BRÉVIAIRE

 

DU

 

ROSE-CROIX

 

 

 

par un

 

Maître en Rose-Croix

 

 

 

 

 

 

 

PRÉSENTATION

 

par le

 

Sâr HIERONYMUS IMPERATOR

 

 

LE Dr Édouard Bertholet est, à l’heure présente, l’écrivain, le penseur qui a le mieux compris et qui a le plus approfondi l’œuvre et la personnalité de Péladan.

Les quatre volumes de La Pensée et les Secrets du Sâr Joséphin Péladan constituent un monument prestigieux qui dépasse, autant par l’intégrité de sa substance que par la clarté qu’ils apportent sur tous les problèmes de la philosophie péladane, tout ce qui a été écrit jusqu’ici à son sujet.

Si le savant Dr Bertholet a estimé devoir reprendre la plume et revenir une fois de plus à la source féconde de l’ouvre de Péladan, c’est, comme il me l’a confié, sur une injonction répétée de l’Au-Delà qui lui disait : « Il y a beaucoup de morceaux qu’il faut remettre ensemble et dont il faut faire la synthèse. »

L’incitation mystérieuse répondait essentiellement à une nécessité pratique ; elle avait un but pragmatique que s’était d’ailleurs proposé le Dr Édouard Bertholet en entreprenant son vaste travail, c’est-à-dire la révélation lumineuse des secrets de la doctrine rosicrucienne, dont les éléments précieux se trouvent dispersés dans l’œuvre entière de Péladan.

L’enseignement traditionnel de la Rose + Croix dérive de la doctrine chrétienne et lorsque Péladan restaura l’Ordre initiatique de la Rose + Croix, il resta fidèle aux principes chrétiens du fondateur de l’Ordre et de ses continuateurs des siècles passés.

Nécessairement, les premières pages du Bréviaire du Rose-Croix devaient mettre en lumière ces principes fondamentaux de la mystique chrétienne qui apparaissent ici avec cette coloration initiatique que Péladan confère à tout ce que sa pensée effleure.

Mais quand les citations touchent au don divin, à l’hyperphysique, à l’aristie, au don de subtilité, elles nous entraînent déjà vers un enseignement profondément initiatique. La section consacrée à la Religion atteint alors le plan de la magie et parfois d’un esthétisme subtil ; la section qui concerne les Anges est réellement une échappée sur le monde invisible.

Il fallait que tout cela fût redit pour en venir au domaine secret de l’Occultisme, aux arcanes de la Magie, au monde du mystère. Ce sont là les secrets de Péladan.

Évidemment, Péladan n’a rien inventé, il n’a voulu que créer une Renaissance de cette ancienne et mystérieuse Rose + Croix, qui avait, aux siècles passés, occupé la pensée de tant d’initiés remarquables. Péladan a retrouvé tous les enseignements perdus, il les a merveilleusement traduits en une langue pure et vivante. Si son allure trop pamphlétaire lui a valu l’ostracisme de la critique incompréhensive, d’autres, après lui, ont repris le flambeau ; et s’il n’a pas réussi dans la mesure qu’il escomptait, qu’il méritait d’ailleurs, les initiés d’aujourd’hui sont là, avec une expérience nouvelle et, parmi eux, le Dr Bertholet est désigné pour cette relève qui reprend ainsi l’effort de Péladan et avec ses matériaux rebâtit le temple de l’Idéal.

Si les quatre tomes de la Pensée et les Secrets du Sâr Joséphin Péladan s’adressent au monde intellectuel, à tous les esprits attentifs et curieux, épris de la Lumière mystérieuse de l’Occulte, s’ils apparaissent comme une analyse critique vraiment parfaite de l’œuvre si vaste de Péladan, en découvrant une large perspective de textes patiemment et intelligemment recueillis, retraçant toute l’activité de la pensée illuminée de Péladan, le Bréviaire du Rose-Croix est par contre la synthèse, la décantation précieuse du véritable enseignement rosicrucien spécialement destiné pour les initiés.

Nonobstant son apparence, ce n’est point un simple recueil de pensées initiatiques, mais, par leur ordonnance rigoureuse et rationnelle que le savant Dr Bertholet leur confère, le Bréviaire apparaît comme une condensation logiquement présentée du cheminement de l’initiation ; et il sera désormais, pour les Rose-Croix, leur livre des méditations journalières.

L’Ordre de la Rose + Croix se fait un agréable devoir de présenter à son infatigable et savant auteur ses chaleureux et fraternels remerciements.

 

Sâr Hiéronymus, impérator.

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

Issu d’une volonté nettement signifiée depuis l’Intermonde, le Bréviaire du Rose-Croix, donne sous une forme synthétique la quintessence de l’enseignement philosophique, ésotérique et initiatique du Sâr Péladan.

Les Rose-Croix trouveront dans ce volume une ample moisson de pensées et de concepts propres à faciliter et à enrichir le temps consacré à la méditation journalière.

Quant à ceux qui sont préoccupés par l’énigme du devenir, ceux qui poursuivent la queste du Mystère, ils trouveront dans le Bréviaire des réponses fulgurantes et illuminatives.

Plus de sept cents pensées ont été extraites de l’œuvre immense de Péladan ; elles ont été groupées sous différentes rubriques figuratives et forment un tout d’une valeur didactique unique en son genre. Toutes ces pensées se complètent et s’éclairent l’une l’autre. Celui qui en abordera l’étude, sans parti pris, avec le ferme désir d’être éclairé, peut être assuré de retirer de cette lecture le plus grand profit, car cet ensemble est susceptible d’apporter au chercheur de vives lumières sur la voie à suivre et sur l’attitude à adopter pour arriver, sinon à l’illumination, tout au moins à l’enrichissement mental et à la connaissance de directives précises, propres à faciliter à chacun le parcours harmonieux du chemin de la vie.

L’œuvre péladane est infiniment touffue ; son étude est des plus enrichissantes ; le philosophe et occultiste Émile Dantinne en a fort bien fait ressortir l’importance lorsqu’il écrivait : « La pensée de Péladan, dispersée dans tant de volumes, restera malgré tout une lumière, peut-être la plus pure de la Rose-Croix et même de toute la littérature initiatique. »

Un autre spécialiste en la matière, Me Jean Mallinger, a dit également : « Dans l’innombrable littérature occultiste de son siècle, celle de Péladan y occupe une place éminente. Péladan demeurera pour beaucoup un guide original et supérieur. »

Ces opinions louangeuses de Maîtres ès Sciences initiatiques situent fort bien la valeur des écrits de Péladan et par suite l’utilité d’un Bréviaire réalisant la synthèse de la pensée et de l’enseignement du Sâr.

D’aucuns demanderont de quelle branche rosicrucienne procède le Sâr Péladan ? Le Maître a pris soin de nous le dire lui-même, en indiquant sa filiation qui lui a permis de rénover l’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal, dont le but ressort nettement de ses propres déclarations :

« L’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal espère combler le fossé qui sépare la raison du cœur, l’intelligence de la foi, le matériel du spirituel, et cela par la communion avec toutes les idées nobles et grandes, ainsi que par le canal de l’art idéaliste et mystique. »

« L’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal est une confrérie de charité intellectuelle, consacrée à l’accomplissement des œuvres de miséricorde selon le Saint-Esprit dont les membres s’efforcent d’augmenter la gloire et de préparer le règne. »

« La Rose-Croix sera, peut-être, l’arche sainte où se réfugieront l’Abstrait et la Beauté supérieurs. »

Que voilà un programme magnifique et sublime ! Sa mise en pratique apprendra à l’initié, selon la parole du Maître, « qu’il n’y a qu’une Cause qui est Dieu, qu’une fin qui est l’Éternité, qu’une réalité, qui est la Beauté ».

Et de fait, lorsque le lecteur se sera nourri de la pensée péladane, lorsqu’il l’aura bien assimilée, c’est-à-dire lorsqu’il l’aura lue, relue et méditée, alors cette pensée sera pour lui l’occasion d’une riche floraison spirituelle, illuminant tous les plans successifs qui permettent à la créature de se rapprocher toujours plus près de son Créateur.

Enfin si le lecteur se sent poussé à pénétrer encore plus avant au cœur de cette pensée, il trouvera dans les quatre tomes de La Pensée et les Secrets du Sâr Joséphin Péladan ample matière à étude et méditation.

Et maintenant, petit livre, va ton chemin, apporte à ceux qui sont prêts et qui y aspirent :

 

Lumière et Bénédiction, Joie et Paix !

 

 

 

 

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La prière des Anges

 

Benozzo Gozzoli

 

 

 

 

 

 

 

 

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CHAPITRE PREMIER

 

1. Dieu, le Père. 2. Dieu, le Fils. 3. Dieu, le Saint-Esprit. 4. La Sainte Vierge. La Messe. L’Eucharistie. 5. Les Anges. 6. La Religion. 7. La Foi. 8. Croire. 9. Le Miracle. 10. La Communion des Saints. 11. La Prière.

 

 

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1. Dieu, le Père

 

Il faut aimer Dieu, la vertu et les hommes.

L’âme est immortelle.

 

Tel fut le Credo des Esséniens.

 

*

 

Les attributions des Trois Personnes divines sont les suivantes :

            Avec le Père, on mérite.

            Avec le Fils, on conquiert.

            Le Saint-Esprit donne.

En sa manifestation, la Trinité se nommerait : Pouvoir, vouloir, aimer. Le Fils est la volonté du Père ; l’Esprit est l’amour des Deux.

Le Saint-Esprit est la joie finale et éternelle.

Aimer la vérité, aimer la beauté, c’est marcher vers la sanctification. Le Saint-Esprit aime l’amour dans l’homme, il le bénit. Aucun enthousiasme élevé qui ne le trouve indulgent, car il est amour ; il est l’âme du monde spirituel ; et l’admiration est la forme préférée de la prière.

La divine colombe se pose sur le front des génies et sur le cœur des saints ; c’est même et sublime chose qu’une perfection de la pensée ou une perfection du cœur ; on a séparé ces puissances idéales, qui sont les deux ailes divines : idéalité et charité, pensée et amour.

 

*

 

Il n’y a pas d’autre réalité que Dieu. Il n’y a pas d’autre Vérité que Dieu. Il n’y a pas d’autre Beauté que Dieu.

Dieu seul existe et toute parole qui ne l’exprime pas est un bruit ; et toute voie qui ne le cherche pas aboutit au néant.

La seule fin de l’homme, c’est la queste de Dieu. Il faut le percevoir, le concevoir, l’entendre ou périr.

 

*

 

Il n’y a qu’un Dieu, car il n’y a qu’un nombre absolu, et partant, qu’un principe : celui de la vie, phénomène qui les contient tous, car la vie signifie aussi bien l’ange que l’animal et l’homme ; et Dieu est l’Être par excellence, le toujours vivant, comme on dit le Tout-Puissant.

Chaque race humaine conçoit la Divinité selon son propre génie ; la révélation vient de Dieu, la figuration vient de l’homme.

La Divinité étant une d’essence, mais triple de forme, nécessairement la vérité revêtira trois formes, trois personnalisations : matérielle, animique, spirituelle. C’est pour ne pas avoir compris cela que de très grands esprits ont erré.

Ce qui rend impossible de parler de Dieu dignement, c’est la différence du temps à l’éternité. Le passé et l’avenir sont des idées propres à l’homme ; Dieu est, le présent seul s’applique à lui.

 

*

 

Le premier souci du chrétien est de considérer Dieu. Comme principe, il nous a créés ; comme médiateur, il nous a aimés ; sanctificateur, il nous purifiera. Notre destin est en lui, origine et fin. Ce destin dépend de la réponse de notre cœur au Dieu-père, au Dieu-homme, au Dieu-esprit. Cette réponse qu’il attend, qu’il exige, est un triple amour. Seul ce qui est triple deviendra éternel.

L’amour ne se paye pas comme un impôt ; il se prodigue, il se projette sans mesure, sans ordre, sans règle, éperdument, désespérément ; il faut le désirer avec les transes, les fièvres, les fureurs, les démences et les frénésies. On ne se perd pas en Dieu ! Et béni le fol qui se jette sur l’éternel, comme un être ivre ; les bras divins sont ineffablement ouverts au pauvre cœur fou.

 

*

 

L’idéal est le nom le plus nommant de Dieu.

 

*

 

Pour que Dieu entre dans une âme, il faut que tout en sorte et qu’il y soit seul.

Comment faire comprendre aux clercs que Dieu est beau, que Dieu est intelligent et qu’on l’offense en bafouillant des cantiques ?

On ne saurait être mystique avant d’avoir vécu ; Dieu n’entre dans une âme, à moins de spéciale vocation, qu’après que les objets profanes ont laissé leur salutaire déception.

L’idée de Dieu est la plus haute que nous puissions concevoir.

Croire est plus doux que comprendre. Il faut que quelques-uns pensent ; il faut que tous prient.

L’humanité a besoin d’adhérer au Verbe divin, bien plus que de le saisir d’une façon plus ou moins subtile.

L’adoration de la Cause est encore la meilleure voie pour attirer, sur l’effort d’en bas, la bénédiction d’En-Haut.

 

*

 

Dieu est en haut ; il ne faut pas le chercher à droite et à gauche.

Pour le sentir, il faut se hausser par la prière ou par la Pensée.

 

*

 

Le vrai Dieu est celui qui, ne se montrant pas, paraît en toutes choses.

 

*

 

Entre Dieu et nous, combien de zones, de sphères, de plans, de degrés, qui ont leurs lois propres.

À la descente, comme à la montée, la grâce et la prière, la demande et la réponse, passent par autant d’états différents qu’il y a de couches empyréennes.

 

*

 

Dans la vie, il est des heures où l’homme ne peut que se taire et laisser la parole à Dieu.

 

*

 

Si vous désirez Dieu, Dieu ne se refusera pas, mais cette grâce est conditionnelle ; il faut la mériter constamment ou bien elle vous quittera.

 

*

 

Le besoin humain implique le don divin.

Créer l’attente dans quelques âmes est déjà œuvrer. La bénédiction ne descend pas comme la foudre, elle briserait ainsi ; il faut des âmes préparées pour que le Divin puisse envahir l’humain.

Ceux qui n’espèrent pas s’opposent au miracle et le repoussent, car Dieu ne viole jamais sa loi : elle veut le désir de l’homme comme matière à toute manifestation d’En-Haut.

 

*

 

L’hyperphysique est à la physique ce que la mystique est à la dévotion, c’est le déterminisme du surnaturel.

Dieu est manifesté par les lois de l’homme, du monde et de l’intermonde ; ce sont ses permanentes volontés.

La volonté de Dieu, c’est l’harmonie, mais la souffrance, la maladie et la mort sont des relatifs d’accord.

L’hyperphysique résout des équations de Providence et de Destin, mais elle ne prophétise pas.

La prophétie est vision et non raisonnement.

L’idéal serait d’unir l’intuition à la raison.

 

*

 

L’infini, pour l’homme, restera toujours l’indéfini.

 

*

 

Ce n’est pas l’intelligence qui peut évoquer Dieu, mais l’amour.

Dieu, ne pouvant être compris, veut être aimé.

L’amour seul monte de la terre au ciel et, derechef, descend en terre, recevant la force des choses supérieures et inférieures.

 

*

 

On ne comprend que soi-même, et voilà pourquoi l’inférieur ne conçoit jamais le supérieur.

Qu’importe la compréhension quand on aime ; les grands mystes n’ont pas défini Dieu, ils l’ont adoré.

 

*

 

                    Absolu, Dieu unique !

Tu m’as protégé, même quand je doutais.

Enfin je t’ai trouvé ; je sais où tu te caches

Dans la souffrance consentie et dans le sacrifice.

Et ton nom que j’ignore, doit être la Bonté.

 

*

 

Pour concevoir dignement Dieu, il faut presque cesser de le sentir ; et pour le sentir, il faut cesser de le concevoir.

« Non-Être absolu », dit le Magiste ; « Notre Père », dit le croyant.

Et tous les deux ont raison, à leur point de vue.

 

*

 

La vérité, socialement, ne se manifeste qu’aux actes et non aux doctrines.

La charité, en toute occurrence, est à sa place, tandis que la formule d’une époque ou d’un synode peut toujours être erronée.

Dieu ne dira pas à son tribunal :

« De quel nom m’as-tu appelé, mais de quel cœur ; ni : quel fut ton prêtre, mais quelle fut ta charité ? »

Dieu juge nos actes, non nos doctrines.

Il vaut mieux être un juste bouddhique qu’un pécheur chrétien.

 

*

 

Le clerc, comme le sacerdote, ne relève que de l’idée d’une œuvre parallèle ; l’un sème dans les âmes ce que l’autre développe et achemine vers Dieu.

À l’enchanteur profane appartient l’imagination des peuples ; à l’enchanteur sacré la conscience universelle ; le levain de beauté se transforme en charité, et l’œuvre de Dieu ainsi se réalise.

 

*

 

La Divinité créatrice, l’immortalité de l’âme, la vie future, la sanction paradisiaque ou infernale, sont des certitudes, parce qu’elles représentent l’œcuménisme des penseurs, et, en même temps, des foules.

 

*

 

La Création enseigne le Créateur ; il n’est besoin ni de lecture, ni d’étude, ni de temps pour s’instruire d’après cette méthode.

De la connaissance des créatures, l’homme s’élève à la connaissance de Dieu, et les perfections de l’univers préparent à connaître celles infinies de son auteur.

 

*

 

L’aspect des belles eaux, ou n’importe quel aspect de la Création raconte la gloire de Dieu.

 

*

 

Le monde extérieur est un miroir qui ne nous renvoie que notre image intérieure ; et nous ne cherchons dans les êtres que notre reflet.

Un mystique verra, dans un coucher de soleil, la gloire de Dieu ; un savant, des lois ; un artiste, des colorations ; un paysan, des présages pour sa récolte.

Ni la foi, ni la science, ni l’art, ni la nécessité ne se trompent ; mais heureux celui qui voit la gloire de Dieu, car il voit plus loin et plus haut que les autres.

 

*

 

Qui a vu la Lumière céleste subira le mauvais regard d’un barbare.

La fierté ne réside pas à suivre un ennemi, dans la même fureur.

Une vraie volonté résiste au vertige d’autrui,

Et ne cède qu’à Dieu ou à soi-même.

 

*

 

L’absence de Dieu dans une âme, dans une œuvre, dans une époque, voilà le Diable, c’est-à-dire l’absence de Lumière.

 

*

 

Il faut savoir distinguer les chefs-d’œuvre dans tous les domaines et dans tous les temps.

Cherche Dieu... lui seul est réel et vivant ; mais pour le trouver perceptible à ta faiblesse, cherche-le où les plus grands l’ont trouvé, dans l’art.

Des passions de l’âme, la plus noble, c’est l’enthousiasme ; dès que tu glorifies en ton cœur le génie, tu participes à sa lumière.

On se modifie d’après ce qu’on aime, on arrive à ressembler en quelque sorte à sa propre pensée.

 

 

 

 

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2. Dieu, le Fils

 

Qu’est-ce que la VIERGE ?

La plus belle âme de femme.

Qu’est-ce que Jésus ?

L’âme divine dans un corps humain.

 

*

 

Au berceau du Sauveur, se pressent les deux types extrêmes de l’humanité : les bergers et les mages.

Les bergers ont été amenés par les anges ; les mages sont venus d’eux-mêmes.

 

*

 

Rien n’est plus rationnel que la tentation du Sauveur dans le désert ; puisqu’il avait accepté la Norme humaine, il devait subir une tentation ou négation proportionnelle à son dessein de salut universel.

 

*

 

Le Christ n’a jamais voulu être un gendarme, mais il a voulu être un thérapeute de l’âme et du corps.

Et il a ordonné à ses disciples et à ceux qui aspirent à le suivre de faire de même.

Il semble que l’Église l’ait trop oublié.

 

*

 

Les miracles de Jésus-Christ ne sont pas une preuve de sa divinité, à raison de l’opération, mais à cause de la manière dont il les a faits.

 

*

 

Jésus n’a prouvé sa dignité qu’en s’immolant. Aucun être ne vaut par ce qu’il est, mais par ce qu’il donne aux autres. Donner, c’est tirer quelque chose de soi pour autrui.

 

*

 

Il est aisé de dire : « Moi je n’aurais pas abandonné le Christ comme les apôtres à Gethsémané », mais il est moins aisé de s’examiner et de connaître si on n’a jamais abandonné la doctrine du Maître, devant le siècle, pour le succès ; devant des mondains même, sans excuse de péril, pour paraître large d’idées et satisfaire à la veulerie sociale.

Jésus a fait de la douleur l’aristie ; il a arraché l’homme au suffrage de l’homme. Pour le chrétien, l’opinion, même universelle, n’existe pas.

 

*

 

Il fallait, pour un temps, que le Christ s’assimilât à nous par l’humanisation pour que nous puissions nous assimiler à lui dans un effort de divinisation.

Quiconque ne conçoit pas la puissance de la Communion et n’a pas un respect infini pour ce chef-d’œuvre de la foi, peut être un fort grand personnage, un psychologue point.

La perpétuité de la Présence dans le tabernacle est la merveille d’amour de la possession eucharistique.

 

*

 

Il faut comprendre l’angoisse du saint qui tremble pour le salut ; non pas ce salut égoïste de soi-même, comme si on acceptait d’être seul élu, dans l’oubli des autres.

Quelle brute voudrait du paradis, s’il ne devait y entraîner ceux qu’il a aimés ?

La conception du salut personnel est misérable ; c’est vraiment l’égoïsme le plus abject de ne poursuivre que sa propre carrière et de se préparer un salut de vieux garçon.

L’esprit de Jésus, c’est de communier sans cesse avec l’âme universelle et de prier pour les autres et non pour soi.

 

*

 

Jésus a créé une vie intérieure si puissante qu’elle rend secondaire et confuse la vie réelle et sociale.

Le chrétien échappe à toutes les trappes sociales ; il n’a pas de patrie en ce monde et il n’y voit que des frères.

Le royaume des cieux fait rire le malheureux moderne, et cependant ce royaume existe, dès ce monde, pour ceux qui croient en Jésus.

 

*

 

On ne peut pas servir deux maîtres : Jésus et son colonel ; on ne peut être à la fois l’homme très doux de l’Évangile et la bête féroce et perverse de l’armée.

Il y a antinomie entre les œuvres de la force et les œuvres divines.

 

*

 

Quiconque vit comme s’il connaissait Jésus, quoique l’ignorant, fait partie de l’Église ; quiconque fait les œuvres chrétiennes est chrétien, fût-il bouddhiste par les mœurs.

 

*

 

Ne songe jamais à l’Absolu que pour l’adorer.

Tu n’as d’autre pouvoir que ta pensée ; elle seule est ta limite ; tu conquiers tout ce que tu conçois, et tu emportes, dans la mort, ce que tu as conservé de tes conquêtes.

Il n’y a qu’une antinomie, la relativité. Tu t’embarrasses de rapports insignifiants, toi le fidèle du Dieu-hostie. L’explication est toujours comprise dans le plus haut terme du problème.

Jésus est Dieu. – Et tu crois que Dieu perd sa qualité en agissant dans le temps ; tu crois que le Christ a une date, et que la grâce du Calvaire ne coule sur l’univers que depuis dix-neuf siècles ; tu es stupide.

 

*

 

Au jugement dernier, il y aura un immense étonnement, et les élus ne seront pas ceux que l’on croit.

On sera jugé sur les œuvres et non sur les doctrines.

Le salut n’est pas de connaître Jésus et sa généalogie selon saint Luc, mais de contenir l’esprit de Jésus et de suivre ses voies.

 

*

 

La paresse se plaît à une routine qui s’appelle la lettre morte.

Oui, la lettre meurt et, d’un siècle à l’autre, l’homme ne comprend plus son ancêtre.

Le Christ l’a proclamé : « Ne mettez pas le vin nouveau dans de vieux vases. » La mission du génie et de l’art consiste à préparer au vin nouveau de la vie, des vases neufs.

L’esprit est de toujours, la lettre d’un moment.

 

*

 

Rien ne compense la culture religieuse :

Le peuple qui en manque dépérit et meurt.

Malheur aux mauvais serviteurs du Christ ! ce sont eux qui précipitent la décadence des peuples et préparent leur irréligiosité.

 

*

 

Il faut que la notion de peuple élu meure pour que vive la parole, seule divine, de notre Seigneur Jésus-Christ, qui est la vie, la voie et la vérité.

Et cette parole est l’amour entre tous les hommes.

 

 

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3. Dieu, le Saint-Esprit

 

La manifestation permanente du Saint-Esprit se découvre dans la loi providentielle qui utilise les écarts mêmes du libre arbitre pour faire de l’harmonie, malgré l’homme.

Le Saint-Esprit a des raisons que la raison ne comprend pas, il opère ses œuvres avec une entière indépendance, et si la dérogation aux lois de la nature pouvait désigner un acte créateur, ce serait en l’appliquant aux extraordinaires interventions de la Troisième Personne. Tandis que la Création et la Rédemption ont la majesté régulière des grands fleuves de grâce, l’Esprit apparaît imprévu, victorieux, foudroyant, éclair du Mystère, surprise de l’Au-Delà.

La suprême sagesse est donc de ne pas contrecarrer l’action bénéfique, salvatrice et divine du Saint-Esprit.

Pour suivre Jésus, il faut briser les liens du sang.

Pour suivre le Saint-Esprit, il faut briser les liens de la race.

Le don de subtilité est le don le plus essentiel de l’Esprit-Saint ; il marque l’unité essentielle qui relie les religions entre elles et les philosophies aux religions ; par ce don seulement, l’homme s’élève au-dessus de la sentimentalité ; il pense, il conçoit au lieu de sentir et d’éprouver.

Le Saint-Esprit inspire quand il veut et non quand il nous paraît nécessaire.

 

*

 

C’est douter de Dieu que de craindre aucune chose humaine contre les choses divines et craindre qu’un esprit humain fasse échec au Saint-Esprit.

 

*

 

Voici le sublime enseignement du Saint Graal :

Divinise ton cœur, en te donnant ; ne demande pas, donne ; n’espère pas, console ; aime pour aimer ; aime pour grandir ; aime pour souffrir ; aime pour mourir à toi-même et renaître en Jésus.

 

*

 

Les péchés contre le Saint-Esprit se résument en un : la désharmonie.

Diviser, désaccorder, dissocier sont les œuvres infernales, produisant schismes, guerres, négations.

Au contraire, tout élément de cohésion, de communion, d’entente, et par conséquent, la civilisation même, voilà l’œuvre de la Troisième Personne, du Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit contient donc la résolution de toute antinomie ; il raccorde perpétuellement les antithèses ; il est le troisième terme, il est le vrai. Aucune proposition n’existe sans opposition ; aucune opposition ne résiste, en logique, au ternaire.

L’incarnation est inconceptible à l’homme Mais l’incarnation est un acte divin et il ne peut tomber sous la conceptualité humaine.

L’évidence du phénomène est vraie, mais l’immanence du Mystère l’est aussi.

 

*

 

Pour effacer l’imperfection originelle, il faut se transporter, par la volonté, du plan organique au plan supérieur, c’est-à-dire ne pas vivre de sensations tout à fait organiques.

Le commencement de la perfection, c’est la lutte contre Nahash, le serpent, l’instinctif qui s’appelle aussi bien luxure que brutalité.

L’homme ne vaut rien en soi et ne peut rien par lui ; mais l’homme fidèle chevalier de la Providence vaut comme Dieu et peut comme Dieu, parce que le divin est toujours tout-puissant, partout où il rayonne. Appelle, reçois et garde ce rayon : tu auras accompli sur toi l’œuvre du Père.

L’œuvre du Fils est une œuvre d’âme ; il vint non pour réformer l’entendement, mais pour l’obliger à l’expansion d’amour ; il imposa la bonté au cerveau.

La justice ne suffit plus devant Dieu le Fils, il faut la miséricorde. Avoir pitié dépasse avoir raison ; et celui qui pardonne surplombe cet autre seulement équitable.

Concilier la force du Père avec la bonté du Fils ; être doux et ferme, volontaire et miséricordieux, ne pas faiblir et ne pas s’endurcir, demeurer inexpugnable en son vouloir et bénin dans ses actes, voilà la formule du second degré d’évolution.

