Mais il était dans l’ordre des choses de voir les rationalistes s’essayer à démontrer la fausseté de la thèse chrétienne.
Parmi les plus redoutables démolisseurs, il faut citer Holsten, qui s’applique à nous expliquer comment la pensée de Paul se concentrait de plus en plus sur cette idée fixe : le Christianisme qu’il fallait détruire. Or, certain jour, cette idée fixe se mua... en une hallucination : sur le chemin de Damas, le farouche Pharisien crut voir le Christ, crut entendre sa voix. Certes, on ne saurait mésestimer l’originalité de cette belle histoire romancée où le processus psychologique de la conversion se trouve escamoté. Lorsque Holsten nous démontrera comment une haine longuement remâchée se transforme, logiquement, subitement, en un acte d’amour qui dure toute une vie, alors peut-être pourrons-nous examiner d’un peu plus près son argumentation. En attendant, on doit bien avouer que le critique n’apporte même pas l’ombre d’une explication acceptable.
Pfleiderer, plus simpliste, suppose gratuitement que le cœur de Saul se trouvait déjà déchiré entre deux tendances opposées : l’amour du Christ et la haine du Christ. Et voici que, sur la route qui conduit à Damas, l’apôtre, sans avoir à passer par le moindre phénomène hallucinatoire, fera choix de l’amour. Mais que deviennent donc, dans cette explication fantaisiste, les textes écrits de la main même de Paul ? Car ce dernier nous précise bien que, jusqu’à l’apparition, il professa uniquement à l’égard du Nazaréen une haine profonde. Sans la moindre preuve à l’appui, Pfleiderer nous assure le contraire. On ne nous fera pas grief de préférer aux assertions sans fondement du critique les explications circonstanciées que nous donne le subtil Docteur juif sur le mécanisme de sa propre conversion.
Quant à la thèse pateline, insinuante, doucereuse de Renan, on connaît son succès... de jadis. Malheureusement pour elle, avec le recul du temps, elle commence à faire figure de galéjade. Une insolation, un transport au cerveau, un coup de tonnerre inattendu : tels sont les arguments du célèbre historien. Mais, comme certains l’ont déjà fait remarquer assez spirituellement, « un coup de soleil n’est point une conversion, au contraire ! » Aussi, pour étayer sa démonstration chancelante, le grand écrivain se voit-il obligé de supposer, dans l’esprit de Paul, des doutes sur la vérité de la Loi mosaïque ; il imagine que le persécuteur des fraternités chrétiennes commence à sentir son âme envahie par le remords. – Une seule ombre au tableau : au contraire de ce que nous affirme Renan, Paul, dans ses « Actes », nous décrit ses fortes convictions hébraïques avant la marche sur Damas, il nous dépeint la satisfaction qu’il éprouve à semer ainsi la terreur dans le camp des Nazaréens. À la vérité, Renan, sentant combien est mouvant le terrain sur lequel il s’engage, se trouve bientôt conduit à inventer (le mot n’est pas trop dur pour caractériser cette œuvre de faussaire) des détails d’une étonnante puérilité : « Saul avait, à ce qu’il paraît, les yeux enflammés, peut-être un commencement d’ophtalmie... Peut-être aussi le brusque passage de la plaine dévorée par le soleil aux frais ombrages des jardins détermina-t-il un accès... Il n’est pas invraisemblable qu’un orage ait éclaté tout à coup... » À lire ces lignes, on peut croire que Renan manqua une belle carrière de romancier. « À ce qu’il paraît... peut-être... peut-être aussi... il n’est pas invraisemblable... » Bel exemple d’histoire conjecturale et imaginative, car aucun texte ne nous parle de l’orage, de l’ophtalmie, de l’inflammation de la pupille. On croit rêver ! Meilhac et Halévy composèrent, comme on sait, une désopilante parodie de l’Iliade. De son côté, et à cette même époque, Ernest Renan écrivit, à sa façon, une sorte de « Belle Hélène » du Christianisme. Et les deux œuvres obtinrent auprès de nos pères – hélas ! – un succès presque égal. Mais aujourd’hui, d’une façon générale, on trouve toutes ces plaisanteries un peu vieillies.
Plus près de nous, un des derniers exégètes antichrétiens, M. Loisy, ne fait aucune difficulté pour reconnaître, très loyalement, la lamentable faillite de ses devanciers. Et que nous offre donc, à son tour, M. Loisy ? Un cocktail prétentieux, nébuleux, dans lequel justement les théories d’Holsten, de Pfleiderer et de Renan s’entremêlent, s’enchevêtrent sur un rythme plutôt fantaisiste. L’hypothèse touchant le scepticisme de Paul vis-à-vis de la Loi Juive va être reprise avec une assurance assez inquiétante au regard des historiens, lesquels, sans avoir le fétichisme des textes anciens, se refusent honnêtement à authentifier des faits inventés de toutes pièces... vingt siècles après.
