Témoignage d’un Enfant

de la Vérité et Droiture

des voies de l’Esprit.

 

ou

 

EXPLICATION

mystique et littérale

 

De

 

L’APOCALYPSE

 

De

 

JÉSUS CHRIST

 

révélée à

 

S. JEAN APÔTRE.

 

 

T O M E   I.

 

 

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DANIEL XII. v. 1.

 

Or en ce temps-là, Michaël, ce grand Chef qui tient bon pour les enfants de ton peuple, tiendra bon ; et ce sera un temps de détresse qu’il n’y en a point eu depuis qu’il y a eu des nations jusqu’à ce temps-là ; et en ce temps-là ton peuple, c’est à savoir quiconque sera trouvé écrit dans le Livre, échappera.

 

 

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Imprimé à Berlebourg,

Par Christofle Michel Regelein. 1739.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Préface de l’Auteur.

 

IL n’y a rien au monde qui glorifie Dieu davantage que l’ouvrage de notre rédemption, et c’est ce que Dieu a voulu manifester dans les merveilles d’amour qu’il a faites en faveur des hommes en envoyant sa Parole, qui s’est faite chair dans la personne de Jésus Christ, notre très adorable Sauveur au monde, pour faire cette œuvre admirable en souffrant et mourant pour nous.

2. Rien ne glorifie donc Dieu davantage et ne fait éclater l’immensité de cet amour Divin que cet ouvrage merveilleux ; il n’y a rien non plus qui tienne davantage à cœur à notre Sauveur, sinon que les hommes veuillent bien profiter de ce qu’il a fait en leur faveur et leur a acquis par son sang. Il a regret de voir que si peu de ces hommes pour lesquels il est mort par amour pour eux veuillent bien venir à lui, se confier en lui afin qu’il leur applique les grâces qu’il leur a acquises, et laissent opérer ces grâces, se rendent participants des bienfaits qu’il a tant de désir de leur faire part.

3. C’est une grande misère qui émeut à grande compassion de voir cet aveuglement et endurcissement des hommes, de voir notre Seigneur qui les appelle, ayant des trésors infinis à leur donner, à quoi il les invite, leur promettant de les rendre éternellement heureux. Venez à moi, dit-il, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous soulagerai ; chargez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis débonnaire et humble de cœur, et vous trouverez repos à vos âmes car mon joug est aisé et mon fardeau léger (Matth. 11, 28). Voyez comment cet adorable et bénin Sauveur nous invite si tendrement ! Et cependant presque tous les hommes aiment mieux garder leur fardeau, le fardeau, la charge dont le monde les charge, dont ils sont les Esclaves ; sous lesquels fardeaux ils se peinent et y succombent, pour ce qui n’est qu’un néant et qu’une ombre, après laquelle ils courent sans cesse ; ils aiment mieux se laisser accabler par le fardeau du prince de ce monde que de prendre celui de Jésus Christ qui est aisé et léger et produit un poids Éternel d’une gloire infiniment excellente (2. Cor., 4, 17.), après un petit espace de temps qu’il semble nous apporter quelques souffrances, qui en vérité ne sont que des ombres et apparences de souffrances, puisqu’elles donnent à ceux qui s’en chargent un vrai et solide contentement qui les rend paisibles et heureux, même dans le temps des souffrances dont ils sont chargés.

4. Au lieu que les gens de ce monde n’ont qu’une apparence et une ombre de bonheur et de félicité, dans la jouissance la plus abondante des honneurs, des richesses et des plaisirs, desquels ils tâchent de se repaître ; ils sont dans le mécontentement au milieu de la plus abondante jouissance de ces choses ; ils sont rongés au dedans d’une faim canine, qui ne peut être assouvie ; ils cherchent pour cela à changer continuellement d’objets de divertissements, pour étourdir la misère qu’ils ont au dedans d’eux-mêmes, sans en pouvoir venir à bout ; et plus ils ont de moyens de satisfaire leurs désirs, moins ils en viennent à bout, et enfin après avoir passé ainsi le temps de leur vie, ils la finissent pour en commencer une d’Éternelles misères ; tout ce qu’ils peuvent faire est de s’en faire accroire, se flattant d’aller jouir d’une vie Éternelle bienheureuse, de laquelle ils ne se sont guères soucié tant qu’ils ont pu conserver celle-ci.

5. Ceux qui sont les plus pieux s’appliquent dans cette vie à se charger du joug de la loi qu’ils portent, en s’appliquant aux œuvres de piété et à mortifier leurs passions, selon les petites forces qu’ils sentent avoir ; peu d’entre eux vont sérieusement et tout de bon à ce travail pénible, qui est un fardeau que ni nous ni nos Pères n’ont pu porter (Act. 15, 10.), et c’est pour cela que la plupart de ceux qui veulent passer pour pieux ne le veulent pas remuer du bout du doigt (Matt. 23, 4.) ; ils se contentent de satisfaire à l’apparence du dehors, à pratiquer quelques vertus qui font éclat et qui ne leur coûtent pas bien cher de pratiquer, et se contentent ainsi de s’abstenir des gros vices et de sauver les dehors ; ainsi ils restent hypocrites, qui nettoient le dehors du plat et de la coupe, mais laissent volontiers le dedans (v. 25.) qui est leur intérieur, plein de rapine et d’impureté ; ils restent dans un faux repos où le démon, flattant leur amour-propre, les entretient et les conduit tout doucement jusqu’aux enfers, les entretenant dans la persuasion qu’ils sont dans le chemin du Ciel ; excusant leurs vices, qu’ils ne peuvent nier, de la fragilité humaine, et se couvrant des mérites de Jésus Christ, qui nous les applique pour suppléer à nos manquements, en vertu duquel ils espèrent fermement d’être sauvés ; car ils suppléent à ce que nous n’avons pu faire ; et ainsi ils le font Ministre de péché, qu’ils veulent conserver et pour lequel Jésus Christ doit avoir satisfait afin que nous puissions y vivre. Ceux-là sont les plus à plaindre, car ils sont les plus éloignés du chemin du Ciel et les plus inaccessibles à l’esprit de Dieu pour les convaincre de leur mauvais état, car ils se retranchent dans leur propre justice et se couvrent des mérites de Jésus Christ, dont ils abusent et qu’ils prennent dans un sens très faux.

