L’Église et l’enseignement au Moyen Âge

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Jean GUIRAUD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE. – Affirmations sur la barbarie au Moyen Âge contredites par le simple bon sens. – Les écoles à l’époque carolingienne. – Écoles gratuites. – Écoles épiscopales et abbatiales. – Liste incomplète d’un certain nombre de ces écoles. – Qu’y enseignait-on ? – Les Universités au Moyen Âge. – Leur caractère ecclésiastique. – Privilèges des papes les érigeant. – Personnel enseignant clérical. – Collèges de boursiers. – Les écoles primaires ou petites écoles : monastiques, paroissiales, municipales. – L’instruction dans les campagnes : Normandie. – Le fouet n’était pas toujours en honneur, comme on le prétend : Lanfranc, Fulbert de Chartres.

 

 

 

 

EXTRAITS DE MANUELS SCOLAIRES

 

 

AULARD et DEBIDOUR. (Cours supérieur, p. 111.) Le goût des lettres, très développé dans la Gaule romaine, s’affaiblit pendant la période barbare des Mérovingiens, mais se releva à partir du règne de Charlemagne et surtout dès l’époque des croisades. Les écoles, qui avaient été réduites à peu de chose, se multiplièrent et étendirent leurs programmes ; l’Université de Paris, réunion des quatre facultés de théologie, des arts, de médecine, de droit canon commença à s’organiser sous Philippe-Auguste ; elle attira bientôt un grand nombre d’élèves non seulement de France, mais de toutes les contrées de l’Europe. Elle acquit rapidement par ses maîtres une grande influence, elle servit de modèle à beaucoup d’autres Universités qui, à partir du XIIIe siècle, furent successivement fondées tant en France qu’à l’étranger.

BROSSOLETTE (Cours moyen, p. 21). L’Église avait seule alors quelques écoles.

CUVET (Cours supérieur, p. 56). Le Moyen Âge fut une époque de barbarie. (Silence à peu près général, dans tous ses cours, sur les écoles au Moyen Âge après Charlemagne.)

DEVINAT (Cours moyen, p. 40). Au Moyen Âge, l’ignorance était générale.

DEVINAT (Cours moyen, p. 12). L’Église conserve dans les monastères l’amour de l’étude au milieu de l’ignorance générale. L’Église toute-puissante est alors la bienfaitrice des peuples.

GAUTHIER et DESCHAMPS (Cours supérieur, p. 33). Philippe-Auguste fonda l’Université de Paris (rien de plus dans tous ses cours).

GUIOT et MANE (Cours supérieur, p. 359). Pendant tout le Moyen Âge, l’esprit d’examen est étouffé, la science reste d’abord enfermée au fond des monastères où rien ne vient troubler sa douce quiétude ; mais quand des milliers d’étudiants viennent ensuite écouter les leçons des docteurs de l’Université de Paris, aussitôt saint Bernard jette le cri d’alarme.

GUIOT et MANE (Cours supérieur, p. 124). Caractéristique du Moyen Âge opposé à la Renaissance : « le fouet, la mémoire seule en honneur, tout est hérésie, l’esprit abêti. »

 

 

 

 

 

 

Comme le Moyen Âge passe pour l’époque de notre histoire où l’Église a exercé la plus grande influence, les écrivains anticléricaux s’efforcent de le présenter comme un temps abominable. Ils veulent, à tout prix, lui attribuer les deux fléaux dont l’humanité souffre le plus : la misère matérielle amenant la famine et la mortalité, la misère intellectuelle, produisant l’ignorance, la superstition, et, comme le disent élégamment MM. Guiot et Mane, l’abêtissement. À les entendre donc, nos ancêtres ont été pendant plus de huit siècles des imbéciles, abrutis par l’ignorance, écrasés par la tyrannie des nobles et des clercs, et se nourrissant d’écorces et d’herbes quand ce n’était pas d’ossements et de cadavres. À cette description, qui met la France du Moyen Âge au niveau des tribus les plus sauvages de l’Afrique ou de l’Océanie, on pourrait objecter la splendeur des cathédrales gothiques. Ne témoignent-elles pas d’un degré de civilisation bien supérieur à celui qu’on nous présente ? Ne sont-elles pas inspirées par une conception artistique à la fois sublime et délicate ? N’ont elles pas été exécutées d’après des règles scientifiques déjà fort avancées et ceux qui les ont construites ne connaissaient-ils pas les lois des mathématiques, de la mécanique et de la physique ? On pourrait objecter aussi les merveilles artistiques que conservent les trésors de ces églises, les collections publiques et privées ; ne dénotent-elles pas, dans ces temps que l’on nous dit si misérables, le goût du luxe qui est l’épanouissement de la richesse et naît au sein des sociétés prospères ?

On pourrait surtout se demander comment un état social si déplorable a pu durer plusieurs siècles. Est-il possible que nos ancêtres aient montré, au sein de la misère et de l’ignorance, une si longue patience, alors qu’ils voyaient en face d’eux le luxe de l’Église et les fêtes seigneuriales ? Ne se seraient-ils pas maintes fois révoltés et n’auraient-ils pas rapidement jeté à terre le régime qui les aurait opprimés à ce point ? Et s’ils ont été assez « abrutis » pour supporter une pareille misère matérielle et morale, comment ont-ils pu cependant promouvoir les grands mouvements populaires des croisades et des communes, et opposer aux invasions anglaises le magnifique élan patriotique dont le Grand Ferré, Eustache de Saint-Pierre, Alain Blanchard et Jeanne d’Arc sont les héros populaires ? Les assertions des manuels scolaires soulèvent donc les plus graves difficultés, elles se heurtent aux faits les plus importants de notre histoire nationale et encore plus au simple bon sens. On pourrait se contenter de cette constatation pour affirmer leur invraisemblance, et passer outre. Mais il y a mieux à faire encore : interroger les documents et montrer par leurs réponses catégoriques combien sont parfois exagérés et le plus souvent faux de tous points les enseignements des manuels « laïques ».

C’est ce que nous allons faire en étudiant successivement :

1° Si le Moyen Âge a été une époque d’ignorance.

2° Si le Moyen Âge a été une époque de misère 1.

 

 

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Qu’il y ait eu des écoles au Moyen Âge, que les moines aient cultivé les lettres, copié des manuscrits et organisé des bibliothèques dans leurs abbayes, que dans certaines villes, se soient créées, au XIIIe siècle, des Universités, c’est ce que nul n’ose nier ; car ce sont des faits universellement connus. On a trouvé plus habile de les atténuer et de les travestir. On a dit :

 

1° Que les écoles existaient sans doute, mais qu’elles étaient rares.

2° Qu’elles n’admettaient que des clercs ou des moines et restaient fermées à la masse des laïques.

3° Que l’on y enseignait la théologie, mais non les sciences et les lettres profanes, les seules qui pussent promouvoir le progrès et combattre l’ignorance des masses.

4° Que les Universités excitaient la défiance de l’Église et que d’ailleurs la scolastique qui y régnait en maîtresse ne pouvait avoir aucune influence sur le développement de l’intelligence et des connaissances humaines.

 

C’est par ces quatre propositions que l’on peut résumer l’enseignement que donnent sur les études au Moyen Âge les manuels « laïques ». Nous allons les examiner 2.

Les écoles étaient-elles nombreuses au Moyen Âge ? Qui recevaient-elles ? Quels étaient leurs programmes ? En étudiant l’enseignement pendant la période mérovingienne et sous Charlemagne, nous avons répondu déjà à ces questions pour le haut Moyen Âge. Nous avons vu que les canons des conciles, comme les capitulaires des rois et des empereurs, avaient ordonné une large diffusion de l’enseignement, que des écoles avaient été ouvertes en conséquence, non seulement pour les clercs et les novices, mais aussi pour les laïques de toutes les conditions sociales, dans les monastères, à côté des cathédrales et jusque dans les plus humbles paroisses de campagne.

Loin de se ralentir, ce mouvement s’est accentué à l’époque carolingienne, au IXe siècle et même au Xe siècle. Sans doute, il a été, à plusieurs reprises, contrecarré par les malheurs qui accablèrent la société pendant cette période si critique de son existence. Les invasions des Normands, en pillant les monastères, en ruinant les abbayes et les cathédrales, en dispersant les populations, ont dû maintes fois détruire les écoles épiscopales, paroissiales et monastiques. L’anarchie dans laquelle on tomba à la suite de la dissolution de l’empire carolingien et pendant la lente élaboration du régime féodal, ne fut pas non plus favorable à l’expansion de l’instruction. Néanmoins l’impulsion donnée par l’Église était si forte qu’elle ne put être arrêtée par d’aussi grands obstacles et les progrès de l’enseignement des sciences et des lettres se poursuivirent malgré tout. « L’avènement de la dynastie carolingienne fait époque dans l’histoire de l’esprit humain 3 », a dit M. Renan, et il a célébré lui-même Charlemagne, Louis le Pieux et Charles le Chauve comme les plus zélés promoteurs de la renaissance des études du IXe siècle.

