Amable Tastu
(1798-1885)
Notice biographique extraite de :
Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.
Elle est fort sympathique, cette Amable Tastu au nom vieillot, au cœur désintéressé, avide plus qu’aucune autre de s’associer aux idéaux élevés de son temps ! On n’a pas assez fait ressortir les qualités exceptionnelles qui se dégagent de sa vie et de ses écrits : endurance dans l’adversité, énergie au travail, audace intellectuelle.
Née à Metz, élevée dans un milieu bourgeois par un père contrôleur général des vivres, Amable Voïart commence à rimer dès l’âge de douze ans. En 1816, elle épouse un imprimeur, excellent homme peu intelligent, qui ne met pas longtemps à se ruiner. Mme Tastu utilise sa plume pour faire vivre son époux et son fils, qui deviendra diplomate. Ses premiers succès littéraires datent de 1825 et lui vaudront de nombreux prix à l’Académie des Jeux floraux. Vieille, pauvre, presque aveugle, elle continue courageusement à composer des poèmes.
Dans les quelque trente volumes de son œuvre, elle a abordé indifféremment quantité de genres : traités pédagogiques, récits de voyage, tableau des littératures italienne et espagnole, poésie. C’est quand elle effeuille méditativement la branche d’un saule ou qu’elle brode mélancoliquement sur le thème du « o never more » de Shelley qu’elle atteint à ce coloris tempéré et à ce classicisme à la Chénier que lui découvre Sainte-Beuve. Avec quelle captivante subtilité ne mélange-t-elle pas son sentiment de la nature et la sensation d’impuissance que lui inspire la création poétique !
Certains de ses poèmes (La France et l’industrie, Lyon en 1793 et La Liberté) ne nous enthousiasment guère; d’autres pourtant témoignent d’un esprit curieux : l’Ange gardien, où se trouve esquissé, timidement encore, le besoin de libération qu’éprouvent les femmes; Les Dieux s’en vont, qui dénonce le plat matérialisme des êtres attachés à leur pâture.
Si l’œuvre de Mme Tastu est inégale, elle fait du moins preuve d’anticonformisme et prêche sans pédantisme la générosité. Sa diversité, son mouvement, l’originalité de ses préoccupations lui ont valu l’estime de Sainte-Beuve.
OEUVRES : La chevalerie française, Paris, Tardieu, 1821. Les Oiseaux du sacre, Paris, Imprimerie Tastu, 1825. Poésies, Paris, Dupont, 1826. Les Chroniques de France, Paris, Delangle, 1829. Poésies nouvelles, Paris, Denain et Delamarre, 1835. Œuvres poétiques, Paris, Didier, 1837, 3 vol. Poésies complètes, Paris, Didier, 1858.