La religion
par
Ernest NAVILLE
Messieurs,
Il existe dans les œuvres de l’historien grec Xénophon un petit livre retraçant avec beaucoup de charme et de pureté l’intérieur d’une famille honnête d’Athènes, il y a 2200 années. Ce livre est intitulé l’Économique. Le héros, nommé Ischomaque, rend compte du côté religieux de son existence dans les termes que voici : « Je m’efforce de mériter, par de justes prières, la force, la santé, la considération, la bienveillance de mes amis, l’avantage de sortir honorablement des combats. Je demande enfin aux dieux des richesses, fruit d’une honnête industrie. »
Cette prière de l’honnête Grec exprime fort clairement une manière de comprendre la religion, dont le caractère propre est de mettre le ciel au service de la terre. S’il est des dieux influant sur nos destinées, il est raisonnable de faire son possible pour se concilier leur faveur, et de mettre sous leur protection sa personne et ses propriétés. Le culte devient un supplément aux voies ordinaires par lesquelles l’homme se procure les biens et les avantages de ce monde. La prière monte vers le ciel avec l’espoir d’en redescendre sous la forme d’on accroissement de fortune, de réputation et de bien-être. La piété s’attache aux promesses de la vie présente et s’y arrête. Il ne serait pas difficile de reconnaître au milieu de nous les signes manifestes de pensées religieuses semblables à celles d’Ischomaque. Ne nous arrive-t-il pas, à tous peut-être, dans le secret de nos cœurs, de demander à Dieu beaucoup plus que notre pain quotidien, et d’invoquer Celui qui est le maître des joies et des douleurs de la vie, plus encore que le Dieu de l’éternité ? Cette religion tout humaine n’a pas le droit de fixer longtemps notre attention.
Il est une autre idée de la religion, également fausse, mais plus élevée, plus sérieuse, et qui mérite par conséquent de nous arrêter davantage.
En présence des réalités manifestées par l’expérience, l’homme a la faculté de concevoir quelque chose de mieux que ces réalités. Sa pensée est imparfaite, lente, obscure, au prix d’une pensée plus haute, plus pleine, plus lumineuse, dont il saisit distinctement l’idée. Ses joies passagères et mélangées lui suggèrent l’idée d’une joie pleine et permanente. Les rayons de beauté qu’il discerne dans la nature ou dans l’humanité l’élèvent à la conception d’une beauté complète, dont les beautés d’ici-bas ne seraient que le pâle reflet. Nous avons, en un mot, la faculté de concevoir l’infini, l’idéal. À cette faculté merveilleuse répondent des sentiments d’une nature particulière, qui portent visiblement le sceau de la noblesse et de l’élévation.
Dès qu’il constate ce fait et en accepte les conséquences, l’homme peut arriver à comprendre que ce qui fait le prix de la vie, ce n’est pas l’argent, le bien-être, les petites et mesquines ambitions qui nous travaillent à l’ordinaire, mais la culture de l’intelligence, de l’art, de la poésie, mais l’effort de l’âme quittant le cercle étroit de la réalité, et ouvrant ses ailes au souffle de l’idéal, pour prendre son vol vers l’infini. Écoutez à cet égard un homme que j’ai combattu devant vous, et que je vais combattre encore, le regardant comme un des plus dangereux adversaires de la vérité, ce qui m’impose en quelque sorte l’obligation de ne vous laisser ignorer ni son beau talent, ni le caractère élevé que peut revêtir sa pensée :
« La vraie religion, dit M. Renan, est le fruit du silence et du recueillement...... Elle naît, avec la délicatesse morale, au moment où l’homme vertueux, rentrant en lui-même, écoute les voix qui s’y croisent. En ce silence, tous les sens étant apaisés, tous les bruits du dehors étant éteints, un murmure pénétrant et doux sort de l’âme et rappelle, comme le son lointain d’une cloche de village, le mystère de l’infini. Semblable alors à un enfant égaré qui cherche vainement à démêler le secret de sa naissance inconnue, l’homme qui médite se sent dépaysé. Mille signes de la patrie provoquent chez lui de mélancoliques retours. Il s’élève au-dessus des terres fangeuses de la réalité, vers des champs pénétrés de soleil ; il sent les parfums des jours antiques que les mers du Sud conservaient encore quand les vaisseaux d’Alexandre les parcoururent pour la première fois. La mort, en habit de pèlerin, revenant de la Terre Sainte, frappe à la porte de l’âme, qui commence à sentir, ce qu’elle ne voyait pas dans le trouble de la vie, qu’il lui sera doux de mourir 1. »
Voilà des paroles dont il ne faudrait pas toujours serrer le sens de trop près ; mais enfin, voilà de belles paroles. Il est certain que pour l’homme enfermé dans la vulgarité de la vie, et ne voulant rien voir au-delà des horizons bornés de nos affaires ou de nos plaisirs, il n’y a pas de poésie et il n’y a pas de religion. Il existe donc bien, comme on l’a dit, entre la poésie et la religion « un rapport d’essence et de nature 2 ». Cette thèse est irréprochable dans sa généralité ; mais – et c’est ici le suprême danger, surtout pour les hommes voués à la culture de l’art ou de la pensée – dès que cette thèse se précise, elle donne lieu à deux conceptions religieuses, non-seulement différentes, mais pleinement contradictoires.
Dieu n’étant pas seulement le Tout-Puissant, mais aussi la sainteté absolue, l’idéale beauté, l’infini dans tous les sens, dès qu’il sera connu et adoré, l’âme par tous ses sommets montera vers le Père de la vie. Toute haute pensée, toute noble aspiration du cœur, toute admiration de la beauté, deviendra un hymne à l’Éternel. Mais dans la conception de l’idéal on peut aussi, et c’est là, je le répète, le suprême danger, on peut se passer de Dieu et rester seulement en présence d’abstractions qui ne sont plus les attributs d’un être réel, du Créateur tout-puissant. Bien plus, il se trouve des esprits qui, au nom même de l’infini et de l’idéal, prétendent nous interdire de croire au Dieu vivant et vrai. Le mot leur paraît vieux et lourd, la conception enfantine et grossière. La réalité de Dieu pose une borne à notre pensée ; et l’infini, dit-on, ne veut pas de bornes. La loi de Dieu met une barrière autour de notre volonté, et l’idéal ne veut pas de barrières. On affirme que le seul culte digne d’un esprit élevé est de ne rien oser dire de l’être infini. Lui attribuer une volonté, c’est l’amoindrir ; parler de son amour, c’est le rabaisser et le faire à notre image ; on en vient à proclamer que c’est à une sorte d’athéisme qu’appartient le monopole de la piété. Si la matière n’était si grave et l’aberration si triste, la gageure serait jolie et faite pour séduire des hommes d’esprit.