En effet, malgré les difficultés que rencontra son gouvernement, Louis le Pieux n’abandonna pas la cause de l’enseignement et il demanda, pour la promouvoir, le concours indispensable de l’Église. En 823 4, il rappela aux évêques leur engagement de fonder des écoles là où l’exigeaient les besoins des fidèles et des clercs, et l’année suivante, l’épiscopat, réuni en concile à Paris, lui répondait : « Le devoir de chaque évêque est d’entretenir des écoles ; car il importe à l’Église d’avoir des défenseurs éclairés. Les écolâtres seront amenés aux conciles provinciaux afin que les efforts de chacun puissent être contrôlés 5. » Et de son côté le pape Eugène II 6 écrivait : « On doit s’efforcer d’établir des professeurs capables d’enseigner les arts libéraux et le dogme catholique dans tous les évêchés et dans toutes les paroisses. Le règne de Charles le Chauve (840-877) nous a laissé des prescriptions analogues. Les deux conciles de Meaux (845) et de Paris (846) 7 déclarèrent toujours obligatoires les règlements antérieurs édictés sur la multiplication des écoles ; le concile de Valence ordonna de reconstituer, dans les provinces de Lyon, Vienne et Arles, les écoles de littérature sacrée et profane qui ne fonctionnaient plus 8. En 858, l’archevêque de Tours, Hérard, rappela à ses prêtres leur devoir d’ouvrir des écoles 9 ; enfin le concile de Saponnière de 859 ordonna « de fonder partout des écoles publiques, ubicumque constituantur scholœ publicœ 10 », afin que les sciences divines et humaines y fussent enseignées. Dans la plupart de ces écoles, l’enseignement était gratuit. L’évêque d’Orléans, sous Charlemagne, en avait fait une règle absolue pour son diocèse. Le biographe de saint Guillaume, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, nous dit que, dans toute la Bourgogne, il ouvrit des écoles où les étudiants étaient logés, nourris et instruits gratuitement 11. L’abbaye de Salzbourg avait fait graver à l’entrée de ses bâtiments le vers suivant proclamant la gratuité de l’instruction qu’elle donnait :

 

Discere si cupias, gratis quod quaeris, habebis 12.

 

Charles le Chauve confirma le legs par lequel Amalric avait voulu, en 840, établir la gratuité de l’enseignement à Tours 13.

Dévasté de toutes manières par l’anarchie et les invasions, le Xe siècle a été le plus triste du Moyen Âge, le siècle de fer. Les études que le IXe siècle avait développées subirent un temps d’arrêt, et cependant on s’y occupa des écoles et non seulement de celles qui devaient former les chefs de l’Église et des savants, mais aussi des « petites écoles » qui avaient pour mission de donner l’instruction primaire au peuple. On les trouve en pleine activité dans le diocèse de Toul ; elles admettaient les enfants dès l’âge de sept ans. « Riculfe, évêque de Soissons, mort au commencement du Xe siècle, parle de ces petites écoles dont les curés étaient ordinairement chargés. On avait soin pour la bienséance que les filles ne fussent point mêlées avec les garçons. Il est marqué dans la VIe de Dadon, évêque de Verdun, qu’il avait une grande attention à faire instruire ou à instruire lui-même les enfants. On lit la même chose d’Éracle, évêque de Trèves après 950. Ce sage prélat voulait qu’à l’égard de cette jeunesse et des autres qui avaient moins d’ouverture, on leur tournât et développât les choses en cent façons jusqu’à ce qu’ils les comprissent, et c’est ce qu’il faisait très souvent lui-même avec une extrême bonté. Notger, un de ses successeurs, n’était pas moins soigneux de l’instruction des enfants. » Une simple réflexion de l’Histoire littéraire nous prouve que ces « petites écoles » étaient assez répandues : « L’existence des écoles où l’on enseignait les hautes sciences est une preuve complète qu’il y en avait de petites, puisqu’on ne pouvait parvenir aux autres sans avoir passé par celles-ci 14. »

Lorsque, avec le XIe siècle, la réforme de Cluny se propagea dans la plupart des monastères de France et de la chrétienté, et surtout lorsque l’action de Grégoire VII eut rendu à l’Église catholique son activité et sa pureté, l’instruction prit un nouvel essor et un grand nombre d’écoles primaires, secondaires et supérieures couvrirent le sol de la France, dues à l’initiative des moines ou des évêques. Il nous est impossible de les étudier dans les détails de leur constitution, de leur vie et de leur influence. Ce travail a été fait dans les savantes études de l’Histoire littéraire, et dans une foule de monographies. Pour donner cependant la preuve que l’Église ne se contentait pas d’avoir « quelques écoles », comme l’écrit M. Brossolette, et qu’elle ne gardait pas jalousement la science pour ses couvents et ses clercs, comme le disent MM. Guiot et Mane, MM. Rogie et Despiques, nous allons dresser la liste de celles de ces écoles dont les documents nous ont conservé l’histoire, au XIe et au XIIe siècle.

ABBEVILLE. – École monastique au XIe siècle (Hist. litt., VII, 93).

AFFLIGHEM. – (Ancien diocèse de Cambrai, aujourd’hui en Belgique) École monastique de l’ordre de Cluny : on y enseignait les lettres divines et humaines. (Mabillon, Annales Ordinis S. Benedicti, I, 66).

AMIENS. – École épiscopale (Martène, Amplissima Collectio, II, p. 658 et 744.)

ANGERS. – École épiscopale florissante, en 1010 (Mabillon, Annales I 53). Au XIIe siècle, l’école épiscopale d’Angers prend encore plus d’importance ; on y donne des leçons publiques de lettres, de sciences, de théologie, de droit civil à des étudiants venus de différents pays ; c’est une université avant la lettre. Les moines de saint Benoît, Cîteaux et Fontevrault avaient dans la ville des prieurés pour ceux d’entre eux qui étudiaient à l’école épiscopale (Histoire littéraire de la France, IX, p. 50-53).

Bourgueil. – École monastique où l’abbé Baudri enseignait les lettres et la poésie, étant poète lui-même (Mabillon, Annales, I, 69).

ANGOULÈME. – École épiscopale où s’enseignaient, au XIe siècle, les lettres et les sciences ecclésiastiques ; dans sa bibliothèque se trouvaient les œuvres de certains Pères grecs, tels que Grégoire de Nazianze et Origène, de presque tous les Pères latins et de théologiens du Moyen Âge. Il y avait aussi des philosophes comme Boèce, des historiens, des auteurs anciens, tels que César et Cicéron (Gallia christiana, I, p. 1001).

ARGENTEUIL. – Dans cette abbaye de femmes où Héloïse fut élevée, on enseignait aux jeunes filles et aux religieuses l’Écriture Sainte, les lettres, la musique, la médecine, et même la chirurgie, « afin que les femmes pussent être soignées par des femmes ». Abélard, qui y professa au XIIe siècle, y introduisit l’étude de l’hébreu et du grec (Lettres d’Abélard, éd. 1616, p. 337, 338, 200, 155, 156, 160, 262, 385).

ARRAS. – Les écoles épiscopales d’Arras étaient florissantes dès 960 (Martène, Ampliss. Coll. I, 205) ; on en retrouve la mention au XIe siècle et au XIIe (Histoire littéraire, VII, p. 94 ; IX, 39 et 40).

AURILLAC. – École monastique de l’abbaye de Saint- Géraud. Son illustre élève Gerbert y apprit la grammaire et les lettres ; il lui communiqua lui-même ses découvertes dans l’arithmétique, la géométrie et les autres parties des mathématiques. Gerbert, qui devait être l’un des grands savants du Xe siècle et plus tard le pape Silvestre II, avait été élevé gratuitement dans cette abbaye (Hist. litt. VI. p. 23).

AUTUN. – École épiscopale célèbre au XIe siècle (d’Achery, Spicilège, I, p. 461). Nous avons les noms de plusieurs écolâtres qui l’ont dirigée, au XIIe siècle, en particulier celui d’Honorius d’Autun, l’un des grands érudits de ce temps (Gallia christiana, IV, p. 391).

AUXERRE. – École épiscopale dont on connaît plusieurs écolâtres au Xe et XIe siècle (Martène, Amplissima collectio, VI, p. 708, 716, 719, 732, 733). Cette école dure au XIIe et au XIIIe siècle ; au XIIe, elle a pour élève Thomas Becket. On y étudiait la théologie et le droit (Hist. litt., IX, 40).

Saint-Germain d’Auxerre. – École monastique, remise en pleine activité, au XIe siècle, lorsque la réforme de Cluny eut été introduite dans ce monastère. On y cultivait en particulier l’art de la miniature. (Hist. litt., VII, p. 100).

AVRANCHES. – École épiscopale qui eut pour maître, au XIIe siècle, l’illustre philosophe saint Anselme (VIe de saint Anselme dans l’Appendice de ses Œuvres, éd. 1675, p. 3).