6. Les autres qui, pénétrés du sentiment de leur mauvais état, travaillent sérieusement à satisfaire à ce que leur conscience leur dicte, sans se flatter, étant sincères et désirant tout de bon de vivre selon la volonté de Dieu ; ceux-là mettent tout de bon la main à l’œuvre pour changer de vie, combattre avec courage contre leurs vices, selon que la lumière de leur conscience les en éclaire, ne se flattant point et travaillant avec le même zèle, courage et vigilance sur eux-mêmes, avec prière et méditation, à la pratique des vertus ; l’esprit de la grâce qui a touché leur cœur les assiste puissamment dans ce salutaire exercice, et ceux-là reçoivent surcroît de grâce, selon la fidélité avec laquelle ils travaillent à satisfaire à ce que la lumière de leur conscience leur dicte.

7. Ceux-là sont ceux dont le travail devient toujours plus rude et qui sont chargés d’un pesant fardeau ; ce sont ceux-là que Jésus Christ appelle et qui, n’en pouvant plus, chargés du poids de leurs péchés et misères qui devient plus grand à mesure que leur fidélité est grande pour s’appliquer à les combattre ; ce sont ceux-là que notre Seigneur appelle pour les soulager, les décharger de ce pesant fardeau qui les accable et les charger du sien, qui est doux et léger. Ce sont ces âmes-là qui sont dans la disposition requise afin qu’elles puissent recevoir d’une manière réelle et efficace les grâces que notre Sauveur nous a acquises pour opérer en nous ce grand et excellent ouvrage de notre rédemption par la renaissance ou régénération qu’il effectue en de telles âmes.

8. Cet ouvrage de la régénération est donc le plus grand et admirable ouvrage de Dieu ; et il ne faut pas s’imaginer qu’il se fasse et s’accomplisse par une connaissance historique et spéculative des vérités de la Religion Chrétienne, par la lecture de l’Écriture sainte, la pratique des cérémonies et exercices usités dans l’Église où l’on est, l’abstinence des vices grossiers ; que cela, accompagné d’une vie moralement bonne et vertueuse, fasse une âme régénérée ou renée, telle que Jésus Christ dit à Nicodème qu’il faut être pour entrer au Royaume des Cieux (Jean 3.), non assurément, c’est une illusion et une erreur bien dangereuse que de le croire ; il faut bien autre chose pour que la racine du vieil homme soit arrachée de l’âme ; pour que le venin du péché, qui a pénétré tout notre Être, soit évacué ; pour que notre âme en soit purifiée, nettoyée et affranchie de la domination de Satan, qui a entrée et règne dans cette nature corrompue de notre âme ; il faut bien autre chose pour que la propriété, qui est la vie foncière du vieil homme, soit bannie du cœur, et que le pur amour de Dieu y soit rétabli ; lequel est la vie du nouvel homme, qui est recréée en nous par le même Jésus Christ notre Rédempteur et Rémunérateur, qui seul peut et veut nous délivrer de l’esclavage du vieil homme, par lequel nous sommes esclaves de Satan, de notre propriété, qu’il veut exterminer, crucifier et nous purifier du venin du péché par la vertu de son sang.

9. Mais cet ouvrage de notre régénération étant d’une si grande étendue, et les États différents par lesquels il faut que l’âme passe, dans laquelle l’esprit de Jésus Christ opère cet ouvrage, il a plu au St. Esprit de représenter ces États et ces opérations sous l’emblème de diverses figures, aussi bien que les États et Caractères de l’âme dans son État de corruption ; de même aussi ceux de la même âme après avoir passé ces États de purification ; le nouvel homme dans son Enfance et dans son accroissement y est représenté. Sur tout ces choses sont mises au jour, dans un grand détail, dans ce Livre mystérieux de l’Apocalypse de St. Jean, qui en est rempli, aussi bien que de plusieurs autres mystères que personne ne peut comprendre, à moins que le Saint Esprit, qui a dicté ce livre, ne lui en donne l’intelligence ; l’on en comprend autant qu’il lui plaît d’en manifester et pas davantage ; car c’est en vain que l’Esprit humain s’efforce à comprendre, approfondir et calculer les choses et les temps qui sont marqués dans ce livre ; il demeure caché et scellé à la raison humaine.

10. Outre les Lumières gratuites qu’il plaît au St. Esprit de donner des mystères qui y sont contenus aux âmes simples et enfantines, qui sont vides d’elles-mêmes et de leur propre science et sagesse, l’expérience des états de l’âme qui y sont décrits est ce qui peut donner l’intelligence la plus solide et la plus certaine et utile de ce livre, lorsqu’il plaît au St. Esprit de découvrir à l’âme qu’il a fait passer par ces états la description qui en est faite sous les figures qui y sont présentées. Il faut, pour rendre témoignage à la vérité et donner la gloire qui est due à Dieu des merveilles de grâce qu’il opère dans les âmes Enfantines, il faut, dis-je, pour ce but et l’édification des âmes sincères qui liront ceci, dire que ce que celui qui a écrit cette explication de ce livre l’a fait par la lumière qu’il a plu à l’Esprit de grâce de lui donner des États par lesquels le même Esprit l’a conduit, aussi bien que par celle qu’il a plu aussi au même Esprit de lui donner des états que d’autres âmes de sa connaissance ont éprouvées, dont il a été le témoin oculaire et a eu bonne part par la dispensation Divine.

11. Ainsi le Lecteur pieux peut croire sans doute que ce qui est traité dans cette explication de ce Livre n’est assurément point les spéculations de l’esprit humain, puisque celui qui l’a écrite en est même incapable, non plus que d’avoir ramassé par-ci par-là ces matières d’autres livres ; non, assurément, il a écrit simplement, selon qu’il a été poussé intérieurement, ce qu’il a plu à l’Esprit de grâce de lui manifester des États qu’il a expérimentés à lui-même et aux âmes auxquelles il a plu à Dieu de l’associer, qui sont comme lui dans la conduite de l’Esprit Divin, leur ayant fait la grâce, comme à lui, de les avoir attirées à lui pour lui appartenir et être dévouées sans réserve.

12. Ainsi l’on donne ici le récit des opérations de l’Esprit de Jésus Christ dans les âmes, où il commence, poursuit et achève l’ouvrage de la régénération, selon qu’il lui a plu de le faire expérimenter, pour lui donner la gloire et l’honneur de cette œuvre admirable, qui est celle qui le glorifie le plus, qui est la plus importante, et d’un plus grand poids et nécessité pour nous ramener à notre vraie félicité, qui se trouve dans l’ordre Divin, dans lequel nous sommes remis par la régénération. C’est, dis-je, l’ouvrage qui est plus important que toute autre chose, et en comparaison duquel tous les évènements extérieurs, toute la science des temps et des révolutions, depuis le commencement du monde jusqu’à la fin, n’est qu’une science peu utile, au prix d’apprendre et d’être invité à laisser entrée à l’Esprit de Jésus Christ dans nos cœurs afin qu’il nous renouvelle, sans lui faire résistance, même sous bon prétexte, à mourir à soi-même afin que cet Esprit saint vive et opère seul en nous.

