LE BOUQUET DE ROSES ROUGES
de
Isabelle Rivière
par
Roger ROLLAND
Ce n’est pas un jeu que de remettre chaque chose à sa place dans l’échelle des valeurs ; c’est l’affaire de tout le catholicisme : nous révéler, avec la vie, le sens des choses. Car « le bonheur, dit Isabelle Rivière, ce n’est pas d’être heureux, c’est de savoir pourquoi on vit ». Et peut-on savoir pourquoi on vit, sans connaître, de cette science intime et simplifiée qui procède de tout l’être à la fois, la signification éternelle et vivante de chaque action ?
Livre délicat et courageux, bouquet de roses plein d’un arôme généreux, histoire de deux âmes qui se perdent en elles-mêmes pour se retrouver en Dieu. C’est à travers les fleurs, les promenades au bois, le travail, l’amour aussi, l’espoir, le désespoir, les ennuis et la souffrance, et la mort presque, que Michel et Agathe (pourquoi ne seraient-ils pas Isabelle et Jacques Rivière ?) rencontrent Dieu et la vie. « On croit toujours qu’il (Dieu) ne peut répondre que par quelque chose d’extraordinaire, alors on ne l’entend pas répondre, jour après jour, simplement par la vie qu’il nous propose. C’est elle... qui est à la fois notre tâche et notre enseignement ; il faut seulement que nous sachions la regarder, l’entendre, l’utiliser... non pas regarder Dieu à travers elle, mais la regarder, elle, à travers Dieu, et tout va prendre sa place exacte et son sens pur. »
Et maintenant voici la joie de naître, et la surprise de connaître, dans ce catholicisme qu’on croyait stérile, une vigueur inépuisable... « Est-ce là toute cette morale chrétienne dont on se fait un tel monstre, un tyran sans humanité ni compréhension ? – Il n’y a pas de morale, il n’y a que de l’amour... Et d’amour, vous savez, mon Dieu, que mon cœur déborde... »
Et ce dernier pétale où vibre toute la sève du bouquet : « Il n’y a pas d’autre malheur en ce monde que de ne pas pouvoir tout aimer. »
Roger ROLLAND.
Paru dans Amérique française en mars 1943.