Telle est une conception religieuse qui ne se répand que trop de nos jours. Et voici ce qu’il y a de sérieux sous ces épouvantables paradoxes. Qu’est-ce que l’idéal sans Dieu ? Une pensée de l’homme. On adore la puissance qui produit cette pensée ; l’homme adore son propre esprit, envisagé dans ses plus hautes manifestations. Dès lors l’Éternel, le Créateur, est une idole dont il faut briser la statue pour laisser la place libre à la sainte image de l’humanité. Ainsi, dans une sphère supérieure à la vulgarité de la vie, se manifestent deux tendances absolument contraires : l’homme s’exalte dans le sentiment de sa divinité et s’appuie sur sa propre force ; ou bien l’homme s’humilie devant son Créateur et s’appuie sur l’amour de son Dieu. Ce sont deux religions incompatibles : il faut choisir. Pour nous faciliter ce choix, étudions de plus près la religion du pur idéal. Voyons bien ce qu’elle nous enseigne.
Elle enseigne que l’esprit humain s’égare lorsque, loin de l’idéal, il reste ou tombe dans une préoccupation exclusive des intérêts matériels ; mais l’homme ne peut pécher contre un Dieu qui n’est pas, ni violer une loi qui n’a jamais été prononcée. Cette religion réclame donc de ses sectateurs de l’élévation dans la pensée et de la noblesse dans les sentiments, mais c’est une religion sans conversion, sans humilité et sans repentir. Je ne forge pas ici une chimère. Il y a deux siècles, vivait en Hollande un Juif nommé Spinoza, homme prodigieux, ayant si bien parcouru, semble-t-il, tout le cercle de l’erreur, que l’incrédulité moderne, le sachant ou ne le sachant pas, ne fait souvent que reproduire ses thèses deux fois séculaires. Spinoza était un homme doux et pur, aimé de ceux qui vivaient près de lui, polissant des verres pour gagner sa vie, ne voulant pas de la richesse, ne recherchant pas les honneurs et travaillant, dans un modeste silence, à des écrits qui ont placé son nom entre ceux des grands philosophes. Il avait au suprême degré l’idée, le sentiment et le culte de l’infini. Or, cet homme, niant la liberté et même la réalité des créatures, regardait l’humilité comme une faiblesse, et pensait que de toutes les sottises qui sont jamais montées à l’esprit de l’homme, une des plus sottes est le repentir. Direz-vous maintenant que le sentiment de l’infini ne peut pas servir de base à deux religions contradictoires ?
Les semences de Spinoza sont cultivées de nos jours sous une forme particulière. Le sentiment de l’infini est envisagé surtout, par une certaine école, dans son application à la beauté. La beauté justifie tout. Elle est la plus haute des conceptions, et doit être la règle suprême de nos jugements. Or, faut-il vous apprendre que la beauté peut s’attacher au mal comme au bien ? Lisez le Mithridate de Racine. Voyez le vieil ennemi de Rome mourir comme il a vécu, dans l’unité et la force du sentiment unique de son existence ; entendez-le prendre son parti de tout, parce qu’il peut dire, en exhalant son dernier soupir :
Cependant, quelque joie en mourant me console :
Je meurs environné d’ennemis que j’immole ;
Dans leur sang odieux j’ai pu tremper mes mains,
Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.
Il y a de la haine dans ces paroles ; pour un chrétien il y a du péché. Un chrétien niera-t-il que ces paroles ne soient marquées du sceau de la beauté ? Lisez le Paradis perdu de Milton. Le génie du poëte anglais n’a-t-il pas su revêtir d’une beauté sombre et sublime l’ennemi de Dieu, l’auteur de la perte du genre humain ? Le fabuliste a donc raison de nous dire que le bon n’est pas toujours camarade du beau. Comprenez maintenant où l’on peut aller, lorsqu’au Dieu saint on substitue l’abstraction de la beauté. M. Ernest Renan, dans le même article où figurent les remarquables paroles que je vous lisais tout à l’heure, écrit un de ces mots qui, pour un esprit attentif, déchirent ces voiles brillants et laissent plonger le regard dans la hideuse réalité qu’ils recouvrent. Parlant d’un des plus immoraux entre les écrivains illustres, d’un des hommes qui ont le plus outragé l’humaine pudeur, il dit : « Boccace ne se convertit pas. Cela est tout simple : la grande pensée ne connaît pas de résipiscence, et le grand art n’a jamais à se repentir 3. »
Ainsi la morale s’en va. Ce n’est pas seulement le nom sacré de Dieu, c’est aussi le nom auguste du devoir que l’on conserve comme un vieux mot dont on change le sens. La distinction du bien et du mal est remplacée par celle du vulgaire et du distingué ; le bon goût hérite de la conscience. La religion nouvelle est si large et si tolérante qu’elle accepte tout, tout, y compris le péché, s’il se colore de reflets éclatants ; tout, y compris le vice, sous la seule condition qu’il ait bonne mine et grand air 4.
Je n’ai pas tout dit.
Les raffinements de la pensée et du goût ne sont pas à la portée de tout le monde ; il n’est pas accordé au premier venu de comprendre les hautes abstractions de l’esprit humain, et une religion sans Dieu restera toujours inintelligible aux simples. On accepte ce résultat, et on le proclame. On proclame que l’humanité est irrémédiablement divisée en deux castes. D’un côté la foule des esprits étroits et vulgaires, condamnée à jamais à la superstition ; d’un autre côté la petite aristocratie des sages, qui, pourvu qu’on la laisse se développer librement, n’a aucun souci du reste des hommes. Vous avez cru, Messieurs, que le sentiment de l’humanité avait fait définitivement la conquête du monde moderne. Vous avez cru que la pensée de l’égalité religieuse appartenait désormais à la conscience commune. Détrompez-vous. En plein dix-neuvième siècle on peut écrire, dans le Journal des Débats 5, que la vraie religion est synonyme de distinction et de raffinement. À la pensée de ces pauvres sauvages, frères déshérités de notre race, courbés sous des superstitions sans nom, et plongés dans une terrible misère, tandis que le chrétien s’étonne de ces dispensations mystérieuses et prie, tandis que le missionnaire s’émeut, et dit à sa patrie un long adieu, un adieu peut-être éternel, pour porter la parole de vie à ces créatures de Dieu déchues et souffrantes, un homme d’esprit, paisiblement assis sur l’un des fauteuils de l’Institut de France, peut écrire cette phrase cruelle qui paraissait, il y a dix jours, dans la Revue des Deux Mondes 6 : « Pour moi, je ne vois pas de raisons pour qu’un Papou soit immortel. »
Le sentiment de l’humanité proteste contre ces désolantes théories. Mais comprenons-nous bien. Il est une distinction à laquelle tous doivent aspirer. La foi sincère ennoblit les actes les plus communs et peut communiquer aux natures les plus vulgaires je ne sais quelle inimitable grandeur. Mais cette grandeur et cette noblesse sont de ces choses données par surcroît à ceux qui recherchent premièrement le royaume de Dieu et sa justice. Cherchées pour elles-mêmes, elles se transforment, elles échappent, et, au lieu de la simple grandeur du chrétien, vous n’avez plus que la distinction recherchée du bel esprit.