13. C’est là le désir et le but de l’Esprit, qui a fait écrire ceci pour témoigner de la vérité, réalité et nécessité de ces choses ; l’on y voit jusqu’où va la malice de notre nature et la profondeur du fond de notre corruption, incroyable à qui ne l’a pas expérimenté, et qui ne se connaît que lorsque l’âme est dans l’opération de l’esprit de Jésus Christ, qui en a pris possession pour l’en purifier et l’en délivrer.

14. L’on témoigne qu’il n’y a rien d’exagéré dans tout ce qui est dit de ces états, aussi bien de ceux de la corruption foncière et malice de la propriété qui y est décrite, et de la violence que plusieurs parties éprouvent dans ces états de la misère déplorable où elles se trouvent réduites pour un temps ; il n’y a, dis-je, rien d’exagéré dans ce qui en est écrit ici ; l’expérience l’a enseigné, comme il a déjà été dit et que l’on le répète pour le certifier ; il n’y a non plus rien d’exagéré dans ce qui est dit de la félicité, de la paix, du bonheur inaltérable dont l’âme jouit dans l’union Divine lorsqu’il a plu à Dieu, par sa miséricorde infinie, de faire passer heureusement l’âme par ces états pénibles.

15. L’on peut voir par-là que l’ouvrage de la régénération et de la renaissance n’est pas un ouvrage si léger et que l’on n’y parvient pas si facilement que l’on se l’imagine communément, et combien de gens se trouveront trompés ; comment il est véritable que quiconque ne renonce à tout ce qu’il possède ne peut être disciple de Jésus Christ (Luc. 9, 23. 34.), que celui qui ne hait sa propre âme ne peut être son Disciple (Ch. 14, 33.) et enfin qu’il faut naître de nouveau pour entrer au Royaume de Dieu. (Jean 3.)

 

 

 

 

 

L’Apocalypse

ou Révélation de saint Jean.

 

 

 

CHAP. I.

 

 

LA Révélation de Jésus Christ, qu’il a reçue de Dieu.

 

Cette révélation a été donnée de Dieu à Jésus Christ, comme étant Dieu-Homme, ou bien Dieu manifesté en chair (1. Tim. 3. v. 16.), à ce Dieu qui a revêtu la nature humaine et est ainsi devenu semblable à nous, afin de se pouvoir communiquer à nous et converser avec nous ; il a été donné de Dieu de se révéler à nous ; et non seulement hors de nous par nos sens, auxquels il s’est manifesté, étant dans ce monde, pendant le temps qu’il y a conversé avec ses Disciples, et par l’histoire de ses faits et de la doctrine qu’il nous a laissée par écrit, mais, principalement, il a été donné à notre Seigneur Jésus Christ de se révéler en nous. Cette Révélation est la plus glorieuse et la plus réelle de toutes.

Et quoique ce livre ici soit un Livre de Prophétie, touchant ce qui est arrivé et arrivera jusqu’à la fin du monde, dans le monde et dans l’Église à l’extérieur, et est ainsi la Révélation de Jésus Christ, comment il établira son Règne et en prendra possession dans tout le monde, détruisant tous ses ennemis, et les faisant être le marchepied de ses pieds (Psau. 110.), que ce soit l’histoire de ces exploits, c’est aussi principalement l’entière Théologie Mystique, ou les voies par lesquelles Jésus Christ conduit chaque âme dans laquelle il veut se révéler ou se manifester, dans laquelle il veut rétablir son Royaume.

C’est donc le récit de ce que Jésus Christ opère dans cette âme et des États par lesquels il faut que cette âme passe afin d’être renouvelée ; ce qu’il faut qu’il lui arrive et qu’elle expérimente, depuis le premier État de sa conversion vers Dieu jusqu’à son entière réunion à Dieu, ou jusqu’à son renouvellement, par lequel elle redevient une nouvelle Créature, le temple où Dieu habite, la nouvelle Jérusalem ; c’est de quoi nous écrirons, s’il plaît à Dieu, quelque petite chose, selon ce qu’il lui plaira d’en communiquer.

 

Pour faire connaître à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt.

 

Jésus Christ fait connaître à ses serviteurs, à ceux qui se dévouent à lui, qui veulent bien laisser plein pouvoir à son Esprit saint d’agir ou d’opérer en eux cette œuvre de sa révélation, à ceux-là qui ne résistent pas à ses opérations, que ces choses arrivent bientôt. Elles ne tardent pas longtemps à avoir leur accomplissement en eux, savoir les choses qui sont écrites dans ce livre ; mais à ceux qui résistent à son Esprit et lui contrarient sans cesse par leur amour-propre, par leur raisonnement et manque de simplicité, pour ceux-là, ces choses n’arrivent pas bientôt, mais sont retardées, et ils n’en voient pas l’accomplissement, au moins dans cette vie, par manque de foi et de confiance, d’abandon à Dieu ; de même que peu de ceux qui sortirent d’Égypte entrèrent dans la terre de Canaan mais moururent tous dans le désert, à cause de leur incrédulité, hormis ceux qui crurent en Dieu et virent l’accomplissement des promesses de Dieu.

 

Et qu’il a déclarées et envoyées par son ange à Jean son serviteur.

 

Il est à remarquer que notre Seigneur Jésus Christ déclare sa révélation et l’envoie par son ange à St. Jean, le Disciple bien-aimé, qui était le plus intérieur de tous, ayant mené la vie la plus tranquille de tous ; disciple auquel le Sauveur remit sa sainte Mère à ses soins lorsqu’il fut sur le point d’expirer sur la croix, et qui est celui qui a expérimenté le plus cette révélation de Jésus Christ dans son âme ; c’est à celui-là que Jésus Christ donne commission de la manifester au dehors ou d’en laisser un témoignage par écrit pour que ses serviteurs le puissent reconnaître lorsqu’ils expérimenteront les mêmes choses ; il les a déclarées à St. Jean par son ange. C’est parce que, quoique toutes ces choses qui sont écrites dans ce livre eussent déjà eu leur accomplissement dans St. Jean, cependant la vue claire et distincte en est donnée par un ange qui le manifeste à l’entendement et montre distinctement tous les États par où l’âme a passé lorsqu’elle est arrivée au port désiré ; car pendant tout le temps que l’âme est dans ce chemin, elle n’a point cette vue distincte de l’État où elle est, mais tout se passe dans les ténèbres de la foi ; mais étant au but, alors, lorsqu’il plaît à Dieu qu’elle en écrive et rende témoignage des états et des voies par lesquelles elle a été conduite par l’Esprit de Jésus Christ, pour lors cela lui est manifesté par un Ange, un Chérubin.