Le troisième degré sera la phase d’initiation correspondant au cycle du Saint-Esprit.

L’avenir appartient aux subtils et aux sages.

La marque du Saint-Esprit est la subtilité, comme la charité est celle du Fils et la volonté celle du Père.

Aucune ne peut se passer des deux autres, mais la plus appropriée aux temps présents est la sainte subtilité.

 

*

 

L’Esprit, l’Aigle d’Éternité, plane au-dessus du glaive.

 

*

 

L’entêtement clérical à rejeter, pour les matières sacrées, la science, l’art et l’intelligence est des plus déplorables.

On compte beaucoup trop sur le Saint-Esprit, comme s’il pouvait avoir raison de la bêtise humaine, sans violer le libre arbitre.

 

*

 

L’art relève du Saint-Esprit, la terrible parmi les trois saintes personnes ; le Saint-Esprit, lumière et feu, consume autant qu’il éclaire ; et, en provoquant son rayonnement on peut être foudroyé.

 

 

*

*     *

 

 

4. La Sainte Vierge. La Messe. L’Eucharistie

 

L’art est vraiment un don divin, car il crée : il rend visible l’invisible et permanentes les choses fugaces.

Le théologien n’en finit pas d’expliquer la Vierge-Mère. Si nous la peignons, tout le monde la comprend et l’honore.

 

*

 

Ah ! la Vierge, la Sainte Vierge, comme je la sens et que je plains ces malheureux protestants qui n’ont pas de mère dans le ciel.

 

*

 

L’esprit de la confession a quatre sens :

Forcer le fidèle à regarder dans son âme et à devenir son propre juge ; lui faire regretter ses fautes par le dam qu’elles entraînent, et, s’il se peut, par la seule ingratitude dont elles témoignent envers Dieu qui nous ouvre la voie de perfection pour aller à lui ; ensuite imposer une satisfaction, c’est-à-dire des actes de bien correspondant aux péchés ; enfin le ferme propos, c’est-à-dire la résolution de s’amender.

 

*

 

Au tribunal de la pénitence, deux humilités se rencontrent et se saluent, pour accomplir une œuvre de miséricorde.

 

*

 

L’homme ne pouvant monter à Dieu, Dieu est descendu à l’homme.

Miracle épouvantable qui réalise toutes les attentes et les dépasse indiciblement, car il permane dans l’Eucharistie.

La Présence réelle est toute la religion ; elle surpasse toute autre religion comme le chef-d’œuvre dépasse le réel.

Et verbum caro factum est, c’est le dernier mot du mystère que l’homme puisse recevoir.

L’Eucharistie est la réalisation de l’Absolu, ô chrétiens !

L’Eucharistie est tout le christianisme ; et par elle, le christianisme est devenu la magie vivante.

 

*

 

La sainte Messe contient des paroles fulgurantes de précision et prises de l’Évangile même.

Ton corps, ô Dieu, que j’ai mangé ; ton sang, ô Dieu, que j’ai bu, qu’ils s’incorporent à mon être !

Non seulement chaque tabernacle est un Saint-Sépulcre où le Sauveur nous attend pour ressusciter, mais nous sommes conviés à devenir nous-mêmes la crypte où reposera, bénéfique et consolateur, le Dieu vivant.

Le véritable Saint-Sépulcre contient moins de divinité que l’hostie consacrée chaque jour, par tant de prêtres, dans l’univers.

 

*

 

Dans la Gloire Eucharistique, on trouve le plus haut objectif de l’humaine pensée, celui que les kabbalistes nomment l’ineffable :

DIEU.

 

*

 

Après la Communion, jouissez de l’état de grâce. Ne vous dites point des paroles vaines qui reviennent assez vite. Quittez l’église et n’échangez pas de mots qui affaiblissent l’impression sacrée.

Après la Bénédiction, sortez doucement dans la tranquillité reconquise, afin que fructifie en vous la vie de la grâce.

 

*

 

Abolir la Messe, c’est couper le pont entre les forces occultes divines et la terre.

 

*

 

Bienheureux ceux qui s’associent à une table où l’on mange le pain des anges et malheureux ceux qui partagent la nourriture des bêtes.

 

 

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5. Les Anges

 

Les anges, purs esprits, confirmés dans la grâce, et dont la volonté se fond avec la volonté divine, forment l’échelle de Jacob et relient le ciel à la terre et l’homme à Dieu.

Les Œlohim de la Genèse, littéralement, Eux-de-Lui, forment l’homme d’après leur ombre portée. L’homme serait ainsi l’ombre de l’ange.

 

*

 

Les Œlohim (les anges) sont nos créateurs immédiats ; ils nous ont modelés. Quoi de plus logique que de les convier au salut, à la correction, à la conservation et à la perfection de leur ouvrage.

Les Saints sont, pour la plupart, plus loin de nous que les anges, étant plus hauts, car il y a des mérites inconnus aux anges :

Celui qui triomphe dans la vie douloureuse dépasse la vie angélique.

 

*

 

La série surnaturelle à l’homme, l’Angélie qui a inventé notre forme, se penche avec amour sur l’œuvre de ses mains, et l’ange gardien de la dévotion figure un adorable mystère.

Quelques êtres suréminents ont tenté d’obtenir des Esprits célestes, inspiration, bénédiction, illumination : et les œuvres sont là pour témoigner qu’il y a communion possible d’eux à nous et combien féconde !

La série humaine communique avec les deux autres qui l’avoisinent, en haut comme en bas, et pour le métaphysicien, l’homme est la chrysalide d’un ange et non d’un gorille l’avatar !

 

*

 

Comme notre corps a une odeur, notre âme produit un halo fluidique qui tient à nous, comme l’auréole et le nimbe à Dieu et à ses saints, dans les fresques.

Nos pensées nous environnent sous informité de larves, de reflets. Une pensée constante densifie le reflet, l’animalise ; et l’obsession paraît. L’habitude se produit de la même sorte. Il y a deux courants dans une atmosphère individuelle, l’un harmonique et bon, l’autre pervers et mauvais, et qui luttent en nous, nous prédisposant à bien ou mal faire.

Sans approfondir la question de l’ange gardien, il est de foi qu’on peut se concilier les anges par la pratique des vertus qui leur sont chères. Ils prisent par-dessus tout la chasteté, la dévotion à la Vierge et la fuite du monde. Les moyens de les attirer étant des vertus, cet entraînement, même s’il ne se couronne pas de visions, ne saurait être perdu.

Il y a une série spirituelle immédiatement supérieure à l’homme ; et la religion assure que des rapports de prière et de grâce, c’est-à-dire de charité, peuvent exister entre les anges et les hommes

 

*

 

Quant aux esprits de lumière, s’il est donné à l’homme de les attirer, ce ne peut être qu’en devenant lumineux et comme similaires à eux-mêmes ; et comme ils se montrent aux âmes pures plutôt qu’aux esprits très cultivés, c’est l’ascèse catholique qui guide en ce domaine.

 

*

 

Les anges agissent constamment et cela tout autant si ce n’est plus dans les vies cachées que dans les illustres.

La dévotion n’utilise pas ces purs et charmants esprits autant qu’elle pourrait. De même que la grâce est une possibilité qui se réalise dans certaines conditions, de même les anges, les messagers de la grâce, en dehors de leur service régulier, ont la latitude de favoriser leurs préférés, c’est-à-dire ceux qui les préfèrent eux-mêmes.

 

*

 

Je crois, non avec la foi que j’ai reçue, mais avec celle que j’ai faite ; et trop sage pour penser qu’on relie le ciel et la terre par des abstractions, je verse dans la croyance ce que j’ai trouvé de pur dans l’initiation ; et j’ai trouvé le mystérieux moyen de conjurer les anges : c’est de les suivre dans leur plus noble souci, de l’épouser et de s’associer à leur majeure volonté :

Secourir les âmes du Purgatoire.

 

*

 

Au-delà de l’humaine portée,

Il est une zone éthérée, solitaire,

À mi-chemin de cette terre et de l’esprit ;

Là les esprits peuvent descendre,

Là les hommes élus peuvent monter.

Entre le subtil et l’épais, c’est l’intermonde.

Séjour vermeil où se font les échanges,

Entre daïmons humains et anges.

Vaste frontière entre le temps et l’éternité.

 

*

 

Il y aura toujours plus d’honneur à concevoir les figures du ciel qu’à copier celles de la terre, et à peindre des anges que des hommes

Les sujets spirituels seuls méritent de tenter les vrais artistes, ne serait-ce que par leur difficulté. Ce qu’on dédaigne dans la réalité, qu’on le dédaigne aussi dans l’art.

Dans l’œuvre, la règle est la beauté, résultant de la triple perfection de la forme, du sentiment et de l’idée.

On commence par la beauté extérieure, et on peut se féliciter de l’atteindre, puis on dégage l’âme.

Une œuvre se compose, comme un homme, de corps, d’âme et d’esprit.

 

*

 

Les anges sont les divins oiseaux du ciel qui sont présents là où l’Église militante supplie pour l’Église souffrante.

 

*

 

Les Anges eux-mêmes l’ont dit : la paix est au prix de la bonne volonté.

 

*

 

Les malheurs de la passion naissent du mauvais vouloir.

 

*

 

Déclaration de l’abbé Alta à une fidèle :

« Vous avez pensé à mon intérêt spirituel à un moment où il était légitime de ne songer qu’à vous. Votre ange gardien a souri à ce trait vraiment religieux. »

 

*

 

Un cœur pur connaît le parler des anges.

 

*

 

L’ange doit être conçu dans la formule la plus immatérielle possible, car il n’emprunte un corps organique qu’un instant pour remplir un mandat déterminé qui lui est assigné par Dieu.

 

*

 

Les anges sont les êtres intermédiaires entre le mortel et l’immortel.

L’ange a des ailes, significatives de sa sphère ; envoyé de Dieu, il descend pour accomplir sa mission et remonte dès qu’elle est accomplie.

 

 

*

*     *

 

 

6. La Religion

 

Le mot de religion a deux sens également vrais ; il signifie l’acte de relier entre eux le plus grand nombre d’êtres par un idéal pratique ; et aussi de relier ces êtres avec le monde supérieur de la causalité.

 

*

 

Trois mots constituent l’essence même de toute religion :

CROIRE, ESPÉRER, AIMER.

CROIRE, c’est-à-dire renoncer aux bénéfices immédiats de l’instinct, pour participer aux bénéfices d’au-delà du sentiment.

ESPÉRER, c’est-à-dire attendre du devenir seul, la réalisation de la félicité.

CHARITÉ, créant la passion de Dieu et la répandant sur le prochain.

Ces qualités constituent une barrière à tous les égoïsmes et au concupiscible comme à l’irascible.

 

*

 

C’est l’honneur d’une religion de maintenir l’âme vivante en même temps qu’elle la détache des contingences.

 

*

 

Le mystère est le pain et le vin de l’homme, et le génie représente la faculté de le sentir profondément et de le révéler, c’est-à-dire de le révéler aux hommes.

 

*

 

La santé de l’esprit est de se nourrir non d’explications, mais de mystère ; sa beauté, d’en recevoir le rayonnement comme d’un soleil d’au-delà, qui éclaire sa conscience, non comme une logique, mais comme un fluide et lui permet, avec subtilité, de graviter, pieux, enthousiaste et heureux, dans l’orbe de ce cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part.

L’histoire le montre : les meilleurs, les plus grands se sont dédiés au mystère. L’humanité leur doit tout, la vertu, les mœurs, son élévation, sa paix et sa lumière.

 

*

 

L’esprit ne crée point les idées ; il perçoit des rapports entre lui et l’idéalité. Or, l’idéalité est une réalité. Le subjectif est le prisme où la lumière objective se décompose pour se colorer. Les spectacles de la nature, les chefs-d’œuvre de l’art, les mouvements de notre vie passionnelle ne sont que des impressions du Mystère.

Les saints, les génies, les poètes, les savants sont ceux qui l’ont senti et exprimé.

 

*

 

On dispute des religions, mais pas de la religion...

Les génies forment une seule et unique famille, comme les saints et les héros ; et d’Orient en Occident, il n’y a point de différence essentielle ; l’homme garde les mêmes caractères d’idéalité dans la disparité des mœurs.

 

*

 

La religion n’est ni l’autodafé, ni l’index, ni l’intolérance, ni la multiplicité des pratiques, ni la morale égalitaire ; la religion est la présence de Dieu dans les desseins de l’homme.

Il ne s’agit pas de dépouiller une nation étrangère pour orner un autel, ni d’égorger ceux qui ne prient pas avec nos rites ; il s’agit, si nous sommes forts, d’être bons, et si nous sommes pieux, d’être humains d’abord.

 

*

 

La religion est l’art de vivre harmonieusement, comme la magie est la science de penser juste.

Mysticisme ou expansion de l’âme, occultisme ou extension de l’esprit, forment des parallèles et non pas des antinomies. Telles sont : vraie religion et vraie magie.

 

*

 

Je soutiens l’identité de la Religion et de l’Art ; je déclare mauvais le prêtre qui n’entend pas les chefs-d’œuvre, et je déclare inférieur l’artiste qui n’entend rien au divin.

 

*

 

Que fait la religion par ses rites et ses sacrements ?

Elle nous soulève au-dessus de la réalité. L’art a le même devoir, il nous hausse au sentiment d’une vie supérieure.

 

*

 

Les sacrements sont les mouvements mêmes de l’idée religieuse ; on les appelle un signe de sanctification, il serait plus juste de les appeler un sceau du pacte entre la créature et le Créateur.

Une religion est un pacte entre l’homme et son Créateur ; elle a pour signe les sacrements.

 

*

 

L’extrême-onction constitue une incantation destinée à défendre le malade ou le mourant contre les courants délétères de la lumière astrale. L’extrême-onction apparaît la forme hiérarchique du magnétisme médical. Le caractère sacerdotal, le rituel même du sacrement constituent un véritable essai d’action thérapeutique.

 

*

 

Le Verbe religieux et le Verbe magique se ressemblent.

La Religion contemple le mystère avec son cœur et l’Occulte le conçoit avec son esprit.

 

*

 

En religion, en art, en magie, il n’y a pas de détail ; tout importe.

 

*

 

Le culte doit être à la fois œuvre de magie et d’art, il doit emprunter à la puissance vibratoire des sons et des couleurs un appoint dynamique préparant l’âme à percevoir les vibrations de l’harmonie universelle, ouvrant ainsi toute grande la porte à la descente du Saint-Esprit.

 

*

 

La religion a été faite pour l’homme et non l’homme pour la religion.

Aucun maître ne peut exiger que le disciple fasse plus que lui.

 

*

 

La religion actuelle ne peut plus être représentée que par l’étude, le génie et la découverte. L’écrivain religieux ne doit pas être un avocat qui plaide au lieu d’étudier ; son point de départ est la tradition.

 

*

 

Toutes les religions qui ont sanctionné la guerre se sont déshonorées.

 

*

 

Avant de critiquer le catholicisme, il faudrait se persuader que la religion a pour objet de faire la gerbe la plus grosse possible et non de choisir les épis selon leur beauté.

 

*

 

Il y a des formes qui sont des blasphèmes ; mais les dévots ne voient pas les formes ; ils n’entendent non plus les sons.

Il faut que l’intelligence soit admise comme un facteur de foi et que les ignares soient employés suivant leur pauvre faculté.

Je veux bien des moines ingénus à condition que leur supérieur soit pensant. On nous promet des saints et on nous donne des sots et qu’il faut honorer.

La qualité sacerdotale ne dispense d’aucun mérite ; l’onction ne supplée ni à l’instruction, ni à la charité, ni à l’intellection.

 

*

 

La religion endiguait les appétits ; la philosophie, en se démocratisant, les a déchaînés.

Un peuple comme un individu vit de ses vertus et meurt de ses vices.

La violence appelle la violence et tout peuple périra par ses conquêtes et surtout par ses colonies.

 

*

 

Les anciens ont dédaigné les applications scientifiques parce qu’ils avaient vu tout de suite que la vie de l’homme, la vraie, est intérieure, et voilà pourquoi chez eux la religion a tout dominé.

La religion a conçu, comme point idéal, des moines à jamais séparés du monde et qui prient.

L’esthétique ne peut-elle pas concevoir un autre point élevé, des artistes dédaigneux de la société et qui pensent ?

Qui viendra déclarer que la pensée ne vaut pas la prière, et que le Saint-Esprit ne mérite point d’avoir des mystiques ?

 

*

 

Le Pape est l’homme médian entre le Logos et l’humanité, il rythme les mœurs et conduit les pensées, selon l’harmonie universelle.

 

*

 

Tels sont les trois devoirs d’un Pape vraiment catholique, c’est-à-dire universel :

Faire paître le troupeau orthodoxe, s’affronter avec les autres religions et satisfaire à la conscience générale, même dissidente.

 

*

 

Le prêtre doit être assez savant pour confondre l’erreur et assez saint pour museler la calomnie.

 

*

 

L’œuvre de sagesse et de lumière consiste à raccorder les doctrines au lieu de les opposer et à tenir pour vraies les plus constantes et les plus unanimes.

 

*

 

Le catholicisme n’a pas toujours eu le courage de ses prétentions ; quand on se dit universel, il ne faut pas rejeter le plus grand nombre des êtres et parmi ce nombre les meilleurs.

 

*

 

Il est absurde de retarder sur son temps et d’ignorer de parti pris les trésors des Écritures sacrées des autres religions, notamment de l’hindouisme.

 

*

 

Il y a peu de doctrines radicalement fausses, mais la plupart sont incomplètes, soit qu’elles n’aillent pas jusqu’à leur point de clarté, soit qu’elles développent exagérément une particule idéique.

 

*

 

L’Église vit de routine au lieu d’imposer son idéal d’amour fraternel entre tous les peuples.

 

*

 

Le devoir spirituel est de faire participer le prochain à ses lumières, mais il faut donner à ceux qui ont besoin et non battre les pauvres qui refusent l’aumône.

En matière de religion, il faut pratiquer la plus large tolérance, car c’est là la vraie marque de la charité selon le Christ.

Que l’individu se figure le Créateur à sa guise pourvu qu’il l’adore en son cœur.

 

*

 

Il ne suffit pas d’être tolérant, il faut être catholique, c’est-à-dire universel.

 

*

 

On n’oppose pas des dogmes entre eux.

Un dogme est une vérité présentée sous l’angle de réfraction qui convient à une race ou à un groupe d’individus.

 

*

 

Le dogme religieux n’est pas plus immuable que la catégorie philosophique.

 

*

 

Une idée a pour mesure sa fécondité, les vertus et les œuvres qu’elle crée, une idée est exactement une divinité ; et on ne la connaît que par les actes de ses représentants.

La théorie du retour à Dieu restera la plus haute expression de l’idéalisme, la théorie esthétique du devenir.

 

*

 

En tout lieu, en tout temps, le Génie a offert à Dieu la prière des œuvres, toujours exaucée, celle-là ; et les temples demeurent universellement la plus haute gloire de ceux qui les ont dressés.

Ce sont des actes de foi que ces édifices sacrés ; et ces pierres gardent en elles la double sublimité des élans de l’âme et de la descente du mystère.

Le temple n’est pas seulement le lieu du miracle, il est aussi le lieu du chef-d’œuvre, où les anges habitent, accueillent et réconfortent, et les pieux du Bien et les serviteurs du Beau.

Aller à l’église est le premier souci du civilisé qui voyage, le seul souci de l’initié qui veut grandir ; autant d’églises autant de buissons ardents où Dieu peut apparaître ; et ceux qui s’estiment devraient y borner leurs pas.

L’église, c’est le seuil de l’éternité.

 

*

 

Le temple est le lieu où le désir humain s’accumule pour forcer la grâce à descendre. Les hommes propres à ce lieu sont ceux qui ont la passion du divin, et le signe de la passion se manifeste par l’unité du désir et par une application de toute l’activité. Telle est la définition du sacerdoce régulier.

 

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Prends garde au Malin, mon fils ! Il rôde obstinément autour des monastères, ces donjons élevés pour défendre la terre des colères du ciel.

 

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L’église a jailli du cœur de la race comme une fleur d’éternité.

Contemple et vénère les vieilles pierres ; elles portent toute la gloire de la race.

 

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Le village sans église perd son âme, il devient prosaïque et banal.

 

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La prophétie a été le roman des âmes dévotes, roman plus palpitant certes qu’aucun autre et qui a fait de la résignation et apaisé bien des rancœurs.

 

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La véritable dévote se reconnaît à son sourire, à l’aménité de ses manières, à la douceur du ton, et enfin à une sainte coquetterie où se voit la volonté d’être agréable à tous, pour montrer que Dieu commande la grâce, cette charité de tous les instants, ce qui n’est pas la moindre façon d’obliger son prochain.

 

*

 

À mesure que l’église se vide, il faut que le musée s’emplisse, sinon les âmes se bestialiseraient. Le rôle de l’œuvre d’art s’agrandit forcément de tout ce que perd la religion ; et l’homme qui par le malheur des temps ne se nourrit plus des paroles de vie, cherchera sa substance animique partout où il y a de l’ineffable et adorera le mystère humain du génie s’il n’entend plus le mystère divin du Créateur.

 

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Chrétiennement, l’Église et le Musée devraient être les deux palais où le peuple pourrait faire son éducation complète.

 

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La conception d’un retour au temps évangélique ou à celui de la primitive Église n’a germé que dans des cerveaux puérils. On ne revient jamais en arrière collectivement ; l’humanité obéit à une loi évolutive plus forte que toute volonté.

 

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Sage avis de Prométhée aux humains :

Je vous ai mis aux mains le sceptre de la terre,

Et vous méconnaissez déjà le pouvoir olympien.

Orgueilleux et hâtifs, vous négligez les rites,

Rebelles au joug sauveur de la Religion sainte.

 

 

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7. La Foi

 

La Foi est un don pour les époques comme pour les individus.

 

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La foi est bien un don, car elle communique une paix, une certitude, si grandes que les hommes sans foi, ou ne songent point au mystère, ou en souffrent.

Croire est une élection, et la charité n’est ni au pain, ni au vêtement ; sa plénitude réside dans la propagation de la Foi, non pas celle qui va persécuter les peuples lointains, mais celle qui apprend à trouver dans le signe de la croix le secret de la vie et celui de la mort, qui est celui de la résurrection.

 

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La puissance d’un signe est faite de la foi qu’on y attache et vaut le total de ceux qui y croient.

Le signe de la croix est donc le signe tout-puissant.

 

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La sagesse et l’héroïsme valent par eux-mêmes, la grande affaire est d’être juste et non pas d’être catholique :

La foi seule n’est rien, l’œuvre est tout et il n’y a pas d’autre justification que les actes.

 

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Les œuvres de foi n’ont qu’une marque certaine : leur pacificité, au moins celles des oints.

 

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Le nombre de ceux qui ont cru est tel, et la qualité de ceux-là si excellente, qu’on s’isole de l’espèce et des génies en niant qu’il y ait lieu de croire.

La diversité des croyances, leurs bizarreries, leurs excès, ne prouvent pas contre la foi, non plus que la débauche et le crime ne déshonorent l’Amour, ni que les œuvres manquées ou imparfaites doivent écarter du Beau et de sa recherche.

Sur le devenir, les religions sont unanimes et les religions sont autrement respectables que les philosophies, entreprises lyriques d’individus plus ou moins inspirés.

 

*

 

La vraie piété et sa puissante prière prennent leur force de notre désir du Divin ; et la foi de l’ingénu ouvre des ailes plus grandes peut-être que celles du théologien.

 

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La ligne droite est le plus sûr chemin de l’insuccès, parce qu’elle se heurte topographiquement à des accidents de personnalités.

Ne te fie pas à la rectitude idéale ; elle mène au martyre et hors la foi, le martyre est une duperie.

La science de la vie consiste à agir suivant l’âme d’autrui.

Il faut se dédoubler pour réussir, c’est-à-dire parler aux gens leur langue, leur montrer leurs propres grimaces, se gratter avec les singes, hurler avec les loups, aboyer avec les chiens, bêler avec les moutons et avec les serpents siffler.

 

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L’incrédulité est à redouter comme une vulgarité ; les incroyants inspirent de la répulsion comme s’ils étaient mal doués et difformes en leur intérieur.

 

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Luther apporta l’anarchie au domaine de la foi ; l’humanisme introduisit la raison dans la croyance ; Léonard de Vinci, sans toucher à la foi et sans invoquer le raisonnement, instaura une nouvelle méthode pacifique et sûre, satisfaisant aux nouveaux besoins de l’évolution aryenne et respectant à la fois le mysticisme et la tradition philosophique.

 

*

 

La foi de Luther fut fanatique, superstitieuse et fantaisiste... Marier les pasteurs, ce n’est point réformer les mœurs des clercs, mais les laïciser ; abolir les sacrements, ne peut s’entendre de leur meilleure pratique ; quelle façon radicale de purifier les rites en les supprimant.

 

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Il n’y a d’hérésies qu’aux époques de foi et l’indifférence amène le calme ; mais le phénomène dit surnaturel se raréfie.

 

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Trois voies conduisent à la vérité : la FOI, la RAISON et l’EXPÉRIENCE.

S’ils avaient un esprit plus universel, les représentants de ces trois catégories se rendraient bien vite compte qu’ils ne possèdent qu’une des faces de la vérité et que celle-ci découle de la synthèse de leurs voies diverses d’approche de la connaissance intégrale ; tant qu’ils n’auront pas réalisé cette vérité première, le croyant, le philosophe et le savant se comporteront en frères ennemis.

 

*

 

La foi commence où la science s’arrête.

Il serait bien oiseux de dogmatiser ce qui est expérimentable, comme de vouloir expérimenter le dogmatique.

La métaphysique n’a pas de preuves physiques, proposition parfaitement claire et qui suffit à ruiner beaucoup d’arguties.

La physique n’a pas de preuves métaphysiques, formule parallèle qui remet bien des choses en place.

 

*

 

Celui qui mène l’homme à Dieu, quel que soit le chemin, est la plus noble des créatures.

Celui qui éloigne de Dieu, quel que soit le motif, est la plus infâme des créatures.

Il ne faut pas discuter avec la foi, parce que la foi n’a rien à recevoir de la discussion ; celui qui croit est comme celui qui aime, il n’a que faire des motifs ; il est mu intérieurement par l’enthousiasme.

 

*

 

L’homme qui donne la foi est le bienfaiteur par excellence ; enseigner la vie éternelle l’emporte sur la plus subtile gnose ; éveiller l’homme au divin, telle est la suprême chose de ce monde.

Si l’on veut instruire et sauver, il faut aimer.

 

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Seuls demeurent le VERBE et le BEAU ; il n’y a que la FOI et l’ART d’éternels.

 

*

 

Projeter son espérance hors du champ limité de la vie et opposer aux contradictions contingentes une affirmation purement spirituelle, c’est s’affranchir globalement de la plupart des maux.

 

 

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8. Croire

 

Quiconque a une croyance ou une certitude doit l’appliquer à tous les moments de la vie et réaliser incessamment cette âme de ses pensées.

 

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Si vous connaissiez l’homme, vous sauriez qu’il vit de croyance et que, toucher à sa croyance, c’est littéralement l’empoisonner.

 

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Certains croient, certains cherchent, l’imbécile nie. Les croyants s’estiment seuls sauvés, les expérients seuls raisonnables.

 

*

 

Aucune croyance ne vit sans une adhésion sincère, bien différente de l’obéissance.

Il y a autant de façons de croire que de degrés d’intelligence ; il n’y a qu’une façon de nier, celle des sots.

Nier suppose une certitude et l’athée n’en a point. Opposer son idée personnelle à l’esprit humain, cela manque vraiment de gaîté comme plaisanterie.

Or les idées permanentes dans l’espèce sont des faits.

Dieu et l’âme sont vivants depuis qu’il y a des hommes et alors même que les définitions qu’on a données seraient fausses, la préoccupation universelle témoigne en faveur de ces notions.

Celui qui ne reconnaît pas le mystère dans tout ce qui dépasse l’expérience et qui supprime les points d’interrogation formulés par les premiers hommes et que poseront les derniers, celui-là est stupide.

 

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CROIRE, là est la magie ; qui tue la foi commet le même crime que d’éteindre le soleil.

Or, rien n’existe que par le concept ; et celui qui ne croit pas à l’éternité, en effet ne la trouvera pas.

