Une controverse sur l’Église

d’après une correspondance inédite

entre Fénelon et Pierre Poiret

 

 

 

 

par

 

 

 

 

Jean ORCIBAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TRÈStôt, les idées mystiques de l’auteur des Maximes des Saints ont fait si bien oublier les autres formes de son activité qu’on a souvent jugé qu’il n’accordait que peu d’importance à l’idée d’Église 1. On consentirait à la rigueur à admettre que les exigences de la lutte contre le jansénisme sont venues, après 1700, corriger l’individualisme de sa spiritualité 2, mais il n’est plus guère personne qui pense encore aux efforts consacrés pendant si longtemps à la conversion des protestants par l’aumônier des Nouvelles Catholiques, le missionnaire de l’Aunis, l’auteur du Traité du Ministère des Pasteurs. L’échec de la Révocation de l’Édit de Nantes amena Fénelon à adopter résolument la théorie de la tolérance civile 3, mais il n’en travailla pas avec moins d’ardeur à ramener au bercail « ses frères séparés » : la position de son diocèse et les mouvements des armées alliées dans les Flandres lui permettaient d’ailleurs d’être remarquablement renseigné sur l’état religieux de « presque tout le Nord ». Or, celui-ci lui apparaissait sous un aspect effrayant. Pendant un siècle et demi, le germe de la Réforme avait, lui semblait-il, engendré dans l’élite intellectuelle l’« incertitude » et une « multitude monstrueuse » de « sociétés séparées » qu’« opposaient » des « disputes » sans fin. C’est par réaction que, maintenant, « sous prétexte » de « paix » et de « tolérance mutuelle », « l’indifférence entre les sectes » se propage et « que tant de personnes vivent sans aucune dépendance d’aucune Église fixe, se contentant de je ne sais quelle vague persuasion des points fondamentaux » du christianisme. Elles sont plus proches de « l’irréligion » qu’elles ne le croient, affirmait Fénelon, après avoir constaté que la « curiosité, la présomption, le goût de la critique » « menaient insensiblement » aux « plus bizarres opinions » 4, en particulier à celles des « sociniens si nombreux et si dangereux de nos jours ». Or, non seulement « beaucoup de ceux-ci ont abandonné le texte de l’Écriture pour se renfermer dans le pur déisme et dans la raison purement naturelle », mais ils ont adopté le fatalisme spinoziste, ce qui leur permet de traiter de « chimères ridicules » la liberté, « le péché et l’enfer » 5.

Le prestige dont jouissait dans toute l’Europe l’auteur des Maximes des Saints et du Télémaque lui permit d’agir sur les convictions d’un certain nombre de ces protestants 6. Si le fameux lord Peterborough en fut quitte pour la peur... de devenir chrétien, ses compatriotes Hughes et miss Oglethorp rentrèrent dans l’Église romaine 7. Mais ces conversions ont été éclipsées par celle d’André Michel Ramsay dont l’étonnante carrière a d’ailleurs fait soupçonner la sincérité. Longtemps on n’a vu en lui qu’un « aventurier religieux » 8 dont la conquête ne grandissait guère M. de Cambrai. Sans résoudre tous les problèmes, les belles recherches de M. G. D. Henderson viennent enfin de jeter un tout autre jour sur la destinée de l’Écossais 9. Elles ont eu le mérite de mettre l’accent sur son inquiétude spirituelle et celui, plus rare encore, de l’expliquer par l’état religieux de son pays natal. Fils d’un presbytérien « covenantaire » et d’une épiscopalienne, le jeune André, né en 1686, était par cela même exposé à souffrir des violentes luttes religieuses qui agitaient son pays. Très tôt, sa mère lui donna de l’aversion pour la scolastique calviniste et de l’horreur pour le « dogme affreux » de la Prédestination. Il n’adopta pas pour autant l’orthodoxie contraire, mais il subit l’influence de Locke et surtout celle de Herbert of Cherbury, de sorte que nous pouvons le croire quand il affirme qu’à dix-neuf ans il tomba dans le socinianisme, puis dans un « tolérantisme outré », enfin dans un « pyrrhonisme universel » qui n’admettait plus du christianisme que sa morale. Cependant il restait en contact avec des épiscopaliens férus de « piété du cœur » et en particulier avec le groupe fondé à Rosehearty par George Garden, ministre déposé pour son adhésion enthousiaste aux idées d’Antoinette Bourignon. S’il ne gardait pas la moindre sympathie pour Rome, ce cercle en éprouvait beaucoup pour les mystiques catholiques et il se trouva un ministre écossais pour signaler au jeune André Ramsay les richesses spirituelles d’un François de Sales et d’un Fénelon. Ce n’est pourtant qu’à Londres, où il vint comme précepteur en 1709, que les écrits de M. de Cambrai semblent avoir été connus de son futur biographe. Mais celui-ci s’intéressait aussi aux réveils protestants qu’il avait sous les yeux et, s’il n’a pas jugé les « French Prophets » (forme anglo-saxonne du mouvement camisard) avec la même sympathie que son ami J. Cunningham, il s’est en revanche considéré comme un « Philadelphien ». Surtout, il était en relation avec Pierre Poiret, oracle du groupe de Rosehearty, par l’intermédiaire de ses amis J. Lundie et Stevenson qui étudiaient la médecine à Leyde. Il correspondait lui-même avec le philosophe et c’est peut-être dans l’espoir de trouver auprès de lui l’éclaircissement de ses doutes qu’il s’embarqua brusquement pour la Hollande au début de 1710, sans doute au mois de mars 10.

D’abord destiné au ministère pastoral, le Français Pierre Poiret (1646-1719) fut si fortement attiré par les idées cartésiennes qu’il sentit le besoin de les concilier avec le christianisme dans une synthèse originale. Au monde de la raison, il superposa donc le domaine de la foi et, à la manière de saint Anselme, il fit dériver l’illumination intellectuelle de la certitude intuitive de la seconde. Bien qu’elle poussât vers le rationalisme les théologiens de l’école de Saumur, la nouvelle philosophie laissait donc chez lui la porte ouverte au mysticisme. Poiret se tournait déjà vers Tauler et la Théologie germanique quand la rencontre d’Antoinette Bourignon (1676-1680) lui donna la conscience de sa mission. Il publia les dix-neuf volumes des œuvres de la prophétesse et une Vie où il la rapprochait des Apôtres. Pour préparer l’accomplissement de ses révélations, Poiret établit à Rhijnsburg, près de Leyde, une communauté qui prenait pour modèles celles des premiers chrétiens. Il s’y appliquait à l’étude des spirituels les plus variés : avec l’aide de l’éditeur H. Wetstein il constitua une bibliothèque entière de leurs œuvres et, par des efforts opiniâtres, leur assura la plus grande diffusion dans tout le monde protestant. Dans la liste de ses publications, les auteurs canonisés par Rome voisinent avec des luthériens et des anabaptistes aux allures souvent ridicules : seule la qualité de leur message lui importait. « Je ne me suis rendu, disait-il, qu’à la vérité et à la sagesse de Dieu... sans me mettre en peine de l’instrument », fût-il juif ou païen. La « vérité » de l’« éternelle religion », il la trouvait dans « l’amour ou l’abandon d’un cœur pur à la lumière et aux mouvements du Saint-Esprit ». Les « opinions » qu’on appelle dogmes ne sont que des « habits différents », les cérémonies, « qu’un accessoire ». Le seul mal est l’amour-propre ou « propriété » qui met le monde à la place de Dieu, le seul bien, d’anéantir son moi devant le Créateur, ou plutôt devant « le Parfait », car, répète Poiret après le pseudo-Aréopagite, il est « incompréhensible, inconnaissable et inexprimable » 11.