Comme St. Jean a dû rendre témoignage de ces choses, non seulement pour l’intérieur et la conduite des âmes que Dieu mène dans ces routes cachées aux sens et à la raison humaine, mais qu’il a aussi témoigné pour les évènements extérieurs du monde et de l’Église, il a reçu non seulement cette révélation dans son intérieur, mais aussi au dehors dans les sens en manière de vision ; parce que cette manière se rapporte davantage aux choses extérieures et sont de la portée des sens.

 

v. 2. Lequel a annoncé la parole de Dieu, le témoignage de Jésus Christ et tout ce qu’il a vu.

 

Ce saint Apôtre a annoncé non seulement extérieurement et de bouche la parole de Dieu, comme les autres Apôtres, ayant emmené plusieurs à l’obéissance de la foi Chrétienne, mais il l’a aussi annoncée d’une manière encore plus essentielle et plus intime par le récit qu’il fait en détail de toutes les voies par lesquelles l’Esprit de Jésus Christ conduit les âmes ; qui sont des voies cachées à tous ceux qui n’en ont pas l’expérience, et ils ne les peuvent comprendre, quoique d’ailleurs ils puissent bien être dans le chemin qui mène à salut et être selon leur état gens de bien et pieux.

St. Jean a expérimenté l’Effet de la parole de Dieu, qui est le Verbe, d’une manière toute particulière, ayant été honoré des communications intérieures du Sauveur, étant penché sur son estomac ou sur son sein ; il témoigne donc de Jésus Christ même et de tout ce qu’il a vu qui sont les routes qui conduisent à lui.

 

v. 3. Heureux celui qui lit les paroles de cette Prophétie et ceux qui les écoutent.

 

Heureux sont ceux qui, avec un cœur humble et désireux de se soumettre au joug du Seigneur, lit le témoignage des voies par lesquelles Dieu mène les siens pour les conduire à lui, qui ouvre son oreille au Seigneur en les lisant, désire de l’écouter lui-même : J’écouterai ce que dira le Dieu fort, car il parlera de paix à son Peuple et à ses bien aimés, qu’ils ne retournent plus à leur folie (Psau. 85. v. 9.). C’est ce qui leur est donné à entendre s’ils écoutent ; c’est de se convertir sérieusement au Seigneur leur Dieu, par une volonté sincère d’abandonner leur folie, de n’y plus retourner. Ô Seigneur, fais donc aussi que ceux qui liront ceci soient de ce nombre ! Ouvre leur toi-même leur cœur, afin qu’ils ne demeurent plus endurcis, mais que tes témoignages soient des dards perçants qui les pénètrent jusqu’au fond de leurs âmes et les fasse fondre en larmes d’amour et de regret, aussi bien que de désir d’abandonner les voies de l’iniquité et de se mettre en devoir de marcher dans les voies de la justice, dont tu rends ici témoignage par ton St. Apôtre St. Jean, pour la gloire de ton St. nom, Amen !

 

Et qui gardera les choses qui y sont écrites ; car le temps est proche !

 

Il faut garder comme une huile précieuse et ne pas laisser évaporer par légèreté ce que Dieu nous fait annoncer extérieurement par ses vrais ministres et intérieurement pas les impressions de son bon Esprit en nous. Notre temps est toujours plus proche, celui de notre vie ici-bas très court et incertain ; heureux celui-là seul qui tourne toute son attention vers Dieu et sa parole, pour l’écouter afin de la suivre, qui la reçoit dans un cœur honnête et bon. (Luc. 8. v. 15.)

 

v. 4. Jean aux sept Églises qui sont en Asie.

 

Il a plu à Dieu de mettre ces sept Églises comme un modèle de toutes les sortes ou espèces d’âmes qui se convertissent à Dieu, et d’exprimer en elles toutes les sortes de tentations auxquelles chacune est sujette, et les remèdes qui leur sont opposés par les admonitions que le Seigneur leur donne ici. Elles se rapportent aussi aux sept facultés de l’âme : l’entendement, la mémoire, et les cinq sens, comme l’on le verra dans la suite.

 

Que la grâce et la paix vous soit donnée de la part de celui qui est, qui était, et qui sera, et de la part des sept Esprits qui sont devant son Trône.

 

Notre très adorable Sauveur a toujours donné pour salutation à ses Apôtres : La Paix vous soit (Jean 20. v. 19. 21. 26.) ; ici St. Jean l’a donnée aussi, et la grâce. Si nous donnons entrée à la grâce qui se présente à nous et veut que nous lui ouvrions notre cœur, nous avons la paix ; car la grâce apporte la paix dans nos cœurs ; en la suivant, lui obéissant dans ses admonitions, nous soumettant à son joug, cela nous donne la paix de Dieu dans nos cœurs, qui est un bien inexprimable et plus grand que tout ce que l’on peut en concevoir. Cette paix est celle que le monde ne peut recevoir (Jean 14. v. 17. 27.), car il ne la connaît point ; elle est la marque que Dieu est présent au cœur ; car où il est, là est la véritable paix pour l’âme, mais il n’y a point de paix pour le méchant, a dit mon Dieu (Esa. 48, v. 22.). Ils errent continuellement dans leurs voies perverses, parce qu’ils ne veulent point se soumettre à Dieu ; ils n’ont que confusion de trouble, et qu’inquiétude continuelle ; c’est seulement en rentrant dans l’ordre de Dieu que nous retrouvons la paix, car il est notre Centre et le lieu où notre âme repose, et nulle part ailleurs.

 

De la part de celui qui est.

 

Quel nom Magnifique ! Oui certes, ô mon Dieu, tu es, toi seul, et en comparaison de toi toutes les Créatures, tout le reste n’est qu’un pur rien, car c’est de toi seul et en toi seul qu’elles sont, et c’est aussi en toi qu’elles disparaissent ; ô que le cœur que tu honores d’un rayon de ta Divine présence soussigne bien à ce nom que tu te donnes : tu es ; et tout le reste n’est rien pour une âme à laquelle tu te manifestes ; ô que nous n’ayons de repos qu’en toi mon Dieu ! que nous surpassions sans cesse toutes choses, toutes les créatures, oui, les plus saintes, et nous-mêmes surtout, pour ne reposer qu’en toi seul, parce que tu es seul, as été, et seras éternellement ! Mais tout le reste, quelque bon qu’il soit, oui, le plus excellent, qui sont les moyens dont tu te sers pour nous conduire à toi, les Créatures que tu emploies comme des instruments pour cela ne sont que pour un temps, et si elles ne se perdent pas en toi, elles périssent et se corrompent ; ô fais donc que notre course soit si rapide que nous ne nous arrêtions pas un moment à la créature, mais la surpassions sans cesse pour nous plonger en toi, ô notre Dieu et Roi ! Que tous ceux auxquels tu nous unis par ton ordre sacré ne soient jamais arrêtés un moment par nous dans la créature, mais se perdent avec nous, sans fin en toi, ô Seigneur ! qui seul es notre terme et notre unique but.

