Madeleine de l’Aubespine
(1546 – 1596)
Notice biographique extraite de :
Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.
Madeleine, ôtez-moi ce nom de l’Aubespine
Et prenez en sa place et Palmes et Lauriers...
C’est ainsi que Ronsard s’adressait à cette femme poète dont les sonnets ravissants sont restés manuscrits jusqu’au XXe siècle.
Épouse de Nicolas de Neufville, Seigneur de Villeroy, secrétaire d’État sous les règnes de Charles IX et de Henri III, elle devint dame d’honneur de Catherine de Médicis. Mondaine, spirituelle en diable, savante (sa traduction des Héroïdes d’Ovide l’atteste), que fallait-il de plus pour créer un salon ?
Son hôtel, proche du Louvre, vit défiler les poètes les plus renommés; Rémy Belleau lui dédia une de ses « pierres précieuses », Ronsard la considérait comme sa fille spirituelle et Philippe Desportes dont elle fut l’amie la célébra sous le nom de Callianthe et de Cléonice. Les poèmes de Madeleine de l’Aubespine ont été publiés pour la première fois par Roger Sorg, en 1926 ; en 1927, Frédéric Lachèvre prétendit qu’ils devaient être attribués à une autre amie de Desportes, Héliette de Vivonne, opinion que partageait Pierre Louÿs. En 1937, Jacques Lavaud se range à l’avis de Roger Sorg. Faisons comme lui jusqu’à plus ample information.
Le talent de Madeleine ne manque pas d’originalité ; par la vivacité de son imagination, elle accède même à une poésie cosmique dont l’étourdissante fantaisie présage déjà celle de Théophile de Viau. Lune carrée, poissons qui volent dans les airs, eau sèche, en quelques traits elle crée un univers de l’absurde qui dépayse et captive. Les rares essayistes qui en parlent réduisent ses sentiments à de simples badinages. Il est vrai que Mme de Villeroy esquisse parfois de bien moqueuses pirouettes. À Philippe Desportes qui lui adresse, dès son retour de Pologne, la célèbre villanelle « Rosette pour un peu d’absence... », elle répond avec une grâce un peu désinvolte, sur le ton léger d’une femme qui raffole des jeux de l’amour et de la rime. Mais ces malicieuses réparties aux insinuations de son amant ne constituent qu’un aspect de son talent. Qui la lit attentivement verra bien à quel point elle est atteinte et blessée par son volage ami. Tel aveu, saisi au passage, en dit long sur les remous d’une secrète souffrance née de l’amoureuse passion.
Les poèmes où elle retrouve avec mélancolie le vert chemin de ses défuntes amours annoncent déjà les élégies de Desbordes-Valmore qui peignent le touchant asile des premières entrevues où rien n’a changé hormis les sentiments de l’aimé.
L’écriture se révèle plus pure et la sensibilité plus ardente encore lorsque, lasse d’aimer, elle lève son visage repentant vers un Dieu dont la mansuétude l’éblouit.
OEUVRE : Les chansons de Callianthe, publiées par Roger Sorg, Paris, L. Pichon, 1926.