Conférence sur la religion

des anciens Égyptiens

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

M. le vicomte Em. de ROUGÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a plus de quarante-cinq ans que Champollion commença à déchiffrer les hiéroglyphes, et cependant les résultats de la science ne sont pas encore passés dans le domaine public. Aux obstacles qui ont arrêté leur divulgation on peut assigner plusieurs causes. C’est d’abord et surtout les défaillances de la critique moderne. Notre siècle, auquel on donne souvent le titre de siècle de la critique, justifie peut-être cette prétention en ce qui concerne les sciences naturelles ; mais on ne peut en dire autant quand il s’agit des grandes découvertes archéologiques. Champollion lutte toute la vie contre les dénégations les plus vives et les plus obstinées. Il meurt, et la critique se tait pendant vingt-cinq ans. Le grand homme soutenait seul la lutte ; après lui, ses adversaires gardent le silence et n’ont pas même le courage de profiter de ses découvertes. On put constater la même défaillance lorsque, il y a quinze ans, les études assyriennes commencèrent à attirer l’attention, et si le déchiffrement des textes cunéiformes a fait d’éclatants progrès, on ne doit certainement pas en faire honneur à la critique : le Journal des savants est plein, à cette époque, de dénégations auxquelles la science est venue donner depuis un heureux démenti.

Mais au moins les assyriologues sont assez nombreux, et ils avaient la ressource de se critiquer mutuellement. La véritable raison du manque de popularité que les grandes découvertes de Champollion ont rencontré en France, c’est qu’il était à peu près seul à у travailler sérieusement dans son pays : pour qu’elles fussent adoptées chez nous, il a fallu qu’elles nous revinssent de l’étranger.

On a reconnu alors qu’il n’est pas une seule partie du monde antique qui n’ait été éclairée par les découvertes de Champollion. La France a enfin ouvert les yeux et reconnu la gloire de notre illustre compatriote ; elle lui rend aujourd’hui l’hommage le plus digne de lui en fécondant ses méthodes par des travaux nombreux.

Le savant M. Robiou, dans les conférences qu’il a faites, vous a expliqué quelles ont été les principales conquêtes de la science dans les quarante-cinq dernières années. Il vous a nommé les monuments qui attestent la naissance des arts en Égypte ; il vous a dépeint leurs périodes de splendeur et de décadence ; il vous a raconté les relations internationales de ce peuple avec l’Afrique et l’Asie, les incursions des bandes sémitiques qui ont envahi ce pays, les débordements de l’Égypte sur la Syrie, puis l’Égypte envahie à son tour par les Tyrrhéniens, les Sicules, les Sardes, les Lyciens et autres peuples des côtes de la Méditerranée.

Plus tard, c’est l’Assyrie qui triomphe de l’Égypte ; puis viennent les conquérants éthiopiens, qui balancent le pouvoir des Pharaons nationaux, dont l’existence politique se termine avec la victoire de Cambyse.

Mon intention n’est pas de repasser avec vous les savantes leçons de M. Robiou, ni d’entrer dans des récits historiques.

Pour utiliser le mieux possible le temps consacré à cette conférence, j’ai cherché dans la vie du peuple égyptien un point assez haut placé pour mériter toute votre attention. De notre temps, la manière d’envisager l’histoire a beaucoup changé. Parmi nos grands historiens, beaucoup d’esprits d’un vol élevé ont senti que les mœurs, les lois, les idées d’un peuple méritaient bien d’être étudiées et présentaient plus d’intérêt que l’énumération des batailles avec leur cortège obligé de triomphes ou de revers.

L’homme, a dit un grand philosophe, est un animal religieux. C’est là, en effet, la plus haute différence que la science ait pu constater entre l’homme et tous les êtres vivants. Aussi suis-je assuré de vous intéresser en vous parlant de la religion des Égyptiens.

Laissant donc de côté les faits glorieux des Ramsès ct des Aménophis, je vous parlerai de la religion égyptienne dans ce qu’elle présente de plus simple et de plus grand, n’accordant qu’une attention secondaire aux détails de la mythologie, et, pénétrant aussi loin que possible dans l’antiquité égyptienne, nous nous tiendrons aux textes les plus anciens et les plus vénérés.