C’est donc de par celui qui est, qui était, et qui sera que vous êtes salués enfants de Sion. C’est en lui que l’on vous donne rendez-vous, et c’est là seulement qu’on veut se trouver ; surpassez tout, et vous arriverez dans cet heureux séjour de Paix où le Dieu de Paix règne. C’est où il est, lui seul, et nul autre ; il ne souffre point de compagnon. C’est là ce qui fait sa perfection, d’être lui seul ; dans l’unité tout se trouve rassemblé ; ce qui était dispersé et égaré s’y retrouve concentré ; rentrez-y, ô âmes, vous y êtes invitées ; sortez de la multiplicité, vous trouverez la paix dans l’unité ! C’est là où il n’y a plus de temps, de passé ni d’avenir, tout est toujours présent. C’est le moment Éternel, là rien ne cause altération ou changement, car c’est toujours le même. Êtes-vous assaillis de crainte pour l’avenir, de soins et de souci ? Unissez-vous à celui qui est et qui sera toujours le même, et toutes les terreurs s’évanouiront, la paix seule vous restera en lui ; apprenez ce secret, et vous serez heureux, même au milieu des feux ! Félicité sans borne, parfait contentement, exempt de tout tourment, que tu es peu connu ! C’est qu’on aime le variable, ce qui change et périt ; l’on s’y amuse et l’on s’abuse, l’on dédaigne le vrai bien et se repaît d’un rien.

 

Et de la part des sept Esprits qui sont devant son Trône.

 

Quels sont ces sept Esprits autres que les Princes des Séraphins et de chaque Hiérarchie des anges, qui brûlent sans cesse comme des lampes ardentes devant le trône de notre grand Dieu, lui rendant hommage en l’adorant et le contemplant sans cesse ? Ils ne bougent de cette place dans une immobilité et activité sans égale ; ô Dieu, quel emploi ? Il n’est pas permis au langage humain d’en parler : Isaïe (chap. 6.) en eût la vision ; ils crient sans cesse : Saint, saint, saint, est l’Éternel des armées. C’est de la part de ces Esprits saints que la paix nous est donnée, si nous voulons nous laisser consumer du même feu dont ils brûlent sans cesse, qui est celui du pur amour de Dieu, nous laissant purifier par ce feu sacré et consumer toute l’impureté pour être rendus saints comme est saint notre Dieu, perdant notre être impur pour revêtir le sien qui est trois fois saint ; alors nous recevrons la grâce et la paix de ces Esprits saints et aurons part à leur heureux sort ; nous contemplerons notre Dieu, brûlerons sans cesser, comme de petites lampes devant son trône saint. Ô Seigneur, consume par le feu de ton sang précieux toutes nos impuretés, afin qu’étant changés dans ce feu sacré, toute notre capacité soit de te contempler et de t’aimer.

 

v. 5. Et de la part de Jésus Christ, qui est le témoin fidèle.

 

Il est celui qui nous apporte la grâce et la paix en étant reçu chez nous et en nous ; il y est le témoin fidèle, il rend témoignage avec fidélité et selon la vérité de ce qu’il trouve, et veut être en nous, qui ne sommes que vanité et mensonge ; il n’y trouve que péché et impureté. C’est cela dont son Esprit rend témoignage en nous ; si nous voulons l’écouter, nous apprendrons que cela est la vérité et qu’il n’y a qu’un seul bon, savoir Dieu (Matth. 19. v. 17.) ; il est donc à notre égard le témoin fidèle, et nous manifeste à nous-mêmes sans déguisement, sans nous flatter, et selon la vérité ; il témoigne aussi fidèlement de ce qu’il veut opérer en nous, savoir la mort de ce vieil homme pécheur et la résurrection du nouvel homme, créé selon Dieu en justice et vraie sainteté (Éph. 4. v. 24.), et nous rendre par-là participants de la nature Divine (2. Pierre 1. v. 4.). C’est là l’œuvre qu’il opère, œuvre qui nous donne la véritable paix, en nous réunifiant à Dieu.

 

Le premier né d’entre les morts.

 

Jésus Christ est le premier qui est ressuscité des morts, et cette résurrection est la renaissance du nouvel homme ; il a été le premier dans lequel cette merveille s’est faite, qui, après être mort corporellement à cette vie et corps grossier de péché, est ressuscité corporellement pour nous assurer que nous ressusciterons aussi après lui, et renaîtrons ainsi de nouveau, même à l’égard de notre corps. Il est aussi le premier-né d’entre les morts mystiques et nous a aussi franchi ce chemin-là, dans lequel il nous mène par la conduite de son Esprit saint en nous ; il opère la mort du vieil homme et fait naître le nouveau, dont il est le premier-né. Car comme il a été tenté en toutes choses sans pécher (Hébr. 4. v. 15.) pour nous servir d’exemple, et nous a par là mérité la grâce d’être secourus de lui dans tous les états et sortes de tentations qu’il surmonte en nous, de même, il a porté tous les états mystiques de la même manière, non qu’il en eût besoin pour lui, mais pour nous, comme notre Roi et Capitaine qui a fait et souffert le premier et passé par tous les états par lesquels il faut que nous passions pour arriver à la gloire.

 

Et le Prince des Rois de la terre.

 

Ô oui, certes, mon Sauveur ! que nous t’adorions et te révérions comme tel ; tu l’es, et quoiqu’à présent il semble que le Diable ton adversaire soit le Prince des Rois de la terre, puisqu’ils lui sont soumis et lui obéissent bien plus qu’à toi, si est-ce que ce temps ne durera pas toujours et est bientôt sur sa fin ; tu te soumettras tous les Empires, et l’iniquité sera détruite. C’est ce que nous espérons et attendons à être accompli lorsque ton temps sera venu. Il nous appartient de souffrir et de mourir sur la terre à ton exemple, et lorsque tu auras renouvelé cette terre, alors tu y régneras avec les tiens, dont tu es le Prince et le Souverain des Rois, que tu auras élus d’entr’eux.