Qu’il n’ait pas été pleinement satisfait par les vues que le patriarche de Rhijnsburg dut lui développer, ou qu’au contraire il y ait été invité par Poiret lui-même, Ramsay repartit quelques semaines plus tard pour Cambrai, où, d’ailleurs, il avait peut-être déjà l’intention de se rendre lorsqu’il quitta Londres. Il raconta plus tard que, retardé par les opérations militaires, il ne se présenta à l’archevêque qu’au mois d’août 1710. Nous avons une nouvelle preuve du pouvoir de sympathie qui se dégageait de la personne de Ramsay et de l’évidente sincérité de son inquiétude spirituelle dans le fait que, pendant six mois, le prélat ait consacré de longs entretiens à la conversion du jeune étranger qu’il allait bientôt admettre dans son intimité 12. La question de l’Église fut dès l’abord posée par l’Écossais qui débuta par une profession d’indifférentisme. Aussitôt Fénelon offrit de lui démontrer « qu’il n’y a aucun milieu raisonnable entre le Déisme et la Catholicité ». À quoi servent les lois s’il n’y a pas de magistrats, à quoi bon admettre une révélation sans « quelque autorité suprême qui parle à tout moment pour l’interpréter » ? Faute de guides, chaque homme comprendra à sa façon des textes sur lesquels les savants même ne réussissent pas à s’accorder ! Comment la Réforme peut-elle « fonder sa séparation du catholicisme » sur « l’offre de rendre » l’esprit « juge des matières qui surpassent sa capacité » ? D’ailleurs, la clarté et « l’étendue des promesses que Jésus-Christ a faites à la hiérarchie » sont telles qu’« il faut rejeter la Bible comme une fiction, ou se soumettre à cette Église ». À ces arguments classiques, Ramsay réplique « avec impétuosité » que « les prêtres de toutes les religions sont souvent plus corrompus ou plus ignorants que les autres hommes ». Fénelon reconnaît d’un « ton doux et modéré » que « les plus nombreuses assemblées de l’Église » offrent un bien triste spectacle, mais il n’est pas jusqu’aux « brigues et cabales » qui les dominent, dont le Saint-Esprit, « maître du cœur humain » ne rende toujours les résultats « conformes à ses volontés ». L’auteur des Maximes des Saints pensait évidemment au coup qui les avait frappées et, comme Ramsay s’indignait à la pensée qu’il avait souscrit à la condamnation du Pur Amour, l’archevêque répondit noblement en abandonnant son livre, « l’avorton de son esprit et nullement le fruit de l’onction de son cœur » 13.

Maintenant, c’était le christianisme tout entier que l’Écossais était tenté de sacrifier « à la religion éternelle... de l’amour ». « Les dogmes et les mœurs » des Hébreux « paraissent indignes de la divinité ». Jésus-Christ était sans doute « un excellent philosophe..., mais les prétendus dépositaires de sa loi l’ont noyée dans une multitude de fictions absurdes ». À ces accusations Fénelon répond par « un autre plan de la Bible » : « La religion du Pontife éternel », Jésus-Christ, « ne consiste que dans la charité. Les sacrements, les cérémonies, le sacerdoce ne sont que des secours salutaires..., des signes sensibles..., ou enfin des moyens nécessaires pour nous retenir dans l’ordre, l’union et l’obéissance ». La mission de Moïse et celle de Jésus-Christ sont ensuite établies par des arguments qui rappellent le Discours sur l’Histoire Universelle et, plus encore, les Pensées : l’accent est en effet mis sur l’accord merveilleux des « miracles et de la morale, de l’esprit intérieur de la loi et des prodiges extérieurs du législateur ». « Quand un législateur veut... abuser de la crédulité... des hommes... pour s’en rendre maître, invente-t-il une religion qui détruit tout l’homme,... qui renverse l’idolâtrie du moi, qui nous oblige... de ne nous aimer que pour... Dieu ? » Saint Augustin l’a dit, « n’est-ce pas un miracle... plus incroyable que ceux qu’on ne veut pas croire, d’avoir converti le monde à une semblable religion sans miracles ? » Ramsay s’avoue touché par la vigueur de cette démonstration, mais il demande encore à séparer de ces « idées sublimes » « les dogmes obscurs... que les prêtres appellent mystères ». Fénelon remarque alors que, du moment qu’on admet une révélation, il n’est plus question de « choisir ce qu’on » en « croira ». D’ailleurs, quelle peine y a-t-il à admettre que « l’être infini » reste « incompréhensible à la créature » ? Plus tard, nous saisirons comment la morale touchante du Christ dépend des vérités qui nous choquent. Mais, « dans la nuit obscure de cette vie », celles-ci ne sont pas moins nécessaires que celle-là. « La vraie religion ne doit-elle pas élever et abattre l’homme, lui montrer tout ensemble sa grandeur et sa faiblesse ? » Cette phrase pascalienne introduit un appel à la spiritualité de l’anéantissement dont M. de Cambrai savait son interlocuteur pénétré. La morale exige le sacrifice des « passions », les mystères celui des « pensées » : si l’un des deux manque, « l’holocauste est imparfait, notre victime est défectueuse ». Ainsi l’autorité de l’Église s’insère au cœur du progrès mystique : « Nous n’avons proprement que deux articles de foi, l’amour d’un Dieu invisible, et l’obéissance à l’Église, son oracle vivant. » La formule frappe le jeune Écossais qui ne cherche plus qu’à restreindre l’étendue de cette obéissance. Force-t-elle à croire « certaines opinions... innocentes..., utiles et même nécessaires » au point de vue social, mais sans fondement philosophique ni scripturaire : l’éternité des peines par exemple ? Assez ambiguë (mais ici on peut soupçonner l’exactitude du narrateur), la réponse de Fénelon se conclut par une attaque encore plus pressante contre « l’orgueil » et la présomption intellectuelle : « Jusqu’ici vous avez voulu posséder la vérité. Il faut à présent que la vérité vous possède... Pour être parfait chrétien, il faut être désapproprié de tout, même de nos idées... Imposez donc silence à votre imagination : faites taire votre raison. Dites sans cesse à Dieu : Instruisez-moi par le cœur et non par l’esprit... Par là vous serez à l’abri de tout fanatisme et de toute incrédulité. »

Ramsay pouvait difficilement trouver dans sa « philosophie de l’amour » ou dans le pyrrhonisme qui l’y avait conduit le moyen de résister à cette exhortation. Il abjura à la fin de 1710 et passa les années suivantes au palais épiscopal 14. L’abbé de Langeron étant précisément mort au début de novembre 1710, le néophyte aida dans ses travaux littéraires celui dont il tiendra plus tard à se proclamer l’élève. Mais on ne peut douter qu’il n’ait aussi renseigné l’archevêque sur les problèmes religieux qui préoccupaient les amis qu’il venait de quitter. Encouragé par ce qu’il apprenait de leur inquiétude, de leur intérêt pour la mystique, de leurs jugements sévères sur la Réforme, Fénelon entrevit la possibilité de succès beaucoup plus importants que celui qu’il venait de remporter. Et puisque, dans les pays anglo-saxons aussi bien que germaniques, l’ensemble des « spirituels » considéraient Pierre Poiret, sinon comme un chef, du moins comme un directeur de conscience, c’est à la communauté de Rhijnsburg que, sans doute en décembre 1710, M. de Cambrai adressa une longue lettre 15.