BAUME-LES-MESSIEURS (JURA). – École monastique qui eut pour directeur, vers 920, saint Odon, le futur abbé de Cluny.

BAYEUX. – École épiscopale, au XIIe siècle ; on y étudiait à la fois les sciences sacrées et les lettres profanes (Hist. litt., IX, 54).

BEAUVAIS. – École épiscopale, pourvue, au XIIe siècle, d’une belle bibliothèque ; on y enseignait la littérature, la poésie, la philosophie et la théologie (Yves de Chartres, Lettre 184).

LE BEC (au diocèse de Rouen). École monastique très florissante au XIe et au XIIe siècle. On a ses statuts rédigés par l’un de ses directeurs, le célèbre Lanfranc. On élevait les jeunes gens par la douceur ; l’école était gratuite ; elle recevait des étudiants de tous pays, non seulement de France, mais encore d’Angleterre, d’Allemagne et d’Italie. On y enseignait la philosophie et la théologie (elle eut pour élève l’un des plus grands philosophes du Moyen Âge, saint Anselme), la littérature, la poésie, l’histoire. Cette école avait une riche bibliothèque qui contenait des ouvrages de médecine, preuve que la médecine aussi y était enseignée (Martène, Amplissima Collectio, I, 35-51). Des élèves de ce monastère devinrent à leur tour écolâtres d’un grand nombre d’écoles en France, Allemagne et Angleterre ; d’autres furent des poètes distingués ou des historiens tels que Orderic Vital, l’historien de la Normandie au XIIe siècle. Cette école dura à travers le XIIe siècle (Orderic Vital, Historia ecclesiastica, IV, 530). La bibliothèque s’accrut encore au cours de ce siècle ; l’évêque de Bayeux, Philippe d’Harcourt, lui donna à lui seul 140 manuscrits.

BESANÇON. – École épiscopale, décrite au XIe siècle avec admiration par le légat saint Pierre Damien ; elle avait une belle bibliothèque due surtout à l’archevêque Hugues (Bollandistes, au 18 août, p. 530) ; elle dut un nouvel éclat, à la fin du XIIe siècle, à la protection de l’empereur Frédéric Barberousse (Hist. litt., IX, 42).

BÈZE. – École monastique, réformée au XIe siècle, par saint Guillaume, abbé de Saint-Bénigne de Dijon ; outre son école claustrale réservée aux moines, elle en avait une autre pour les externes et les laïques ; elle était gratuite comme toutes celles que règlementa saint Guillaume (Hist. litt., VII, 37).

BORDEAUX. – École épiscopale florissante au XIIe siècle (Hist. litt., IX, 44).

BOURGES. – École épiscopale florissante au XIIe siècle. (Ibid.).

CAEN. – École monastique avec cours publics au XIIe siècle (d’Achéry, Spicilège, III, 139-142).

CAMBRAI. – On a un règlement sur les écoles de la ville et du diocèse de Cambrai vers l’an mil. Elles n’étaient pas seulement pour les clercs, mais aussi pour les laïques ; on leur apprenait les sciences profanes, les lettres, les sciences ecclésiastiques, afin de les rendre capables de servir Dieu dignement et d’être même utiles au peuple dans les affaires temporelles (Pithou, Codex canonum, p. 368). Ces écoles épiscopales durèrent à travers le XIe siècle et continuèrent à enseigner tous les arts libéraux, la dialectique, la physique, la morale. Nous avons, pour 1190, le nom d’un écolâtre de Cambrai, preuve que ces écoles duraient encore à la fin du XIIe siècle.

Outre l’école épiscopale, il y avait à Cambrai une école dans la collégiale de Saint-Géry (Gallia Christiana, III, p. 70).

CASTRES. – École monastique dans l’abbaye Saint-Vincent, dès le XIe siècle (d’Achery, Spicilège, VII, 341).

LA CHAISE-DIEU. – Une école monastique est établie dans cette abbaye par son fondateur saint Robert. Parmi les dignitaires de l’abbaye, figure toujours l’écolâtre (Mabillon, Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti, IX, 208). Cette école était toujours florissante à la fin du XIIe siècle.

CHALONS-SUR-MARNE. – École épiscopale, fort célèbre au XIe et au XIIe siècle ; elle eut alors pour directeur Guillaume de Champeaux, le maître d’Abélard (Hist. litt., IX, 38).

CHALON-SUR-SAONE. – École épiscopale où l’on apprenait la grammaire et les arts libéraux et où par conséquent on faisait des études littéraires (Bollandistes, VIe de saint Hugues au 29 avril, p. 635).

CHARTRES 15. – École épiscopale fort célèbre qui a duré à travers tout le Moyen Âge, de l’époque franque à la Renaissance. Vers l’an mil, elle avait pour maître le célèbre Fulbert ; on y enseignait alors la grammaire et la littérature, la dialectique, la musique, la médecine, la théologie ; les élèves y accouraient même des pays étrangers. Avec Yves de Chartres, l’école épiscopale porta au plus haut degré l’étude du droit (commencement du XIIe siècle). L’un de ses principaux maîtres, au milieu du XIIe siècle, fut Jean de Salisbury, l’un des plus illustres lettrés de son temps, possédant à fond le grec autant que le latin.

Saint-Père de Chartres avait une école monastique. CHATEAU-GONTIER. – École monastique au XIIe siècle (Hist. litt., IX, 53).

CHATILLON-SUR-SEINE. – École dirigée par des prêtres séculiers ; saint Bernard y apprit la grammaire et la littérature (Saint Bernard, Opera, II, 1063).

CHAUMONT. – École publique de lettres, vers 1150 (Hist. litt., IX, 88).

CHINON. – École instituée, en 1142, par Hugues d’Estampes, archevêque de Tours, et dirigée par les chanoines de la collégiale (Hist. litt., IX, 87).

CLERMONT (OISE). – École ecclésiastique où l’on enseignait, vers 1150, les arts libéraux et la grammaire. (Hist. litt., IX, 87).

CLUNY. – École monastique fort importante dans l’illustre abbaye de ce nom ; elle donna à l’Église trois papes (Grégoire VII, Urbain II, Pascal II) des plus célèbres ; et aux écoles de la chrétienté de nombreux écolâtres, au XIe et au XIIe siècle. Les études classiques y étaient en si grand honneur qu’on reprochait à l’abbé Pierre le Vénérable son admiration enthousiaste pour les auteurs païens. Pierre le Vénérable traduisit à Cluny le Coran, après être allé en Espagne étudier l’arabe. On faisait à Cluny de nombreuses copies de manuscrits dont on corrigeait les textes par la critique et l’exégèse ; les copistes étaient dispensés d’une partie de l’office. La bibliothèque de Cluny était fort riche. (Hist. litt., VII, 38, 40, IX, 111 ). Les innombrables prieurés qui se rattachaient à Cluny avaient chacun leur école.

CORBIE. – École monastique tellement florissante, vers l’an mil, qu’elle envoyait en Angleterre des maîtres de lettres et de musique (Martène, Ampliss. Coll., v. p. 1087).

CORMERY. – École monastique vers l’an mil ; on y enseignait les lettres (Mabillon, Acta Sanctorum ordinis Sancti Benedicti, VII, 90, 93, 99) ; à la fin du XIe siècle, elle avait pour maître un helléniste distingué, Guillaume Louis (Hist. litt., VII, 56).

DEOLS. – École monastique au XIe siècle (Hist. litt., VII, 52).

DIJON. – École monastique de Saint-Bénigne réorganisée, après l’an mil, par l’abbé saint Guillaume ; à côté de celle des moines, il y en avait une autre, publique et gratuite, « ouverte à tous ceux qui s’y présentaient, de quelque condition qu’ils fussent, libres ou serfs, pauvres ou riches ». Saint Guillaume en créa de semblables dans les quarante monastères qu’il réforma. Avec la théologie et la philosophie, on enseignait, à Saint-Bénigne, les mathématiques, la médecine, la musique, les arts industriels, l’architecture. Une élite d’architectes romans sortit de cette école et reconstruisit un grand nombre d’églises, dont Saint-Bénigne. On avait à Saint-Bénigne une belle bibliothèque ; car des moines copiaient sans relâche des manuscrits (Mabillon, Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, VIII, 327-339).

Saint-Étienne de Dijon. – École monastique également célèbre (Gallia christiana, IV, 754.).

DORAT (LE). – École de la collégiale, célèbre au XIe siècle. on y enseignait la littérature classique et sacrée (Labbe, Bibliotheca nova, p. 566-567 du tome II).

FERRIÈRES-EN-GATINAIS. – Dans l’école monastique, si célèbre à l’époque carolingienne, on continue, au Xe siècle, à cultiver la poésie (Hist. litt., VII, 34).

