Sur le chemin de Julien Green
par
Guy Noël ROUSSEAU
« L’amour de Dieu pour une âme
n’est jamais une idylle... »
JULIEN GREEN
L’œuvre de Julien Green se développe sur deux voies : d’un côté les fictions, de l’autre les mémoires et surtout le Journal.
Songeant à relire les nouvelles, les romans, les pièces, à montrer en détail la beauté et la portée de cette œuvre singulière, je me suis dit qu’il fallait au préalable esquisser un portrait moral de l’écrivain. Pour profiter au maximum des visions et des histoires, le lecteur doit connaître la conscience qui les donne.
Il existe depuis trois ans une édition définitive du Journal 1. Les pages les plus intimes ne s’y trouvent pas (Julien Green se refuse à les publier de son vivant), mais les notations révélatrices y sont plus nombreuses que jamais.
En outre, nous avons depuis peu les mémoires 2. Pleins de vie et de mystère, ils éclairent très bien les premières années de l’auteur de Moïra.
Ce n’est pas le lieu de dire toutes les richesses du Journal. Il faudrait des pages et des pages... Il y a là des textes – des réflexions, des confidences, des aperçus, des relations – particulièrement précieux. Julien Green voyage, en Europe, en Afrique du Nord, en Amérique, et nous avons l’impression d’être avec lui. Il rencontre des artistes, des écrivains, et soudain nous les voyons, nous les entendons... Virginia Woolf : « Il y avait dans son long visage un mélange de dédain et d’effroi. » (26 novembre 1953.) Roger Martin du Gard, « son honnête figure de curé normand » (27 décembre 1931). André Gide : « Sa voix fait songer au vol concentrique d’un oiseau de proie ; tout à coup elle fonce sur un mot, l’emporte, et s’en régale. Alors il abaisse un peu son livre et sourit comme s’il venait vraiment d’avaler quelque chose de succulent. » (29 avril 1932.) Albert Camus face à une assemblée catholique : « Je suis votre Augustin d’avant la conversion. Je me débats avec le problème du mal et je n’en sors pas. » (3 décembre 1946.) Paul Claudel à l’église, au premier rang, chantant « très fort en se dandinant d’avant en arrière, comme un mât. » (27 janvier 1949.)
Ce qui m’intrigue, dans le journal de Green, c’est l’atmosphère : calme, impatience intérieure, ferveur tremblante. « Je lisais saint Paul dans un petit salon obscur... » (11 décembre 1928.) L’ombre s’accroche, mais le feu de bûches et la lampe ne sont pas loin... On dirait qu’il y a dans l’air une grande promesse. L’homme qui est là est troublé, mais il sent que Dieu refait sans arrêt la vie dans nos vies, et il est décidé à veiller jusqu’au bout. « De plus en plus, écrit-il, je suis convaincu que notre rôle à chacun est d’essayer de répondre à une ou deux questions, et que ce sont ces questions qui donnent un sens à toute notre vie... 3 »
Mon but est de mettre en lumière les questions qui se posent à Green et d’étudier les pensées et les résolutions qu’elles lui inspirent. Je rêve de tout comprendre, de réussir à voir en plein ce visage, mais je crois que c’est impossible. Toute existence remonte à Dieu et porte, dès le matin, du mystère. Nous nous connaissons, mais mal. « Je ne suis pas, je n’ai jamais été tout à fait l’homme du journal que j’écris. » (26 septembre 1941.)
Quoi qu’il en soit, l’important est de faire œuvre utile. Donner des précisions (tout d’abord des précisions biographiques), proposer avec concision quelques vues d’ensemble, présenter au passage les textes les plus marquants, rendre possible une lecture plus pénétrante des romans et des drames 4.
Naissance de Julien Green : le 6 septembre 1900, à Paris. Rue Ruhmkorff 4. Les parents – américains – sont protestants. Il est le dernier-né et il a cinq sœurs. Le baptême est célébré dans une petite église anglicane. La marraine et la sœur aînée sont catholiques.
La mère de Green, née Marie Hartridge, originaire de Savannah (Georgie), appartient à l’Église épiscopale. Le père, Édouard Green, vient de Virginie. Ses activités – il représente une affaire textile américaine – ont fait de lui un Européen. En 1893, il est au Havre, en 1898 à Paris. Il appartient à l’Église presbytérienne.
Le grand-père paternel de Julien Green était anglais. Il s’était fixé en Amérique en 1830. Le grand-père maternel, qui avait fait partie du gouvernement sudiste (pendant la guerre de Sécession, sa tête fut mise à prix), mourut membre du Congrès des États-Unis.