Pour moi, je crois de toute mon âme à l’égalité des hommes devant Dieu. Dans d’autres sphères de l’existence, il est des inégalités légitimes, parce qu’elles sont absolument nécessaires. Mais, sous le regard du Père commun, et dans le domaine de la piété, il n’est entre les hommes d’autres différences que celles qui naissent de cette piété même. Une religion qui serait le monopole de la science et de la haute culture du goût, une religion brisant, au lieu de la rétablir, l’unité de l’espèce humaine, déclarant à jamais impossible la communion universelle des âmes dans la lumière et dans l’amour..... une telle religion, je la déclare fausse par cela même. Non, non ! la religion de la distinction et du raffinement n’est pas la nôtre. Ce n’était pas, en tout cas, celle de l’humble fils de Marie, qui appelait au repentir les pauvres habitants de la Galilée, et promettait la vie éternelle aux bateliers de Génésareth. Le Dieu de Jésus-Christ n’est pas une abstraction de la pensée, un Dieu manifesté aux intelligences habituées aux spéculations de la philosophie, tandis que l’âme simple n’embrasse que sa trompeuse image. C’est le Père commun, que le plus élevé d’entre les hommes peut adorer, à côté du plus humble et du plus petit, dans une même foi et une même espérance. Tout l’Évangile tend à la restauration des âmes, et le principe de cette restauration n’est pas un acte intellectuel, ou un sentiment esthétique, mais la conversion du cœur, la volonté rebelle ramenée à sa loi. Là est l’égalité sainte. Pour accepter l’œuvre rédemptrice, il ne faut ni des études spéciales, ni des sentiments exquis, nés d’une culture raffinée, mais seulement une conscience droite, qui sent son péché et qui réclame la grâce. Et l’homme dans la condition la plus humble, l’homme sans lettres voué aux travaux les plus rudes, la pauvre femme toujours assujettie à un obscur labeur, peuvent être aussi grands devant Dieu que les fronts couronnés, aux yeux des hommes par la science ou le génie, de la plus brillante auréole. Ce qui fait le prix de la vie, c’est le principe qui la domine, quelles que soient les circonstances distinguées ou vulgaires dans lesquelles il se manifeste. Le rayon de soleil n’est ni moins brillant ni mois pur dans la chaumière du pauvre que dans la demeure somptueuse du grand de la terre.
L’œuvre de la religion est de changer le principe de notre vie. Aussi longtemps que l’âme ne s’est pas associée librement aux desseins de la miséricorde éternelle, aussi longtemps que l’égoïsme n’a pas fait place à la charité, le plus grand développement de l’esprit et la plus haute culture de l’idéal n’ont aucune valeur religieuse. Les plus sages des païens l’avaient entrevu, et, dans la lumière de l’Évangile, il n’est plus permis d’en douter. Telle est la religion de Jésus-Christ.
L’Évangile est fait pour tous : il n’est pas le privilège de quelques-uns. De même qu’il s’adresse à tous les hommes, il s’adresse à l’homme tout entier. Il doit atteindre le centre de notre âme, et, à partir de ce centre, toute la vie. Lisez, au commencement du premier de nos Évangiles, le discours du Seigneur, ordinairement désigné sous le nom de Discours de la montagne. La pensée religieuse ne vient pas ici s’ajouter, comme du dehors, à une vie réglée d’après des considérations d’un autre ordre ; mais le royaume de Dieu apparaît comme le centre et la fin de l’existence entière. Ce royaume, est-il dit, doit être cherché avant toutes choses, et toutes choses nous seront données par-dessus. Toutes choses, c’est-à-dire selon les dispensations de la Providence, la santé, la considération, le succès ; et aussi, selon d’autres dispensations de la Providence, ces grâces plus précieuses encore dans leur amertume : l’épreuve, la maladie, les revers. Tout doit concourir au bien de ceux qui aiment Dieu, parce que tout, la joie et l’affliction, le succès et l’infortune, nos souhaits accomplis et nos désirs trompés, tout doit servir à détacher les âmes de l’amour d’elles-mêmes, et les mûrir pour la vie éternelle. La religion bien comprise n’est rien, où elle est tout dans la vie, parce que l’éternité n’est pas, ou devient par cela seul qu’elle existe, la seule fin légitime du temps.
La religion, faisant son œuvre dans le monde, est obligée de se servir des choses du monde ; mais il faut qu’elle se serve de tout, et il ne faut pas que rien se serve d’elle. Je m’explique par un exemple. La religion est la couronne et la sauvegarde du foyer domestique ; mais n’est-elle que cela ? n’est-elle considérée que dans ses rapports avec la famille de la terre ? Ne vous y trompez pas, dès lors elle perd sa vertu, même pour le but terrestre qu’on lui assigne. « La religion », dit Mme Necker de Saussure, « ne doit point avoir d’autre but qu’elle-même ; employée comme moyen, elle n’a plus d’effet ; elle ne réalise les promesses de la vie présente que pour ceux qui ne recherchent en elle que le triomphe de l’éternelle vérité. »
La religion doit se servir de tout ; mais elle a des manifestations qui lui sont propres, elle use d’instruments spéciaux : le culte, les lectures et les œuvres de piété. Ces moyens, dont la religion se sert et par lesquels elle se manifeste, sont susceptibles de se séparer de l’esprit qui doit les vivifier, de tomber dans les formes vaines, et de n’être plus qu’un corps privé de son âme, c’est-à-dire un cadavre. Vous savez ce que Jésus-Christ disait des bonnes œuvres faites par vanité ; et je m’assure que personne ici n’a oublié cette déclaration de l’apôtre Paul ; « Lors même que je distribuerais tous mes biens aux pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien. » Des œuvres séparées de l’esprit de piété qui doit les produire ne sont plus des œuvres de piété. La lecture de la Parole sainte, si nous n’en faisons qu’un vain aliment de notre curiosité, n’a plus rien de religieux. Cette Parole n’est pas une encyclopédie de savoir humain, elle est le dépôt des révélations de Dieu pour notre salut ; et nous ne la lisons plus religieusement dès que nous la lisons autrement qu’en vue de l’éternité, et sous l’influence du même esprit qu’elle nous manifeste. « Si tu savais la Bible par cœur, depuis le commencement jusqu’à la fin », dit l’Imitation de Jésus-Christ, « et que tu n’eusses pas la charité, cela encore serait une vanité. » Les saintes lectures, le culte, les œuvres pieuses, si l’âme n’est pas touchée, si l’égoïsme n’a pas diminué, si la charité n’a pas augmenté, tout cela n’est donc rien, et j’emploie le mot le plus doux ; il serait facile de dire, sans sortir des limites de la vérité : tout cela est pire que rien.
La religion est une seule chose, mais cette chose est tout ; elle est tout sans être rien en particulier. Pour me faire bien entendre, je ne craindrai pas d’entrer ici dans des détails précis et peut-être vulgaires. Vous rencontrerez la religion partout. Vous la trouverez à la douane d’un État ou à l’octroi d’une ville, non pas pour vous dire si le système prohibitif est bon ou mauvais : cela est l’économie politique ; mais pour vous rappeler que la fraude est un vol, et presque toujours un vol doublé de mensonge. Vous trouverez la religion dans le cabinet d’un agent de change, non pas pour vous indiquer des spéculations avantageuses, mais pour vous rappeler qu’il y a des spéculations qui ressemblent trop au jeu, et que le travail et l’économie sont les seuls moyens honnêtes pour rechercher la fortune. Vous trouverez la religion dans la politique, non pas pour vous prescrire telle forme de gouvernement, pour vous dire s’il convient de changer ou de garder une constitution : cela n’est pas de son domaine ; mais pour vous demander si ce que vous appelez votre fermeté n’est pas l’aveuglement de vos passions ; si ce que vous nommez votre douceur n’est point de la lâcheté ; si, devant être fermes pour résister à l’injustice et prompts à abandonner vos intérêts, vous n’êtes pas faciles à sacrifier la justice et âpres dans la défense de vos intérêts. La religion est tout, sans être rien en particulier, comme le soleil répand en tous lieux sa clarté, sans qu’aucun des objets qui réfléchissent sa lumière soit cette lumière elle-même.