Fénelon commence par rappeler – et il y reviendra à deux reprises – les concessions, à peu près sans exemple de la part d’un protestant, que l’éditeur de tant d’ouvrages orthodoxes faisait à Rome. « C’est vraiment une joie que de trouver des gens élevés dans les disputes et au milieu des sectes qui commencent à abhorrer l’esprit de l’hérésie », qui avouent eux-mêmes que la Réforme « erre dans sa doctrine » et qui sont assez favorables aux catholiques pour reconnaître chez eux « la vraie et ancienne Église, pour approuver sa doctrine », au moins « quant à ses articles de foi », et pour « embrasser les écrits de ses saints comme leur règle de vie quotidienne » 16. Si Poiret refuse d’aller plus loin par horreur de la « controverse », il ne s’aperçoit pas que, s’en tenant ainsi à des opinions préconçues, il accorde à sa propre raison une confiance indue. Il croit par exemple que l’Église condamne les saints contemplatifs. Mais les écrits de sainte Catherine de Gênes, de sainte Térèse, de Jean de la Croix, de saint François de Sales sont solennellement approuvés et mis en œuvre par elle. Si d’autres ouvrages mystiques ont été prohibés, c’est à cause de leur style extravagant ou des illusions qu’ils risquaient d’encourager : paresse, licence charnelle, orgueil spirituel, mépris de la crainte de Dieu et de l’espérance chrétienne. Certes, il ne manque pas chez les catholiques « d’esprits critiques » qui prennent occasion de ces erreurs pour railler les saints les plus autorisés, pour vexer les âmes simples. Mais, le fait d’avoir traversé, à l’exemple de leur divin Maître, la « fournaise de l’humiliation », permet à celles-ci d’arriver plus vite au but dont on cherche à les écarter. Et, tout compte fait, « les mystiques jouissent-ils dans la communion des protestants d’une liberté et d’une sécurité aussi grandes ? » 17.

La condamnation du quiétisme avait déjà fourni à Ramsay un argument ad hominem contre Fénelon, mais celui-ci pose à son tour une question qui devait beaucoup gêner Poiret. Vous affirmez, lui écrit en effet M. de Cambrai, que, du moment qu’on vous laisse adorer Dieu en esprit et en vérité, vous n’avez pas besoin de changer de société extérieure : raisonneriez-vous de même si le hasard vous avait fait naître Arien, Socinien, Quaker, ou Enthousiaste ? Or, nous l’avons vu, ces divers mouvements à peine chrétiens faisaient à cette date des progrès qui effrayaient les autorités réformées 18. Pierre Poiret lui-même avait été traité d’unitarien par des théologiens qui retrouvaient sous sa plume les formules de Sabellius et de Paul de Samosate 19. De fait, son aversion pour le ritualisme l’avait conduit à soutenir que le Verbe illuminait et sauvait les païens individualistes en s’adressant dans le silence à leur intelligence et à leur cœur, tandis qu’il n’accordait aux Juifs que les visions, les révélations, les commandements, les cérémonies, enfin les oracles, bref, tout l’extérieur de la religion et le Christ historique 20. D’autre part, on voit mal comment sa conviction si souvent répétée de l’importance exclusive de la charité lui aurait permis de faire dépendre le salut d’une quelconque théorie sur la Trinité. Ces tendances aboutiront à lier nettement l’idée de la tolérance entre chrétiens à celle du salut des infidèles. Le XVIIIe siècle ira très loin dans cette voie et Ramsay ne sera pas le dernier à l’y pousser : mais alors, quoi qu’il ait prétendu, il rompra avec l’enseignement de Fénelon 21. Poiret était au contraire sensible aux arguments de l’archevêque parce qu’il conservait le respect des dogmes fondamentaux et son opposition aux extravagances des « Enthousiastes » avait, d’autre part, éclaté dans la façon dont il venait, en 1709, de repousser les tentatives des French Prophets pour s’établir auprès de lui 22.

C’est parce qu’il connaît ces sentiments que Fénelon questionne la communauté de Rhijnsburg sur ses rapports avec les grandes confessions protestantes. Elle ne peut rester en communion avec elles sans leur dissimuler qu’elle les juge hérétiques, schismatiques, et qu’elle cherche son idéal chez les « papistes » les plus décriés par la Réforme : les mystiques. Condamner toutes les sociétés visibles ne va pas en revanche sans quelque « fanatisme », car n’est-ce pas du « fanatisme » que de considérer l’Esprit intérieur comme un guide assez sûr pour permettre de se soustraire à toute autorité et à tout gouvernement pastoral ? Cette question est celle du « séparatisme » qui, pendant tout le XVIIIe siècle, préoccupera les piétistes et tous ceux qui, à des degrés divers, pouvaient se réclamer de Poiret.

S’il espère que son correspondant sera touché par ces arguments, l’archevêque de Cambrai sait bien qu’il s’en verra opposer d’autres et il s’efforce de les réfuter d’avance. Ma conversion, pense Poiret, aurait de funestes effets sur les catholiques aussi bien que sur les protestants : les premiers en tireraient de l’orgueil et s’attacheraient encore davantage à des pratiques extérieures, les autres, ulcérés, se détourneraient complètement d’une Église envers laquelle j’essaie de les rendre plus justes. Fénelon répond que les vrais catholiques ne songeraient qu’à louer Dieu et que le refus d’embrasser l’unité constitue pour les errants un mauvais exemple qui les endurcit.

Il y a plus grave : Poiret assure que la ruine de l’Église a été prédite par l’Écriture et par des auteurs canonisés. Mais de quel droit appliquer métaphoriquement à la hiérarchie chrétienne des textes qui ne concernent que la Synagogue ? Fénelon insiste sur le danger des interprétations privées quand elles s’opposent à l’unanimité des Pères. Il souhaite mieux connaître les arguments de son correspondant, mais, pour lui, il estime que les prédictions relatives aux épreuves qui affligeront les chrétiens des derniers temps doivent être subordonnées aux promesses expresses d’indéfectibilité que le Christ a faites à son Épouse.

Comme l’exemple de Ramsay lui avait montré l’importance que conservaient les tendances des Philadelphiens, M. de Cambrai juge nécessaire de mentionner les théories millénaristes. La prophétie relative au Jugement dernier semble contraire au sens littéral du texte obscur de l’Apocalypse relatif au règne visible du Christ. Sans cela, Fénelon ne répugnerait pas à lui accorder de la valeur, étant donné que, bien loin de ruiner la hiérarchie, la présence du Prince des pasteurs la magnifierait : l’Église que ses promesses ont empêchée de jamais devenir invisible serait vraiment alors « la cité bâtie sur une montagne ».

Est-ce à dire que le catholicisme n’ait pas besoin d’une « restauration » ? Mieux que personne, Fénelon sait le contraire, lui qui a si souvent déploré de voir la politique y remplacer la piété et qui, au même moment, proposait dans son Appendix des remèdes au Pape 23. Quoique les sacrements y soient restés valides et la doctrine orthodoxe, l’Église doit faire de fort grands progrès dans les voies de la vertu, de l’oraison et de la perfection intérieure. Ce sera là la véritable Réforme, celle qui ne la ruinera pas pour lui substituer une rivale, mais qui la fera sortir plus brillante de l’affliction et des gémissements. On ne peut donc travailler à ce renouveau que de l’intérieur 24 et Poiret est invité à rentrer au bercail pour associer ses efforts à ceux de tous les « hommes de désir » parmi lesquels l’archevêque de Cambrai n’hésite pas à se ranger. Et la lettre qu’il écrit à la communauté de Rhijnsburg se termine par une exhortation à sacrifier à la paix et à l’unité « les opinions particulières » les plus précieuses. Plus que toute autre, cette abnégation spirituelle et intérieure crucifie le vieil homme. D’ailleurs, comment une interprétation privée pourrait-elle être aussi sûre que celle de l’Église qui, malgré ses faiblesses humaines, n’a jamais rien décidé dans ses conciles que de conforme au christianisme le plus pur et qui a reçu de tant de saints et de mystiques sublimes une filiale obéissance ?