Nier, dans le domaine des idées, c’est renoncer ; et combien, dans les affres du purgatoire horrible, expient une négation sonore, une parole creuse qui fit du doute, en tombant sur d’autres âmes.

 

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Le devenir sera la réalisation de notre idéal.

Nous n’aurons rien sans l’avoir demandé.

Magiquement, rien n’est que ce qu’on croit ; rien ne sera fait que ce qu’on espère ; rien ne nous sera fait que ce que nous aurons fait.

L’éternité aura donc la splendeur de notre foi, la beauté de notre espérance et la chaleur de notre amour.

La miséricorde apparaîtra au jour éternel identique à la justice.

Qui a pensé à l’éternité, dans le temps, possédera l’éternité ; qui n’a pensé qu’aux contingences se verra refusé par l’abstrait. L’homme sans idéal sera comme un étranger dans l’au-delà, il n’en entendra pas la langue et on ne le comprendra pas ; il sera seul et infiniment malheureux.

 

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Le philosophe ne croit pas, il sait ou il ignore, pour des raisons bonnes ou mauvaises.

Du moment que la croyance paraît, le domaine change.

 

 

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9. Le Miracle

 

Le miracle, opération de la foi, ne peut être obtenu aux conditions mêmes du plus grand scepticisme. Il faut un saint ou un dévot, ou une atmosphère chargée de religiosité, pour que le prodige s’opère ; l’histoire le montre.

 

*

 

Entre le miracle et la science, l’antinomie est toute superficielle.

Tout est normal, même l’anormal ; c’est-à-dire tout a lieu suivant la norme créatrice ; mais cette Norme se compose d’un faisceau de lois.

 

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Le miracle n’est ni une démonstration de la vérité ni une matière à jonglerie, mais un produit de la foi, dont le générateur principal est la prière.

 

*

 

Le miracle, c’est le geste de Dieu ; ce geste permanent exauce qui supplie.

 

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Rien ne descend sans se corporiser ; rien ne monte sans se subtiliser.

Le miracle se forme de deux fluidités, l’une de la terre qui s’élance, l’autre de l’inconnu qui descend : et leur rencontre produit le phénomène.

 

*

 

Si le miracle doit se produire, c’est en couronnement de zèle ; l’inertie qui l’attend ne l’obtient jamais.

 

*

 

C’est bien une doctrine de paresse, celle qui prêche l’attente du miracle, celle qui voit aux évènements le bon plaisir céleste et qui conçoit des personnages décisifs surgissant comme des champignons.

Cette confiance dans le pacte de Jéhovah a fait plus de ruines que toutes les hérésies ensemble, accréditant cette déplorable routine qu’il suffit de prier au lieu d’agir.

 

*

 

Jamais la science ne fera les miracles de la Foi parce que la Foi seule, en son ingénuité, s’adresse à la Cause première.

 

 

*

*     *

 

 

10. La Communion des Saints

 

La Communion des Saints doit s’entendre de tous les Saints, de tous les temps et non des saints latins et des seuls patriarches hébreux.

 

*

 

La Communion des Saints est basée sur la survie du Verbe, c’est-à-dire que le monde des pensées étant une zone d’immortalité, il s’y produit des ralentissements et des repos, mais point de mort.

 

*

 

Les saints anachorètes ont subi des tentations telles que jamais débauché n’en rêva et les grands recteurs de l’humanité ont dû, par analogie, subir des doutes épouvantables et les supplices de l’indécision.

La loi occulte explique ce phénomène illogique, en apparence :

Toute concentration de force morale exagérée attire la force antagoniste.

Le saint qui exagère la vertu, la continence, attire des particules de vice et de débauche.

La haute saturation de la volonté positive du saint agit comme un aimant sur les négatives.

 

*

 

La Communion avec le Créateur rend le participant communiant avec la création et lui donne la conscience de l’état de grâce.

 

*

 

Le péché originel n’est pas autre chose que l’imperfection de notre origine. Sur le plan de l’être, l’homme occupe un degré indivis entre l’animal et l’ange ; il subit à la fois l’attrait bestial et l’influx divin.

 

 

*

*     *

 

 

11. La Prière et les Chants

 

Quel est le plus court chemin de l’homme à Dieu ?

C’est la prière ; mais la prière n’exprime qu’une des trois natures de l’homme.

La prière est d’autant plus puissante qu’elle est plus enthousiaste ; mais parfois l’enthousiasme crée de l’aveuglement et des excès.

 

*

 

La vertu de la prière est certaine ; l’homme, par elle, se place dans le courant divin ; la prière, c’est l’âme s’ouvrant vers le soleil de l’inconnu et s’y échauffant ; elle ne peut être vaine, mais on obtient souvent tout autre chose que sa demande et dans un temps si éloigné du présent. Entre notre naissance et la parabole de notre devenir, s’étend une période inappréciable ; nous implorons pour la minute terrestre et nous obtenons pour le siècle des siècles. La mort finit le prologue de la vie ; et ceux qui ne voient que le prologue ignorent tout le drame humain et n’y trouvent en effet ni justice, ni harmonie.

 

*

 

La pensée exprimée par la prière est une force qui équivaut à une action physique ou sociale et peut même la surpasser.

Cette force animique s’oppose d’elle-même à son antithèse, c’est-à-dire à la pensée exprimée par le blasphème.

L’acte de foi et le vœu d’harmonie jaillis du fond d’un cloître combattent les vœux pervers.

Il y a un dynamisme de la prière individuelle et collective.

 

*

 

La vie, pour les uns, se modalise en œuvres, pour d’autres, en ambition, en vice ou en végétabilité ; ainsi l’éternité qui est la vie aussi, la vraie, revêt, en chaque élu, le caractère même de l’élu. Ceux qui ont vécu en priant, en se dévouant, en œuvrant ont une éternité bien plus active que les cheminants de la période terrestre.

Tout ce que nous aurons pensé de divin nous sera acquis éternellement.

Celui qui a augmenté son cœur, celui qui a préparé son cerveau, ne cessera pas de palpiter d’une façon toujours ascendante et de comprendre dans une progression formidable.

 

*

 

La prière est toujours sainte et toujours inférieure à l’œuvre de charité.

 

*

 

Prier et penser devraient être les seuls rites du véritable occultisme, car la prière suffit à nous réconforter et à nous détendre. Chaque fois que nous répondons par de l’indulgence à une injustice, nous nous élevons, c’est-à-dire que nous nous mettons à l’abri des peines futures. La vengeance est la plus triste muse, elle nous force à collaborer à l’œuvre de l’ennemi ; vouloir se venger, c’est aviver la blessure qui nous est faite, l’envenimer affreusement.

On doit se défendre, car ce monde est un champ de lutte et le crime deviendrait tout-puissant si la vertu lui cédait sans cesse. Mais la défense initiale, c’est de ne pas changer en idée fixe, en obsession, l’avanie que nous avons subie. Même si on ne croit pas à la nécessité de pardonner pour obtenir le pardon à son tour, il faut s’épargner les transes de la haine.

 

*

 

Si une prière est fervente, qu’importe son lexique.

 

*

 

Le désir humain monte de la terre au ciel et, derechef, il descend en terre avec la grâce, et il reçoit ainsi la force des choses supérieures et inférieures ; magique formule qui synthétise le magistère de la foi et la double polarisation de la prière au miracle, qui est toute la religion, si on entend le miracle dans un sens d’harmonie et non plus en celui de phénomène excentrique.

 

*

 

Celui qui, ici-bas, n’est pas sensible aux chants de la lyre, pendant l’éternité n’entendra aucun chant.

 

*

 

Sans érudition, sans instruction même, on peut sentir la beauté.

Les formes et les sons composent la langue universelle que tout homme entend, par le seul fait qu’il est homme.

 

*

 

On n’a pas observé l’accumulation de force nerveuse que produit la musique non pas jouée, mais vibrée.

 

*

 

La musique me semble contenir tout ce qui ne peut ni s’écrire, ni se dire, ni se faire ; c’est le fond du fond de l’âme ; voilà pourquoi ce n’est jamais très net, et le même morceau peut nous plaire en des conditions très différentes.

 

*

 

Dans la Flûte enchantée de Mozart, la victoire du juste sur le serpent du mal est annoncée par une triple sonnerie aux harmonies vermeilles ; alors une atmosphère de sagesse souriante et de paix intellectuelle se répand.

 

*

 

Ce monde est une lyre ; et chaque fois qu’un musicien pervers ou malhabile y touche, les cordes indignées se cassent et blessent l’imprudent.

 

 

 

 

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CHAPITRE II

 

1. Monitions du Sâr Péladan. 2. Œuvre et idéal de la Rose-Croix. 3. La Providence, les trois Normes. 4. Le Mystère. 5. L’Âme et les Passions. 6. La Magie. 7. L’Occulte. 8. Le Mage. 9. Influx planétaires. 10. Néophyte. 11. Initiés et Initiées. 12. La Fée. 13. Les Fluides. 14. La Méditation. 15. Volitions, Qualités et Défauts. 16. Charité. 17. Justice, Vérité, Progrès, Égalité.

 

 

 

 

1. Monitions du Sâr Péladan

 

 

Celui qui garde sa foi et son idéal au moment de l’épreuve, de l’adversité et de la persécution est un vrai chevalier de la Lumière ; la récompense de ses durs travaux sera l’Éternité bienheureuse.

 

*

 

Ma mère, vous m’avez formé et un fils n’est jamais que l’œuvre de sa mère. Puisse mon zèle témoigner ici de vos vertus !

 

*

 

Entre l’estime de tous les hommes et la tendresse de quelques-uns, je préfère ces quelques-uns, et c’est pour eux, à qui je dois toute ma sincérité, que je me montre ridicule aux yeux des autres.

 

*

 

Je suis partisan de toutes les églises (temples, mosquées, synagogues, pagodes), à quelque Dieu qu’elles soient dédiées. Un lieu de prières est toujours un lieu noble, fécond et purificateur.

 

*

 

L’Orient fut, pour moi, non seulement la Patrie, mais le reliquaire splendide de toutes mes adorations.

Je fus aux morts et aux chefs-d’œuvre, où sont ensevelies les plus nobles pensées.

Ceux qui se sentent dépaysés en leur pays, et anachroniques en leur temps, ont bien le droit de voir la pierre brisée de leur foyer parmi les ronces des vieux Temples ; et d’écouter le vent du désert pour savoir, s’il ne redit pas, lui, la chanson de leur race !

Je ne vais pas en Égypte. Ce voyage, je le sens un retour.

 

*

 

Monition du Mage d’Égypte au Sâr Péladan :

Toi, tu as voulu opérer une Renaissance et tu te plains d’y avoir seulement travaillé. Réussir ? que signifie ce mot, dans la clé où nous parlons ? Le succès, c’est l’éternité. Qu’importe le sentiment de quelques hommes, pendant quelques années !

La Foi seule donne l’immédiat résultat : l’extase. Qu’est-ce que l’artiste ? C’est un extatique qui veut faire voir son extase à la foule, et tu t’étonnes que la foule ne soit pas attentive à un phénomène si transcendant qu’après l’avoir subi, elle en est plus éloignée encore.

 

*

 

Tu n’as pas su opter entre le réel et ce qu’on nomme le songe, et tes songes te séparent du réel et ton besoin de réalité alourdit tes songes. Tu ne peux aimer le siècle et tu veux qu’il t’aime ; ton effort est de ne pas l’incarner et tu attends son suffrage

 

*

 

Aveu du Sâr Péladan à Gabriel Boissy, un fidèle de la Rose-Croix du Temple et du Graal.

Vous êtes venu au moment où, réparant le dommage d’une publicité intempestive, l’œuvre se fermait, autant elle avait été exagérément ouverte.

Je connais mon péché, je ne le déteste pas.

Je n’ai pu aimer mon temps ; à son tour il a accablé mon zèle de ses ostracismes.

J’ai trop aimé le passé, ses pompes et ses œuvres. Avec une terminologie archaïque, souverainement déplaisante dans un pays de suffrage universel et de laïcisme, j’ai prêché littéralement dans une langue morte. On a repoussé les mots, et le bien que je voulais n’a pas été. Il n’y a que moi de vaincu ; la doctrine, intémérablement vermeille, n’aura subi qu’un retard d’expansion. Le vœu demeure ; si je ne dois pas trouver la forme moderne de la vérité, j’aiderai les prédestinés à cette découverte, par la leçon même de mon aventure.

Parmi ceux qui doivent faire mon effort avec une expérience qui m’a manqué, vous êtes désigné.

 

*

 

La Norme refait sans cesse l’harmonie troublée par nos désordres. Agir, n’est pas le verbe de toutes les heures ; on se trompe sur la matière et le moment. Être prêt, voilà le devoir, et comme l’attente peut durer plusieurs générations, il faut penser qu’on ne réalisera pas, peut-être, qu’en la personne de ses disciples.

Les guerres de l’idée sont des guerres de mille ans ; et l’office du chevalier paraît aussi bien à une longue garde qu’au combat.

 

 

*

*     *

 

 

2. Œuvre et Idéal de la Rose-Croix

 

Rose d’Amour, encadre de sourires la redoutable Croix.

Croix du Salut, purifie de larmes la Rose trop terrestre.

Rose du corps, épanouis ta grâce sur le symbole du supplice accepté.

Croix du renoncement, sublimise la vie, apaise ses vertiges et conserve la Rose.

Emmêle, symbole très parfait, la charité au beau, la pensée à la forme, et que la Rose enguirlande la Croix et que la Croix vive au cœur de la Rose.

 

*

 

La CROIX signifie la vertu du saint.

La ROSE signifie la création du génie.

 

*

 

L’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal espère combler le fossé qui sépare la raison du cœur, l’intelligence et la foi, le matériel et le spirituel, et cela par la communion avec toutes les idées nobles et grandes, ainsi que par le canal de l’art idéaliste et mystique.

La Rose-Croix du Temple ne sera jamais hérétique, parce qu’elle sait qu’il n’y a pas de raison contre la hiérarchie et que l’Abstrait papal vaut plus que toute autre énonciation.

L’hérésie n’est jamais qu’un orgueil humain se cachant sous les traits d’une idée.

Nous serons heureux si nous pouvons former des artistes mystiques, nous exulterons même si nous produisons des mystiques, des légendaires, des rêveurs.

 

*

 

Tels sont les vœux du chevalier de la Rose-Croix du Temple et du Graal :

Je jure de réaliser la plus grande beauté possible en mon corps, mon âme et mon esprit.

J’obéirai seulement à l’idéal catholique dans son harmonie avec l’idéal d’Orient : ne me considérant pas comme sujet ni citoyen des pouvoirs et des lieux où je passerai.

Je ne m’informerai jamais du droit, afin de connaître la justice.

Je chercherai la voie où je puis devenir lumineux, et la connaissant, j’y marcherai.

Je jure enfin de servir toujours l’idée la plus haute que je concevrai.

 

*

 

C’est une grande faiblesse, celle-là même de ce temps, de ne sentir ni la beauté de l’Autorité, ni la nécessité d’un Ordre.

Il faut cependant qu’il y ait une règle et qu’elle soit appliquée.

 

*

 

La Rose-Croix sera, peut-être, l’arche sainte où se réfugieront l’Abstrait et la Beauté, sa parèdre.

 

*

 

L’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal est une confrérie de Charité intellectuelle, consacrée à l’accomplissement des œuvres de miséricorde selon le Saint-Esprit, dont les membres s’efforceront d’augmenter la Gloire et de préparer le Règne.

 

*

 

Le qualificatif de Sâr en son vrai sens désigne le prêtre de l’idée, le chevalier du Graal et l’envoyé de Mont-Salvat.

 

 

*

*     *

 

 

3. La Providence. Les trois Normes

 

La volonté de vivre est une volonté haute et légitime, surtout quand on vit pour un idéal.

Ce n’est pas mourir qui doit effrayer, mais mal mourir.

Il est dangereux et souffrant de quitter cette terre avant d’avoir exercé son âme pour l’au-delà.

Pour mériter un bon sort après la mort, il ne faut pas résister à l’invite céleste ; il nous faut apprendre à harmoniser notre libre arbitre avec la polyphonie des Causes secondes si nous voulons gagner l’éternité.

 

*

 

Les trois facteurs de l’humanité correspondent au ternaire humain et au ternaire divin.

Dieu le Père nous a donné le corps.

Dieu le Fils, l’âme.

Et Dieu le Saint-Esprit, l’esprit.

La loi du corps ou cause seconde du Père se nomme la Nécessité.

La loi de l’âme ou cause seconde du Fils se nomme le Destin.

La loi de l’esprit ou cause seconde du Saint-Esprit se nomme la Providence.

Avant de formuler son verbe, l’initié se demande :

Relativement à la Norme divine ou Providence, ai-je le droit ?

Relativement à la Norme humaine ou Destin, ai-je le devoir ?

Relativement à la Norme sérielle ou Nécessité, ai-je le pouvoir ?

Il y a toujours un parti à tirer même de la pire circonstance.

L’initié voit un avancement de perfection à chaque douleur.

 

*

 

Il y a une loi supérieure que la volonté peut contrarier ou suivre. Quand l’homme repousse la Providence, la parole est au Destin, c’est le poids du passé, la force acquise qui vient briser la volonté et venger la Providence.

L’homme et l’humanité sont libres d’adhérer au plan répressif ou au plan providentiel. « Nul n’est censé ignorer la loi », est vrai, hélas, au sens supérieur. L’imprudent ou l’étourdi sera frappé comme un coupable.

Le possible, c’est ce qui est conforme, partie au Destin, partie à la Providence.

Toute la volonté latine s’emploie à nier le Destin et la Providence.

La Providence est le confluent de quatre séries normales et, pour faire la critique providentielle d’un évènement, il faut évaluer le point physique, le point animique, le point intellectuel et le point cosmique de la même question.

 

*

 

Comme l’âme de l’artiste a passé dans le chef-d’œuvre, le Verbe de Dieu plane au-dessus de sa création, et la prière n’est si commandée ni si efficace que parce qu’elle fait communiquer le besoin de l’homme avec la Providence.

 

*

 

Il y a trois principes qui s’imposent, adversaires ou alliés à la volonté humaine ; ce sont :

La Providence, ou loi harmonique primordiale dont la création elle-même n’a été qu’un résultat.

Le Destin, total du passé, se combinant avec l’individu et sa diathèse.

La Nécessité, total du présent, et qui limite à elle seule la volonté.

Il y a donc trois sortes de succès : celui où la volonté s’appuie sur la Providence, le seul parfaitement beau et durable ; celui où la volonté est conséquentielle au Destin et à sa parabole. Cet autre enfin où la Volonté épouse résolument la Nécessité et se résigne.

 

*

 

La Providence est la loi initiale d’où sortit la création. Comme il y a trois déterminismes dans l’homme : l’organique, le psychisme et l’intellectuel, on trouve dans le monde trois plans harmoniques : l’élémentaire, l’affectif et le spirituel, qui n’ont jamais été orchestrés ensemble, et qui agissent tour à tour dans des conditions imperceptibles.

 

*

 

C’est une grave erreur de s’en remettre pour tout à la Providence. On oublie trop souvent que rien ne s’obtient sur le plan matériel sans une lutte ou un effort.

Le devoir du civilisé est donc d’agir avec énergie pour le Bien et de ne pas attendre son salut uniquement de l’intervention du ciel.

 

*

 

Le déterminisme théologique fut nécessaire jusqu’à ce que l’expérience possédât un ensemble suffisant. Aujourd’hui, la Providence pourrait se définir la loi morale ou spirituelle.

 

*

 

Ce qu’on fait pour vous, le secours de la Providence, se trouve conditionnel à ce que vous ferez vous-mêmes. Si votre cœur changeait, votre sort changerait aussi.

 

*

 

Tout homme qui se flatte de remplacer la Providence est un pauvre esprit sans études, sans critique.

Une volonté ne prévaut jamais contre l’ordre des temps, et, lorsqu’elle le tente, elle subit un cours d’orgueil et non de vérité.

 

*

 

C’est une grave erreur, dans la vie, de ne pas tenir compte du poids des impondérables (en fait, de la Providence).

Ces impondérables pèsent beaucoup plus que les poids matériels, et leur puissance est grande.

 

*

 

Chaque heure qui s’écoule nous rapproche du terme de nos heures ; comme disent les cadrans solaires, « toutes blessent, la dernière tue ». Mais si le temps passe malgré nous, il est en notre puissance de l’employer à nos vœux, de le colorer de nos rêves, de le modeler à notre image.

 

*

 

Le prix des heures dépend de leur emploi et non de leur nombre.

 

*

 

Le temps et la matière sont deux idées corrélatives et inséparables ; le temps, c’est la durée de la matière ; sans matière il n’y aurait point de temps.

Le temps est relatif à l’homme, être temporaire en sa vie organique ; l’éternité est le temps absolu.

La notion de durée vient des phénomènes de croissance et de décroissance en nous et autour de nous ; l’éternité est une affirmation absolue et une croissance ininterrompue ; là, le temps se multiplie sans cesse par lui-même et on pourrait dire que l’éternité s’augmente incessamment ou plutôt elle se génère de soi.

 

*

 

Telle est la loi du karma des individus et des peuples :

Nul n’échappe à sa victime.

 

*

 

Tout a son motif supérieur ; les plus petits évènements forment les anneaux d’une chaîne immense dont nous ne voyons qu’un infime morceau.

 

*

 

Il est infiniment pénible de rechercher toujours la cause des évènements. On y épuise la force qui s’emploierait mieux à les supporter.

L’absence de matrices aptes à recevoir certaines idées, à telle époque donnée, explique la pauvreté en évènements de certaines périodes de l’histoire.

 

*

 

Celui qui viole les lois du Cosmos pâtira inévitablement ; la sanction peut paraître différée, mais elle est inéluctable.

 

 

*

*     *

 

 

4. Le Mystère

 

La beauté est le visage du mystère.

 

*

 

Il faut à la foule cette ignorance qui l’empêche de se vicier, en lui laissant la crainte du Mystère.

(Enseignement d’Hermès à son fils Thot.)

 

*

 

Le Mystère est en nous et il s’appelle la conscience ; le Mystère est autour de nous et il s’appelle la nature ou l’ambiance ; le Mystère est dans nos semblables et il s’appelle attraction ou répulsion, domination ou obéissance ; enfin, le Mystère est au-dessus de nous et il s’appelle théodicée, pneumatologie, théurgie.

La véritable destinée de l’homme est de s’accomplir en lui, en autrui, en conquête sur la matière et en obéissance sous l’esprit.

L’accomplissement de l’homme en lui-même, c’est la sainteté ; en autrui, c’est la charité ; en face de la matière, c’est le renoncement ; et devant Dieu, c’est l’extase.

Magiquement, l’accomplissement de l’individu en soi, c’est la subtilité ; en autrui, c’est la puissance ; sur la nature, c’est la domination et en face de Dieu, l’interrogation.

 

*

 

Le vrai Mystère, c’est la relation entre tout le créé et le Créateur ; il faut que tout et chacun s’accomplisse ; la souffrance est l’archer, le leveur de l’impôt céleste ; et dans cet impôt, les tristesses du noble désir, les dépits de l’impuissance sont comptés.

 

*

 

Les mystères sont simples, si simples que nous ne les apercevons pas. Dieu nous met ses secrets si près des yeux que nous ne les voyons jamais.

Oui, c’est sa façon de cacher sa sagesse.

 

 

*

*     *

 

 

5. L’Âme et les Passions

 

L’âme éveillée devient attentive à tout, l’âme sensibilisée peut subir l’action de la ténèbre comme de la clarté.

 

*

 

L’âme est tout, même dans les choses, l’âme qu’on y met ou qu’on y trouve. Les reliques du passé révèlent des cerveaux et des cœurs plus amis parfois que ceux du temps.

L’art représente le testament des époques.

 

*

 

L’âme aspire ou expire l’air animique, ou atmosphère seconde partout présente.

Cet air animique reçoit les pensées, les volitions, les vœux de tout homme ; par conséquent il est pur ou empesté et change de nature suivant les lieux, les êtres et les moments.

Un serment est un sort que l’on jette sur soi-même, un credo que l’on crée et dont on devient le prêtre et le récipiendaire ; qui le transgresse se suicide ou se blesse.

 

*

 

Pour ce qui tient de l’âme, nos connaissances n’ont jamais progressé ; et les professeurs de psychologie ne sauraient croire qu’ils égalent les vieux prêtres du Nil, éducateurs de Moïse.

 

*

 

Il s’agit de comprendre et non de contredire les traditions, sans s’arrêter à de vieilles expressions aisées à réduire au sens moderne.

 

*

 

La seule aspiration légitime de l’homme est celle qui l’oriente vers la perfection des formes, de l’âme ou de l’esprit.

 

*

 

On doit avoir l’âme assez forte pour porter seul sa joie ou sa peine, son désir ou son regret.

 

*

 

Il n’y a que les bêtes qui ne souffrent que dans leur corps.

Souffrir de l’âme, c’est là tout le mystère de la sainteté et du génie.

 

*

 

Le mal, c’est le laid ; il faut que le cœur soit beau pour plaire à Dieu.

Avoir l’âme belle, cette pensée-là a été toute ma force ; qu’elle soit la vôtre !

 

*

 

Les problèmes de l’âme ont toujours été les mêmes pour tous les hommes qui pensent ; aussi, ni les religions, ni les philosophies ne présentent des différences considérables d’un cycle à l’autre.

Dans les couches profondes de la croyance de tous les peuples, on découvre à l’état latent des principes universels.

 

*

 

Le génie est celui qui habille d’images ses idées et qui fait de la science de l’âme un spectacle.

 

*

 

L’homme aspire, par un continuel désir, à retourner à son premier état. Cette quintessence dans le sens d’essence supérieure à toutes les autres, d’essence par excellence, s’appelle inconscience supérieure dans la philosophie moderne et joue le rôle d’un instinct de l’âme et d’une fatalité de l’esprit, complexement unis.

 

*

 

L’espoir est l’aliment de l’âme ; on supporte tout ce qui a un caractère momentané, tout ce qui demain peut changer, si amère que soit l’heure présente. L’espoir, véritable horizon de l’homme, oppose sa vivacité aux pires infortunes ; mais s’il disparaît d’une âme, la nuit y entre en ombres épaisses ; elle se sent prisonnière de la vie et s’étiole dans le cercle de fer que les conditions sociales imposent à certaines existences.

 

*

 

La beauté est quelque chose que l’âme reconnaît comme intime et sympathique à sa propre essence, qu’elle accueille et s’assimile. C’est l’essence supérieure de l’âme qui ressent une affinité de nature avec l’œuvre d’art.

 

*

 

On mérite l’intellectualité, on ne la conquiert pas ; semblable au rayon diffus du soleil, elle se condense sur l’âme assez noble pour présenter son cristal lenticulaire ; et, désirer la sagesse, c’est déjà la mériter et l’approcher.

 

*

 

Vouloir élever l’esprit sans former l’âme, et s’adresser à l’entendement dans l’oubli de la sensibilité ; quelle misère et quelle désastreuse erreur !

 

*

 

De votre cœur et de votre esprit, des âmes et des esprits doivent naître, pour la vie idéale de la beauté.

Votre œuvre n’aura que la sensibilité de votre cœur, que l’étendue de votre propre cerveau.

 

*

 

La spiritualité ne consiste pas à jeûner et à se mortifier, mais à donner à la vie spirituelle la prédominance et à se déterminer idéalement.

 

*

 

Le juste s’éprend d’un idéal au lieu de suivre ses penchants ; l’âme ne perd rien de sa force en changeant de mobile. Elle aime au-dessus d’elle au lieu de s’aimer.

 

*

 

Chaque âme se nourrit d’elle-même, et lorsque deux âmes sœurs se rencontrent, elles n’ont pas besoin de mots, ni de gestes pour se comprendre, elles se sentent.

 

*

 

L’âme se fêle aux frappements de la discordante haine.

 

*

 

Âme, multiplie la plume de tes ailes,

Pour mieux fendre la nue.

Esprits, croissez dedans l’intelligence,

Pour concevoir les dieux.

Car rien n’arrivera à chacun

Que sa propre pensée.

Le devenir, ce destin d’au-delà,

Est le fils de nos rêves.

 

*

 

Les hommes tout à leurs folles passions n’écoutent pas la voix de la sagesse.

