L E T T R E
S U R
Les PRINCIPES
Et les CARACTÈRES
Des principaux
AUTEURS Mystiques
et Spirituels
des derniers siècles.
A V I S.
Cette Lettre n’était pas écrite pour être publiée, mais pour donner à une personne de piété le caractère de huit ou dix Auteurs Mystiques qu’il avait demandés, sous chacun desquels on s’avisa d’en ranger quelques autres qui en approchaient. Mais depuis qu’on eut trouvé bon qu’elle fût rendue publique, on l’a retouchée et augmentée de plus des deux tiers. Puis qu’il y a tant de Catalogues et de Journaux destinés à faire connaître des millions de livres humains et des montagnes de fatras, qui ne font qu’accabler de distractions les esprits des hommes, et étouffer dans leurs cœurs le feu de l’amour de Dieu, pourrait-on trouver mauvais qu’on fît remarquer par un petit écrit que l’ivraie des méchants livres n’a pas encore tellement couvert toutes les campagnes, qu’il n’y ait pourtant encore, grâces à Dieu, quelques épis de bon grain parsemés ci et là, je veux dire, un petit nombre d’Auteurs qui, formés par le bon Esprit, tâchent de ramener les âmes à leur vraie fin, et qui font voir que Dieu dans ces derniers temps ne s’est pas laissé sans témoignage, mais qu’il a toujours cherché d’avoir ses délices avec les enfants des hommes, pourvu qu’il y trouvât des amis libres et des cœurs purifiés. On aurait pu en produire bien d’avantage, et même encore plus que Sandaeus, le Card. Bona et plusieurs autres n’en ont avancé : mais ce qu’il y a ici doit suffire pour le dessein qu’on a eu, du moins présentement. On souhaite que ceux qui voudront s’appliquer à cette sorte de lecture fassent réflexion sur ce qui est dit vers la fin de cette lettre ; et on prie Dieu de leur faire choisir uniquement ce qui peut leur être le plus salutaire. À Dieu.
L E T T R E
Sur les PRINCIPES et les CARACTÈRES des principaux AUTEURS Mystiques et Spirituels des derniers siècles.
1. VOUS m’avez requis plus d’une fois, Moniteur et très-honoré en J. C., de vous écrire quelque chose sur le sujet d’un de nos entretiens de ci-devant touchant les Auteurs qui ont écrit des choses mystiques et spirituelles, et qui sont en réputation d’avoir été éclairés de Dieu. Vous m’aviez témoigné auparavant qu’il vous semblait y avoir entre eux trop de variété et de dissemblance au lieu d’une parfaite conformité : et je vous avais fait remarquer sur cela, entre plusieurs autres choses, que cette variété n’était nullement dans le fond et dans le sujet principal, mais que ce n’était qu’une différence de dons et de caractères selon lesquels il avait plu à la Sagesse et à la Grâce de Dieu, que l’Écriture appelle multiple et diverse en toute manière 1, de se manifester diversement dans des sujets différents, pour de là se communiquer à d’autres âmes aussi de constitutions différentes : mais que cette différence de caractères et de manières revenait pourtant à un seul et même but ; et j’en fis alors l’application à quelques-uns de ces Auteurs qui le présentèrent les premiers à ma pensée. Je pensais que nous en demeurerions là, et me suis toujours excusé d’en écrire, connaissant et mon incapacité sur ce sujet, et que tout au plus je n’en ai que quelques idées bien imparfaites et bien éloignées encore de la réalité des lumières de ces écrivains éclairés. Mais vous ne laissez pas d’insister, et vous me proposez même, pour m’y engager plus déterminément, environ une dizaine de ces auteurs-là auxquels vous voulez bien vous contenter que je borne mes réflexions toutes telles qu’elles me viendront dans l’esprit.
C’est donc pour vous satisfaire que je vais l’entreprendre : mais pourrait bien être en même temps que l’estime que j’ai conçue avec justice pour cette sorte d’auteurs me tenterait à en produire davantage que vous ne m’en avez proposé, et même à circonstancier un peu ce qui regarde et leurs personnes et leurs ouvrages : et en effet je ne serais pas marri que si cette lettre venait à être vue de quelques autres que de vous, ceux qui n’ont point encore de connaissance de ces matières-là puissent apprendre au plus sûr auprès de qui s’en informer de source ; et que ceux qui en font cas et qui de plus se sentent touchés et attirés au bien solide par de certaines voies d’avantage que par d’autres, aient sujet de choisir ce qui leur pourrait le plus convenir entre les caractères différents de ces auteurs et de leurs écrits, dont le nombre ne sera avancé que pour ce choix, et non pas qu’on croie que chacun doive se charger l’esprit de la lecture de tous, ni même de la plupart : ce qui ne ferait que nous confondre ou nous donner de la distraction, au lieu d’éclairer et d’édifier solidement.
2. Tous les auteurs Mystiques conviennent en ce qui suit.
Que Dieu nous a créés pour être unis à lui, transformés à sa ressemblance, et afin que lui-même devienne et soit tout en tous, selon les termes de l’Écriture même. S. Jean. 17 : 21. 1. Cor. 15 : 28. 2. Cor. 2 : 18.
Que ceci ne pouvant se faire que par l’Esprit du Seigneur (selon la même Écriture), dès que l’homme s’est voulu servir de son propre esprit et de sa propre volonté pour se perfectionner lui-même à sa mode, il s’est ruiné et perdu, lui et toute sa race.
Que cette désertion et séparation qu’il a faite d’avec Dieu pour adhérer à soi-même et aux créatures subalternes l’a rempli de ténèbres, de vices et de corruption, choses entièrement incompatibles avec sa fin souveraine.
Que Dieu seul peut le délivrer et le vider parfaitement de tous ces maux-là, et refaire en lui son ouvrage défait, qui est cet homme même perdu et ruiné.
Que Dieu pour cet effet se présente à lui avec ses divines opérations ; que c’est à l’homme à y consentir, à les accepter, à y coopérer et à s’y abandonner ; et que moyennant cela Dieu le travaille, le purge, l’éclaire, le dispose à son union, l’unit enfin lorsqu’il est convenable de la manière qu’il le trouve bon, et le transforme selon son bon plaisir à son image, l’avançant par son Esprit de clarté en clarté, comme parle St Paul.
Et enfin, que l’union et la perfection, à quoi l’homme doit tendre de foi ici-bas, n’est pas une union ou une transformation pleine et fruitive, qui est pour l’autre vie ; mais une union et une perfection de voyagers, encore mêlée de l’obscurité de la foi, et qui consiste en une identification, pour ainsi dire, de volonté avec celle de Dieu, en laquelle celle de l’homme soit tellement transformée, que Dieu fasse désormais de lui tout ce qu’il lui plaît sans aucune résistance de la part de l’homme, soit qu’il plaise à Dieu de le laisser dans l’état où il est, ou de le mettre dans celui des croix et des privations, ou lui donner et lui reprendre ensuite plus ou moins quelques avant-goûts de l’union fruitive et quelques dons ou grâces extraordinaires qu’il lui plaira : en toutes lesquelles choses c’est à l’homme de laisser purement faire et disposer le Seigneur, sans choix et mouvement particulier de sa part.
Voilà un raccourci de toute la substance de la Théologie Mystique ; et c’est la même chose dans le fonds qu’enseignent tous les auteurs éclairés qui ont écrit de cette science des saints.
3. Mais voici en quoi il y a de la différence entre eux.
Il y a une grande variété dans la constitution de nos âmes aussi bien que dans celle de nos corps, de nos habitudes, des obstacles que nous avons opposés diversement à Dieu les uns d’une façon et les autres d’une autre : de plus, les conjonctures des temps et des lieux où l’on se trouve, et celles des personnes avec qui l’on doit vivre, ne pouvant que varier beaucoup, il résulte de tout cela que les voies tant intérieures qu’extérieures, par le moyen desquelles on doit être débarrassé des divers empêchements où l’on est, et selon lesquelles on doit être travaillé et disposé pour revenir à l’union divine, ne peuvent être que de différentes manières. Dieu, qui veut par toutes sortes de moyens ramener les hommes à foi, et qui, connaissant parfaitement la différence de leur constitution, de leur faiblesse et de leur capacité, sait ce qu’ils peuvent et ce qu’ils ne peuvent porter, et voit ce dont ils ont de besoin et ce qui leur serait préjudiciable, a aussi tant de bonté que de vouloir bien accommoder ses voies et ses opérations à l’état où ils se trouvent, et les prendre du biais et par le côté qu’ils sont le plus prenables, les uns par des sensibilités (qui sont encore de différentes sortes), et les autres par des privations et des aridités : les uns par diverses sortes de douceurs, et les autres par la voie des amertumes : les uns par des lumières singulières, et les autres par la foi toute nue : les uns par des voies d’amour sensible, et les autres par des voies de crainte ou de désolations : les uns en opérant le plus fortement sur leurs entendements, et les autres en agissant principalement sur leurs volontés, ou sur d’autres de leurs facultés ; et ainsi d’une infinité d’autres conduites. Et comme dans cette diversité il s’est toujours trouvé quelques personnes qui ont excellement correspondu à Dieu, et que Dieu a élevées à un haut point de lumières et de grâces ; quand le Seigneur les a ensuite poussés à écrire chacun selon sa voie et ses expériences, de là sont venus les caractères différents des Écrivains Mystiques, dont je vais spécifier quelques-uns à peu près dans l’ordre que vous me les avez proposés.
I. TAULER.
4. CET Auteur, qui était un saint et savant Dominicain, qui a enseigné à Cologne et à Strasbourg, où il mourut l’an 1379, passe pour un des plus autorisés et des plus considérables entre les Mystiques, tous ayant une extrême déférence pour ses sentiments : et de vrai, nuls gens de bien ne sauraient le connaître sans le goûter et sans lui donner leur approbation, Aussi voit-on que les Protestants les plus sages, les Docteurs Arndt, Muller et plusieurs autres, sans même excepter Luther ni Mélancton, en ont fait des éloges qui ne cèdent en rien à ceux des Catholiques Romains, comme il se peut voir à la tête de l’Édition Allemande de ses Sermons que le pieux Arndt à procurée, et dans celle de toutes les œuvres de cet auteur par le célèbre D. Spener, réimprimées à Francfort plusieurs fois 2.
Le caractère de cet Auteur illuminé est à mon avis celui-ci. Que l’âme par la mortification de ses passions et de ses vices, par la pratique des vertus, par le détachement et l’abnégation de soi-même, de ses désirs, de sa volonté, de son amour propre, et de toute son activité et de toute chose créée, revienne à son Fonds intérieur, y cherchant Dieu et l’y trouvant enfin qui s’y manifeste par la naissance de son Divin Verbe, et par la Spiration de son S. Esprit : et qu’ensuite par une introversion durable et continuelle elle se conserve dans cet état d’intériorité dans lequel Dieu puisse produire en elle sa volonté, ses merveilles et ses conduites spéciales, desquelles néanmoins cet auteur ne parle que généralement.
5. Tauler a écrit en vieux langage Allemand, qui ne se trouve que très-rarement. Surius en a fait une traduction Latine, imprimée plusieurs fois à Paris et à Cologne jusqu’en 1615, laquelle tient présentement lieu d’original. On en a plusieurs Éditions Allemandes procurées tant par les Catholiques Romains que par les Protestants. Les Flamands en ont fait de même ; mais la vieille édition Flamande de Francfort de 1565 est altérée, de même aussi que celle que M. Serrarius publia à Hoorn il y a environ 40 ans, quoique d’ailleurs celle-ci contienne plus d’ouvrages de l’auteur qu’aucune des autres. La meilleure est celle d’Anvers 1685 : il y manque pourtant ses Institutions, ses Lettres et ses Exercices sur la Passion, mais on les trouve à part, les deux premiers sous le titre de Medulla anima, dont on a une vieille édition Française, mais effacée par une nouvelle et très-belle traduction tant de ses Institutions, imprimées à Paris en 1668, que de ses Exercices sur la Passion, imprimés au même lieu l’année suivante avec les Exercices du pieux ESCHIUS sur la vie purgative, illuminative, et unitive, qui y sont joints. Le Père Mabillon, dans le Catalogue qui est à la fin de son traité des Études Monastiques, met entre les livres spirituels traduits en Français les Œuvres de Tauler : je n’y ai jamais vu ses Sermons, qui en sont la plus considérable pièce ; et je suis assuré que son traité de la Vie pauvre de J. Christ s’y trouve encore moins, vu même qu’il manque dans le Latin de Surius, et qu’il ne se trouve qu’en Allemand et en Flamand.
6. RUYSBROECK, contemporain de Tauler, et en quelque sorte son Maître, est à peu près de même caractère que lui, et va même quelquefois plus haut et plus méthodiquement. C’était un saint Prieur d’un monastère de Chanoines proche de Bruxelles qui n’avait presque point d’études, et qui était d’une grande simplicité, mais avec cela d’une grande sainteté, et d’une très-haute contemplation, d’où lui venait par voie d’expérience et d’infusion une très-profonde et originale connaissance de toute la Théologie Mystique, en quoi il a servi de guide à plusieurs. À la réserve de son excellent traité de l’Ornement des Noces Spirituelles, qu’on trouve encore quelquefois en vieux Flamand, et qui est des principaux de ses ouvrages, on n’a ses œuvres qu’en latin de la traduction de Surius. Elles ont été imprimées à Cologne trois fois, dont la dernière est de l’an 1692. Ceux qui recherchent les interprétations allégoriques des choses typiques trouveront de quoi se satisfaire dans son Commentaire sur le Tabernacle de l’alliance, ou sur le Lévitique.
7. Le P. JEAN ÉVANGÉLISTE, Capucin à Louvain, est ou approche beaucoup du caractère de Tauler dans son excellent Livre du Royaume de Dieu dans l’âme, qui est écrit si familièrement, si nettement, et avec une méthode si naturelle et si suivie, qu’il peut bien servir aux esprits les moins pénétrants d’introduction à l’intelligence des choses mystiques. Son livre est Flamand, et imprimé plusieurs fois à Anvers dès l’an 1639 (lui vivant alors encore) jusqu’en 1686. On l’a aussi en Allemand dès l’an 1665 : mais les dernières éditions de Francfort des années 1690 et 1692 sont augmentées d’un second traité de la séparation de l’Âme et de l’Esprit, qu’un Professeur de Louvain (Libertus Fromendus) avait auparavant fait imprimer en latin, et joint à son Explication sur le Cantique de Salomon. Ce traité semble plutôt une récapitulation et une déduction de quelques points principaux de son premier livre, nommément de l’élévation de l’âme par-dessus soi-même, qu’une suite du même livre, quoi qu’on en dise sur le titre. Il n’y a encore rien de tout cela en Français. Cet auteur a cela de remarquable que dans tout son livre il n’y a pas un seul mot qui touche directement ou indirectement les matières controversées entre les Chrétiens, de sorte qu’il est à l’édification de tous : aussi dit-on que des Protestants ont contribué à sa réimpression, tant on en fait de cas, et avec raison. On a encore du même auteur un Traité posthume de l’Eucharistie qui se trouve traduit du Flamand en Français, et imprimé à Bruxelles en 1662.
Je ne dirai rien de plusieurs autres qui tiennent du caractère de Tauler, sinon de Harphius.
II. HENRY HARPHIUS.
8. CET auteur, que j’allais ranger entre ceux qui approchent du caractère de Tauler, mérite bien un article à part. Il convient beaucoup avec lui, mais il est plus méthodique, spécifie davantage, et va bien plus loin : l’on peut même dire qu’avant lui, et peut-être après lui, personne n’a pénétré comme lui dans la profondeur des états intérieurs d’une âme abandonnée à Dieu ; en quoi l’on s’aperçoit bien que Ruysbroeck ne lui a pas été peu à secours. Son caractère est de proposer la résurrection gradative des états de vies spirituelles dans l’âme épurée et éprouvée. Il montre comment, après diverses mortifications, purifications et épreuves de l’âme, il se suscite dans elle de degrés en degrés de nouveaux états de vie divine, premièrement active, puis passive, dans les puissances inférieures de l’âme, après cela dans les supérieures (la mémoire, l’intellect, et la volonté) : ensuite dans son essence foncière, et enfin par-dessus son être et les opérations de ses puissances, par l’investiture qu’en font les trois personnes de la sainte Trinité, qui y manifestent leurs opérations adorables. C’est le Système le plus beau, le plus substantiel, et le plus avancé et profond de la Théologie Mystique qui se soit jamais vu.
Mais pour s’en apercevoir il ne faut pas s’y prendre selon l’ordre où les Éditeurs ont mis ses œuvres mystiques, qui est fort mal conçu. À les voir avec le titre commun de Théologie Mystique en trois Livres, on dirait que ce tout n’est qu’un seul corps de Théologie divisé en autant de livres comme en autant de parties qui le constituent. Cependant ces trois prétendues parties sont trois ouvrages très-différents, dont chacun est complet par soi seul. Le premier, qui est le plus grand et le plus prolixe, est beaucoup plus moral que mystique, et ne fait que très peu à notre sujet. C’est proprement le second et le troisième qui sont mystiques, et encore dans le second (intitulé le Directoire des Contemplatifs) faut-il avoir patience jusqu’au chap. 25 (des anciennes Éditions), après quoi il entre droitement dans les profondeurs de son sujet, jusqu’à la fin. Son Troisième livre, autre traité à part, intitulé l’Éden des Contemplatifs, y entre bien plutôt. Il y retouche les mêmes choses que le Directoire, y en ajoutant néanmoins de nouvelles et de considérables, explique plus dans le détail ce qu’il n’avait touché que brièvement, et le munit de plusieurs autorités des Docteurs et des Saints. On lui attribue encore plusieurs autres écrits qui ne se trouvent guères, et qu’on ne fait point entrer en comparaison avec ceux que je viens de marquer.
9. Harphius était Gardien des Franciscains de l’observance étroite à Malines il y a plus de deux cents ans. Sa Théologie Mystique fut mise au jour en latin, et pour la première fois à Cologne, l’an 1538, et puis l’an 1556. Le P. Mabillon a raison de préférer pour l’intégrité ces Éditions-ci à toutes les autres, quoique pourtant celles-ci aient été prohibées ensuite par l’Inquisition, non à cause des dogmes mystiques, mais à cause de trois ou quatre lignes contre l’incapacité des Directeurs et des Spirituels de ce temps-là. L’Auteur, après avoir dit dans le 12e Chap. de son Directoire, que les parfaits, ou ceux qui ne l’étant pas sont néanmoins tellement mus et attirés de l’Esprit de Dieu qu’ils sont obligés de suivre uniquement son attrait, n’ont pas besoin d’être sous l’obéissance ou la Direction des hommes, avait ajouté ces paroles : surtout en ce temps-ci, auxquels communément tous les Supérieurs qui conduisent les autres sont plus adonnés aux choses extérieures qu’aux intérieures ; de sorte qu’ils n’entendent que fort feu ou rien du tout de la vie du dedans ; et partant sont plutôt à obstacle qu’à secours à ceux qui, étant attirés de Dieu à cette vie intérieure, sont soumis à leur direction. Et c’est la cause pour quoi il y a tant de relâchement et tant d’immortification entre les Religieux, je veux dire que c’est parce qu’ils ne règlent pas leur conduite de la manière que le requiert la vie intérieure et les progrès qu’on y doit faire3. Ces paroles firent sa disgrâce. Aussi les a-t-on retranchées de l’Edition de Rome 1585, de celle de Cologne 1611 et des autres, d’où ils ont aussi ôté un mot que l’auteur disait des créatures éternelles, expression qui passait leur intelligence.
Les œuvres mystiques de cet Auteur ont paru en Français à Paris l’an 1616, de la traduction de M. de la Mothe-Romaincourt Conseiller du Roi : mais ce langage étant vieilli, une nouvelle Traduction, à tout le moins de son Directoire, qui est sa meilleure pièce, ne serait pas maintenant hors de saison. On trouve encore ce dernier traité en vieux Flamand, mais rarement. Cet auteur se déclare beaucoup contre l’amour intéressé par rapport à ceux qui veulent tendre à la perfection.
III. JEAN DE LA CROIX.
10. IL va de pair avec Harphius en sublimité, et le surpasse même dans les choses qui lui sont particulières. Son but est de recommander la pureté de l’âme en faisant voir quelque échantillon des caresses et des délices de Dieu avec une âme épurée. Outre la voie de la purification active (qu’il propose d’une manière fort propre à purger l’esprit des savants qui cherchent Dieu) et la même en tant qu’elle se fait par la pratique des vertus (où il veut qu’on se rende toujours à ce qui est le moindre et le plus pénible), le caractère singulier de J. de la Croix est (1.) celui d’une nudité si universelle de l’âme et de ses puissances, que même elle s’étende jusqu’à se dénuer de l’attachement à toutes les grâces sensibles et particulières que Dieu donne souvent aux commençants, soit qu’elles viennent par la voie des sens ou de l’imagination, ou par celle des autres puissances, à la réserve seulement des paroles substantielles et des attouchements substantiels de Dieu. Il prémunit l’âme plus qu’aucun autre Auteur contre toutes les illusions spirituelles, quelles qu’elles puissent être ; de sorte que moyennant qu’on suive les principes, on marchera à pied ferme et hors de tout péril d’illusion dans les voies de l’esprit par la pureté de la foi nue, de l’espérance, et de la charité. (2.) Une autre partie du caractère particulier de ce sublime auteur est la Purification passive tant de l’âme que de l’esprit, ou la préparation prochaine pour s’unir à Dieu, de laquelle Purification il traite plus à fond, plus en détail, et plus vivement (dans sa Nuit Obscure) que personne ait encore fait. (3.) Et pour troisième, il traite (dans sa Vive Flamme de de l’Amour) de l’union divine et de ses merveilles, d’une manière beaucoup plus particularisée et plus merveilleuse que qui que ce soit ; comme aussi (dans son Cantique de l’Époux Divin et de l’Épouse) des différentes conduites et des vicissitudes de caresses amoureuses et d’épreuves amères qui se passent entre Dieu et une âme qui est arrivée à l’union divine ; mais qui durant cette vie doit être exercée de Dieu en diverses manières pour les fins que Dieu sait.
11. Cet Auteur profond et solide dit les choses d’une manière qu’on sent bien venir de source et d’expérience, et qui leur attire beaucoup d’attention et de respect. Il a écrit en Espagnol, étant Carme déchaussé de cette Nation et Coadjuteur de Ste Thérèse dans le siècle où se firent les grands schismes qui divisent encore aujourd’hui la Chrétienté. Sa vie, qu’on a en petit abrégé, et dans un autre traité plus au long, fait foi que c’était une âme d’une pureté Angélique ; avantage qui donne un grand poids à tous ses écrits. On les a traduits et publiés en latin à Cologne 1639, en Allemand à Prague 1697, et ailleurs en plusieurs autres langues. On en a deux traductions Françaises, l’une ancienne, qui a été imprimée à Paris quatre ou cinq fois, dont la dernière est de l’an 1665, avec l’addition d’un traité d’un autre Religieux touchant l’union de l’âme avec Dieu, par où il prétend mettre un supplément nécessaire aux œuvres de notre auteur ; quoique cette pièce ne soit qu’un morceau assez sec de la scolastique, qu’on a bien fait d’omettre dans la nouvelle Traduction. Cette féconde traduction des œuvres de notre Auteur publiée à Paris l’an 1604 par le P. Maillard Jésuite, est d’un style très-pur, elle tourne bien des choses d’une manière plus claire que l’ancienne et avec des expressions plus heureuses : mais outre qu’il semble que le Traducteur n’ait pas bien compris le sens de quelques endroits, l’on y a fait trop de retranchement sous prétexte d’éviter des redites, mais peut-être pour par même moyen supprimer des passages à présent incommodes à plusieurs, ou de la nature de celui qu’on a retranché dans Harphius, de quoi l’explication du 3e couplet du Cantique de la vive flamme d’amour pourrait bien donner des exemples. Et ainsi ceux qui voudront avoir cet auteur dans toute son intégrité s’en tiendront aux premières éditions, d’autant plus qu’on y trouve aussi trois discours et deux livres ou parties d’éclaircissements tant sur la Théologie Mystique que sur ses phrases ou ses expressions et sur celle de l’auteur : traités qui éclaircissent ces matières-là, et en enlèvent beaucoup de difficultés, tant par des raisons que par quantité d’autorités qui y sont produites pour prévenir la faiblesse ou la malignité de ceux qui pourraient les tirer en sens désavantageux. La dernière Édition a cependant un autre avantage, c’est qu’on y trouve à la fin un recueil très utile de toutes les Maximes spirituelles de notre auteur, lesquelles on a ramassées de toutes ses œuvres sur toutes sortes de sujets.