Nous ne nous arrêterons point à tout ce polythéisme chargé de personnages allégoriques et de symboles ; cette mythologie est morte, et comme on est obligé d’en faire soi-même les commentaires (qu’on ne trouve point tout faits comme pour les Védas), on est souvent forcé de s’en tenir à des conjectures. Mais heureusement les points principaux de la croyance antique sont définis avec une précision extraordinaire et avec des expressions absolues qui ne laissent rien à désirer. Je n’ai cependant abordé, après dix ans d’études, qu’avec un vif sentiment d’anxiété les monuments religieux. Le labeur serait-il récompensé ? N’y avait-il qu’un grossier fétichisme ou des jeux d’imagination en délire, sous toutes ces figures bizarres ? Recouvraient-elles, au contraire, un fond respectable, et quelques rayons divins étaient-ils restés cachés sous ces voiles si épais ?

Les Grecs me donnaient bien quelque espoir : Thalès était un disciple des prêtres d’Héliopolis. Je savais que Platon était venu s’instruire de leurs doctrines et qu’il introduisait un vieillard égyptien lorsqu’il voulait parler de la tradition sacrée appliquée aux choses divines.

Le livre attribué à Plutarque, et surtout le traité de Jamblique sur les mystères, étaient aussi de nature à rehausser la valeur des doctrines égyptiennes ; mais ces ouvrages étaient tellement suspects quant à leur sincérité, et les Grecs nous avaient tellement trompés sur l’histoire des Égyptiens, que la valeur de ces témoignages devait dépendre tout entière de la conformité qu’ils présenteraient avec les monuments.

J’ai donc exploré les textes sacrés, les hymnes et les prières funéraires les plus anciennes. L’interprétation que j’ai proposée pour ces textes, discutée, fortifiée par tous les travaux accomplis depuis en France, en Allemagne et en Angleterre, n’a jamais été ébranlée.

Aujourd’hui, ils sont devenus classiques, et personne n’a contredit le sens fondamental des principaux passages à l’aide desquels nous pouvons établir ce que l’Égypte antique a enseigné sur Dieu, sur le monde et sur l’homme.

J’ai dit Dieu et non les dieux. Premier caractère : c’est l’unité la plus énergiquement exprimée : Dieu un, seul, unique, pas d’autres avec lui. – Il est le seul être vivant en vérité. – Tu es un, et des millions d’êtres sortent de toi. – Il a tout fait, et seul il n’a pas été fait. Notion la plus claire, la plus simple et la plus précise.

Mais comment concilier l’unité de Dieu avec le polythéisme égyptien ? Peut-être l’histoire et la géographie éclaireront-elles la question. La religion égyptienne comprend une quantité de cultes locaux. L’Égypte, que Ménès réunit tout entière sous son sceptre, était divisée en nomes ayant chacun une ville capitale ; chacune de ces régions avait son dieu principal désigné par un nom spécial ; mais c’est toujours la même doctrine qui revient sous des noms différents. Une idée y domine : celle d’un Dieu un et primordial ; c’est toujours et partout une substance qui existe par elle-même et un Dieu inaccessible. Mais – première déviation – la religion, dès le commencement des temps historiques, passe au sabéisme. Le soleil, considéré d’abord comme la lumière visible, symbole de la lumière idéale, est bientôt pris pour la manifestation du dieu lui-même ; sa naissance chaque matin est attribuée à sa propre énergie intime. C’est la première application de la doctrine de l’émanation, qui est la source de l’idolâtrie égyptienne. Mais au milieu de tous ces dieux nouveaux qu’elle produit, l’idée de l’unité persiste : toujours à Thèbes on adorera Ammon, dieu caché, père des dieux et des hommes, avec Ammon-Ra (dieu soleil), première forme où apparaît la matérialisation de l’idée divine.