FLEURY-SUR-LOIRE. – École monastique fort célèbre dès le IXe siècle ; la réforme de Cluny y ravive, au Xe siècle, le goût de l’étude. La bibliothèque y était fort importante. On y possédait beaucoup d’ouvrages de l’antiquité classique ; on y enseignait les lettres, la rhétorique, la dialectique, l’astronomie, la géométrie, la théologie, la musique. Hugues Capet y fit élever son fils (Hist. litt., VI, 35 et suiv.).

FOUGÈRE. – École ecclésiastique au XIe siècle (Martène, Thesaurus novus anecdotorum, I, 253).

GOURNAY. – École monastique au XIIe siècle (Hist. litt., IX, 87).

HAUTVILLIERS. – École monastique au XIe siècle (Ibid., VII 21).

JUMIÈGES. – Cette école monastique, fort célèbre aux Xe et XIe siècles, avait une belle bibliothèque et d’excellents copistes qui transcrivaient les œuvres de l’antiquité classique ; on y cultivait aussi l’histoire (Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarum, p. 1204-1217).

LAGNY. – École monastique au XIe siècle (Hist. litt., XI, VII, 21).

LANGRES. – École épiscopale qui produisit, dès le Xe siècle, des philosophes et des théologiens (Hist. litt., VII, 32).

LAON. – École monastique à l’abbaye de Saint-Vincent, dès la fin du Xe siècle (Mabillon, Annales ordinis sancti Benedicti, III, p. 594).

École épiscopale, dirigée, au XIe siècle, par Anselme, maître d’Abélard ; on y enseignait les lettres, et les étudiants y affluaient d’Italie, d’Allemagne et des pays du Nord (Hist. litt., VII, p. 89, 91). Elle conserva son renom pendant tout le XIIe siècle.

LÉRINS. – École monastique où l’on enseignait, au XIe siècle, l’Écriture Sainte, les lettres classiques, l’histoire et l’astronomie (Hist. litt., VII, 42).

LIMOGES. – École épiscopale, dirigée, au XIe siècle, par une succession de savants.

Saint-Augustin de Limoges. – École monastique avec riche bibliothèque ; on y étudiait les lettres (Hist. litt., IX, 103). – Saint-Martial de Limoges. – École monastique dans l’abbaye de ce nom, dès le Xe siècle (Hist. litt., VII, 46).

LISIEUX. – École épiscopale où, au commencement du XIIe siècle, l’évêque lui-même enseignait « les hautes sciences » ; on y étudiait aussi les lettres (Hist. litt., IX, 55).

LUXEUIL. – École monastique où, vers l’an mil, on accourait de Besançon, Lyon, Chalon, Mâcon, Langres et Strasbourg (Mabillon, Annales O. S. B.).

LYON. – École épiscopale déjà fort célèbre avant l’an mil ; on y enseignait la philosophie. Saint Odilon l’appelait « la mère et la nourrice de la philosophie ». On y étudiait aussi tous les arts libéraux et les lettres (Mabillon, Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, VII, 788). Saint Marcel, abbé de Cluny, y fut élevé. Au XIIe siècle, saint Bernard faisait l’éloge des études qui étaient florissantes à Lyon (Saint Bernard, Ép., 174). Il y avait une riche bibliothèque.

MACON. – École épiscopale où saint Maïeul enseigna les sciences ecclésiastiques, au milieu du Xe siècle (Hist. litt., VI, p. 498).

MAGUELONNE. – École épiscopale, au XIe siècle, où enseignait l’évêque lui-même : Godefroi (Hist. litt., VII, p. 43).

MAILLEZAIS. – École monastique au XIe siècle (Hist. litt., VII, p. 599.)

LE MANS. – École épiscopale fort brillante, au XIe siècle, avec une succession d’écolâtres de valeur ; l’un d’eux, pour mieux apprendre les lettres à ses élèves, leur faisait jouer des tragédies ; les lettres étaient particulièrement en faveur (Hist. litt., VII, p. 64.) Sa célébrité dura au XIIe siècle.

Saint-Vincent et La Couture du Mans. – Écoles monastiques au XIe siècle (Ibid., 65).

MARMOUTIER près Tours. – École monastique fort ancienne, reconstituée, au Xe siècle, avec la réforme de saint Maïeul ; on y enseignait, au XIe siècle, la grammaire, la rhétorique, la dialectique, les mathématiques, la musique, la médecine, le grec et même l’hébreu. On s’occupait aussi de la transcription des manuscrits (Hist. litt., VII, p. 55-57). Aussi, au XIIe siècle, y avait-il une riche bibliothèque (Ibid., IX, p. 92).

MEAUX. – École épiscopale au XIIe siècle (Hist. litt., IX, p. 60).

METZ. – École épiscopale au XIe siècle (Hist. litt., VII, p. 28).

Saint-Vincent de Metz. – Cette école monastique, florissante dès le Xe siècle, avait une riche bibliothèque (ibid.) et les étudiants y affluaient de loin.

Saint-Arnould de Metz. – École monastique avec riche bibliothèque (ibid.).

Saint-Symphorien et Saint-Clément de Metz. – Écoles monastiques (ibid.).

MICI ou SAINT-MESMIN près Orléans. – École monastique, florissante au Xe siècle. Gerbert lui communiquait alors ses découvertes scientifiques (Mabillon, Acta, I, 607, 598 ; Gerbert, Ép. 44, 81, 89, 95).

MONTFAUCON-EN-ARDENNES. – École monastique dès le Xe siècle (Hist. litt., VI, p. 28).

MONTPELLIER. – Écoles célèbres bien avant l’an mil.

Une lettre de saint Bernard nous parle de leur réputation universelle pour la médecine (saint Bernard, ép. 307) en 1133. Guillaume, seigneur de Montpellier, permet l’enseignement libre de la médecine à Montpellier en 1180. Le droit civil y fut aussi professé par une succession d’éminents jurisconsultes, au XIIe et au XIIIe siècles, jusqu’à la création de l’Université (Hist. litt., IX, 87).

MONT-SAINT-MICHEL. – Écoles monastiques devenues fort prospères avec l’abbé Robert de Torigny (1154) ; on y étudiait les lettres, les sciences et l’architecture. Il y avait une fort belle bibliothèque.

Des écoles semblables avaient été créées dans toutes les abbayes ou prieurés qui dépendaient du Mont-Saint-Michel (Hist. litt., IX, 110).

MOUTIER-LA-CELLE près Troyes. – École monastique où l’on enseignait la théologie, la philosophie, l’histoire, la littérature, le droit, au XIIe siècle (Lettres de Pierre de la Celle, III, 2 ; V, 19 ; VI, 8, 18, 23 ; VII, 7).

MOYENMOUTIER. – École monastique, réorganisée au commencement du XIe siècle (Hist. litt., VII 26).

NEVERS. – École monastique au Xe siècle (Bollandistes au 16 juin, Vie de saint Amand).

NOYON. – On trouve mention d’écolâtres dans l’église de Noyon au XIIe siècle ; ce qui prouve l’existence d’une école épiscopale dans cette ville (Hist. litt., IX, p. 583).

ORLÉANS. – Écoles épiscopales fort célèbres, au XIIe siècle, pour les études de droit canon (Hist. litt., IX, 60).

PARACLET. – En s’y transférant d’Argenteuil, Héloïse y établit pour les religieuses et les jeunes filles du monde, une école dans le genre de celle d’Argenteuil. On y étudiait l’Écriture Sainte, les Pères de l’Église, la musique, la médecine, la chirurgie, le latin, le grec et même l’hébreu (Hist. litt., IX, 128).

PARIS. – École épiscopale où, dès le Xe siècle, on enseignait les lettres, la dialectique, l’astronomie, la géométrie, à un grand nombre d’élèves. Au XIe siècle, on y venait d’Angleterre, d’Italie, d’Allemagne, de Pologne, de Rome.

Outre les écoles épiscopales, Paris avait plusieurs écoles monastiques dans ses importantes abbayes.

Saint-Denis. – École monastique où furent élevés Louis VI le Gros et Suger.

Saint-Magloire. – École florissante, après la réforme de 1093.

Saint-Germain-des-Prés. – École florissante, dès les temps carolingiens, réformée par saint Guillaume, abbé de Saint Bénigne.

Sainte-Geneviève. – École monastique au XIe siècle.

Sainte-Victoire. – École monastique, etc.

Sur ces écoles de Paris, voir dans l’Histoire littéraire, IX, p. 61-81, une notice qui n’est elle-même qu’un résumé.

PÉRIGUEUX. – École épiscopale au XIe siècle (Hist. litt., VII, p. 48).

POITIERS. – École épiscopale fort célèbre au XIe siècle (ibid., VII, p. 50) ; elle a eu une suite ininterrompue d’écolâtres au XIe et au XIIe siècle. On y enseignait les lettres, le droit, la dialectique (ibid., IX, p. 45.)

Saint-Hilaire de Poitiers. – École de la collégiale de ce nom (Ibid., VII, p. 51.)