À ce plaidoyer très pressant, Pierre Poiret répondit le 9 janvier 1711 au nom de sa communauté. Sa lettre constituait une fin de non-recevoir très polie 25, mais d’autant plus ferme qu’elle voulait ignorer la demande de renseignements que Fénelon avait formulée à propos de la Synagogue, afin sans doute de donner occasion à des discussions ultérieures. L’amour de la paix et de l’unité, affirme le biographe d’A. Bourignon, doit avoir, surtout quand il s’agit de gestes publics, des limites fixées par la conscience. Et c’est à la théorie de l’abnégation elle-même qu’il fait appel pour le démontrer. Seul l’entier renoncement à son moi permet de recevoir les divines influences de lumière et d’amour. Si Dieu a commandé tant de gestes qui tombent sous les sens, c’est parce que l’homme, hébété par la chute, ne pouvait être restauré intérieurement que par des moyens extérieurs. Ceux-ci n’ont néanmoins de valeur que dans la mesure où ils élèvent l’esprit vers Dieu. Mais les hommes s’étant détournés de lui, leurs cérémonies furent déclarées hypocrites, leur sacerdoce voué à la destruction, leurs professions de foi purement spéculatives assimilées à celles des démons. L’Église d’Israël ne subsista plus, à partir de la captivité de Babylone, que dans quelques âmes dispersées et cachées et, le retour n’ayant pas mis fin à l’idolâtrie, Dieu fit choix d’un autre peuple : ses promesses sont en effet toujours conditionnelles et les apostats en perdent le bénéfice.

Le Verbe sortit alors du sein du Père pour venir enseigner que Dieu doit être adoré en esprit et en vérité. Sur la terre, Jésus-Christ rassembla un troupeau, mais il ne le confondait pas avec son Corps Mystique, composé, lui, de ceux qui l’aiment et qui gardent ses commandements. C’est parce qu’elle était animée de cet esprit que la confession de Pierre a été le fondement de la vraie Église : celle-ci a reçu la promesse de l’indéfectibilité dans ce sens seulement que la Grâce qui inspirait Pierre produira toujours des fidèles qui lui ressembleront. Poiret concède qu’un œil pur les reconnaîtrait à leurs fruits et il se rapproche encore plus du catholicisme en ajoutant : « Dieu étant le Dieu de l’ordre, c’était sa volonté que l’Église visible conservât un ordre extérieur quant aux personnes et aux cérémonies. » Mais il entreprend aussitôt d’expliquer comment la décadence s’est produite. Par une corruption insensible, les hypocrites que possède l’amour d’eux-mêmes et du monde sont devenus la majorité et ils se sont emparés des principales charges. Quant aux âmes pures, elles se cachent ou sont persécutées. Christ et les Apôtres ont prédit que tel serait l’état des chrétiens des derniers temps dont, selon saint Paul, la Synagogue est la figure. À l’origine, au contraire, les Églises ne cherchaient pas à dominer les unes sur les autres et, malgré les prétentions des judaïsants, elles n’exigeaient de leurs membres que la foi qui opère par l’amour. Elles ne contraignaient personne à entrer malgré soi dans leurs sociétés, car – il y a ici une allusion évidente à Louis XIV et à ses dragons – il est absurde de forcer quelqu’un à l’amour dans lequel la religion consiste. Aucune Église ne se croyait non plus infaillible et Paul annonce la destruction de celle de Rome si elle s’abandonne à l’orgueil. Depuis, de grands saints, Jérôme, Sévère, Salvien, Brigitte, ont dénoncé un clergé devenu de plus en plus mondain.

Poiret ne va pourtant pas jusqu’à déclarer totale la corruption du catholicisme. Au contraire, Dieu manifesta sa patience et c’était sa volonté que le petit nombre de saintes âmes qui y vivaient y demeurât et y tendît à la perfection. Il accorda en outre à leurs prières que la véritable doctrine continuât à y être enseignée, en particulier dans les conciles, quoique cette même doctrine parût au même moment avec beaucoup plus de force et de pureté dans les écrits et la vie de simples fidèles, tels que sainte Angèle de Foligno, sainte Catherine de Gênes, sainte Térèse. En revanche, Dieu irrité punit cette Église d’esprit séculier par là où elle avait péché : il « permit à certains des siens de s’élever contre elle, de secouer son joug par orgueil et de la dépouiller autant qu’ils le pouvaient de ses richesses extérieures ; et comme la lumière divine et la charité ne régnaient pas non plus dans leurs esprits, partout apparurent de grandes ténèbres, de vaines spéculations..., des haines, des combats, des persécutions... Voilà la source et les fruits du schisme ».

On comprend les espoirs qu’un tel passage devait susciter chez les catholiques. À tort, d’ailleurs, et Poiret a soin de les détromper aussitôt. Puisque, dans sa colère, Dieu a autorisé le schisme, on aggraverait plutôt le mal en rendant à l’Église l’obédience et les biens qui lui ont été soustraits. Il n’y a d’autre remède que le retour à l’esprit de l’Évangile qui, en crucifiant l’esprit du monde, permettra une cordiale réunion dans les voies de Christ. Mais il n’y a rien à espérer de l’orgueil et des préoccupations temporelles des ministres de l’un et de l’autre parti : le Seigneur a déjà prédit que le sel de la terre serait rejeté et sainte Brigitte appelle souvent Rome « le siège de l’orgueil ». Il n’y a pas davantage à compter sur les cérémonies extérieures, la communion par exemple. Excellentes à l’origine, elles sont maintenant employées par chaque confession de manière hypocrite et sacrilège.

Toutes les autorités se trouvant ainsi renvoyées dos à dos, quelle conduite doivent adopter les individus ? Poiret commence par poser qu’il y a, hors du catholicisme, des « bonnes âmes » qui, par faiblesse, ont été égarées par les auteurs du schisme, ou qui y ont été nécessairement englobées, par suite du temps et du lieu de leur naissance. Cela ne les a pas empêchées d’atteindre, sans sortir de leur secte, un haut degré de lumière et d’amour. S’il arrive maintenant – c’est le cas de Ramsay – que ces âmes soient appelées par Dieu à rejoindre la vraie Église dans son état actuel, elles peuvent le faire ; bien plus, elles le doivent, si elles sont absolument certaines que par ce moyen elles atteindront une plus haute perfection. Mais qu’elles prennent bien garde qu’en suivant leur propre mouvement ou celui des autres (penser aux conseils de Fénelon !) elles n’aggravent le mal. Qu’elles craignent de réveiller les passions partisanes, d’abandonner à des hommes d’esprit mondain leur liberté chrétienne, de se lier sous peine de péché mortel pour des bagatelles, de s’associer aux innombrables anathèmes prononcés contre les dissidents et même contre les divins exercices que l’Église a condamnés avec les livres de Bernières et de Canfeld. Elle pouvait difficilement donner un témoignage plus clair de sa défection, puisque la vraie contemplation et le Pur Amour sont « l’âme, l’essence et le couronnement de la religion éternelle et immuable ». Que Rome ait respecté en 1689 et en 1699 des doctrines identiques quand elle les trouvait sous les plumes de saint François de Sales, de sainte Thérèse, de Jean de la Croix, cela peut s’expliquer par une crainte politique d’affaiblir son autorité en frappant ceux qu’elle avait canonisés. Qu’on ait donc soin de ne pas s’opposer par ces conversions extérieures aux moyens par lesquels Dieu entend purifier et restaurer le Christianisme.