La seconde cause de déviation est un mystère qui fait honneur à l’esprit théologique des Égyptiens : Dieu existe par lui-même ; c’est le seul être qui n’ait pas été engendré. Ils conçoivent Dieu comme la cause active, la source perpétuelle de sa propre existence ; il s’engendre lui-même perpétuellement. Dieu se faisant Dieu et s’engendrant perpétuellement lui-même, de là l’idée d’avoir considéré Dieu sous deux faces : le père et le fils. Dans la plupart des hymnes, on rencontre cette idée de l’être double qui s’engendre lui-même. L’âme en deux jumeaux, comme dit le rituel funéraire, pour signifier deux personnes inséparables. Jamblique nous disait bien que le Dieu des Égyptiens était πρωτος του πρωτου « premier de premier ». Un hymne du musée de Leyde dit plus encore : il l’appelle le un de un, pour attester l’unité qui persiste malgré la notion de la génération, d’où résultait une dualité apparente.

La doctrine primitive à Héliopolis semble présenter des nuances un peu différentes. Le même personnage divin y apparaît sous trois formes : 1° le dieu inaccessible, Atum ; 2° le dieu scarabée, Choper, symbole du père divin, c’est-à-dire de l’être s’engendrant lui-même et à lui seul ; 3° Ra, la manifestation, le soleil visible.

Telle est certainement la doctrine la plus ancienne. Jusqu’ici, pas de divinité femelle ; c’est un dieu mâle (représenté avec la barbe) ; cette génération se passe dans le ciel.

Le dieu primordial de Memphis, Phthah, semble bien avoir eu les mêmes caractères, et je ne vois nulle part qu’on lui attribue une véritable épouse ; mais il n’en est pas de même à Thèbes et à Saïs. Nous avons là également le père et le fils ; mais la génération se passe dans le sein d’une mère divine, origine de toutes les divinités femelles ; dédoublement, et dédoublement significatif. C’est la doctrine qui paraît avoir triomphé dans les derniers temps ; et à Saïs, Neith, mère du soleil, semble même obtenir la primauté.

Ce simple exposé suffit pour faire toucher du doigt la différence radicale qui existe entre l’idée chrétienne de la Trinité et la triade égyptienne, puisque celle-ci se composait essentiellement d’un père, d’une mère et d’un fils. Rien d’analogue au rôle spécial de l’Esprit- Saint, qui n’a pas sa place dans le système que nous avons retracé.

Considéré dans ses rapports avec le monde, Dieu est créateur. Il a fait le ciel, – il a créé la terre ; – il a fait tout ce qui existe. – Tu es seul, et des millions d’êtres proviennent de toi. – Il est le maître des êtres et des non-êtres. Ces textes sont de mille cinq cents ans au moins avant Moïse. D’après les mêmes hymnes, Dieu a réglé l’ordre de la nature. Il est difficile d’affirmer plus nettement les droits souverains du Créateur ; mais quant à l’époque même de l’origine de la matière, les Égyptiens paraissent avoir cru que le monde est enfanté éternellement. Comme ils conçoivent Dieu éternellement actif en ce qui concerne sa propre existence, ils le conçoivent aussi produisant éternellement la matière. Et cependant ils reconnaissent au monde un commencement et distinguent le toujours, c’est-à-dire le temps sans fin, de l’éternité véritable. L’éternité, c’est la nuit primordiale ; le temps, c’est le jour, dit le rituel au chapitre XVII, c’est-à-dire qu’il commence à la première apparition du soleil ; c’est le jour de viens à nous, dit le même texte, ce qu’il explique par le jour où le Dieu suprême, sous le nom d’Osiris, a dit au soleil : Viens. La création ainsi conçue, c’est-à-dire la matière chaotique enfantée éternellement, nous tombons en plein dans la doctrine de l’émanation directe ; de là la divinisation du Nil, des animaux, enfin de tout ce qui existe. Un passage du même chapitre enseigne que le soleil s’est mutilé lui-même, et que du jet de son sang il a produit tous les êtres. Voilà le principe de la déviation au dogme de l’unité ; par l’association de la nature a son créateur, on arrive rapidement au polythéisme le plus étendu.

Quant à l’homme, quelle idée en avaient les Égyptiens ? L’homme, d’après leurs textes sacrés, est une créature toute spéciale. Ammon-Cnouphis a pétri l’homme avec de l’argile, sur un tour à potier, et l’a façonné lui-même ; c’est l’ouvrage direct des mains de Dieu. C’est de lui que vient aussi l’élément moral. Le meurtre, le vol, l’adultère, la fraude sont poursuivis en son nom dans tous les détails de la vie sociale. Le plus ancien monument de la littérature égyptienne est un papyrus conservé à la bibliothèque impériale, et qui contient les préceptes du prince Phtah-Hotep. À toute prohibition importante il ajoute ces simples mots : Dieu déteste cela.