Saint-Cyprien. – École monastique (ibid., VII, p. 52).

PONTHIÈRE près Dijon. – École monastique où la grammaire et les lettres étaient sérieusement étudiées, avant l’an mil (Cf. Hist. litt., VI, p. 222, la notice sur Lambert, moine de Ponthière).

REIMS. – Écoles épiscopales les plus florissantes de France avant l’an mil. Avec les lettres, on y étudiait les sciences, la philosophie, la géométrie, l’astronomie. Gerbert, le grand savant du temps, y enseigna. Il y réunit les œuvres de Cicéron, César, Pline, Suétone, Stace, Manilius, Victorin, Claudien, Boèce, des ouvrages scientifiques de juifs espagnols et d’arabes. Robert le Pieux y fut alors élevé (Hist. litt., VI, p. 24 et 25). Un siècle plus tard, lorsqu’elles étaient dirigées par saint Bruno (avant son départ pour la Chartreuse), ces écoles étaient aussi prospères (1076) ; on y étudiait alors beaucoup les poètes classiques. Vers l’an 1100, il y avait à Reims des étudiants de toutes les nations voisines (Hist. litt., VII, p. 86, 91) et vers 1130, « on y vit aborder un si grand nombre d’étudiants qu’il semblait surpasser celui des citoyens ».

Saint-Rémi de Reims. – École monastique (Hist. litt., IX, p. 95).

Saint-Nicaise de Reims. – École monastique (ibid.).

Saint-Thierry de Reims. – École monastique (ibid.).

SAINT-BERTIN. – École monastique, célèbre dès l’époque carolingienne (ibid., VII, p. 211.) Au XIe siècle, on y enseignait la théologie, la dialectique, la musique (ibid., VII, p. 95).

SAINT-ÉVROUL. – École monastique, dès le IXe siècle ; pour sa bibliothèque, on copia un grand nombre de manuscrits contenant l’Écriture Sainte, un grand nombre de Pères et d’auteurs classiques (ibid., VII, p. 84).

SAINT-GERMER au diocèse de Beauvais. – École monastique au XIe siècle (ibid., VII, p. 92) ; on y étudiait, au XIIe siècle, l’Écriture Sainte, les lettres et la médecine. L’un des historiens de ce temps-là, Guibert de Nogent, semble y avoir enseigné (Guibert, De vita sua, II, 5).

SAINT-GILDAS DE RUIZ au diocèse de Vannes. – École monastique pour la jeunesse, au XIe siècle (Hist. litt., VII, p. 67.)

SAINT-GILLES au diocèse de Nîmes. – École monastique où s’enseignaient publiquement les lettres, au XIIe siècle (Hist. litt., IX, p. 87.)

SAINT-HILAIRE au diocèse de Carcassonne. – École monastique où l’on enseignait, au XIe siècle, la littérature religieuse et la littérature classique (ibid., VII, p. 43.)

SAINT-PONS. – École monastique fort importante, au XIe siècle, puisque son influence se faisait sentir jusqu’en Espagne (ibid., VII, p. 43).

SAINT-QUENTIN près Beauvais. – École collégiale où Yves de Chartres enseigna la théologie et le droit canon (ibid., VII, p. 92).

SAINT-RIQUIER. – École monastique où l’on recevait les enfants des seigneurs ; on leur faisait étudier les lettres et en particulier les Pères grecs, saint Ignace, Eusèbe, saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostome (XIe siècle) (ibid., VII, p. 93.)

SAINT-SAVIN dans le Poitou. – École monastique dès le Xe siècle (Mabillon, Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti, VII, p. 90).

SAINT VAAST d’Arras. – École monastique aux XI-XIIe siècles (Hist. litt., IX, p. 97).

SEEZ. – École épiscopale florissante au XIIe siècle (ibid., IX, p. 56).

SENS. – Avait, outre son école épiscopale, deux écoles monastiques, celles de Saint-Rémi et de Saint-Pierre-le-Vif (ibid., VII, p. 98).

SOISSONS – Avait une école épiscopale et l’école monastique de saint Crespin (ibid., IX, p. 37, 38, 192).

TOUL. – École épiscopale fort brillante, dès le Xe siècle ; elle eut pour élève Brunon, qui fut pape sous le nom de Léon IX. « Outre la grammaire, la rhétorique, la dialectique et les autres sciences ordinaires, on donnait aussi à Toul des leçons de jurisprudence dès le XIe siècle. On y faisait aussi des études de théologie et de musique. À Toul, comme d’ailleurs dans d’autres écoles, les étudiants les plus avancés servaient de moniteurs aux autres ; c’était déjà l’enseignement mutuel.

Saint-Epvre. – École monastique (Hist. litt., VII, p. 26.)

TOULOUSE. – Avait à la Daurade une école ecclésiastique des lettres et de musique au XIe siècle (ibid., VII, p. 44).

TOURNUS. – École monastique dès le Xe siècle (ibid., VI, p. 43).

TOURS. – École épiscopale dirigée, au XIe siècle, par ce célèbre Bérenger. On y étudiait la théologie, les lettres, la physique et la médecine (ibid., VII, p. 53) ; au XIIe siècle, elle jeta un vif éclat sous l’épiscopat de Hildebert de Lavardin.

TROYES. – École épiscopale dont l’un des écolâtres, au XIe siècle, Aldrade, était surnommé « l’ornement de l’Église, la gloire du monde, le maître des chrétiens » (ibid., VII, p. 20).

VASSOR (diocèse de Metz). – École monastique où l’on étudiait à la fois les lettres et les arts, on y approfondissait les Écritures et la littérature et l’on travaillait l’or, l’argent et le cuivre. Il y avait aussi des petites écoles pour les enfants auxquels on donnait l’enseignement primaire. Il en fut ainsi du Xe à la fin du XIIe siècle (Hist. litt., VII, p. 29).

VERDUN. – École épiscopale au XIe et au XIIe siècle (ibid., VI, p. 26 ; IX, p. 41).

VEZELAY. – École monastique où l’on étudiait la grammaire, les lettres et les arts libéraux (ibid., XI, p. 103).

La liste de ces écoles est assurément incomplète ; elle ne donne que celles qui ont laissé un nom dans l’histoire soit par l’excellence de leur enseignement, soit par la célébrité de leurs élèves. Le nombre des écoles épiscopales et monastiques au Moyen Âge était beaucoup plus grand 16 ; les canons qui ordonnaient à tout évêque d’ouvrir des cours dans son palais épiscopal et à tout abbé dans son monastère restaient en vigueur au XIe et au XIIe siècle. Le cas de saint Guillaume règlementant les quarante écoles des quarante abbayes qui furent réformées par lui, nous est une preuve que ces prescriptions étaient observées.

D’importantes conclusions découlent tout naturellement de cette liste et des renseignements sommaires qu’elle nous donne.

1º On nous disait que l’Église avait à peine « quelques écoles » – et nous voyons qu’elle en avait couvert le sol de la France, en les établissant non seulement dans les grandes villes, mais dans des bourgs et presque dans les solitudes monastiques.

2º On nous disait que, dans ces écoles, n’étaient admis que ceux qu’une vocation religieuse attirait vers l’Église, son clergé, et ses couvents – et de la plupart de ces écoles il est dit qu’elles servaient aux laïques voulant revenir dans le monde après leurs études, pour y vivre de la condition de leurs parents.

3º On nous disait que, dans ces écoles, « on enseignait la religion plutôt que la science et qu’on dédaignait les livres des savants de l’antiquité », – et la plupart de ces écoles avaient, dans leurs programmes d’étude, la grammaire, la littérature classique, la rhétorique, l’histoire, les sciences, la musique et même le droit civil et la médecine. À Argenteuil et au Paraclet, les religieuses professaient la médecine et la chirurgie !

4º On nous disait que l’instruction du peuple était négligée parce que l’Église avait intérêt à le laisser dans l’ignorance – et de la plupart de ces écoles on nous apprend qu’elles étaient ouvertes aux fils des serfs comme aux fils des seigneurs, que le plus grand nombre d’entre elles étaient gratuites, et que cette gratuité s’étendait non seulement à l’instruction mais aussi au logement et à la nourriture, puisque beaucoup de leurs élèves étaient internes.

5º On nous disait enfin que les moines « grattaient de précieux manuscrits d’auteurs classiques pour y écrire un banal livre de prières » (Rogie et Despiques) – et nous avons vu dans beaucoup de ces écoles monastiques s’organiser de belles bibliothèques où les œuvres de l’antiquité étaient copiées et conservées à de nombreux exemplaires, pour être mises à la disposition des étudiants.

