Élisabeth-Sophie Chéron
(1648 – 1711)
Notice biographique extraite de:
Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.
Curieuse et attachante physionomie que celle de la parisienne Élisabeth Chéron! Ce n’est qu’à soixante ans qu’elle épousa un certain M. Le Hay, ingénieur de Louis XIV. Jusqu’alors, la pauvrette n’avait hélas! guère eu le loisir de rêver à l’amour. Son père, peintre en émail et en miniature, avait quitté le domicile conjugal lorsque la jeune fille avait seize ans, lui laissant le soin de subvenir aux besoins de la maisonnée. Fort heureusement, la nature l’avait généreusement pourvue de dons pour la littérature, la musique et la peinture. C’est ainsi qu’elle fut appelée à l’abbaye de Jouarre pour y entreprendre les portraits de la supérieure et des princesses d’Épinay et des Ursins. Le bon accueil des religieuses et leur état d’âme la ravirent au point de lui faire abjurer le protestantisme de ses pères.
Mademoiselle Chéron n’a guère eu à se plaindre de ses contemporains. Ses mérites lui valurent d’appartenir à l’Académie royale de peinture et de sculpture et aux «Ricovrati» de Padoue. Son œuvre littéraire se développe sur des registres fort opposés: la verve comique des Cerises renversées, la poésie sacrée de l’Essay de Psaumes et cantiques. Celui-ci parut presque au même moment que les Cantiques spirituels de Racine que Mlle Chéron a peut-être connus, mais point imités... Par contre, elle a visiblement influencé Nicolas Gilbert, auteur de l’Ode imitée de plusieurs psaumes. Les Psaumes et Cantiques frappent à la fois par l’ampleur des visions, par la véhémence avec laquelle les péchés y sont fustigés et les consciences démasquées. Strophes nobles, parfois rudes dans leur vérité, leur dépouillement et leur hardiesse. Les alexandrins et les vers de six ou de huit syllabes qui se mélangent dans certaines d’entre elles les gardent de toute monotonie. Il est remarquable qu’une femme du XVIIe siècle réussisse déjà à nous impressionner par son réalisme cruel et sa gravité passionnée.
OEUVRES: Essai de psaumes et cantiques, mis en vers par Mademoiselle Chéron, Paris, M. Brunet, 1694. Les cerises renversées, Paris, Giffart, 1717. Le cantique d’Habacuc et le psaume 103 traduits en vers français, Paris, s.é., 1717.