La Reine du Ciel dans la littérature allemande

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Théo PILGRIM

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA Vierge Marie, la Femme noble et chérie, la Reine du Ciel apparaît dans la littérature allemande sous le jour profondément humain et chrétien d’une Reine miséricordieuse.

Ici il faut nous restreindre à la poésie lyrique, épique, dramatique et à la prose d’art des peuples de langue allemande. Le Moyen Âge et l’époque moderne nous fourniront les pages les plus belles de la littérature mariale.

Le Moyen Âge nous montre d’abord son aspect latin. Aux XIe et XIIe siècles, les grandes Antiennes mariales étaient très populaires dans les pays de langue allemande. L’Alma Redemptoris Mater d’Hermann Contract, moine de Reichnau (+1054), l’Ave Regina Coelitum et le Salve Regina, dont l’auteur n’est pas connu avec certitude, étaient connus de tous les fidèles. Le puissant lyrisme, la beauté grave et recueillie, l’ardeur chrétienne et humaine de supplication pénétrèrent profondément dans l’âme du peuple allemand. L’antienne de la Reine de miséricorde fut très combattue par la pseudo-réforme, mais défendue avec succès par le franciscain Augustin d’Alveldt (XVIe s.), qui écrivit une apologie du Salve Regina.

L’époque médiévale avec sa langue allemande peu évoluée, mais d’une fraîcheur exquise, expression d’une âme simple, célèbre à diverses reprises la Femme par excellence, la Vierge Reine.

Dans les poèmes affectés des troubadours Notre-Dame apparaît « comme une Reine à qui on conte fleurette ». – Les Marienlieder occupent une place spéciale dans la littérature médiévale. Un prêtre inconnu du XIIe siècle chante dans ses Marienlieder (chants de Marie) la couronne et le trône de la Vierge. Dans les Dialogi de Césaire de Heisterbach, Notre-Dame intervient comme Reine puissante et miséricordieuse pour sauver ceux qu’elle protège. L’intérêt de Marie, Reine de miséricorde, pour les pauvres pécheurs, sa puissance sur son Fils, forme la substance de la dévotion mariale, exprimée dans la poésie lyrique et épique du Moyen Âge.

Les éloges de la Reine du ciel ne cessent pas avec la pseudo-réforme de Luther. Le jésuite Dominik Nugent (1641-1717), irlandais de naissance, écrivit un beau recueil de chants religieux pour la ville de Luxembourg. Nous y rencontrons pour la première fois une chanson allemande en l’honneur de la Mère de Jésus, Consolatrice des Affligés, qu’il appelle Reine des Anges :

 

            Maria Trosterin,

            Der Engel Konigin.

 

Hölderlin (1770-1843), le poète philosophe, a écrit un hymne à la Madone. Parlant dans un intervalle lumineux de sa nuit intellectuelle, il nous dit : « Si quelqu’un, dans la nuit sacrée, pense à l’avenir et se fait du souci pour ceux qui sommeillent paisiblement, pour les enfants en fleurs et en fraîcheur, tu viens en souriant et demandes ce qu’il craint, quand toi tu es Reine. »

Lenau (1802-1850), hongrois allemand et baptisé ans l’Église catholique, a écrit lui aussi un Faust et y chante d’une manière impertinente, négative et même blasphématoire la Vierge et fait dire à son « Doctor Marianus » :

 

            Vierge, Mère, Reine, Déesse

            Reste-nous clémente.

 

Friedrich von Hardenberg, appelé Novalis (1772-1801), est un poète romantique très délicat, génial el profondément religieux. De lui nous possédons ce poème tendre et frais :

 

            Tu sais, ô Reine bien-aimée,

            Que je t’appartiens tout entier.

 

Max von Schenkendorff (1783-1814), protestant, est tendre comme Novalis. Dans son poème curieux et assurément peu luthérien sur l’assomption nous trouvons une belle strophe : « Éloignez-vous, anges, avec la couronne que vous m’apportez. Même si je vis au ciel, je veux rester éternellement servante du Seigneur. »

Reinhardt Johannes Sorge (+1916), un converti, tâche dans son beau poème La Reine des cieux (Mutter der Himmel) de sonder le mystère de Marie. Cette poésie fait penser aux visions de Dante et en rappelle la ferveur et les couleurs. Le poète et sa femme, convertis ensemble au catholicisme, montent au plus haut des cieux, y reçoivent en passant de précieux enseignements d’autres astres vivants et y entendent parler de la Reine des cieux.

Les Lieder, ou chants allemands, qui glorifient la Vierge, Reine des cieux, sont très nombreux et d’une inspiration très délicate. Nous citerons les plus beaux, chantés dans les églises catholiques de tous les pays de langue allemande. – On célèbre d’abord la joie pascale de la Reine du Ciel : « Freue dich du Himmelskonigin ! Freue dich Maria ! » Ensuite deux chants exaltent la Reine glorieuse et clémente : « Glorreiche Konigin Himmlische Braut... » – « Maria Konigin, o milde Helferin, Maria salve. » Une chanson de Mgr G. Kieffer glorifie la céleste Reine, puissante auxiliatrice des chrétiens : « Maria hehre Konigin, der Christen machtige Helferin... » La Reine du rosaire est exaltée par un chant d’exquise délicatesse : « Rosenkranzkonigin, Jungfrau der Gnade... » Il y a aussi une paraphrase très poétique du Salve Regina (Gegrüsset seist du Konigin) et du Salve Regina Coelitum (O selige Himmelskonigin Maria... ).

Pour finir, qu’il nous soit permis de parler du Luxembourg, petite terre mariale, où les poètes expriment leur attachement à la Reine du ciel en latin, en français, en luxembourgeois et en allemand. Citons seulement deux de ceux qui ont écrit en allemand.

Dans son Katholisches Gesangbuch, Heinrich Stammer (1785-1859) a une belle chanson dédiée à la Reine des Vierges (Konigin der Jungfrauen) et dans un autre poème il chante la Reine de clémence (Konigin der Milde).

Peter Klein (+1885), mort jeune, nous a laissé une poésie très délicate, une exaltation de l’Ave Maria. Dans la première strophe, l’auteur voudrait s’identifier avec les forces de la nature pour saluer la Reine du ciel :

 

            ... Ware ich, o Meer, dein Wogenschwall,

            Zum Gruss der Himmelkonigin

            Rief’s dann im weiten All :

                                AVE MARIA

 

 

 

 

Théo PILGRIM.

 

Paru dans la revue Maria en mars-avril 1955.

 

 

 

 

 

 

 

 

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