MM. Aulard et Debidour, – que leurs connaissances scientifiques placent au dessus des primaires auteurs de tous les autres manuels, – n’ont pas osé émettre des assertions aussi contraires à la vérité. Ils reconnaissent « qu’à partir du règne de Charlemagne et surtout à l’époque des Croisades, le goût des lettres s’est relevé et qu’alors les écoles se sont multipliées et ont étendu leurs programmes ». Mais s’ils ne dénaturent pas la vérité, ils la dissimulent en oubliant de faire remarquer que toutes les écoles étaient ecclésiastiques et qu’ainsi, dans les siècles du Moyen Âge, l’Église fut la seule dépositaire, la seule dispensatrice des lettres, des sciences, de la culture intellectuelle et de la civilisation. S’ils l’avaient déclaré loyalement, s’ils avaient osé dire, avec M. Devinat « qu’elle fut alors la bienfaitrice des peuples », ils auraient été fidèles à l’impartialité scientifique ; mais un pareil aveu a trop coûté à leur sectarisme !

C’est une mutilation « laïque » du même genre qu’ils ont fait subir à la science historique lorsque, célébrant l’Université de Paris et les autres universités européennes du Moyen Âge, ils ont omis à dessein de dire qu’elles étaient toutes des institutions ecclésiastiques, fondées par l’Église et administrées par elle, et que leur enseignement était donné par des prêtres ou des clercs à des étudiants dont un grand nombre se composait de prêtres et de clercs. On ne se douterait pas de cela en lisant, dans le Cours supérieur de MM. Aulard et Debidour, « que l’Université de Paris s’organisa sous Philippe-Auguste, qu’elle attira bientôt un grand nombre d’élèves non seulement de France mais de tous les centres de l’Europe... qu’elle acquit rapidement par ses maîtres une grande influence et servit de modèle à beaucoup d’autres Universités qui, à partir du XIIIe siècle, furent successivement fondées tant en France qu’à l’étranger. Cette omission complète du rôle de l’Église dans l’Université de Paris et dans les autres Universités de France et d’Europe pourrait faire croire qu’elles étaient « laïcisées », comme nos Universités d’État et qu’elles avaient, comme la Sorbonne de nos jours, des Guignebert et des Debidour chargés de détruire le christianisme, sous prétexte de l’enseigner, et des Aulard chargés de glorifier les crimes des Révolutions sous prétexte d’en écrire l’histoire scientifique ! Et peut-être se trouve-t-il des instituteurs pour l’apprendre à leurs élèves ! MM. Guiot et Mane – deux excellents primaires ceux-là – les y excitent. Ne disent-ils pas que saint Bernard « jetait le cri d’alarme » quand il voyait les étudiants affluer à ces écoles, dont ils oublient aussi de signaler le caractère clérical ?

Sur ce point encore, il est donc nécessaire de rétablir la vérité scientifique à la lumière des textes.

« Il n’est pas vrai, écrit M. Luchaire, que la fondation des Universités marque, comme on l’a prétendu, une émancipation de l’esprit dans le domaine religieux, ni que « le mouvement universitaire » ait eu pour objet de remplacer par des corporations pénétrées de l’esprit laïque les écoles cléricales des chapitres et des abbayes. Il est vrai par contre qu’en se faisant Universités, les associations scolaires se sont affranchies du pouvoir ecclésiastique local pour se mettre sous la main des papes 17. » Les Universités du Moyen Âge ne furent donc que les anciennes écoles épiscopales transformées en écoles internationales et placées, à ce titre, sous la direction et la protection du pape, chef de l’Église universelle ; mais elles n’en restèrent pas moins, comme les écoles épiscopales auxquelles elles succédaient, « des associations d’ecclésiastiques organisées religieusement 18 ».

Ecclésiastiques, les Universités le sont par leur fondation qu’elles doivent aux papes.

PARIS. – Le premier privilège donné à l’Université de Paris est de Célestin III, après 1192, et son premier règlement est du cardinal-légat, Robert de Courçon, agissant au nom d’Innocent III 19. (Chartularium Universitatis Parisiensis, nos 19 et 20).

MONTPELLIER. – Le 26 octobre 1289, le pape Nicolas IV érige en Université les écoles de droit, de médecine et des arts de Montpellier, placées jusqu’alors sous l’autorité épiscopale (Marcel Fournier, Les statuts et privilèges des Universités françaises II, p. 17).

AVIGNON. – Le 4 janvier 1227, le cardinal-légat Romain de Saint-Ange établit une école de théologie à Avignon pour combattre l’hérésie (Fournier, Ibid., II, 301).

CAHORS. – Le 7 juin 1332, le pape Jean XXII crée l’Université de Cahors (ibid., II, 537).

GRENOBLE. – Le 12 mai 1339, le pape Benoît XII crée l’Université de Grenoble (ibid., II, 723).

LYON. – En 1245, Innocent IV établit à Lyon un studium generale pour l’étude du droit (Fournier, ibid., II, p. 733).

NARBONNE. – Le 15 mars 1247, Innocent IV érige une Université à Narbonne (ibid., II, 735).

GRAY. – Le 7 mars 1291, Nicolas IV crée un studium generale à Gray (ibid., II, 737).

PAMIERS. – Le 18 décembre 1295, Boniface VIII crée un studium generale à Pamiers (ibid., II, 743).

GAILLAC. – Le 1er février 1329, Jean XXII crée un studium generale à Gaillac (ibid., II, 745).

ORLÉANS. – Le 27 janvier 1306, Clément V érige l’Université d’Orléans (ibid., I, 11).

TOULOUSE. – Le 19 janvier 1217, création de l’Université de Toulouse par Honorius III (ibid., I, 437).

AIX. – Le 7 décembre 1409, Alexandre V crée l’Université d’Aix (ibid., III, 1).

NANTES. – Martin V érige l’Université de Nantes (ibid., III, 34).

DOLE. – Le 21 novembre 1422, Martin V érige l’Université de Dôle (ibid., III, 98).

BESANÇON. – Le 1er mai 1450, Nicolas V crée une Université à Besançon (ibid., III, 126).

CAEN. – Le 3 mai 1437, Eugène IV crée l’Université de Caen (ibid., III, 149).

POITIERS. – Le 29 mai 1431, Eugène IV crée l’Université de Poitiers (ibid., III, 283).

BORDEAUX. – Le 7 juin 1441, Eugène IV crée l’Université de Bordeaux (ibid., III, 337).

Ecclésiastiques, ces universités l’étaient aussi par leurs professeurs, tous membres du clergé séculier ou régulier, par leurs règlements pénétrés de vie chrétienne et édictant de nombreuses pratiques religieuses, par leur enseignement essentiellement catholique, enfin par la juridiction de l’Église et du pape s’imposant, à l’exclusion de toute juridiction civile, aux professeurs et aux étudiants. Tous les règlements sont donnés à l’Université de Paris par la papauté. « Elle agit en souveraine avec ce corps privilégié... Le pape a tout pouvoir sur les professeurs et sur les étudiants, pouvoir administratif et législatif, pouvoir de direction, de contrôle et de correction, pouvoir absolu sur les esprits comme sur les corps, sur les matières d’enseignement, comme sur le personnel chargé d’enseigner... Rome était en toute chose, mais surtout dans les choses universitaires, le commencement et la fin, principium et finis... Ce n’est pas le roi de France, ce n’est pas l’évêque de Paris, c’est le pape qui règne sur l’Université 20. »

L’Université était si bien regardée comme une institution ecclésiastique que ses étudiants, même laïques, même décidés à mener plus tard une vie laïque dans des carrières civiles, étaient considérés, pendant le temps de leurs études, comme faisant partie du clergé. On les appelait clercs, ils portaient la tonsure et ne relevaient que des tribunaux d’Église.

Ce caractère religieux était manifesté à tous par le sceau de l’Université. « Il est divisé en plusieurs compartiments : dans la niche d’en haut, à la place d’honneur, apparaît la Vierge Notre-Dame, patronne des universitaires et de l’Église où est née la grande école parisienne ; à gauche, l’évêque de Paris tenant la crosse ; à droite, une sainte entourée du nimbe... le tout est dominé par la croix 21. »

Et ce qu’affirme ainsi M. Luchaire de l’Université de Paris, les documents publiés par M. Marcel Fournier le prouvent pour les autres Universités françaises, et la magnifique étude du P. Denifle 22 pour toutes les Universités européennes.