 

*

 

Emportée par le désir, l’âme passionnée ne juge plus comme un être humain, selon la réalité, mais comme un animal, selon l’apparence.

 

*

 

Ce qu’on peut dire de plus courtois pour l’humanité, c’est que souvent les intéressés confondent leur heur et un système ; comme on ne ment jamais aussi bien qu’à soi-même, certains hommes parviennent à se persuader qu’ils servent une idée, satisfaisant leur passion.

 

*

 

Toute passion est une erreur et un mal ; erreur, parce que se passionner, c’est déjà se tromper ; et mal, puisqu’il y a des ruines au bout de nos enthousiasmes.

 

*

 

Les opinions sont des passions.

 

*

 

Si l’idée s’incarne passionnellement ou si la passion évolue en idée, il se produit un bouleversement des facultés ; un double courant d’absurdité en résulte.

 

*

 

Il n’y a pas de passions nobles ou basses en essence, il y a des êtres nobles ou bas qui donnent à leurs actes des motifs grands ou petits à leur image.

Tout est pur à ceux qui ne sont pas sales, et tout est impur aux saligauds de l’interprétation.

 

*

 

Comme elle se déforme, au feu d’une passion, l’humaine conscience, et le peu qu’elle vaut !

 

 

*

*     *

 

 

6. La Magie

 

L’Occulte apprend à l’initié à préparer son éternité : car le devenir réalisera notre idéal ; nous ne serons que notre rêve et nous n’obtiendrons que notre demande.

Malheur à l’homme d’un pauvre désir, car ce désir sera réalisé. Rien n’est que ce qu’on croit, rien ne sera que ce qu’on espère ; rien ne nous sera fait, sinon ce que nous aurons fait.

L’éternité aura la splendeur de notre foi, la beauté de notre espérance et la chaleur de notre amour, car la miséricorde est identique à la justice.

Mais, si nous n’avons ni foi, ni espérance, ni amour, comme ce sont les conditions de l’éternité, nous serons rejetés dans le temps et dissous par les opérations qui lui sont propres.

 

*

 

Tout homme avant d’agir doit se poser les questions suivantes ; car eu égard à l’importance capitale du sujet, il y a lieu de le rappeler encore une fois :

Relativement à la Norme divine ou Providence, ai-je le droit ?

Relativement à la Norme humaine ou Destin, ai-je le devoir ?

Relativement à la Norme sérielle ou Nécessité, ai-je le pouvoir ?

Il faut une permission, une équité et une possibilité au début du vouloir.

Droit, c’est-à-dire légitimité d’action.

Devoir, c’est-à-dire obligation d’agir.

Pouvoir, c’est-à-dire propicité du résultat.

 

*

 

L’intelligence peut toucher à la marche du monde si les évènements sont réceptifs du dessein.

Il faut pour cela incarner une idée, la faire mâle, c’est-à-dire dynamique et positive, et si elle trouve un terrain féminin réceptif, elle portera des fruits.

 

*

 

La magie consiste à ne formuler que des desseins harmoniques de soi à l’heure des choses.

Le succès est une succession d’accords frappés par le vouloir, selon le rythme de la vie.

La force du Verbe réside dans sa prudence, car il n’y a pas de force contre la raison.

Ne t’inquiète pas de la manière et de la quantité du vouloir, mais de sa pureté.

 

*

 

Il y a grand danger pour les hommes d’aspirer aux pouvoirs :

Tous rêvent de puissance et pour en abuser, car l’homme est injuste parce qu’il est homme ; et puissant, il devient funeste.

Le Grand Œuvre commence au salut individuel et se continue en charité, au salut du prochain.

Tout homme qui parvient à une haute culture est institué prêtre d’une série similaire à lui, prête à recevoir sa bénéfique influence.

 

*

 

Un secret initiatique transmis ne sert jamais.

En magie, la science des secrets par excellence, personne n’a jamais rien fait de ce qu’il avait lu ; il faut percer son puits artésien personnel dans le mystère pour devenir thaumaturge.

 

*

 

Le Mystère est UN par essence et les symboles qui le voilent n’ont d’autre raison que l’imperfection de nos esprits.

 

*

 

Les symboles sont des forces : se couvrir, s’entourer de formes, de couleurs qui correspondent à un dessein, c’est commencer à réaliser.

 

*

 

La Magie et la Religion sans cesse se pénètrent l’une l’autre, dans l’âme de l’illettré comme dans le cerveau du théologien, car ce sont les deux faces de l’inconnu.

 

*

 

Le catholicisme latin renonça très tôt à l’ésotérisme ; entêté d’un rêve césarien, il prétendit administrer la conscience universelle à la romaine.

Sans grands ou petits mystères, sans initiation, le clergé pensa réaliser l’égalité, la plus impossible qui soit, celle des âmes. L’élite se révolta ; il ne fallait pas être grand clerc pour découvrir que l’Église ne réalisait pas la pensée évangélique.

 

*

 

Le métier sacré n’a pas d’autre arcane que de porter et de parer des coups animiquement.

 

*

 

Les rayons de chaque ciel ou plan sont la voie par laquelle descendent leurs vertus sur les gens et les choses d’ici-bas.

 

*

 

La méthode magique s’appelle l’analogie ; elle suppose l’inconnu parallèle au connu ; l’arcane majeur n’a point d’obscurité : l’invisible est comme le visible, pour l’accomplissement de l’unité.

 

*

 

Analogies :

La matière se présente à nous sous quatre états le solide, le liquide, le gazeux, le fluide.

La vie doit se présenter à nous sous quatre états : physique, moral, intellectuel, pneumatique (spirituel).

On divise les corps en simples et composés ; on divise aussi les hommes en simples, ou ne pouvant pas se modifier et évoluer, et en complexes, ou ceux dont on peut obtenir des activités variées.

 

*

 

Ce qui vit, même imparfait, rayonne des potentialités fortes ou infinitésimales, qui obéissent à la même loi de groupement.

Chaque atome tend à en rencontrer un autre et à se moléculariser ; ainsi le veut la Norme des perpétuités...

L’atmosphère terrestre est double, gazeuse pour les corps, fluidique pour les âmes ; et les âmes exhalent des effluves comme les corps. Malades, les âmes projettent de la contagion et quand elles meurent, elles répandent de véritables poisons.

L’odeur d’iniquité fait pendant à l’odeur de sainteté.

Et, quoique le mot disconvienne à une essence, les âmes pourrissent en quelque sorte ; l’obscurité les corrode.

On trouve dans l’astral, outre l’émanation des vivants, celle des désincarnés sans feu ni lieu. Certains n’ont plus de force et végètent à l’état errant, en attendant de se résoudre au néant.

Les élémentals sont des particules fluidiques flottantes et dépersonnalisées. Il n’y a là ni âmes en peine, ni aucune espèce d’esprit, mais une lente agrégation de déchets de la pourriture d’astral.

 

*

 

On ne dissout pas comme on veut les larves qu’on a coagulées ; et pour les nerveux ce domaine fourmille de dangers.

 

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Les éléments sont les pierres invisibles que le sorcier jette à son ennemi.

 

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Il y a danger à faire des évocations intempestives et irréfléchies.

La curiosité est une passion et non une vertu.

Quand l’inconnu se manifeste, ou sa volonté est supérieure à la tienne et alors il vient de lui-même, ou elle est inférieure, et alors quel bien en tireras-tu ?

Tu ne peux commander qu’à tes inférieurs ; l’imparfait, l’informe, et l’en-bas seuls t’obéiront ; des êtres douteux et avides grefferont sur ta vie leur vie vacillante, parasites de ta santé, parasites de ta raison.

 

*

 

Il n’y a pas de génération spontanée, ni en métaphysique, ni en physique.

Les idées, avant d’être formulées, se révèlent par une aube qui éclaire partiellement beaucoup d’esprits.

On dit couramment qu’une idée est dans l’air, et on dit vrai. La pensée qui va être proférée montre des signes précurseurs et la perception de ces signes constitue un art magique.

 

*

 

Les idées paraissent inoffensives aux étourdis.

 

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L’idéologie engendre tous les maux. Une idée fausse mise en action mène un peuple prospère à sa perte.

 

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Une bonne pensée agit presque divinement.

Rien n’est petit dans la voie de perfection.

Il y a des paroles universelles, et qui par leur lumière, leur chaleur et leur éclat, sont œcuméniques. Qui ne les reçoit pas, pèche et s’égare.

 

*

 

Une opinion n’est d’ordinaire qu’un tempérament qui s’exprime. La civilisation se divisera toujours en deux courants : l’un spiritualiste avec l’exaltation et ses excès, l’autre rationaliste avec son prosaïsme et sa stérilité.

 

*

 

Les théories, peut-être aussi, n’expriment que des tempéraments.

 

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Attention à la fatalité du Karma !

Ne vous endettez jamais envers la destinée ; c’est une infâme usurière... Son taux... c’est la souffrance.

 

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La magie enseigne que le double d’un assassin appartient de droit à sa victime ; et dès lors, entre la vie future et le militaire, il y a autant de barrières infranchissables que d’hommes tués.

 

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La volonté des morts se continue sur terre pour ceux qui les aiment.

 

 

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7. L’Occulte

 

L’occulte se définit la plus grande nudité dont la vérité soit susceptible ; c’est la formule abstraite, amorphe de ces mêmes dogmes que chaque civilisation concrétise à son usage.

L’occulte est, par excellence, la science des rapports, et, moralement, celle des responsabilités.

 

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La magie ne doit servir qu’à la défense de l’idéal et de la justice.

La magie est la mise en pratique de l’occulte.

L’occulte est l’esprit même de la religion, et la religion est le corps même de l’occulte. L’occulte est la tête où se conçoit le mystère, la religion est le cœur où le mystère se dynamise.

Dans le domaine de l’occulte, qui est celui du Saint-Esprit, les ignorances sont punies comme des fautes.

 

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L’Occulte n’est pas la carte biseautée qui permet de tricher à la table du destin.

 

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La loi d’évolution et d’involution est le double mouvement qui constitue le cercle vital.

Par le fait de la naissance, l’esprit s’involue dans la matière ; par la mort, il évolue vers la zone supérieure. Mais il doit passer par divers stades : commençant par l’animalité du nouveau-né, parvenant à la sentimentalité, pour aboutir à l’intellectualité... D’où une hiérarchie très nette des humains : les instinctifs, les animiques et les spirituels.

 

*

 

L’ésotérisme, semblable à un fleuve immense, voit son nom changer suivant les époques et les races qu’il traverse ; malheureusement des barrages ont été établis pour arrêter le cours des belles eaux traditionnelles ; et les Pères de l’Église ne voulurent pas voir cette simplicité : la plus parfaite des religions ne supplée pas à la philosophie.

 

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Ton éternité sera faite du total de tes pensées. Il en découle, pour l’initié, un devoir de tous les instants : celui de la maîtrise personnelle des passions.

Le péché, pour l’initié, entraîne un péril d’involution qui retarde son devenir, tandis que la vertu et l’étude accélèrent son mouvement évolutif.

 

*

 

Du fatras de l’occultisme, ne retiens que l’esprit de silence évocatif, lui seul t’expliquera le mystère, lui seul te fera sentir Dieu.

 

 

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8. Le Mage

 

Les rites de la magie cérémonielle se divisent en magie des morts ou nécromancie, magie des vivants ou magnétisme, magie future ou désincarnation.

En effet, ce sont les trois termes de la puissance rétrospective, actuelle et préventive.

Il y a lieu de savoir que l’évocation d’un grand esprit est ridicule parce que les illustres morts ne peuvent être des répétiteurs bénévoles de la curiosité humaine, même studieuse.

Les évocations sont absurdes ; qui donc viendra ainsi d’outre-monde, à l’appel du sorcier, sinon un courant chaotique.

Les maîtres qui ont laissé des œuvres, comme Platon, obéiront-ils à ceux qui, négligeant de les lire, veulent savoir ? Dans la vie, nul ne somme les génies de passer à domicile le distraire ; et quand l’abîme du devenir s’est creusé entre un maître de la pensée et la vie, on se flatterait de l’y ramener !

Les mystiques appellent le ciel et le voient ; on les comprend.

Les magiciens appellent tout ce qui traîne dans l’intermonde, et cela n’est point beau, étant hors série. Comment les comprendre ?

 

*

 

Contenir la vérité, c’est le contraire de la dire : c’est la garder.

Retiens cela et cesse de taquiner le voile d’Isis ; l’arracherais-tu, tu serais en présence d’une femme et non plus d’Isis.

Repose-toi et songe.

 

*

 

Tout le comportement du mage est dans la fameuse formule :

SAVOIR, OSER, VOULOIR, SE TAIRE.

Savoir : Cultive avant toute chose ton intelligence.

Oser : Sois ferme dans l’évidence et constant dans le Vouloir.

Ce que l’intelligence a conçu l’âme l’exécute.

Se taire : Le silence est la matrice du verbe et de l’œuvre.

 

*

 

Conseiller ceux qui ont besoin est œuvre de Mage, cependant le conseil qu’on n’a pas demandé n’est jamais suivi.

Mais il y en a qui sont nus d’idées, nus de doctrines, nus d’idéalisme ; ceux-là, on peut les vêtir d’esthétique.

Et quiconque aime le Beau, déjà aime Dieu inconsciemment.

 

*

 

Pour pouvoir reconnaître le Maître lorsqu’il passe, il faut que l’élève soit prêt ; il faut le mériter par la noblesse native du caractère.

L’élection d’un être réside en lui ; l’éducation, la religion, l’initiation contrepointent seulement ou fuguent le thème daïmonique.

Le miracle passe au chemin de Damas, mais il faut être Paul pour qu’il ait lieu.

 

*

 

L’office d’un mage n’est pas de flatter l’opinion ; il la réforme.

Quand l’homme appartient à l’idéal, la femme doit désarmer ; quand l’homme est ordinaire, la femme lui sera un destin supérieur.

 

*

 

C’est peut-être une élection d’entrer dans la vie en portant les couleurs du ciel ; c’en est peut-être une autre de former autrui au vœu qu’on n’a pas accompli.

Il convient de faire son devoir de citoyen du ciel ; il est simple à découvrir et à formuler : Être le rédempteur d’un autre être, en l’entraînant dans la voie lumineuse, en lui faisant cette voie heureuse.

Il faut sauver une destinée pour accomplir la sienne ; voilà le commandement.

 

 

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*     *

 

 

9. Influx planétaires

 

SOLEIL, vibration de lumière, conditionne l’artiste qui réalise.

LUNE, vibration de pénombre, conditionne le poète qui devine.

JUPITER, vibration de droit divin, conditionne l’homme d’État qui domine et commande.

VÉNUS, vibration de volupté, conditionne le sensitif voluptueux qui séduit.

MERCURE, vibration protéique de changement, conditionne la pratique qui ruse.

MARS, vibration d’agression, conditionne l’homicide qui attaque.

SATURNE, vibration de concentration, conditionne l’homme qui pense et réfléchit.

 

*

 

Le SATURNIEN est misanthrope, long, maigre, osseux, taciturne, lent et réfléchi.

Le JUPITÉRIEN est jovial, ambitieux, gourmand, vaniteux, bienveillant et gai.

Le MERCURIEN est habile, actif, toujours en mouvement et appliqué aux perfectionnements.

Le SOLARIEN est poète ou enthousiaste dédaigneux de l’opinion.

Le MARTIEN est violent, courageux, jaloux et dévoué.

Le LUNARIEN est rêveur, bizarre, excentrique et de goûts solitaires.

Le VÉNUSIEN est efféminé, sensuel, tout à l’amour.

 

*

 

SATURNE représente La Pensée.

Le SOLEIL représente Le Génie.

La LUNE représente Le Rêve.

JUPITER représente L’Ordre.

VÉNUS représente L’Amour.

MARS représente L’Action.

MERCURE représente L’Adaptation.

La conception (Saturne) précède la création (Soleil) et se meut dans un halo de rêve (Lune) ; elle sort pour s’harmoniser avec l’ordre éternel (Jupiter) et l’amour (Vénus) met en œuvre (Mars) ; enfin les multiples adaptations s’opèrent (Mercure).

 

*

 

Type de la femme bénéfique par excellence : VÉNUS-MERCURE.

Contemplative, il lui faut du calme, la vie régulière, les affections normales. C’est la meilleure et la plus idéale des compagnes.

Mercure donne à ce type la faculté de s’adapter aux êtres et aux choses avec une souplesse d’âme incroyable, c’est ce qui en fait tout son charme et sa bienveillance infinie.

Ce phénomène d’identification est le symptôme dominant de VÉNUS-MERCURE, et lui attribue un rôle providentiel dans l’œuvre humaine. Grâce à cette astralité, il y a sur la terre de la paix, fruit de la bonne volonté.

Les autres femmes imposent leurs fiassions, amenant de grands désordres.

La femme signée VÉNUS-MERCURE réalise par contre le sentiment d’autrui, en une consonance harmonique.

 

*

 

Attention à la VÉNUS maléfique :

Rien n’est aussi redoutable que le mal lorsqu’il se fait aimer et qu’il charme. Comment se défendre d’un ennemi qui nous enchante ?

 

*

 

Dans la vie, si l’on veut réussir, il faut œuvrer en harmonie et en synchronisme avec les lois du cosmos.

La formule logique de la vie est divisée en périodes spéciales ; en vertu de la grande loi analogique écrite aux saisons de l’année (ce macrocosme), il faut :

VIVRE en Mai.

AIMER en Août.

PENSER en Automne.

ŒUVRER en Hiver.

 

 

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10. Néophyte

 

Néophyte, il faut que tu renonces au collectif pour naître à la personnalité.

Seras-tu quelqu’un ou bien une chose sociale ?

Tu agiras sur autrui dans la proportion où tu auras agi sur toi.

 

 

 

 

11. Initiés et Initiées

 

DEVOIRS DE TOUS LES INITIÉS

 

Faire extraordinairement les choses ordinaires.

Vivre angéliquement les heures humaines.

Penser avec sérénité les passions.

S’avancer rationnellement vers le mystère.

                Telle est la vraie initiation.

 

 

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Encore et toujours des DEVOIRS pour l’initié.

Préparer l’autre vie par celle-ci.

Devancer, par l’application et l’effort, l’évolution du devenir.

Précéder l’évènement par des actes d’une essence anticipatrice sur la stase humaine.

Voilà la vraie voie !

L’initié sait qu’il n’y a qu’une cause qui est Dieu, qu’une fin qui est l’Éternité, qu’une réalité qui est la Beauté.

 

*

 

        L’initié doit penser par lui-même.

        Le dévot se repent, l’initié se réforme.

L’Église te dit : « Pleure ton péché », parce que l’Église pense au grand nombre et dès lors donne le commandement au passif. La magie te dit : « Efface le péché par la vertu correspondante. »

Il faut que ta pensée ne soit pas une vague rêverie ou une imagination déréglée, mais il faut qu’elle soit conforme aux lois établies par Dieu.

 

*

 

Le Bien lui-même, en ce monde de rapports, ne comporte pas d’excès, sinon il cesse.

L’initié doit arriver à penser juste et sentir beau.

Il y a deux pertes fluidiques vives ; elles s’appellent l’appréhension et le regret ; l’une épuise avant l’évènement, l’autre nous disperse après qu’il est advenu.

Le malheur instruit, inspire, améliore, et on ne doit pas le maudire ; mais il use et fatigue, on ne doit pas le provoquer.

La crainte est inutile, elle attire le désastre dans le sens même où les courants d’air attirent la foudre.

La prière, la méditation, l’œuvre, les amitiés nobles sont les boucliers de l’adepte.

 

*

 

L’initié doit apprendre l’art d’engendrer, l’art d’élever, l’art de mourir.

On naît au hasard chez les barbares francs, on élève idiotement et on meurt comme un chien.

L’initié doit s’attacher seulement à ce qui est éternel ; il doit encore se spiritualiser par une ascèse et une maîtrise de tous les instants.

 

*

 

Pour progresser sur la voie de l’initiation, il faut commencer par s’avouer ses imperfections.

Les devoirs s’augmentent en raison de notre élévation et cela s’entend au moral comme au social.

Le premier devoir de l’initié est de rechercher la beauté ; ensuite percevoir la bonté ; du beau et du bon naît l’idée.

Défendre les idées, voilà la chevalerie de tous les temps ; défendre la théocratie contre toute forme sociale et la hiérarchie contre toute loi, et l’esthétique contre toutes mœurs.

L’initié ne fera rien pour entretenir auprès de la foule sa bonne réputation ; il se souciera seulement de l’opinion des sages.

 

*

 

 

PROGRAMME DE LA JOURNÉE

DE L’INITIÉ

 

Au lever, prière et résolutions.

À la vesprée, recueillement pour écouter l’inconscient supérieur.

Au coucher, prière et examen.

Quiconque chaque aube prie et veut ; à chaque vesprée rêve ; à chaque coucher prie et se juge et veut encore, celui-là sera un mage.

 

*

 

Une qualité primordiale que doit cultiver l’adepte :

l’ENTHOUSIASME.

 

Et un défaut à éviter :

la CRITIQUE.

 

Le monde spirituel apparaît, à la fois illimité ou restreint à quelques notions, suivant qu’on l’envisage avec enthousiasme ou avec critique.

 

*

 

Les anciens initiés redoutaient la contagion passionnelle comme nous craignons la tuberculose. Ils pratiquaient une hygiène de l’âme et une prophylaxie sentimentale dont nous n’avons plus aucun souci.

 

*

 

Le Maître peut ouvrir les portes du Temple... Il ne peut rien de plus.

Nul esprit ne peut se dater de lui-même, nul être se substanter de soi ; on fait suite à tel preux, à tel saint, à tel génie ; on se substante de tel exemple, de telles paroles, de tel chef-d’œuvre.

 

*

 

« Fais ton salut », dit la religion ; et la magie : « Tu ne seras sauvé que si tu deviens sauveur. »

Juge, si tu sens en toi vivre la justice.

Commande, si tu sens en toi la puissance.

Sacrifie, si tu te crois grand-prêtre.

Règne, si ton front est pressé d’une invisible couronne.

Mais souviens-t’en, toi qui t’assieds pour la justice, tu seras sept fois jugé.

Souviens-t’en, toi qui te lèves pour commander, tu devras sept fois obéir à Bel.

Souviens-t’en, toi qui récites les noms tout-puissants, tu seras sept fois nommé impérieusement.

Souviens-t’en, toi qui mets le sceptre lourd sur les peuples, tu seras courbé sept fois par Ilou le suprême.

Juge, maître, mage, Sâr, souviens-t’en !

 

*

 

L’initiée veillera spécialement à son langage ; savoir écouter et savoir faire parler est tout un art que la fée doit posséder.

 

 

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*     *

 

 

12. La Fée

 

La fée est une sœur qui aide ou sauve quand elle aime ; ou bien une muse qui influe et élève, quand elle est aimée.

Fée, sois l’exaltation des âmes, incarne le poème, le chef-d’œuvre et le rêve de tous ceux qui ne sont ni poètes, ni artistes, ni rêveurs, et aussi deviens le modèle, la muse et l’apaisement des artistes, des poètes et des rêveurs.

La fée devra prendre le même soin de son âme que de sa peau.

 

*

 

La fée se rappellera que le rire bruyant est un signe de vulgarité et de manque de tenue et qu’il déplaît particulièrement aux gens supérieurs ; le sourire suffit.

 

*

 

La famille s’accomplit par les saintes, et la civilisation par les fées.

La femme est la faculté expansive par excellence, elle est la forme même de la persuasion.

 

 

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13. Les Fluides

 

Toute réunion d’hommes expire une fluidité de même nom que leur état d’âme ; cet expir crée une atmosphère morale adéquate, qui agit sur l’âme, dans une proportion plus intense que l’atmosphère gazeuse sur le corps.

Deux hommes qui se regardent s’actionnent l’un l’autre ; deux hommes qui se fréquentent déteignent moralement l’un sur l’autre.

 

*

 

Il y a une atmosphère fluidique radiante où s’élaborent tout l’expir et le respir animiques, car l’âme expire et respire comme le corps.

 

*

 

Nos corps exhalent de la santé ou de la maladie,

Et nos âmes aussi répandent leur vertu ou leur vice.

La corruption des chairs engendre l’horrible peste ;

La corruption des cœurs donne naissance aux monstres.

L’homme à son tour est créateur.

Du choc de ses passions avec les lois du monde,

Naissent les monstres, les chimères.

 

*

 

Les goûts et les couleurs constituent littéralement l’être fluidique ; ils produisent une atmosphère morale, constituant l’âme collective agissant sur l’individu.

À Jérusalem, on devient fanatique, même sans foi, comme à Paris on devient sceptique avec les meilleurs principes.

Nous exprimons de la pensée et nous en aspirons sans cesse ; et cela s’opère par l’émanation fluidique.

La société en imposant l’uniformité extérieure banalise l’esprit même.

 

*

 

En dehors de l’atmosphère gazeuse, élément de vie organique, il faut qu’il y ait une atmosphère plus subtile, pour la vie du double.

Il existe une humanité de doubles qui s’entretient par un air autre que celui respiré ; et comme l’humanité organique a ses émanations, l’humanité des doubles dégage la vie fluidique, domaine naturel du surnaturel.

La foi, vive et générale, dans un temple, engendre des miracles ; étendez cette vivacité et cette généralité à un pays et à une race, et le phénomène surnaturel deviendra fréquent, endémique et naturel.

 

*

 

N’abandonnez pas le cadavre à la veillée des mercenaires ; jamais ce qui l’habitait n’eut plus soif de votre intelligence et faim de votre amour.

On ne passe pas brusquement d’un plan à un autre ; et plus la transition sera violente, plus la douleur sévira.

La psychurgie est un des arts sacerdotaux vraiment perdus ; il n’en reste qu’une manifestation : la dévotion aux âmes du Purgatoire.

 

*

 

Dans l’atmosphère sidérale des couvents et des temples, les météores de l’âme, les évènements religieux sont forcément pressentis. Comme le sensitif perçoit le phénomène cosmique devant qu’il se produise, le mystique se trouve averti des grands mouvements providentiels ; et cela est tout simple. Le développement exclusif d’une activité génère des intuitions, souvent prodigieuses.

 

*

 

Nous donnons parfois la réplique à des paroles que nous n’avons pas entendues ; nos actes, eux-mêmes, s’inspirent de faits confusément perçus et dont l’énonciation nous remplirait d’étonnement.

 

*

 

Ne vous est-il pas arrivé de vous sentir sans vous toucher, sans vous regarder ? L’esprit s’exprime en esprit, mais il s’exprime. À la rencontre de leur mutuel salut, il se forme un parfum subtil, suave et nouveau.

 

 

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*     *

 

 

14. La Méditation

 

Oh ! merveilleux silence !

Reçois l’hommage d’un cœur que ta paix a sauvé.

Désormais délivré d’un destin accablant,

Je pense ma pensée et j’écoute mon cœur.

 

*

 

Méditez une heure par jour et je vous promets la sagesse.

Par le moyen de la méditation, l’homme supérieur peut s’améliorer, mais pour la foule moyenne, il faut autre chose ; or la confession est la meilleure façon d’amener la foule à se juger à sa juste valeur.

La confession est un remède héroïque de l’âme, expérimentalement éprouvé. Une telle pratique libère l’âme d’un poids énorme.

 

*

 

Pour se taire, il faut être plein de paroles.

Le silence n’a jamais été l’expression de l’enfance, cette animalité, mais de la vieillesse, ce point décroissant de la vie, apogée de la conscience !

Par la méditation silencieuse, l’âme extériorisée a pris contact avec le courant de grâce qui fait les voyants, les inspirés, et auxquels on attribuerait tout le bien de ce monde, si le bien tel que nous le concevons était assez pur pour figurer l’incommunicable Saint-Esprit.

 

*

 

Un recueillement dans une maison de Dieu, avec prière aux anges Protecteurs, fait descendre l’ombre qui bénit.

 

*

 

Le silence, chargé de vibrations sympathiques, est plus éloquent que n’importe quelle parole.

 

*

 

Rien ne sert à la culture du moi que la méditation.

Celui que ne réfléchit pas, continue ses errements et meurt novice de la vie, ignorant de lui-même, fermé à la progression.

 

*

 

Quand on ne peut pas être compris, il faut s’envelopper de silence, pour la paix d’autrui comme pour la sienne.