Mais comprenons-nous bien : je ne dis pas qu’il faille toujours parler de religion (Dieu m’en garde !) ; je dis qu’il faut parler de tout religieusement. Il ne faut pas faire toujours des actes de piété, cela est impossible, mais parcourir pieusement le cercle entier de l’existence. La religion doit être le centre de la vie, le soleil intérieur, toujours présent, parce que la religion se manifeste sous la forme du devoir, qui doit être le principe directeur de toute la vie. La morale n’est pas tout l’Évangile ; mais l’Évangile tout entier n’a d’autre but que de restaurer l’ordre moral. C’est parce que l’ordre moral a été violé que Jésus-Christ est descendu sur la terre. « La rémission des péchés, l’abolition de notre dette, le dessein arrêté de traiter l’homme pécheur comme innocent, le pardon, en un mot, scellé et garanti par le plus grand des sacrifices, tout cela est autre chose que la nouvelle naissance ; mais nous ne pouvons être sauvés par une grâce qui ne nous change point. Aucun de vous ne me démentira. Ce ne sont pas les chrétiens qui pourront prétendre que le bonheur éternel puisse être le partage de créatures dont le cœur est séparé de Dieu. Et quant aux autres, aux moralistes (s’ils permettent qu’on les appelle ainsi), ce serait renier leurs principes et les renier gratuitement que de supposer possible un bonheur auprès de Dieu, qui ne serait pas en même temps un bonheur selon Dieu. »
Ainsi s’exprime Vinet 7. La religion est donc tout, parce que, dans sa manifestation extérieure, elle va se résoudre dans la pratique du devoir. Il y a deux morales : celle de l’homme, et celle de Dieu. Je ne voudrais pas ici me livrer à une classification arbitraire, et passer le niveau d’une logique inintelligente sur des faits infiniment complexes. Mais quand il s’agit d’une morale ramenée à son principe et consciente d’elle-même, d’une morale qui puisse embrasser l’existence tout entière, il n’y en a que deux, celle de l’égoïsme et celle du renoncement. L’homme sent trop la dignité de sa nature pour se céder lui-même à un autre qu’à son Créateur ; il se garde, jusqu’au jour où il se donne à Dieu pour se retrouver en Dieu.
La volonté de Dieu, c’est le tout de celui qui a compris l’Évangile, c’est l’unité et la seule unité possible de la vie. La volonté de Dien, c’est l’énergie dans l’action et la patience dans la douleur ; c’est la consolation dans la peine, et c’est la modération dans la joie ; c’est l’unité. Ai-je besoin de vous dire que c’est le bonheur ? Qui ne sait que le cœur partagé est la source de nos misères ? Si vous ne comprenez pas les choses du ciel, comprenez du moins les choses de la terre. N’avez-vous jamais rencontré un homme qui, dans des circonstances objet de l’envie des autres, dans la santé, dans la fortune, dans le bien-être, s’ennuie d’un incurable ennui ? Pourquoi ? Parce qu’il manque à cet homme un but, un intérêt ; parce que ses journées passent les unes après les autres sans lien qui les rassemble ; parce que, dans la variété de ses plaisirs, le plaisir s’émousse et finit dans le dégoût. Croyez-le bien, ce ne sont pas seulement les misérables, ce sont aussi, et plus souvent peut-être, les heureux du monde qui sentent le poids de la vie, et peuvent répéter cette plainte poétique :
Cependant il faut vivre encore,
Dormir, s’éveiller tour à tour,
Et traîner d’aurore en aurore
Ce fardeau renaissant du jour 8.
Eh bien, donnez, par la pensée, un intérêt quelconque à ces âmes fatiguées de la vie. Le cœur de ce jeune homme a été rempli d’une passion romanesque. Cet homme mûr s’est attaché à une œuvre utile ; cet autre est dominé par un goût vif et constant pour l’art ou pour la science ; cet autre encore a été simplement secoué par une de ces grandes commotions politiques qui nous remuent assez pour devenir une préoccupation continuelle. Ils ont maintenant une pensée toujours présente qui les saisit au moment du réveil, et ne les quitte que lorsqu’ils vont s’endormir de nouveau ;..... les voilà sauvés de l’ennui.
Mais tout ici-bas est soumis au vent de l’instabilité. On s’attache à un être aimé, la mort le prend. On donne son cœur à une œuvre bonne, la méchanceté la renverse, ou elle périt par ses propres défauts. On se dévoue à sa patrie...... il n’y a qu’une cité permanente : le royaume des cieux ; il n’y a qu’un seul intérêt qui puisse survivre à tout, au milieu des fluctuations de la vie : la volonté de Dieu ; il n’y a qu’un être qui ne puisse jamais nous être enlevé : l’Éternel. C’est pour lui qu’il faut vivre. Comprenez-vous que la vie alors soit une et qu’elle soit heureuse ? Écoutez Racine qui nous a dit les tourments d’un cœur partagé, écoutez-le nous dire aujourd’hui les joies d’une âme pacifiée dans le divin amour :
D’un cœur qui t’aime,
Mon Dieu, qui peut troubler la paix ?
Il cherche en tout ta volonté suprême
Et ne se cherche jamais.
Sur la terre, dans le ciel même,
Est-il d’autre bonheur que la tranquille paix
D’un cœur qui t’aime 9 ?
C’est bien cela, Messieurs, c’est là le repos ; c’est la vie éternelle : vouloir ce que Dieu veut. La vie éternelle dans son principe, elle est ce qu’elle sera, et elle sera ce qu’elle est, maintenant dans les obscurités de la foi et au-delà du voile dans les splendeurs de la vue.
Voilà la religion. Et si vous l’acceptez, vous êtes, parmi les hommes, un messager de la vie éternelle. Allez l’annoncer. Je ne dis pas assez : allez la faire, comme Jésus-Christ, qui n’a pas seulement semé la Parole, mais a arrosé la semence de la sueur de sa vie et du sang de sa mort. Allez réaliser le plan de l’amour universel ; allez dans le monde de la souillure pour y porter la pureté ; allez dans le monde de l’égoïsme pour y porter la charité ; allez dans le monde de la souffrance pour y porter le bonheur. Le programme est beau, n’est-ce pas ? et une vie pleine de cette pensée ne connaît plus le vide ni l’ennui. Direz-vous que vous manquez de foi ? Et moi aussi, j’en manque ; et aucune parole ne me touche davantage que celle de cet homme de la troupe, comme dit le texte de l’Écriture, qui se mit à genoux devant le Sauveur du monde et lui dit : « Je crois, Seigneur ! aide-moi dans mon incrédulité 10. » Et le Seigneur l’aida. Vous manquez de foi ! Mais ne croyez-vous pas au moins quelque chose ? ne croyez-vous pas que la pureté vaut mieux que la souillure ? que la charité vaut mieux que l’égoïsme ? que la paix vaut mieux que le désespoir de nos douleurs ou la tristesse de nos plaisirs ? Eh bien ! faites selon ce que vous croyez. Gardez-vous de cette piété imprudente qui se dissipe et s’évapore, en se dépassant elle-même par ses propres manifestations, et à la place de la source des eaux vives, laisse bientôt des citernes crevassées qui ne contiennent point d’eau. Mais gardez-vous aussi de cette lâcheté intérieure qui nous fait retenir captive la part de vérité qui est en nous. Soyez ce que vous êtes, ni plus ni moins ; mais ce que vous êtes, par la grâce de Dieu, en fait de foi et de piété, soyez-le ouvertement, résolument, et à la face de tous. Voilà la religion, et voici maintenant le problème qu’elle recèle dans son sein.