Autour des chaires de ces Universités se pressaient des étudiants si nombreux que, pour montrer le haut degré de prospérité de la Sorbonne moderne, son recteur M. Liard l’a glorifiée d’avoir autant d’étudiants que l’Université de Paris au XIIIe siècle. « En ce temps-là, affirme l’historien de Philippe-Auguste, Guillaume le Breton, les lettres florissaient à Paris. On n’avait jamais vu, dans aucune partie du monde, à Athènes ou en Égypte, une telle affluence d’étudiants. » Il est possible que, devant une pareille multitude d’étudiants, parmi lesquels il en était de débauchés, des hommes particulièrement austères, comme saint Bernard, aient jeté le cri d’alarme dont nous parlent MM. Guiot et Mane. Mais ce qui est encore plus vrai, c’est que ce cri d’alarme isolé est couvert par les accents d’enthousiasme des papes, des prélats, des abbés, devant la prospérité des Universités. « Heureuse cité, disait de Paris l’abbé de Bonne-Espérance 23, heureuse cité où les écoliers sont en si grand nombre que leur multitude en vient presque à dépasser celle des habitants ! » Et lorsque, en 1221, un conflit entre les étudiants et le pouvoir civil fit temporairement fermer l’Université. le pape Honorius III déplorait « que la voix de la science se tût à Paris » et s’indignait qu’on « arrêtât le cours de ce fleuve de science qui, par ses multiples dérivations, arrose et féconde le terrain de l’Église universelle 24. »

Comme jadis dans les écoles épiscopales ou monastiques, l’enseignement était libérément donné, dans les Universités, aux étudiants de toute nation et de toute condition, non seulement aux futurs prélats et aux fils des nobles et des riches bourgeois, mais aussi aux enfants du peuple. Pour aider les humbles, on avait imaginé une institution que l’on voudrait dater de notre temps mais qui remonte à la sollicitude du Moyen Âge chrétien pour les humbles, l’institution des boursiers. Qu’étaient ces nombreux collèges auxquels font allusion MM. Guiot et Mane, en se gardant d’ailleurs d’en définir le caractère ecclésiastique et le rôle essentiellement démocratique, sinon des pensions recevant gratuitement les étudiants pauvres qui venaient étudier à l’Université ? Dans la seule ville de Paris, mentionnons à titre d’exemples :

– Le Collège des Chollets fondé, en 1291, par le cardinal Jean Chollet pour loger gratuitement trente-deux étudiants pauvres des diocèses de Beauvais et d’Amiens 25.

– Le collège de Beauvais ou Dormans-Beauvais, fondé par Jean de Dormans, évêque de Beauvais, pour vingt-quatre boursiers de Dormans au diocèse de Soissons.

– Le collège de Lisieux, fondé par Guy d’Harcourt, évêque de Lisieux, pour vingt-quatre boursiers du diocèse de Lisieux (1386) ; le nombre en fut porté à trente-six par de nouvelles libéralités de Guillaume d’Estouteville, évêque de Lisieux (1414), et de sa famille.

– Le collège de Bayeux, fondé, en 1370, par Gervais Chrétien, chanoine de Bayeux, pour vingt-six boursiers étudiants en théologie, médecine, droit, sciences et lettres.

– Le collège de Séez, fondé en 1427, par deux prêtres, Grégoire et Jean Langlois, pour les étudiants pauvres du diocèse de Séez.

– Le collège de Narbonne, fondé, au commencement du XIVe siècle, par l’archevêque de Narbonne pour neuf étudiants pauvres de son diocèse ; la bourse durait cinq ans pour les étudiants en médecine, dix ans pour les étudiants en droit canon, douze ans pour les étudiants en théologie.

– Le collège du Plessis, fondé en 1322, par Geoffroy du Plessis, protonotaire apostolique, pour quarante boursiers du diocèse de Saint-Malo, des provinces de Reims, Sens, Rouen, (vingt littérateurs, dix philosophes, dix théologiens).

– Le collège de Tréguier, fondé, en 1325, par Guillaume de Comehan, grand chantre de Tréguier, pour huit boursiers de son diocèse.

– Le collège de Cambrai ou des Trois-Évêques, fondé par Guillaume d’Auxonne, évêque de Cambrai, et deux de ses collègues, pour sept boursiers (1348).

– Le collège des Dix-Huit, fondé, au XIe siècle, pour dix-huit boursiers pauvres.

– Le collège des Trésoriers, fondé, en 1268, par Gemetial, archidiacre du Vexin normand, pour vingt-quatre boursiers du pays de Caux (douze théologiens, douze étudiants de lettres et sciences).

– Le collège de Calvy ou Petite-Sorbonne, fondé, en 1271, par Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis, pour de jeunes étudiants de grammaire.

– Le collège de Reims, fondé, en 1390, par Guy de Roye, archevêque de Reims, pour des étudiants pauvres de son diocèse.

– Le collège de Navarre, fondé, en 1304, par Jeanne, reine de France et de Navarre, pour soixante-dix boursiers, vingt étudiants en grammaire, trente en lettres et sciences, vingt en théologie.

– Le collège de Montaigu, fondé, au XIVe siècle, par un Montaigu, archevêque de Rouen, pour vingt-quatre boursiers.

– Le collège de la Sorbonne, fondé, en 1270, par Robert de Sorbon, pour seize étudiants pauvres.

La fondation de ces collèges de boursiers n’était pas particulière à l’Université de Paris. On trouvait des créations semblables dans toutes les autres Universités ; car procurer l’enseignement aux pauvres était considéré comme l’un des actes de charité les plus méritoires et on tenait souvent à l’accomplir, à l’article de la mort, en faisant par testament des fondations scolaires. Plusieurs de ces fondations ont été dues à de hauts dignitaires de l’Église qui, ayant été eux-mêmes étudiants pauvres et ayant bénéficié personnellement de ces bourses, voulurent faire à d’autres le bien qu’ils avaient reçu eux-mêmes 26.

 

Haud ignara mali, miseris succurrere disco.

 

Les magnifiques fondations, dont jouissent encore les Universités anglaises, remontent à ces temps du Moyen Âge qui faisaient de la diffusion de l’instruction une œuvre pie ; car chez nos voisins, il n’y a pas eu de Révolution venant confisquer au profit de l’État ces collèges de boursiers avec leurs dotations.

Les Universités et la plupart des écoles monastiques et épiscopales donnaient à leurs élèves l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire ; ce n’est pas à des enfants que l’on pouvait apprendre les sept arts du quadrivium qui constituaient le cycle des études scientifiques et littéraires et encore moins le grec, l’hébreu, la médecine, le droit, l’architecture, la musique ou la théologie, qui figuraient dans le programme de ces écoles et de l’Université. En partant de cette constatation, les détracteurs du Moyen Âge pourraient prétendre que si, à la rigueur, ces études nous prouvent l’existence d’une élite instruite, elles ne nous disent pas que les masses populaires aient reçu l’enseignement primaire qui leur convenait. Les auteurs de l’Histoire littéraire, ont répondu, il y a plus de 150 ans, à cette objection possible ; ils ont fait observer que, pour que des multitudes d’étudiants aient pu suivre les études supérieures qui se faisaient dans les écoles cathédrales et abbatiales et plus tard dans les Universités, il fallait qu’auparavant elles eussent reçu, dans des écoles primaires, les premiers éléments de l’instruction. Par leurs programmes déjà si élevés, les centres d’études que nous venons d’énumérer, supposent donc l’existence d’une multitude encore plus grande d’école populaires. Les documents d’ailleurs nous les signalent ; on en trouve d’abord sous le nom de petites écoles dans les monastères et à côté des cathédrales qui dès lors avaient un double cycle d’enseignement, le cycle primaire et le cycle secondaire et supérieur. D’autre part, les canons des conciles rappelaient sans cesse aux curés la législation canonique du concile de Vaison leur faisant un devoir d’ouvrir et d’entretenir pour le peuple des écoles paroissiales. « À Paris, dit M. Vallet de Viriville, l’enseignement primaire remontait à une antiquité immémoriale. En 1292, il y avait dans la capitale onze maîtres et une maîtresse d’école établie dans les différentes paroisses de la ville 27. » Au XVe siècle, les écoles étaient déjà très répandues ; car les registres du chapitre de Notre-Dame rapportent qu’on comptait les élèves par milliers, à une procession d’enfants qui eut lieu, le 13 octobre 1449 28. « Dans beaucoup de villes, l’administration municipale se chargeait de l’enseignement primaire et on avait déjà des écoles communales gratuites. C’est ce que nous prouvent les règlements scolaires d’Albi, au XIVe siècle. Cette ville avait un directeur d’école « qui devait distribuer l’instruction élémentaire à titre absolument gratuit à tous les jeunes enfants de la ville et du consulat. L’école devait être, en outre, pourvue d’un certain nombre de maîtres de manière à offrir tous les degrés de l’enseignement littéraire qui séparaient l’a b c de la théologie 29. » C’était déjà l’enseignement intégral à base primaire que rêvent nos socialistes. Dans beaucoup d’autres villes, à Brest, Autun, Chalon-sur-Saône, Dijon, etc., les maîtres primaires étaient organisés en corporation, preuve non seulement qu’ils existaient, mais qu’ils étaient plusieurs.