L’enfance et l’adolescence auront pour cadre Paris et sa région. En 1902, la famille Green s’installe rue Raynouard, en 1904 rue de Passy, en 1910 rue de la Pompe. Julien Green fréquente avec ses parents l’église américaine de l’avenue de l’Alma et l’église anglaise de la rue Auguste-Vacquerie. Il fait ses premières études – jusqu’au baccalauréat – au lycée Janson-de-Sailly. Ses vacances, il les passe généralement à Andrésy, au bord de la Seine.
En 1913, la famille s’installe au Vésinet. C’est là que meurt la mère de Julien Green, le 27 décembre 1914.
Peu après, les Green sont de nouveau à Paris : rue de la Tour, dans une pension (octobre 1915), puis rue Cortambert (mars 1916).
Le 29 avril 1916, Julien Green abjure le protestantisme. Quelques mois avant, il avait trouvé dans les affaires de son père un livre du cardinal James Gibbons, de Baltimore : La Foi de nos Pères. Il le lit avec passion, prend sa décision, et son père lui révèle qu’il vient lui-même de se convertir au catholicisme.
C’est un jésuite, le Père Crété, qui fait l’instruction religieuse de Green. Il le voit moine à l’île de Wight, chez les bénédictins, et le jeune homme se croit appelé par Dieu.
Juillet 1917 : Julien Green, qui n’a que seize ans, s’engage dans le service sanitaire américain. Il sert comme ambulancier en Argonne et en Vénétie. En septembre 1918, il s’engage dans l’armée française. On le trouve à Fontainebleau, à Rennes (il est alors aspirant au 50e d’artillerie), en Alsace et enfin en Allemagne.
Il revient à Paris en mars 1919, et son père décide de l’envoyer à l’Université de Virginie. En septembre, Julien Green part donc pour les États-Unis. Il reprend ses études (les poètes anglais, la Bible, etc.), tout en écrivant des nouvelles et des poèmes. Il passe ses vacances en Virginie, dans la maison de son grand-père, ou à Savannah.
On peut penser que ce premier séjour aux États-Unis, qui se termina en 1922, fut pour Green une étape à tous égards importante. Il croit avec ardeur, mais il a définitivement abandonné l’idée de se faire religieux. Il songe un moment à la peinture, il va commencer sa vie d’écrivain.
À partir de 1924, les œuvres se suivent de façon très régulière. Il y a pour lui des plaisirs, des joies, des succès, des amitiés, des voyages, et pourtant il vit dans l’inquiétude. Sa foi s’affaiblit. Depuis 1927, il n’a plus son père. Il va de crise religieuse en crise religieuse.
L’année 1934 annonce du nouveau. Julien Green se tourne vers les penseurs hindous. Pour vivre plus près de la Bible, il se met à l’hébreu. En janvier 1939, l’occasion lui est donnée de lire le Traité du Purgatoire de sainte Catherine de Gênes. Là-dessus, il a une conversation avec Jacques Maritain, qu’il connaît depuis 1924 5. En avril 1939, il se convertit.
La guerre, de nouveau. Green est aux États-Unis. Il revient en France et repart juste après l’armistice. Il va s’attacher à faire connaître, à faire aimer la France. En collaboration avec Anne Green, sa sœur, il traduit en anglais quelques œuvres de Péguy. Mobilisé en août 1942, il est démobilisé en décembre. Il travaille à la Radio pour le gouvernement américain (1943), puis donne à droite et à gauche des cours et des conférences (1944).
En septembre 1945, Julien Green revient à Paris et reprend sans bruit sa place. Il a retrouvé son créateur, mais il sait que la paix n’est pas de ce monde. Constamment travaillé par le spirituel, il continue de méditer, de lutter, d’écrire. Sa vie semble ordinaire et tranquille. C’est que le drame se joue en dedans : entre lui-même et lui-même, entre lui-même et Dieu.
Cette biographie rapide – des faits, quelques dates – impose dès l’abord une constatation : Julien Green vient de très loin.
Le 1er février 1939, il écrit : « J’ai été façonné, en apparence tout au moins, par mon pays d’adoption, mais il demeure en moi quelque chose d’irréductible, qui est d’ailleurs. » Son hérédité est aussi complexe que pressante, et il a certains jours la sensation d’être « écrasé ». (29 mars 1950.) Chez cet américain, l’Irlande et 1’Écosse continuent obscurément : obsessions religieuses, sensualité violente, constance rêveuse...
Les grands-parents vivaient dans l’ordre et la paix 6, mais il arrive, un peu plus haut, qu’on rencontre le désespoir et même la démence. « Il y a eu dans ma famille, vers le milieu du siècle dernier, des cas de mélancolie aiguë... ». (26 août 1954.)
Julien Green nous dit que ses parents étaient simples et gais. Il n’empêche qu’ils avaient, eux aussi, des soucis religieux lancinants, et que l’atmosphère de la maison prenait par moments quelque chose de troublant.