12. Comme cet Auteur a redonné dans ce dernier siècle beaucoup de poids et un grand lustre à la Théologie Mystique, aussi plusieurs qui en ont écrit se sont fort servis et prévalus de ses lumières, les uns en le nommant et les autres sans le nommer. En voici quelques-uns qui pour ce sujet approchent les uns plus et les autres moins de son caractère.
Le Père Jean DE JÉSUS-MARIA, dans sa Théologie Mystique écrite en latin et mise en Français par le Traducteur ancien les œuvres de J. de la Croix à Paris 1666.
13. THOMAS a JESU, dont le Traité latin de l’Oraison divine imprimé à Anvers l’an 1613 est en quelque sorte un système de Théologie Mystique disposé selon les trois voies, de purification, d’illumination et d’union, et muni de quantité d’autorités de plusieurs auteurs spirituels. Cet auteur a encore écrit un autre Traité latin de la Contemplation, imprimé au même lieu l’an 1620 où il déduit son sujet fort en détail et l’appuie de beaucoup d’autorités. Le reste de ses œuvres n’est pas de ce sujet.
14. Le P. CONSTANTIN DE BARBANSON, Capucin, semble n’avoir pas peu incorporé les vérités de notre auteur, particulièrement touchant la purification rigoureuse, dans son petit et excellent traité des sentiers secrets de l’amour Divin, qui fut publié presqu’en même temps en Français, en Latin et en Allemand, et qui vient d’être réimprimé fort nettement en latin fous le titre de Verae Theologiae Mysticae Compendium, sive Semitae occultae Amoris Divini, Amstelod, 1698, et qui en effet est une espèce de Système Mystique. Je n’ai pas vu son Anatomie de l’Âme. Cet Auteur est expert, pénétrant, court et fructueux.
15. Je rangerais entre les Écrivains Mystiques qui ont particulièrement profité des œuvres de J. de la Croix le P. VICTOR GALENIUS, Capucin de Trêves, n’était que dans son Traité Latin, Summa Practica Theologiae Mysticae, imprimé à Cologne l’an 1646 et 1652, il a voulu profiter indifféremment des lumières de toutes sortes d’Auteurs spirituels, à fin de donner au public le plus universel et le plus étendu de tous les systèmes qui aient encore paru sur les matières mystiques, tant de théorie que de pratique.
16. Les petits traités de l’Abrégé de la Perfection Chrétienne, et de l’Abnégation Intérieure, ou de la Ruine de l’Amour-propre, écrits le siècle passé en Italien, rendus publics en diverses langues, et réimprimés au Pays-Bas en 1690 et 1696 dans le premier volume des Recueils intitulés la théologie du Cœur, vont en substance sur les mêmes principes, par les mêmes voies, et au même but que notre Auteur, sans autre communication pourtant que celle du même Esprit. On aurait peine à trouver quelque chose de la force, de la régularité, de l’excellence, et en même temps de la brièveté de ces deux petits et admirables livrets, dont on tient que l’Auteur était une femme, quoique l’Édition Italienne de Cologne 1642, dédiée au Nonce Chigi, qui depuis fut le Pape Alexandre VII, attribue le premier de ces ouvrages au Jésuite Gagliardi, contre l’opinion commune et celle des Éditeurs de Paris de l’an 1598. On peut regarder ces deux petits traités, et surtout le dernier, comme des petits abrégés systématiques de la Théologie Mystique la plus solide, la plus praticable, et la plus exempte des atteintes tant de l’illusion que des chicaneries de toutes sortes d’adversaires.
17, Enfin un Auteur, et même un Tableau original et vivant du caractère de J. de la Croix sur la matière de la Purification passive et rigoureuse, est MATTHIEU WEYER, particulier qui mourut à Wefel l’an 1650, homme de douleur et homme éclairé d’enhaut, comme en font foi ses Lettres pénétrantes et le recueil de ses divins discours, où l’on voit comment tout ce qui est de l’homme et de ses puissances, ses actes et toute propriété, tombent enfin en jugement devant la Justice Divine avant la parfaite purification et justification de l’homme, à fin que rien n’ait place dans la nouvelle créature, que rien ne subsiste devant Dieu et dans l’éternité, sinon le pur ouvrage de Dieu ; et que nulle chair, selon l’Écriture, ne puisse se glorifier devant lui : mais qu’à lui seul soit rendue toute gloire à jamais. Le vieux style de l’original Flamand de cet Auteur imprimé à Francfort l’an 1579 a été adouci dans les réimpressions qu’on en a faites à Amsterdam l’an 1652, qui sont rares à présent : mais on n’a pas bien fait d’y avoir inséré (quoiqu’en parenthèse) une annotation marginale et abusive de l’ancien Éditeur, qui s’est trompé en appliquant une censure de l’auteur à une personne marquée D. J., à qui pourtant l’auteur n’avait pas pensé, et à qui cette censure ne convenait pas. Cet ouvrage a été traduit et publié en Allemand à Amsterdam l’an 1658, et en même temps en Latin sous le titre de Theologiae Mysticae praxis viva, sive Matthaei Weyeri Effatorum libri tres, etc. Mais le Traducteur Latin a quelques fois mal conçu le sens de l’Auteur. J’apprends que tout fraîchement on l’a aussi publié à Londres en Anglais. On ne l’a point en Français.
18. On trouve en abrégé la substance de cette même voie dans la Lettre d’une fille sur la Régénération, qu’on vient de joindre à la nouvelle Traduction de la Théologie réelle ou Germanique.
IV. Ste THÉRÈSE.
19. CE que Jean de la Croix a proposé d’une manière théorétique, accommodée à la voie de l’intellect, et même, en quelque sorte, de la scholastique, cela même est répandu d’une manière pratique par des narrés et des productions de propre expérience, et d’une manière toute affective propre à la voie du cœur dans les écrits de Ste Thérèse, dont le caractère est que sans attester aucune méthode, quoique pourtant elle ne manque pas d’ordre, elle parle et écrit par purs sentiments et purs mouvements de cœur, d’amour, d’humilité, et selon les vives expériences qu’elle a faites des choses spirituelles et surnaturelles. Elle insiste particulièrement sur la voie de l’Oraison, tant de l’active, que de celle de quiétude ou de passiveté surnaturelle et unitive ; sur ses degrés, et sur les grâces infinies et ineffables que Dieu communique par là aux âmes qui s’y rendent. Ses manières humbles, touchantes, et animées de l’Esprit de Dieu attendrissent les cœurs qui ont encore quelque pente vers Dieu, y réveillent l’amour divin, et gravent dans les âmes une profonde vénération envers la Majesté divine et la sacrée humanité du Sauveur, avec une admiration singulière des grâces et des opérations inexprimables du Très haut dans les cœurs qui se donnent à lui sincèrement.
20. Tout le monde sait que cette grande Sainte était Carmélite Espagnole ; et ses œuvres, où elle a décrit elle-même une bonne partie de sa vie (de laquelle l’Évêque de Tarassone et le P. Ribemont chacun publié à part une histoire complète, que l’on trouve en Français), ses œuvres, dis-je, que l’on a traduites et publiées en toutes sortes de langues, comme en Latin à Cologne 1626, en Allemand là même 1686, etc., la font suffisamment connaître. De plusieurs traductions qu’il y en a en Français, la plus récente et la meilleure est celle de Mr. Arnauld d’Andilly, imprimée plusieurs fois à Paris, et nouvellement (en 1688) à Anvers en 3 petits volumes, où sont jointes les Lettres anciennes de cette sainte qui manquaient aux Éditions de Paris, mais qui sont un peu trop chargées de remarques par l’Évêque d’Osme : j’appelle ces lettres-là anciennes par comparaison à deux tomes d’autres qu’on vient de publier tout fraîchement (à Anvers 1698) et qui n’avaient point encore paru. De ses ouvrages, son livre du Château de l’âme est le plus sublime : son traité du Chemin de la perfection, le plus familier et le plus d’usage : sa vie par elle-même et ses Exclamations, le plus touchant : ses lettres et ses Fondations, le plus agréable.
21. Entre les Auteurs qui sont du caractère de Ste Thérèse, ou qui en approchent beaucoup, Ste GERTRUDE est la principale ; non celle de Brabant, mais celle d’Allemagne, Comtesse d’extraction, et qui fut il y a environ cinq cents ans Abbesse d’un Monastère de Religieuses de l’ordre de St Benoît dans le Diocèse d’Halberstadt. Elle a écrit elle-même en Latin. J’estime que, par le titre qu’on a donné à sa vie et à ses Révélations, Insinuationes divinae pietatis (imprimées souvent à Cologne, comme aussi à Paris et à Salzbourg en 1661), on a voulu marquer qu’en effet elle insinuait dans les cœurs une piété toute divine et un amour très affectif envers la Majesté de Dieu, comme il paraît particulièrement par le second livre de ses mêmes insinuations, où elle décrit sa Conversion et une partie de sa vie, d’une manière qui imite et qui semble même surpasser celle de St Augustin dans ses Confessions. Ses exercices de l’Amour divin, qui sont des prières à son usage pour tous les jours de la semaine, sont aussi très-affectifs et très-touchants. On les a traduits de son Latin et publiés en Français à Paris 1672 ; et un an auparavant, aussi bien qu’en 1687, ses Insinuations, mais sous le titre de la vie et les Révélations de Ste Gertrude. Le Traducteur, quoiqu’éloquent, n’est pas pourtant toujours bien entré dans le sens de cette âme sainte, qu’on tient avoir été des plus pures qui fussent alors sur la terre.
22. Cette Sainte me fait penser à une autre sainte fille de même nom, qui a écrit des Confessions de l’âme amante, dans le même caractère, très-touchantes et très-capables d’amollir et d’embrasser les cœurs dans l’amour de Dieu. C’est GERTRUDE MORE, des descendants du fameux Chancelier du même surnom, jadis Religieuse à Cambrai, dont le livre a été imprimé en Anglais à Paris plusieurs fois.
23. Sainte CATHERINE surnommée de Sienne, parce qu’elle y naquit environ le milieu du quatorzième siècle, est aussi entièrement dans le caractère de Ste Thérèse. Ses Méditations sur la Passion, imprimées avec sa vie par son Confesseur, ses six Dialogues qu’elle a dictés (imprimés en Latin à Ingolstadt 1563), et qui traitent principalement de la Doctrine Chrétienne sur le Rétablissement de l’homme, de l’amour de Dieu, des larmes de la pénitence, de l’Église et de la corruption de ses ministres, de la Providence de Dieu, et de l’obéissance ; ses prières, qui y font annexées ; ses Lettres à toutes sortes de personnes, publiées en Français à Paris, 1644 : enfin, la déférence, pour ne pas dire la soumission et l’obéissance que lui rendait toute la Chrétienté sans exception de Papes ni de Rois, de Grands ni de petits, de savants et de non-savants, quoique ce ne fût qu’une simple et jeune fille dont la vie ne passa pas au-delà des trente ans, font bien voir que Dieu lui avait donné le don de toucher les cœurs et les affections par le feu affectif et sacré dont elle était elle-même toute embrasée.
24. On trouve dans les ouvrages de Louis de Blois, vulgairement nommé Blosius, Bénédictin Abbé de Liessies, qui vivait il y a plus d’un siècle, le même esprit et caractère d’attendrir les cœurs à la piété ; ce qui lui a fait donner le nom de pieux presque toutes les fois qu’on le nomme. On les a recueillis et publiés diverses fois en latin à Anvers ; et l’on en a traduits divers traités en diverses langues.
Les Contemplations sur l’amour divin de RAIMOND JORDAIN (qui le nommait l’idiot) sont manifestement dans le même caractère, aussi bien que les traités auxquels on les joint ordinairement, qui sont les Soliloques, les Méditations, et le Manuel, qui portent le nom de St Augustin, dont les Confessions, aussi bien que celles d’ALPHONSE D’OROSCO, Prédicateur de Charles-Quint, Sont dans le même caractère d’amour humble et affectif.
J’en passe sous silence plusieurs autres, dont quelques-uns pourtant ne viendront pas mal à propos dans les articles suivants.
V. Ste CATHERINE DE GÊNES.
25. CETTE illustre et sainte Dame de la très-noble maison de Fieschi, et dont le Père fut Vice-roi de Naples, a été, quoique femme mariée, une âme des plus spirituelles et une des plus parfaites amantes de Dieu qui ait vécu dès longtemps sur la terre. Son caractère est un Amour de Dieu si pur, si relevé, si fort, si singulier, qu’il ne se trouve, sur ce sujet ni dans les exemples ni dans les écrits des saints et des Docteurs, rien qui approche de la sublimité et de la force de ce très-pur Amour, qui l’ayant parfaitement invertie et convertie en un instant, lui brûlait l’âme et le corps tout le temps de sa vie, et ne lui laissait rien respirer, rien pratiquer, rien dire, rien écrire, qu’Amour tout pur et tout incomparable.
26. On voit dans elle et dans ses écrits comment ce noble et ce pur Amour, qui ne cherche uniquement que Dieu et sa seule gloire, comprend en soi seul toutes choses, et la fin souveraine, et toutes les voies, et tous les moyens pour atteindre au plus haut degré de la perfection. Elle y fait voir comment de la source de l’Amour se dérivent la connaissance et la reconnaissance de notre corruption et malignité infinie ; celle de notre néant et de notre impuissance à bien faire ; celle de l’absurdité de la vaine gloire ; le renoncement à soi et à tout, la parfaite contrition, l’horreur du péché, la mortification et la sanctification du corps, de l’âme et de l’esprit, l’acquiescement à la justice de Dieu, la patience parfaite, une charité et une compassion toute vive pour le prochain, et choses de cette nature, qui sont du devoir de tous ceux qui veulent être sauvés. Elle déduit ci et là de la même source mille belles et convaincantes lumières sur les plus importantes et les plus difficiles matières de la Théologie, sur l’incompréhensibilité de Dieu et de son Amour, sur les attributs de sa puissance, de sa Sagesse, Bonté, Miséricorde, Justice, et sur la manière dont ils correspondent avec les Créatures tant bonnes que mauvaises ; sur la grâce, sa prévention, son universalité, sa manière d’opérer, la résistibilité à elle, son efficace ; sur le franc-arbitre, la puissance et l’impuissance de l’homme, sa coopération avec Dieu dans l’œuvre de son salut ; et enfin sur toute la Théologie Mystique et sur ses voies de purification, d’illumination, d’anéantissement des puissances, d’union, de transformation, et de déification. Toutes lesquelles choses sont des écoulements et des irradiations ardentes de l’Amour tout pur de l’Esprit de Dieu, qui la remplissait et la gouvernait.
27. Les œuvres de cette grande sainte, qui vécut et mourut à Gênes il y a deux siècles, furent traduites de l’Italien en Français et publiées il y a environ cent ans à Paris par les P. P. Chartreux de Bourgfontaine, puis réimprimées diverses fois à Paris et à Lyon, jusqu’à ce qu’en 1667 on en retoucha le style et les réimprima à Paris, mais en y faisant plus de retranchements et de changements qu’il ne convenait : à quoi l’on a eu dessein de remédier par la nouvelle Édition qu’on en a faite depuis peu aux Pays-Bas sous le titre de la Théologie de l’Amour, ou la vie et les autres de Ste Catherine de Gênes 1691. On y a divisé sa vie (qui est un ouvrage de son Confesseur) en trois Parties, qui sont sa Conversion, ses discours et entretiens, et ses dernières heures. Ses trois Dialogues ont pour sujet, le premier, la chute de l’âme, sa conversion et sa purification active par l’infusion de l’Amour : le second, la purification passive de l’âme et de l’Esprit par de nouvelles infusions du même Amour, et le troisième, plusieurs questions de l’âme et réponses de Dieu sur la nature, les causes, les opérations et les effets de ce pur Amour de Dieu : par lequel principe aussi elle explique à part la nature de la Purification des âmes après la mort. Tout cela d’une manière infiniment solide et touchante.
28. Quoique cette admirable sainte soit unique dans ce genre-là, et qu’il n’y ait rien de pareil à ses écrits pour échauffer et enflammer les cœurs dans l’amour de Dieu, néanmoins Ste Catherine de Sienne, dont on vient de parler, approche au plus près de ce caractère-là, mais surtout, le noble et saint aveugle de Bretagne, JEAN DE S. SAMSON, Carme déchaussé, qui mourut à Rennes l’an 1636, après avoir dicté bien soixante Traités spirituels et mystiques sur différents sujets, dont pourtant on n’a imprimé jusqu’ici (que je fâche) que deux volumes in quarto, le premier, qui contient sa Vie, ses Maximes et quelques autres Traités, à Paris l’an 1651, et celui-ci a été traduit et publié en Latin à Lyon 1655 ; le second, l’an 1654, avec réimpression du premier. Ce dernier contient ses Contemplations sur tous les Mystères du salut, avec quelques autres petits ouvrages, qui, comme tout le reste, ne sont que des saillies ou des torrents d’un amour infini qui y domine partout, et qui lui fait donner à Dieu partout le nom de son Amour et de son cher Amour, et à ses livres les titres de Miroirs et de flammes d’Amour : Amour aspiratif : Consommation de l’âme en Dieu par Amour : Soliloque, Épithalame de l’Époux divin, etc. Son traité de l’Amour aspiratif a été réimprimé depuis peu dans le second volume de la Théologie du cœur ; et l’on trouve un abrégé de ses Maximes annexé à la nouvelle Édition de la Théologie réelle qui vient de précéder.
Entre les Anciens, il paraît, par les sept lettres véritables de St IGNACE d’Antioche, que ce saint Martyr était entièrement dans le même esprit et le même caractère de l’amour divin. Sa seule lettre aux Romains (que le P. Ruïnard vient de publier le premier en grec avec les actes de son Martyre, à la fin de ses Acta Martyrum sincera) en est une preuve singulière et divinement convaincante, aussi bien que ses six autres lettres qu’on a réimprimées plusieurs fois sur la publication de Vossius, qui au reste a témoigné trop de mépris pour les lettres qu’on nomme interpolées, et trop de passion contre l’auteur de cette interpolation, lequel a plutôt prétendu donner une manière de paraphrase des lettres du saint Martyr que d’en corrompre le texte, puisqu’en effet il en a conservé toute la substance et le caractère de l’esprit d’amour.
VI. Ste ANGÈLE DE FOLIGNO.
29. LA Croix de Jésus Christ et les grâces qui en résultent, c’est-à-dire, l’amour de la vie, des vertus, de la mort de Jésus Christ, la purification de l’âme par là, et ensuite l’infusion de la vraie Théologie céleste et surnaturelle et de la connaissance savoureuse et expérimentale de Dieu, de ses attributs et perfections, de la Rédemption et d’autres merveilles divines et faveurs très-sublimes, sont l’élément et le caractère particulier de Ste ANGÈLE de Foligno, dans laquelle règne une cordialité, une simplicité et une sincérité si naïve, qu’on sent bien qu’elle est exempte de toute fraude et de toute déception. Sa doctrine et sa vie sont le substantiel de l’Évangile tout pur et tout pratique, et c’est une voie où l’amour propre ne saurait trouver ni asile ni soutien.
30. Les œuvres et la vie de cette sainte Dame, qui vécut à Foligno dans le Duché de Spolète il y a quatre cents ans, et qui, convertie lorsqu’elle avait encore son mari, se mit après qu’il fut mort dans le tiers ordre de St François, furent publiées en Latin par son Confesseur. Outre les Éditions qu’on en a faites, à Paris, et à Cologne 1601, elles se trouvent aussi dans les Actes de Bollandus au quatrième de Janvier, qui fut le jour de la mort de cette Sainte. On les a aussi publiées en diverses langues, nommément en français à Paris, et en Flamand à Anvers 1628. Mais comme on n’en trouvait plus de françaises, on vient d’en faire depuis peu (en 1696) une nouvelle traduction qu’on a publiée fous le titre de la Théologie de la Croix de J. Ch. ou les œuvres et la Vie de la Bienheureuse ANGÈLE de Foligno. On y a digéré le tout en meilleur ordre.
31. Ses œuvres contiennent une recommandation très-pathétique de la vie de J. Christ et de ses trois compagnes indissolubles, la pauvreté, les mépris, et les souffrances ; de l’Oraison ; de l’humilité ; de l’Amour spirituel ; des dons de Dieu à ses amants ; du Sacrement de l’amour ; de la présence et de l’habitation de Dieu dans l’âme, et des communications surnaturelles de Dieu, avec des précautions nécessaires contre les illusions. Sa vie y est divisée en trois parties, dont la première contient la description de sa Conversion, de sa pénitence, et de sa purification terrible : la seconde, les manières surnaturelles dont Dieu lui a communiqué ses consolations, ses lumières, les connaissances de soi, de ses attributs, et des choses qui regardent notre rédemption et notre salut : et la troisième, ses derniers discours, son Testament, et sa très-heureuse mort, qui advint l’an 1309. On trouve joints à cette Édition les exercices de BLOSIUS sur la Passion de J. Christ.
31. Les opuscules de St FRANÇOIS D’ASSISE, imprimés en Latin in-4o à Anvers 1613 avec trop de remarques de Waddingus, et en petite forme sans remarques à Lyon 1636, sont du même esprit et du même caractère que Ste Angèle.
33. Monsieur DE BERNIÈRES LOUVIGNI, Conseiller du Roi et Thésaurier de France au bureau de Caen, où sans maladie il est mort du baiser de l’amour dans l’ardeur de l’Oraison, l’an 1659, est bien, quant à l’affectif, dans le caractère de Ste Thérèse : mais pour le sujet et le dogmatique, il est entièrement dans celui de Ste Angèle, dont il était admirateur et grand imitateur, ne prenant rien tant à cœur à son exemple que la croix de Jésus Christ, l’imitation et l’inculcation de la pauvreté, de l’abjection, et des souffrances du Fils de Dieu, choses que ce saint homme recommande partout comme le haut point de la perfection en cette vie. Ses divins écrits sont remplis du véritable Esprit du Christianisme le plus solide. Son Chrétien intérieur, qui a été imprimé des vingtaines fois en France, et qu’on a traduit et publié en Flamand et même en Italien, outre le sujet, qu’on vient d’indiquer en général, traite spécialement des matières mystiques de la présence de Dieu et de l’oraison dans les livres 3 et 7. On avait dessein de publier encore beaucoup de ses autres ouvrages, et cela s’était commencé par l’addition d’un second Tome au Chrétien intérieur, et par l’Édition de ses divines Maximes et de ses excellentes Lettres : mais sa vie, et quatre autres ouvrages qu’on avait promis dans la préface qui est à la tête de ses œuvres spirituelles, n’ont point encore vu le jour, et peut-être ne le verront jamais, vu l’opposition que la science acquise selon le monde forme journellement contre l’avancement de la science infuse par l’Esprit de Dieu, et la contrariété qu’il y a entre la piété d’apparence, qui domine partout, et celle qui est véritablement solide, intérieure et cachée.