Jusqu’au moment que la Providence choisira pour cette réunion, le plus sûr est que chacun demeure là où elle l’a placé, en usant des rites et des formes d’adoration extérieure, mais sans condamner ceux qui en préfèrent d’autres. C’est ainsi, ajoute Poiret, que dans ce libre pays, la Hollande, nous ne manquons pas de blâmer les erreurs des protestants et de signaler ce qui est bon dans l’autre parti : nous avons par exemple édité les divins écrits de nombreux catholiques. Dieu nous condamnera-t-il pour avoir de la sorte travaillé à l’édification de ceux parmi lesquels il nous a fait naître ? Et – voici la réponse à la grave accusation d’hérésie et de fanatisme – « nous sommes d’autant plus libres de le faire qu’on apprend autour de nous (par l’intellect du moins) les doctrines essentielles du christianisme : notre naissance dans la corruption..., la nécessité du recours à Dieu par son Verbe incarné qui nous a créés, afin... de recevoir le don de la divine lumière et celui du divin amour. Ces principes nous protègent des erreurs des Pélagiens et des Sociniens aussi bien que de celle des Enthousiastes qui, ignorants de leur corruption, prennent arrogamment les mouvements et les fantaisies de leur propre esprit pour les mouvements du Saint-Esprit ». Nous espérons échapper à leur malheur en marchant dans la crainte, le tremblement et la défiance de nous-mêmes, demandant avec humilité l’esprit de Dieu, qui reste tel même si sa rareté le fait maintenant décrier comme un esprit privé.

Pour finir, Poiret avoue franchement qu’une autre raison, particulière celle-là, empêche sa communauté de se convertir. Il a plu à Dieu d’en appeler les membres à la vérité par la parole ou les écrits d’une personne pleine de sa lumière et de son esprit : Antoinette Bourignon 26. Née et morte dans le catholicisme, elle n’engageait personne, ni à le quitter, ni à y entrer, « car Dieu ne voulait plus laisser subsister de telles distinctions..., mais il réunirait » tous ses amis et « les gouvernerait dans l’unité de son esprit ». Nous considérons cette règle comme venant de Dieu : il peut seul nous en dispenser en nous faisant connaître le temps et les circonstances d’une exception. Certes, A. Bourignon annonçait souvent le règne corporel de Christ sur terre : si les Pères n’en avaient pas parlé, c’était, disait-elle, qu’il ne leur était pas nécessaire de savoir ce qui se passerait longtemps après eux. Mais, loin d’imposer ces idées comme nécessaires au salut, elle n’essayait de convaincre personne et elle « laissait Dieu accomplir en son propre temps et à sa manière son œuvre propre qui subsistera éternellement ».

Nous ignorons si cette controverse épistolaire eut une suite. En tout cas, elle n’ébranla pas Poiret et, bien qu’il soit resté jusqu’à la mort fidèle aux observances catholiques 27, A.-M. Ramsay manifesta avec le temps une liberté de pensée de plus en plus grande. Il n’a guère rappelé les strictes exigences de Fénelon en matière ecclésiastique et il a même essayé de couvrir de son autorité quelques-unes de ses idées hétérodoxes 28. On est tenté d’attribuer cette évolution à Madame Guyon qui n’aurait pas attaché plus d’importance qu’Antoinette Bourignon à l’appartenance à telle ou telle confession 29. Cependant la pensée de l’exilée de Blois n’est connue que par des sources protestantes et ses lettres à Poiret lui-même ne rendent pas toutes le même son 30. En tout cas, les textes les plus audacieux de Ramsay datent de l’époque où il était libéré de l’influence guyonienne 31, et la source en est à chercher outre-Manche : le rétablissement universel origéniste des Philosophical Principles nous ramène aux Philadelphiens 32 et le comparatisme religieux qui triomphe déjà dans les Voyages de Cyrus semble venir surtout de Ralph Cudworth 33. Il n’y a donc pas à s’étonner que le Great Work posthume de l’Écossais contienne une profession de tolérantisme qui rappelle – par un curieux chassé-croisé – les termes dont Poiret s’était servi le 9 janvier 1711 pour blâmer la conversion de Ramsay lui-même 34.

Ce résultat paradoxal s’explique par le fait qu’en 1710 la controverse épistolaire était allée beaucoup plus profond que les « entretiens de Cambrai ». Elle avait mis en présence deux grands champions, assez proches pour qu’une discussion serrée donnât à l’un et à l’autre l’occasion d’exposer des théories essentielles. Des deux côtés on avait marqué des points. Contraint de rester sur la défensive, le patriarche de Rhijnsburg manifeste un embarras évident au sujet de ses rapports avec les sociniens (il semble faire, comme Jurieu, appel aux magistrats néerlandais, gardiens de l’orthodoxie) et avec les fanatiques. Il ne peut répondre à l’accusation d’illusion que par un appel à la bonté divine : les French Prophets qu’il condamnait auraient pu s’exprimer de même. Poiret n’hésite pas à glorifier « l’esprit » qu’on appelle « privé » et qui est pourtant « le véritable esprit de la sainte Église ». Il n’indique pas à quel critère on le reconnaît, mais il parle un peu plus loin de « l’impression indélébile et divine qui certifiait que les écrits » d’A. Bourignon « venaient de Dieu ». Position aussi faible que celle de n’importe quel « fanatique ». Poiret le sent et il n’ose tirer des idées de la Prophétesse aucun argument contre le catholicisme. Sur la nécessité de l’appartenance à une confession orthodoxe – n’importe laquelle – la lettre à Fénelon semble d’autre part annoncer la « théorie des tropes » que Zinzendorf, John Byrom, John Wesley développeront avec bonheur contre les « séparatistes » extravagants. Mais cette solution convenait beaucoup mieux à des luthériens ou à des anglicans qu’aux calvinistes qui entouraient Poiret : ceux-ci pouvaient difficilement renoncer aux arguties théologiques. De plus, les protestants à tendances mystiques restaient alors suspects d’anabaptisme et ce n’est que plus tard que la réaction contre le rationalisme menaçant leur permit de bénéficier des progrès de l’esprit œcuménique.

Inversement Poiret avait l’avantage lorsqu’il comparait l’idéal chrétien d’une religion « en esprit et en vérité » avec les réalités qu’offraient les pays catholiques : superstitieuse et machinale, politique et mondaine, orgueilleuse et avare, l’Église actuelle n’a-t-elle pas été d’avance flétrie par Christ, par les Apôtres, par certains mystiques canonisés ? Il n’était pas jusqu’à son assimilation à la Synagogue qui n’eût de la force contre les apologistes qui se contentaient d’appels naïfs aux hiérarchies dionysiennes ou à l’argument de la possession 35. Et le disciple d’A. Bourignon faisait habilement usage de la notion biblique du « petit troupeau » que Dieu se réserve dans l’apostasie générale. Mais son arme la plus forte, il la tire des condamnations que Rome avait récemment portées contre de nombreux ouvrages mystiques. Frappant non seulement Molinos et Fénelon, mais Benoît de Canfeld et Bernières de Louvigny, elles avaient privé le catholicisme de l’avantage dont il jouissait depuis plus d’un siècle auprès des protestants préoccupés des voies intérieures 36. L’auteur des Maximes des Saints ne se trompait pas lorsqu’en 1698 il prévenait le Pape que les pays du Nord suivaient attentivement son procès.