La sanction à cette morale si complète ne manque pas : c’est l’immortalité de l’âme. Sous ce rapport, on le savait par les témoignages anciens, l’Égypte devançait tous les autres peuples. Osiris était le souverain du séjour des morts ; il était le protecteur de l’âme juste et présidait le tribunal des juges infernaux. Il y a un chapitre spécial au rituel pour enseigner que l’âme doit être réunie à son corps dans la résurrection. Voilà la véritable raison de l’embaumement des corps. L’âme qui avait subi heureusement le terrible jugement sous la protection d’Osiris devait retrouver le compagnon de sa vie terrestre, et cette nouvelle vie était produite par le germe que l’âme avait déposé dans le sein de la déesse du ciel, par une nouvelle assimilation de l’homme avec la Divinité. Quant aux impies, ils subissent une seconde mort, une vraie mort éternelle. L’impie meurt éternellement ; il meurt toujours ; il s’appelle le double mort. Malgré cette singulière qualification, il n’est pas anéanti, car on le retrouve encore occupé à faire le mal ; c’est un mauvais génie que l’on conjure, comme un démon, par des formules terribles.

Voilà le tableau sommaire de la doctrine égyptienne. Il est permis d’en conclure que l’unité et la simplicité la caractérisaient à l’origine ; mais le système de l’émanation divine donna successivement naissance à des combinaisons mythologiques où la multiplicité des personnages n’est égalée que par la variété des appellations symboliques. Dans les temps les plus reculés, on ne décorait les tombeaux qu’avec les scènes de la vie ordinaire, de la vie champêtre surtout ; mais lorsqu’on arrive à la dix-huitième dynastie, on les trouve remplis de tableaux des régions infernales, peuplées d’une foule de personnages mythologiques. Cependant la doctrine de l’unité persiste toujours dans les titres divins et semble protester contre les envahissements du polythéisme, même jusque sous les Ptolémées.

Et maintenant, quelle place doivent tenir ces notions dans l’histoire générale ? L’histoire de l’idée de Dieu dans le monde est un vaste champ de recherches, et à coup sûr l’un des plus intéressants problèmes qu’on puisse se poser. Beaucoup d’esprits philosophiques ont été conduits à se demander : Puisque l’idée de Dieu (le monothéisme) existe dans les sociétés humaines, comment y est-elle arrivée ? Quelle est son origine historique ? Et, remarquons-le bien, c’est un sujet qui s’impose, une étude obligatoire. L’homme, comme l’a dit un grand penseur, est un condamné à mort. Il sait, il sent qu’il va bientôt partir ; il faut qu’il sache où il va. – Dieu et l’âme, tels sont les deux points précis sur lesquels ses interrogations anxieuses sollicitent en vain la science. Elle ne sait ni nommer le Créateur, ni renseigner l’homme sur sa vraie nature et sur le but d’un voyage inévitable. Les plus grands génies auxquels nous devons les progrès des sciences naturelles ont tous avoué l’impuissance de leurs moyens d’investigation pour résoudre les questions d’où dépendait la réponse à l’éternelle interrogation. Le scalpel ne suffira jamais pour étudier le point immatériel qui réunit sans confusion les mouvements divers des sensations, qui les compare, qui les juge et qui commande dans sa liberté.

Éconduit quand il s’adresse aux sciences physiques, ne trouvant souvent qu’une clarté douteuse dans les réponses du métaphysicien, le questionneur obstiné s’adresse parfois à l’historien des temps primitifs ; car un instinct secret l’avertit que les mystères de sa fin sont dans une intime connexion avec ceux de son origine. Je sais bien que la critique moderne conseille d’étudier toutes ces questions avec une impassible indifférence, « comme du haut d’une planète étrangère » ; mais l’archéologue doit avoir des entrailles plus humaines ; le savant est homme avant tout.

L’idée d’un Dieu suprême étant constatée comme un fait dans les annales de l’humanité, d’où provient-elle ? Deux systèmes principaux ont dicté les réponses.