34. HENRI SUSO, un saint Dominicain du quatorzième siècle, est aussi dans l’Esprit et dans le caractère de Ste Angèle de Foligno. Le vieux original Allemand de ses œuvres ne se trouve plus : mais on en a, comme de Tauler, une traduction Latine par Surius, imprimée à Cologne plusieurs fois, dont la dernière est de l’an 1615, et c’est sur elle qu’on a fait la traduction Allemande d’à présent, imprimée aussi à Cologne en 1661. Entre ses œuvres, le Dialogue de la Sagesse éternelle avec son disciple, quatre Sermons, douze Lettres, sa vie (qui est une très belle pièce écrite par une de ses filles spirituelles, mais qui est incomplète), ses Méditations sur la Passion, et ses Exercices, Heures, et l’Office de la Sagesse éternelle, ont pour matière principale les souffrances et la Croix de Jésus, suffi bien que la patience et la résignation avec quoi nous devons y participer. Son Dialogue de la Vérité et de son Disciple traite encore d’autres matières sublimes et mystiques, aussi bien que son Traité des neuf Roches, que l’on doit monter pour retrouver notre principe, après avoir montré auparavant par une description de la corruption qui régnait alors dans toutes sortes d’états de la Chrétienté, combien tous, tant Ecclésiastiques que séculiers, étaient déchus et éloignés de Dieu. Toutes ses œuvres, à la réserve du Dialogue de la vérité, ont été traduites en Français et imprimées à Paris en 1614, et tout fraîchement (en 1684) on y publia une nouvelle traduction de son Dialogue de la Sagesse éternelle, dédié à l’Évêque de Meaux.
Suso était un homme d’une mortification incroyable, d’une humilité sans bornes, d’une douceur et d’une patience à toute épreuve, et un Amateur incomparable de la sacrée humanité du Fils de Dieu et de ses souffrances, qualité qu’il semblait avoir hérité de sa sainte Mère, laquelle mourut un vendredi saint de pure compassion aux souffrances du Fils de Dieu et de la sainte Vierge, qui le voyait agoniser sur la croix.
Outre les exercices de Tauler et les Méditations de Ste Catherine de Sienne dont on a déjà fait mention, et qui sont dans le caractère de la Croix de Jésus Christ, il y a aussi la plus grande partie de la vie de Ste Marie Madeleine de Pazzi 4 : L’aiguillon de l’amour divin de St BONAVENTURE : La quatrième partie des Méditations de LOUIS DU PONT, dont l’ouvrage vaut bien tous les sermons imaginables de ce temps, n’y ayant nulles vérités Chrétiennes dont la connaissance soit nécessaire qui n’y soit réduite en méditation utile et pieuse : Les Élévations sur la Passion, d’un Père de l’oratoire, à Paris 1677. Le livre flamand Sponsus sanguinum, imprimé souvent à Anvers, qui comprend une vingtaine de Méditations en forme sur la Passion de notre Seigneur, dont l’Auteur est celui du Thalamus Sponsi. À quoi je dois ajouter (en laissant là plusieurs autres) un autre petit livret Flamand presque inconnu, mais fort solide, intitulé Le secret de l’état et de la vie de J. C. à Amsterdam 1653. L’Auteur était éclairé, quoiqu’idiot et homme de métier, et se nommait Henri Gerrits, marqué par ces deux lettres H. G.
VII. BENOÎT DE CANFELD.
35. CET auteur ayant dessein de faciliter l’acquisition de la Perfection par la recommandation d’un moyen le plus évident, le plus incontestable, le plus facile, et le plus accompli, composa en Latin, en Français et en Anglais un petit traité sous le titre de Règle de la Perfection, où il réduit tout à l’unique principe de la volonté de Dieu, qui est le caractère de son livre. Ce principe indisputable et approuvé de tous les Chrétiens, même de toutes les créatures raisonnables, sert beaucoup à faire qu’on réduise tout en acte et en pratique, aussi bien qu’à désabuser ceux qui s’imaginent pour eux, ou qui veulent persuader aux autres, que la vie spirituelle ne consiste qu’en je ne sais quelles spéculations abstraites d’un esprit tout oisif et sans action. Il veut que la seule volonté de Dieu soit le principe et le but que nous regardions en toutes choses : et ayant divisé cette volonté en trois, par application à un passage de l’Apôtre, assavoir, en volonté extérieure et bonne ; intérieure et agréable ; et intime ou essentielle, suréminente et parfaite ; il emploie la première partie de son livre à faire voir comment la volonté de Dieu, qui regarde nos actions, étant connue par la loi de Dieu, ou par la droite raison, ou par le commandement des supérieurs, ou par l’évènement des choses qui nous arrivent, doit être faite ou admise actuellement, uniquement, volontairement, confidemment, avec lumière et avec promptitude. Après quoi, la volonté de Dieu se fait sentir dans l’intérieur de l’âme et s’y manifeste d’une manière toute lumineuse et savoureuse, suivie d’admiration, d’humiliation, d’exultation et d’élévation de l’esprit à Dieu : ce qui fait sa seconde partie, suivie d’une troisième qui traite d’une communication toute intime et surnaturelle de Dieu-même, de laquelle communication l’auteur rapporte le moyen, qui est unique, et les manières, qui sont deux et qui sont applicables à deux sortes de personnes : il fait sur l’une et sur l’autre de ces manières l’énumération de plusieurs points et de diverses observations et précautions nécessaires touchant la vie mystique et intérieure, lesquelles pourtant reviennent toutes à l’anéantissement passif, qui est pour l’amour fruitif de contemplation et d’union ; et à l’anéantissement actif, qui est pour l’amour pratique par lequel on doit agir spirituellement ou corporellement au dehors.
36. Comme cet Auteur était savant, il est autant méthodique et systématique que solide, éclairé et circonspect, ne manquant d’aucune précaution nécessaire non seulement contre la fausse mystique et la fausse quiétude ou oisiveté de la nature, mais aussi contre la surprise où l’on pourrait être à l’occasion des mots et des manières de parler dont il se sert, lesquels il fait voir dans les saints Docteurs qui l’ont précédé ; sujet que Sandaeus a pourtant traité plus amplement dans son ouvrage Latin intitulé, Clavis seu Onomasticum Theologiae Mysticae, Coloniae 1640, comme aussi le Dr le Brun dans son traité français Éclaircissement de la Théologie Mystique, imprimé à Rouen, 1659, et tout récemment M. l’Archevêque de Cambrai dans ses Maximes des Saints, qui ont fait tant de bruit, et qui nonobstant les censures que chacun sait, ne laissent pas d’avoir encore beaucoup d’approbateurs, qui même croient que bien loin que l’auteur y ait porté les choses trop haut, il y en a qui y sont trop exténuées et bien loin encore de la sublimité du sens des saints et des vrais mystiques.
Le livre de Canfeld a été traduit en Flamand et en plusieurs autres langues, et imprimé plusieurs fois. La dernière Édition française de Paris 1666 est augmentée d’un Éclaircissement général sur la division de l’ouvrage et de la conversion, comme aussi de la vie de l’Auteur, qui était noble Anglais de nation, et Prédicateur Capucin de profession, dans laquelle il mourut à Paris l’an 1620 après avoir prononcé ces paroles dans une extase d’amour : Ô merveille ! ô abîme sans mesure de l’amour de Dieu ! On a imprimé un très-petit abrégé Latin de tout son livre à Lucerne, 1649.
37. Le traité De la Sagesse Chrétienne ou de la science de l’Uniformité aux volontés de Dieu, que Mr d’ARGENSON Conseiller du Roi fit en prison, et qui est imprimé à Paris l’an 1651, roule sur le même Principe de Canfeld, et n’est pas moins solide, spirituel et facile que très-bien écrit.
VIII. JEAN ENGELBERT.
38. AUTANT que l’Auteur qui vient de précéder était savant, autant celui-ci était-il idiot et sans lettres, sachant à peine lire et écrire. Son caractère est celui d’une naïveté et d’une simplicité toute pure et enfantine, non altérée par les finesses de la nature ou de l’artifice des hommes, ni corrompu par le mélange de leurs sciences et de leur sagesse ; mais néanmoins divinement sage, forte, solide, substantielle, attrapant et confondant les faux Théologiens et faux spirituels et les sages du siècle en leur fausse sagesse et Théologie sophistique, mettant toutes leurs disputes et leurs controverses à néant, pacifiant à plein l’esprit et le cœur sur les différences des Religions, et faisant voir le substantiel du Vrai Christianisme tout clair, tout facile et tout praticable pour les plus simples mêmes. Son grand principe est qu’on s’abstienne des péchés connus, comme on le peut par la mesure de la grâce que Dieu donne suffisamment à chacun pour cet effet ; et que donnant ainsi place à l’opération de Dieu dans nous, nous le priions de venir produire dans nos cœurs par son Esprit la foi opérant par la charité et toutes sortes de biens et de vertus. C’est le vrai Théologien des âmes simples. Outre la très-sage et très-forte simplicité d’enfant qui est son élément, la manière dont ses lumières lui ont été infuses est aussi d’un caractère tout singulier et extraordinaire, cela s’étant fait tant par sa mort et par son transport vers l’Enfer et dans le Ciel, d’où Dieu le renvoya sur la terre, que par de continuelles visions et instructions d’Anges et de J. Christ même, et par des extases divines, où lui étaient présentées plusieurs merveilles de Dieu, de cette vie et de l’autre, du siècle présent et du futur. Si bien qu’on peut le considérer comme unique en son genre, si ce n’est que HERMAS et les Saintes dont on parlera dans l’article suivant ont quelque chose d’approchant, ou même de participant de ce caractère-là du côté de la révélation et des divines visions.
Comme il était de la Ville de Brunschvicg, où les faits miraculeux de sa maladie, de sa mort, de sa résurrection, et de son envoi divin arrivèrent à la face et avec conviction de toute la ville l’an 1622, aussi les ouvrages qu’il a laissés en assez grand nombre, tant ceux où est contenue la relation de cet évènement que ceux où il décrit ses divines visions et ses extases, et aussi plusieurs de ses lettres, ont été tous écrits en Allemand. C’est dommage qu’on en ait laissé périr la plupart ; et qu’on ait même tant négligé la personne de cet homme de Dieu, qu’on ne sache presque ce qu’il est devenu, ni où il est décédé. On a pourtant de lui outre l’histoire de l’évènement susdit, la relation de la divine Vision des trois états Ecclésiastique, Politique et Économique, dormant dans le péché, et du renversement que Dieu fera de l’Ecclésiastique pour un temps afin de réveiller les deux autres ; la Vision du déluge Universel du péché qui inonde le monde, bons et méchants, et des plaies de Dieu sur eux tous : et celle du Nouveau Ciel et de la nouvelle terre, mais on ne les trouve presque plus en Allemand ; et le dessein que quelques-uns avaient pris de réimprimer toutes ses œuvres en cette langue, et qu’ils avaient déjà commencé d’exécuter par la publication de la première pièce l’an 1686, n’a point eu de suite. Les Flamands ont eu plus de fermeté, ayant non seulement traduit et imprimé ci-devant en leur langue tout ce qui l’avait déjà été en Allemand, mais venant de le faire réimprimer tout de nouveau (en 1697) avec quelques traités, des lettres, et des fragments du même auteur qui n’avaient pas encore vu le jour. On a en français la traduction de la vision divine des trois états publiée à part à Amsterdam l’an 1680 ; et la même se trouve jointe à la fin des œuvres de Madlle Bourignon.
IX. LES SAINTES HILDEGARDE, ÉLISABETH, MECHTILDE et BRIGITTE.
39. SAINTE HILDEGARDE, Abbesse dans le diocèse de Mayence au douzième siècle, de laquelle on a trois livres de Révélations, qui sont imprimés à Paris 1513 : et réimprimés à Cologne plusieurs fois, avec d’autres de ses ouvrages et des Lettres à des Pontifes, à des Empereurs, à des Rois, à des Évêques, à St Bernard, et à toutes sortes de personnes qui la révéraient et la consultaient ; Ste ÉLISABETH, contemporaine et amie de la même sainte et Abbesse à Schondu dans le Diocèse de Trèves, dont les ouvrages sont imprimes en 6 parties ensuite de ceux de Ste Hildegarde, et sont même beaucoup plus clairs et plus dogmatiques ; Ste MECHTILDE, Comtesse d’extraction aussi bien que Ste Gertrude, dont elle était amie intime, et dans le Monastère de laquelle elle était Religieuse, comme il paraît par le dernier livre des Insinuations de Ste Gertrude, où la mort de Ste Mechtilde est amplement rapportée, sans qu’il y soit pourtant fait mention de ses œuvres imprimées en cinq livres avec les Révélations de Ste Hildegarde ; enfin Ste BRIGITTE, Princesse suédoise du sang royal au quatorzième siècle, de laquelle les Révélations ont été imprimées plusieurs fois en Latin, et réimprimées assez fraîchement avec d’amples annotations à Munich en 1680, et qui sont mêmes traduites et imprimées en Français à Lyon, 1652 : toutes ces saintes, dis-je, ont le caractère de l’Esprit de prophéties, de révélations et de visions divines touchant les États Ecclésiastique, Politique, et celui des particuliers, leur corruption, leur châtiment futur, et leur amélioration et rétablissement. Quoique ce qui est dit de l’état Ecclésiastique, et même de celui du peuple Chrétien dans le 41e Chap. du Ier Livre des Révélations de Sainte Brigitte, et dans le 14e du IIIe de Ste Élisabeth, soit terrible et fasse frémir, l’Église d’alors ne laissa pas pourtant de faire subsister et même d’approuver leurs Révélations qu’on n’aurait pas ainsi passées du temps de Savonarole ; mais qui au reste sont entremêlées pour la plupart d’instructions très-divines et très-salutaires pour la conduite Chrétienne des personnes de toutes sortes de conditions ; aussi bien que de plusieurs descriptions de différents états des âmes après la mort.
40. Le divin livret du Pasteur d’HERMAS, contemporain des Apôtres, est tout à fait de ce caractère-là : aussi l’a-t-on pour cet effet imprimé (avec les révélations de St Robert et d’un autre religieux) à la tête des Révélations des Saintes Hildegarde, Élisabeth et Mechtilde dans la première Edition qui s’en fit à Paris chez Henry Étienne en 1513. Ce livret, en effet, qui dans sa seconde partie est tout dogmatique, sur les douze commandements de Dieu dont l’Ange instruisait Hermas, est dans sa première et dans sa troisième Partie rempli de révélations et de visions divines, tant pour des particuliers que touchant l’état de l’oppression et ensuite celui du Renouvellement futur de l’Église de Dieu. Comme on ne doute plus que cet ouvrage ne soit véritablement de cet homme Apostolique sur les témoignages des SS. Pères des premiers siècles, aussi n’a-t-on plus d’égard aux injures et aux railleries profanes que des critiques outrés en ont voulu faire, jusqu’à le traiter d’imposteur et de diseur de fables 5 : puisqu’au contraire, c’est sur le pied d’un Auteur sérieux et Apostolique qu’on l’a réimprimé plusieurs fois à Paris, à Oxford, et nouvellement encore à Amsterdam en 1695, mais toujours en Latin ; car l’original grec est perdu. On l’a aussi traduit et imprimé en Flamand l’an 1687. Cependant, dans la nouvelle réimpression Grec-Latine qu’on vient de faire à Leipzig en petit volume des Patres Apostolici, on a trouvé à propos de l’en retrancher, aussi bien que l’Épître de S. Barnabé, non moins pleine de solidité que d’allégories, peut-être par la raison qu’il y a des estomacs qui ne sont pas de la portée de leur contenu.
41. Ceux qui ont lu les nouveaux écrits d’une Dame Anglaise nommée JEANNE LEADE, présentement encore vivante, en parlent d’une manière à faire juger qu’ils sont entièrement dans un caractère conforme à celui-ci, c’est à dire, qu’ils sont remplis d’instructions et de lumières salutaires, aussi bien que de révélations divines pour le rétablissement prochain de l’Église Chrétienne par le renouvellement de la vie et de l’Esprit de Jésus Christ, et la manifestation des merveilles de son Royaume. Et ceux qui en ont cette opinion ne sont ni des moins éclairés, ni en peu de lieux, ni en petit nombre. Quiconque en voudra juger par lui-même n’aura qu’à lire ses traités des Nuées divines, ses six traités mystiques, celui de la Révélation des révélations, où une partie de l’Apocalypse, comme sur les sept sceaux, sur les sept tonnerres, sur le Royaume glorieux de Jésus Christ, se trouve expliquée d’une manière procédant d’un fonds bien intérieur ; et ses deux journaux ou la fontaine du Jardin, et quelques autres encore, publiés tous à Londres depuis peu en Anglais et à Amsterdam depuis l’an 1694, en Allemand. Le premier et le troisième se trouvent aussi imprimés au même lieu en Flamand mais nul encore en Français.
X. JACOB BÖHME.
42. CELUI-CI est le seul, au moins dont on ait eu les écrits jusqu’à lui, auquel Dieu ait découvert le fond de la nature, tant des choses spirituelles que des corporelles ; et qui avec une pénétration toute centrale des choses Théologiques et Surnaturelles, ait aussi connu d’origine les vrais principes de la Philosophie, tant de la Métaphysique et de la Pneumatique, que de la vraie Physique. Il a vu par lumière et par sentiment intérieur comment Dieu, saillant du point indivisible de son éternité uniforme, s’est manifesté à soi en Trinité parfaite par la génération ineffable de son Verbe lumineux, et par la procession de son Esprit Saint et délicieux ; et comment ayant contemplé dans soi les vertus, les beautés et les délices immenses de ses divines formes et de leurs combinaisons et diversifications infinies, il a fait couler de sa divine Puissance par son Verbe et par son Esprit des êtres spirituels et corporels à l’imitation des idées qu’en avait formé sa divine Sagesse ; comment ces êtres ont dans leur fond naturel et dans leurs perfections lumineuses et gratuites des propriétés, des beautés et des délices semblables et analogues à leurs originaux qui sont dans Dieu : mais avec cette différence entr’eux que les êtres spirituels les possèdent et les mettent en acte d’une manière divine et avec liberté ; et les êtres corporels d’une manière plus basse et bornée, vive néanmoins, avec sentiment et instinct vivant. Par là ayant réduit toutes les formes de la nature spirituelle et celles de la corporelle à sept, et leurs principes à trois, dont les deux premiers sont pour les choses spirituelles, et le troisième, qui est comme un tableau matériel des deux premiers pour le monde extérieur, il a expliqué la création des Anges et de leur lieu, la chute des Démons, la Création de ce monde plus grossier que l’Angélique et tiré du Chaos ténébreux que les Démons avoient causé en corrompant leur domicile ; la création glorieuse de l’homme, sa chute, sa restitution par J. Christ, et une infinité d’autres mystères spirituels et naturels.
43. Ce profond et mystérieux Auteur, lorsqu’il parle du fond de la nature, et des qualités des choses tant divines que naturelles, ne peut être vivement et réellement entendu de personne pour savant ou grand esprit qu’on puisse être (car cela consiste en sentiments), si ce n’est que Dieu réveille et touche divinement, et d’une manière qui à présent serait surnaturelle, nos facultés analogues aux siennes et nos sens passifs, tant les divins, qui sont correspondants à Dieu, que les naturels qui correspondent à ses œuvres, mais que nous avons perdus, ou du moins qui sont assoupis et endormis dans nous par l’état de corruption et de mort où nous a réduits la chute d’Adam. Sans ce réveil, pour bien que l’on puisse parler de ces choses après la lecture des écrits de l’auteur, l’on ne s’en formera néanmoins que des peintures toutes mortes, ou plutôt des idées aussi défectueuses que dissemblables à leurs originaux, et même de pures fictions, à peu près de la manière que serait un aveugle-né qui, ayant souvent ouï parler de la manière et des couleurs, en parlerait aussi ensuite par ouï dire, mais pourtant sans savoir vivement ce que signifient les mots qu’il prononce.
44. Ce n’est pas néanmoins qu’à proportion de la bonne disposition de cœur et d’esprit que l’on a, l’on n’y puisse entrevoir plus ou moins, mais grossièrement encore, et d’une manière imparfaite, plusieurs vérités très-belles, et qu’on n’en puisse tirer de très-belles lumières et conclusions pour ce qui regarde les dogmes tant de théorie que de pratique. Mais ce n’est pas par là qu’il est le plus clair à tout le monde : c’est par ce qu’il entremêle ci et là de la corruption de l’homme et de la dépravation du Christianisme d’aujourd’hui, de la conversion, de la résignation et de l’abandon de l’âme à Dieu ; des principes de la vie Chrétienne, des devoirs de l’homme et de la pratique de la vertu, en un mot, de ce qui est nécessaire à savoir, et essentiel pour la pratique. Tout cela est touché si clairement et si fortement dans ses écrits, qu’il n’y a personne de bonne volonté qui ne puisse le comprendre et le goûter sans difficulté, pourvu qu’on s’y prenne par la lecture de ceux de ses traités qui contiennent le plus ces sortes de vérités, tels que sont ses livres de la voie à Jésus Christ, ses Lettres, et même la dernière et plus grande partie de son Mysterium magnum, ou Explication de la Genèse.
45. Mais la pente naturelle et orgueilleuse de l’esprit de curiosité ne trouve pas tant de goût ni tant d’attraits pour ces sortes de matières solides et capitales que pour des spéculations abstraites et relevées touchant les principes et les formes de la nature, leurs diverses combinaisons, les effets naturels qui en peuvent procéder, et choses semblables, auxquelles bien des gens, qui se piquent d’estime pour les écrits de cet Auteur, semblent s’attacher davantage qu’aux choses qu’il recommande comme uniquement essentielles et comme la clef de tout, telles que sont la pénitence et le pur abandon à Dieu, ou la pure résignation à sa divine volonté, qui est le centre et le principe le plus profond de tout, et même l’unique qui soit d’une profondeur infinie : car concevoir et pénétrer toutes les grandeurs, toutes les lumières, et toutes les délices divines et angéliques, en posséder la connaissance avec celle de toute la nature jusques dans ses replis et dans ses principes les plus profonds, et y être attaché, tout cela n’est qu’un fond naturel, borné par le moi et par la propriété, et qui même peut dégénérer en fond diabolique et infernal. Mais il n’y a ni fond créaturel et fini, ni péril aucun dans la dénudation et la résignation de toutes choses sous la volonté de Dieu et dans le parfait abandon à lui seul, en lui laissant la liberté de nous donner ou de nous refuser comme il lui plaira ses grâces extraordinaires et ses lumières particulières, pour la possession desquelles on devrait avoir beaucoup plus d’appréhension et d’éloignement que d’inclination et de désir, de pour que l’amour propre, la curiosité, la vanité, la propre complaisance, l’orgueil et la présomption spirituelle ne viennent à s’y glisser et à s’y établir à notre perdition : précautions que notre Auteur a très-soigneusement remarquées et inculquées, et selon quoi il s’est réglé lui-même.