Nous sommes faits pour l’éternité, mais nous sommes placés dans le temps. Il n’y a qu’un mot qui résume toute notre destinée : l’obéissance à Celui qui nous aime. Et, maintenant, cette obéissance, il nous demande d’en faire preuve dans le monde, c’est-à-dire d’accomplir sa volonté dans nos rapports avec les choses de la vie et avec les hommes, rapports qui constituent nos devoirs. C’est là qu’est le problème. Il n’est pas en effet un seul des objets de nos devoirs qui ne soit pour nous un objet de tentation, parce que le mal est dans notre cœur. Quand on nous propose de marcher à la rencontre du mal pour le combattre, souvent, hélas ! (et je parle de ceux-là mêmes qui connaissent la source de la force) souvent c’est nous qui sortons meurtris de la lutte. Il y a plus ; nous ne sommes pas seulement dans le danger d’être vaincus par le mal que notre mission est de vaincre, mais nous sommes exposés à trouver dans les choses bonnes, honnêtes, même dans les œuvres de piété, un grand écueil : la dispersion de l’esprit. Les œuvres, et je veux parler des œuvres directement religieuses, directement charitables, les œuvres qui devraient procéder de la source divine, s’en séparent, et ne sont plus que l’objet d’un intérêt tout humain. On se préoccupe d’une bonne action, l’on se rend à une assemblée de piété dans le même sentiment que l’on porte au spectacle, ou au milieu des agitations d’une assemblée politique. Il est difficile de vivre dans le monde et de se maintenir continuellement dans la présence de Dieu ; il est difficile de courir la carrière du temps et de perdre jamais le sentiment de l’éternité. Voilà le problème.
À cette lutte il y a deux issues extrêmes. Les uns, après quelques efforts, renoncent à la poursuite d’un idéal qui les décourage. Ils se mettent à vivre au jour le jour ; mais non comme un journalier fidèle qui accomplit sa tâche. Ils s’oublient, ils se perdent dans les choses, ils se dissipent et ne regardent plus au-delà de l’horizon de la vie. C’est renoncer autant qu’il est en eux à la vie éternelle. La seconde issue, c’est de rompre avec le monde, de s’enfermer dans la cellule d’un cloître ou dans la solitude de sa demeure, pour consacrer tout son temps à la pratique des œuvres saintes, à la contemplation et à la prière, loin des relations ordinaires de la société humaine et des tentations qui en résultent. C’est un effort pour commencer ici-bas, autant qu’il est possible, la vie de l’éternité. Ainsi font quelques âmes. Si Dieu les y appelle, si Dieu les y autorise, qu’avons-nous à dire ? Puis, Messieurs, je dois faire observer que ces retirés du monde sont parfois ceux qui exercent sur le monde l’action la plus énergique. Pascal, physicien et gentilhomme, n’aurait pas écrit sans doute le livre des Pensées, et ce ne fut pas un médiocre bienfaiteur de l’espèce humaine que le moine qui composa, pour les couvents du quinzième siècle, ce manuel de tant d’âmes pieuses que nous appelons l’Imitation de Jésus-Christ.
Mais ceci n’est pas la règle. La règle c’est la vie, c’est le combat de la vie. Comment donc vivre dans le monde en se maintenant toujours dans le sentiment de la présence de Dieu ? Agir et renouveler dans la contemplation et la prière les sources vives de l’action ; parvenir ainsi à rendre le recueillement de plus en plus actif et l’action de plus en plus recueillie, telle est sans doute la voie à suivre. Cette voie n’est pas aussi difficile qu’on pourrait le penser. « Il ne faut pas beaucoup de temps pour aimer Dieu, pour se renouveler en sa présence, pour élever son cœur vers lui, pour lui offrir ce que l’on fait et ce que l’on souffre ; voilà le vrai royaume de Dieu au-dedans de nous, que rien ne peut troubler. Quand la dissipation des sens et la vivacité de l’imagination empêchent l’âme de se recueillir d’une manière douce et sensible, il faut du moins se calmer par la droiture de la volonté ; alors le désir du recueillement est une espèce de recueillement qui suffit : il faut se tourner vers Dieu et faire avec une droite intention tout ce qu’il veut que l’on fasse. »
Ces paroles sont de Fénelon 11. Fénelon donne lieu à une remarque que je vous ai présentée. Il a trop oublié parfois que nous ne pouvons pas opposer Dieu à la créature, parce que Dieu est notre Père, et que nous ne devons pas opposer la sainteté au bonheur, parce que, dans le plan de Celui qui est amour, la sainteté et le bonheur ne sont que les deux noms de la même chose. Mais, cette réserve faite, Fénelon est un des grands maîtres de la vie spirituelle.
Il faut que la vie s’alimente à sa source. Il faut incessamment puiser et repuiser en Dieu le sentiment de l’éternité, que les nécessités de notre existence temporelle risquent toujours de nous enlever. Pour cela, il faut croire à la réalité de la présence et de l’action de Dieu en nous. C’est ce qui nous manque. Écoutez ici les nobles paroles d’un écrivain de nos jours :
« Croyez-vous à la pénétration mutuelle des esprits ? Croyez-vous qu’indépendamment de la parole et de la voix, indépendamment des distances, d’un bout du monde à l’autre, les esprits influent l’un sur l’autre et se pénètrent ? Croyez-vous, comme le dit Fénelon, qu’en Dieu les hommes se touchent ? Croyez-vous qu’une pensée, un mouvement, un amour, um élan peut vous venir par influence secrète du cœur et de l’esprit d’autrui ? Ou plutôt re savez-vous pas que toute âme vit continuellement du mouvement des autres âmes, et lutte, résiste, consent, s’accorde perpétuellement avec elles ? Ne savez-vous pas qu’une âme peut sentir en soi une autre âme qui la touche ? Si vous ne savez pas cela, vous ignorez les choses quotidiennes de la terre ; comment alors comprendrez-vous les choses du ciel ? Si vous le savez, si vous croyez à cette communication entre âmes et entre esprits créés, à plus forte raison vous devez y croire de Dieu à vous. Eh bien ! oui, il y a près de vous, en vous, plus profondément que n’y peut pénétrer aucun esprit créé, et que vous-mêmes n’y pouvez pénétrer, il y a Dieu, son influence et sa présence répandues dans votre âme depuis sa racine et au-dessous, jusqu’ au bout de toutes ses puissances et au-delà. Et ce n’est pas seulement une force divine et immense, au sein de laquelle vous êtes plongé, c’est un esprit qui éclaire le vôtre, c’est un cœur qui porte le vôtre.