Dans le premier, fétichisme ou naturalisme, on suppose que l’homme primitif était à l’état absolu d’ignorance. Effrayé devant les manifestations des forces de la nature, il les personnifie et les adore. Ce n’est que peu à peu, et par la marche des siècles, qu’il est parvenu à secouer les liens de l’ignorance en fait de religion, comme dans toutes les sciences ; et du système naturaliste ou, ailleurs, du fétichisme le plus grossier, il se serait élevé successivement à des conceptions plus philosophiques, et aurait fini par reconnaître le Dieu de Socrate et de Platon. Cette filiation aurait suivi la marche glorieuse de la civilisation générale, et Dieu, tel que nous le concevons, ne serait, en définitive, que le produit du progrès dans l’esprit humain ; mais alors, comme tout progrès, il pourrait sans doute disparaître devant un progrès nouveau.

Dans le second système, l’homme aurait reçu du même Maître souverain le corps, l’âme et la connaissance de ses devoirs, de son origine et de sa fin ; système entièrement opposé à celui qui précède. Nous savons que dernièrement il s’est créé un système intermédiaire et qui consiste à dire que l’idée monothéiste n’est pas venue subitement à l’homme, et qu’elle n’est pas davantage le résultat du progrès des siècles ; elle aurait été particulière à un climat, à un pays ; elle serait le fruit de certaines prédispositions naturelles de la race qu’on a appelée sémitique. Née sur ce point spécial du globe, elle se serait répandue plus tard par le judaïsme et ses dérivés. Mais ce système a peu à peu disparu devant la critique ; nous ne nous en occuperons pas. La question reste posée entre les deux premiers, et le témoignage de l’Égypte antique peut y apporter quelques lumières. Est-ce que ces belles doctrines y sont le produit des siècles ? Positivement non ; car elles existaient plus de deux mille ans avant l’ère chrétienne. Tout au contraire, le polythéisme, dont nous avons signalé les sources, se développe et progresse sans interruption jusqu’aux temps des Ptolémées. Il y a plus de cinq mille ans qu’a commencé, dans la vallée du Nil, l’hymne à l’unité de Dieu et à l’immortalité de l’âme ; et nous voyons dans les derniers temps l’Égypte arrivée au polythéisme le plus effréné. La croyance à l’unité du Dieu suprême, à ses attributs de créateur et de législateur de l’homme, qu’il a doué d’une âme immortelle : voilà les notions primitives enchâssées comme des diamants indestructibles au milieu des superfétations mythologiques accumulées par les siècles qui ont passé sur cette vieille civilisation.

Tel est le fruit que je voudrais vous faire recueillir de cette étude, et ces notions historiques sont en parfaite harmonie avec les grandes traditions bibliques sur les origines humaines. Il nous est permis de rappeler ici que les points de contact avec les livres historiques de la Bible ont été très-nombreux, que partout le texte sacré est sorti victorieux de l’épreuve.

Au milieu des ruines situées à Abou-Keiched, sur le sol de la terre de Geschen, on voit encore un bloc de granit sur lequel est inscrit le nom même que la Bible donne à la ville où les Juifs étaient forcés de travailler : la ville de Ramsès. Puis, sur les murailles de Karnak, Champollion a découvert la mention de la victoire de Sésac sur Roboam. Nous avons reconnu nous-même sur le monument d’un roi d’Éthiopie l’exactitude du dix-neuvième et du trentième chapitre d’Isaïe, qui représentaient l’Égypte livrée aux guerres civiles, au milieu des luttes sanglantes des princes qui régnaient à Tanis, à Héracléopolis et dans d’autres parties de l’Égypte. Ces textes nouveaux, fortifiés et éclaircis dans une foule de détails par les documents tirés des inscriptions assyriennes, semblent arriver tous à la fois à notre connaissance, et des régions les plus distantes, pour éclairer d’une lumière inattendue les chapitres obscurs ou contestés des grands prophètes hébreux ; et c’est ainsi qu’après avoir successivement étudié les points les plus intéressants de cette longue histoire d’Égypte, une fois de plus nous aurons constaté notre droit à rester calmes et fiers, dans notre foi de chrétiens.

 

 

 

Emmanuel de ROUGÉ, Conférence sur la religion

des anciens Égyptiens, 14 avril 1869.

 

 

 

 

 

 

 

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