46. Cet Auteur était Allemand de nation, né dans la Lusace l’an 1575 ; Protestant Luthérien (aussi bien que Jean Engelbert) de Religion, paysan de naissance, et Cordonnier de profession, quoique depuis que Dieu l’eût illuminé pour la troisième fois, et incité à coucher ses lumières par écrit, il ait beaucoup moins travaillé de son métier que de sa plume, qui nous a laissé trente Traités, tant petits que grands, sans compter celui de ses lettres. Ils sont tous, à la réserve d’un seul qui est perdu, imprimés en Allemand en divers lieux et en divers temps, quelques-uns du vivant de l’auteur : mais la plus grand’ part de ses écrits ne parut qu’après sa mort, qui arriva l’an 1614. Le noble et savant Franckenberg en a fait une relation, aussi bien que de sa vie, que l’on trouve à la tête de la dernière Édition de ses œuvres, réimprimées ensemble à Amsterdam en 1682. L’on en a bien publié les deux tiers, et même davantage, en Flamand, et l’on continue encore dans ce dessein. Il y a plusieurs années que les Anglais les ont toutes en leur langue par la faveur et la libéralité du Roi Charles II, comme plusieurs l’assurent positivement, et Henri Morus en faisait cas. Franckenberg, le même qui sous le nom de Fr. à Monte publia en Latin à Amsterdam 1647 l’abrégé de la Théologie Mystique de HUGO DE PALMA, en fit de même d’un autre petit traité de notre auteur, qui parut en Latin l’an 1650 sous le titre Metapsychica de caelesti et terrestri mysterio : et un Jurisconsulte nommé Werdenhagen en avait déjà fait autant des 40 questions de l’âme qui parurent au jour l’an 1632 à Amsterdam sous le titre de Psychologia Vera J. B. T., deux livres, tous deux trop obscurs et trop dénués d’éclaircissements nécessaires, aussi bien que le livret Theologiae Christianae juxta principia J. Bohemii : idea brevior de l’an 1687 pour pouvoir servir, aux commençants ou aux savants du siècle, d’introduction aux principes de cet Auteur. Celui qui a écrit le traité Exercitatio Theoreticorum Copernico-Caelestium Mathematico-Physico-Theologica imprimé à Hambourg 1689 (qui est le même qui publia à Francfort en 1691 sous le nom de Johannes Matthaei une Apologie Allemande pour l’Auteur contre M. Holzhausen, Ministre Luthérien de Francfort) a bien mieux réussi dans la troisième partie de son Exercitation. Quant aux traductions de ses livres en Français, c’est ce que ne saurait souffrir la fausse délicatesse de cette langue, qui pour s’accommoder aux esprits mous et féminins s’est laissé imposer pour loi de ne rien dire qui paraisse tant soit peu obscur aux lecteurs les plus négligents sous peine que cela ne passe pour du galimatias, comme passera sans doute la traduction du plus obscur de ses livres Signatura rerum, qu’on publia il y a environ cinquante ans en Français à Francfort sous le titre de Miroir temporel de l’éternité : traduction qui en effet n’est pas une pièce fort considérable.
47. Les dons de cet Auteur sont si singuliers, qu’on chercherait inutilement ailleurs plusieurs écrivains originaux du même fonds et caractère que lui ; je dis originaux, c’est à dire, qui aient puisé ces vérités de source et d’expérience dans eux-mêmes. Car pour d’autres qui aient écrit sur ses principes et qui en aient déduit des Conclusions applicables à plusieurs sujets, il y en a qui l’ont fait, et signamment FRANCKENBERG ; KEYM, auteur de l’Oculus aeternitatis, mal attribué par l’imprimeur à ce premier ; l’auteur de la Voie à la vie éternelle, caché sous le nom de Desiderius Philadelphus, et encore quelques autres de ses Disciples, qui ont tous écrit en Allemand. Cependant entre les anciens un qui en approche est le Pimandre, qu’on attribue à droit ou à tort à MERCURE TRISMÉGISTE, et qu’un Ami ou Disciple de Jacob Böhme traduisit et publia en Flamand l’an 1652 sur l’édition Grecque et Latine de Patritius, beaucoup meilleure que l’édition de Ficinus et que celle dont se servit le Duc de CANDALE pour faire celle qu’il fit imprimer en Français avec de très-belles notes et en très-belle forme à Bordeaux en 1579. PARACELSE, WEIGELIUS, SPERBER, SCLEI, FRANC. GEORGIUS VENETUS, van HELMONT Père et fils, SCOTUS ÉRIGÈNE, et encore quelques Écrivains Cabalistes en approchent quelques-fois en certaines choses, à peu près comme fait l’auteur de l’harmonie du Monde (imprimée à Paris en 1675), que les curieux pourront consulter s’ils veulent voir une manière de philosopher qui approche beaucoup plus près de celle de notre auteur que de la vulgaire, soit Aristotélicienne soit Cartésienne. Ajoutez-y POSTELLUS, dont Franckenberg publia en 1646 à Amsterdam un petit livret Clavis absconditorum, à la fin duquel se trouve un Catalogue des écrits très-rares de cet Auteur non commun.
48. Il n’y a rien au reste de plus ridicule que de prétendre, comme quelques-uns, que J. Böhme ait tiré ses connaissances de Paracelse. Il pourrait bien s’être conformé à lui en quelques termes et manières de s’exprimer ; mais il n’y a rien du tout dans Paracelse ni de ses trois principes, ni des sept formes de la nature spirituelle et corporelle, qui sont pourtant les vrais et uniques principes de J. Böhme, lequel on ne saurait lire avec quelque discernement sans s’apercevoir et sentir qu’il ne parle pas d’emprunt, et que tout lui vient de source et d’origine.
49. J’oubliais de dire qu’on venait de publier un nouvel écrivain de ce même caractère, qui quoiqu’il pût avoir profité de la lecture des écrits de cet auteur, avait non seulement puisé comme lui dans la même source, mais même y avait été introduit plus profondément que lui. C’est un Médecin Anglais nommé, le Dr. PORDAGE, mort depuis peu à Londres. Ce qu’on a publié de lui à Amsterdam 1698 et 1699 sont deux Traités traduits d’Anglais en Allemand, l’un intitulé Theologia Mystica ; et l’autre Sophia ; le premier, dont la plus considérable partie a aussi été publiée en anglais, est précédé d’une préface de J. Leade, amie de l’auteur lorsqu’il vivait : et c’est celui qui revient le plus au sujet présent. Il découvre dans Dieu de nouvelles manifestations, un nouveau monde d’esprits, des principes antérieurs au monde angélique et naturel, et entièrement inconnus à Jacob Böhme, pour les écrits duquel il donne quelques éclaircissements importants, sans entrer néanmoins dans ses matières, vu qu’il finit (au moins dans les traités qui ont paru de lui, et qui ne sont qu’un commencement de ses œuvres) il finit, dis-je, là où Jacob Böhme met son commencement. Ceci ne paraîtra plus énigme à quiconque voudra lire son traité.
50. Le petit livret Anglais de THOMAS BROMLEY, La voie vers le repos, ou Instruction sur la Régénération, réimprimé à Londres 1692, et publié en allemand à Amsterdam 1685, et en flamand 1682, est du même caractère, et vient aussi de source.
XI. HIEL.
51. L’AUTEUR flamand qui s’est caché sous ce nom est aussi tout-à-fait singulier en son caractère, qui est de traiter toutes choses par le divin Principe que Jésus Christ recommande lui-même comme étant et agréable à son Père, et conforme à sa divine nature, assavoir, l’Esprit ou la VIE et la RÉALITÉ ou la vérité, selon cette parole : Dieu est esprit, et veut être adoré en Esprit et en vérité, c’est à dire, d’une manière vivante et réelle, que cet Auteur appelle en Flamand het eenwesig leven, comme qui dirait, la vie universelle, ou la vie en unité et en réalité. Il déduit tout de là ; il explique tout par là ; il rapporte tout à cela ; et voici la voie par où il semble qu’il y ait été conduit, et les maximes qu’il a tenues.
52. Il vivait du temps qu’il n’y avait que des troubles, des divisions et des partialités dans la Chrétienté sur le sujet de la Religion et du culte de Dieu. Et ce culte, dont on se débattait si fort, n’était, en partie, que les cérémonies et les choses extérieures du Christianisme ; en partie, que des opinions et des spéculations d’esprit, où l’Auteur avait eu sans doute sa bonne part, et s’était cru bien avancé dans son Christianisme pour s’être trouvé uni à celui des partis qui lui avait paru meilleur que les autres, s’être servi des cérémonies et des sacrements selon leur institution (à son avis) la plus intègre et la plus pure, et avoir reçu dans son esprit (dans sa croyance) des spéculations et des opinions plus véritables et plus salutaires (ce lui semblait) que celles des autres partis. Mais la Bonté de Dieu lui ayant donné sentiment que nonobstant tout cela il ne laissait pas d’être encore dans un état de perdition, il prit à cœur tout de bon une vérité si importante : ensuite de quoi, la lumière divine lui fit voir plus particulièrement tant les illusions où il était sur son état que les solides vérités opposées à ces fausses suppositions. Elle lui fit comprendre que pour être vrai Chrétien, pour servir vraiment Dieu, pour être en état de salut, il fallait, non des divisions et des partialités, mais UNITÉ : non des cérémonies, des ombres, des figures et des choses extérieures, mais RÉALITÉ : non des spéculations et des vaines théories et opinions, mais VIE : qui sont justement les trois choses qu’il réunit dans ce mot de Een-wesig leven, ou Vie uni-réelle, c’est à dire, (1) une vie ou une spiritualité vivante et actuelle, (2) réelle et solide, et (3) réunie en un avec Dieu et avec ses enfants : qui est précisément ce que Jésus Christ demande à son Père pour la consommation de tout. S. Jean ch. 17. vers. 21, 23.
53. Pour tant mieux comprendre le solide de ce spirituel et sublime Auteur, il est comme nécessaire d’établir et de bien considérer les positions ou les principes qui suivent.
I. Le premier, que les choses spirituelles et intérieures sont la source, la réalité, la force et la vertu de toutes choses. Car en effet, toutes les choses, et surtout les choses corporelles, ont été un néant ; et, selon l’Écriture même (Hébr. XI. 3), elles ne sont venues à l’être que par la vertu des spirituelles et des invisibles, dont elles sont comme des excrémences ou des espèces de rejetons, par manière de dire.
II. Et partant, de la manière que les choses intérieures seront disposées, de semblable manière le seront aussi les choses extérieures et les matérielles ; puisqu’elles en procèdent ; et que telle qu’est la cause, tel est aussi l’effet.
III. Si donc une chose spirituelle, une âme et tous ses actes intérieurs sont bien disposés, son extérieur et son corporel ne manquera pas non plus de se trouver conséquemment en bonne disposition.
IV. Et partant, si tous les esprits ou toutes les âmes et chacune d’elles, avec tous leurs actes, étaient bien disposées, toutes les choses extérieures, corporelles et matérielles, seraient aussi universellement bien disposées.
Et cela étant, ce serait le rétablissement universel et glorieux de tout l’univers, résultant, comme on vient de le dire, de l’intérieur de chaque esprit.
Et ainsi tout revient en source à la bonne disposition de chaque âme en son particulier, et tout en dépend aussi.
54. V. Or il est clair qu’il ne peut y avoir de meilleur moyen prochain à cela, ni de meilleure disposition pour chaque âme, qu’un principe et des actes vivants, réels et solides en unité avec Dieu et avec ses enfants, qui est précisément ce que cet Auteur appelle la vie uni-réelle, et qu’on peut aussi nommer en même sens la vie véritable en unité et simplicité divine.
55. VI. Or les cérémonies, les figures, les ombres, le culte apparent, ne sont point la réalité :
Les partialités, les sectes, les divisions, les dissensions, débats, ne sont point unité :
Et les opinions, persuasions, théorie, spéculations, idées, discours, ne sont point vie et esprit :
Et partant n’étant point la vie uni-réelle, ou la vraie vie en unité et simplicité divine, ce ne sont pas des moyens prochains et vivants pour rétablir ni chaque homme en particulier, ni l’univers en général.
(1.) Donc, s’y arrêter comme à des moyens prochains et vivants est hypocrisie, pharisaïsme, propre justice, sainteté propre ou de propre choix, sainteté imaginée et charnelle, comme s’exprime l’Auteur en plusieurs endroits, et de quoi il reprend fortement le Christianisme de ces derniers temps.
(2.) S’y arrêter comme à la fin ou au but à quoi il faille tendre est en faire des Dieux et des idoles : c’est idolâtrie devant Dieu, selon le même Auteur, qui fait voir que le Christianisme d’à présent n’est que trop contaminé de cette idolâtrie si peu considérée.
(3.) Mais s’en servir comme de moyens accessoires et grossiers ou élémentaires pour s’avancer vers la vie réelle en unité divine est leur juste et véritable usage, usage qui à la vérité est directement et proprement pour les infirmes, et qui leur est utile ; mais dont les plus avancés peuvent et doivent aussi se servir, tant pour ne pas être en scandale aux faibles, mais les animer à pratiquer les choses qui leur profitent aussi longtemps qu’elles servent effectivement à les avancer ; que pour s’animer eux-mêmes ou se recueillir en Dieu lorsqu’il arrive que l’esprit se trouve ou distrait et égaré, ou abattu et ralenti dans eux, comme en effet cela arrive quelques-fois aux plus avancés mêmes.
56. VII. Il suit de là que puisque l’Écriture est donnée de Dieu comme un moyen extérieur pour avancer les hommes vers le salut et dans le vrai culte intérieur de Dieu, ou pour les conduire à la vie réelle en unité et simplicité divine, ou à un état spirituel, vivant et solidement uni avec Dieu, le meilleur usage qu’on en puisse faire pour cet effet est de considérer toutes les choses qu’elle contient et qu’elle nous représente comme des tableaux et des modèles de ce qui se passe ou qui se doit passer dans nous-mêmes, dans nos esprits, dans nos âmes, dans nos facultés, et dans nos actes intérieurs.
Et par ainsi toute l’Écriture se trouve véritablement au dedans, et doit s’accomplir spirituellement dans chaque âme en particulier.
Et c’est de ce principe que cet Auteur l’a ainsi expliquée partout dès la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, et qu’il est un des plus intérieurs, des plus fructueux et des plus sublimes allégoristes qui ait écrit jusqu’alors. Il veut qu’on lise l’Écriture non simplement comme une histoire de choses passées autrefois et hors de nous, mais qu’on la regarde comme un tableau qui nous marque en diverses manières les maux que le péché a produits et produit encore dans nous, et comment Dieu par les opérations intérieures de son bon Esprit veut les faire mourir et les exterminer de nos cœurs, et remettre en la place un Principe, une vie, et des fruits salutaires et divins qui puissent éternellement subsister devant lui et en unité avec lui.
57. Cet Auteur a vécu il y a environ 150 ans. Il était laïque et sans lettres, ne sachant autre langue que le flamand, qui était sa langue maternelle, comme il le dit en ses livres. On ne doit pas en douter sur ce qu’on voit que dans ses explications allégoriques sur l’Écriture, il rend toujours les noms propres de la Bible, tant hébreux que grecs, par une interprétation exactement correspondante à leur étymologie. Cela vient de ce qu’il était ami intime du célèbre et savant Arias Montanus, qui les lui interprétait tous, et qui avait tant d’estime pour lui que d’avoir rendu publiquement ce témoignage de lui qu’il était Christianae veritatis viventis testis, cui nomen ipsa Christi virtus et veritas HIEL indidit : Un témoin de la vive vérité Chrétienne, auquel la vertu et la vérité de Jésus Christ ont donné le Nom de HIEL. C’est que ce mot Hiel signifie la vie de dieu. Il était aussi grand ami de Plantin, qui imprima tous ses livres en flamand et en français avec toute l’industrie, la netteté et la beauté dont cet habile Imprimeur était capable ; mais il n’y mit point son nom, non plus que la date du temps ni du lieu propter metum Judaeorum sans doute, et de peur de se faire des affaires. L’original flamand est beaucoup préférable à la traduction française, vieille et fautive : mais tous deux ne se trouvent plus que très-rarement. On a réimprimé à Amsterdam en 1692 ses explications sur les figures Bibliques en flamand, et trois ou quatre ans auparavant traduit en allemand et publié au même lieu toutes ses œuvres, qu’on peut réduire en 7 ou 8 volumes en octavo, dont son Trésor caché est la principale pièce : ses points fondamentaux, la plus concise et substantielle tout ensemble : ses lettres en 3 parties, avec quelques dialogues, la plus claire et familière ; et son explication des figures bibliques, avec celle de l’Apocalypse, la première et la huitième parties du Trésor caché, la plus allégorique.
58. Les Théologiens Allégoriques ou symboliques, entant que leurs explications reviennent au pur intérieur, approchent de son caractère de ce côté-ci : ORIGÈNE en plusieurs endroits : St AUGUSTIN dans le dernier livre de ses Confessions : ARNOBE le jeune, Auteur du 5e siècle, dans la plus-part de ses Commentaires Latins sur les Psaumes, publiés à Bâle 1560 : HESYCHIUS, Auteur du septième (d’autres disent du cinquième) siècle, dont les 7 livres sur le Lévitique furent publiés à Bâle 1527. Une partie du Mysterium Magnum de J. BÖHME y reviennent principalement, sans rien dire de quelques autres, qui ne sont pas trop grand nombre, plusieurs de ceux que Maximilian Sandaeus rapporte dans sa Théologie 6 symbolique étant toute autre chose que des Explicateurs de sens intérieurs.
Mais le Dr PORDAGE, dont on vient de publier en allemand à Amsterdam 1699 un Traité Intitulé Sophia, excelle tout singulièrement dans ce caractère-ci ; aussi bien que la Dame Anglaise Jeanne Leade, dans plusieurs de ses traités dont on a fait mention ci-dessus.
XII. UN ANONYME FLAMAND.
59. QUANT à l’anonyme flamand (que l’on dit être le même qui est souvent marqué par les lettres D. G. ou D. J.), vous êtes beaucoup plus capable de juger de son contenu et de son caractère que moi, qui ayant bien de la peine à entendre le vieux langage de ses livres, n’en ai aussi lu qu’une médiocre partie. C’est pourquoi j’aime bien mieux qu’on s’en rapporte à d’autres qui les ont tous lus qu’à ce que j’en pourrais dire de mon chef. Que si vous désirez de savoir là-dessus le sentiment de ceux que j’ai crus capables d’en juger et auprès de qui je m’en suis enquis, je m’en vais vous le rapporter d’une manière toute historique.
Il y a plus d’un siècle qu’un homme savant et qui paraissait avoir une pleine connaissance et de la personne de cet auteur, et de ses écrits, publia un petit abrégé du substantiel de sa doctrine qui revient à ceci.
1. De ramener les hommes à la vraie connaissance et au vrai culte de Dieu dont ils s’étaient tout égarés, les uns en faisant consister leur culte en une morale et en des devoirs purement humains, civils et pharisaïques ; les autres, en l’usage de quelques cérémonies extérieures jointes à des spéculations, à des persuasions et à des applications purement idéelles ; au lieu que le vrai Culte consiste à donner à Dieu son cœur, ses sens, ses pensées, ses inclinations, et sa vie, le prenant pour principe et pour fin de tout ce que l’on fait et que l’on veut faire.
2. Que pour en revenir là il est nécessaire que l’homme connaisse la profondeur effroyable de la corruption universelle où il est abîmé tant par le péché originel que par ses péchés actuels et habituels, laquelle corruption il doit avouer, sentir, gémir et déplorer devant Dieu, cherchant fermement et constamment sa délivrance réelle en J. Christ, dont la grâce et l’esprit doit venir dans lui, y faire cesser et mourir le mal, et y produire une vie nouvelle en foi, sainteté, justice, et charité ; de sorte que le cœur et l’esprit soient tellement occupés des choses célestes, que désormais dans toutes les pensées, dans toutes les entreprises, dans toutes les œuvres et dans toutes les paroles, on ait toujours devant les yeux la haute Majesté de Dieu avec crainte, révérence et reconnaissance. Et que c’est de la sorte qu’on pourra subsister devant Dieu dans le jugement effroyable qu’il est prêt de faire sur la terre pour l’extermination du mal et le rétablissement du bien.
3. Que c’est là le substantiel de ce qu’il recommande, et que pour des opinions particulières et qui ne sont pas de nécessité au salut, comme touchant la nature des Anges, des Démons, de l’Enfer, de la place du Ciel, et choses semblables, il ne prescrit les siennes à personne, et laisse chacun libre d’en croire ce qu’il en découvrira dans les saintes Écritures, selon la mesure des lumières qu’on en aura. Et en effet, la plupart des SS. Pères de la primitive Église ont bien eu plusieurs opinions différentes, et même erronées, sur ces sortes de sujets, sans que pour cela on les ait moins estimés ou moins tolérés. Pour les assemblées et les cérémonies sacrées, qu’il est bon de s’en servir, tant pour son propre avancement que pour celui des faibles et des infirmes.
L’Abréviateur ajoute qu’il n’a jamais vu d’Auteur qui ait écrit avec tant de force et d’énergie, quoiqu’il ait lu avec assez de soin tous les écrivains qui sont de quelque considération dans l’Église Chrétienne.
60. Le Jurisconsulte Werthenbach dans la préface de son Introduction Latine aux livres de la République de Bodin ; et Chrétien HÔBOURG, Ministre Protestant d’Allemagne, qui a écrit entre autres livres une Théologie Mystique et un Christ inconnu, dans la préface duquel il fait mention de cet Auteur, en parlent comme d’une personne fort éclairée de Dieu. Le pieux et savant CASTALIO le consultait sur le sens de la Bible qu’il traduisait en Latin, et dont il ne publia la préface que sous ses avis.
J’ai ouï faire le même jugement à plusieurs personnes qui avaient lu tous ses écrits, et qui d’ailleurs étaient gens d’esprit, pieux, sages, et même savants et très-savants. J’en ai connu qui ne pouvaient y lire sans le sentir tout remués de componction jusqu’au fond du cœur, et enflammés jusqu’à l’admiration. D’autres m’ont exprimé le caractère de cet Auteur en ces propres termes : « Cet homme divin s’est bien peiné à inculquer aux âmes ce grand principe du vrai Christianisme, qui est de connaître d’expérience dans la lumière divine les profondeurs de notre corruption et de notre misère ; d’en porter intérieurement le deuil, avec un désir intime pour le bien et une vraie aversion pour le mal ; et croire qu’on ne peut être délivré de l’un et acquérir l’autre que par la grâce de J. Christ dans nous. » Cette même personne tenait cet Auteur pour un de tous les hommes qui ait le mieux entendu l’Écriture. Pour moi, je puis assurer que je n’ai rien vu que de bon et que de conforme à ce que dessus dans ceux de ses livres dont j’ai fait lecture. Mais si quelqu’un veut s’assurer par soi-même du fond de cet Auteur, il n’aura qu’à consulter ou ses Lettres, ou ses quatre petits Manuels : comme aussi les extraits qu’a produits tout fraîchement de ses écrits Mr Arnoldi, ci-devant Professeur à Giessen, dans son histoire allemande des hérésies, qu’il vient de rendre publique.
61. HERMAN HERBERTS, Ministre des Protestants Réformés à ter-Goude il y a plus d’un siècle, approche fort de l’esprit et du caractère de cet Auteur dans l’excellent Traité flamand qu’il publia l’an 1584 sous le titre de Courte Explication des Paroles de S. Paul Rom. 11, vers. 28. Celui-là n’est pas Juif qui l’est au dehors, etc., etc., qui est une espèce de système de Théologie positive (n’en déplaise à Voetius dans sa Bibliotheca studiosi Theol.) le plus solide et le plus fructueux qui se puisse trouver, et dont il fit l’an 1591 une très-belle Apologie. Il avait beaucoup profité des écrits de notre Anonyme, et même contribué (à ce qu’on dit) à l’impression ou à la réimpression de plusieurs de ses ouvrages.