« Oui, il y a quelqu’un en vous outre vous-même. Vous n’êtes pas seul. Est-ce lui, est-ce moi qui parle en moi ? disait saint Augustin. Il y a, dis-je, quelqu’un en vous, en ce moment, qui vous regarde et qui vous aime. Vous le sentez peu, vous le croyez peu, parce que toute votre âme est ailleurs, plongée et entraînée dans d’autres joies, d’autres pensées, d’autres avidités, d’autres amours. Faites-les taire, et vous sentirez bientôt la présence et l’attrait de Celui qui depuis longtemps vous parlait, vous regardait et vous aimait 12. »
Dieu, l’esprit de Dieu, telles sont les sources de la vie religieuse. Mais l’Évangile, par lequel Dieu nous est manifesté et le secours de Dieu promis, l’Évangile se maintient dans le monde par le moyen d’institutions extérieures ; et vous m’accuseriez peut-être de rester dans le domaine des abstractions, si je n’abordais, en terminant, cette face de mon sujet.
Jésus-Christ est devenu le point de départ de la société chrétienne. À la parole des apôtres les églises lèvent comme une semence. Ils se rapprochent, ces voyageurs de l’éternité, pour s’entretenir des promesses du Maître et des joies de la patrie. Ils s’unissent pour rassembler les archives saintes de leurs espérances et pour veiller sur ce précieux dépôt. Et chacun de nous, Messieurs, a reçu de la société chrétienne l’Évangile et la face particulière sous laquelle il l’a d’abord considéré. Mais la société chrétienne est brisée : nous y trouvons des églises en lutte avec d’autres églises. Cela est-il indifférent ? je dis indifférent quant au sujet qui nous occupe. Est-ce que la constitution d’une église, son culte, l’action qu’elle exerce sur les âmes, la règle de sa foi, est-ce que tout cela est sans effet sur le développement de la piété, et par conséquent sur le développement de la vie éternelle en nous ? Qui oserait le dire ? Il y a donc ici des questions secondaires sans doute, mais réelles. Nous voici en présence des matières de controverse ; et dans la partie de l’Europe que nous habitons, nous voici en présence des controverses qui séparent les catholiques des protestants, depuis la commotion qui a brisé, au seizième siècle, l’Église d’Occident. Ces questions sont graves, elles sont brûlantes au milieu de nous. Soyez tranquilles, je n’y entrerai pas. Je vous dirai tout à l’heure pourquoi. Permettez-moi auparavant de considérer, comme du dehors, ces questions dont j’ai dû marquer la place, et de projeter sur elles la lumière qui rayonne de mon sujet.
Qu’est-ce qu’une controverse chrétienne ? C’est une discussion entre deux hommes faisant l’un et l’autre profession de croire en Jésus-Christ et d’être des citoyens de la vie éternelle à laquelle ils aspirent. Qu’en résulte-t-il pour le mode de leur discussion ? Elle sera conduite selon cette loi royale : « La vérité dans la charité. »
La vérité : celle qui s’interdit non-seulement d’alléguer un fait faux, mais de fausser un fait véritable par l’interprétation qu’on lui donne ; non-seulement de prêter à son adversaire des paroles supposées, mais d’arracher violemment ses paroles à ce qui les entoure et les explique ; la vérité, qui ne recule pas seulement devant le mensonge volontaire, mais qui use de prudence pour éviter d’involontaires erreurs. – La charité : non pas qu’il faille affadir la pensée par je ne sais quel langage emmiellé et doucereux ; mais la charité qui respecte l’adversaire, qui ne se permet pas de soupçonner gratuitement ses intentions ; qui, lorsqu’on a reçu, dans la lutte, quelque flèche empoisonnée, interdit de la ramasser sur le sol, ou de l’arracher de la plaie pour la lancer à son tour. Telles sont les exigences imposées à une discussion, par ce seul fait qu’elle est une discussion chrétienne. Et il peut y en avoir de semblables ; et toute controverse n’est pas nécessairement cette controverse maudite, qui prend prétexte des choses du ciel pour ouvrir l’écluse aux plus mauvaises passions de la terre.
La bonne controverse, je ne la condamne pas. Elle est légitime, elle est parfois nécessaire ; elle peut même devenir un impérieux devoir. Et pourtant, en ce qui me concerne et dans les circonstances actuelles, je n’y entrerai pas. Avant de vous dire mes motifs pour agir ainsi, laissez-moi vous communiquer mes impressions, et veuillez bien comprendre qu’il est à peu près impossible de traiter sérieusement le sujet qui nous occupe sans donner quelque partie de soi-même, sans livrer à son auditoire quelqu’un des secrets de sa vie. Écoutez :
Né dans une ville condamnée en quelque sorte, par sa position même, aux luttes confessionnelles qui séparent les protestants des catholiques, j’ai été préservé, par des circonstances que j’appelle un bienfait, de l’emportement de ces luttes et de l’ardeur de ces discussions. Un homme dont je sais que plusieurs de vous gardent la mémoire, l’homme que Dieu m’a donné pour père, m’a élevé dans la pensée que, dans les limites du devoir, il vaut mieux, en toutes choses, s’attacher à ce qui unit qu’à ce qui divise. Il m’a élevé dans l’habitude de recevoir de tout homme, sans regarder à l’habit, et de tout livre, sans m’arrêter à la couverture, tout ce qui est bon, pur, élevé, et toutes les traces bénies de l’esprit vivifiant de l’Évangile. Ce furent mes premières impressions. Puis, élevé dans une des églises du protestantisme, je n’ai pas tardé à reconnaître dans d’autres communautés religieuses des fruits manifestes de vie chrétienne, qui m’ont prouvé que l’esprit de Dieu plane au-dessus des barrières qui nous séparent. Puis, moi qui ne suis pas catholique, je ne puis oublier que je dois à des chrétiens de l’Église de Rome bien des paroles qui m’ont raffermi, bien des exemples de piété qui m’édifient encore. Moi qui ne suis pas catholique, je ne puis oublier que c’est à Fribourg en Suisse, et dans la cellule d’un moine franciscain 13, que j’ai reçu quelques-unes des impressions les plus sérieusement salutaires de ma vie, que j’ai entendu quelques-unes des plus nobles paroles qu’une bouche humaine ait prononcées devant moi, que j’ai vu le plus distinctement rayonner au front d’un vieillard les gages sacrés de nos immortelles destinées. De tels souvenirs, on ne les oublie pas ; on aime à les dire, et si on les oubliait, on se sentirait coupable d’ingratitude envers Dieu. Écoutez encore :
Lorsque je repasse en ma mémoire ces jours, ces tristes jours, où l’on sent la foi vaciller dans son âme, où il semble que le phare aille s’éteindre, et toute lumière disparaître dans les ténèbres, j’en trouve un..... C’était une radieuse matinée de printemps, il y a vingt-cinq années. J’avais eu la funeste idée de tirer de la poudre d’une bibliothèque le dossier vieilli d’une controverse théologique et de le lire en présence de la nature. Et le contraste entre le spectacle offert à mes regards et les pensées qui passaient devant mon esprit était un contraste amer. Et j’en vins à me demander avec angoisse si cet Évangile, qui provoquait ces paroles aigres et petites, ces controverses mesquines et passionnées tout ensemble, pouvait bien être l’œuvre de ce grand Dieu, créateur de cette nature qui était là, devant moi, dans sa splendeur, son calme et sa majesté. L’Évangile est grand comme la nature ; l’amour de Dieu est plus calme et plus serein que la plus radieuse matinée de printemps ; et les mystères redoutables dans lesquels il se manifeste ne sont que l’ombre projetée par le péché sur une œuvre toute de lumière et d’amour. Mais il est des livres soi-disant religieux qui, dans certaines dispositions d’esprit, et à certains moments de la vie, font à l’âme de longues blessures. Je n’aime pas la controverse ; maintenant vous savez pourquoi.