 

*

 

Le recueillement, la méditation sont actes indispensables et nécessaires à l’évolution de tout initié.

Combien de gens ont beaucoup appris, mais peu réalisé ; la cause en est à leur manque de concentration et de réflexion ; de ce fait, ils n’ont pu prendre contact avec la conscience qui siège dans la solitude.

L’art de vivre ne consiste pas à beaucoup vivre, mais à vivre consciemment.

Rien n’est plus funeste que de croire penser quand on rêve.

 

 

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*     *

 

 

15. Volitions, Qualités et Défauts

 

La Volonté bien dirigée est un pouvoir merveilleux.

La Volonté est cette faculté sainte qui dompte les lois organiques et plie le corps à sa discrétion.

 

*

 

La volonté est le seul levier efficace qui conditionne tous les actes effectifs de notre vie ; elle est utile autant pour notre conservation que pour l’exécution de nos desseins.

L’adepte sait qu’il doit devenir un centre de rayonnement. Il projette dans le monde visible les formes que son imagination a construites dans l’invisible au moyen de la matière cosmique inerte.

 

*

 

Vouloir, c’est pouvoir, est une des formules les plus incomplètes qui soient en magie.

Vouloir, c’est pouvoir, quand on veut selon l’harmonie universelle et selon l’accord du lieu et du fait.

 

*

 

Vouloir selon DIEU, voilà tout le commandement.

 

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Il ne suffit pas de désirer une chose pour qu’elle nous vienne, il faut la vouloir sans passion.

 

*

 

Pour bien user de la vie, il faut vouloir avec souplesse, surtout aux choses quotidiennes.

 

*

 

Pourquoi les honnêtes gens sont-ils en général vaincus ?

Parce qu’ils ne prennent pas la peine de réussir.

 

*

 

Vouloir le bien d’une façon radicale et immédiate est une erreur ; le bien ne se produit que par pénétration et de façon harmonique.

 

*

 

Il est impossible d’être heureux quand on ne fait pas le bien.

Et le bien est impossible, pour l’homme et pour l’État, sans la vertu et la raison.

L’État doit être juste et non pas passionné pour son intérêt et aveugle en ses désirs.

L’État doit être magnanime, c’est-à-dire préférer l’idéal à tout, et forcer les citoyens à cette préférence.

L’État doit préférer l’idéal de Justice même à l’intérêt apparent de tous ; car en suivant la justice, on rencontre toujours le vrai succès.

L’égoïsme ne mène ni haut ni loin, pas davantage l’État que l’individu ; la volonté qui n’adhère pas au plan providentiel sera infailliblement brisée.

 

*

 

Qui craint de se tromper n’ose rien et pâlit dans son coin.

 

*

 

La volonté de lumière rencontre parfois un obstacle qui n’a qu’un nom, l’inopportunité. Il y a des saisons convenables pour les réformes, comme pour les émondages, les plantations et les greffes.

En vertu de l’axiome hermétique : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », on peut prendre analogie du monde physique pour le domaine métaphysique. Il y a un art de la volonté, c’est-à-dire un sens très exquis du quand et du comment, sans lequel les meilleures tentatives ne produisent que du désordre.

 

*

 

Destin ! Destin ! barrière qu’on ne franchit pas !

Borne posée par les dieux et que nul ne renverse !

Désespoir de la volonté !

 

*

 

Qui se résigne commence à mourir !

 

*

 

Le mal n’existe pas en Dieu ; dans l’homme, il n’est qu’une conséquence de la série. Sujets à des besoins organiques impérieux, à des passions violentes, à de fausses idéalités, nous avons à vaincre ou notre conscience, ou notre sensation, et cette lutte entre plusieurs forces engendre des accidents qui sont un mal.

Il faut déduire du mal le bien dont il est l’occasion.

Or le bien qui est Dieu doit triompher et triomphe, en effet, par la suite et l’entraînement des choses qui échappent à notre débile attention.

 

*

 

Le mal peut réduire le bien à l’impuissance, si le mal est offensif et si le bien est seulement défensif.

 

*

 

Dieu ne fait pas de miracles pour les inertes.

 

*

 

Qu’est-ce que l’honneur ?

La barrière infranchissable que l’homme établit librement entre l’idéal et l’intérêt.

 

*

 

Au lieu de condamner, il vaudrait mieux chercher à comprendre et sonder les mobiles profonds qui font agir les êtres.

 

*

 

Voici une proposition expérimentale vraie :

La vertu est encore le meilleur parti, même pour l’égoïsme et la jouissance.

 

*

 

AVOIR est le verbe du bourgeois, être animique et passionnel qui thésaurise plutôt que jouir.

ÊTRE est le verbe du peuple.

CONCEVOIR est le verbe de l’intellectuel.

 

*

 

L’ironie sépare les cœurs, la pitié les assemble.

 

*

 

Le Sphinx : tête d’homme, mamelles de femme, corps de lion ; cela se lit couramment : pensée, passionnalité, instinctivité.

La tête pense, le sein suscite le désir d’où naît la passion et son fruit est la génération, et l’animalité reste la forme de l’homme

Le Sphinx représente l’humanité confiante en la résurrection que manifeste chaque aurore. Ésotériquement, il représente l’état initial de l’homme qui est identique à son état final. Il lui enseigne le principe d’évolution et le secret du bonheur.

Le secret du Sphinx se déchiffre par le mot amour, héraldiquement signifié par le rapprochement de la barbe et des seins.

Le Sphinx incarne la théologie complète avec la solution des origines et des finalités, credo de pierre plus synthétique et plus clair que les rédactions conciliaires. Un dogme anime la plus vieille figure que nous connaissions, un dogme qui établit avec clarté le plan du devenir.

 

*

 

Le Sphinx n’est pas un symbole étonnant pour sa date ; il est le plus formidable symbole.

 

*

 

Voici comment le Sphinx parla au Sâr Péladan :

Tu crois que les verbes magiques sont : savoir, vouloir, oser et se taire ? Il en est un qui les résume tous : savoir obéir ; cela signifie soumettre les moyens au but, les détails à l’ensemble.

La Vérité doit être à la mode du temps où elle se manifeste ; et ta répulsion à la vêtir du complet démocratique la fait huer comme une impudique. Si tu veux convaincre, n’étonne pas ; si tu veux être suivi, parais suivre toi-même ton troupeau ; si tu veux être écouté, laisse parler les autres. La Vérité par elle-même n’est qu’un scandale, comme serait la beauté nue se montrant à tous. Il ne faut pas invoquer la justice contre les lois, l’idéal contre les arts, la charité contre les mœurs ; il faut justifier les lois, idéaliser les œuvres, altruiser les mœurs, par des actes de législation, de création et d’exemple. Prêcher est vain : réalise. Ne dis pas : « Telle chose doit être ainsi », fais-la ainsi. Ne dis pas : « L’art doit fuir la réalité », mais fais l’art idéaliste.

 

*

 

Le Sphinx androgyne nous transporte hors du temps et du lieu, hors des passions, dans le domaine des archétypes, le plus haut où atteigne notre pensée.

 

*

 

Le vœu d’idéalité engage ton être ; il faut croire à la beauté, espérer de la mériter et de l’obtenir dans l’éternité de lumière.

On ne concilie pas le café et le musée, le cercle et la cathédrale, le sport et la bibliothèque. Pour fréquenter les génies, il faut renoncer aux imbéciles et les fuir.

Chaque fois qu’un homme approuve mentalement un acte ou une idée, il s’y associe et participe dès lors au jugement éternel que mérite cet acte ou cette idée.

 

 

*

*     *

 

 

16. Charité

 

L’énigme de cette vie, c’est bien l’amour, et le mot de cette énigme, c’est la charité.

 

*

 

Et moi qui ai si longtemps cherché la clef des grands mystères dans la Kabbale, même après que le Sphinx eut parlé, je n’ai trouvé qu’en toi, séraphique François, le vrai ésotérisme, ô mage véritable, thaumaturge certain, clarté d’aurore au monde de l’esprit.

Tout ce qui vient du ciel s’appelle charité ; et tu es son vivant miracle, homme d’amour, réel surhomme.

L’amour est bien la vie, la voie et la lumière, et pour le rendre pur, il faut qu’il soit ardent et qu’il use toute sa matière.

 

*

 

Charité, c’est le mot de l’antique énigme. Qui donne s’enrichit ; qui obéit augmente en dignité ; qui souffre va jouir et qui meurt va renaître. Dieu lui-même paie les sacrifices et il paie en Dieu, c’est-à-dire en éternité. N’envisage jamais ni le temps, ni le lieu, vaines réalités sans cesse en mutation ; ne sois pas de ton siècle, mais du « siècle des siècles ».

 

*

 

La charité est un double mouvement d’aspiration vers Dieu et d’expansion sur autrui ; qu’on ne le confonde pas avec la philanthropie.

La charité ne donne pas à tous indifféremment le même secours, et pour le choix de ce secours, il faut une grande puissance de pensée.

 

*

 

La Charité est la marque de l’homme, le signe de son immortalité.

La charité est l’au-delà du devoir, c’est aussi l’au-delà de l’amour.

 

*

 

La charité est cet amour qui ne choisit ni ne reçoit rien, donnant toujours, et la parfaite beauté sera cette beauté qui utilise son prestige et passe dans le monde, souriante et bonne, comme une allégorie de l’au-delà harmonieux et vermeil.

La science nous apprend que l’idéal vivant console l’âme comme une chaleur plus subtile, et la civilisation, c’est-à-dire l’œuvre humaine collective, dépend des sourires comme des pensées...

Parfois les âmes sont sauvées par une forme pure enfermant un désir abstrait.

 

*

 

L’homme légitime ses passions, dans la mesure où il y fait entrer la charité ; et la charité, c’est le sentiment de la perfection.

 

*

 

Chacun propose au monde son propre idéal, avec une partialité fatale et un invincible aveuglement à toute autre conception.

L’état préférable n’est ni la virginité, ni le célibat ; le meilleur et le plus heureux est l’état de charité.

 

*

 

Ne gêner personne, c’est le commencement de la charité.

Ne pas être gêné, c’est la moitié du bonheur.

 

*

 

Toute révulsion d’un désir opéré par prudence, par souci des conséquences, ne signifie rien au sens spirituel.

On arrive à confondre la charité avec une impression très égoïste. Le spectacle de la souffrance physique agit sur nous douloureusement, et nous la soulageons pour nous soulager.

L’aumône et la fréquentation de l’église à la fin d’une vie, et par crainte de l’enfer, ne méritent aucune estime.

 

*

 

Chacun s’exagère la part de vérité qu’il entend. Cette infatuation rentre dans les phénomènes constitutifs de notre espèce. Il ne faut pas en accuser telle ou telle doctrine, mais au contraire déduire de chacune le poids d’humanité, c’est-à-dire d’aveuglement qui l’obscurcit.

Le remède à ces maux constitutionnels se trouve dans la charité.

 

*

 

Être charitable, c’est se donner ; être amoureux, c’est s’emparer d’autrui.

 

*

 

Chacun n’a pitié que de soi-même dans les autres.

Le mystique ne songe qu’au salut et s’il s’occupe d’autrui, ce sera pour le sauver.

Comment celui qui considère les malheurs comme des grâces d’En-Haut, des occasions d’expiation et de mérite, s’apitoierait-il sur ces mêmes malheurs ?

La charité est donc limitée, dans chaque homme, par une conception du bien et du mal ; et le saint, littéralement dévoré d’amour du prochain, paraît à ce même prochain un implacable bourreau. Voilà pourquoi toute la théologie morale a besoin de révision.

 

*

 

La charité ne connaît pas de limites ni de frontières.

Nettement le cœur qui bat de charité pour l’humanité totale bat plus haut que si cette charité finit à un fleuve ou à une borne.

 

*

 

Beauté d’esprit et de forme : voilà le haut païen.

Bonté de cœur et d’esprit : voilà le haut chrétien.

Et la bonté, lorsqu’elle est consciente, devient la charité.

Elle ne consiste pas seulement aux œuvres de miséricorde, elle s’élève aux soins de lumière.

 

 

*

*     *

 

 

17. Justice, Vérité, Progrès, Égalité

 

La Vérité, ou bien de la pensée, suppose la compétence ; mais comme il y a des matières où nul homme n’est compétent par lui-même, il faut reconnaître des assertions telles que la révélation, la tradition. Il faut admettre que certains hommes, les plus grands, reçurent des lumières spéciales ; enfin que nous avons tout profit à les suivre.

Donc, la beauté de l’âme, la justice des actions et le zèle pour la vérité, nous apparaissent les trois notions qui forment le civilisé et la civilisation.

 

*

 

Si on recherche la vérité pour soi-même, la prière qui atteint l’illumination, l’admiration des chefs-d’œuvre qui atteint l’enthousiasme en découvriront davantage que le raisonnement ; il ne viendra qu’en dernier, faire un office d’ordre et de concordance.

 

*

 

La vertu n’est pas une force actuelle et immédiate.

 

*

 

Les dons sont toujours les signes d’un devoir extraordinaire.

 

*

 

Un droit n’est jamais que l’envers d’un devoir.

 

*

 

La justice est l’harmonisation des devoirs et des droits.

Il n’y a pas un peuple et pas un individu qui aient tiré un bien durable d’une injustice. Il y a pour l’un et pour l’autre de terribles purgatoires.

 

*

 

Les forces morales sont aussi réelles que celles de l’électricité, de la vapeur et de la chaleur.

 

*

 

Et voici les conditions de moindre malheur :

 

PRUDENCE, JUSTICE, FORCE, TEMPÉRANCE.

 

*

 

La vérité de quelques-uns devient la pire erreur proposée aux autres.

 

*

 

Le progrès est un mot vide de sens ; en effet, les primaires ne pensent qu’au progrès matériel et ne voient que lui ; ils ignorent qu’il est nul et même fatal lorsqu’il n’est pas accompagné d’un progrès spirituel équivalent.

 

*

 

Le progrès, s’il y en a un, ne consiste pas à changer une doctrine pour une autre, mais à les envisager toutes avec justice.

 

*

 

Le progrès, mot de passe des ignorants et des incapables.

 

*

 

Égalité ! Mais toute la nature proteste contre l’égalité et proclame la hiérarchie.

 

*

 

Liberté, Égalité, Fraternité :

trois impostures, car

le vrai nom de liberté, c’est DEVOIR ;

le vrai nom d’égalité, c’est HIÉRARCHIE ;

le vrai nom de fraternité, c’est CHARITÉ.

 

*

 

L’idée d’égalité, si récente qu’on la chercherait vainement avant le XVIIIe siècle, contredit trop à la science pour paraître dans l’entendement hellénique. On fonda des mystères pour satisfaire l’exception. L’ésotérisme sera toujours le meilleur procédé contre l’hérésie ; il contente l’individu et le décide à ne point troubler l’ordre établi.

 

*

 

Notre époque se distingue par « la courtisanerie du collectif ».

N’est-ce pas étrange que l’on n’ait pu concevoir la justice sans l’accompagner de cette erreur impardonnable pour une époque qui s’attribue l’esprit scientifique : l’égalité ! La nature n’est qu’une hiérarchie d’espèces, non de fonctions.

 

*

 

Le peuple veut l’égalité qui est la négation de la justice.

 

*

 

Au ciel règne la parfaite hiérarchie ; il ne s’y trouve pas deux esprits sur le même plan ; chacun diffère en quelque chose.

L’égalité, cette niaiserie, satisfait à l’esprit d’envie qui inspire l’humanité.

 

*

 

La soif de possession engendre une espèce de maladie du sommeil.

 

*

 

On est toujours méchant quand on a tort.

 

 

 

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CHAPITRE III

 

1. L’Homme. 2. La Femme. La Mère. 3. Amour. Aimer. 4. Le Mariage. 5. Engendrer. 6. Le Bonheur. Le Bien. 7. L’Harmonie. La Hiérarchie. Le Désordre. 8. La Colère. Les Défauts. 9. La Douleur.

 

 

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1. L’Homme

 

L’homme cherchera à se maintenir dans son essence et à conserver son mode propre.

Son essence, c’est d’être intermédiaire entre la matière et l’esprit ; son mode propre est la pensée.

 

*

 

Il y a dans l’homme une imperfection sérielle évidente ; être organique et abstracteur, il mène une double vie : animale et angélique.

 

*

 

Toute élévation de l’homme est surnaturelle. Tout moyen de l’élever est artificiel.

 

*

 

Le premier soin de l’homme supérieur, dès qu’il est conscient de lui-même, réside à sculpter, à ciseler son être moral ; la théorie de l’initiation chrétienne n’est que l’initiation sublimée.

Oui, l’homme a le devoir et le pouvoir de se créer une seconde fois, selon le bien.

On demande quel est le but de la vie ? Il ne peut être, pour l’homme qui pense, que l’occasion et le moyen de faire un chef-d’œuvre de ce bloc d’âme que Dieu lui a donné à travailler ; et comme la plupart ne songent pas à accomplir cette seule œuvre commandée, l’enfer, devenu nécessaire, sera peuplé par les entêtés pervers qui n’auront pas voulu se recréer.

Le ciel peut se définir la corporation du bien ; on n’y entre qu’après avoir fait son chef-d’œuvre, c’est-à-dire après avoir soi-même séparé « la terre du feu, le subtil de l’épais », comme dit la Table d’Émeraude.

 

*

 

Nous avons trois vies à entretenir qui veulent des soins différents ; et celui qui observe la proportion de cette triplicité apparaît déjà un juste.

Entretenir la vie spirituelle par l’application au mystère : voilà l’office de conservation et d’accomplissement de l’esprit, qu’on opère par l’étude, la prière ou la contemplation.

L’homme supérieur se propose chaque matin de lire ou de voir une merveille ; ou de relire et de revoir, ce qui est plus aisé et aussi profitable ; et il s’assure, au soir, qu’il a eu son moment d’abstraction, de pensée pure ou d’enthousiasme.

Heureux qui développe en lui la vie intellectuelle, la seule qui ne déçoive jamais, la seule où le progrès soit constant, le succès à jamais acquis.

Confondre la sensation avec la conscience, ou celle-ci avec l’intelligence, suppose une étourderie étrange.

La vie organique s’entretient animalement, la vie animique affectivement ; la vie spirituelle a besoin d’ascèse, de nutrition, d’éléments.

 

*

 

L’homme découvre d’instinct que sa vie a trois modes : le besoin qui est le plus impérieux ; le sentiment qui est le plus agréable ; et l’idée qui est le plus élevé.

La religion va lui apprendre à limiter ses besoins, ce qui le rendra plus indépendant, et à orienter sa sensibilité, ce qui le préservera. Quant aux idées, elles n’auront leur complète satisfaction que dans l’occulte.

 

*

 

La nature crée des castes par la distribution inégale des facultés.

L’homme est composé d’un organisme, d’une âme et d’un esprit.

L’harmonie du tout résulte de la subordination des trois plans : de la sensation, du sentiment et de l’idée.

Il y a trois séries phénoménales dans l’homme : les besoins, les passions et les idées.

Il y a trois Normes phénoménales dans l’univers : la force des choses ou Destin ; la volonté de l’homme ; et la Norme divine ou Providence.

Il y a donc trois séries humaines : les instinctifs que domine le Destin ; les passionnels qui font leur volonté ; et les providentiels qui font selon la Norme.

Ce sont les trois castes voulues par le Créateur. Héréditaire, la caste contredit à l’expérience ; la cérébralité ne se transmet pas ; mais la caste est ouverte à quiconque la mérite ; et seulement à celui-là, elle est juste.

 

*

 

La vie dans l’homme affecte trois plans : le physique, l’affectif, le spirituel.

Admettez qu’il en soit des œuvres comme des hommes, et qu’elles vaillent selon leur hauteur intellectuelle, leur noblesse morale et leur beauté physique. Cela seul constitue une esthétique.

 

*

 

L’homme est un animal esthétique autant que religieux, il sent la perfection sans pouvoir la définir ; elle lui cause un noble plaisir.

 

*

 

L’homme supérieur est celui qui tend à un idéal positif au mépris de ses intérêts matériels.

 

*

 

Un homme, dans le grand sens, ne se définit pas par la fantaisie ; un homme véritable est celui qui accomplit le pèlerinage au tombeau des ancêtres et reçoit le baiser de la tradition.

 

*

 

L’homme, actif au cérébral, est passif au sentimental ; il engendre des idées et reçoit des sentiments qui, à leur tour, s’idéalisent.

La femme, nulle au cérébral, est active au sentimental ; elle génère des sentiments et reçoit des idées de l’homme qui, en elle, se sentimentalisent.

Le désir de l’homme commence d’abord physique, celui de la femme d’abord sentimental.

 

*

 

Nous devons à nos pères ce que nous sommes.

Nous ne serons jamais assez reconnaissants envers nos prédécesseurs, ni trop appliqués à léguer intact sinon accru, à nos successeurs, le saint héritage. « Aimez-vous les uns les autres », englobe les trois humanités.

Le culte des Ancêtres devrait être universel, et il préserverait bien des chefs-d’œuvre.

 

*

 

Pour ce qui est de l’homme, ses actions seules comptent, non ses ancêtres.

 

*

 

Pense ta vie au lieu de la vivre et tu seras, sinon un Pythagore, du moins un disciple de Pythagore.

 

*

 

Je pense, avec Pythagore, que l’homme à l’état accompli croit avec la religion, raisonne avec la logique et constate avec l’expérience.

 

*

 

Les rapports entre les hommes sont : ou naturels, la Force, ou raisonnables, le Droit, ou surnaturels, la Charité.

Ce dernier rapport n’est cité que pour mémoire d’un rêve divin, que l’individu réalise quelquefois, et la masse jamais.

 

*

 

L’homme est une lampe parfois précieuse et prismatique. Mais si le divin ne l’alimente, cette lampe, objet sans clarté et sans chaleur, ne mérite plus qu’on s’y arrête.

 

*

 

Le cœur humain ne sait pas donner : il échange.

 

*

 

Égoïsme, vanité, méchanceté, c’est l’homme ; désintéressement, humilité, charité, voilà le surhomme.

 

*

 

Il y a trois dédains nécessaires pour l’élite :

 

RICHESSE, HONNEURS, PLAISIRS.

 

*

 

L’homme sensible à la fortune, aux titres et aux voluptés se trouve tout occupé et incapable de convoiter les biens intérieurs.

 

*

 

La réalité est intérieure ; nous ne vivons que par nous-mêmes.

 

*

 

L’homme sage, amant ou visionnaire,

Porte son univers en lui.

Il ne s’informe pas du sentiment d’autrui,

Au milieu des réalités ne cherchant que son rêve.

 

*

 

Il n’est de victoire que du Verbe, et tant que la pensée plane, l’honneur est sauf.

 

*

 

Tout Verbe crée ce qu’il affirme.

 

*

 

Ne provoquons la Vérité que dans la mesure où on peut la concevoir. Que notre cœur soit de bonne volonté et la lumière l’emplira.

 

*

 

Quiconque croit avoir une idée personnelle est un sot. On ne pense pas à nouveau ; on associe et on applique, et cela s’appelle encore le génie.

 

*

 

L’individualisme s’exagère trop souvent ses droits et du même coup abrège ses devoirs.

 

*

 

Il faut beaucoup de FORCE pour s’abstraire de l’opinion et maintenir la sienne.

Il faut beaucoup de SAGESSE pour modérer sa foi et ne pas la dresser en combativité.

Le cadre de tous nos actes, c’est le TEMPS, mortel aux œuvres positives et de réalisation, salutaire aux œuvres spéculatives et d’ascèse.

 

*

 

Il faut réagir contre l’emprise de la foule médiocre. Ne pas craindre de déplaire au grand nombre.

On ne sait qu’on porte du feu qu’à l’effarement des hiboux.

 

*

 

C’est toujours un mal de vouloir être seulement de son temps. La force d’un être dépend également de sa conscience du passé et de son pas vers l’avenir.

 

*

 

Le plus grand caractère hors de son milieu devient grotesque.

L’homme civilisé est tellement envoûté d’un brutisme spécial qu’il ne comprend rien, hors de certaines formes ossifiées dans son esprit.

Il existe une nécessité dans l’échelle évolutive, et l’homme, si grand qu’il soit, se limite par son temps ; le génie ne saurait être que l’expression surélevée d’une période.

L’homme dans son évolution passe successivement par l’état où domine d’abord l’Instinct, puis le Sentiment et enfin la Pensée.

 

*

 

Vivre n’est pas exercer une profession quelconque selon une honnêteté moyenne et, après avoir développé seulement sa mémoire, se cantonner dans un emploi public.

Vivre, c’est bien plutôt écouter son cœur, multiplier ses impressions, augmenter sa conscience, communiquer avec l’essence des choses et l’esprit des êtres.

 

*

 

L’être qui se cultive en ce monde se prépare des joies infiniment plus nobles que le simple dévot.

La première condition du mérite, c’est le souhait, le désir ; chacun trouvera ce qu’il aura mérité.

L’éternité bienheureuse n’aura d’autre mesure que notre force à la supporter.

 

*

 

Celui qui se satisfait n’a qu’un idéal bas et confus, ou mieux point d’idéal.

Celui qui conçoit haut et grand se juge toujours imparfait et incomplet.

À vrai dire, l’artiste s’enivre à concevoir l’œuvre, tremble à l’exécuter, et, l’ayant faite, s’estime heureux d’en avoir été capable, sans cesser de voir plus haut que sa réalisation. Toutefois le principe demeure :

Qui se contente a peu souhaité, ou mieux ne connaît point l’idéal.

Car dans le domaine de la perfection, qui est parallèle à la recherche de l’Absolu, le but reste intangible par essence.

 

*

 

La noblesse consiste en aristocratie d’intelligence et en aristocratie de dévouement.

Se sacrifier à une idée, à une cause, au prochain, c’est imiter le Sauveur ; et manifester une pensée en une œuvre, c’est prouver l’âme.

La noblesse est tête ou cœur, vertu ou chef-d’œuvre.

 

*

 

Nul ne peut se prétendre noble, quelle que soit sa race, s’il ne possède pas les fruits de la vraie noblesse morale. Celui qui les possède est semblable aux dieux.

 

*

 

La marque de la haute humanité, aristie, élite, paraîtra dans son rôle altruiste.

 

*

 

Nul ne vaudra par lui-même, et l’individu prouvera sa dignité, comme le soleil, par son éclat et sa chaleur.

 

*

 

Il n’y a qu’une preuve de la valeur d’un homme : son œuvre.

 

*

 

La race d’un homme apparaît dans ses propensions : noble s’il est attiré par le noble ; manant s’il va de soi à la vulgarité.

L’aristie consiste dans un choix perpétuel entre les impressions offertes de la vie et de l’art. Elle veut le rejet brutal et sans appel du réel et du bas ; elle veut l’exclusivisme dans la recherche des sensations d’au-delà.

 

*

 

Tu peux descendre jusqu’au niveau de la bête et tu peux t’élever jusqu’à devenir un être divin.

 

*

 

Se conquérir sur la série et l’ambiance, sentir et penser librement, est une telle entreprise que nul n’y parvient de lui-même ; il y faut la leçon des plus grands esprits et l’appuiement au passé, comme l’orientation abstraite.

 

*

 

Il y a très peu d’êtres qui s’estiment assez pour désobéir à l’opinion générale et suivre la leur ; il faut être quelqu’un pour devenir réfractaire.

 

*

 

Ce n’est pas assez dire que nous ne comprenons que nous-mêmes. Nous nous aimons dans les autres, indulgents à autrui, là où autrui nous ressemble et s’offre comme un miroir complaisamment amplificateur. Il y a harmonie, d’abord par similitude, et ensuite par réflexion.

 

*

 

Il y a fort peu de civilisés qui pensent leur pensée ; il y en a bien moins encore qui vivent de sensations personnelles. Fort peu savent être soi ; la plupart n’aspirent qu’à entrer dans un cadre conventionnel, imposé par la médiocrité de la foule.

On ne possède que ses conceptions et ses souvenirs. Cela ne peut vous être enlevé, et quelque notion que l’on ait du devenir, ce qu’on a pensé et senti n’est pas seulement vôtre, cela est vous.

 

*

 

N’essaie pas de faire ce que tu ignores... Tes périls sont tes témérités.