62. Entre les Anciens, on trouve le caractère de question dans S. ÉPHREM, Syrien de nation et Diacre d’Édesse dans le quatrième siècle, homme vénéré et admiré de toute l’Église Chrétienne, et dont S. Chrysostome disait : « Où est maintenant ce grand Éphrem, l’éguillon des endormis, le consolateur des affligés, le maître, l’instructeur et l’exhortateur des jeunes gens, le miroir des solitaires, le chef des pénitents, le glaive et le dard contre les hérésies, le réceptacle des vertus, l’habitation et la demeure du S. Esprit ? » Cet homme était (aussi bien que notre Anonyme) sans lettres humaines et sans étude ; mais le S. Esprit lui avait versé dans l’esprit et dans le cœur la substance et même les paroles de toutes les Saintes Écritures, et lui avait donné une langue qui les expliquait et les imprimait dans les cœurs des autres d’une manière dont nulle éloquence d’école ni de nature ne pouvait approcher, ainsi qu’en font foi ses divins écrits, qui en effet ne sont qu’un tissu et de la substance et des termes de la Sainte Écriture allant à rappeler dans les cœurs l’esprit de componction, à détourner très-vivement les hommes du mal, et à les animer très-fortement au bien par tous les motifs de crainte, d’espérance et d’amour qui se puissent concevoir. Aussi étaient-ils tellement estimés, qu’on les lisait publiquement dans les Églises d’Orient. On en a une traduction Latine imprimée plusieurs fois, dont la dernière est de l’an 1675 à Cologne. Son Testament, avec quelques-uns de ses opuscules, a paru ci-devant en vieux français : mais on en a une nouvelle Traduction du P. Lallemand, Chancelier de l’Université de Paris, dans son livre de la Mort des Justes imprimé en 1673. On trouve aussi dans les Vies des SS. Pères, de la traduction de Mr d’Andilly, une pièce du même S. Éphrem, qui est la vie de S. Abraham et celle de sa nièce pénitente.
63. Un autre Ancien du même esprit et du même caractère est le grand et le divin S. MACAIRE d’Égypte, contemporain d’Éphrem, solitaire, et disciple de S. Antoine, homme, quoique sans étude, puissant néanmoins en miracles, en vertus, et en paroles. Les cinquante Homélies que nous avons de lui sont à mon avis la plus divine et la plus excellente pièce qu’on ait de toute l’Antiquité. C’est un ouvrage du S. Esprit qu’on ne saurait se lasser de lire non plus que ses opuscules, qui sont dans le même caractère. On sent bien que c’est l’Esprit de Dieu qui y découvre la grandeur de la misère de l’homme et de sa captivité sous le péché et sous le Démon ; les moyens d’en sortir par Jésus Christ et de revivre à son Esprit, qui après cela gouverne désormais les âmes victorieuses, et produit dans elles des opérations et des grâces que le monde ne connaît pas. On n’a pas besoin d’avertir ceux qui ont des yeux pour voir, qu’ils y trouveront la substance de toute la Théologie Mystique, jusqu’aux termes mêmes qui surprennent le plus étrangement ceux à qui cette divine Théologie déplaît d’autant plus que plus ils y sont indisposés par les ténèbres de leur raison corrompue et par le trouble de leurs passions.
Morel publia à Paris l’an 1599 une Édition grecque de ces Homélies, comme aussi une traduction Latine à part, laquelle est beaucoup plus correcte que la Grecque, tout au contraire de l’Édition Grecque-Latine de Francfort, 1594. On les a encore imprimées à Paris in folio l’an 1623 avec les œuvres de deux autres Pères Grecs. On doit la publication de ses Opuscules Grecs-Latins au P. Poussin, qui les mit au jour à Paris et à Toulouse l’an 1684 dans son Thesaurus Asceticus. Mais nous devons aux soins de M. Pritius l’Édition la meilleure et la plus complète de toutes les œuvres de S. Macaire, laquelle il vient de publier tout nouvellement à Leipzig (en 1698 et 1699) et qui est préférable aux autres tant à raison de l’exactitude avec laquelle il a corrigé le texte Grec et redressé la version Latine des Homélies et des Opuscules, que par les additions des apophthegmes, et de tout ce qui s’est pu trouver ailleurs du même Père dans Cassien, dans Rosweydus, et dans les Monumenta de Mr Cotelier.
On a traduit et publié ses Homélies en flamand à Anvers l’an 1580. Et depuis peu (en 1696) M. Arnoldi vient de les traduire et de les faire imprimer en allemand à Leipzig, où on les a réimprimées en 1699 avec les opuscules et quelques apophthegmes, mais sans ceux de Mr Cotelier, qui se trouvent dans l’Édition de Mr Pritius. Il serait à souhaiter qu’on eût une Traduction française de ce S. Auteur, pour l’utilité salutaire de tous ceux qui sont affectionnés à l’avancement du vrai Christianisme.
XIII. LA PERLE ÉVANGÉLIQUE.
64. CE livre est vraiment anonyme ; et Sandaeus se trompe de le donner à Eschius Prêtre d’Anvers, qui n’a fait que le publier. Il a été composé par une sainte fille qui a pour caractère et pour fondement principal de sa doctrine la Présence continuelle de Dieu dans l’âme, comme celle du soleil dans le Ciel, pour en déchasser le mal et les ténèbres, et pour remplir son fond de la vie heureuse et éternelle par l’action du Père sur la mémoire, en la faisant toujours penser vivement à Dieu ; par celle du Fils sur l’entendement, en l’illuminant de la vive et salutaire lumière de la vérité ; et par celle du S. Esprit sur la volonté, en l’animant saintement de l’amour divin : le tout en vertu des mérites et de l’entremise de l’Esprit joyeux, de l’âme affligée, et du corps mortifié et mort de Jésus Christ, afin qu’en l’imitant dans la voie de l’amour, de l’abstinence, et des souffrances, Dieu ait joie, paix, plaisir et contentement éternel dans nous : principes que cette sainte fille inculque et amplifie partout fort vivement et avec grande cordialité. On trouve dans ce livre plusieurs belles vérités et plusieurs principes importants touchant le fond et les facultés de l’âme, la présence de Dieu, ses opérations, etc., qui se trouvent rarement ailleurs, et qui servent beaucoup à soudre certaines difficultés considérables de la vie intérieure et de la Théologie Mystique.
65. La Perle Évangélique a été imprimée plusieurs fois en français, en latin, en allemand et en flamand. L’Édition française est des Pères de Bourgfontaine de Paris, vieille de plus d’un siècle. Ils la firent sur l’Édition Latine de Cologne 1545, qui pourtant n’est pas le vrai original, mais une traduction d’Eschius, où l’ordre est changé pour, de trois parties qu’elle avait, la réduire en quatre : mais la plus grande variation est que de peur de choquer le monde savant en rendant ce livre à sa source, je veux dire à une fille, on en a retranché non seulement la première préface, mais changé en termes masculins les termes féminins de la reconnaissance que le premier Éditeur flamand (qu’on croit être le même Eschius) fait à la fin de l’ouvrage, d’avoir été converti à Dieu par le ministère de cette fille, qu’il appelle une des épouses de Dieu, sa servante et son amie : au lieu de quoi on a substitué les termes masculins de serviteur et d’ami : comme s’il fallait avoir honte de faire paraître aux savants dédaigneux la vérité venant d’une femme, quoique pourtant le S. Esprit ait souvent plus de prise sur elles que sur eux, leur esprit étant plus libre des fatras de la science humaine, plus docile et plus porté vers la piété que celui des doctes, dont il plaît à Dieu de confondre la sagesse, la présomption et l’orgueil par des moyens si propres à son dessein, et si mortifiants pour ces cœurs superbes. Quoi qu’il en soit, ce qu’en dit le même Eschius dans la première préface d’une des anciennes Éditions flamandes et originales d’Anvers met la chose hors de tout doute, et est trop beau pour ne pas réparer ici, par une citation qui sans cela serait hors d’œuvre, la suppression qu’on en a faite en français et en Latin.
66. « Ce livre, dit-il, a été écrit par une fille vertueuse, inspirée du S. Esprit, et enseignée par propre expérience. Dès sa jeunesse elle s’était donnée au Roi de gloire, dont elle suivit constamment les traces jusqu’à la mort par toutes sortes de voies, douces et amères. Elle vivait chez son Père, où la soumission à un Père spirituel, les jeûnes, les prières, les veilles, et autres pénitences, lui fournirent la chair à l’esprit : ensuite de quoi exercée par de grandes et de nombreuses tentations de l’ennemi, par une résistance virile, par l’amertume de bien des morts spirituelles, et par d’ardentes prières, la grâce de Dieu lui fit surmonter les passions et les tentations, et acquérir beaucoup de vertus. Dès-là elle était souvent si détenue dans l’entretien de son esprit avec Dieu, qu’elle en oubliait les affaires, le temps du repos, et le reste. La garde qu’elle faisait continuellement de son cœur pour le maintenir en pureté la remplissait si fort de la lumière et de la joie de Dieu, que toute autre chose s’en effaçait de son esprit. Elle fut éprouvée comme l’or par le feu dans le creuset des souffrances, des mépris, et des persécutions de la part des gens du monde et des personnes dévotes : et alors elle ne faisait que prier et demeurer ferme dans la voie cachée où Dieu l’avait mise, toujours bénigne, toujours amiable, toujours joyeuse, et priant Dieu pour ceux qui la faisaient souffrir. Il n’y a que Dieu qui sache la grandeur des peines intérieures qu’elle ressentait pour l’égarement des hommes et la perte des âmes. Elle communiait tous les jours sur le désir et sur les mérites de son Bien-aimé ; et toutes ses pratiques allaient à ce but, que Dieu pût avoir gloire, paix, plaisir et contentement en elle : ce qu’elle répétait souvent, disant même au moment de sa mort en s’adressant à Dieu : Ô Seigneur, eussiez-vous joie, eussiez-vous paix et contentement en moi ! paroles avec lesquelles elle rendit doucement son esprit à son Dieu le 28 Janvier l’an 1540, qui était le 77e de son âge. »
Quoique son livre ait été souvent imprimé, il ne laisse pas pourtant d’être maintenant assez rare. La dernière impression flamande qui en fut faite est d’Anvers de l’an 1629. Et c’est une des plus belles et des plus fidèles. Je ne sais si on l’a remis en meilleur français, celui de la première édition ne pouvant plus être d’usage.
Comme ce livre n’est pas seulement pour la vie passive et contemplative, mais aussi pour l’active et l’ascétique, à laquelle plus de gens sont plus propres qu’à l’autre, et dont plus d’Auteurs ont traité que de l’autre, il ne sera pas hors de propos d’indiquer à cette occasion quelques-uns de ces Auteurs qui ont écrit soit pour ce dernier genre de vie, soit pour l’un et pour l’autre tout ensemble.
67. Chacun sait que THOMAS a KEMPIS, ou le livre de l’Imitation de J. CHRIST, est d’un grand secours pour ceux qui veulent revenir à eux-mêmes, être imbus des maximes de l’Évangile, et se rendre à Dieu par la voie du cœur, qui ne garde point de méthode artificielle. Il insiste particulièrement sur le dégagement de toutes choses et de soi-même, et sur le devoir de se donner à Dieu entièrement et sans réserve. Il serait inutile de parler des Traductions et des Éditions d’un livre aussi connu que celui-ci, qu’on a publié en quatre livres pour l’usage des Protestants sous le titre de Kempis commun. Ceux qui aiment la poésie doivent préférer la paraphrase de Corneille à celle que Desmarets en a faite en quatrains.
Et à propos de vers, Malaval a publié (à Paris 1671) de très-belles Poésies Spirituelles sur toutes sortes de sujets, même sur la Contemplation. Mais rien n’approche de la beauté de ceux de M. DE BRÉBEUF dans ses Entretiens solitaires, qui sont très-Chrétiens, quoique l’Épître dédicatoire et les fautes d’une réimpression de l’an 1671 leur fassent un peu de tort.
68. Le Combat Spirituel, autre très excellent livret, que la pluralité de voix attribue au P. LAURENT SCUPOLI, Théatin, est un manuel très-propre à ceux qui cherchant Dieu par la voie du cœur, veulent y joindre aussi celle d’une perception plus distincte, et procéder par ordre et par principes. Il réduit toute l’affaire à quatre points principaux, qui sont la Défiance de soi- même, la Confiance en Dieu, l’Oraison, et la pratique ou le bon usage de nos puissances. Il donne sur chacun de ces points d’excellentes règles, faciles à imprimer dans l’esprit pour s’en souvenir au besoin à la faveur de l’ordre qu’il observe clairement. S. François de Sales recommandait ce livre sur tous les autres, et il l’appelait son Directeur. La bonne Édition et la plus complète doit avoir non 33 mais 66 chapitres, avec un petit traité adjoint de la paix de l’âme ou du sentier du Ciel, et un autre des douleurs mentales de J. Christ, comme on les trouve dans la Traduction du P. Mazotti imprimée à Paris plusieurs fois, quoique celle du P. Brignon de l’an 1688, qui est la plus française et qu’on a réimprimée depuis peu à Bruxelles, n’ait pas ce dernier traité. Ce livret le trouve aussi en Latin, en flamand, et en plusieurs autres langues.
69. L’Art ou la Méthode de servir Dieu, d’ALPHONSE DE MADRID, est un autre petit Manuel ou livret exquis, solide, tout praticable, essentiel, méthodique, et de la portée de tous. Son but et l’abrégé de son contenu est que par le motif de la gloire et de la volonté de Dieu, et en reconnaissant notre néant de nature, et notre néant de chute et de péché, on s’emploie à servir Dieu principalement par l’exercice de nos facultés spirituelles du désir et de la liberté, en faisant pénitence, en nous haïssant nous-mêmes, en priant assidûment, en apprenant l’humilité et la patience de J. Christ, et en domptant nos pallions, pour parvenir au pur amour de Dieu, joint au légitime du prochain et de nous-mêmes selon Dieu et pour lui. Je ne sais si l’Auteur l’a écrit en Latin ou en Espagnol : outre ces deux langues, on l’a encore en français et en flamand. Mais il ne se trouve presque plus.
70. La Théologie Germanique est un autre petit ouvrage anonyme, ancien et fameux, très-radical et très-exquis, qui ne contient presque que de purs principes de la vraie Théologie Chrétienne intérieure et pratique. Le tout de Dieu, le néant de l’homme, le mal d’appropriation, l’abnégation de soi et du reste, le discernement de la vraie lumière d’avec la fausse, et de la vraie liberté d’avec la fausse, etc., sont la matière qu’il traite sans beaucoup de méthode, mais d’une manière qu’on sent bien être substantielle et venir d’une âme éclairée de Dieu. La préface de la nouvelle Édition française qui vient de paraître en apprendra plus de particularités. Un de ses Éditeurs Allemands, le célèbre JEAN ARNDT, jadis Inspecteur dans le Duché de Lunebourg, en avait imbibé l’esprit, aussi bien que de S. Macaire, qu’il savait par cœur, et de Tauler, comme il paraît par tous ses ouvrages de piété et signamment par son insigne livre du Vrai Christianisme, imprimé en Allemagne une infinité de fois, et qui se trouve en Flamand, et même en Latin de l’impression de Francfort 1658. Ouvrage qui, par sa manière de proposer tout le solide de la piété et de la vie vraiment Chrétienne sans jamais quitter l’autorité et les termes de la Ste Écriture, s’est acquis l’estime universelle de tous.
71. Le P. ALEXIS DE SALO, Capucin, dans son Chemin assuré du Paradis, tâche de faire réduire en pratique sur toutes sortes de choses, et à l’égard de tous nos sens, passions, affections, et dans tous nos actes d’esprit, le précepte de Jésus Christ tant recommandé dans la Théologie Germanique, qu’il faut se renoncer soi-même pour le suivre ; et il appuie tout ce qu’il enseigne par des exemples fort amples et fort naïfs. Son livre traduit de l’Italien a été imprimé à Lyon 1620, à Douai 1617, etc.
72. Le Père JUSTE LANSBERG, Chartreux, qui vivait il y a un siècle, a écrit solidement et d’une manière touchante des choses intérieures et spirituelles de la piété et de la vraie dévotion. Ses œuvres, réimprimés depuis peu en latin à Cologne (1693) sont comprises en deux volumes (in 4o) et en cinq parties, dont les trois premières sont des sermons sur les dominicales, sur les fêtes et sur l’histoire de la Passion ; et les deux autres, des traités de piété, une apologie de la vie monastique, des lettres, et des vers de dévotion. Il est méthodique et suit fort bien son texte dans ses Sermons sans y oublier le sens intérieur et allégorique. De ses traités de piété, l’on en a traduit deux en beau français il y a peu d’années, l’un de la milice Chrétienne, ou le Combat spirituel, imprimé à Paris en 1670. Il contient des instructions salutaires pour se dépouiller des vices et de la corruption, et pour acquérir les vertus et la pureté afin d’atteindre à l’union divine : l’autre livre qu’on a traduit du même Auteur est un Discours de J. Christ à l’âme dévote en forme de lettre, publié à Paris 1674, et ce traité n’est que la dernière partie de son Amoris divini Pharetra. Ce livre est un excellent manuel de dévotion et de piété, qui renferme en abrégé toutes les règles les plus solides de la conduite et de la vie vraiment Chrétienne. ÉRASME a écrit un petit livre approchant de ces deux-ci quant au titre et à la matière : c’est son Enchiridion Militis Christiani, ou Manuel du soldat Chrétien, qui est une très-bonne pièce : mais il n’est pas si intérieur que ceux de Lansberg et ne va pas si loin. L’Auteur Espagnol du livret le Trésor de l’âme, traduit en toutes sortes de langues, française, flamande, allemande, et même Latine sous le titre de Desiderius Peregrinus (à Rotterdam 1674), ne cède en rien à Lansbergius, quand sous l’emblème aussi utile que divertissant d’un berger qui voyage pour trouver l’amour de Dieu, il nous met devant les yeux les progrès d’une âme qui par les vertus Chrétiennes, par les souffrances et par l’amour divin, atteint jusqu’aux prémices de la jouissance de Dieu. Il paraît que cet Auteur était Religieux, et partant que c’est à tort que Sandaeus a prétendu le donner à Servet dans sa Bibliothèque des Antitrinitaires.
73. ALPHONSE RODRIGUEZ, Jésuite, dans son excellente Pratique de la perfection Chrétienne, traite des mêmes matières, mais avec plus d’étendue. Il procède assez méthodiquement par des règles et par des instructions qu’il accompagne des exemples les plus beaux et les plus édifiants qui soient dans les vies des SS. Pérès des déserts et d’autres saintes âmes ; ce qui, joint à la grande clarté et facilité de son livre, ne peut que le rendre très-attrayant aussi bien que très-utile à toutes sortes de personnes, jusqu’aux enfants mêmes. L’on en a trois traductions de l’Espagnol en français, dont celle de l’Abbé des-Marais, de l’Académie française (réimprimée à Anvers 1693 en trois petits volumes sur l’Édition de Paris), est la plus estimée. On l’a traduit et publié en flamand à Anvers plus d’une fois, dont la dernière est de l’an 1683. Je ne doute pas qu’on n’en ait fait de même en plusieurs autres langues, puisqu’il le mérite bien. On en a fait aussi un abrégé latin, imprimé à Lyon l’an 1644.
74. En fait d’instructions munies d’exemples, voici des sources qui en fourniront grande quantité. Les vies des SS. Pères des déserts, recueillies par le P. Rosweydus, Jésuite, et publiées à Anvers deux fois en Latin l’an 1615 (qui est l’Édition la plus belle et la plus correcte) et l’an 1628 ; et deux fois en flamand environ le même temps : publiées aussi en allemand à Francfort il n’y a pas longtemps ; et que les Français, qui n’en avaient qu’une petite partie en vieux Gaulois, ont en parfaitement beau langage par le célèbre Traducteur Monsr d’Andilly, qui pourtant y a fait de trop retranchements et d’omissions, sans qu’on y ait rien rétabli ni dans ses réimpressions de France, ni dans la nouvelle d’Anvers de l’an 1694. Il est vrai qu’il les a augmentées de quelques excellentes vies, comme entre autres de celle de Ste SYNCLÉTIQUE ; mais on la trouve plus correcte dans les monumenta Grecs-Latins de Mr Cotelier, Tom. 1 : et on aurait pu sans tort ajouter des mêmes monuments (Tom. 2 et 3) les admirables vies de S. EUTHYME et de S. SABAS.
Les Actes des Martyrs quand ils sont sincères, et tels qu’en a recueilli le P. Ruinart dans son livre Acta Martyrum sincera et selecta, imprimé à Paris en 1689. Le recueil de la Mort des Justes par le P. Lallemand, réimprimé aux Pays-Bas en 1673 sur l’édition de Paris. À quoi l’on peut joindre la Relation de la mort de quelques Religieux de la Trappe, comme de celle de Dom Muce, du Comte de Santena, réimprimées plusieurs fois à Bruxelles.
75. Les Conférences de Jean Cassien, Prêtre de Marseille en réputation de sainteté dans le cinquième siècle, traduites du Latin en français, et imprimées à Paris en 1665, mais sans la 13e Conférence, que l’on s’est imaginée être pleine d’erreurs sur les matières de la grâce, quoiqu’il les connût mieux d’expérience que les censeurs, encore qu’il ne se soit pas expliqué avec toutes les précautions nécessaires pour prévenir les oppositions des esprits disputeurs.
76. Les Règles de S. BASILE, les Institutions de S. DOROTHÉE, Abbé du sixième siècle, traduites du Grec en français par l’Abbé de la Trappe, et imprimées à Paris l’an 1686. L’Échelle Sainte de S. JEAN CLIMAQUE, Père et Abbé du même siècle, dont on a des Éditions Grecs-Latines, Latines toutes seules, et une double traduction française de M. d’Andilly, dont la première fut imprimée à part à Paris en 1653 ; l’autre se trouve et à part et jointe avec de longues notes aux Vies des Saints Pères des déserts 1675. Ce qu’il y a d’EVAGRIUS, quoiqu’incomplet, dans les Monuments Grecs-Latins de Mr Cotelier (Tom. 3 à Paris en 1686). Les Apophthegmes des Pères, auprès du même. Tous ces livres-là sont remplis d’instructions fort divines et d’exemples très animants, et en même temps très-convaincants par des effets réels que la pratique d’une vie parfaitement Chrétienne, pénitente et spirituelle, n’est pas une chose ni impossible, ni seulement en idée.
77. On pourrait se convaincre vivement et salutairement de la même vérité par un très-grand nombre d’autres Vies admirables de plusieurs personnes excellentes de toutes sortes d’états et de conditions, de celles même dont la mémoire est encore assez récente : mais pour ne pas choquer la scrupulosité de certaines gens, et pour éviter la prolixité, il me suffira de ne faire mention que de deux, l’une d’un homme et l’autre d’une fille. La première est la Vie de Moniteur de RENTY, de qui la haute vertu fut depuis peu l’admiration de la France et de tout Paris où il mourut l’an 1649. Cette excellente vie, dont le P. SAINT-JURE, Jésuite (auteur pieux, spirituel et solide de plusieurs autres traités), nous a donné l’histoire, qui a été réimprimée huit ou dix fois à Paris, est un raccourci de ce qu’il a et de plus exquis en fait de vertus Chrétiennes, et de plus solide dans la vraie spiritualité. L’on y peut remarquer non seulement les maximes, mais aussi la pratique de ce qu’enseignent les vrais Mystiques sur les différents états des âmes, sur l’amour pur, sur l’oraison et la contemplation, et autres matières semblables, qui y sont touchées, comme tout le reste, d’une manière si nette et si solide, que les lecteurs qui ont le moins de dispositions soit à ces sortes de sujets, ou à la lecture de ces sortes de vies, ne peuvent se défendre d’en avoir le cœur attendri et persuadé. Voici le jugement qu’en a fait un Protestant de considération, et qui ne saurait être suspect de partialité non plus que de crédulité sur ces sortes de choses : Quelque entêtement qu’on ait encore pour la fable, il faut avouer que la Vie de Monsieur de Renty ne s’en ressent pas. L’on y remarque de si excellentes vertus qu’on doit mettre avec justice celui qui les a pratiquées entre les plus grands modèles que la France ait fournis à notre siècle. Ce sont les paroles de M. Burnet, présentement Évêque Anglais à Salisbury, dans sa préface sur la vie de M. Adle : et c’est le même, à ce qu’on dit, qui a traduit et publié en Anglais la même vie de M. de Renty dont il s’agit. L’autre vie, dont je viens de dire que je voulais faire mention, est la vie de la Mère ÉLISABETH de l’Enfant JÉSUS, qui n’est inférieure en rien à celle de Mr. de Renty, lequel avait servi de Guide, aussi bien que le P. Saint-Jure et Mr de Bernières, à cette excellente Religieuse, morte à Paris l’an 1677. Sa vie est imprimée au même lieu, l’an 1688. Celle de la Baronne de CHANTAL est trop célèbre pour avoir besoin de recommandation particulière, si seulement elle n’était pas si rare en ces pays.