Pour terminer ce chapitre qu’on pourrait certes facilement allonger, il semble assez indiqué de rapporter la fin du discours prononcé en 1860 par Landerer, sur la tombe de Baur, le redoutable ennemi de l’existence du surnaturel dans la vie de l’Église : « Baur – spécifie Landerer – Baur, qui avait passé sa vie à éliminer les miracles de l’Évangile, confesse que la conversion de saint Paul résiste à toute analyse historique, logique ou psychologique. En maintenant un seul miracle, Baur les laisse tous subsister. Il a manqué sa vie. » – Parole sévère, mais qui semble devoir mettre un point final à ce chapitre de polémique antichrétienne.
LE VASE D’ÉLECTION
Plongé trois jours durant dans d’épaisses ténèbres, Paul observa un jeûne rigoureux : il avait à se replier sur lui-même, il voulait goûter les fruits amers du remords et de la pénitence ; il méditait le miracle stupéfiant, s’enfonçait dans l’extase du Christ qui, tout à coup, s’était révélé à lui.
Trois jours de mort au monde. Trois jours de pure vie surnaturelle.
Or, parmi les Nazaréens de Damas se trouvait un certain Ananias, sans doute un des chefs de cette petite fraternité chrétienne dont Saul, sur le chemin de Damas, escomptait déjà la perte. Ananias reçut, en son sommeil, un ordre divin. « Lève-toi – lui commanda le Seigneur – va dans la rue Droite, et cherche, dans la maison de Judas, un nommé Saul, de Tarse ; voici qu’il est en prière, et qu’il a vu en vision un homme du nom d’Ananias qui entrait et lui imposait les mains pour qu’il retrouvât la vue. » Effrayé de recevoir semblable mission, notre homme hésitant balbutie : « Seigneur, j’ai entendu dire par de nombreuses personnes combien de mal ce Saul a fait à tes saints dans Jérusalem, et il a reçu mission des grands prêtres pour jeter en prison tous ceux qui invoquent ton nom. » Mais l’ordre se répète, impératif : « Va, parce que cet homme est un VASE D’ÉLECTION pour porter mon nom devant les peuples, les rois et les fils d’Israël, car je lui montrerai tout ce qu’il doit souffrir pour mon nom. »
Ananias se rend donc à la maison indiquée ; bientôt après, il se trouve devant l’aveugle et lui impose les mains : « Saul, mon frère, le Seigneur Jésus qui t’est apparu sur la route m’envoie vers toi, pour que tu retrouves la vue et que tu sois rempli de l’Esprit-Saint. » Aussitôt tombent les écailles qui recouvraient les yeux du persécuteur des Chrétiens ; il se lève ; et, sans plus tarder, on procède à son baptême 8.
Car le « Vase d’élection » désigné par le Christ est déjà rempli de l’intelligence de la Loi Nouvelle, il comprend et pénètre la Parole Divine. Grâce à ce nouveau converti, la doctrine du Christ va s’étendre, s’affirmer dans sa beauté radieuse. Le Docteur pharisien vient de se muer en Apôtre, et se prépare à devenir bientôt la pierre angulaire de l’Église parmi les Gentils.
La sanguinaire persécution de Saul le pharisien a pris fin. La pacifique, mais ardente prédication de saint Paul va commencer.
Henri GAUBERT,
Les grandes conversions, Spes, 1938.
1 Le Sanhédrin était le Tribunal suprême des Juifs, composé de prêtres, de docteurs, d’Anciens ; il rendait les verdicts pour les causes majeures ; de plus, il veillait à l’orthodoxie de la doctrine hébraïque, et il administrait le temporel du Temple de Jérusalem.
2 Paulos est-il la traduction du nom hébreu « Saul » ? C’est fort douteux. Certains auteurs pensent que Saul prit le nom de « Paulos » sitôt après la conversion du consul Sergius Paulus ; mais l’opinion est maintenant controuvée.
3 Actes, VIII, 3.
4 Actes, XXII, Discours de Paul aux Juifs.
5 II Corinthiens, X, 12-14.
6 Les Juifs dénommaient « Gentils » tous les étrangers. Cette appellation fut ensuite reprise par les nouveaux Chrétiens, pour désigner uniquement les païens.
7 « Avorton » : c’est ainsi que saint Paul se plaît à se désigner, humblement.