Cette correspondance fait ressortir l’importance capitale que l’archevêque attachait à l’idée d’Église. Si elle a été si souvent méconnue, c’est qu’à la suite de ses éditeurs, Ramsay et Poiret lui-même, on a oublié que ses œuvres de spiritualité, où prédomine naturellement le souci de la perfection individuelle, s’adressaient à des âmes déjà pleinement soumises à la hiérarchie catholique. Comme chez saint François de Sales, l’équilibre est rétabli chez lui par les écrits de controverse 37, avec cette différence que M. de Cambrai a lutté tout autant contre les « critiques » et contre les jansénistes que contre les protestants. Aux uns et aux autres il oppose les textes évangéliques sur l’obéissance à l’autorité des pasteurs, représentants visibles du Christ. L’ancien disciple de Bossuet a d’ailleurs fort bien vu que, sous la forme nouvelle que lui donnaient les progrès de l’exégèse rationaliste, la question majeure demeurait celle de l’interprétation de la Bible. Par leur orgueil et leur indépendance, constate la célèbre Lettre à l’évêque d’Arras, les critiques osent de nos jours ébranler tous les fondements de la religion. « Ils ne tendent qu’à faire des philosophes sur le Christianisme et non pas des chrétiens. » Le remède est dans le recours à la Tradition, au « sens des Pères » que la lettre à Poiret croyait, nous l’avons vu, opposer victorieusement au « sens privé » de chaque lecteur. L’Église nous garantit en effet qu’ils n’ont pas erré, et, comme Fénelon l’avait démontré à Ramsay, la Révélation serait inutile sans « une autorité visible qui parle et qui décide, pour soumettre, pour réunir et pour fixer tous les esprits dans une même explication des saintes Écritures ». Cela n’implique d’ailleurs pas, assurait le Traité de l’Éducation des Filles, que l’Église soit supérieure à la Bible, mais la Lettre à M. d’Arras semblait aller plus loin en considérant les « pasteurs » comme des « Écritures vivantes » 38. Que ce mot révélât une tendance profonde de l’auteur, sa polémique antijanséniste le montre. Bien que la présence des cinq Propositions dans l’Augustinus ne fût évidemment pas affirmée par les Livres sacrés, Fénelon soutint, presque seul de son temps, que l’Église possède à ce sujet la même infaillibilité que sur les vérités de la foi. Il est frappant qu’il se place pour le prouver à un point de vue pastoral : le magistère possède ce pouvoir puisqu’il en a usé en exigeant sous serment la signature du Formulaire ; d’ailleurs, s’il ne l’avait pas, il ne pourrait s’acquitter de la tâche sacrée qui lui a été confiée par le Christ : détourner les ouailles des pâturages empoisonnés, et il perdrait ainsi sa raison d’être ! On comprend que Quesnel, plus soucieux des principes théologiques, se soit écrié avec dépit le 12 mai 1704 : « Il est aussi outré sur l’autorité de l’Église que sur l’amour de Dieu 39. »

L’originalité de Fénelon vient en effet de ce que les deux tendances qui avaient divisé la Contre-Réforme catholique (on pourrait les appeler « hiérarchiste » et « vitaliste ») 40 se retrouvaient chez lui, non pas juxtaposées, mais amalgamées et que – suprême paradoxe – elles n’en étaient pas affaiblies, mais renforcées. S’il réclame une obéissance sans réserve, s’il étend les limites de la foi au-delà de celles du dogme, M. de Cambrai ne le fait pas au nom de la discipline quasi militaire que d’autres fondaient sur les promesses du Christ à Pierre : c’est la spiritualité de l’abnégation, chère à l’école rhéno-flamande, qu’il invoque. Parmi les « fausses richesses » dont l’homme doit « se dépouiller », ses idées sont les plus dangereuses. « Les mystères » chrétiens « nous sont proposés pour dompter notre raison » et ils exigent un premier sacrifice, mais il faut « une autorité visible » pour « humilier l’esprit » et « il n’y a que le catholicisme qui enseigne à fond cette pauvreté évangélique ; c’est dans le sein de l’Église qu’on apprend à mourir à soi, pour vivre dans la dépendance ». Plus l’effort est « dur à la nature », plus il nous rapproche de Dieu et ce sont « les plus éclairés » qui « en ont le plus besoin ». Qu’on ne voie pas dans cette assimilation de l’« anéantissement » de l’intellect à celui de l’amour-propre une habileté polémique, une tentative audacieuse pour transformer une objection en argument. Elle aurait en tout cas été imposée à l’auteur des Lettres Spirituelles par son sens dionysien de l’impuissance de nos facultés en présence de l’infini divin : « Un homme peut raisonner avec un autre homme, mais avec Dieu il n’y a qu’à prier, qu’à s’humilier, qu’à écouter, qu’à se taire, qu’à suivre aveuglément. Ce sacrifice de notre raison est le seul usage que nous puissions faire de notre raison même, qui est faible et bornée 41. » Il y a là aussi une adaptation de la théorie augustinienne de l’acte de foi. Tout comme l’incroyance, la révolte contre l’Église vient de la corruption du cœur. Aussi le premier conseil que reçoit Poiret est-il celui de « se mettre d’abord dans la vue de Dieu avec la plus grande récollection et paix d’esprit, sans préjugé » et de se réformer lui-même avant de chercher à réformer l’Église 42. Même par la suite, la foi implicite et l’obéissance passive semblent suffire, de sorte que l’élément intellectuel de la religion reste un donné extrinsèque que ne vient vivifier aucune méditation cordiale. Il n’est pas douteux que Fénelon ne laisse perdre bien des richesses de saint Augustin 43.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette « théologie affective » trouvait encore un écho assez fort au début du XVIIIe siècle : Ramsay et Poiret ne semblent même pas en avoir senti l’audace. C’est qu’eux-mêmes admettaient pour leur compte les postulats de l’archevêque. Ils invoquaient la Bible, non pas pour en tirer des arguments contre la Présence réelle, mais pour en dégager « l’essence de la religion » 44, qu’ils retrouvaient ensuite chez les grands mystiques, et d’après laquelle ils jugeaient les réalités sociologiques de leur temps. Cet idéal, ils l’identifiaient à l’amour de Dieu auquel on fait place par la lutte contre l’orgueil, l’avarice, l’attachement au monde, bref contre la « propriété » sous toutes ses formes. Tel est le point de vue duquel Poiret constate la décadence de l’Église romaine. Quant aux cérémonies et aux dogmes, il s’en souciait assez peu pour déclarer en 1686 indifférentes les abjurations extorquées par les dragons de Louis XIV 45.

Mais, contre Fénelon et contre Poiret, des voix de plus en plus nombreuses proclamaient le devoir de probité intellectuelle qui ne permet de s’incliner que devant l’évidence. S’ils laissent à la Grâce le rôle d’ôter les obstacles qui cachent celle-ci, les disciples d’Arnauld n’en jugeaient pas moins illégitime l’intervention de la volonté dans le domaine théologique : ils déclarent en particulier qu’au sujet des faits que le Christ n’a évidemment pas révélés, la soumission à une quelconque autorité n’excuse pas de parjure. Plus cartésien encore, Leibniz rappellera à ce sujet « qu’on ne croit pas ce que l’on veut ». Et à Poiret qui assimile les professions de foi à des gestes purement extérieurs, il fait remarquer que l’auteur du Leviathan n’était guère allé plus loin 46. Enfin, Pierre Bayle rejettera tout vestige d’augustinisme et revendiquera « les droits de la conscience errante ». C’est la postérité de ces « rationaux » qui triomphera pendant l’Âge des Lumières et il n’y aura plus alors que les « mystiques », piétistes ou méthodistes, pour être sensibles aux arguments invoqués sur la question de l’Église par Fénelon et par Pierre Poiret.