Celui qui est ou qui se croit malheureux est un être en déficit de personnalité et il devient subordonné à l’autrui cosmique ou social.

Il ne suffit pas d’avoir raison et bon droit sur cette terre ; il les faut imposer, non par la violence, mais par ce dynamisme de l’inertie consciente qui usera toutes les fureurs.

Le miracle qui figure le plus grand secours que l’homme puisse attendre, se produit toujours en exacte proportion au mérite ou au destin de celui qui en est l’objet.

 

*

 

Le témoignage des sens est certain, mais il ne témoigne que de la sensation ; et la sensation a deux façons d’être : l’animique et la spirituelle.

La vie est un combat, donc une souffrance.

 

*

 

Quel que soit son état social ou sa fortune, l’homme ne se sauve que par la pratique d’une vertu qui lui apportera la paix intérieure qui est le bonheur suprême, surpassant de beaucoup le bonheur terrestre qui est simple jouissance matérielle et transitoire.

Toutes les choses simples ne sont pas vraies, mais toutes les choses vraies sont simples ; équitablement, les religions qui expliquent pour la plupart le mystère d’une façon satisfaisante, sont moins obscures et compliquées que les philosophies.

Ce sont les hommes qui sont leurs propres bourreaux et qui se martyrisent les uns les autres ; c’est l’absence de vertu qui crée l’accaparement et la pénurie des autres.

 

*

 

Tout ce qui n’élève pas abaisse, et ce qui n’améliore pas corrompt ; ni une lecture, ni une contemplation ne sont indifférentes.

Nos ennemis immédiats sont en nous ; l’instinct qui nous pousse à nous inférioriser et sans cesse nous tire vers l’animalité, et la trop grande réceptivité sentimentale nous rendent extrêmement sensibles à l’influence d’autrui.

 

*

 

Dans le sommeil, l’homme découvre un nouvel horizon. Les songes, comme un miroir d’acier, reflètent le destin.

 

*

 

L’homme social est doué d’une telle plasticité qu’il reçoit sa forme morale de l’opinion générale ; lorsqu’elle est vive et unanime, il incarne l’idéal avoué ou inavoué de son milieu.

 

*

 

Les bienséances mondaines, ces conventions qui semblent si puériles, sont cependant des conditions de paix et des éléments de tranquillité.

Il faut une contrainte mutuelle pour éviter le heurt des caractères.

 

*

 

La paix est la seule fleur céleste que la terre consente parfois à porter et que l’homme puisse cultiver.

 

*

 

La corruption des voies spiritualistes de l’homme est un fait désespéré.

L’anarchie de la rue passe comme un cyclone, l’anarchie intellectuelle est sans remède, si l’individu ne reconnaît point d’autorité abstraite.

 

*

 

La conscience est une comédienne, elle met les masques à certains moments.

 

*

 

Il ne faut pas avoir d’ennemis, c’est-à-dire qu’il ne faut accorder à personne assez d’importance pour lui opposer sa propre personnalité ; les hostiles sont inévitables, non pas toujours funestes.

Il n’y a pas de véritable impuissance, nous dispersons nos forces, voilà la raison de nos avortements.

La partie perdue humainement se gagne au ciel, si tu joues le jeu divin. On peut momentanément paralyser tes forces, mais ta volonté se projette jusqu’aux anges qu’elle réjouit.

 

*

 

Le moderne ne s’étonne plus, il est à l’épreuve du miracle ; les anciens prestiges ne sauraient que l’amuser. Esprit fort, il a annulé, en lui, l’écho de l’au-delà ; il n’entend plus que sa toux, ne voit plus que son ventre et ne comprend que lui-même.

 

*

 

À la façon dont les hommes s’amusent, comment ne pas croire que l’animalité, pour beaucoup, serait un haussement et une purification ?

 

*

 

Pour compléter la vue claire du philosophe, il faut la vision intérieure du mystique.

 

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Action au sens maléfique s’écrit destruction.

 

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Les maux qui viennent de notre condition sont moindres que ceux que nous fomentons :

Nous détestons la mort et nous faisons la guerre ; nous redoutons la souffrance et la plupart des maladies sont notre ouvrage.

Contre la peste, les civilisés mettent en commun leurs efforts, mais notre étourderie va si loin que nous ne croyons pas encore aux poisons philosophiques et à la nocivité des idées.

 

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Les conséquences de nos actes sont d’une incalculable portée ; moralement rien ne se perd, et chacun peut considérer lucidement son devenir comme le total de ses actions bonnes et mauvaises.

 

 

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2. La Femme. La Mère

 

Le rôle de la femme sera de développer en elle au maximum son inconscient supérieur, son intuition, et secondement de maîtriser le courant de Nahash, le tourbillon de l’inconscient inférieur et sensuel.

Le rôle de la femme est d’être l’inspiratrice, la muse qui fomente l’action et l’œuvre de l’homme.

Fée, tu seras l’inconscient supérieur d’un corps et d’une âme ; refoule l’inconscient inférieur, et tu agiras sur autrui dans la proportion même où tu auras agi sur toi.

Ton pouvoir peut être grand si tu adhères à la lumière. Devenir lumineuse en accumulant sur soi des reflets d’abstraction mâle, et comme la lune aviver la vie sentimentale autour de soi, voilà le secret.

La femme est littéralement et d’une façon universelle la vulgarisation de l’idéal, la mise à la portée de tous de l’au-delà. Elle est la beauté pour ceux qui n’entendent point l’art ; elle s’appelle la poésie pour qui ne pense pas ; elle incarne la volupté pour ceux qui ne savent jouir de l’esprit. Son destin est d’être la montée de presque tous, la descente de quelques-uns, incitatrice des inférieurs, apaisante de ses maîtres, émouvant les instincts, sérénisant la spiritualité.

 

*

 

Ô femme, tu es partie intégrante, et de l’homme, et de l’art, et de la culture ; en te sauvant tu les sauves.

Épouse l’inconscient supérieur, épouse l’idéal, ma sœur ; je te promets la gloire, je te promets le bonheur comme le salut.

Redeviens la fée, concerte ton effort avec celui du mage et qu’ainsi l’androgyne soit reconstitué pour le règne de Dieu.

Il y a une coquetterie de l’âme qui consiste, comme celle du corps, à paraître aussi jolie que possible, et, pour une femme, paraître, c’est être. Il y a une toilette des sentiments comme des membres.

Ma sœur, il faudrait tâcher de comprendre que les pensées et les mots eux-mêmes sont des forces, soit que tu les penses, soit que tu les prononces, soit que tu les écoutes, ils donnent la mesure de ce que tu inspireras.

Lorsqu’une femme officie d’une façon permanente le rite de la double beauté physique et morale, non pas à l’égard d’un être, mais à l’égard de tous les êtres, elle est fée.

 

*

 

Dès qu’elle paraît aux yeux d’autrui, même des parents, la femme doit rayonner une paisible joie ; il faut que sa présence fasse épanouir les visages ; il faut qu’elle charme, même chez elle, même les siens.

Rayonner la beauté et la bienveillance est pour la femme un office magnifique ; c’est là une fonction angélique, un rôle providentiel, quelque chose de si fécondant que la réalisation en serait presque sacerdotale.

Qui n’est pas prêtresse de vertu, de beauté, de bonté, n’existe pas.

Une femme ne vaut que par ce qu’elle rayonne sur autrui de lumière et de paix. Sa fonction est l’apaisement et la sublimation de l’homme

 

*

 

La femme ne donne sa mesure que par ce qu’elle inspire, et c’est toujours inférieur d’inspirer des violences et du désordre. Celle qui laisse la plus apaisante impression en la quittant est la plus digne.

L’idéal réside à ne jamais être qu’un tremplin pour l’élan d’autrui vers l’au-delà et à ne demander à autrui que l’incitation supérieure.

Si une femme s’appliquait à chercher en quoi elle complète son mari et en quoi son mari la complète, l’harmonie viendrait entre eux.

 

*

 

L’art véritable de la femme est de faire le bonheur de l’être aimé.

L’intuition ne suffit pas à faire le bonheur, la réflexion est nécessaire.

 

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Normalement la femme devrait être le miroir d’idéalité dans lequel l’homme puisse voir son reflet.

La femme devrait jouer le rôle de l’arc-en-ciel ou du prisme ; en elle alors la pensée latente de l’homme se colore.

La femme est le miroir enchanté où l’homme contemple sa pensée, c’est-à-dire prend conscience de lui-même.

 

*

 

Pour une femme, quelle victoire d’être ambroisienne aux sens de l’aimé et de lui donner l’impression qu’il est aimé par lui-même.

L’identification de l’aimée à l’aimé devient ainsi le secret le plus subtil de l’amour vrai et durable.

Dans l’intimité, il faut opérer le bonheur d’autrui pour obtenir le sien.

 

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La femme n’a pas de plus grand prestige que sa pudeur ; et il faut l’entendre largement, d’un soin jaloux de sa personne et des bienséances de ses actes.

 

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Il n’y a pas de raison pour proclamer l’électricité positive superexcellente sur la négative, puisqu’elles sont également nécessaires au dynamisme.

Il faut donc ordonner l’un et l’autre sexe selon sa fonction propre.

Aucune forme d’activité n’est interdite à la femme, mais son mode diffère de celui de l’homme.

Il y a grand péril pour la femme à vouloir jouer le rôle de l’homme alors qu’elle peut tirer de lui toutes les réalisations. Cependant, il n’y a pas de féerie qui réalise les desseins mal conçus, car réaliser signifie autant conserver qu’obtenir, conquérir que garder.

La féerie consiste à ne formuler que des desseins harmonieux de soi à l’heure des choses. Le succès est une succession d’accords frappés par le vouloir selon le rythme de la vie.

Sois femme, d’abord pour être heureuse, sois femme si tu veux devenir fée.

 

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Le sexe n’est pas une infériorité, mais une différence si radicale que, le nier, c’est déraisonner.

 

*

 

Pour vivre une vie harmonieuse, la femme doit rester dans la norme de sa création.

Les colonnes du temple de la femme s’appellent amour, devoir, et jamais œuvre. N’ayant pas son point d’appui en elle-même, elle doit réfléchir un homme ou Dieu.

 

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L’usurpation de la femme aux emplois masculins est en passe de ruiner l’équilibre antique du foyer ; la femme ne sera plus l’épouse, mais l’associée de l’homme et cela est une violation de la Norme.

 

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Au plus profond de l’âme féminine, il y a un sentiment d’or pur : la maternité, c’est le chef-d’œuvre du cœur ; aussi la mère doit-elle être pour tous le chef-d’œuvre des créatures.

Marie, mère de Dieu, étends un peu l’éclat de son nimbe sur toutes les mères.

Les œuvres comme les actes d’un homme sont tous des fleurons de la couronne maternelle.

La sœur de charité et la mère de famille sont incomparablement plus hautes que les amoureuses, même si on donne une égale valeur au plan de charité et au plan passionnel.

 

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Il y a dans la mère une splendeur qui n’appartient pas à la femme, mais sans doute descend du Ciel comme une grâce miraculeuse quand naît l’enfant.

La mère, être surnaturel, demeure éternellement puissante et bonne, comme si toute la féminité se brisait, soudainement sublimée, quand elle devient féconde.

Les anciens laissaient l’enfant au gynécée jusqu’à l’âge de dix ans, car durant cette période le père n’agit pas bénéfiquement, il se puérilise et c’est tout ; tandis que la mère couve admirablement, en sa qualité d’animique, la première éclosion qui est celle de l’affectuosité.

 

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Le premier mouvement ambitieux de l’humanité vers le mystère a palpité dans la sentimentalité féminine et non pas dans l’intellect masculin ; aussi la femme paraît-elle également, en sa témérité, une occasion de péril et un miroir d’idéal.

 

 

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3. Amour. Aimer

 

« Aimez-vous les uns les autres », a dit le Christ. Hélas ! cet idéal chrétien n’est pas encore formé.

 

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            L’amour vrai est l’union

            Consciente, initiée, savante,

            De deux âmes qui pensent

            Une pensée d’éternité.

 

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Aimer, c’est donner à autrui ce qui lui manque et prendre d’autrui ce qui nous manque ; aimer, c’est vouloir échanger son excédent contre un vide.

Le premier point de l’art d’aimer serait de concevoir l’amour comme une collaboration à la fois idéale et matérielle pour vivre les plus nobles émotions.

 

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On ne doit pas se marier seulement parce qu’on aime, la convenance des êtres ne suffit pas, il faut encore la convenance des destins.

 

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Aimer, c’est préférer quelqu’un à soi-même, et lui sacrifier même son amour ; le reste, des blagues, en réalité, le duel de deux égoïsmes.

 

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On ne juge pas ceux qu’on aime et on leur donne ce qu’ils demandent.

 

*

 

Celui qui ne se donne pas à autrui, en quelque manière, se consacre inconsciemment à lui-même, et voilà le pire tête-à-tête, car l’égoïsme s’y développe monstrueusement.

 

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L’amour est la simultanéité d’attraction entre deux êtres.

L’amour n’existe que par attraction nerveuse.

Deux êtres sont-ils très matériels, l’attraction entre eux sera animale ; si leur sensibilité est exquise, l’attraction sera animique ; si leur imagination est cultivée, l’attraction sera idéale ; mais toujours les nerfs seront le moyen du phénomène.

Aimer, c’est s’épanouir en autrui qui s’épanouit en vous.

En amour, tout ce qui n’est pas le fait d’un double d’enthousiasme est immonde.

 

*

 

Aimer, c’est accepter un être pour limite ; il y a de quoi faire reculer un héros. Mais l’être qu’on accepte tel doit se modifier.

Le couple qui se trouverait identique, après des années, n’aurait tiré aucun profit de sa communion. D’action en réaction, deux amants se modèlent l’un l’autre, et comme ils arrivent à se ressembler d’aspect fort souvent, quelque chose de l’âme passe de l’un à l’autre.

La liberté de l’homme tient toute dans la faculté d’évoluer.

 

*

 

Amitié ou Amour sont des corrections de nous-mêmes par autrui. On s’use, mais on se polit ; le contact moral est analogue à la taille d’un cabochon, qui perd de la substance, mais qui gagne de la lumière. Rien ne remplace cette usure nécessaire, ce limage du moi sur autrui.

 

*

 

J’ai cru autrefois qu’on créait les évènements, je sais aujourd’hui qu’on se borne à les suivre ; tout verbe crée ce qu’il affirme dans la mesure où son affirmation réalise la fatalité, c’est-à-dire l’harmonie des lois et des volontés. L’homme ne crée que ses rêves ; dans l’action, il ne réussit que par autrui.

En quoi consiste l’œuvre d’amour ? En une sorte de greffe d’une personnalité sur une autre.

 

*

 

L’Amour n’est que l’effort du Moi pour se compléter et se confirmer.

 

*

 

Aimer, ce n’est pas seulement jouir d’un être, qui jouit de vous, c’est s’élever par lui, en l’élevant avec soi.

Aimer, c’est s’ingénier, se dépenser, pour consolider et accroître non seulement le foyer matériel, mais aussi le foyer animique et la qualité de la tendresse.

L’évolution amoureuse commence de l’instant où on se propose un idéal d’existence commune, où l’on a le même souci de la beauté de l’âme que de celle du corps et où l’on jouit de l’une et de l’autre.

 

*

 

En amour, le plus doux commerce sera celui où il y a le plus d’impressions et le moins de paroles... Il est vrai qu’il faut s’aimer beaucoup pour pouvoir se taire.

 

*

 

Chacun dans la vie tend à se méprendre sur lui-même et s’attribue des facultés autres que les siennes. On se trompe sur son espèce, plus encore que sur sa valeur. La réalisation est proportionnelle au renoncement.

Ne pas se faire de mal quand on s’aime, voilà la plus rare des perfections.

 

*

 

Aimer hors de son temps, sans confidents, sans complices, c’est doubler ses joies, en y ajoutant la saveur du mystère.

Il faut cacher son bonheur dans le monde, comme on ferait pour la chaîne de sa montre dans la foule. N’excitez ni les chiens, ni les hommes, si vous voulez la paix.

 

*

 

Chaque fois qu’il y a motif à aimer, il y a motif à œuvrer.

 

*

 

Comment manifester de la bonne volonté en amour ?

Idéaliser le matériel, matérialiser l’idéal, ou mieux, spiritualiser la sensation, sentimentaliser l’idée, c’est le même effort dans des sens différents.

Le réalisme ne vaut pas mieux en amour qu’en art.

 

*

 

L’amour est, au fond de tous, ferment universel ; il ne s’agit que de tirer de sa fermentation des vertus au lieu de vices ; ce n’est nullement impossible.

 

*

 

L’Amour est le désir simplement, sans aucune spécification, et le désir exprime un besoin, une lacune, un manque.

L’Amour se dirait donc le mouvement d’un être vers un autre, qu’il soit fugitif et lascif, affectif et profond, idéal et durable.

Le Désir est cet effort de l’être qui cherche à s’accomplir.

L’homme corporel désire la volupté, l’homme passionnel, la tendresse, l’homme spirituel, l’intellection.

La science de l’amour sera donc la connaissance de la volupté, de l’affectivité et de la subtilité.

 

*

 

La vraie volupté vient du cœur et non du corps.

 

*

 

Pour vaincre, il faut aimer ; et pour aimer l’homme, il a fallu l’exemple de Dieu et sa propre humanisation ; Il a voulu nous apprendre par son exemple que sans le sacrifice, aucun effort n’était efficace ; que la douleur est la vie même ; voilà pourquoi il est divin de pallier la douleur autour de soi, sans penser à l’abolir en soi.

 

*

 

L’irrévocabilité d’un choix passionnel n’a pu être conçue que par des célibataires ; et le divorce n’est pas seulement un droit de l’individu, c’est aussi la seule garantie des mœurs 1.

De vrais amants l’emportent en dignité sur des époux ordinaires.

Les amants qui peuvent se marier et qui ne le font pas ont tort ; mais ceux qui se marient sans s’aimer sont encore plus coupables.

L’indissolubilité d’une passion est une conception idéale ; et l’idéal se trouve bien au-delà du devoir, comme la sainteté est au-delà de la dévotion et le génie au-delà de la culture.

 

*

 

Mieux vaut entonner quelques tons plus bas que de manquer de voix, car la vie est longue et il ne faut pas s’essouffler si on veut la marcher heureusement.

Si l’être aimé ne compense pas l’abdication partielle où nous sommes forcés, par une abdication semblable, si chacun ne renonce pas un peu à lui-même, la communion n’existe pas. On ne juxtapose pas deux êtres, ils se mêlent ou bien ils doivent se quitter ; et l’indissolubilité de l’union sexuelle appartient à l’histoire des folies législatives.

 

*

 

Les facultés de l’âme ne sont que des opérations diverses de l’amour, la pensée n’est que de l’amour cristallisé.

 

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L’amour est le salut par le bonheur qu’il apporte, par l’harmonie qu’il projette. Une civilisation n’est que la perfection d’amour.

 

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Chacun ne s’intéresse qu’à lui-même dans l’amour ; ne cherche donc pas de dévouement. Ne te plains jamais ; sois optimiste. On ne soulage pas ceux qui pleurent et on fuit les gens aigris et rageurs.

 

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Le but de l’amour est l’harmonie entre deux êtres pour qu’ils se complètent.

L’idéal a deux aspects, le rêve et la réalisation. Aucun de ceux que nous vénérons n’a réalisé son rêve d’idéal. Les traités de mystique disent comme les traités de peinture, que celui qui est content de son effort ne progresse pas. Proposons-nous des buts réalisables : le perfectionnement par l’amour s’offre. Rien ne peut lui être comparé, pour la logique et la sûreté des résultats.

 

*

 

Si nous n’aimions pas, si, vivant sans souffrance, nous nous fermions aux faiblesses, nous n’entendrions plus le luth harmonieux des choses, et les sanglots des tremblants peupliers ; nous ne verrions plus les lyriques féeries de la grande nature, et nous serions les derniers dans le bétail humain.

 

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Même en politique, seul l’amour fait des miracles.

 

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La forme intellectuelle de l’amour, c’est l’admiration.

Or, admirer, c’est participer à la lumière des chefs-d’œuvre et s’associer à la série angélique.

Les visions d’art sont les réalités du ciel, et qui a passé sa vie à rêver le paradis sera emparadisé au nom du Saint-Esprit.

 

 

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4. Le Mariage

 

Jouir avant de posséder, voilà l’instinctif de l’homme.

Posséder avant de jouir, voilà l’instinctif de la femme.

Le mariage, nul ne l’explique en sa véritable essence

L’homme est l’être intellectuel-positif, animique-passif et physique-absorbant.

La femme est l’être intellectuel-passif, animique-actif et physique-rayonnant.

Ce qui manque généralement dans l’union de deux êtres, c’est la bonne volonté ; un conflit d’intérêts a lieu, en place d’une communion véritable.

Fiancé d’aujourd’hui, époux de demain, quel reflet vas-tu projeter sur l’imagination de ta femme, et toi femme, quel mirage penses-tu produire au cœur de ton époux ?

 

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L’amour n’est heureux et durable que dans le mariage.

Le mariage d’amour est une œuvre d’harmonie, de paix et de dignité ; et la passion proprement dite, la passion aveugle, la passion sans vertu et sans raison, représente la plus sinistre des aventures, la plus douloureuse des maladies de l’âme.

 

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La religion devrait confirmer le mariage et non le baptiser.

 

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Dans l’union, cet ordre admirable, la femme apprend à penser et l’homme à sentir ; ils collaborent ainsi.

 

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Voici la leçon du flambeau et de la coupe pour les époux :

Même si tu inversais ce flambeau,

    la flamme monterait vers le ciel

Que ton âme préfère ainsi l’idéal au plaisir,

    et toujours pense aux dieux.

Cette coupe pleine représente, ô vierge,

    ton destin, passif et doux.

Que ta beauté soit l’apaisement

    de l’homme ton époux.

 

 

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5. Engendrer

 

Faire un enfant paraît matière si simple, qu’on le fait sans y penser, sans le vouloir, sans préparation, au hasard du rut, et selon la chaleur du lit.

Faire un enfant au hasard est déjà l’acte des brutes et celui de tout le monde.

Il faudrait engendrer sacerdotalement, sans jamais mêler le procréateur et l’époux, la mère et la femme, mettre la plus grande différence entre l’amour et la reproduction.

L’époux ne doit jamais féconder sa femme sans s’y être préparé et sans l’y avoir préparée sous le triple rapport : physique, animique et spirituel.

 

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Engendrer n’est rien, ce qui importe, c’est élever, former, éduquer.

L’enfant raisonne de Dieu aussi bien que l’homme et la conception de la vie future lui est toute naturelle, à moins que l’éducation ne s’oppose, avec insistance, à son éclosion.

 

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Les naissances n’ont une signification que pour les gens du commun ou les gens moyens ; pour ceux qui sont nés de Dieu, leur naissance est dans l’au-delà ; leur mort, ou plutôt leur vie donne le degré de leur hiérarchie.

 

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Malades ou infirmes n’ont pas le droit d’engendrer, car pour donner la vie, il faut d’abord la posséder soi-même et sans tare.

Un père qui attend le secours d’En-Haut pour ses enfants n’est qu’un parâtre fantasque. Donner la vie, c’est un crime quand on n’a pas les moyens de l’entretenir. Qui s’en remet à la Providence est un fol. Nul pacte n’existe entre Elle et nous, du moins pour la vie terrestre.

 

 

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6. Le Bonheur. Le Bien

 

Le BIEN, c’est le reflet de Dieu sur toute chose créée.

 

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Le problème du bien et du mal s’élabore dans les temples, et l’homme intérieur restera toujours le vassal des religions, seules entreprises décisives du for intérieur.

 

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Le Bien est l’harmonie d’une volonté avec la Norme et le Mal sera la dissonance d’une volonté avec la Norme.

Religion, magie, philosophie n’ont d’autre but que celui de nous apprendre le respect instinctif ou conscient de la Norme harmonique qui est le bien.

 

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Le Bien, tenté par l’impuissance, devient du mal ; la vérité qui ne triomphe pas produit du désordre. Mieux vaut se taire que de prononcer sans autorité de grandes paroles ; mieux vaut l’inaction que l’effort mal conduit. Gardez-vous de cette illusion qu’une volonté lutte contre l’erreur ; le temps seul triomphe, et non jamais un être.

 

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Semblables aux miroirs qui faussent les images,

Nous sommes voués à l’excès.

Le bien qui s’exagère s’égale à tous les maux !

Car les rayons divins, eux-mêmes admirables,

En nous illuminant se décolorent !

Que de crimes commis au nom de la justice !

 

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Le Bien qui s’exagère touche au mal et la Vérité comporte toujours la part d’erreur de ses représentants. Que nul ne triomphe en ce monde, où tous sont imparfaits, tel est le vœu du mage et l’ultime commandation de la sagesse. Chaque chose a sa perfection dans sa limite, et toute chose a son imperfection dans l’homme même qui l’incarne. Voilà pourquoi l’autorité est un principe aussi néfaste en ses exagérations que la liberté.

 

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Il arrive toujours quelque chose de mal dans la prospérité, de bien dans le sort senestre ; c’est une loi d’interséquence.

Lorsque quelque chose de bien doit s’accomplir, les forces du mal se mobilisent pour l’empêcher.

 

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La Vertu Suprême, c’est se résigner devant l’impossibilité du bien, et de ne pas opposer son rêve à la Nécessité.

 

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Le bonheur, c’est de concevoir Dieu et de se hausser vers Lui ; le reste est vain.

Vainement le moderne essayera de concilier ses intérêts et l’idéal impérieux ; on ne dupe pas le ciel, la ruse n’a point d’effet en ces régions sereines.

 

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Le bonheur, c’est donner et non pas recevoir ; on peut toujours donner.

 

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Le secret de jouir d’un bonheur simple est de ne pas demander l’impossible à la vie.

 

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Vivre selon son vœu et mourir de son rêve, n’est-ce pas la vraie devise du bonheur ?

 

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Le bonheur social d’un homme réside pour lui à connaître ce qu’il peut et à faire de sa possibilité les limites mêmes de sa volonté ; de même, dans le sens indéfini du devenir, le salut de l’homme dépend d’une juste proportion entre ses possibilités et ses vœux.

 

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Méfiez-vous des types facilement imitables ; ce sont des exemples d’enfer !

L’art tient pour la passion ; la morale pour le mariage, et la théologie pour une certaine vertu.

Il n’est pas douteux : que la passion aveugle contredit à l’harmonie, fin nécessaire de toutes choses ; que le moraliste s’occupe du bonheur individuel comme le fisc de la fortune, pour l’amoindrir ; et enfin que la théologie enseigne la vanité des affections humaines.

À qui entendre ? Quel est l’imposteur, du poète, du moraliste ou du prêtre ? Ils mentent tous les trois par paresse et esprit de spécialisation.

On trouve le bonheur dans l’amour : mensonge poétique.

On trouve le bonheur dans le devoir : mensonge moral.

On trouve le bonheur dans le seul amour de Dieu : mensonge théologique.

Le bonheur n’est pas dans l’amour, mais on ne peut le chercher que là ; et cette recherche surpasse en grandeur et en fécondité toute autre activité. Quant à la morale, elle résulte de l’amour même, elle en forme la conduite. La transformation de la passionnalité en charité représente le grand œuvre de l’alchimie animique, la plus divine opération qui se puisse tenter sur terre.

 

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« On n’a pas besoin de se cacher pour faire le bien », dira M. Prudhomme, qui est un imbécile. Tout être intelligent sait que le bien ne s’opère qu’au prix du plus grand secret.

 

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Chaque fois qu’un philosophe apporte aux passions des masques et un travestissement qui leur permettent d’agir sans encombre, son succès ne connaît point de bornes. Complice inestimable, il fournit à la bête humaine un semblant de sanction.

 

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La douceur pour les loups est la plus lâche façon de massacrer les brebis, sous un masque chrétien.

 

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Le plus grand nombre suit toujours le plus médiocre chemin.

La beauté des actions dépend de leur gratuité et du mobile abstrait ; une action n’est belle que par individualisation d’une idée.

 

 

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7. L’Harmonie. La Hiérarchie. Le Désordre

 

La loi primordiale des mondes et des êtres ne peut qu’être la loi d’HARMONIE, c’est-à-dire la concordance simultanée du beau et du vrai.