Les sœurs de Green, très sensibles et un peu renfermées, un peu étranges, aimaient beaucoup jouer avec l’invisible. On allait carrément jusqu’aux histoires de fantômes et de maisons hantées. Il y avait toujours, dans l’appartement familial, une « zone d’horreur 7 »... Le diable, on le taquinait volontiers !
Il faut ajouter que la mère de Green se plaisait à raconter le Sud, son pays. Elle rappelait avec tristesse la guerre de Sécession, elle évoquait avec passion les Sudistes, ces rebelles malheureux, ces grands vaincus... Sans s’en rendre compte, elle accablait son fils, elle mettait en lui la mélancolie de la défaite, elle l’enveloppait d’ombre et de solitude. « Ma patrie n’existait plus comme nation, l’histoire l’avait supprimée. De là cette première et puissante impression d’isolement, de cercle tracé autour de moi. » (3 juillet 1951.)
Captif dès le début, livré à lui-même, Julien Green rêvera toujours d’évasion et d’équilibre. « Changer, devenir autre, souci constant. » (22 septembre 1950.) Chez lui, c’est une véritable hantise. Cherchant à faire le point, il reste perplexe... « Je n’arrive pas à croire que j’ai l’âge que j’ai, car il me semble que je suis la même personne depuis l’âge de vingt ans. » (6 septembre 1954.) Et, le 29 mai 1956, ceci : « On a beau commettre les mêmes actions, d’année en année, ce n’est jamais la même personne qui en est l’auteur. L’extérieur trompe. On change par le dedans, sans cesse. »
À mon avis, on peut aller jusqu’à dire que Julien Green n’a jamais changé. Il est depuis toujours un spirituel affolé par la chair. Il reste lui-même, mais il ne cesse de progresser vers Dieu.
Au départ, chez Green, une nature folle de lumière et d’infini. « Tout en moi rebondissait vers la lumière 8. » À six ans, la pensée de l’éternité lui donnait le vertige !
Entre lui et son père, qui était solide et très pieux, il y avait quarante-sept ans... Julien Green le respectait beaucoup, mais l’idée ne lui serait pas venue de se confier à lui. Sur ce point, il est très net : « Nous étions l’un devant l’autre à peu près comme deux étrangers 9. »
Les choses de la religion, c’est sa mère qui va les lui présenter. Sa religion – seuls des termes un peu vagues conviennent ici – était à la fois profonde et brumeuse, à la fois saisissante et coupée des pressions de la vie. Elle avait quelque chose de déroutant.
Julien Green se remettra, mais à grand-peine. « La foi, je sais ce que c’est, j’ai grandi dans son ombre... » (21 mai 1949.) On lui parlait de Jésus, de sa vie pathétique, de sa divinité, de ses préceptes, du salut qu’il apporte ; on ne lui montrait pas toutes les implications de ce salut, on ne lui apprenait pas à le réaliser pleinement et à le vivre. On le braquait contre l’impureté, mais on le laissait dans le noir. La religion qu’on lui proposait alors était plus une magie (la mère parlait anglais, et l’enfant français...) qu’une spiritualité.
Cela dit, il faut préciser que Julien Green doit à sa mère une certitude vitale : Dieu nous aime. À cet égard, son influence fut très forte. C’est sa présence, c’est sa voix qui imprimaient en lui, à jamais, l’amour de Dieu. « Quand j’étais seul avec quelqu’un qui me parlait doucement dans une langue que je ne comprenais pas, je savais que c’était la personne qui m’aimait plus que les autres... L’essentiel de ce que je crois aujourd’hui m’était donné alors, dans la pénombre où parlait le plus grand amour 10. »
À l’époque, Julien Green était moins un croyant qu’un poète en herbe. Ce qui grandissait en lui ? Le sens et le goût de l’invisible. La pensée de la présence de Dieu, de son amour infini, c’était, tout simplement, son bonheur. « J’aimais Dieu. J’avais le sentiment de me blottir contre lui 11. »
L’invisible... Le beau domaine de Dieu, le monde lointain que la Bible raconte, à la fois mystérieux et plus vrai que tout ! C’est à l’invisible que Julien Green s’est donné. « Il faut aimer la grande patrie inconnue qui nous appelle depuis le jour où nous avons ouvert les yeux... » (19 mars 1938.) Le monde présent, il s’en méfie. « La vie n’est jamais si belle que lorsqu’elle s’éloigne de ce qu’on appelle la vie... Tout est ailleurs. Rien n’est vrai comme le balancement d’une branche dans le ciel. » (15 octobre 1931.)