 

v. 6. Qui nous a aimés et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang, et qui nous a faits Rois et Sacrificateurs de Dieu son Père ; à lui soit la gloire et l’Empire dans tous les siècles ! Amen !

v. 7. Le voici qui vient sur les nues : tout œil le verra, ceux même qui l’ont percé, et tous les Peuples de la terre se frapperont la poitrine en se présence. Cela est certain. Amen.

v. 8. Je suis l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin, dit le Seigneur, qui est, qui était, et qui sera, le Tout-Puissant.

 

Ces paroles sont si majestueuses qu’elles impriment un respect, une vénération, qui ne se peut exprimer pour ce grand Dieu qui se manifeste à sa pauvre créature, la remplissant en même temps d’amour et de joie, dans l’espérance de l’accomplissement de ses promesses qu’il vient, qu’il est en chemin ; oui, sans doute, et nous n’avons pas besoin d’attendre qu’il vienne à la fin du monde, de savoir si elle est proche ou encore loin ; il vient pour un chacun de nous ; ce qui est la fin du monde pour un chacun de nous est la fin de notre vie dans ce monde. C’est là le temps qui nous regarde ; que nous importe le reste ; s’il est loin ou près, c’est à présent notre heure, et avant que nous y pensions, la croyant fort éloignée, elle est là et nous remplit d’effroi et de désespoir d’avoir négligé un temps si cher ; il ne nous reste que de frapper sur notre poitrine en sa présence, de déplorer le temps que nous avons perdu et méprisé, qui ne peut être racheté qu’après bien des douleurs et bien des ennuis, et jamais restitué.

Mais quelle joie, pour ceux qui ont vécu ici-bas en sa sainte présence, de savoir que son avènement est proche ! Quelle plus grande joie encore de savoir que cet avènement n’arrive pas seulement à l’heure de notre mort, mais même dès cette vie si nous nous abandonnons pendant son cours à ce Dieu de charité pour qu’il nous mette en état de pouvoir se manifester en nous, ce qui est son avènement ; il est, dans cette œuvre admirable, le Commencement et la fin ; il la commence en nous, nous prépare, ou bien il prépare en nous le lieu où il veut faire sa demeure, où il veut faire son entrée Royale, comme dans son Palais, le lieu de sa demeure ; c’est là, au dedans de nous, où il vient se manifester ; tout œil le verra, tous ceux dont les yeux seront ouverts, auxquels il aura lui-même rendu la vue, car nous sommes tous des aveugles-nés ; ceux mêmes qui l’ont percé, qui lui ont fait outrage, se convertissant à lui, le verront, l’adoreront, et se soumettront à son Empire ; ils lui rendront hommage. Ô Seigneur, que nous t’adorions dès à présent sans cesse, car tu es aussi présent que si nous te voyions corporellement ; ta présence remplit toutes choses, et tu n’es point moins dans un lieu que dans l’autre, tu n’es point ni plus loin ni plus proche de nous, en un temps que dans un autre, car tu remplis toutes choses ; ce n’est qu’à notre égard, par rapport à la vue et au sentiment distinct que nous en avons, que ces choses ont lieu ; car tu es partout et en tout, toujours plus proche et présent à nous que nous ne le sommes à nous-mêmes ; pénètre-nous de cette vérité de foi qui est si importante et ne souffre aucun doute, afin que tu nous sois aussi présent continuellement, comme nous te sommes présents ; vivant ainsi devant tes yeux, nous serons parfaitement heureux, car ta face est un rassasiement de joie, il y a des plaisirs en ta droite pour toujours. (Psau. 16, 11.)

 

v. 9. Moi, Jean, qui suis votre frère.

 

Voyez l’affabilité, l’humilité, la charité, et la douceur avec laquelle l’Apôtre bien aimé, le favori du Seigneur Jésus, s’adresse à nous comme à ses frères ; ô mon Dieu, qu’est devenu cet Esprit de douceur et de charité ? Il a quitté la terre et ses habitants, il est retourné à son principe, il ne se trouve plus dans ceux qui veulent tenir la place de St. Pierre et de St. Jean partout dans l’extérieur de l’Église ; et l’humilité et la charité en étant bannie, la vérité en est aussi ; l’orgueil et le mensonge règnent ; ô brebis du Seigneur, allez, allez, retournez à votre bon berger Jésus, il vous appelle ; vous retrouverez auprès de lui la charité, l’humilité et la vérité, et il vous la communiquera par son Esprit, il bannira et arrachera de votre cœur la fierté, l’orgueil, l’arrogance et le mensonge, qui sont indentés en vous et vous rendent inaccessibles à la vérité.

 

Et qui ai part à l’affliction, au Règne, et à la patience de Jésus Christ.

 

L’Affliction est la première chose que notre Seigneur Jésus Christ nous communique si nous nous mettons à sa suite ; notre vieil homme est crucifié, nous sommes mortifiés à nos passions de toutes sortes de manières, extérieurement et intérieurement, et c’est cette part que nous avons à la mortification et mort de tout nous-même qui nous fait après cela avoir part au Royaume de Jésus Christ, par la patience à souffrir toutes ces afflictions ; c’est par là que Jésus Christ prend son règne en nous, c’est le chemin de renoncement à nous-mêmes et de patience que Jésus Christ, et St. Jean à sa suite, a marché, et qu’il nous faut suivre si nous voulons être gratifiés de son Règne en nous.

 

J’étais dans l’île de Patmos pour la parole de Dieu, et à cause du témoignage de Jésus Christ.

 

Le St. Apôtre était relégué dans cette île à cause du témoignage de Jésus Christ, qu’il avait donné extérieurement en prêchant son nom ; et la providence Divine l’avait fait mettre à part dans ce lieu, pour que, désoccupé de toute autre chose, il vaquât uniquement à Dieu, n’ayant d’autre chose à faire que de l’adorer et le contempler ; c’est dans cette occupation Divine qu’il est instruit de ce que la parole de Dieu, qui est Christ en nous, y opère.

 

v. 10. Je fus ravi en Esprit un Dimanche.

 

C’est au jour du repos, auquel on cesse de ses œuvres et garde le repos, étant attentif au Seigneur, aussi bien intérieurement et bien plus, étant encore plus nécessaire pour être en état ou disposé comme il faut pour entendre la voix du Seigneur, qu’extérieurement, à quoi quelque travail innocent et légitime pour occuper les sens extérieurs n’est pas nuisible mais souvent avantageux pour aider à l’attention intérieure du cœur envers Dieu.