Les nombreuses études d’histoire provinciale et locale qui se sont multipliées, au dernier siècle et de nos jours, nous montrent au Moyen Âge des écoles jusque dans des hameaux et les paysans sachant en grand nombre lire et écrire. Dans notre aperçu rapide, il nous est impossible de pénétrer dans ces travaux aussi nombreux que minutieux ; nous nous contenterons de parcourir celui qui a servi de modèle à la plupart d’entre eux, les magistrales recherches de M. Léopold Delisle sur La condition de la classe agricole en Normandie au Moyen Âge 30. « Ce n’est pas seulement au XIXe siècle, dit-il, qu’on a fondé des écoles dans les campagnes ; l’idée de cette institution remonte au Moyen Âge. Nous en avons, au moins pour notre province, les preuves les plus incontestables. Les exemples que nous allons bientôt faire passer sous les yeux du lecteur, établiront surabondamment combien les écoles rurales étaient multipliées, au XIIIe siècle et aux suivants, dans la Normandie. » À la suite du chroniqueur Guillaume de Nangis, il en mentionne dans les hameaux, dans les châteaux 31. « L’instruction religieuse occupait incontestablement une large place dans le programme des écoles rurales. Mais on ne peut douter qu’on y enseignait aussi la grammaire, c’est-à-dire les éléments de la langue latine... On initiait aux secrets de la lecture et de l’écriture un certain nombre de paysans, les vavasseurs, par exemple. Pouvait-il en être autrement à une époque où les rapports du tenancier avec son seigneur étaient si compliqués... à une époque où les-pièces écrites étaient d’un usage journalier dans les dernières classes de la société ? » Et de fait, M. Delisle cite plusieurs actes où des paysans normands apposent eux-mêmes leur signature. Jeanne d’Arc était fille de paysans et elle savait écrire, puisque nous avons plusieurs pièces signées d’elle.

Si MM. Guiot et Mane veulent bien admettre l’existence de « rares écoles », de « quelques écoles » au Moyen Âge, quel triste tableau ils en tracent ! À les entendre, les maîtres n’y avaient qu’une besogne, frapper les élèves de coups de fouet et de verges et ceux-ci une seule occupation, en relation directe avec celle des maîtres, pleurer ! Et s’adressant aux enfants terrifiés par de pareils récits, ils les engagent à plaindre les écoliers de jadis et à bénir le doux sort que leur fait la loi républicaine décrétant l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire !

On pourrait d’abord se demander si notre enseignement laïque ne connaît vraiment plus les châtiments corporels, et si les maîtres qui le donnent conservent tous, au milieu de leurs élèves, l’impassibilité d’un Épictète toujours maître de lui. Les tribunaux nous ont plusieurs fois appris qu’il en est parmi eux qui ont la main non seulement vive, mais dure et que parfois encore, quoi qu’en disent MM. Guiot et Mane, les enfants pleurent dans nos écoles laïques ; et d’ailleurs, qui pourrait s’en étonner sinon MM. Guiot et Mane, qui s’imaginent que, sur les toits des écoles, les tuiles restent toujours neuves, comme les bancs dans les classes, que en toute saison, les prairies et les pelouses, qui par définition, s’étendent devant les maisons d’école, restent toujours vertes et que, depuis la Renaissance, toutes les « routes sont gazonnées 32 ! » Quand on avance si loin dans la voie de la naïveté, on peut bien croire qu’aujourd’hui les écoliers rient toujours, tandis qu’au Moyen Âge ils pleuraient sans relâche !

Dans ces temps, il est vrai, les caractères étaient plus fermes et aussi les mœurs plus rudes sans doute parce qu’on n’avait pas entendu les tirades humanitaires et « sensibles » des philosophes du XVIIIe siècle, précurseurs des guillotineurs de 1793. Les corrections étaient peut-être plus sévères et nous ne nierons pas que les verges et le fouet n’aient parfois figuré dans le mobilier scolaire. Il en était d’ailleurs de même dans cette antiquité classique que l’on oppose au Moyen Âge, et dans la Grèce « mère de toute civilisation et sanctuaire de la liberté ! » Mais il ne faudrait pas charger outre mesure nos pères des Xe-XVe siècles, et croire qu’alors tout maître était avant tout et par essence un frère fouetteur. Nous avons maintes preuves du contraire. Fulbert de Chartres, le directeur des écoles épiscopales de cette ville au XIe siècle « ignorait ces façons pédantesques trop ordinaires dans les écoles. Il n’employait que la douceur et la voie de persuasion 33 ». Il n’avait attendu pour cela ni Pestalozzi ni les autres pédagogues du XIXe siècle ! Dans les règlements qu’il donna, vers le même temps, à l’école monastique du Bec, le Bienheureux Lanfranc recommandait d’élever la jeunesse « en lui inspirant des sentiments d’honneur et de religion, en la formant aux manières d’honnêteté et de politesse. On était bien éloigné d’user envers elle de rigueur et de châtiment... mais s’accommodant à sa portée, on employait la douceur, la tendresse, la raison pour l’engager à faire ce qu’on exigeait d’elle 34 ».

Il est à croire que Lanfranc et Fulbert ne furent pas les seuls, au Moyen Âge, à pratiquer cette pédagogie humaine, témoignant à l’enfant autrement que par le fouet l’affection et l’intérêt que le maître lui portait.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

MAÎTRE. Les écoles épiscopales et monastiques de l’Occident.

CLERVAL. Les écoles de Chartres.

Histoire littéraire de la France, tomes VI, VII. IX.

LUCHAIRE. L’Université de Paris sous Philippe-Auguste.

DENIFLE. Die Universitaeten des Mittelalters.

 

 

 

Jean GUIRAUD, Histoire partiale, histoire vraie,

vol. I, 1914.

 

 

 

 

 



 1 Cette question fait l’objet de l’un des chapitres suivants.

 2 La quatrième de ces questions sera examinée dans le second volume de ces études.

 3 RENAN. Mélanges religieux et historiques, p. 259.

 4 BALUZE. Capitularia regum Francorum, t. I, col. 634.

 5 BALUZE. Op. cit., col. 1137. L’écolâtre était le chanoine qui avait reçu de l’évêque et du chapitre la direction de l’enseignement dans un diocèse.

 6 Annales ordinis S. Benedicti II, p. 505.

 7 Concilia (éd. Sirmond) III, p. 25.

 8 Concilia (éd. Labbe) VIII, p. 142.

 9 Ut scolas presbyteri pro posse habeant. Baluze, Op. cit. I, p. 288.

 10 Concilia (éd. Labbe) VIII, p. 674.

 11 BOLLANDISTES. Acta Sanctorum. Janvier I, p. 60.

 12 MIGNE. Patrologie latine, t. 101, p. 757.

 13 MARTÈNE. Thesaurus novus anecdotorum, t. l. Voir aussi MAÎTRE, Les écoles épiscopales et monastiques de l’Occident, 768-1180, qui nous a donné l’indication de la plupart de ces textes.

 14 Histoire littéraire de la France, t. VI, p. 29.

 15 Sur les écoles de Chartres, voir la belle étude que leur a consacrée, sous ce titre, M. Clerval.

 16 Histoire littéraire, IX, p. 88. « Les villes dont nous venons de parler n’étaient pas assurément les seules qui eussent des écoles publiques ; mais elles doivent faire préjuger que les autres, sur lesquelles l’histoire ne nous apprend rien, avaient aussi les leurs. En effet, il n’est pas vraisemblable, vu le grand nombre des gens de lettres que la Normandie, par exemple, et la Bretagne ou Armorique produisirent en ce siècle, qu’il n’y eut dans ces provinces d’autres écoles que les épiscopales et monastiques. »

 17 Dans l’Histoire de France de LAVISSE, t. III, partie I, p. 342.

 18 C’est la définition que M. Luchaire donne des Universités dans son étude sur l’Université de Paris sous Philippe-Auguste, p. 15.

 19 À ces références on trouvera l’acte de fondation de ces différentes Universités.

 20 LUCHAIRE. L’Université de Paris sous Philippe-Auguste, p. 75, 58, 43.

 21 LUCHAIRE dans Histoire de France de Lavisse, III, partie I, 342.

 22 DENIFLE. Die Universitaeten des Mittelalters bis 1400.

 23 Cité par LUCHAIRE, op. cit., p. 332.

 24 Ibid., p. 343.

 25 On trouvera une notice sur chacun de ces collèges dans la Topographie du Vieux-Paris, par MM. Berty et Tisserand. Voir aussi l’Histoire de la Ville et du diocèse de Paris par l’abbé Lebeuf.

 26 Nous n’avons pas la prétention d’avoir donné la liste complète des collèges de boursiers fondés à l’Université de Paris. M. Vallet de Viriville, Histoire de l’Instruction publique, p. 155, en compte 78 : ce qui doit indiquer un total de plus de 1506 boursiers, au XIIIe et au XIVe siècle.

 27 Il ne faut pas oublier qu’alors, Paris avait environ quarante mille habitants.

 28 VALLET DE VIRIVILLE. Histoire de l’instruction publique, p. 202.

 29 Ibid., p. 201.

 30 P. 175.

 31 Ibid., p. 180 et suiv.

 32 Voir plus haut p. 35, et Cours supérieur de Guiot et Mane, p. 124.

 33 Histoire littéraire, VII, p. 13.

 34 Ibid., p. 75-76.

 

 

 

 

 

 

 

 

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