Un évènement terrible va précipiter l’évolution de Julien Green, qui vient d’avoir quatorze ans : la mort de sa mère, subitement. « J’entrais dans un autre monde... Quelqu’un naissait en moi, non dans les larmes, car j’étais bien au-delà des larmes, mais dans le désespoir 12. » Green ajoute qu’il se sentit épouvantablement seul et comme privé de Dieu. « Il me semblait qu’une machine diabolique taillait l’air autour de moi comme pour m’enfermer en moi-même... »
Si je multiplie les citations, c’est parce que le moment me paraît important entre tous. Secoué par « le choc de la mort 13 », véritablement entraîné par la disparue, Julien Green passe de l’amour de l’invisible à l’idée que notre monde n’est pas réel, que nous sommes pris dans un système d’apparences. Le voilà moins attaché à Dieu que brouillé – définitivement, semble-t-il – avec les choses de la terre. La solitude s’établit en lui, et la peur, et l’envie de s’en aller, le désir de rejoindre Dieu en ignorant le monde.
Green a quinze ans et il est – c’est lui qui parle – « amoureux de Dieu... » (28 février 1933.) Le sentiment religieux est extrêmement fort, mais il évolue pour ainsi dire à vide. Sa mère, dont les convictions, à la fin, flottaient un peu, l’a laissé sans instruction religieuse.
Où en est-il ? La Bible lui est familière, et c’est beaucoup. Il connaît le Notre Père et le Credo par cœur. Faisant allusion à ses sœurs qui, elles, furent « confirmées », Green écrit : « Pour ma part, je puis dire que le protestantisme m’effleura à peine 14. » Au fond, il cherche un refuge et en quelque sorte une plate-forme spirituelle. Il cherche une Église. Il adhère au catholicisme.
Dans son dernier livre 15, Julien Green écrit : « J’avais besoin du sensible, de ce qui se voit, de ce qui se respire. Ma religion était ainsi. » Plus que tout autre, il était fait pour aimer le climat du catholicisme (12 janvier 1942). Répondant franchement au mystère, la religion catholique donne au fidèle l’impression qu’il est branché sur l’invisible. Elle enseigne que ses prêtres et ses religieux ont des pouvoirs prodigieux (3). Les besoins du cœur, elle s’applique à les combler. Green n’attendait pas autre chose. « L’Église, je la sentais s’édifier autour de moi comme une forteresse invisible qui me mettait à l’abri du monde 16. » Il se trouve si heureux qu’il songe à se retirer dans un monastère.
La vérité est que Julien Green cherche à fonder sa vie et surtout à la passionner. Son nouveau bonheur, il veut le pousser au maximum. Comme on lui a beaucoup parlé du « néant du monde » (24 septembre 1949), comme sa foi, plus vive que jamais, s’est développée loin du front des réalités, il se voit moine. Le monde ? Ce que Green déteste, en tout cas, c’est l’existence réduite à l’ordinaire et au quotidien, c’est la tiédeur, la médiocrité. Mal dirigé, l’élan religieux va délivrer le charnel qui guette depuis longtemps.
Je tiens à répéter ici que je cherche à comprendre Julien Green, non à tirer de ses écrits parabiographiques une thèse de psychologie. Si je scrute l’enfance et l’adolescence, c’est avant tout parce que Green le fait lui-même, et avec une opiniâtreté qui en dit long. « Tout ce que j’écris, dit-il, procède en droite ligne de mon enfance. » (31 décembre 1931.) Dans un texte de juin 1934, il va plus loin : « ...si je perdais le souvenir de mes premières années, je ne pourrais plus tracer une ligne. »
Enfant, Julien Green était particulièrement sensible aux nudités. À six ans, il tombe avec effroi et admiration sur « les corps souffrants et splendides 17 » que Gustave Doré a dessinés pour l’Enfer de Dante. Afin de s’imprégner de cette « vision magique », il saisit un crayon et le passe en appuyant sur les contours de la plus belle des figures. Il se met à dessiner – « avec une application dévorante 18 » – des corps et des visages... Plus de quarante ans après, Green écrira : « Ces images ont agi sur mes sens avec un retard de dix ou quinze ans, et l’affreuse théologie du poète m’a marqué... Curieux de voir que maintenant encore, tout cela trouve en moi un écho. » (25 septembre 1950.)
Un peu plus tard, ce sont les sculptures du Louvre qui le jettent dans « une sorte d’ébriété sexuelle 19 ». Une toile du Musée du Luxembourg – Les Porteurs de mauvaises nouvelles – lui donne des émotions du même ordre 20.
Qu’est-ce à dire ? Cet enfant est le plus heureux, le plus ouvert, le plus affamé des enfants. Il chante de tout son cœur, de tout son corps, son bonheur et son besoin de bonheur. Il s’éveille en toute innocence à la vie sensuelle et il découvre avec émerveillement qu’il y a un chemin vers la beauté, vers la douceur du monde. Il voit aussi que ce chemin – l’art – semble se perdre dans des lointains impénétrables. Avec leur vie à part, ces corps vibrants de perfection – ces statues, ces peintures, ces dessins – ont quelque chose d’entraînant, mais ce qu’ils font miroiter paraît inabordable. Ils donnent à rêver et à souffrir.