Le ravissement de l’Apôtre est ici un ravissement extraordinaire, que Dieu ne donne pas à tous, et n’est pas non plus nécessaire ; c’est pour réveiller l’attention des hommes, qui en ont davantage pour les choses qui n’ont pas une apparence commune, comme sont toutes les choses qui sont écrites dans ce livre.

Le Ravissement d’Esprit que nous devons chercher est de nous quitter sans cesse nous-mêmes pour être de volonté et de tout notre amour et affection tournés vers Dieu et en lui, nous détournant toujours, et toutes les fois que nous sentons que nous sommes tournés de vue et d’affection vers les créatures ou occupés de nous-mêmes, de ce qui nous concerne ; nous devons, dis-je, nous en détourner intérieurement et nous tourner vers Dieu, faire notre unique et principale affaire de nous occuper de lui ; par là nous serons peu à peu ravis en lui, notre esprit s’unira à lui et y sera ravi, transmis et transporté d’une manière aussi permanente et continuelle qu’elle paraîtra naturelle et toute commune, sans produire en nous aucune altération ; Dieu sera notre lieu naturel, où nous reposerons et vivrons tranquillement sans effort et sans gêne, comme dans notre Élément.

 

Et j’entendis derrière moi une voix éclatante comme le son d’une trompette.

v. 11. Qui disait : Je suis l’Alpha et l’Omega, le premier et le dernier.

 

Il est à remarquer que notre Seigneur Jésus Christ, se manifestant en Esprit, prend le nom et répète si souvent qu’il est le premier et le dernier. Il est le premier homme dans l’innocence, sainteté et pureté, dans laquelle Dieu a créé l’homme ; il est né selon sa nature humaine dans cet état de gloire et d’innocence d’Adam ; c’est pour cela qu’il est nommé dans sa généalogie fils d’Adam qui fut créé de Dieu (Luc. 3.) et lorsqu’il était dans l’état glorieux où il fut créé de Dieu avant sa chute. C’est pour cela qu’il est nommé aussi le premier né de toute créature (Col. 1. v. 15.), ce qui n’aurait point pu être dit de lui s’il n’était né que de la Sainte Vierge Marie ; il est donc dans ce sens le premier homme qui est resté et a persisté dans l’état d’innocence. Il est aussi le dernier, et aucun ne restera que lui ; tous les autres hommes tombés dans la chute d’Adam mourront ; c’est cette chute qui a donné la vie au vieil homme dans tous les hommes, lequel vieil homme, avec tout ce qu’il a produit, mourra et périra ; Jésus Christ seul, qui est le nouvel homme, est le dernier et restera seul, ayant repris vie en tous ; tout ce qui n’est pas lui et la vie de son Esprit périra pour toujours et sera exterminé ; c’est ainsi qu’il est le premier et le dernier, comme la parole Éternelle ; il est aussi le premier par lequel toutes choses sont créées ; Dieu bénit Éternellement (Rom. 9. v. 5.). Et par cette même parole il détruira tout ce que le péché et la malédiction ont produit dans l’homme et dans toutes les créatures, et les renouvellera, les remettant dans l’état dans lequel il les a créées, comme il est marqué dans ce livre qu’il créa un nouveau ciel et une nouvelle terre (Apoc. 21, 1.) après que ce qui est grossier, matériel et produit par le péché et le fruit de la malédiction qu’il avait apportée fut consumé par le feu. C’est de cet embrasement et par lui que ce nouveau Ciel et terre (2. Pier. 3. v. 12. 13.) est manifesté, qui était comme enveloppé et caché sous cette croûte épaisse si grossière que le péché a produite.

 

Écrivez dans un livre les choses que vous voyez, et envoyez-le aux Églises qui sont en Asie, à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie, et à Laodicée.

 

Dieu a voulu que le Divin Apôtre écrivît ce qu’il a vu pour l’édification des Églises ici marquées ; il veut aussi, et j’en suis convaincu, sans me comparer à ce Saint Apôtre, que j’écrive ce qu’il lui plaît, par pure grâce, de me manifester de ce qui est contenu dans ce livre ici, pour l’édification et admonition de ces Églises, qui subsistent encore en Esprit. Ce sont les âmes appelées de Dieu, qui sont entrées dans la première conversion du péché à la grâce, qui sont dispersées par toutes les nations et religions du monde, Dieu n’ayant égard qu’au cœur, et non à l’extérieur des hommes ; cet écrit est à lui, comme tout ce qu’il a voulu me faire écrire ; il en fera ce qu’il lui plaira ; je n’y puis ni n’y veux rien prendre.

 

v. 12. Alors je me tournai pour découvrir de qui était la voix qui me parlait et, m’étant tourné, je vis sept Chandeliers d’or et, au milieu des sept Chandeliers, quelqu’un qui ressemblait au fils de l’homme et qui était vêtu d’une longue robe et ceint sur la poitrine d’une Ceinture d’or.

v. 14. Sa tête et ses Cheveux avaient la blancheur de la laine et de la neige, et ses yeux étaient comme une flamme de feu.

v. 15. Ses pieds étaient semblables à l’airain le plus fin, et aussi ardent que s’il eût été dans une fournaise, et sa voix ressemblait au bruit des grosses eaux.

v. 16. Il avait sept Étoiles en sa main droite, et une Épée aiguë à deux tranchants qui sortait de sa bouche, et son visage était resplendissant comme le soleil lorsqu’il est en sa force.

 

Voilà une description bien majestueuse de celui qui ressemblait au fils de l’homme. C’est le fils de l’homme lui-même qui se présente ici, comme il est en effet. Notre Seigneur Jésus Christ se nomme le fils de l’homme par rapport à son humanité, c’est à dire, comme l’on la déjà dit, le premier né d’Adam, qui est l’homme dont il est né. C’est dans ce corps glorieux, qu’il a pris de lui dans son état d’innocence, qu’il se manifeste ici à St. Jean ; et nous ne pouvons avoir une représentation plus juste, autant que nos sens grossiers sont capables de le comprendre, de ce corps glorieux que ce que St. Jean nous en rapporte ici. Il est néanmoins encore couvert d’une longue robe pour en cacher encore la beauté, parce qu’il ne lui plaisait pas de se manifester tout au nu ; il veut seulement en découvrir une partie, et de ce que son visage était resplendissant comme le soleil lorsqu’il est en sa force, cela doit suffire pour faire juger de la majesté et clarté de tout le reste de son corps ; puisque les pieds, comme la partie la plus basse, étaient semblables à l’airain le plus fin et aussi ardent que s’il eût été dans une fournaise. Ce qui n’est autre chose qu’un véritable feu très clair ; quelle subtilité et quelle Majesté ne doit donc pas avoir un tel corps ? Car, assurément, ce n’est point ici un corps emprunté que le fils de Dieu a, mais le sien propre. Ce n’est point une vision imaginaire ou en figure, mais la vérité comme il est en effet ; nos corps glorieux, celui d’Adam avant sa chute et ceux desquels nous serons revêtus après la résurrection, auront du rapport à celui-ci et lui seront semblables à proportion ; car comme notre Seigneur a revêtu notre corps grossier tel qu’il est à présent, il nous fera aussi revêtir l’immortel et le glorieux dont il est revêtu à présent, à savoir ceux qui l’auront suivi ici-bas dans son abaissement.