 

Jean ORCIBAL.

 

Paru dans XVIIe siècle : Bulletin de la

Société d’Étude du XVIIe siècle en 1955.

 

 

 

 

 

 

 

 



1« Sa piété, loin de conduire à un déisme subtil, et à l’indépendance de toute autorité visible, comme l’ont quelquefois insinué ses adversaires, fournit au contraire les preuves les plus solides du christianisme et de la catholicité » (A.-M. RAMSAY, Histoire de la Vie de M. François de Salignac, Amsterdam, 1724, p. 102 ; réédité dans les Œuvres complètes de 1852, t. I, p. 218). Se plaçant à un point de vue plus restreint, M. A. Chérel pense de son côté que l’auteur des Maximes et des Lettres sur la Religion n’accordait « au culte extérieur qu’une valeur très secondaire : de là à considérer les cérémonies comme de purs symboles, il n’y avait qu’un pas » (Revue du XVIIIe siècle, 1918, p. 28).

2Cf. infra, n. 39.

3Cf. notre Louis XIV et les Protestants, Paris, 1951, table, et en particulier p. 161 n. Sur le Discours pour le sacre de l’Électeur de Cologne, voir CHÉREL, art. cit., pp. 23 sq. et, sur les conseils au Prétendant, G.-D. HENDERSON, Chevalier Ramsay, Londres, 1952, pp. 85-87, 98 sqq.

4Si violentes qu’elles puissent paraître, ces diverses expressions reviennent sans cesse dans les diverses Lettres de Fénelon sur l’Autorité de l’Église, en particulier dans les lettres II, III, V, VIII, ed. cit., t. I, pp. 203, 206, 215, 217. Cf. aussi sa lettre du 16 mars 1709 à D. Passionei (Biblioteca Passionei de Fossombrone), p.p. A. VERNARECCI, Le Marche illustrate nella storia, nelle lettere, nelle arti, t. I, 1901, pp. 33-34.

5Cf. la Lettre à M. d’Arras sur la Lecture de l’Écriture Sainte (ed. cit., t. II, p. 198) et surtout un fragment d’une lettre sans date, peut-être adressée à Huet, au sujet de la « principale des libertés du siècle » : « Ils disent que la bonté et la justice d’un Dieu infiniment parfait ne permet pas de croire qu’il punit par des tourments éternels presque tout le genre humain pour n’avoir pas suivi une religion qu’ils n’ont pu ni pratiquer, ni connaître. Ils vont plus loin. Ils soutiennent que l’homme s’imagine être libre, sans l’être, et que la disposition des organes, jointe à la combinaison des objets extérieurs, le détermine toujours par une nécessité invincible, en sorte que rien n’est laissé à son choix. Ils ajoutent qu’un Dieu bon et sage n avait garde de laisser à l’homme le libre-arbitre, prévoyant qu’il ne s’en servirait que pour violer l’ordre, que pour s’égarer de sa dernière fin, que pour se révolter contre son Créateur, et que pour se perdre éternellement. De là ils concluent que, si l’homme est libre, il n’y a point de Dieu ou que, s’il y a un Dieu, l’homme n’est point libre, en sorte que le péché et l’enfer ne sont que des chimères ridicules. Ce raisonnement est très à la mode dans tout le Nord. Il y a beaucoup de sociniens qui ont abandonné le texte de l’Écriture pour se renfermer dans le pur déisme, et dans la raison purement naturelle, lesquels sont les zélés défenseurs de cette doctrine. Elle fait partout un grand progrès. Il me paraît qu’il est capital de l’approfondir, d’en découvrir non seulement la fausseté, mais encore l’absurdité et la faiblesse, enfin, d’en développer les paralogismes à toutes les personnes raisonnables. C’est la matière d’un grand ouvrage. Je vais vous en proposer un plan très abrégé » (Catalogue d’autographes Parison, 1856, n° 205). Sur les succès du socinianisme après la Révocation de l’Édit de Nantes, cf. notre Louis XIV et les Protestants, pp. 162-167.

6Cf. notre article sur L’influence spirituelle de Fénelon dans les pays anglo-saxons, dans XVIIe siècle, 1951-1952.

7Voici le jugement de l’archevêque sur la jeune Anglaise : « Je trouvai en elle un esprit vif, pénétrant, droit et ingénu. Elle me fit ses objections avec force. Je lui expliquai doucement la vraie doctrine de l’Église, qui est très éloignée de celle que les protestants nous imputent. Nos conversations la troublèrent. Elle s’en alla à Paris ayant l’esprit fort agité et sentant que les prétendus réformateurs sont inexcusables de s’être séparés de l’ancienne Église » (au R. P.***, 24 septembre 1713 ; fragment publié dans le Catalogue d’autographes de Varanges, 1853). À noter que nous sommes très mal renseignés au sujet des destinataires des Lettres sur l’Église et que la huitième semble autoriser le cryptocatholicisme en pays protestant (3°, ed. cit., t. I, p. 217).

8Cf. Albert CHÉREL, Un aventurier religieux au XVIIIe siècle, André-Michel Ramsay, Paris, 1926.

9G.-D. HENDERSON, Chevalier Ramsay, Londres, 1952. Cf. notre recension dans la Revue d’Histoire des Religions, 1953.

10HENDERSON, pp. 8 sqq., 13 sqq., 19-25. A. CHÉREL, Revue du XVIIIe siècle, 1918, pp. 19 sqq. Sur l’influence d’A. Bourignon, cf. notre article Les spirituels français et espagnols chez J. Wesley et ses contemporains, dans Revue de l’Hist. des Rel., 1951, p. 61. Sur les Philadelphiens, voir Nils THUNE, The Behmenists and the Philadelphians, Upsal, 1948, et notre C. R. de la Rev. de l’Hist. des Rel., 1952.

11Revue du XVIIIe siècle, pp. 20 sq. HENDERSON, pp. 24-26, 38, 53. Mme J. Rivière prépare sur P. Poiret une thèse de doctorat qui rendra inutile la littérature très insuffisante que nous possédons sur le sujet. Cf. aussi notre article Rev. de l’Hist. des Rel., 1951, pp. 53-54, 79-80.

12HENDERSON, pp. 24 sqq., 30-32. On trouvera les discussions que nous résumons ici dans la Vie de Fénelon, éd. de 1724, pp. 105-135, dans les Œuvres de 1852, t. I, pp. 218-226, et dans A. de COMPIGNY, Les Entretiens de Cambrai, Paris, 1929.

13Sur le rôle joué par le sens de l’Église dans la soumission de Fénelon, cf. Mél. d’Arch. et d’Hist., 1940, p. 254.

14Nous ne le rencontrons à Blois comme secrétaire de Mme Guyon qu’au début de 1714 (HENDERSON, p. 38). On trouvera ibid., pp. 32 et 51, des souvenirs précis sur sa vie à Cambrai.

