Le village de la Vierge 1
« Le profit d’un rapide voyage aux terres classiques et aux terres sacrées, c’est de vivifier, d’animer, parfois de transfigurer ce que nous savons de manière un peu livresque, de glisser entre les feuilles de cette connaissance, peut-être fort précise, mais abstraite ou lointaine, des illustrations vivantes, en couleurs, de jeter sur l’herbier une goutte d’eau qui un moment ressuscite la plante, de faire redevenir tout cela humain comme il l’a été. » Ce voyage à Nazareth, Maurice Brillant a voulu qu’il fût « une coloration nouvelle de notre amour » ; et l’amour a besoin de se ranimer aux lieux où il est éclos. Il dit bien : notre âme est servie par des sens et il lui faut s’appuyer du sensible, – pour le dépasser.
Voici donc la Palestine, de Caïffa à Nazareth, et voici Nazareth, le village de Notre-Dame. On ne pouvait souhaiter guide plus érudit, plus aimable, fournissant de meilleure grâce toutes les précisions souhaitées. Sur les routes de la Galilée, il fait bon l’écouter, apprendre cent choses qu’on lui sait gré de marquer au passage, regarder, songer, et cueillir quelque haute leçon. À Nazareth, sur les pas de saint Louis et du P. de Foucauld, nous lui aurons plus de gratitude encore de nous guider.
Nazareth ! Maurice Brillant a donné à son livre les couleurs mêmes, sans bigarrures, d’une Annonciation : des bleus de turquoise et de lavande, des gris de lin et de perle, soyeux, légers, des verts apaisés et chantants. Cet Angevin helléniste a le goût du délicat : il montre les choses et le pays avec un art mesuré, et d’un mot, quand il le faut, il propose un thème à la méditation. Dans ce village, – car Nazareth au temps de la Vierge n’était qu’un village et reste une bourgade, – devant ce lieu saint de l’Annonciation qui n’est qu’une grotte, une pauvre maison troglodytique, la grande leçon à mettre en son cœur, n’est-ce pas la memoriam humilitalis et paupertatis ? Quelles réflexions faire ici, sur la vraie grandeur et sa gloire ?
Nazareth de la vie cachée, Nazareth où Notre-Dame a vécu, allant puiser l’eau à la fontaine et préparant d’humbles repas, tandis que le Fils du charpentier, aidant son père nourricier, fabriquait dans l’atelier des jougs et des charrues. Un vieux couplet me revient d’une complainte de campagne :
Marie aussi, quand Joseph la demande,
D’un pas léger s’en va voir ce qu’il veut,
Elle l’écoule et fait ce qu’il commande
Avec vitesse et du mieux qu’elle peut.
Et Joseph à son tour par son obéissance
Témoigne à tous les deux sa dépendance.
Maurice Brillant ne m’en voudra pas de citer ces vieilles inspirations au sortir de son petit livre tout neuf.
H. POURRAT.
Paru dans La Vie spirituelle en 1935.
1. Par Maurice Brillant (Spes).