Ce sont là des impressions personnelles. Je les ai dites, pour vous faire bien comprendre le fond de ma pensée, et peut-être, aux yeux de quelques-uns d’entre vous, pour en atténuer les torts. Mais, enfin, nos goûts ne sont pas la règle de notre vie. Il est temps de vous dire mes motifs réfléchis pour penser que, quels que puissent être les droits de la controverse confessionnelle, il est, de nos jours, des œuvres plus pressées à accomplir.
Il y a dans le monde une doctrine qui s’appelle la doctrine chrétienne, ayant sa date précise, ses documents authentiques et son histoire avérée. Vous êtes-vous demandé quelquefois pourquoi les discussions sur le sens de la parole évangélique sont plus vives et plus étendues que les autres discussions de même nature auxquelles se livrent les hommes ; pourquoi l’on est beaucoup moins d’accord sur le sens des dogmes religieux que sur le sens des systèmes des philosophes ? On peut apporter diverses raisons de ce fait. En voici quelques-unes qui me frappent en ce moment. Pendant des siècles, il a fallu être chrétien, sous peine d’exil, de prison ou de bûcher. Plus tard, là où le pouvoir civil a respecté la liberté religieuse, l’opinion publique a continué à peser fortement sur les consciences. On comprend dès lors qu’à la sollicitation d’intérêts graves et pressants, la subtilité de l’esprit se soit exercée pour donner aux pensées les moins chrétiennes les apparences du christianisme, puisque le christianisme était imposé par la force des gouvernements, ou par la puissance de l’opinion. Je remarque ensuite que, sous l’empire de l’habitude, et en dehors d’une foi réelle, il s’est établi dans la plupart des esprits une identification complète entre l’idée de l’Évangile et l’idée de la vérité. Nombre d’hommes s’efforcent, en conséquence, de se persuader à eux-mêmes, de très-bonne foi, qu’ils sont restés dans l’enceinte de l’Évangile, lors même qu’ils en ont franchi toutes les barrières. Personne ne songe à se dire disciple de Fourrier s’il se raille du phalanstère ; nul ne pense être disciple de Hobbes s’il croit au droit et à la justice ; on ne se donne pas pour voltairien si l’on croit à la révélation ; mais on se dit chrétien, et on pense l’être, dans des conditions telles, que, s’il s’agissait de toute autre chose, on appellerait le sourire sur les lèvres de l’historien des idées, même le moins attentif. Ces causes d’altération de la pensée religieuse tendent à disparaître. Nous sommes libres ; dans ce pays, grâce à Dieu, nous jouissons plus qu’ailleurs d’une pleine liberté de conscience. Quant à l’empire de l’opinion, la négation de l’Évangile n’entraîne plus aucune flétrissure dans une partie considérable de la société moderne. En présence du grand courant des écrits contemporains et des tendances religieuses des principaux organes de la publicité, il est permis de le dire : les jours sont venus où, pourvu que l’on observe certaines convenances, on peut rompre sans péril avec les traditions évangéliques. Personne ne doit se sentir obligé de paraître chrétien. Sauf quelques situations particulières, rien ne s’oppose à ce que les pensées qui s’éloignent de Jésus-Christ se reconnaissent et s’affirment pour ce qu’elles sont. Nous sommes donc bien placés pour constater, en dehors de toute préoccupation, le christianisme tel qu’il est.
Le christianisme affirme la réalité du Dieu destinant ses créatures à la vie éternelle ; le péché de la créature, qui la sépare de son Dieu ; la grâce de la rédemption, qui l’y ramène lorsque cette grâce est acceptée. Telles sont les bases de l’Évangile, aussi faciles à lire dans les documents primitifs et dans la tradition générale, que peuvent l’être les bases de la doctrine de Platon on de la religion de Brahma, reconnues et constatées sans hésitation par les historiens. Or, ces vérités essentielles, fondement de la foi chrétienne, qui est-ce qui les conserve dans le monde ?
Chrétiens catholiques, vous dites que c’est votre église, et vous dites vrai, car ces articles sont écrits dans vos symboles, comme dans ceux de toutes les grandes communautés chrétiennes.
Chrétiens protestants, vous dites que c’est l’Écriture, et vous dites vrai ; car si l’Évangile n’est pas dans le Nouveau Testament, il n’est nulle part.
Chrétiens, et sans vous arrêter à ce qui vous sépare, vous devez affirmer que ces vérités sont conservées par la volonté éternelle et par la puissance de Dieu, qui ne permet pas qu’elles disparaissent de la terre.
Quand ces bases sont ébranlées plus qu’à l’ordinaire, ne faudrait-il pas avant toutes choses les soutenir ? Le devoir des membres de toutes les églises n’est-il pas de s’unir pour une lutte commune ? Et, croyez-le bien, je ne viens pas vous parler de vaines utopies, et rêver quelque fusion, dans une même société religieuse, entre catholiques et protestants. L’unité extérieure de la chrétienté ne peut être qu’un objet de foi, une de ces choses qu’on espère contre toute espérance. Je ne sais pas si personne peut voir à l’horizon le moindre signe précurseur de ce grand évènement. Toutes choses sont possibles à Dieu ; ce qui est possible à l’homme, le voici. Dans une lutte où leurs convictions communes sont engagées, les chrétiens, sans sacrifier aucune partie de leurs convictions, sans entrer dans des transactions impossibles, et, si vous me permettez cette figure, en gardant chacun leur uniforme et leur drapeau, les chrétiens pourraient combattre ensemble pour ce qui les intéresse tous également. Direz-vous que c’est sacrifier les droits de la vérité ? Sacrifier les droits de la vérité ! Eh ! qui vous l’a dit, que vos discussions et vos controverses sont le meilleur moyen de conquérir la vérité et de la défendre ? Sans doute, lorsqu’on oppose à l’Évangile la science et le raisonnement, il faut bien répondre par la science et le raisonnement. Lorsqu’on veut élever une muraille entre les âmes et Dieu, au nom de l’intelligence, il faut bien recourir à l’intelligence pour abattre cette muraille. Mais, dans l’enceinte de la foi, si l’on disait qu’affirmer cette foi par ses paroles et surtout par sa vie, c’est, après tout, le plus puissant moyen de prosélytisme ; si l’on disait que l’esprit de paix pourrait bien être le précurseur de l’esprit de lumière, dirait-on quelque chose de contraire à l’Évangile ?