 

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Le paradis est une essence faite de toutes les harmoniques.

 

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        Une doctrine existe, qui sereine,

        Cherche ses lois dans l’harmonie,

        Et ne retouche pas l’œuvre divine.

 

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Fais concorder ton désir avec la notion d’universelle harmonie et crois que ce n’est pas l’homme qui a créé l’idéal et que ses justes rêves ont leur réalité dans l’au-delà.

 

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L’Univers n’a qu’un besoin : l’harmonie ; la société n’a qu’un besoin : l’ordre ; l’homme n’a qu’un devoir : c’est de consonner à cette harmonie et à cet ordre.

L’individu réfléchi réalisera en soi le principe harmonique ; la plus courte expérience enseigne que l’harmonie est un principe consonant à la santé, à la durée, enfin à la confirmation de toute matière où elle se manifeste.

 

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Triple harmonie : Le Beau, c’est le Vrai sensible ; le Vrai, c’est le Beau conceptible ; le Bien, c’est le Beau et le Vrai réalisés.

 

*

 

Recherchons les points d’harmonie de la pensée universelle.

La définition de l’homme cultivé pourrait être : celui qui est apte à retenir les pensées émises par les générations disparues.

 

*

 

Ce monde n’appartient pas à la plus forte volonté ; il appartient, comme toute chose créée, à l’harmonie.

 

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La paix est la notion la plus haute de notre esprit, non pas la paix passive, mais celle vive et presque ardente de l’harmonie.

 

*

 

L’être de lumière console et guérit ; et voilà pourquoi les œuvres de force doivent être méprisées et leurs auteurs maudits.

La guerre est une forme de la débauche, un des fumiers de l’instinct.

C’est une faute irrémédiable que de rompre l’harmonie universelle.

 

*

 

L’Égypte garde le mystère de la vie harmonieuse et de l’harmonieux devenir.

 

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Proportionner le rêve à la réalité, se polariser entre les deux attractions, équilibrer son dualisme, maintenir la balance du désir à la satisfaction, s’harmoniser enfin, voilà le secret du bonheur.

 

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Lorsque nous troublons l’harmonie, par ses lois propres, elle se rétablit à nos dépens ; force lui reste toujours ; autrement tout finirait.

L’art de vivre sera donc de se conformer à cette harmonie ; nous la connaissons à l’état intérieur de vertu ; pour l’œuvre et l’action, il n’y a pas la même sûreté ; ce qui fournit une excuse aux crimes publics de la pensée et de la politique.

La perpétuité du retour à l’ordre marque la divine origine de l’homme et du monde.

 

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Il n’y a pas un écart de régime qui n’ait sa conséquence organique, pas un poison absorbé qui n’opère selon sa puissance. Et les écarts de la passion n’auraient point d’effet sur notre âme, et les erreurs, mobiles de notre volonté, n’influeraient pas sur notre entendement ? Nous avons une hygiène du corps et nous n’en voulons point de l’âme et de l’esprit.

 

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Dans une civilisation où tout le monde prétend à tout savoir, à tout faire et à tout être, il est difficile de faire accepter la hiérarchie des êtres.

Égalité est le mot le plus affiché, même sur les églises, et il veut dire ignorance incurable.

 

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L’imbécillité moderne éclate dans l’uniformité des devoirs, enseignement contraire au principe majeur de la civilisation, qui se base sur la division des fonctions.

Le devoir a sa hiérarchie ; il la tire de deux considérations : l’une de la catégorie ; l’autre de la personne.

Le premier devoir est toujours celui de la fonction.

 

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Ce n’est jamais impunément que l’on profère des paradoxes ; et une fausse conception contient le germe d’un péché ou du moins un principe de désordre.

 

 

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8. La Colère. Les Défauts

 

Être méchant, c’est se vouer au malheur.

 

*

 

La médisance et la calomnie sont des formes de vol.

 

*

 

La colère, la haine, tous les sentiments violents, projettent un rayonnement nerveux affectif qui attaque et blesse autrui dans la proportion d’inéquilibre où il se trouve.

 

*

 

La perversité est un éternel divorce avec la lumière. Celui qui renie le soleil appartient au néant qui est la forme la plus terrible de l’enfer, quoique peu perceptible aux communs cerveaux.

La perversité est le produit de la personnalité impuissante à se formuler dans la lumière.

La perversité consiste à attribuer la beauté à un élément de désharmonie, à esthétiser un désordre, à doter un acte mauvais d’une théorie.

Lorsqu’une opinion exprime un tempérament, on ne saurait convaincre, car on peut réformer un jugement, mais on ne déjuge pas une sensation.

 

*

 

Il faut que le prestige et la religion du succès soient ruinés dans l’esprit des hommes ; les œuvres de force et de victoire exercent malheureusement encore un trop puissant magnétisme sur les natures basses.

 

*

 

On ne vit pas de la haine qu’on inspire. Mauvaise hygiène que de se manifester par la terreur.

 

 

*

*     *

 

 

9. La Douleur

 

Il n’est qu’un mystère... Celui de la douleur !

Par elle, homme ou daïmon, chacun peut s’élever

Plus haut que le Destin,

Jusqu’à ce Dieu unique, qui nous a tous créés.

 

*

 

Utiliser la douleur comme on utilise la force, tel est l’arcane unique qui résulte de l’enseignement du Messie.

L’inéluctable loi que nul ne transgresse, c’est la souffrance, non pas seulement celle d’ici-bas, mais l’autre, la souffrance purgative.

 

*

 

Toute souffrance sans but serait une condamnation de la Divinité ; celui qui souffre expie ou mérite, qu’il s’agisse de Jésus, de Satan ou d’un chien ; celui qui expie ou mérite monte du degré où il est à un autre plus élevé.

 

*

 

La douleur acceptée est toute la matière du devenir humain, et l’amour apparaît la forme providentielle et attrayante de la douleur.

 

*

 

Le plus sage est celui qui a le plus souffert !

 

*

 

Les larmes sont les ablutions saintes ; elles contiennent le sel qui empêche la corruption de l’homme.

 

*

 

La douleur est d’essence conservatrice pour le corps et pour l’âme.

 

*

 

Le commencement de la perfection s’appelle le sentiment de l’imparfait.

La douleur est nécessaire Pour notre évolution spirituelle.

Nos douleurs, filles de nos désirs de contingence, se multiplient en raison de notre égoïsme ; elles se raréfient et se sérénisent dans la proportion où nous adhérons à l’abstrait qui est le Divin.

 

*

 

L’homme ne grandit que par ses peines.

 

*

 

Les nobles âmes se cherchent et souffrent ; se trouvent-elles, c’est pour souffrir encore.

 

*

 

Il y a toujours quelque chose à faire même parmi les ruines.

Il y a une chose que les hommes ne veulent pas comprendre : la vertu du renoncement, la nécessité de la douleur et de l’épreuve sanctificatrices, facteurs seuls capables de faire évoluer l’homme vers la spiritualité.

 

*

 

Celui qui ne se soucie pas des souffrances d’autrui ne vaut pas mieux qu’un meurtrier.

 

*

 

La cruauté est la pire condition du Verbe chrétien.

Augmenter la douleur en ce monde, voilà l’abomination, réalisée par toutes les persécutions !

 

*

 

Souffrance, c’est le nom de la vie ; effort, celui de l’art.

 

 

 

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BRÉVIAIRE DE L’ARTISTE

 

NOTA BENE. Pour être plus parfaitement renseigné sur la valeur et la portée de l’enseignement de Péladan en matière d’art, le lecteur aura tout profit à lire et à méditer les ouvrages suivants :

 

J. PÉLADAN. L’Art ochlocratique, Dalou, Paris 1888.

SAR PÉLADAN. Comment on devient Artiste, Chamuel, Paris 1894.

PÉLADAN. L’Art idéaliste et mystique, Sansot, Paris 1909.

 

Ces ouvrages capitaux sur l’art, difficiles à se procurer, sont résumés par le Dr Éd. BERTHOLET tout au long des tomes I, II, III de La Pensée et les Secrets du Sâr Joséphin Péladan. Éditions rosicruciennes, Lausanne 1952-1958.

 

 

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CHAPITRE IV

 

1. Admiration. Enthousiasme. 2. Gloire. 3. Art. Esthétique. 4. Génie. 5. Enseignement. Éducation. Intelligence. 6. Varia.

 

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1. Admiration. Enthousiasme

 

L’enthousiasme est la plus grande force de l’âme.

Sans connaître ce qui se fera, on peut affirmer que les grands changements ne seront que des enthousiasmes fastes ou néfastes.

 

*

 

L’admiration purifie le désir et le transpose en clé mentale.

 

*

 

L’admiration coudoiera toujours la prière.

 

 

*

*     *

 

 

2. Gloire

 

La vraie gloire est celle consentie par tout l’univers et consacrant une œuvre ou un acte jugé excellent par l’humanité entière.

Il n’y a pas d’autre gloire que la gloire esthétique et mystique.

La vraie gloire a toujours un motif abstrait et indépendant du lieu et de telle passion.

La gloire nationale est immorale, comme la gloire politique, parce que seuls les intérêts la décernent.

Il n’est pas glorieux d’être le plus fort, mais de ne pas user de sa force.

La gloire n’est pas dans l’acte, mais dans la morale de l’acte.

La gloire, c’est la volonté d’un homme épousant la lumière et lui donnant un fils, c’est-à-dire une œuvre.

La vraie gloire ne peut être que de former des hommes à l’idéalité et de servir de truchement entre une époque et l’éternité.

Derrière la beauté de l’œuvre et la volonté de l’homme, il y a les anges, qui parfois s’impatientent et changent le cours de la bêtise humaine.

 

*

 

Singulière sentimentalité d’appeler gloire une bataille gagnée et de célébrer l’homicide lorsqu’il se commet en gros. Une bataille, c’est avant tout de la bêtise et après de la boue.

 

*

 

La supériorité isole ; mais l’idéal emplit cette solitude et la féconde.

 

 

*

*     *

 

 

3. Art. Esthétique

 

Les chefs-d’œuvre ne sont à personne en propre ; ils constituent la fortune spirituelle de l’humanité, et de la future comme de celle d’aujourd’hui.

 

*

 

L’indifférence en matière d’opinion est la première condition de paix morale ; la résistance en matière d’idées ambiantes est la meilleure confirmation de notre entité.

Que de temps gagné, que de soucis évités pour celui qui ne veut pas être quelque chose, mais quelqu’un.

L’artiste et l’ariste (c’est-à-dire le meilleur) tirent leur conscience de l’Au-Delà ; ambitieux d’éternité, jouisseurs d’émotions subtiles, ils écoutent la musique intérieure de leur âme ; ils s’étudient à vibrer juste, à l’unisson des œuvres immortelles.

 

*

 

Le secret des secrets réside dans la faculté de voir l’idéal en dehors de nos facultés.

La sensibilité de l’homme est trop faible ou indurée par l’égoïsme. Le raisonnement et l’émotivité se contrediront sans cesse.

 

*

 

Il y a de fortes raisons pour que le sentiment universel et permanent exprime la vérité ; il manifeste du moins le génie de l’espèce.

Cette colossale entreprise de satisfaire aux besoins spirituels qu’accomplissent les prêtres et les artistes, depuis qu’il y a des sociétés, représente le titre suprême de l’homme à l’immortalité. Nous sommes d’accord sur la morale qui est nécessaire, nous différons sur la beauté qui semble inutile au plus grand nombre.

 

*

 

Il ne suffit pas de posséder le vrai, il faut encore penser et faire beau. Pour faire beau, il faut travailler, non pas comme un bœuf ou un paysan, mais travailler son âme, la polir, l’élever.

Selon le credo d’Hermès : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; donc la création est comme le Créateur ; l’homme est donc un postulant à la divinité.

 

*

 

La pensée est de l’art à l’état idéal.

 

*

 

Il faut vouloir le Beau, comme le mystique veut le Bien.

 

*

 

Le Beau est une vision intérieure où le monde se revêt de qualités suréminentes.

 

*

 

En vain chercherons-nous les raisons de la beauté sensible ; puisqu’elle est sensible, elle échappe aux opérations abstraites. Elle s’éprouve et ne se prouve pas, selon une parole connue.

 

*

 

La Beauté ne se prouve pas, elle s’éprouve ; c’est exact, mais il y a cependant des règles pour la produire comme pour la reconnaître. Née d’une sensibilité admirable, elle s’adresse à la sensibilité.

 

*

 

L’art vit de spiritualité, son but est de produire chez le spectateur une espèce de bonheur ou de volupté assez complexe, puisqu’il se forme à l’idée de perfection véritable, pour le raisonnement, et de l’idée d’absolu, celle-là purement musicale.

La perfection des formes est littéralement le visage du mystère ; et lui-même, le mystère, se définirait peut-être par trois termes : le lointain correspondant au passé, l’au-delà analogue au futur et la réalité constitutive du présent. En réunissant ces trois termes, on définit à peu près l’impression des chefs-d’œuvre, et aussi l’inanité du réalisme.

 

*

 

Dans l’œuvre d’art, il faut qu’on sente la vie, qu’on sente l’âme, mais il faut surtout qu’on sente Dieu.

En un mot, l’œuvre d’art doit être comme une prière qui unit la créature au Créateur.

 

*

 

L’œuvre d’art est le sentiment d’une idée sublimée à son plus haut point d’harmonie, ou d’intensité, ou de subtilité.

 

*

 

Les aristes (les meilleurs) sont tous ceux, quels que soient leur origine, leur pays ou leur race, qui œuvrent pour l’instauration d’une fraternité d’hommes voués à la mystique et au culte de l’idéal.

 

*

 

L’aristie conditionne la perception de Dieu à travers les êtres et les phénomènes.

Le voile le plus épais entre le Divin et l’homme, c’est l’instinct.

 

*

 

L’œuvre de l’élite doit être de rendre à la lumière et à tous la vision sanctifiante du beau.

              Admirer, c’est Prier.

              Comprendre, c’est mériter.

 

*

 

L’art a le même objet que la religion, faire sentir Dieu aux hommes.

Il y a trois degrés en esthétique comme en ascétique : la sensation de Dieu, le sentiment de Dieu, enfin l’idée de Dieu.

 

*

 

Toute religion matérialise Dieu pour le bien du plus grand nombre... La Philosophie, au contraire, arrive aux appellations négatives de « non-être », d’ineffable, d’indicible. Dieu dans la Kabbale ne se conçoit que par ses manifestations et reste l’Absolu.

 

*

 

L’esthétique est l’art de sentir Dieu dans les choses.

 

*

 

L’artiste conçoit l’art sacerdotalement et l’approche des chefs-d’œuvre comme une dévotion de l’esprit.

Toute vulgarisation d’art est un crime ; il faut enseigner à sentir les arts, non pas à les singer.

 

*

 

L’artiste doit être un prêtre de l’art.

La laideur est une désharmonie. L’artiste a donc le rôle de thérapeute ; par ce qu’il réalise, il nous console de ce que nous sommes et opère un rapprochement de l’invisible, en satisfaisant nos sens avec des réalités d’art, sertissant une irréalité de pensée.

Concevoir l’idéal et le réaliser reste la plus haute des vocations.

 

*

 

Les vrais artistes, par leurs œuvres, inspirent des idées de perfection et d’idéalité.

Or, qui porte la lumière appartient à la lumière ; et quiconque fut sauveur sera sauvé.

 

*

 

L’artiste, pour produire un chef-d’œuvre, doit avoir entrevu le Divin et vécu un moment d’infini ; à certaines heures, le grand artiste a été un saint, comme il arrive au saint d’être un artiste.

Concevoir est une joie, réaliser comporte toujours une peine énorme. Nul ne réalise pour son plaisir ; il y faut une mystérieuse propulsion qui vous y condamne.

 

*

 

Les chefs-d’œuvre sont des parcelles d’éternité.

 

*

 

Les formes sont les hiéroglyphes des idées. La volupté des formes est un don divin qui produit l’harmonie.

 

*

 

Si l’on considérait l’art comme la nourriture de l’âme ; si l’on était esthète comme gourmand et qu’on recherchât les bonnes ou fines impressions du beau comme on fait pour le manger, l’idéal passerait dans les mœurs et une idéalisation générale se produirait, comme l’hygiène physique étend sa bienfaisance et diminue le rachitisme et les infections.

L’Art a pour but le bonheur. Il ne remplace pas les autres éléments de la vie harmonieuse, mais seul il contient de la joie à l’état concentré.

La contemplation est le seul rite qui convienne au Beau véritable.

 

*

 

L’idéal est le rapport le plus haut (c’est-à-dire le plus éloigné de nous-mêmes, ou le plus approchant de Dieu) que l’homme puisse concevoir.

L’idéal est la limite de ce qu’on se figure et de ce qu’on formule ; on ne le réalise pas, mais on le voit, en esprit.

L’idéal, enfin, est toujours relatif à la vie ; l’idée ne paraît que rarement chez les précieux et sublimes esprits.

 

*

 

De toute éternité le chef-d’œuvre sera toujours le Grand Œuvre.

Il faut que la lumière s’humanise afin que l’homme s’illumine.

Pourquoi veut-on sans cesse déshonorer les aïeux et souligner notre propre effort en niant celui des prédécesseurs ?

 

*

 

Il y a trop de divinité dans les grandes œuvres pour que cette divinité ne fasse pas retour à son foyer. Ce qui est descendu de l’Esprit y remontera.

 

*

 

L’esthétique peut aussi se définir : une vibration supérieure.

Comme pour les vibrations musicales, c’est au plus profond de soi-même, dans les racines de la sensibilité, que chacun pourra trouver les bases d’une saine esthétique.

Et de fait, l’œuvre d’art n’a pas d’autre but que de faire percevoir la musique des âmes contre-pointées plastiquement.

 

*

 

L’esthétique a deux fins : apprendre la contemplation au grand nombre et la création à quelques-uns : former le goût public et accomplir la perception individuelle.

 

*

 

L’homme est un être esthétique par essence ; la beauté lui est révélée par une volupté spéciale ; et le but de l’art est, a été et sera de rendre visible et virtuelle l’âme des formes qui est leur harmonie.

L’harmonie résulte de la parfaite subordination des parties ; l’intensité, de l’exaltation d’une qualité, et la subtilité, de la multiplicité des rapports exprimés.

 

*

 

Le plaisir esthétique ne peut naître que d’une représentation idéale qui enlève le spectateur aux images journalières.

L’instinct de l’ouvrier repousse la vulgarité, il aime les nobles sentiments, les grands mots, les vertus héroïques.

Il ne faut pas croire que le travailleur manuel soit dupe et qu’il prenne la peinture réaliste pour du grand art ; il sait que la paresse et l’impuissance seules ont fait descendre le tableau, de la nue dans la rue, et qu’il est autrement difficile de peindre un ange qu’un débardeur.

 

*

 

L’esthétique cultive des répulsions corollaires aux attractions :

Elle impose ce principe fondamental que la forme inintéressante dans la vie ne peut être employée dans l’art et que nous devons mépriser la représentation d’un objet que nous ne regardons pas réel et tangible.

 

*

 

Il faut demander à l’esthétique une réaction contre le scientisme exagéré. Nous vivons de sentimentalité et non de lois. La vie animique ne s’entretient pas avec des éléments cérébraux.

 

*

 

L’art nous préserve de l’impériosité de l’instinct ; en nous insufflant l’idée de beauté, il raréfie nos concupiscences ; nous renonçons à certains péchés par pure esthétique.

 

*

 

La beauté d’une œuvre d’art est faite de réalité sublimée.

La mysticité d’une œuvre d’art est faite d’irréalité plastiquement reproduite.

L’œuvre réelle de forme et irréelle d’expression est parfaite.

L’idéal, c’est l’apogée d’une forme.

On pourrait définir la beauté : la recherche des formes angéliques.

 

*

 

Le peuple est idéaliste d’instinct ; il cherche le grand, le rare, le noble, et l’artiste élabore le petit, le commun, le vulgaire.

Le public veut de la beauté et l’art moderne ne lui offre que des laideurs.

Une belle œuvre, comme un miroir enchanté, me fait voir ce que je ne verrais pas en dehors d’elle.

 

*

 

L’art est un aliment de la sensibilité ; il a été créé pour sustenter les foules et non pour réjouir quelques amateurs.

 

*

 

Le sentiment de la beauté se manifeste autant par la détestation du laid que par l’enthousiasme devant la chose parfaite.

 

*

 

La vérité, physiquement, ne se montre que dans la Beauté, et plus cette beauté se dégage du temps et du lieu, plus elle s’accuse, jusqu’à devenir abstraite.

 

*

 

Le Beau se résume à une équation entre la vue et la vision, entre la réalité physique et la qualité métaphysique.

 

*

 

Sais-tu que l’art nous descend du ciel comme la vie nous coule du soleil ? Sais-tu qu’il n’est pas de chef-d’œuvre qui ne soit le reflet d’une idée éternelle ? Que ce qu’on nomme Abstrait, peintre ou poète, le sais-tu ? C’est un peu de Dieu même dedans une œuvre.

Artiste, tu es prêtre : l’Art est le grand mystère, et lorsque ton effort aboutit au chef-d’œuvre, un rayon du Divin descend comme sur un autel.

 

*

 

La hauteur d’une œuvre est en raison de l’infini qu’elle contient.

 

*

 

Tout artiste doit tout d’abord devenir un bon ouvrier, possédant à fond la grammaire et le lexique des formes.

 

*

 

Pour faire un bon peintre, il ne suffit pas d’avoir des idées personnelles plus ou moins singulières et une vaste culture, il faut la parfaite maîtrise de son métier et il faut encore une vie pure, tournée vers l’idéal, car le peintre débauché refuse à son œuvre tout ce qu’il jette à la volupté.

 

*

 

Aucun homme destiné à la peinture et à la sculpture ne saurait dédaigner les humanités esthétiques, c’est-à-dire le fonds de connaissances que possèdent les grands artistes.

Le genre, le talent, l’individualisme, le tempérament et la vocation n’ont rien à voir avec cette nécessité des études.

Le premier point de l’enseignement sera l’éducation de l’œil.

Voir, pour un artiste, c’est dégager d’une réalité une idéalité.

L’éducation de l’œil aboutit à la vue spirituelle, à une conception juste des formes expressives.

L’élève ne doit sortir de l’école qu’au jour où il peut imager et produire sans modèle ; la mémoire des formes dépend d’une habitude intellectuelle qu’il faut prendre en débutant, comme l’habileté de main résulte d’une autre habitude presque mécanique de dessiner lisiblement.

 

*

 

Il faut un métier parfait pour réaliser un chef-d’œuvre, mais il ne faut pas que l’œuvre d’art vaille uniquement par la prestigieuse habileté technique de l’exécutant.

 

*

 

Le décor est cet élément de beauté qui s’adapte à un objet d’utilité ; le décor reste toujours dépendant, ici du monument, et là de l’usage de l’objet ; et cette dépendance s’appelle la logique décorative.

Voici un exemple d’illogisme décoratif : Les chevaux qui se cabrent sur le toit du Grand Palais, à Paris. On n’a jamais vu la plus noble conquête de l’homme, le cheval, épouvanter les chats sur les gouttières.

 

*

 

L’art résume la vie. Sans doute, et autant dire, l’art est une synthèse ; et, comme la vie, il a trois catégories : les idées, les sentiments et les instincts ; l’art est leur confluent.

L’œuvre aura donc un corps typique, une âme pathétique, et un sens spirituel, car le type est le résumé de la forme ; le pathétique, la mise en activité de l’âme, et l’allégorie, l’expression plastique d’un concept.

Le type, le pathétique et l’allégorie constituent le style des Beaux-Arts.

 

*

 

Il s’agit d’enseigner aux élèves d’une école d’art comment on devient original, non en ignorant ou méprisant les traditions, mais en les utilisant.

 

*

 

C’est bien la pire erreur de l’artiste que de s’imiter lui-même et de rester tel qu’un certain succès l’a trouvé.

 

*

 

L’aristocratie en toute matière, c’est la compétence.

 

*

 

L’artiste est un voyant qui découvre parmi les formes réelles une forme nouvelle. Qu’il procède par intensité ou par harmonisation, qu’il réponde aux appellations de styliste ou de réaliste, son ouvrage consistera à qualifier une forme.

 

*

 

Lorsque l’artiste a compris qu’il ne faut pas seulement dégager les contours et la forme d’un sujet, mais qu’il s’agit d’en faire sentir l’âme, il est près de réaliser de la beauté, de l’idéalité et du mystère.

 

*

 

L’écrivain invente sa langue et l’artiste, des formes, mais l’un respecte le génie de sa langue et l’autre l’essence de la plastique.

 

*

 

L’esthétique a deux fins : enseigner le jeune artiste et former le goût public ; apprendre aux uns à créer, aux autres à admirer.

La condition du beau est le style, et le style se définit : l’expression typique par les formes les plus nobles.

 

*

 

Il y a dans les lois de la création artistique une part de métaphysique, de logique et d’expérience historique que les peintres méconnaissent quand ils ne les ignorent pas.

On trouve toujours plus aisé de modifier la théorie que d’obéir à sa discipline.

 

*

 

En art, il faut penser avec des formes et non avec des mots et choisir les œuvres types.

 

*

 

Pour faire réel, il faut faire bête, parce que la bêtise est vraiment le caractère permanent de l’humanité.

L’idéalisme est irréel parce que la supériorité, partout et toujours, reste une exception.

 

*

 

L’œuvre d’art s’adresse aux âmes vivantes et vibrantes qui ignorent les procédés et les méthodes et qui saluent un tableau comme ils salueraient sa réalité, pour sa beauté et pour l’impression qu’ils en reçoivent.

 

*

 

La destination primitive de l’œuvre d’art avait un but religieux : faire sentir l’image du mystère, du Divin. Et l’on peut ajouter que toutes les œuvres d’art se chargent fluidiquement de l’admiration des fidèles et rayonnent à leur tour.

 

*

 

L’œuvre d’art est une personne qui reste vivante tant que celui qui l’a désirée et aimée existe ; elle devient morte lorsqu’elle passe en des mains étrangères insensibles.

 

*

 

L’art ogival, par ses verticales, élève l’homme, le monte littéralement, tout en hauteur, en projection vers le ciel.

L’art grec a la beauté de la pensée sereine ; il manifeste la sagesse et non l’exaltation ; l’harmonie plutôt que le lyrisme.

L’art égyptien fait terriblement sentir au fidèle qu’il est, dans la main divine, comme un fétu, mais conscient ; en observant les rites, l’homme juste, après la mort, s’achemine vers une destinée presque divine.

 

*

 

Un vieux sanctuaire murmure comme la forêt ; il dit le mystère tant de fois évoqué, chuchoté, écho des souffles exhalés de tant de bouches suppliantes.

 

*

 

Sauvons les chefs-d’œuvre, on n’est jamais sûr d’en faire d’autres.

 

*

 

Bienheureux ceux qui regardent profondément, car ils découvriront la perfection de toute chose.

La réalité d’une chose cesse dès qu’elle passe dans l’idéalité. Nous vivons de réalité, mais nous ne jouissons que des idéalités.

 

*

 

Le point d’art est toujours irréel, et la bête imaginée intéressera davantage qu’une version naturelle.

 

*

 

L’art en aucun cas ne doit s’abaisser jusqu’à plaire au vulgaire ; au contraire, il doit s’élever vers la spiritualité.

 

*

 

L’art qui nous familiarise avec la laideur nous déprave ; au lieu d’exalter en nous la notion de perfection, il nous fait concevoir une sentimentalité fausse et délétère.

 

*

 

Que m’importe ce que voit un peintre ; je juge de ce qu’il me fait voir !

 

*

 

Nous ne voyons que nos rêves ; les réalistes sont simplement des esprits myopes qui n’ont que les yeux du corps.

 

*

 

Les intérêts, même légitimes, n’ont jamais pu trouver une expression architectonique, parce que la langue des formes est une langue animique et radicalement idéale.

 

*

 

L’art français meurt de vulgarité et de simplification, et encore plus de simplification que de vulgarité.

 

*

 

Les cieux racontent la gloire de Dieu et les chefs-d’œuvre celle du catholicisme, et dans une langue vraiment universelle, celle des formes.

L’humanité, religieusement, a vécu d’images plus que de textes ; l’art opère par une affirmation sensible de grande puissance.