C’est ici qu’il faut reparler de la mère de Julien Green 21. Elle n’a pas vu, semble-t-il, que son dernier était le plus sensible, le plus ardent, le plus vulnérable des garçons. Dans un texte de janvier 1942, Green écrit : « Moi, je reçois tout en pleine poitrine 22. » Sa mère l’a aimé éperdument. « L’amour était en moi et autour de moi comme l’air que je respirais 23... » Elle n’a songé ni à l’éclairer, ni à éveiller sa volonté. Elle a fait de lui un tendre – « ...j’aimais l’amour 24 » – et pour ainsi dire un emporté.
Il y a plus grave... La mère de Green ne peut oublier ce qui est arrivé à son pauvre frère Willie : sa maladie, sa déchéance. Sans être puritaine, elle est obsédée par l’impureté. Rien n’est pire à ses yeux que la faute charnelle. L’horreur qu’elle en a touche à la fascination. Elle ne cesse de surveiller, de soupçonner son enfant. Elle ne lui donne aucune explication, mais elle a l’indignation dramatique. Elle l’aime à la folie, elle l’enivre d’amour, et elle lui enténèbre la route ! Au total, elle le fait dériver. « Autour de moi, sans peut-être le savoir, elle dressait des interdits terribles... Le corps était l’ennemi, mais il était aussi la forteresse visible de l’âme et principalement le temple du Saint-Esprit. Tout devenait à la fois dangereux et sacré de ce qui touchait à la chair 25. »
L’enfant est devenu un adolescent. Sa mère n’est plus, et il ne peut s’empêcher de revenir en idée à ce qui la hantait. Insensiblement, l’émoi des premières années fait place à la sensualité ; une sensualité d’autant plus puissante et d’autant plus chercheuse qu’elle a été stimulée et tourmentée. Le jeune homme est ignorant de toutes ces choses – «... je vivais entouré de chrétiens qui se taisaient » – et son imagination travaille plus que jamais. « Tout se passait dans ma tête et n’en était que plus dangereux 26. »
La religion ? Certes, il croit. Son catholicisme, il va jusqu’à l’afficher. Il a même des poussées de fanatisme et de prosélytisme... Cependant, on dirait par moments que la foi s’évapore, que la conscience est sur le point d’abdiquer. Green le dit lui-même : « Il y avait des saisons dans ma vie intérieure 27. » Il se croit dans le bien, il pense à la pureté, mais il s’y perd un peu... « Je ne faisais pas encore ce qu’on appelle le mal, mais apparemment un certain sens moral me manquait 28. » Il veut avant tout la plénitude de la vie.
C’est alors – en avril 1919, au Trocadéro – qu’il a l’occasion d’entendre la Neuvième Symphonie. Sa sensibilité, son imagination s’enflamment. La « magie du monde 29 » lui est tout à coup révélée, et la joie de se sentir libre, infiniment libre... Il n’a jamais été si vivant, si enthousiaste. « Je voulais être tout à la fois un dieu grec et un saint catholique... Je voulais tout à la fois, le monde et le ciel 30. » Comme sa foi est fragile et sa morale insuffisante, il ne sent pas le danger.
Le drame n’est plus très loin. « Tout me ramenait à moi, même Dieu 31. » Plein d’amour et d’impatience, rêvant de volupté mais absorbé par lui-même, le jeune homme n’arrive pas à trouver son équilibre. Tout contact le met mal à l’aise. Porté depuis toujours par la pensée de l’invisible, déporté vers l’étrange, le nocturne, le possible, il a pris l’habitude des assauts d’imagination et le goût des jeux de mélancolie. « J’étais d’un tempérament bizarre, un instant chaud et l’autre froid, et j’ignorais ma vraie nature 32. » À la vérité, il était au bord de l’anormal.
L’homme et la femme : voilà l’union que Dieu veut. Et il veut que cette union se fasse dans le mariage. Aller contre ces vérités, c’est pécher gravement.
Julien Green ne pense pas autrement, mais il note, dans l’avant-propos du Malfaiteur, que les Évangiles ne parlent pas de l’amour contre nature. « Le problème de la chair y est traité, si je puis dire, en bloc, et il ne semble pas que des distinctions soient faites entre l’une et l’autre forme d’un même péché. » Il ajoute ceci : « On ne saurait rien conclure d’un silence. On peut, en tout cas, l’imiter – et suspendre son jugement 33. »
La naissance, la mort, la résurrection de Jésus manifestent que l’amour de Dieu est insondable et sans limites. Il est clair que la voie du salut est pour tout le monde. Rien ne permet de déclarer que tel péché est plus grave que tel autre. La question regarde Dieu, donne sur l’infini de son amour. Tout au plus peut-on dire que certains péchés semblent plus intimement enracinés. Ils appellent une compréhension plus décidée.