15La date peut en être inférée de la réponse envoyée à l’archevêque le 9 janvier 1711. Le texte de l’une et de l’autre est malheureusement perdu, mais M. G.-D. Henderson a découvert des copies de leurs traductions anglaises à Édimbourg (Library of the Scottish Episcopal College, Q. 45) et à Aberdeen (University Library). Nous tenons à remercier le Professeur Henderson de l’exceptionnelle générosité avec laquelle il a permis à un Français d’offrir pour la première fois ces documents au public (lui-même s’était contenté d’en donner un excellent résumé dans Chevalier Ramsay, pp. 27 sq.).

16La seconde partie de la réponse de Poiret le confirme. Cf. aussi la 8e Lettre de Fénelon sur l’Église, ed. cit., t. I, p. 214.

17Voir par exemple sur la position caractéristique de P. Jurieu, La Suite de l’Accomplissement des Prophéties, Rotterdam, 1687, pp. 152 sq.

18Cf. supra, note 5.

19Très tôt, l’accusation avait été formulée par Jean-Guillaume Baier (Dissertatio de monarchianis anti-trinitariis antiquis et recentioribus, § XX, p. 22). La réponse parut en 1695 : P. Poiretus defensus adversus Jo. Gul. Baieri duram sententiam qua Poiretum... inter Sabellianos disponere conatus est. En 1744, J.-G. Walch (Miscellanea Sacra, Amsterdam, pp. 138 sqq.) conclut que Poiret cède en tout cas à une tendance dangereuse au samosaténianisme. Cf. G. BARDY, Paul de Samosate, Bruges, 1923, p. 503.

20Revue du XVIIIe siècle, p. 30.

21Cf. l’article de M. A. CHÉREL(ibid.) et HENDERSON, pp. 79, 83 sq., 113 sq.

22M. Henderson a bien voulu nous communiquer trois extraits de lettres écrites à Ramsay par James Lundie, Écossais qui étudiait en Hollande. Elles ne laissent aucun doute sur l’attitude du patriarche : « At R – g. Some of your English Prophets came over here last week, but did not meet with the reception they expected, everybody is prejudiced against them... They left this yesterday morning in order to return for England » (15 juillet 1709). « I was resolved to discourse with Mr P. at some length about them the French Prophets and their pretensions, but I found him utterly averse to entertain any good opinion of them, and that on very solid grounds. He is still in the same mind as you will find in his answer to yours which I have here inc1osed » (12 novembre 1709). « I spoke to Mr P–t as you desired on this head the Prophets » (18 février 1710).

23Sur ce document, découvert à Pistoia par E. Jovy, cf. notre article, Fénelon et la Cour romaine (1700-1715), Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. 57, 1940, pp. 279-284. Dans une lettre du 16 mars 1709 au futur cardinal D. Passionei, M. de Cambrai écrivait dans le même esprit : « Plus je vois de maux et de dangers dans les membres du corps de l’Église, plus je souhaite que le centre soit la ressource pour guérir tout le reste. Nous avons grand besoin de tous côtés que Pierre confirme de plus en plus ses frères. J’ai été véritablement affligé de tout ce que Rome vient de souffrir. Mais l’Église ne se soutient que par la croix de son Époux. Si Rome n’avait jamais été que souffrante, les protestants ne s’en seraient peut-être jamais séparés. Une patience humble et ferme est l’état le plus respectable pour la mère Église » (loc. cit.).

24L’idée est formulée de façon plus nette encore dans la 5e Lettre sur l’Église : « Il s’est glissé dans l’Église des relâchements et des abus dont elle gémit, et qu’elle travaille à réformer. Mais la réforme ne doit jamais se faire par la séparation... C’est avec cette patience, ce ménagement, ce zèle pour conserver l’unité, qu’il faut travailler de concert à une douce et pacifique réforme » (ed. cit., t. I, p. 205 ; cf. aussi p. 206 : « Vous verrez parmi nous des scandales ; mais nous les condamnons, et nous désirons de les corriger »). Ce n’est pas là une affirmation gratuite, car l’histoire des deux confessions pendant le siècle écoulé la confirme : Ceux qui « se vantaient d’être les réformateurs du christianisme, qu’ont-ils réformé ? Pendant que l’Église Romaine, malgré les faiblesses inséparables de l’humanité, a travaillé depuis plus d’un siècle à une sérieuse réforme du clergé et des peuples, les Églises protestantes, semblables à des branches arrachées de leur tige, n’ont fait que se dessécher visiblement » (ibid., p. 206).

25Les mêmes arguments se trouveront le 19 août 1716 dans une lettre de W. von Metternich à Mme Guyon. M. Chérel en a donné des extraits dans la Revue du XVIIIe siècle, 1918, p. 22.

26Sur la foi de M. G.-D. Henderson (Mystics of the North-East, Aberdeen, 1934, p. 27), nous avions dit en 1951 (XVIIe Siècle, art. cit.) qu’il s’agissait de Madame Guyon. Mais, comme M. Henderson l’a reconnu spontanément, le texte de Poiret ne permet pas le doute.

27HENDERSON, Chevalier Ramsay, p. 51.

28Ibid., pp. 79, 84.

29Ibid., pp. 28 sq., 42 sqq. Cf. Revue du XVIIIe siècle, 1918, pp. 20-23.

30Elle lui écrivait par exemple : « J’espère que ni la distance des lieux ni nulle autre différence ne nous empêcheront pas d’être réunis dans ce divin objet, qui rend tous un en lui » (Lettres chrétiennes et spirituelles, Londres, 1768, t. IV, p. 577). Cf. aussi supra, n. 25.

31Sur son opposition à la publication de la Vie de Mme Guyon par Poiret, cf. HENDERSON, pp. 52-55.

32HENDERSON, pp. 217, 223 sq.

33Ibid., pp. 219 sq., 224. Cf. Revue du XVIIIe siècle, 1918, pp. 28-32.

34HENDERSON, p. 224.

35Cf. notre rapport L’idée d’Église chez les catholiques du XVIIe siècle, dans Congresso Internazionale di Scienze Storiche, Roma, Relazioni, Florence, 1955, t. IV, pp. 115-117.

36Voir nos Origines du Jansénisme, Paris, 1947, t. II, p. 59 n.

37Voir L’idée d’Église..., Rome, 1955, notes 20 sq.

38De l’Éducation des Filles, c. 7. – 2e Lettre sur l’Autorité de l’Église, t. 1, p. 203. – Lettre à M. d’Arras sur... l’Écriture Sainte, t. II, pp. 192 sq., 200 sq. – H. de LUBAC, Méditation sur l’Église, nouv. éd., Paris, 1953, p. 237.

39H. de LUBAC, p. 223. Voir notre article Fénelon et la Cour romaine, dans Mélanges d’Arch. et d’Hist., 1940, pp. 265-269.

40Cf L. COGNET, Note sur le P. Quesnel et sur l’ecclésiologie de Port-Royal, Irenikon, 1948, t. 21. – Notre rapport L’idée d’Église..., notes 4 sqq.

411re et 2e Lettres sur l’Église, t. I, pp. 202 sq. – A. RAMSAY, t.1, pp. 223 (néantisme rhéno-flamand) et 226. – H. de LUBAC, p. 223.

42Cf. le début de la lettre de Fénelon analysée supra.

43Ici, Fénelon « ne montre qu’un des deux aspects de la vérité » (H. de LUBAC, p. 223).

44HENDERSON, pp. 17, 83.

45On trouvera dans G.-W. LEIBNIZ, Textes inédits (éd. G. Grua, Paris, 1948, t. I, p. 203) un résumé de l’Avis charitable pour soulager la conscience de ceux qui sont obligés de se conformer au culte de l’Église catholique romaine (14 novembre 1686) de Poiret et des objections de Leibniz.

46Ibid.

 

 

 

 

 

 

 

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