Au reste, en lisant les vies des S. Pères des déserts, il ne faut pas s’en rebuter d’abord par la lecture de celles qui sont tirées des Épîtres de S. Jérôme, qu’on a mises les premières, et qui à dire le vrai se ressentent un peu trop des déclamations affectées de sa Rhétorique. Celles de RUFFIN, de PALLADE, de THÉODORET, de S. SULPICE SÉVÈRE, les recueils de JEAN MOSCHUS, et de plusieurs autres, sont quelque chose d’une trempe plus simple, plus naïve et plus touchante.
78. Entre les auteurs qui ont écrit à dessein touchant les matières de l’Oraison, de la Méditation, de la Contemplation et des choses qui en dépendent, en voici quelques-uns des plus familiers et des plus utiles.
S. Pierre d’Alcantara, ami et contemporain de Ste Thérèse, a écrit un petit Traité bien utile de l’Oraison et de la méditation, qui a été imprimé plusieurs fois en Latin, en français, et en d’autres langues, de même que le traité de HORSTIUS, Paradisus animae, imprimé plusieurs fois à Cologne, à Louvain, et ailleurs en Latin et en français, manuel pratique et exquis sur tous les sujets d’oraison. La première partie du Thalamus Sponsi (que je n’ai vu qu’en flamand de l’édition d’Anvers 1628) roule aussi sur cette matière, de même que la première partie de l’Introduction à la vie dévote de S. FRANÇOIS DE SALES, dont le livre entier contient de très-bonnes instructions de piété et de conduite pour toutes sortes de personnes, même pour celles qui sont dans le grand monde. Ce traité, avec celui de l’Amour de Dieu, et ses Lettres, excellent entre les ouvrages de cet Auteur 7, dont le caractère est de tâcher à rendre facile à tout le monde la pratique de la vraie piété, et d’inspirer à tous la paix et une dévotion solide, tant par une condescendance équitable aux dispositions des âmes que par un esprit de douceur toute singulière, caractère tant recommandé par Jésus Christ, et qu’entre les anciens S. CLÉMENT, dans sa divine lettre aux Corinthiens 8, et S. POLYCARPE dans la sienne 9 aux Philippiens, ont parfaitement exprimé.
79. Le P. NOUET, et le P. RAPIN, Jésuites, ont écrit de fort bonnes choses de l’Oraison et de ses espèces : le premier plus amplement dans son Homme d’Oraison imprimé à Paris l’an 1674, et l’autre en abrégé, dans son Oraison sans illusion, qui est le même livret qu’on a réimprimé dans la seconde partie de la Théologie du cœur, sous le titre d’abrégé de la Théologie Mystique. Dans la même partie de la Théologie du cœur il y a un petit traité d’une fille intitulé de la vie intérieure, où la matière et et les espèces de l’Oraison sont expliquées avec une simplicité et une facilité non communes : et plus brièvement encore dans la quatrième conférence du divin Livret le Berger illuminé, qui est le premier de cette même Théologie du cœur. Un pauvre villageois (comme il paraît par le style) a aussi écrit d’une manière très-affective un traité de Méthode d’Oraison, ou Abrégé de l’Agneau occis, imprimé à Rennes, 1669, ou par la considération de Jésus Christ dans le cœur, il enseigne trois sortes d’oraisons proportionnées aux trois états de la vie spirituelle. Le petit traité de Madame GUYON, Moyen court et facile de faire Oraison, qu’on a nouvellement réimprimé en Hollande en 1699, avec son excellente Exposition du Cantique de Salomon, et qu’on y a même traduit et publié en Flamand, est aussi, au jugement de bien des personnes, un des plus concis et ensemble des plus faciles et des plus achevés qui se puissent trouver sur ce sujet, quoique d’autres en fassent des jugements bien différents. Pro captu lectoris habent sua fata libelli.
80. ANTOINE ROJAS, Prêtre Espagnol, dans son traité la vie de l’Esprit, imprimé à Paris l’an 1660, et dont on a publié depuis peu à Cologne (1696) la première partie en Allemand : le célèbre MALAVAL de Marseille, dans sa Pratique facile de la Contemplation, imprimée trois fois à Paris, publiée à Rome en Italien par les soins du Cardinal d’Estrée, et qu’on a aussi mise au jour en flamand : son Continuateur le P. ÉPIPHANE LOUIS, Abbé d’Estival, dans ses belles et solides Conférences Mystiques, imprimées à Paris l’an 1676, aussi bien que dans ses Lettres ; la Guide spirituelle de MOLINOS où les prétendues erreurs qu’un certain Protestant prétendu Historique-Mystique lui impute dans l’abrégé qu’il en a fait, ne se trouvent point sinon que la passion et l’ignorance les y mettent par de fausses gloses ; puisque les premiers Approbateurs, dont quelques-uns étaient inquisiteurs, n’y ont point vu de mal, non plus que les gens de bien, soit d’entre les Protestants, qui l’ont traduite en latin et en Flamand, soit de toute l’Europe, où il s’en est fait plus de vingt éditions en diverses langues en moins de six années. Le frère LAURENT DE LA RÉSURRECTION, Religieux Carme, mort depuis peu à Paris, dans les traités qui ont paru de lui, sa vie, ses Mœurs, ses Lettres et ses Entretiens, qu’on a tous réimprimés en Hollande et joints aux traités de Madame Guyon.
81. Enfin le P. PINY, Dominicain, (qui écrit un peu trop en Prédicateur) dans son Traité des trois différentes manières de se rendre intérieurement Dieu présent (assavoir, par le souvenir amoureux de Dieu et de ses perfections ; par l’adhérence amoureuse à la volonté ; et par la peine sensible où l’on est d’y manquer), traité imprimé à Lyon en 1685 : et encore toute la seconde Partie du Thalamus Sponsi ; tous ces auteurs-là, dis-je, sont très bons pour la Contemplation active ou ordinaire, et pour l’exercice continuel de vivre en la présence de Dieu : en quoi la Méthode du Frère Laurent, quoiqu’homme sans lettres, excelle au-dessus de tous par sa simplicité, par sa cordialité, par sa facilité, et par sa solidité. Le Cardinal BONA, dans sa Voie abrégée pour aller à Dieu, traduite du Latin en beau français, et imprimée à Bruxelles 1683 : et le F. Jean de S. Samson dans son Traité de l’Amour aspiratif, qui se trouve dans la seconde Partie de la Théologie du cœur, vont au même but, par la voie des aspirations continuelles, à quoi conduit aussi un petit livret français, fort solide et fort affectif, intitulé Méthode pour converser avec Dieu, imprimé à Paris l’an 1685 et réimprimé à Bruxelles quelque temps après.
82. Le P. GUILLORÉ, Jésuite dont on a six ou sept excellents traités imprimés plus d’une fois à Paris ; les Lettres spirituelles d’un Ecclésiastique recueillies par M. de LASSOT, et publiées depuis peu au même lieu en 5 petits volumes, peuvent être d’un usage fort grand et presque universel sur tout ce qui concerne tant la via active et extérieure que l’intérieure et la Contemplative. Il en est de même de l’excellent Catéchisme spirituel du P. SURIN, Jésuite, imprimé plusieurs fois (la dernière en 1693) à Paris en 2 volumes ; aussi bien que de ses Fondements de la vie spirituelle, réimprimés à Liège en 1679, dans lesquels l’auteur à l’occasion de plusieurs sentences de Thomas a Kempis, dont il donne l’explication par forme de demandes et de réponses, achemine solidement l’on lecteur à la vie spirituelle par la déduction de ses points les plus importants, de ses voies les plus faciles, et de les obstacles les plus nécessaires à éviter et souvent les moins-aperçus. Le petit Catéchisme Chrétien pour la vie intérieure de Mr OLIER, supérieur du séminaire de S. Sulpice, imprimé souvent à Paris, et publié même en Flamand à Louvain 1686, contient le substantiel de ce que son titre promet, en se tenant presque toujours aux paroles et aux plus claires instructions de la Ste Écriture.
83. Pour finir par une fille cette section qu’on a commencée par une fille, disons un mot des œuvres spirituelles de JEANNE DE CAMBRY, Religieuse recluse à Lille. Sa vie imprimée à part à Anvers 1659, contient beaucoup de particularités sur les conduites de Dieu envers les âmes. Ses œuvres, qui ont paru ensemble à Tournai en 1665, ne traitent pas moins solidement, ni même moins régulièrement et nettement des vérités et de la pratique des choses Chrétiennes, intérieures et mystiques, que les écrits des hommes les plus étudiés. Dans son plus grand traité, qui est celui de la Ruine de l’amour propre (qui fut imprimé séparément à Paris), elle traite par ordre toute la vie intérieure ; et elle en explique les états (comme Ruysbroek dans son Ornatus nuptiarum spiritualium), par l’emblème de ce qui se passe successivement dans les quatre saisons de l’année. Ce traité divisé en quatre livres, parle dans le premier de l’amour propre, et en général des grâces de Dieu pour le Supprimer : dans le second, de l’avancement des grâces de Dieu dans les profitants, y appliquant plusieurs choses du Cantique de Salomon : dans le troisième, des privations rigoureuses, des tentations et épreuves spirituelles : et dans la quatrième, du rétablissement de l’âme en état parfait. Ces deux derniers sont très sublimes, aussi bien que très propres à satisfaire aux difficultés qu’on fait souvent aveuglément contre les voies intérieures. Son Flambeau Mystique, qui se trouve aussi imprimé à part, est une courte explication tant des choses que des mots de la voie et de la Théologie Mystique, aussi bien qu’un abrégé d’instructions pour les Directeurs des âmes. Il y en a pour la Direction des familles dans l’on traité de la Réforme du Mariage. Celui de l’Excellence de la Solitude est plus pour les personnes retirées ; et l’exercice pour parvenir à l’amour de Dieu, qui est aussi solide que court et méthodique, est à l’usage de tout le monde, comme aussi celui qui a pour titre Lamentation de l’âme captive dans son corps mortel, où elle fait voir qu’en quelque genre et en quelque état de vie que l’on soit, même dans le plus charmant et le plus sublime de la vie spirituelle, il se rencontre néanmoins partout matières de lamentations et de larmes. Sa manière de dire les choses porte le caractère d’une naïveté cordiale et d’une netteté solide et fort propre à convaincre l’esprit et le cœur de ceux qui cherchent le vrai bien avec sincérité. Il semble qu’il entre ordinairement moins de cela dans les écrits des hommes que dans ceux des femmes ; et l’article qui luit le va vérifier encore davantage.
XIV. Madlle ANTOINETTE BOURIGNON.
84. COMME Madlle Bourignon n’affecte ni le style ni les matières sublimes des mystiques, mais qu’elle n’insiste que sur le substantiel de la doctrine Évangélique, l’abnégation, la mortification de la nature, l’imitation de J. Christ, la pratique des vertus, l’amour de Dieu et la dépendance de lui, je crois que je me serais dispensé de parler d’elle n’était que vous avez trouvé bon de me la proposer pour finir par elle. Disons-en donc quelque chose, et venons par ce moyen à la conclusion de ma trop grande lettre.
Les hommes sont maintenant engourdis à un si haut point sur les choses éternelles, que bien loin de se réveiller par le moyen de tant de livres spirituels qui leur sont à la main, on dirait qu’ils n’en font presque point d’autre usage que de s’en amuser l’esprit et de s’en exercer l’entendement par de belles spéculations, se flattant cependant d’être spirituels sous prétexte qu’ils y consentent avec quelque douceur de sentiment et d’inclination. Il fallait quelque grand coup de Dieu qui fît voir que tout cela n’était encore que pure mort et qui, réveillant les hommes de leur grand assoupissement, leur fît fortement comprendre combien prêts ils sont à périr, si promptement ils ne changent de conduite et de vie. Et il semble que Dieu ait donné ce coup par les écrits de Mademoiselle Bourignon, qui en effet font de grands mouvements aux Lecteurs qui s’y appliquent, et qui communiquent à ceux qui s’y rendent une force et une lumière qui sont d’usage salutaire et universel pour toutes sortes de choses. Quoiqu’elle n’affecte point, comme je viens de le dire, ni les matières ni le langage des écrivains mystiques, ses écrits néanmoins en ouvrent merveilleusement l’intelligence, et font à leur égard, voire à l’égard de toutes sortes de livres spirituels, quelque chose de semblable à ce qu’est le soleil à toutes les plantes qui sont sur la terre, qui quoique vivantes en soi, cependant quand le froid règne ne sont pour nous que comme autant de choses mortes dont on ne saurait tirer ni fruit ni usage, mais qui viennent à s’ouvrir, se vivifient, et nous deviennent fructueuses à l’approche de cet astre dont la force lumineuse s’insinue en tout d’une manière aussi simple et facile, aussi pure et aussi universelle, que bénigne et bienfaisante. C’est ainsi qu’à présent, l’indisposition des âmes étant généralement telle qu’il y a comme une espèce de froidure répandue partout qui leur glace et leur rend comme mortes et infructueuses les vérités les plus importantes et les plus salutaires de toutes sortes d’Écrivains, et de l’Écriture même, vous diriez que ces mêmes vérités reprennent vie, s’ouvrent et deviennent fertiles et fructueuses par les écrits de cette Demoiselle, qui outre les vérités communes aux autres, en contiennent et en découvrent de plus un très-grand nombre de nouvelles et d’inconnues, de vives et de salutaires, qui leur sont particulières.
85. Si bien que voici leur véritable caractère. C’est une force lumineuse, libre, naïve, douce, solide, simple, facile, d’usage universel et proportionné à la capacité de tous et des enfants mêmes ; impartiale, pure, animante, et qui détermine vivement et circonstanciellement les âmes sincères à des actes réels et particuliers de conduite, de pénitence, d’abandonnement du monde et de ses affections, de renoncement à soi, d’amour de Dieu, et de dépendance de lui par la résignation de notre volonté entre ses mains, afin que reprenant domination sur nous comme sur Adam avant le péché, il rétablisse et gouverne ensuite pleinement toutes choses selon sa divine volonté.
Dans plusieurs autres écrits, pour bons qu’ils soient, on n’aperçoit souvent les choses qu’en général et de telle sorte que quand on veut en venir à la pratique particulière, on ne sait encore bien de quelle manière s’y prendre. Ici on se sent tiré hors de cette indétermination, et on se voit montrer pas pour pas où il faut mettre le pied. On se sent comme mené et appliqué par la main à l’œuvre qu’il faut entreprendre, et animé au dedans d’une manière qui n’est pas ordinaire. De plus on y trouve des explications et des lumières non-communes sur les grands principes de la Puissance, Bonté, Justice, Vérité et Sagesse de Dieu : sur la Création glorieuse du Monde et de l’homme : sur la chute et sa corruption déplorable et infinie : sur Jésus Christ, sa naissance d’Adam, ses fonctions, son Royaume, celui de l’Antéchrist, le déchet du vrai Christianisme dans toutes les Religions par la faute de leurs Conducteurs, la destruction des médians, le Renouvellement de l’Église et du Monde. On y trouve l’essentiel de la Religion et de la vertu, distingué de leur accessoire : l’anéantissement des controverses inutiles et des hérésies pernicieuses : la conduite qu’il faut tenir en toutes choses : le réveil de l’inquiétude où l’âme doit être si longtemps qu’on ne s’est pas rendu entièrement à Dieu ; et la découverte de la tromperie du cœur humain en tous, et particulièrement dans les faux spirituels et dévots, qui, se piquant de faire grand cas de toutes sortes de livres spirituels et mystiques, n’ont pu tenir bon devant ceux-ci pour lesquels seuls ils ont une aversion qu’ils voudraient bien inspirer à tous, les uns finement, et les autres plus manifestement : parce qu’ils voient que ces vérités les dégradent de leur prétendue spiritualité, et les font paraître à leurs yeux et à ceux des autres pour tout autres qu’ils ne voudraient.
86. Toutes les œuvres de Madlle Bourignon, qui ont été imprimées à Amsterdam partie durant sa vie, partie après sa mort (arrivée l’an 1680) sont celles-ci : Sa Vie avec une préface apologétique ; la Lumière du Monde ; la Lumière née en ténèbres ; le Tombeau de la fausse Théologie ; la Solide Vertu ; le Renouvellement de l’Esprit Évangélique ; le Témoignage de Vérité ; la Pierre de touche ; Avertissement contre les Trembleurs ; l’Antéchrist découvert ; le Nouveau Ciel et la Nouvelle Terre ; l’Académie des Théologiens ; la Dernière Miséricorde de Dieu ; la Sainte Visière ; lesquels livres sont tous en français, en allemand et en flamand : de plus, l’Aveuglement des hommes de maintenant, l’Étoile du matin et les Avis Salutaires, qui ne se trouvent point en allemand : le reste ne se trouve encore qu’en français, assavoir, l’Appel de Dieu, les Pierres de la Nouvelle Jérusalem, les Persécutions du juste, et la Confusion des Ouvriers de Babel. Il y en a pourtant trois en Latin : la Pierre de touche, la Solide Vertu, et le Renouvellement de l’Esprit Évangélique en partie : depuis peu on a traduit en anglais et publié à Londres la Lumière du Monde et la Solide Vertu, avec une très-belle Apologie opposée à quelques libelles Anglais de deux diffamateurs de fraîche date. Quoique chacun de ses livres se débite à part 10, on les a pourtant réduits tous à 19 Volumes, dont ceux qui veulent juger de la doctrine doivent avoir lu pour le moins les cinq ou six que je viens de marquer les premiers, et avoir consulté, sur les difficultés qu’ils pourraient y trouver, les écrits apologétiques et les livres de l’Économie divine de M. Poiret, qui en a partie enlevé, partie prévenu les difficultés les plus considérables.
87. Quoique je ne trouve point d’écrivains qui soient pleinement dans le caractère de Madlle Bourignon tel qu’on vient de le marquer, néanmoins comme une des choses qui a éclaté le plus dans elle a été la déclaration vive et intrépide qu’elle a faite de la corruption universelle de l’Église Chrétienne, et spécialement de l’état Ecclésiastique, il me semble que le saint Dominicain du siècle pénultième, SAVONAROLE, en approche beaucoup de ce côté-là. Ceux qui auront lu quelques sermons de ce S. Religieux, par exemple, ceux qu’il fit sur le livre de Ruth (pourvu que l’exemplaire qu’on aura ne soit pas de ceux de Salamanque 1556 dont les gens d’Église ont fait arracher le septième sermon, qui était tout pour eux), ceux sur Michée, ou du moins le peu qui s’en voit dans les additions de sa vie, publiée à Paris en 1674 avec une partie de ses révélations et de ses lettres spirituelles, pourront juger si je dis vrai, surtout quand ils auront pris garde que, comme les Ecclésiastiques ôtèrent la vie à ce Saint homme à cause de sa liberté à leur dire leurs vérités, Madlle B. l’aurait de même perdue cent fois pour le même sujet si Dieu ne l’avait continuellement empêchée de tomber entre les mains de ses persécuteurs.
88. Un mot de digression, s’il vous plaît, ou plutôt d’amplification sur ce sujet, puisqu’on vient de le renouveler tout fraîchement. Ce que Madlle B. a découvert la corruption du monde et celle de l’Église, aussi bien que l’abus que tous, chefs et membres, y font de toutes les choses saintes, a tellement déplu aux personnes qui s’en dont trouvées coupables et qui n’avaient pas la volonté d’en revenir, que ces Messieurs, appréhendant que le peuple ne connut leurs défauts, et craignant peut-être d’être effacés par une fille dont la doctrine était plus énergique que la leur, tâchèrent d’en donner de l’aversion à tous pour détourner le monde de la lecture de ses écrits : et c’est ce qu’ils firent en publiant qu’elle était ennemie de l’Église et de toutes les communions, du ministère et de toutes les choses saintes, quoi qu’ils eussent dû selon la vérité en conclure tout le contraire, le sens commun apprenant à un chacun que remontrer les abus d’une chose, et ne vouloir pas en être complice, n’est pas être opposé à la chose même, autrement Isaïe et les autres Prophètes auraient dû passer pour des ennemis de la Religion Judaïque, et qui dirait qu’on abuse partout de l’Écriture devrait être censé mépriser l’Écriture, dont pourtant, comme du reste des choses divines, on ne désire que le rétablissement dans le juste usage et selon l’Esprit de Dieu. Madlle B. a fait voir ces vérités plus clair que le jour dans les Apologies qu’elle a écrites pour elle-même et pour les choses saintes, contre ses Calomniateurs 11. Mais comme cette espèce de calomnie a beaucoup de force sur l’esprit des hommes pour leur donner de l’aversion d’une personne qu’ils ne connaissent pas, et de tout ce qui pourrait provenir d’elle, vous diriez que l’esprit malin a pris à tâche de l’inspirer opiniâtrement à ceux-là même qui d’ailleurs n’ont eu aucune connaissance ni de la personne dont il s’agit, ni de ses écrits, ni de ses sentiments. On s’étonne que l’auteur récent du Traité Historique sur la Théologie Mystique ait trouvé cela si beau que de vouloir en remplir une page entière de son livre, sans songer que le public s’apercevrait bien que ce n’est que la répétition des vieilles médisances qu’il avait déjà publiées il y a plus de dix ans dans ses Lettres Pastorales, et sur quoi on lui a fait remarquer autant de méprises que de lignes sans qu’il ait eu rien à repartir au livre publié sur ce sujet 12. Cependant il lui plaît encore de revenir sur les bancs sans apporter rien de nouveau que quelques traits satiriques qui font voir qu’il est toujours dans l’ignorance du sujet dont il veut juger, je veux dire de la personne et des sentiments de Madlle B. et de ses amis. Voulez- vous bien, Monsieur, que j’insère ici la pièce avec un petit mot de commentaire ? Voici comment il s’exprime dans la page dixième de son Ouvrage.