Le mal, Julien Green ne l’a pas vu monter. Sa souffrance est d’autant plus vive, d’autant plus difficile à supporter, qu’il y a eu surprise : tout à coup un lui-même inconnu, le chrétien bousculé, renversé, réduit au silence, et alors le péché, le chaos (13 mars 1952).
Son état, Green le décrit en termes très forts, très douloureux. Le 1er novembre 1928 : « Il me semble que j’ai dans le cœur une sorte d’enfer. Et cependant, quel écho trouve en moi la moindre parole évangélique ! » Le 29 janvier 1929, ce cri : « Il y a des pensées charnelles qui donnent le vertige. »
Sa solitude est à présent absolue. Se cantonner en soi-même, se penser sans répit, c’est risquer de perdre le fil, de se couper de la création, de ne plus sentir Dieu. Green en fait l’expérience. « Le péché crée dans l’âme une solitude que les mots ne peuvent rendre, car il éloigne Dieu de nous, et il n’y a dans l’absolu de véritable présence que celle de Dieu... » (7 avril 1943.)
Avec la solitude, la peur... L’inexplicable qui nous pénètre de plus en plus, « le rébus épouvantable que la vie nous propose chaque matin 34 ». Pour Julien Green, tout se passe comme si l’ordre du monde était condamné, comme si l’existence ne répondait plus à rien. « J’erre dans cette vie comme dans un rêve. » (5 septembre 1952.)
Parfois, c’est l’angoisse qu’il rencontre, et il ne peut s’empêcher de penser que le démon est à ses côtés. Il a le sentiment que sa foi s’en va et avec elle sa vie. Il se voit perdu, il découvre avec horreur « l’ennui, l’ennui terrible qui est au fond de toute vie humaine où Dieu n’est pas ». (15 octobre 1941.)
L’angoisse... Dans la vie de Green, elle ne cesse de se manifester. En 1925, à Montfort-l’Amaury 35. En 1935, à Naples. En 1938, à Stockholm, puis à Rotterdam. En 1943, à New York : « Une journée de neurasthénie... Violent dégoût de tout. On voudrait presque ne pas être, on ne sait que faire de soi, de son corps. » (10 juin 1943.) En juillet 1947, à Paris. En 1948, à Zurich : « De nouveau, ce cauchemar de la neurasthénie. » (27 juillet 1948.) En octobre 1950, à Anvers. En mai 1954, à Genève. En 1955, à Paris, puis à Bayonne : « Vide, le moment présent, vides, les paroles, vides, tous les gestes qu’on peut faire et tous les efforts pour accomplir quoi que ce soit... Le démon, la face du démon. » (16 juin 1955.)
Il existe un texte – 30 septembre 1949 – qui donne à penser que Julien Green a même connu, plus d’une fois, la tentation du suicide : « On ne saura qu’après ma mort contre quoi il aura fallu que je lutte pour continuer d’être moi-même et faire acte de présence jusqu’au bout. »
Il n’est pas étonnant que Julien Green soit devenu – ces mots sont d’Albert Béguin – le « romancier des songes noirs, des visions désespérées 36 ». Il a commencé son œuvre à une époque où ce n’était plus la religion qui gouvernait sa vie. « Le torrent des jours et des nuits 37 » a fait de lui un égaré.
Certes, il croit toujours. « Vivre sans croire ne m’a jamais paru possible. » (12 avril 1955.) Dieu parle, et Green l’entend. La preuve, c’est que les plaisirs font en lui les ténèbres.
Oui, il croit, mais sa foi est comme paralysée. Contre « l’effroi d’être au monde » (29 octobre 1949), elle ne peut plus rien. Elle entretient au fond du cœur le souci de l’éternité, la notion de l’invisible, elle donne par éclairs du bonheur, mais elle ne rayonne plus. C’est la mélancolie qui règne.
« Langueur, amertume, voilà ma vie... » (9 octobre 1928). Il y a longtemps qu’elle couve, la mélancolie... Julien Green a toujours aimé ce qui trouble un peu l’âme : les évocations tristes, la douceur ensorcelante des collines, les lointains en clarté, le gris moiré des pays nordiques, et cette heure où la lumière, avant de sombrer, s’attendrit... Maintenant l’âme est brisée et la mélancolie déferle.
Heureusement qu’il peut se lancer dans des œuvres 38. « Ce sont mes livres qui m’ont sauvé la vie... » Un mot de Jean-Jacques 39 qui pourrait très bien être de Julien Green !
Il ne sait plus prier, mais il croit. Il y a le mal – « j’étais fasciné par le plaisir... » (26 septembre 1941) – et il y a le divin. S’abandonner, non ! Green écrit, crée des personnages, monte des histoires, dans l’espoir de réveiller le spirituel qui végète en lui. Septembre 1929 : il imagine un livre « qui serait le récit d’un chercheur d’aventures nocturnes dans le Paris de notre époque 40 ». Il vit dans le péché, mais il s’efforce de regagner, par la création littéraire, le divin.