 

*

 

L’art seul prêche bien le sermon de la paix et donne, sans soulever de méfiance, les conseils de mesure et de temporisation nécessaires.

L’Art idéaliste et mystique pourrait devenir dans l’avenir le lien, le moyen de communion de tous les peuples dans un même sentiment d’admiration et d’enthousiasme.

 

*

 

Le devoir est cette contrainte perpétuelle qui nous persuade de renoncer à tous nos vœux pour avoir la paix et la donner à autrui ; et l’art apparaît comme un intermonde où nous pouvons contempler les images de nos vœux : extases religieuses, splendeurs aristocratiques, bacchanales ou pompes glorieuses.

 

*

 

La vraie manifestation du Divin, c’est la Bonté ; et il ne faut pas perdre de vue que la manifestation de la Bonté au monde des formes est la Beauté.

 

*

 

Les hommes passent, les œuvres d’art restent, témoignages de la culture et de l’idéal des ancêtres.

 

*

 

Témoins têtus des époques mortes, vainqueurs du temps, les vieilles pierres sont demeurées pour que l’homme mesurât, d’après elles, la vanité des choses.

 

 

*

*     *

 

 

4. Les Génies

 

Qu’est-ce que la sainteté ? – Une façon de sentir Dieu.

Qu’est-ce que le génie ? – Une façon de manifester Dieu.

 

*

 

Prie les génies comme les saints et pratique l’admiration afin d’être illuminé, et c’est le point de rencontre entre la culture et la mystique.

 

*

 

Celui qui produit un chef-d’œuvre s’élève si haut qu’il ne se trompe plus sur la véritable hiérarchie et, spirituellement, il n’obéit qu’à son génie ou à son daïmon.

 

*

 

La force des esprits réside dans la continuité du vouloir. Le génie seul ne suffit pas pour produire une œuvre d’art. L’homme qui œuvrerait sans cesse, accumulant productions sur productions, forcerait magiquement la gloire même à venir s’offrir.

Le secret des grandes œuvres réside à œuvrer pour le siècle à venir, sans jamais s’inquiéter de l’avis contemporain.

L’artiste, digne de ce nom, doit se forcer à penser beau et à œuvrer idéal.

 

*

 

Les chefs-d’œuvre signifient qu’il y a un au-delà et que les plus grands et les meilleurs, toujours s’orientent vers ce point sans réalité, mais lumineux et réchauffant comme un soleil des âmes : l’idéalité.

 

*

 

Quant aux génies, ce sont des intuitifs qui expriment les lois surnaturelles avec des images ; ils attirent l’influx de l’Au-Delà et ils sont en rapport direct avec l’occulte.

 

*

 

L’unanimité des génies est la base de la véritable opinion.

Le premier critère sera donc donné par le concile vraiment œcuménique des génies.

Il y a du réel au-dessus comme au-dessous de nous, et autant.

 

*

 

L’être qui ne fait pas front de son seul avis à l’avis de tous, entre dans le passif. Le génie, c’est un entêtement qui domine et le réel et toute une époque ; le génie, c’est l’individu qui se jette dans un plateau de la balance, tandis que l’autre est chargé par l’humanité entière ; et par son seul poids de personnalité, il chasse en l’air l’énorme Collectif.

 

*

 

Une pensée sublime est une fortune morale que rien ne dissoudra. Chaque impression noble augmente la valeur de l’instrument humain et le génie n’est qu’un être qui sut fixer ces impressions-là. Mais combien pourraient les vivre ?

 

*

 

La qualité s’incarne dans un homme, elle ne connaît ni passé, ni futur, elle est, tandis que l’expérience constitue le patrimoine de la civilisation, et évolue avec elle. La science progresse incessamment, l’art apparaît et disparaît comme un météore.

 

*

 

La faculté créatrice, dès qu’elle existe, domine l’être entier ; elle tient ceux qui en sont doués en état de perpétuelle gestation.

Le génie est un homme enceint ; et on s’étonne que cet état amène quelque modification d’humeur et des humeurs alors que la grossesse physiologique donne lieu à un phénoménisme si radical et souvent si étrange.

 

*

 

Il y a une communion des génies comme une communion des saints, et la solitude seule y fait participer au moment de la méditation silencieuse.

 

*

 

Les héros ont été des Don Quichotte plus forts et à leur place.

Le génie, n’est-il pas l’éternel Don Quichotte qui provoque les passants occupés de leurs affaires, pour leur imposer sa vision de beauté ou de justice ?

Lorsque le contemplatif s’entête à l’action, il ne produit que du désordre et de la risée, et même en se sacrifiant, il ne parvient pas à faire le bien. On ne réalise l’idéal qu’avec une complicité des circonstances et le désir n’implique pas la vocation. Elle résulte d’une proportion entre la volonté et la puissance.

Si l’on ne trouve pas dans son passé une heure de don-quichottisme, il convient de baisser la tête, car cette heure est peut-être celle où l’homme atteint le plus haut degré de la conscience.

L’homme qui n’a pas eu son heure d’enthousiasme et d’idéalisme est un pauvre homme, fort à plaindre.

 

 

*

*     *

 

 

5. Enseignement. Éducation. Intelligence

 

Un peuple qui ne laisse pas ses enfants venir à Dieu, qui n’en fait pas le but de son enseignement, est un peuple mort ou destiné à mourir.

On peut instruire la vingtième année, jusque-là on ne doit qu’élever ; or, l’élévation animique n’a pas d’autre levier collectif que la religion.

 

*

 

L’éducation nous prodigue trop tôt les admirables formules chrétiennes ; nous les apprenons sans les sentir, comme nous les professons sans les appliquer.

Il s’agit moins de donner aux hommes beaucoup de vérité que de la présenter virtuellement ; il faut les en nourrir et non les en ahurir.

En diététique morale, aussi, ingérer n’est rien, assimiler est tout.

 

*

 

L’instruction obligatoire prétend civiliser la masse, mais l’instruction n’a jamais remplacé l’éducation, notamment l’éducation du cœur et de la conscience.

 

*

 

En matière d’enseignement, il faut s’adresser autant au cœur qu’à l’esprit, à l’âme qu’à l’intelligence.

 

*

 

Avant de farcir le cerveau de connaissances, il faudrait d’abord cultiver la vertu et développer les habitudes morales de l’enfant.

À l’être qui entre dans la vie, il faut enseigner d’abord le respect de la vie.

Il faut inculquer à l’enfant l’horreur du mal, du laid et du banal, et surtout le préserver des promiscuités sales.

On ne nettoie pas la boue de l’âme comme celle des bottes.

 

*

 

Il est mauvais que beaucoup sachent lire, parce qu’il n’est pas possible que beaucoup puissent penser.

L’instruction n’est pas un bienfait en soi, elle empoisonne certaines âmes, elle engendre les médiocres et les déclassés.

 

*

 

Pour proférer les grands dédains impunément, il faut avoir donné preuve de sa hautesse, et ce sera toujours le tort des adolescents de prendre l’allure du chevalier avant d’avoir conquis les éperons.

 

*

 

Les examens les plus compliqués ne prouvent que la mémoire, la supériorité se voit aux œuvres. On vaut suivant ce que l’on crée.

 

*

 

Peu de gens osent sentir par eux-mêmes, choisir à leur point de vue et obéir à leur propre sensibilité.

 

*

 

On ne trouve que ce qu’on cherche, on ne voit que sa vision, on n’entend que sa propre pensée.

 

*

 

Il n’y a qu’une erreur irréparable, celle qui porte sur nous-mêmes : l’inconscience. Si nous ne savons pas nous mesurer, nos desseins mal conçus avorteront. Ici, en vain, accuserait-on la vie ou la méchanceté des hommes.

Qui ne se connaît pas ne connaîtra rien en ce monde.

 

*

 

Ce qui complique en général toutes les questions et les rend fort difficiles, c’est que la plupart du temps on se trompe sur nos aptitudes, on veut être autre chose que ce pourquoi l’on est apte.

 

*

 

Malheureusement les hommes pour la plupart ne savent pas penser par eux-mêmes et se bornent à répéter, sans réfléchir, les leçons reçues sur les bancs de l’école.

 

*

 

Sans maladresses, sans tâtonnements, sans beaucoup d’études et de déceptions, on ne fait pas des merveilles du premier coup.

 

*

 

Les questions de qualité ne sont jamais évidentes comme celles de quantité ; pour les comprendre, il faut une disposition mentale.

Les esprits égaux devant l’arithmétique cessent de l’être au domaine subtil de la sensibilité.

 

*

 

Travailler est le rythme humain dont personne ne s’exempte sans pâtir.

Qui ne fait rien se corrompt.

Labeur, étude, science, il faut une activité régulière, continue.

 

*

 

L’honneur du mortel paraît aux soins qu’il donne à son esprit ; qui cultive l’entendement cultive la vertu.

 

*

 

L’instruction véritable consiste à distinguer le bien du mal ; la compétence régit les grandes choses, la conscience les régit toutes.

Les valeurs suprêmes sont les valeurs morales ou vertus.

 

*

 

Partout où on ergote, il n’y a pas de vraie science. La vérité est unique et sa conclusion abolit tout litige pour jamais. Si le débat continue, crois bien qu’il s’agit d’une fausse science.

 

*

 

En philosophie, l’originalité est la part d’erreur qu’on apporte sur un thème connu. Derrière chaque système il y a un auteur, c’est-à-dire une vanité qui cherche sa consécration dans l’invention même et poursuit bien moins la vérité que la notoriété.

Pour atteindre la vérité, il faut, au cours de sa vie, se défaire des opinions dont on découvre la fausseté au fur et à mesure de cette découverte et conserver les autres jusqu’à l’évidence du contraire.

Il ne s’agit pas de reconstruire le système de nos connaissances, mais de l’améliorer ; et ce ne peut être fait que par petites parties et lentement.

 

*

 

La table rase de toute connaissance antérieure est l’opération du va-nu-pieds outrecuidant qui se flatte de mieux faire, en tirant de lui-même l’équivalent de la tradition. Telle n’est pas la voie droite ; le vrai bonheur intellectuel s’appelle revue, correction, addition, contextes, ampliation et surtout adaptation.

Coordonner les idées entre elles et les présenter dans la plus grande unité possible, demande plus d’efforts qu’à une systématisation originale par l’excès même de l’erreur, qui flatte celui qui la conçoit et amuse le lecteur.

 

*

 

La science du cadavre enseigne moins que la vie ; or une doctrine doit être vivante et vivifiante.

Ce qui augmente et purifie la vie intérieure est toujours vrai ; ce qui la diminue et la trouble, est toujours faux.

 

*

 

Tout le monde ne peut se payer le luxe d’une culture approfondie, mais par contre chacun devrait chercher à développer ses facultés instinctives, et surtout tendre tous ses efforts pour ne pas laisser s’atrophier et s’endormir son intuition.

 

*

 

Les grands devoirs sont aisés, parce que la grandeur est une force et nous soulève ; les petits devoirs, vraiment, font seuls la preuve de l’élection.

 

*

 

Pour tailler un pourpoint, on fait apprentissage ; s’agit-il de la chose publique, chacun est compétent.

 

*

 

Et voici que de la grande connaissance naît la grande humilité.

 

 

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6. VARIA

 

 

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Il ne faut pas plus montrer son esprit dans un salon que son portefeuille sur les grandes routes.

 

*

 

Le meilleur, le seul moment pour juger un être est celui où il nous apparaît pour la première fois ; notre curiosité surexcitée peut alors, vraiment perspicace, dévisager jusqu’à l’âme.

 

*

 

La Paix mentale régnerait si le clerc se récusait dans les questions naturelles, si le raisonneur ne touchait pas au surnaturel et l’expérimentateur ne tirait pas des conclusions outrecuidantes et absurdes de ses travaux.

 

*

 

Tout homme est du pays de son intelligence ; je suis citoyen de toute âme qui pense.

 

*

 

Ce qui s’est élevé de terre retombera inerte,

Mais l’œuvre de l’esprit vivra.

Les palais, les temples crouleront.

La pensée toujours planera sur le monde.

 

*

 

Pour décider en matière morale, il faut des certitudes ; celles de la foi ne s’imposent plus ; celles de la science ne signifient rien, car pour elle la morale s’appelle hygiène et la seule vertu d’un positiviste sera la tempérance.

 

*

 

Ceux que la mort n’initie pas ne s’initieront jamais ; ils deviendront des réprouvés par cela seul qu’ils ne seront ni purs ni pénitents.

 

*

 

Ne méprise jamais l’air du pérégrin.

Celui qui passe, souvent les dieux l’envoient !

 

*

 

Ce sont les lèvres qui disent l’ineffable avant les mots.

Ce sont les yeux qui lisent les symboles avant l’esprit.

 

*

 

Le Réel est l’antidote du Rêve ; le Rêve celui du Réel, car nous sommes tous empoisonnés, les uns par des songes, les autres par des contingences.

 

*

 

La bibliothèque est un rouage bénéfique de la société.

Là, les titres d’immortalité de l’homme, là les saintes idées rayonnent à travers le vitrail multiple des génies ; là, le Saint-Esprit demeure, confessé même par les blasphémateurs.

 

*

 

Les exceptions n’ont jamais été des exemples : ni saint Pacôme, ni Don Juan ne sont des modèles.

 

*

 

Le locataire d’un immeuble n’en use pas comme le propriétaire ; ce point banal domine les plus hautes considérations et en décide.

 

*

 

La limite d’une chose n’est pas forcément une autre chose, ni sa diminution, ni même sa cessation, mais peut-être sa modalité ascendante ou descendante.

 

*

 

Deux erreurs à extirper de la cervelle latine

La prétendue supériorité de l’Occident sur l’Orient, et de notre civilisation sur les anciennes.

 

*

 

L’universalité d’une formule en consacre l’évidence.

L’enseignement de nos prédécesseurs est encore le meilleur guide et ceux qui ont voulu se dater d’eux-mêmes ont vite découvert leur inanité.

Profiter du passé est la première et légitime habileté.

 

*

 

Pourquoi s’occuper de l’opinion de la foule ? L’opinion, c’est l’œcuménisme de l’imbécillité.

 

*

 

L’or est le Panthée des sociétés modernes ; il est tellement devenu le symbole du mal, que, par une alchimie mystérieuse, il souille ce qu’il touche. Aurifier un sentiment, c’est le carier.

 

*

 

Les socialistes sont dangereux parce qu’ils exploitent le principe chrétien sans croire ; et ils manquent tous de haute instruction. Sur leurs sentences est la marque du primaire.

Qu’ils sont redoutables les hommes d’un seul livre ; ils ont brûlé la bibliothèque d’Alexandrie ; et ceux d’une seule idée sont incapables de saisir les rapports d’une vérité avec les autres.

 

*

 

Dans le silence du cabinet, parmi les livres évocateurs du passé, ébloui par les aspects panoramiques du monde, l’intellectuel envisage le sentiment de la race comme un aveuglement générateur de crimes.

Au contraire, l’homme d’État, aux prises avec les péripéties de la vie collective, considère le patriotisme comme un élément dynamique essentiel à la conservation et à la prospérité d’une race.

Le penseur et le politique ont également raison ; à certaines heures, le patriote deviendra l’ennemi de la justice, mais le citoyen universel trahit la cité.

 

*

 

La légende est toujours vraie ; elle se forme naturellement des émanations de l’âme collective, mais sa véracité a le caractère d’un blason, c’est-à-dire d’un symbole. Celui qui croit que l’énigme est l’homme en ses saisons physiques, celui-là certes n’a pas deviné.

 

*

 

Les perceptions mentales défient notre idiome terrestre.

 

*

 

Le seul mérite de l’écrivain n’est-il pas de penser en éclaireur et de signaler les ostensoirs à ses frères occupés ailleurs ?

 

*

 

À travers les âges,

les humanistes se passent

le flambeau et la consigne

de la vraie civilisation.

 

 

 

 

 

 

 

APPENDICE

 

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Invocation

 

Prière du matin extraite du Sutta-Nipâto

 

Que le bonheur et la paix soient avec les êtres ;

Puissent tous les êtres avoir la joie au cœur.

 

Que tout ce qui a vie,

Les forts comme les faibles,

Les grands et les puissants,

Ceux qui sont de taille moyenne,

Les petits et les infirmes,

Ceux qui sont grossièrement conformés,

Les visibles et ceux qui sont cachés à nos yeux,

Ceux qui sont proches et ceux qui sont éloignés,

Ceux qui sont nés et ceux qui sont à naître,

Puisse tout ce qui a vie être heureux ;

 

Que personne ne trompe personne,

Que personne ne méprise personne,

Qu’on ne souhaite de mal à personne,

Ni dans la colère, ni dans l’irritation.

 

De même que pour son fils, son unique enfant,

Une mère sacrifie sa vie,

Ainsi, il faut avoir au cœur, pour tout ce qui vit,

Un amour sans limite.

 

Qu’en haut, en bas, aux quatre vents des cieux,

L’Univers entier soit irradié

Par un esprit d’amour

Affranchi de haine et de cruauté.

 

*

 

 

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Les vers dorés de Pythagore

 

 

Préparation

 

Rends aux Dieux immortels le culte consacré ;

Garde ensuite ta foi ; révère la mémoire

Des héros bienfaiteurs, des Esprits demi-Dieux.

 

 

Purification

 

Sois bon fils, frère juste, époux tendre et bon père.

Choisis pour ton ami l’ami de la vertu ;

Cède à ses doux conseils, instruis-toi par sa vie,

Et pour un léger tort ne le quitte jamais,

Si tu le peux du moins : car une loi sévère

Attache la Puissance à la Nécessité.

Il t’est donné pourtant de combattre et de vaincre

Tes folles passions ; apprends à les dompter.

Sois sobre, actif et chaste ; évite la colère.

En public, en secret, ne te permets jamais

Rien de mal ; et surtout respecte-toi toi-même.

 

Ne parle et n’agis point sans avoir réfléchi.

Sois juste. Souviens-toi qu’un pouvoir invincible

Ordonne de mourir ; que les biens, les honneurs

Facilement acquis, sont faciles à perdre.

Et quant aux maux qu’entraîne avec soi le Destin,

Juge-les ce qu’ils sont ; supporte-les, et tâche

Autant que tu pourras d’en adoucir les traits ;

Les Dieux aux plus cruels n’ont pas livré les sages.

Comme la Vérité, l’Erreur a ses amants ;

Le philosophe approuve ou blâme avec prudence ;

Et, si l’erreur triomphe, il s’éloigne ; il attend.

Écoute et grave bien en ton cœur mes paroles :

Ferme l’œil et l’oreille à la prévention ;

Crains l’exemple d’autrui ; pense d’après toi-même ;

Consulte, délibère et choisis librement.

 

Laisse les fous agir et sans but et sans cause.

Tu dois dans le présent contempler l’avenir.

 

Ce que tu ne sais pas, ne prétends point le faire.

Instruis-toi ; tout s’accorde à la constance, au temps.

 

Veille sur ta santé : dispense avec mesure

Au corps les aliments, à l’esprit le repos.

Trop ou trop peu de soins sont à fuir, car l’envie

À l’un et l’autre excès s’attache également.

Le luxe et l’avarice ont des suites semblables.

Il faut choisir, en tout, un milieu juste et bon.

 

 

Perfection

 

Que jamais le sommeil ne ferme ta paupière,

Sans t’être demandé : Qu’ai-je omis ? qu’ai-je fait ?

Si c’est mal, abstiens-toi ; si c’est bien, persévère.

Médite mes conseils ; aime-les ; suis-les tous,

Aux divines vertus ils sauront te conduire.

J’en jure par Celui qui grava dans nos cœurs

La Tétrade sacrée, immense et pur symbole,

Source de la Nature et modèle des Dieux.

Mais qu’avant tout ton âme, à son devoir fidèle,

Invoque avec ferveur ces Dieux dont les secours

Peuvent seuls achever tes œuvres commencées.

Instruit par eux, alors rien ne t’abusera ;

Des êtres différents tu sonderas l’essence,

Tu connaîtras de Tout le principe et la fin.

Tu sauras, si le Ciel le veut, que la Nature,

Semblable en toutes choses, est la même en tout lieu ;

En sorte qu’éclairé sur tes droits véritables,

Ton cœur de vains désirs ne se repaîtra plus.

Tu verras que les maux qui dévorent les hommes

Sont le fruit de leur choix ; et que ces malheureux

Cherchent loin d’eux les biens dont ils portent la source.

Peu savent être heureux ; jouets des passions,

Tour à tour ballottés par des vagues contraires,

Sur une mer sans rive, ils roulent aveuglés,

Sans pouvoir résister ni céder à l’orage.

Dieu ! vous les sauveriez en dessillant leurs yeux...

Mais non : c’est aux humains, dont la race est divine,

À discerner l’Erreur, à voir la Vérité.

La Nature les sert. Toi qui l’as pénétrée,

Homme sage, homme heureux, respire dans le port.

Mais observe mes lois, en t’abstenant des choses

Que ton âme doit craindre, en les distinguant bien ;

En laissant sur le corps régner l’intelligence :

Afin que, t’élevant dans l’Éther radieux,

Au sein des Immortels, tu sois un Dieu toi-même !

 

 

 

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La Charité

 

(I Corinthiens XIII)

 

Quand même je parlerais toutes les langues des hommes, si je n’ai pas la charité, je ne suis que comme l’airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit.

Et quand même j’aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères et que j’aurais une science parfaite de toutes choses ; quand j’aurais encore toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien.

Et quand j’aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien.

La charité est patiente ; elle est douce et bienfaisante ; la charité n’est point envieuse ; elle n’est point téméraire et précipitée ; elle ne s’enfle point d’orgueil ;

Elle n’est point dédaigneuse ; elle ne cherche point ses propres intérêts ; elle ne se pique et ne s’aigrit de rien ; elle ne soupçonne pas le mal ;

Elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne périt jamais.

Maintenant ces trois vertus demeurent :

 

la Foi, l’Espérance et la Charité,

mais entre elles la plus excellente est

LA CHARITÉ.

 

*

 

 

 

 

Le devoir de celui qui a reçu est de transmettre à son tour.

 

 

 

 

 

LE MESSAGE DU CHRIST AU MONDE

 

 

 

 

Je vous donne un commandement nouveau :

« Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous connaîtront que vous êtes mes disciples. »

(Jean XIII, 34.)

 

« C’est ici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ; il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

» Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous ai commandé.

» Je vous donne ces commandements pour que vous vous aimiez les uns les autres. »

(Jean XV, 12-17.)

 

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

Présentation par le Sr Hieronymus, Imperator

Introduction

 

CHAPITRE PREMIER

 

1. – Dieu, le Père

2. – Dieu, le Fils

3. – Dieu, le Saint-Esprit

4. – La Sainte Vierge. La Messe. L’Eucharistie

5. – Les Anges

6. – La Religion

7. – La Foi

8. – Croire

9. – Le Miracle

10. – La Communion des Saints

11. – La Prière et les Chants

 

CHAPITRE II

 

1. – Monitions du Sâr Péladan

2. – Œuvre et idéal de la Rose-Croix

3. – La Providence. Les trois Normes

4. – Le Mystère

5. – L’Âme et les Passions

6. – La Magie

7. – L’Occulte

8. – Le Mage

9. – Influx planétaires

10. – Néophyte

11. – Initiés. Initiées

12. – La Fée

13. – Les Fluides

14. – La Méditation

15. – Volitions. Qualités. Défauts

16. – Charité

17. – Justice. Vérité. Progrès. Égalité

 

CHAPITRE III

 

1. – L’Homme

2. – La Femme. La Mère

3. – Amour. Aimer

4. – Le Mariage

5. – Engendrer

6. – Le Bonheur. Le Bien

7. – L’Harmonie. La Hiérarchie. Le Désordre

8. – La Colère. Les Défauts

9. – La Douleur

 

CHAPITRE IV

 

Bréviaire de l’Artiste

1. – Admiration. Enthousiasme

2. – La Gloire

3. – Les Arts. L’Esthétique

4. – Les Génies

5. – Enseignement. Éducation. Intelligence

6. – Varia

 

APPENDICE

 

1. – La Prière journalière du fidèle selon le Sutta‑Nipâto

2. – Les Vers dorés de Pythagore

3. – La Charité selon Saint Paul

4. – Le Message du Christ au Monde

 

 

 

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1 Afin d’écarter toute méprise quant à la pensée de l’auteur sur ce sujet, nous croyons judicieux d’insérer ici l’extrait ci-dessous de la supplique qu’il a adressée à S. S. le Pape Pie X. (Note de Biblisem.)

 

La question très grave que j’apporte à la décision de Votre Sainteté a été résolue par le Concile de Trente d’une façon péremptoire. Le canon 7 de la XXIVe session constitue la loi actuelle :

« Si quelqu’un dit que l’Église se trompe, quand elle enseigne comme elle a enseigné, selon la doctrine de l’Évangile et des Apôtres, que le lien du mariage ne peut être brisé pour le péché d’adultère de l’une des parties ; et que ni l’une ni l’autre, non pas même la partie innocente qui n’a pas donné sujet à l’adultère, ne saurait contracter un mariage du vivant de l’autre partie ; et que le mari qui, ayant quitté sa femme adultère, en épouse une autre, commet lui-même un adultère, ainsi que la femme qui, ayant quitté son mari, en épouserait un autre ; qu’il soit anathème ! »

Aucun prêtre n’a examiné cette loi, car aucun prêtre n’y était intéressé. Que Votre Sainteté permette à un laïc d’y regarder. La langue canonique, comme toute expression judiciaire, affecte un peu d’obscurité, et il convient de traduire.

L’Église enseigne que le lien du mariage ne peut être dissous pour le péché d’adultère d’une des parties, selon l’Évangile, juxta Évangelicam.

Or, nous lisons dans saint Mathieu, c. XIX, v. 9 :

– « Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, SAUF POUR INFIDÉLITÉ, et qui en épouse une autre commet l’adultère » μὴ ἒπὶ πορνεία.

Nous lisons encore dans le même évangile, au sermon sur la montagne, c. V, v. 31-32 :

« Il a été dit : “Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce.” Mais moi je vous dis que celui qui répudie sa femme, SAUF POUR CAUSE D’INFIDÉLITÉ (excepta fornicationis causa), l’expose à devenir adultère... »

Très Saint Père, l’anathème du S. Concile de Trente tombe sur le Divin Maître, car Il a dit, par deux fois, que le péché d’adultère dissout le lien du mariage.

Adulterium Matrimonii vinculum solvet.

Et, dès lors, que vaut ce canon autrement qu’en exemple d’imposture ?

Les théologiens répondent que l’interprétation de l’Écriture appartient à l’Église. Là où il n’y a rien à interpréter, il faut bien qu’ils laissent la parole au Divin Maître. On objecte encore que saint Marc et saint Luc, quand ils parlent du mariage, ne mentionnent pas l’exception d’adultère : et dans l’acharnement du prêtre contre le laïque, on oublie l’effroyable conséquence d’opposer les Synoptiques entre eux ! Ou bien toute parole d’un des quatre est parole d’évangile, ou bien il faut rejeter ce qui ne se trouve que chez l’un d’eux. Dès lors, le miracle des noces de Cana, la Samaritaine, la femme adultère, la Résurrection de Lazare, témoignés par le seul disciple bien-aimé, ne sont plus reçus canoniquement.

« Ni l’une, ni l’autre des parties, pas même la partie innocente, ne saurait contracter un autre mariage du vivant de son conjoint ! »

Les Casuistes prétendent que N.-S., en permettant le divorce, défend le remariage. Le texte dit : « Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre » ; la seconde proposition implique la faculté d’un nouveau lien, raisonnablement.

Supposons cependant qu’il y ait doute et traduisons en langue simple :

« En cas d’adultère, l’un et l’autre époux, l’innocent aussi bien que le coupable, feront vœu de chasteté. »

Voilà deux êtres destinés à la vie sociale, préparés pour elle, et on leur impose un vœu monastique à garder au milieu du monde.

Un vœu doit être juste, délibéré, véridique : ici, c’est un dam.

Qui oserait supposer que l’Église préfère l’adultère au remariage ? Aucun, je pense.

 

(Supplique à S. S. le Pape Pie X pour la réforme des canons

en matière de divorce, Mercure de France, 1904, p. 11 à 14.)

 

 

 

 

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