La lutte contre la foi commune à tous les chrétiens existe vive et puissante autour de nous. Ses proportions croissent de jour en jour de manière à épouvanter ceux qui en suivent le développement. On nie Dieu, on nie Jésus-Christ, on nie la vie éternelle. La lutte est ouverte en Allemagne, où, après une philosophie idéaliste, qui voulait expliquer tout au moyen de l’homme sans Dieu, apparaît un matérialisme grossier qui veut expliquer tout par la nature sans l’esprit. La lutte est manifeste en France, où des savants, des historiens, des critiques semblent conjurés pour ébranler les bases de toute foi religieuse. Je vous ai fait entendre un membre de l’Institut, M. Barthélemy Saint-Hilaire, déclarant qu’au nom de la science, de l’histoire, de la métaphysique, on s’efforce à Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, et sous prétexte de nouveauté, de reproduire les désolantes doctrines du Bouddha. Je pourrais vous faire entendre encore M. Saisset, professeur à la Sorbonne, jeter, dans un livre récent 14, un véritable cri d’alarme, et déclarer que de tous les grands courants de la pensée qui s’agitent autour de lui, il n’en est pas un seul qui n’aille à la négation du Dieu vivant et personnel. Et ce n’est pas dans l’ombre que se produisent ces doctrines ; elles s’étalent dans les recueils les plus répandus de l’Europe, sans scrupule de la part des rédacteurs, et trop souvent sans scandale de la part des abonnés. C’est le droit de la liberté. Et prenez-y garde, ce que je déplore, ce n’est pas la liberté (Dieu m’en préserve), mais les pensées que la liberté manifeste, et qu’il est peut-être bon, qu’il est peut-être utile qu’elle manifeste, quand par malheur ces pensées existent.
Ce n’est pas tout. Tandis que l’Évangile est attaqué du dehors, dans l’enceinte même de la chrétienté, au sens extérieur et matériel de ce mot, il est l’objet d’attaques plus dangereuses peut-être. Dans la savante Allemagne et sous son influence, on voit des hommes d’église défendre contre d’autres hommes d’église, quoi ? un symbole ecclésiastique ? C’est le fait normal. Le sens des révélations de Dieu ? C’est encore le fait normal. Quoi donc ? On voit des hommes d’église réduits à défendre contre d’autres hommes d’église la réalité même des révélations de Dieu, la réalité de la résurrection de Jésus-Christ, ce fondement historique de toute la prédication des apôtres, la résurrection de Jésus-Christ, dont saint Paul nous dit : « Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, et vous êtes encore dans vos péchés » Faut-il tout dire ? On voit des hommes d’église réduits à défendre contre des hommes d’église l’immortalité de nos personnes, cette glorieuse espérance des fidèles de tous les âges. Et ne croyez pas que je viens tirer de la poudre des écoles un fait oublié, pour le traîner au jour avec une maladroite imprudence. Non ; ces faits se produisent au grand soleil de la publicité. Voilà où nous en sommes !
Dans une situation semblable, il est permis de penser que les églises chrétiennes auraient mieux à faire que de prolonger les controverses du seizième siècle, ou des controverses moins importantes encore. Elles auraient mieux à faire que de creuser comme à plaisir, et tous les jours davantage, le fossé qui les sépare. Pour moi, il m’est arrivé de me dire que le mieux après tout serait d’affirmer paisiblement sa foi, et de ne contredire personne. Mais, s’il faut descendre dans l’arène des opinions humaines, je me sens plus pressé de contredire celui qui nie mon Dieu que de contester avec celui qui l’adore. Je me sens plus pressé de contredire celui qui nie mon Sauveur que de bien établir tous mes dissentiments avec celui qui place son espérance dans la croix et la résurrection de l’homme-Dieu. C’est de la controverse aussi ; mais c’est de la grande, et je pense qu’il faut la faire. Voilà, Messieurs, la cause, la sainte cause à soutenir. Dans la limite où vos convictions vous le permettent, je vous convie à prendre rang au nombre de ses défenseurs. La parole de néant se répand dans le monde ; elle a ses clubs, ses journaux, sa propagande. C’est la voix des hommes de plaisir voulant jouir de la vie et chantant : Qui sait si nous serons demain ? C’est la voix des découragés disant : Nous avons heurté, et personne n’a ouvert ; le ciel est vide, ou Dieu est sourd. C’est la voix des savants qui, après avoir arraché toute espérance de nos cœurs, se proclament les seuls intelligents et les sages par excellence. Étrange concert, où la voix folle de l’orgie, l’accent plaintif de la tristesse et le sourire de la satisfaction se réunissent dans cette lugubre parole : « Il n’y a rien à espérer après la mort », et voudraient inscrire sur la porte de la vie les mots terribles que Dante place sur la porte de l’Enfer : « Vous qui entrez, laissez toute espérance. »
Il faut, Messieurs, que ceux qui n’ont pas laissé toute espérance, il faut que le pauvre et le riche, l’ignorant et le savant, celui qui a rencontré le Ressuscité dans la douleur et près de la mort, celui qui a rencontré le Sauveur dans le repentir, celui qui, dans l’étude, a vu la lumière du Verbe éternel briller à ses regards, il faut que tous ceux qui croient encore à Dieu, à l’âme, au devoir, à la sainteté, à l’immortel avenir, se rapprochent, s’unissent, et, à la parole de néant qui va se répandant sur la terre, répondent avec fermeté : LA VIE ÉTERNELLE !
Ernest NAVILLE, La vie éternelle, sept discours, 1862.
1 Journal des Débats du 17 décembre 1859.
2 Lettres sur la poésie, par M. le professeur Rambert, dans la Bibliothèque Universelle, 1859 et 1860.
3 « La Fontaine se convertit. Boccace et l’Arioste ne se convertirent pas. Cela est tout simple : les contes de la Fontaine sont licencieux ; les récits de Boccace et de l’Arioste ne sont que charmants. La grande pensée ne connaît pas de résipiscence, et le grand art n’a jamais à se repentir. » (Journal des Débats du 17 décembre 1859.) – Abuse-t-on de ces paroles et en fausse-t-on le sens en concluant que, dans la pensée de l’auteur, la morale est subordonnée à l’esthétique, et qu’il y a un degré d’art qui justifie tout. Ce doute m’ayant été suggéré, je le soumets au lecteur.
4 M. Laboulaye, dans le Journal des Débats du 3 février 1860, désignant les tendances de M. Renan, sans nommer cet écrivain, s’exprime ainsi : « Ce n’est plus le bien et le mal qui nous touchent, c’est la grandeur, la force, l’éclat, la passion, la douleur, la poésie, tout ce qui brille...... » Je n’ai voulu dire ni plus, ni autre chose.
5 Numéro du 17 décembre 1859.
6 Numéro du 15 janvier 1860.
7 Études évangéliques.
8 Lamartine.
9 Chœurs d’Athalie.
10 Évangile selon saint Marc, chapitre IX.
11 De la présence de Dieu.
12 De la connaissance de Dieu, par le père Gratry.
13 Le Père Girard.