Les Pays-Bas ont vu une certaine fille appelée Antoinette Bourignon, qui a laissé 18 ou 20 volumes d’ouvrages tous de piété et de dévotion (non, s’il vous plaît, ils sont dogmatiques, quoi qu’ils gravent dans l’âme les principes solides de la vive piété et dévotion). On ne peut nier (poursuit-il) qu’il n’y ait de très-bonnes choses, et que la dévotion n’y paraisse en beaucoup d’endroits par des maximes très-pures et une morale édifiante. Il accorde cela pour ne pas se rendre suspect de passion dans la suite, puis il ajoute : Cependant son fanatisme est évident. Elle dit sans façon que Dieu l’a envoyée pour reformer l’Église, et qu’elle est inspirée de Dieu extraordinairement, et conduite infailliblement par son Esprit. L’auteur serait bien empêché de nous dire en quel endroit Madlle B. a dit ou écrit cela sans façon. Il doit savoir qu’en fait d’accusation il ne lui est pas loisible de prêter à personne des pensées ni des expressions fausses et captieuses. Celles de Madlle B. sont : Je dis seulement d’être une Envolée de Dieu pour DÉCLARER la vérité qu’il me communique. Je suis envoyée de Dieu aux hommes pour les éveiller de leurs péchés, dans lesquels ils dorment en repos sans apercevoir le danger auquel ils sont : et après qu’ils seront réveillés par la lumière du S. Esprit, ils peuvent, s’ils veulent, encore demeurer dans leurs péchés : car Dieu leur aura montré sa miséricorde, et moi j’aurai fait de ma part ce qu’il m’a commandé 13 : et encore : Si le S. Esprit me régit, il ne se peut faire que ma conduite soit vicieuse, ou autrement elle ne serait point de Dieu, qui est un bien parfait. Je peux bien manquer en quelque chose lorsque j’agis de mon propre mouvement ; mais jamais quand je me laisse conduire par le S. Esprit 14. Notre auteur, qui se dit Conducteur des âmes, n’osant ainsi dire de lui qu’il ait le S. Esprit, qu’il en soit illuminé et conduit, et ne voulant pas pourtant que cette destitution lui soit matière de confusion, tourne cela en ridicule et en fanatisme, sans se soucier ni s’il condamne ainsi toute l’Écriture, qui nous assure qu’il faut avoir l’Esprit de Dieu pour être à Jésus Christ, pour connaître les choses de Dieu, et pour les enseigner aux hommes ; ni s’il se contredit lui-même, qui a érigé en inspirés je ne sais combien de grands et de petits prophètes imaginaires, et qui attend encore le rétablissement de son parti en France par voie d’inspiration, c’est-à-dire, selon son dictionnaire d’à présent, par voie de fanatisme. Pour taxer avec fondement Madlle A. B. de fanatisme évident, il fallait le faire par un principe moins opposé à la piété et à la vérité que celui de faire passer pour fanatisme les inspirations du S. Esprit ou la déclaration de les avoir. Il fallait remarquer si dans sa vie et dans ses écrits il y avait des choses appuyées sur des efforts d’imagination, et contraires à la doctrine et à la vie que nous recommande l’Évangile. Or il paraît bien que cet auteur n’a jamais examiné cela, et que même il n’a jamais lu ses écrits, puis qu’il ajoute : C’est la Dame Guyon des Protestants ; elle dont les ouvrages portent partout cent déclarations de n’avoir jamais été protestante d’effet ni de volonté. Et, poursuit-il, cette Dame Guyon a trouvé son Père la Combe. C’est un nommé Poiret, dévot de Madlle Bourignon, qui a fait imprimer tous ses écrits. S’il avait lu la vie de cette Demoiselle, il verrait que cette application cadre mal, et qu’il aurait dû la faire tomber sur M. Lamberti, Doyen de Lille, qui était son Confesseur et son soutien, ou sur M. de Cort, Prêtre de l’oratoire, qui fit imprimer ses premiers ouvrages, souffrit la prison pour ce sujet, et qu’on empoisonna ensuite : mais l’auteur en voulait pour raison au nommé Poiret, qui (s’il faut croire ce qu’il en dit) de disciple s’est fait Maître et Chef de la secte : qui a jugé à propos avec sa Maîtresse de rompre avec toutes les Communions du monde, qui n’est ni Papiste ni Protestant ; qui méprise également le ministère partout ; qui ne veut ni Évêques, ni Prêtres, ni Ministres ; qui ne connaît ni prédications, ni Sacrements, ni communes assemblées, ni Confessions de foi, ni rien de ce qui fait l’union et la liaison externe. Je connais assez le nommé Poiret pour assurer, touchant lui le nommé Jurieu et quiconque il appartiendra, qu’il n’est maître de personne, qu’il a en horreur l’érection de toute Secte, qu’il est uni d’esprit et de cœur avec tous les bons de toutes les Communions Chrétiennes, fussent-ils Protestants ou Romains ; qu’il estime le Ministère à un si haut point, que de tout son cœur il voudrait perdre la vie si par là il pouvait procurer que tout le monde fût rempli de Saints Évêques, de Saints Prêtres et de Saints Ministres ; que tout retentît de prédications édifiantes touchant le solide et le nécessaire de l’Évangile ; que chacun pût se servir dignement des Sacrements à l’accroissement de l’amour de Dieu et du prochain ; qu’il n’y eût rien de plus commun que des assemblées de saints ou de personnes aspirantes à la vraie Sainteté ; qu’on déférât tant à la Ste Écriture que de lui faire l’honneur d’être reconnue suffisante pour toute Confession de foi ; et enfin que tout ce qui peut contribuer à la Sainte union et liaison des corps et des cœurs fût saintement exercé par une pratique de charité continuelle : et tels ont été aussi les sentiments de Madlle Bourignon. Ceux qui auront lu ses livres et les endroits ci-dessus marqués n’en pourront douter s’ils ont de l’équité, et notre auteur devrait l’avoir reconnu s’il en avait assez et qu’il pensât bien qu’il approche du terme où il devra comparaître devant le Tribunal de celui qui nous a préavertis que les médisants n’hériteront point le Royaume de Dieu, et qu’il y aura effusion d’indignation et de colère sur les esprits opiniâtres et contentieux qui refusent de se rendre à la vérité pour s’abandonner à l’injustice de leurs passions. N’est-il pas temps pour lui de modérer enfin cet esprit de fougue qui le porte à déchirer tous ceux en qui il croit voir quelque chose qui n’est pas de son goût, sans épargner ni frères ni confrères, et qu’il s’aperçoive que le Démon n’a été que trop longtemps le maître de son zèle aveugle et amer au grand scandale de tous et au préjudice de son salut ? Le Seigneur veuille lui inspirer déformais un esprit plus Chrétien et une conduite par laquelle il puisse réparer le mal qu’il se fait et qu’il fait à ceux dont la faiblesse se laisse surprendre contre la vérité par la véhémence de sa Rhétorique passionnée et par la bonne opinion qu’ils ont de son zèle.
89. Un exemple en attire un autre. Ce fera celui de l’auteur du Dictionnaire Critique, qui quoi qu’ennemi irréconciliable avec le précèdent, veut bien néanmoins aller de concert avec lui pour imputer à Madlle Bourignon les mêmes griefs dont il avait vu la réfutation publique : et non content de cela, vous diriez qu’il trouve un ragoût singulier à la satiriser et à s’acharner contr’elle partout où il peut la rencontrer. Il a essayé de donner des tours désavantageux, pour ne pas dire fort malins, à tout ce qu’il a cru pouvoir en rendre susceptible dans la vie de cette demoiselle dont il prétend avoir donné un abrégé, mais bien autre que celui 15 qu’il publia lui-même il y a 12 ou 15 ans sur la vie et les sentiments de la même personne. On ne saurait se persuader qu’un principe de zèle ou de Religion bien ou mal-entendu l’ait poussé à en agir ainsi. Chacun sait qu’il est à l’abri de tout soupçon de ce côté-là. Les plaisanteries qu’il a faites sur la chasteté pénétrative et transitive en insultant à celle de cette Demlle, et le grand soin qu’il a pris que tout son dictionnaire fût prémuni à l’encontre par une impureté transitive et pénétrative dont il regorge partout, feront plutôt regarder son procédé comme l’effet de l’extrême antipathie qu’il y a entre l’Esprit de sainteté et de pureté qui régnait dans Madlle B. et entre l’esprit opposé que l’auteur a fait voir régner dans lui comme dans son Ouvrage. Mais cet esprit le rendant incapable de connaître et de juger des choses spirituelles, que l’Écriture assure devoir être tenues pour des folies et même être odieuses à l’homme charnel et passionné, on voit assez de là qu’il ne mérite pas qu’on l’écoute sur de tels sujets. Il est vrai qu’il paraît vouloir procéder par preuves : mais il paraît aussi qu’il fait parfaitement bien la pratique de ce qu’il a remarqué ailleurs touchant la filouterie de certains historiens infidèles qui, prenant quelque-part un fait d’histoire tout cru, savent ensuite par cent supercheries qui leur sont à la main l’assaisonner de la manière et à tel goût qu’il leur plaît de le faire passer, doux ou amer, blanc ou noir, selon que varie leur caprice : de quoi le monde est persuadé que notre auteur a donné des preuves suffisantes sur plusieurs sujets où il a écrit du pour et du contre, sur le sujet par exemple de M. Jurieu, comme le lui a fait voir le Jugement au public toutes touchant son dictionnaire ; sur le Catholicisme et le Calvinisme ; sur plusieurs livres qu’on croit être de lui-même, et, pour ne pas sortir de son ouvrage de question, dans la manière apparemment spécieuse et effectivement très hideuse dont il a traité entre plusieurs autres le S. Roi et Prophète David, qu’il a dépeint par des traits en comparaison desquels tout le mal dont il a tâché de rendre suspecte Madlle Bourignon sont des perles et des traits de beauté. Quelques-fois même il va la chercher hors de lieu pour la critiquer sans sujet sur des choses justement toutes propres à la rendre recommandable et même à la faire admirer : Par exemple, dans l’article de M. le Roi, Baron de l’Empire, etc. 16, il remarque que ce Seigneur après plusieurs ouvrages Topographiques sur le Brabant, a publié depuis peu un livret de 13 pages (à Amsterdam 1696) intitulé Praedictio Antoniae Bourignon de vastatione urbis Bruxellarum per ignem, où après une courte description des maux que cette ville souffrit le 13 d’Août 1695 par le bombardement des Français, il rapporte ce que l’on trouve touchant Antoinette Bourignon dans le supplément de Moreri, et ces paroles d’une lettre de cette fille : Je ne vois point que je me puisse arrêter à Bruxelles, encore bien que j’aurais toutes les permissions requises, ne fût que ce serait aussi pour peu de temps, d’autant plus que Bruxelles doit périr par le feu, si j’ai bien vu, comme je vous disais étant chez Mazuriel 17. Voilà ce qu’il rapporte, et voici sa critique par laquelle nonobstant l’évidence de l’évènement qui a vérifié cette prédiction, il va tâcher d’insinuer qu’elle était déçue par un esprit d’illusion : L’esprit, dit-il, qui avait révélé cet incendie ne marqua pas bien le temps : car elle s’imaginait l’an 1666 que la ville de Bruxelles serait brûlée bientôt, et cependant elle n’a été bombardée que 19 ans après. Nenni, s’il vous plaît, toute équivoque à part, il n’y eut point de temps ni bien ni pas bien marqué dans la prédiction, comme vous voudriez l’insinuer, et de plus la révélation ne fut pas verbale, comme vous le voudriez faire entendre pour la rendre susceptible de fausse expression sur le temps, mais elle fut visuelle, et partant de nature à ne marquer formellement aucun temps. Madlle B. ne s’imaginait pas non plus que Bruxelles serait brûlé déterminément plus ou moins tôt : mais rien ne lui ayant été déterminé sur cela, nul temps fixé ni nul temps exclus, cette indétermination était précisément la juste et valable raison pourquoi elle ne tenait aussi nul temps pour assuré contre ce péril, et pourquoi elle avait sujet de se précautionner en tout temps, de la même manière que le Seigneur et ses Apôtres, ayant prédit en général son Avènement futur, exhortaient les Chrétiens d’alors à être sur leurs gardes en tout temps pour n’en être point surpris ; sur quoi la malignité de quelque esprit profane aurait eu beaucoup plus de prétexte que notre auteur de dire comme lui : L’esprit qui leur avait révélé cet Avènement ne marqua pas bien le temps : car ils s’imaginaient il y a dix-sept cents ans que cela arriverait de leur vivant, et cependant on n’en a encore rien vu jusqu’ici. S. Pierre nous apprend que telle était déjà la Critique des profanes de son temps.
90. Au reste, comme un des fondements de l’auteur du dictionnaire contre Madlle B. est certain libelle d’un des Journalistes de Leipzig auquel il renvoie souvent ses lecteurs, l’équité veut qu’on sache de quel poids et de quel crédit nous doit être ce qu’a écrit cet Antagoniste. Cela se peut apprendre de la bouche non suspecte d’une personne de considération qui a été son propre ami et qui a toujours eu beaucoup de respect pour lui : et voici comment cette personne 18 s’en est expliquée publiquement dans un de ses ouvrages imprimés : Il semblera peut-être à quelques-uns qu’il ne me sied guères bien d’être dans un sentiment différent de celui d’une personne digne de mon amour et de ma vénération, qui avait prêté sa plume aux Journalistes de Leipzig ––––– mais le ferme dessein que j’ai d’indiquer aux autres à toute occasion les vérités qui peuvent contribuer à la vraie béatitude, doit prévaloir par-dessus tout ––––––––– Je suis fermement persuadé, pour tout dire en peu de mots, que Madlle BOURIGNON a été une âme très-pieuse, et que son cœur était l’habitation du S. Esprit. Sa doctrine dans le fond est sainte et saine, et ses livres sont très-dignes de la lecture de quiconque chérit la piété. Quant à ses pensées sur plusieurs mystères divins, elle en a sans doute écrit selon qu’elle en était persuadée, et sa persuasion ne contient rien d’inepte ni de fanatique, pourvu que vous lisiez ses écrits sans le préjugé des passions et sans l’esprit de secte qui se croit infaillible, eussiez-vous d’ailleurs quelques persuasions différentes des siennes. Si elle avait vu qu’on ne pût être sauvé sans se rendre à ses sentiments, j’attribuerais cette méprise à l’imbécillité humaine : mais il paraît qu’elle met ici différence entre ce qui regarde la manière de concevoir les mystères, et entre ce qui concerne la doctrine de la piété. Les Journalistes de Leipzig en ont jugé, ains que de notre auteur, bien durement. Je ne doute pas pourtant que l’auteur d’un jugement si dur n’ait écrit de bonne foi, je veux dire selon la persuasion où il était. Lors qu’après sa mort on vendit sa Bibliothèque, j’achetai l’exemplaire des œuvres de Madlle Bourignon duquel il s’était servi en écrivant contre elle, et je ne pus le feuilleter sans être surpris jusqu’à l’étonnement des marques de la faiblesse de l’esprit humain. Cet auteur était un homme prudent, judicieux, sincère, mais que ne peuvent pas les préjuges qui croissent avec nous ? Il avait marqué à la marge dans les écrits de cette Demoiselle quantité d’endroits qui, à les prendre et considérer tout seuls, ne peuvent que rendre sa doctrine très-suspecte, même de blasphème, au lieu qu’en les joignant aux choses qui les précèdent et à celles qui les suivent, ils ont un sens très-bon et fort pieux. Apparemment le jugement, la prudence et la sincérité de ce personnage, pour lequel j’ai autant de vénération après sa mort qu’il m’était cher durant sa vie, ne lui auraient pas permis de mettre dans son livre des extraits de ces sortes d’endroits si les préjugés de secte ne lui avaient ensorcelé l’esprit, comme il n’arrive encore aujourd’hui que trop à la plupart du monde. S’il vivait encore, je ne doute point qu’il ne fût venu à reconnaître sa faute. Ce passage un peu long était nécessaire pour faire voir combien faiblement M. Bayle est fondé quand il provoque au témoignage de M. de Seckendorf. Il aurait bien mieux fait de renvoyer ses lecteurs à des attestations plus fermes et même assermentées sous autorité publique que quantité de personnes de probité, et même de doctrine et de considération, ont rendues à l’intégrité et à la sainteté de la vie et de la doctrine de Madlle Bourignon, et qui se trouvent jointes à la première partie de son livre qui a pour titre le Témoignage de vérité : quoiqu’au reste elle en ait dit assez en deux mots pour toutes les justifications dont elle a besoin. Pour ce qui regarde ma personne, dit-elle quelque part, je ne me soucie nullement des jugements des hommes, et je ne cherche leurs biens, leurs honneurs et plaisirs, non plus que leurs approbations. J’ai renoncé à tout cela pour trouver un Dieu qui me jugera en équité : et ayant trouvé ce que j’ai cherché, je ne désire maintenant plus rien, me sentant rassasiée de tout. En sorte que si les hommes me louent ou méprisent, cela m’est la même chose pour mon regard. J’ai seulement pitié de voir ces calomniateurs aimer plus leurs ténèbres que la lumière ; à cause que Jésus Christ a dit que c’est leur condamnation lorsque la lumière est née dans les ténèbres et qu’ils ne la veulent connaître 19.
91. Mais il est temps de finir cette digression que vous avez bien voulu me permettre, et de penser à finir cette lettre, nous contentant de ce que nous avons remarqué touchant les caractères de plusieurs auteurs mystiques et Spirituels à l’occasion des treize ou quatorze principaux que l’on s’était prescrits ; d’où il doit maintenant paraître à tous, ce me semble, que cette espèce de diversité qu’il y a entre eux et qui faisait de Ia difficulté n’est pas une opposition qui soit dans le fond de l’esprit et du cœur de ces auteurs-là, non plus que dans les matières et les sujets qu’ils traitent ; mais que c’est, comme nous l’avons dit au commencement de cet écrit, une multiplicité diversifiée des grâces et des lumières du même Dieu, et des différentes manières d’opérer du même agent souverain, qui a marqué fort clairement toutes ces diversités dans ses saintes Écritures, soit par les instructions qu’il y a mises ou par les exemples qu’il en a suscités, ou par les promettes qu’il en a faites, par exemple.
Le caractère de Tauler et de ceux de sa classe, qui est de revenir par les choses extérieures aux facultés intérieures, et de celles-ci dans le fond de l’âme à Dieu, est la même chose dont Dieu commande cent fois l’exercice dans sa parole lorsqu’il rappelle les âmes du dehors au dedans : comme quand il dit par Isaïe (Chap. 46 : 8). Transgresseurs, revenez à votre cœur. Il y a évidemment dans cette exhortation la parole extérieure, qui, étant ouïe, exige qu’on y applique la faculté de l’intelligence pour en comprendre le sens, qui veut qu’on rentre dans le fond de son cœur. Et quand Jésus Christ dit : Je me tiens à la porte et je frappe, cela marque l’impression de Dieu sur les facultés sensibles de l’homme : Si quelqu’un écoute ma voix et m’ouvre, voilà le vrai usage de l’intellect, qui est attentif ; et des affections, qui cessent de s’opposer à Dieu : J’entrerai chez lui, et souperai avec lui, et lui avec moi, c’est la manifestation de Dieu dans le fond de l’âme, laquelle ne le cherche plus alors hors de la porte, mais qui le trouve et qui se communique avec lui, comme lui avec elle, dans le centre de son être le plus intime. Apoc. 3 : 20.
92. De même le caractère de Harphius, qui est de proposer que l’on meure au péché et à tout ce qui est imparfait, pour ressusciter dans une vie nouvelle, et s’avancer dans ce renouvellement de vie en vie, ou de degrés en degrés, est entièrement conforme avec ce que disent les Écritures, que le grain de froment doit mourir pour revivre et porter fruit : que qui veut trouver la vie la doit perdre : que quiconque est mort resuscite en une vie nouvelle, laquelle vie est cachée avec Jésus Christ dans Dieu : et qu’encore que par la conformité de sa mort on soit déjà participant à la vertu de sa résurrection en un sens, on n’est pas néanmoins parvenu encore pour cela jusqu’à la plénitude de l’état de cette résurrection en sorte qu’on soit déjà parfait : mais il faut s’avancer, et tâcher d’atteindre où Jésus Christ nous veut avoir, oubliant ce qui est passé, et nous avançant vers ce qui est devant nous, tendant vers le but où nous sommes appelés d’en haut : et tous les parfaits, ou ceux qui tendent à la perfection, doivent entrer dans ces sentiments-là. Voyez Phil. 3 : vers. 10-14. Col. 3 : 1, 2, 3. Item Rom. 6 : 4. et 2 Cor. 4 : 10, 11, 16, etc.
93. Le caractère de Jean de la Croix, la purification et l’union divine ; celui de Ste Thérèse, l’oraison amoureuse du cœur ; celui de Ste Catherine de Gênes, le pur Amour de Dieu ; sont marqués et recommandés dans l’Écriture, qui nous dit touchant l’un : Bienheureux sont les purs de cœur car ils verront Dieu, Matth. 5 : vers 8 ; touchant l’autre, priez sans cesse, I Thess. 5 ; et touchant l’amour : Dieu est l’amour même, et quiconque demeure dans l’amour demeure dans Dieu et Dieu dans lui, I Jean 4.
94. Le caractère de Ste Angèle, que l’amour de la Croix de Jésus soit notre unique sagesse, est celui de S. Paul même, lorsqu’il ne voulait savoir entre les Corinthiens que Jésus Christ, et icelui crucifié, I Cor. 2 : 2. Et celui du P. Canfeld, la volonté de Dieu, est adopté de J. Christ même, quand il dit : Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé, S. Jean 6.
95. La simplicité la moins travaillée et la plus naïve, qui caractère Jean Engelbert, est le caractère dont S. Paul dit : Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages, et les faibles selon le monde pour confondre les forts, I Cor. 1. Et celui des visions divines, qui lui est commun avec les saintes Hildegarde, Élisabeth, Brigitte et autres, qui ont aussi celui de la Prophétie et des Révélations, est un effet de la promesse du Fils de Dieu, qui a dit : Celui qui m’aime sera aimé de mon Père et je l’aimerai et me révélerai à lui, S. Jean 15 ; et encore : Je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes ; ils prophétiseront, Act. 2, Joël, 2.
96. Le caractère de Böhme, qui approfondit la nature des choses spirituelles et corporelles, des choses divines, angéliques, humaines, naturelles, doit-il nous être suspect après ce que S. Paul a dit en conformité à cela : L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point ouï et n’est monté au cœur de l’homme ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment : mais il nous a révélé ces choses par son Esprit : car son esprit sonde et pénètre tout, même les profondeurs de Dieu, I Cor. 2. Et celui de Hiel, qui est la réduction de toutes choses à l’esprit, à la vérité et à la vie intérieure, n’est-ce pas en substance et même en expression le propre principe que J. Christ a établi en disant que Dieu est esprit et que ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité ? S. Jean 4 ; et encore : Mes paroles font esprit et vie, S. Jean 6.
97. Le caractère de l’anonyme, qui revient à faire sentir aux hommes leurs égarements, leur corruption et leurs misères, les porter à en gémir devant Dieu avec un cœur humilié, afin d’obtenir sa grâce et pouvoir ensuite subsister devant son jugement, n’est-il pas conforme à celui de l’esprit qui disait par l’organe de S. Jaques : Sentez vos misères et lamentez et pleurez : que votre rire soit changé en pleurs et votre joie en tristesse : et humiliez-vous en la présence du Seigneur, et il vous élèvera, Jac. 4. Et celui de la Perle Évangélique, qui est la présence continuelle de Dieu dans l’âme, n’est-il pas confirmé par ces paroles de S. Paul : Dieu n’est pas loin de chacun de nous ; car en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être, Act. 17. Comme aussi par ces autres : Vous êtes le Temple de Dieu, I Cor. 3 : 16, 17. Et toutes les industries et les efforts que recommandent tous ceux qui ont expliqué ou pratiqué tant la vie active et pénitente que la contemplative ne sont-ils pas autorisés par J. Christ quand il dit : Faites effort pour entrer par la porte étroite ; et qu’il faut prier et ne jamais cesser : et si vous ne faites pénitence, vous périrez tous, Luc 13 et 18, comme aussi par David : Cherchez le Seigneur et sa force : cherchez continuellement sa face et sa présence. J’ai toujours le Seigneur devant moi. Mes yeux sont continuellement sur lui, etc. Ps. 16, 25 et 105.
98. Enfin quand on considérera que J. Christ a promis à ses Disciples et à ses envoyés l’Esprit qui doit les conduire en toute vérité et une Sagesse à laquelle nul ne pourra résister, S. Jean 16, Luc 21, et qu’il a prédit qu’il en sera du Royaume des deux comme du levain, qu’une femme prend et met dans trois mesures de farine, ce qui fait lever toute la pâte, Matth. 13, et que d’ailleurs on aura fait réflexion sur ce que Madlle Bourignon, vers la fin de son livre de la Lumière du Monde, explique cette parabole d’une manière qui par sa perfection met fin à toute autre recherche et à tout autre moyen, à toutes lectures, à toutes pratiques et à toutes méthodes ; et qu’on aura compris ses autres écrits avec des dispositions convenables ; je laisse à penser si ce que nous avons remarqué de son caractère ne sera pas tenu pour une ratification de ces promesses et de ces paroles de notre Seigneur.