« Retrouver par toutes les voies possibles le pays perdu... » (8 octobre 1931.) Pour percer, pour échapper au temps, « ce cauchemar » (6 novembre 1948), s’appliquer à exprimer avec vigueur et justesse – sans lyrisme – tout ce qu’on a dans le cœur. Laisser le champ libre aux impressions, suivre les personnages, trouver les détails révélateurs, veiller à ce que la phrase soit toujours discrètement entraînante, dégager des images, les porter au point de vision ! Se serrer contre l’inconnu, essayer de le dévoiler, de capter l’éternel !
Il y a là un certain romantisme, fait d’étonnement intérieur et d’active nostalgie : un romantisme étouffé, extrêmement prenant.
Il arrive que « le délire physique » (19 octobre 1948) s’y mette et fasse monter l’horreur. La solitude et l’anxiété reviennent en force. Des images de mort se présentent, et l’âme, abasourdie, se laisse aller...
Avec cette idée de « s’élever au niveau de la mort » (25 novembre 1932), c’est bien le fantastique qui surgit. Ses misères, ses beautés, son pathétique : « Des rêves qui viennent de l’aube de la création remontent à la surface des yeux que l’insomnie tient grands ouverts, et je me retrouve tout à coup dans la cour déserte où ma pensée va se reposer et se rafraîchir quelquefois, la vaste cour aux pavés millénaires qui brillent sous la pluie. Où est-elle ? Je n’en sais rien. Des dieux de pierre la regardent de leurs prunelles aveugles, et elle attend la fin du monde dans la pluie du petit jour. » (6 juin 1942.)
Il est clair qu’écrire un roman est une aventure. Les élans d’imagination ouvrent des voies, mais ils excitent le mal. Renforçant en profondeur « le mécanisme de la luxure » (24 mars 1950), ils alourdissent les problèmes.
Le danger, Julien Green le sent très bien. « Parfois, dit-il, mon cerveau est comme un canal dans lequel passe un torrent d’eau noire. » (4 août 1955.) Grâce à ses romans, il voit ce que c’est que le péché, et on dirait que sa ferveur, du coup, se ranime. Pour rester lucide, pour n’être pas emporté, il s’accroche à son journal, il veille à le tenir aussi régulièrement que possible.
Le péché, dans notre vie, ce n’est pas seulement le poids de nos fautes particulières. C’est le désordre mortel que ces fautes, avec le temps, mettent en nous. Il y a là, au fond de nous-même, depuis toujours, une puissance qui ne cesse de nous travailler et vise à l’étouffement.
Green est au comble du désarroi, et voilà que sa foi reprend vigueur. Il réalise que Dieu est tout près. L’orgueil tombe, et cette éternelle envie de passer les frontières de la création. La lumière commence à revenir. Il s’aperçoit qu’il a toujours eu tendance à cultiver l’incertitude, à chercher le drame et la souffrance, à voir en noir le travail de l’écrivain 41.
Il poursuivait le divin, il trouve, il retrouve son Dieu : une personne, un vouloir. Il voit que, depuis Jésus, le péché est en quelque sorte du domaine de Dieu. La révélation – en plein péché – de cet amour sans pareil délivre Green et redresse sa volonté. Débarrassé du « fanatisme manichéen 42 », il reprend courage. « Plus je vais, plus clairement il m’apparaît que notre conception du péché suppose chez la plupart d’entre nous une singulière conception de celui qui nous jugera. Si graves que soient nos fautes, elles sont immensément dépassées par l’amour de Dieu 43... »
Julien Green, on le sait, est catholique. « Je suis catholique et n’ai pas d’autre foi ni de tendance vers une autre foi que la foi catholique 44. » Cela posé, je crois devoir avancer que sa piété a quelque chose de protestant : cette simplicité 45, et, bien enraciné, ce sentiment-force que la foi donne le salut.
En tout cas, il ne faut pas s’endormir « La tranquillité, disait Tolstoï, est une malhonnêteté de l’âme. » Il faut répondre à l’amour de Dieu, poser les problèmes résolument. C’est, aujourd’hui plus que jamais, le grand souci de Julien Green.
Il arrive encore que le découragement se montre, la tentation « d’écrire n’importe quoi » (15 juillet 1956). Il y a même des retours d’angoisse. Le 4 avril 1955 : « Tu as reçu l’Évangile en vain. Tu es inexplicable. » Il y a surtout, chez Green, l’espérance : « J’ai beaucoup abusé de l’espérance et ne le regrette pas... » (8 novembre 1950).
Réconcilié avec son créateur, repris par le courant de l’amour divin, Julien Green comprend que le monde – ce monde que Dieu a fait sien – est moins une fausse réalité qu’une réalité en devenir. L’ombre demeure, mais les œuvres sont plus vraies, plus riches, plus saisissantes. Notre monde y est, et sa lumière.
Postface
Julien Green a bien voulu me recevoir, me donner l’autorisation de publier des extraits de lettres, et je tiens à marquer ici ma gratitude.
« On songe à une flamme enveloppée d’une fumée noire. » Cette réflexion de Julien Green sur John Donne s’applique très bien à l’auteur de Chaque Homme dans sa Nuit.
La flamme, on la voit de mieux en mieux. Il est manifeste qu’il y a dans cette vie du nouveau : la joie d’être à Dieu, et la ferme volonté de porter témoignage.
Les pages de journal que Julien Green vient de donner au Figaro Littéraire sont très claires : « Une seule chose m’intéresse en ce monde : les relations entre Dieu et chacun d’entre nous. »
Neuchâtel, novembre 1964.
Guy-Noël ROUSSEAU, Sur le chemin de Julien Green,
Éditions de la Baconnière, 1965.
1 Julien Green : Journal, 1928-1958. Plon, Paris, 1961. Un volume de 1194 pages.
2 Partir avant le Jour (Grasset, Paris, 1963) et Mille Chemins ouverts (Grasset, Paris, 1964). Il y a un troisième volume en préparation.
3 Lettre inédite, août 1951.
4 Par exemple, ce petit fait. Le 2 octobre 1933, Julien Green note que le mot préau le fait rêver. Quinze ans plus tard, il appellera Praileau le personnage clef de Moïra.
5 Faisant allusion à cette première entrevue, Julien Green écrivait récemment : « J’eus l’impression de rencontrer un homme venu d’un autre monde. Il me sembla que l’invisible prenait corps... » (Pamphlet contre les Catholiques de France, Plon, Paris, 1963, p. 20).
6 Dans une lettre inédite (août 1951), Green fait allusion à leur « idéal victorien ».
7 Partir avant le Jour, p. 14.
8 Partir avant le Jour, p. 282.
9 Ibid., p. 241.
10 Partir avant le Jour, p. 24.
11 Mille Chemins ouverts, p. 15.
12 Partir avant le Jour, p. 219 et 221.
13 Partir avant le Jour, p. 221.
14 Partir avant le Jour, p. 66.
15 Mille Chemins ouverts, p. 161.
16 Partir avant le Jour, p. 252.
17 Partir avant le Jour, p. 47.
18 Ibid., p. 177.
19 Ibid., p. 95.
20 À dix-neuf ans, ce seront les bronzes pompéiens du Musée national de Naples.
21 Rappelons à ce propos que Green avait... « six mères » ! C’est ainsi qu’il fait allusion à ses cinq sœurs (Partir avant le Jour, p. 12).
22 Ce texte ne se trouve que dans les œuvres complètes : Journal, II, p. 127 (Plon, Paris, 1956).
23 Partir avant le Jour, p. 22.
24 Ibid., p. 158.
25 Partir avant le Jour, p. 86.
26 Mille Chemins ouverts, p. 96.
27 Partir avant le Jour, p. 279.
28 Partir avant le Jour, p. 213.
29 Mille Chemins ouverts, p. 80.
30 Ibid., p. 91 et 103.
31 Partir avant le Jour, p. 259.
32 Mille Chemins ouverts, p. 92.
33 Ce texte très intéressant ne figure que dans les œuvres complètes : Romans, IV, p. 245 (Plon, Paris, 1955).
34 Julien Green : « Lecture du journal » (Le Figaro, 3 avril 1938).
35 D’où Adrienne Mesurat.
36 Théophile Delaporte (Julien Green) et Robert Morel : Deux Pamphlets contre les Bien-pensants. Introduction d’Albert Béguin. Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1944.
37 Partir avant le Jour, p. 16.
38 « Depuis 1930, presque tous mes romans contiennent sous-entendue une histoire secrète qui transparaît aux yeux de qui sait voir. » (21 juillet 1950.)
39 Boswell chez les Princes, texte français de Célia Bertin, p. 221. Hachette, Paris, 1955.
40 Ce passage ne se trouve que dans les œuvres complètes : Journal, I, p. 18 (Plon, Paris, 1954).
41 « Un artiste est toujours le serviteur de Mammon. » Cette pensée de Keats a certainement influencé Julien Green (29 mars 1930). Nommons à ce propos les écrivains qui l’ont plus ou moins marqué : Hawthorne, Pascal, Blake, Poe, Baudelaire, Kierkegaard.
42 Julien Green : Lettre à Albert-Marie Schmidt (Réforme, 7. 10. 1950).
43 Lettre inédite, juillet 1951.
44 Lettre inédite, juillet 1951.
45 « On voudrait aller à Dieu très simplement, comme un enfant, sans théologie, sans histoires. » (6 juin 1951.)