99. Il ne serait pas fort difficile de montrer que non seulement les caractères, mais aussi et les dogmes et les manières de parler des Écrivains Mystiques sont conformes aux vérités des Saintes Écritures et souvent ne sont que les mêmes termes, et par conséquent que les erreurs ou les contradictions imaginaires qu’on leur reproche ne viennent que de ce que leurs adversaires ne les entendent pas ; de la même manière que les différentes sectes du Christianisme tirent de la même Écriture par un esprit de mésintelligence des doctrines et des conclusions toutes opposées et contradictoires les uns aux autres : mais cela serait un nouveau dessein qui nous mènerait trop loin, au lieu qu’il est temps de nous reposer, ayant, comme je crois, suffisamment exécuté le nôtre.
100. Je n’ajouterai plus qu’un mot sur ce qu’on pourrait dire ou que j’ai omis beaucoup d’auteurs de cette classe, dont je n’ai fait nulle mention ; ou que j’en ai trop produit, et que cette multitude ne pourra que donner de la confusion à ceux qui voulant acquérir par lecture quelque connaissance des choses mystiques ne sauront quel choix en faire, et croiront peut-être que pour en venir là on est obligé à la lecture de tous. J’avoue sur le premier de ces articles qu’on aura raison, n’ignorant pas combien j’en ai laissé en arrière : mais il me semble pourtant que plus d’une centaine dont je viens de faire mention doit avoir suffi à mon dessein, qui n’en exigeait pas davantage, et même qui n’en exigeait pas tant. Pour le second, bien loin qu’on prétende d’insinuer qu’il soit nécessaire à ceux qui veulent être aidés solidement dans la connaissance des choses spirituelles de lire tous ces auteurs, on leur dit au contraire que très-peu d’entre eux et très-peu de lecture doivent leur suffire, moyennant qu’on en prenne occasion de rentrer dans soi-même, et qu’au lieu de s’amuser sur la spéculation des idées mortes qu’on s’en forme, on implore la lumière et la vertu de Dieu pour venir vivifier et réaliser dans nous la substance et l’esprit des choses que la lecture nous a représentées. Mais parce qu’il y a peu ou peut-être point de lieux où ces sortes de livres se trouvent tous, dispersés qu’ils sont les uns ici les autres là, et que même ils sont rares et inconnus en bien des endroits, il était bon d’en indiquer plusieurs, et de les marquer même par le lieu et le temps de l’impression, afin de faciliter à chacun autant qu’il est possible la recherche et la rencontre pour le moins de quelques-uns. Que si des personnes poussées d’une bonne curiosité pour un peu plus de lecture que celle de nécessité avaient désir de se faire une espèce de petite Bibliothèque choisie de quelques livres spirituels et Français, voici les principaux que j’estime pouvoir y avoir place : Thomas a Kempis, le Combat spirituel, Monsieur de Bernières, les quatre Théologies, du cœur, de l’Amour, de la Croix et la Réelle ; Ste Thérèse, Jean de la Croix, Madame Guyon et Frère Laurent, Canfeld, les Vies de SS. Pères des déserts, et la vie de Mr de Renty, avec les œuvres de Madlle Bourignon. En voilà assez pour un tel dessein, ce me semble : ceux qui néanmoins en voudraient avoir davantage n’auront pas de peine à savoir comment se satisfaire après la lecture de ma lettre, que je ne saurais mieux conclure que par la recommandation sérieuse de ce mot de la Théologie Germanique.
Bien qu’il soit bon de s’informer et même de savoir ce que les personnes vertueuses et saintes ont fait (ont écrit) et ont souffert ; comment elles ont vécu ; et ce que Dieu a voulu dans elles et opéré (ou produit) par elles ; il vaudrait néanmoins cent fois mieux que chacun éprouvât et connût bien ce qui est de sa propre vie, en quel état il se trouve ; ce que Dieu est, ou veut, ou opère dans lui, ou à quoi Dieu voudrait l’employer et à quoi non. Et c’est pourquoi cette autre parole n’est pas moins véritable que QUELQUE BIEN QU’IL Y AIT À SORTIR AU DEHORS, IL Y EN A ENCORE BEAUCOUP DAVANTAGE À DEMEURER AU-DEDANS 20. Voilà à quoi nous rappellent tous les livres véritablement spirituels, de la substance desquels nous sommes ennemis déclarés si nous agissons autrement.
S. PAUL, I Cor. 2.
Nul ne connaît les choses de Dieu sinon l’Esprit de Dieu. Et pour nous, nous n’avons point imbibé l’esprit du monde, mais nous avons reçu celui de Dieu, pour nous faire connaître les grâces que Dieu nous a faites, et desquelles nous parlons aussi, non avec des termes qu’on apprend de la sagesse des hommes, mais avec des paroles que le S. Esprit suggère, par où nous traitons des choses Spirituelles avec ceux qui sont spirituels : car pour l’homme naturel, il ne comprend rien aux choses de l’Esprit de Dieu, au contraire, il les tient pour folie : et il est incapable de les connaître parce qu’on n’en peut juger que par le principe de l’Esprit. Mais l’homme Spirituel juge de tout sans qu’aucun autre puisse juger de lui.
CATALOGUE
de plusieurs AUTEURS qui ont écrit des matières Mystiques ou Spirituelles, ou qui les ont éclaircies et recommandées.
On a mis en lettre italique ceux dont il est fait mention dans la lettre précédente ; le chiffre qui y est joint marque non les pages, mais le nombre des sections ou divisions de la lettre.
On a mis une étoile * devant quelques-uns des plus considérables.
A.
* Abnégation intérieure, anonyme. 16.
Abraham Frankenberg. 46/47.
Abrégé de l’agneau occis, etc., ou Méthode de faire oraison, par un pauvre villageois, anonyme. 79.
Achilles Gagliardi. 16.
* Acta Martyrum sincera et selecta. 28, 75.
Actions mémorables des P. P. Dominicains du Pays-Bas.
Adriaen Adriaensen. Varia.
Adriaen Poirters.
Alberti Magni Paradisus animae, et de adhaerendo Deo.
Alexander a S. Francisco.
Alexandre Piny. 81.
* Alexis de Salo. 71.
* Alphonse de Madrid. 69.
Alphonse d’Orosco. 24.
* Alphonse Rodriguez. 73.
Alphonsus a Matre Dei.
* Angele de Foligni. 29, 94, 100.
Anneken Voogwants. Flam.
S. Anselmus.
Antiquitates Franciscanae Bosquierii.
* Antoinette Bourignon. 84, 98, 100.
Antoine, Roi de Portugal, ses Psaumes.
Antoine Rojas. 80.
Antonius Gaudier de praesentia Dei.
Antonius van Vemert.
Antonius Monelia, m Theol. Myst. Dionysii.
S. Antonii de Padua, Sermones.
Antonius a S. Spiritu. Directorium Mystic.
Antonius Suquet.
* Apophthegmata Patrum. 76.
M. d’Argenson. 37.
Arnobe le jeune. 58.
S. Augustin, ses Confess. 21, 58.
* Augustin Backer, Sancta Sophia, anglicè.
Augustinus Fuhzman.
B.
* Balthasar Alvarez.
Balthasar à S. Catharina, in Castellum anima, S. Tereaiae.
Balthasar Corderius.
Baptista Vernacia, Veneta.
S. Barnabae, Epistolae. 40
Barthélémy des Martyrs, de la vie Spirituelle.
Barthélémy Ricci. Art de méditer.
Bartholomaeus Saluccius. Lux animae. Paradisus Contemplativorum. Schola Divini Amoris.
Bartholomaeus Sclei. 47.
S. Basile. Régulae fusius explic. 76.
Basilius Legionensis.
Benedictus Hasten, Schola Cordis et Regia via crucis.
Benedictus a S. Onuphrio.
S. Benoît. Ses Règles.
* Benoît Canfeld. 35, 94, 100.
Berchman.
* Berger illuminé. Anonyme. 79, 100.
* S. Bernard.
Bernhard. Dorhoff. Spéculum Juventutis.
Bernhardinus Rossignol, de Perfectione, etc.
Bernhardinus Senensis, de divinis inspirationibus.
Blasius Palma.
S. Bonaventure. 34.
Bzakels / Trappenban’t Geestelph Leben.
Brébeuf, Entretiens Solitaires. 69.
* S. Brigitte. 95.
C.
Calaguritanus.
Le Duc de Candale. 47.
* Cantiques Spirituels de l’amour divin.
Carolus Hersentius, in Theol. Mystic. S. Dionysii.
Ste Catherine de Boulogne.
* Ste Catherine de Gênes. 25, 93, 100.
* Ste Catherine de Sienne. 23, 28.
Charles de Condrem, traité de l’Abjection.
Christian Hobourg. 60.
Christophle Schorer, Theologia ascetica.
Claudius Viexmontius, de Poenitentia.
S. Clément, Epistre aus Corinth. 78.
* Constantin Barbanson. 14.
D.
David de Augusta.
* D. G. Anonyme Flamand. 59, 98.
S. Denis (nommé) Aréopagite.
Denis le Chartreux.
* Desiderius Peregrinus, ou Trésor des âmes. 72.
Desiderius Philadelphus. 47.
* Devoir des Grands, du Prince de Conty.
La Dévotion au Sacré cœur de Jésus.
S. Diadochus, de Perfectione.
Didacus Stella.
Directeur Spirituel pour ceux qui n’en ont point.
Dominicus a Jesu-Maria.
Dominicus a S. Trinitate.
* S. Dorothée. 76.
E.
Élévations sur la Passion. 34.
* Ste Élisabeth de Schœnau. 39, 96.
Emanuel a Jesu-Maria.
* S. Éphrem. 62.
* Épiphane Louis. 80.
Érasme, Manuel. 72.
L’Esprit de S. Paul.
* Evagrii Capita, Monachica, etc. 76.
F.
Fabianus à S. Jacobo.
Fons Jacob.
Franciscus Arias, de praesent Dei.
Franciscus Georgius Venetus. 47.
S. Franciscus de Paula.
Franciscus Rous, Interiora Regni Dei.
Franciscus Suares, de Oratione.
Franciscae Pontianae : ihz leben.
* S. François d’Assise. 32.
S. François Borgia.
* François Guilloré. 82.
* François Malaval. 67, 80.
* S. François de Sales. 78.
Franç. de Salignac Fénelon, A. D. C. 36.
S. François Xavier, lettres.
G.
Gerlacus Petersen, Soliloquia.
* S. Gertrude. 21.
* Gertrude More. 22.
Gregorius Magnus.
Gregorii Turonensis opera pia.
Geistliche Schopfung / etc.
* Geestelphe Gefangen.
Bon den sieben Geistern / oder Krafften des einis gen Geistes Gottes.
Guillaume Huygens, lettres Chrétiennes.
Guillaume Comte de Kniphaufen, Entretiens solitaires de l’âme avec Dieu.
Gulielmus Abbas, et Guigo Carthusianus, Meditationes, etc.
Gulielmus Montanus, Pratique des bonnes intentions.
Gulielmus Postellus. 47.
* Mad. Guyon. 79, 100.
H.
Harmonie du Monde. Anonyme. 47.
Henri le Brun. 36.
* Henri Gerrits. 54.
* Henri Harphius. 8.
Henri Marie Boudon.
* Henri Suso. 34.
* Herman Herberts. 61.
Hermannus Hugo.
* Hermas. 38, 40.
Hesychius. 58.
* Hiel. 51, 96.
Hieremias Drexelius.
S. Hierome, Épîtres choisies. 77.
Hieronymus a Matre Dei.
Hierome Savanarola. 87.
* Ste Hildegarde. 39, 96.
Histoire générale des Carmes déchaussés.
Hugo de Palma. 46.
Hugues de S. Victor.
Hugues Quarré, Trésor Spirituel.
I.
* Jacobus Alvarez de Paz.
* Jacob Böhme. 42, 58, 96.
Jacobus Cerrutus.
Jacobus Merlo Hortius. 78.
Jacques Nouet. 79.
Idea Theologiae Boemianae. 46.
Jean, Jan, Joannes.
–––––– des Anges, sur le Cantiq. des Cantiques.
–––––– Angelius Werdenhagen. 46, 60.
–––––– Angélus Silesius.
–––––– Arndt. 71.
–––––– Avila.
–––––– Baptiste Comitinus, de Timore et Amore Dei.
–––––– Bapt. Helmontius, et le Fils. 47.
* –––– de Bernières Louvigni. 33,100.
* –––– Bona, Cardinal. 81.
–––––– Buckelius, Goddelphe Croost / etc.
* –––– Cassien. 75.
* –––– Climaque. 76.
* –––– de la Croix. 10, 93, 100.
–––––– Crombecius de studio perfectionis et asceneu Mosis in montem.
–––––– Cyparissiota.
* –––– Engelbert. 38, 46, 95.
* P. J. Évangéliste. 7.
–––––– Everhardt. Angl. Fl.
–––––– Euseb. Nierembergius.
–––––– Gerson.
–––––– van Gazcum / Geestelphe Bzuploft.
–––––– Vopward / Vepligdom der benauder Zielen.
–––––– de Jesu-Maria. 12.
–––––– Lacman, Pensées Chrétiennes.
* –––– Juste Lansberg. 72.
–––––– Ludovic ab assumptione.
–––––– Matthaei. 46.
–––––– de Palafox. 2.
–––––– Pierre Camus, Évêq. de Belley, Combat Spirituel.
–––––– Polck.
* –––– Pordage. 49, 58.
–––––– Rho. Historia virtutum.
* –––– Ruysbroeck. 6.
* –––– de S. Samson. 28, 81.
–––––– de Saugere. Dan de Liefde Godts.
–––––– de Schonhove.
–––––– Scotus Erigena. 47.
* –––– Tauler. 4, 91.
* Jeanne de Cambri. 83.
* Jeanne Leade. 41, 49, 58.
S. Ignace d’Antioche. 28.
Ignatius Balsamon.
Ignatius de Loyola. Exercitia.
Institutiones Spirituales cujusdam ancillae Dei. Anonym.
Instructiones de via perfectionis.
Joachimus Abbas.
Joseph a Jesu-Maria.
Joseph a Spiritus S.
Joost van Outriben / Sterre Jacobs.
Julienne, Revelationes.
Julius Sperber. 47.
* Le P. S. Jure. 77.
Justus ab assumptione.
L.
Le P. Lallemand. 75.
Le P. de Langle. Conduite Spirituelle.
Laurentius Justinianus.
* Laurent de la Résurrection. 80, 81, 100
* Laurent Scupoli, Combat spirituel. 47, 68, 100.
Lettres de l’Abbé de S. Cyran.
* Lettres spirituelles recueillies par J. de Lassor. 82.
Libertus Fromundus. 7.
Louis de Blois (Blosius). 24, 31.
Louis François d’Argentan.
Louis de Grenade.
* Louis du Pont. 34.
Ludovicus Legionensis.
Ludovicus de Palma.
Ludovicus Parisiensis, Palatium divini amoris.
Ludovicus a S. Theresia.
Lusthof des Gemoets.
M.
* S. Macaire d’Égypte. 63.
Margaretha von Creutz : ihr leben.
* Maria Henricks. 18.
le P. Marie, Sainte solitude.
S. Marie Madeleine de Pazzi. 34.
Marie Rosset, Lettre circulaire sur sa mort.
Martial du Mans, Pratique de l’année sainte.
* Matthieu Weyer. 17.
Mauritius a S. Angelo.
Maximilianus Sandaeus. 36, 58.
Maximinus a S. Magdalena.
S. Maximus.
* Ste Mechtilde. 39, 96.
Mercure Trismégiste. 47.
Méthode pour converser avec Dieu. 81.
Méthode d’Oraison. 79.
Michaël a S. Augustino, Institutiones Mystîcae.
Michel Molinos. 80.
Michael Bachmorter. 34, 78, 81.
N.
Nicolas Eschius. 6, 65, 66.
Nicolaus a Jesu-Maria.
Nicolaus Lancicius.
Nicolaus du Sault, De fiducia in Deum.
Br. Riclaus, leben, etc.
S. Nilus de Oratione, Admonitiones.
O.
M. Olier, Catéchisme Chrétien. 82.
Origène. 58.
P.
Palavicini, arx Christianae perfectionis.
* Pallade. 77.
Paul de Barri.
Paulus Keym. 47.
Paulus Lariniacus, Canones Amoris divini.
Paulus Lautenfack.
Peerle der Goddelpcker en Menschelpcker vertroosting.
* De la Perfection Chrétienne. Anonyme. 16.
* Perle Évangélique. 64, 65.
Petrus Besseus, Heraclitus Christianus.
Petrus Godefridi, varia.
Petrus Thomas a S. Maria.
Philippus a S. Trinitate. summa Theologiae Mysticae.
S. Pierre d’Alcantara. 78.
Pierre Bérulle, Cardinal, De l’abnégation, etc.
P. Poiret. Économie divine. 86.
–––––– de Eruditione solida, etc.
S. Polycarpe, Épître aux Phil. 78.
R.
Raimond Jordain (l’idiot). 24.
Raimondus Lullius, de Amico et Amato.
René Rapin. 79.
Richard de S. Victor.
Robertus Bellarminus, de ascensu mentis in Dciim, de Gemitu Columbae.
Robert Wilkenson.
Roeks / Geestelpcke steen.
* Ruffin, Vies des SS. Pères des déserts. 77.
S.
Sainteté de la vie Monastique par l’Abbé de la Trape.
Saintes Élévations.
Sara Dicht.
Sebastianus Castalio. 60.
Sebastianus Frank.
* Seraphim de Fermo.
Simon de Cassia, De vita Christi.
Simon a S. Paulo.
Stephanus Lutzvic, Cor Deo sacrum.
S. Sulpice Severe. 77.
* Le P. Surin. 82.
T.
Théodoret. 77.
* Théologie du Cœur. 16, 79, 81, 100.
* Théologie Germanique. 70, 100.
Theophilus Bernhardini, Institutio vitae.
Theophrastus Paracelsus. 48, 49.
* Ste Thérèse. 19, 93, 100.
Thomas Bromly. 50.
* Thomas a Jesu. 13.
* Thomas a Kempis. 67, 100.
Thomas Massutius de coelesti conversatione.
* Le Trésor des âmes. 72.
V.
Valentinus Weygelius. 47.
La Valière, Réflexions sur la Miséricorde de Dieu.
Ubertinus de Cafalis. Arbor vitae.
* Victor Gelenius. 15.
Vie Intérieure. Anonyme. 79
* Vie des SS. Pères des Déserts. 74, 77, 100.
* Vitae Patrum, per Rosweyd. ibid.
* Vies des saints, de divers auteurs, et de divers Ordres particuliers.
Vitae sanctorum per Bollandum, etc.
–––––– –––––– per Surium et Lypomannum.
Vies de particuliers, d’hommes.
–––––– de Mr l’Anglois.
–––––– du P. Bardon.
–––––– de Barthélémy des Martyrs.
–––––– de Benoît Canfeld. 36.
–––––– du P. Bernard.
–––––– de M. Bourdoise.
–––––– de M. de Chasteuil.
–––––– de M. Favre.
–––––– de S. François Borgia, par le P. Verjus.
–––––– de M. Galleman.
–––––– du P. de Gondren.
* –––– de Grégoire Lopez.
–––––– de S. Jean Capistran et de S. Pascal Baylon.
–––––– du P. Jean Chrysostome, Religieux pénitent.
–––––– de S. Ignace Loyola, par le P. Bouhours.
–––––– de M. le Nobletz.
–––––– de M. Olier.
–––––– de S. Philippe de Neri.
–––––– de M. Queriolet.
–––––– et mort de Religieux à la Trappe, le Comte de Santena, Dom Muce, etc. 75
–––––– de M. Renard.
* –––– de M. de Renty. 77.
–––––– de M. Roussier.
–––––– de F. Solano.
–––––– de Vincent de Paul.
–––––– du P. Yvan.
Vitae virorum.
–––––– B. Aloysii Gonzagae.
–––––– Balthazaris Alvaris.
–––––– Bernhardi Colnagii.
–––––– Consalvi Sylvereriae.
* –––– S. Euthymii, apud Coteler. Monum. II. 74
–––––– S. Francisci Assisiaris, per S. Bonaventuram.
* –––– S Sabae apud Cotel. Tom. III. Monum.
–––––– B. Stanislai Kotskae.
Vies de Femmes.
* –––– d’Angele de Foligni. 29.
* –––– de M. A. Bourignon. 86, 89.
* –––– de Ste Catherine de Gênes. 27.
* –––– de Ste Catherine de Sienne, par le P. Raimond. 23.
* –––– de la B. de Chantal. 77.
–––––– de Mlle de Dampières.
* –––– d’Élisabeth de l’Enfant Jésus. 77.
–––––– de Françoise Fournier.
–––––– de Françoise Lopez.
* –––– de Jeanne de Cambry. 83.
–––––– de Madeleine de S. Joseph. Carmélite.
* –––– de Marguerite du S. Sacrement, Carmélite de Beaune.
–––––– de Marie Bon de l’incarnation, Ursuline.
–––––– de Marie Élisabeth de la Croix de Jésus.
–––––– de Marie de l’incarnation, Carmélite.
–––––– de Marie Lorence le Long, de Naples.
–––––– de S. Marie Madeleine de Pazzi. 34.
–––––– de Marie d’Oignies.
–––––– de la B. Marie Raggi.
–––––– de Marie de Valence.
* –––– de Ste Synclétique. 74.
–––––– de Ste Thérèse, par Ribera et par l’Évêque de Tarastone. 19.
Vitae foeminarum.
–––––– Stae Clarae de Monte-falco.
* –––– Joannae a Jesu-Maria.
* –––– Maria de Escobar.
–––––– Mariae Velae.
Vincentius Caraffa. Theol. Mystica.
S. Vincentius Ferrerius.
Virgilius Ceparius, De praesentia Dei.
* Vitis S. Francisci.
F I N.
1 Éphés. 3 : 10. 1 Petr. 4 : 10.
2 En 1680 et 1692, etc.
3 Prasertim temporibus istis in quibus communiter omnes superiores qui alios regunt, magis ad exteriora quam ad interiora dediti sunt, ira ut valde partira aut nihil de interna visa percipiant : et ideo subditis suis qui a Deo ad internam vitam trahuntur, potius impedimenta sunt quam auxilio. Et hac est causa quare inter Religiosos adeo magna acedia est et immortificatio, quia regimen non ordinant ut interna ac proficiens vita exigit.
4 Imprimée à Paris 1670.
5 Blondel, etc.
6 Lib. 6. com. 5.
7 On préfère l’édition de ses œuvres de Lyon 1618 à celle de Paris.
8 Traduite en français pur Mr Teissier et imprimée à Avignon 1684.
9 Elle se trouve avec celles de S. Clément et de S. Ignace dans la nouvelle réimpression grecque-latine de Leipzig des Patres Apostolici, in-8o.
10 À Amsterdam chez Henri Westein.
11 Voyez son Avertissement contre les Trembleurs, pag. 229, etc. Item, Témoignage de Vérité, 2e partie, pag. 74, 75 et 159, 200, et dans la Préface, § 3.
12 Intitulé la Paix des bonnes âmes dans tous les Partis du Christianisme, par P. Poiret, Amsterd. 1687. Voyez aussi l’Économie divine, du même, partie IV, chap. 10, V, chap. 5, 6, 7, 8.
13 Pierre de Touche, p. 301.
14 Lumière en Tén. part. 3. lettre 3.
15 Nouvelles de la Rép. des lettres, 1685, Avril et Mai.
16 Diction. Crit., pag. 948.
17 Lettre écrite de Gand à M. de Cort le 15 Janvier 1665, imprimée dans la 3e Partie du Livre intitulé Tombeau de la Fausse Théologie, lettre 12.
18 C’est M. Thomasius, Conseill. de S. A. E. de Brandenbourg, Jurisconsulte et Professeur à Halle, dans sa Dissertation latine mise au-devant du Traité de Eruditione de l’Édition de Leipzig 1694, pag. 3 et 4, item, 34 et 35.
19 Tombeau de la fausse Théol., 1re partie, lettre 12.