 

L’Épée qui sort de sa bouche est sa parole, qui est une Épée à deux tranchants.

 

C’est quelque chose d’admirable comment notre Seigneur Jésus Christ témoigne partout, comment il est si près de nous, oui en nous. Si quelqu’un m’aime, il sera aimé de mon Père, et sous viendrons à lui et ferons notre demeure en lui, et ici il se présente au milieu de sept chandeliers d’or ; ces sept Chandeliers se rapportent aux sept Églises nommées ici ; ce sont sept Anges ; et se rapportent aussi aux sept facultés de l’homme : l’intelligence, la mémoire, et les cinq sens ; Jésus Christ est au milieu, comme la vie de notre âme, et représente ainsi qu’il est au milieu de nous et règne en nous, nous gouverne et vivifie ; après nous avoir renouvelés, il rend toutes nos facultés nobles et de prix de fin or, et en fait des flambeaux qui luisent par la clarté et la noblesse qu’il leur communique. Quelle grâce, bon Dieu ! d’être fait la demeure, le temple du Tout-Puissant ! Vous êtes le temple de Dieu (1. Cor. 3. v. 16. 17.) ; il a sept Étoiles dans sa main droite. Il s’en sert, régit et manie comme il lui plaît les sept hiérarchies ou ordres d’Anges et d’âmes de son Église, et toutes les facultés de l’homme.

 

v. 17. Au moment que je l’aperçus, je tombai à ses pieds comme mort, mais mettant sa main droite sur moi, il me dit : Ne crains point, c’est moi qui suis le premier et le dernier.

v. 18. Je suis vivant, j’ai été mort, mais maintenant je suis vivant pour toute l’Éternité, Amen ! J’ai, de plus, les clefs de l’enfer et de la mort.

 

Qui craindra ta Majesté, ô mon Sauveur, puisque tu te montres si amiable envers la pauvre âme toute tremblante et qui tombe en défaillance à la vue de ta Majesté lorsque tu la manifestes ? Tu fortifies et relèves, tu parles bénignement et familièrement à cette pauvre âme étonnée ; tu chasses d’elle toute crainte et lui donnes une hardiesse à converser avec toi comme si tu étais son semblable, son compagnon ; ô que tu es bien amateur des âmes, mon Dieu ! Que nous recevions tes faveurs, la grâce dont tu nous honores, avec le respect, l’amour, et l’anéantissement qui nous convient ; que nous soyons toujours comme morts à tes pieds, que toute vie propre soit bannie par ta présence, que tu sois seul celui qui vive éternellement en nous et nous vivifie, que rien que toi n’agisses, ô Seigneur ! ne parles, et ne fasses, car tu as été mort, et nous devons aussi mourir afin que tu vives en nous pour toute l’Éternité comme tu vis en toi-même ; nous n’avons rien à craindre, puisque tu es le premier et le dernier et que tu veux l’être en nous, comme il a été dit ; tu as aussi les clefs de l’Enfer et de la mort, et ainsi nous n’avons pas sujet de les craindre non plus, puisque s’il te plaît de nous y conduire comme il faut que nous y passions, tu y vas avec nous comme tu y as été à ta mort, et que tu t’en es rendu le maître ; ainsi tu y commandes et sauras bien nous en tirer ; rien de nous n’y restera, que la propriété qui nous empêche d’être unis à toi ; qu’elle périsse donc et ne reçoive aucun quartier. Car c’est l’homme de péché et de perdition. (2. Thess. 2. v. 3.)

 

v. 20. Voici le mystère des sept étoiles que vous avez vues dans ma main droite, et des sept Chandeliers d’or. Les sept Étoiles sont les sept Anges des sept Églises, et les sept Chandeliers que vous avez vus sont les sept Églises.

 

Les sept étoiles sont bien, selon la Lettre, les sept Évêques de ces Églises d’alors, mais ce sont aussi en effet sept anges, constitués pour gouverner les âmes de chacune de ces Églises, ou ordres, selon le sens spirituel, que nous expliquerons s’il plaît à Dieu.

 

 

 

CHAP. II.

 

v. 1. Écris à l’Ange de l’Église d’Éphèse : Celui qui tient les sept Étoiles dans sa main droite et qui marche au milieu des sept Chandeliers d’or dit ces choses :

v. 2. Je connais vos œuvres, vos travaux et votre patience ; je sais que vous ne pouvez souffrir les méchants, que vous avez éprouvé ceux qui se disent Apôtres et qui ne le sont point, et que vous les avez trouvés menteurs.

 

CET ordre d’âmes qui composent cette Église, selon le sens spirituel que je traite ici, est celui où le feu et le Zèle pour la gloire de Dieu prédomine, et se rapporte à l’odorat et à la Planète Mars ; ceux-là, dès leur conversion, entrent avec un grand courage et un grand Zèle dans le chemin de la pénitence ; ils ne peuvent souffrir les méchants, ils les reprennent avec force et ne peuvent tolérer l’hypocrisie et le mélange, la mollesse et la lâcheté dans le chemin de la conversion et du retour à Dieu ; ils emploient leur feu et leur courage à se combattre eux-mêmes et toutes leurs passions avec force, et ne se donnent aucun quartier sur quoi que ce soit ; ils ne souffrent point le mal en eux, là où ils le connaissent ; ils embrassent l’austérité et les travaux de la pénitence avec un zèle héroïque. Car il faut remarquer que les âmes auxquelles on écrit ici sont dans l’état de la première conversion et dans le travail de la propre activité, où elles sont aidées de la grâce ; ce sont donc ces bonnes œuvres vertueuses, faites dans cet état, qui sont louées ici ; ces travaux et cette patience dans la souffrance extérieure et intérieure que ces âmes, dans le combat où elles sont engagées contre les ennemis au dehors et au dedans, dans lequel combat elles témoignent leur fidélité et en sont louées par Jésus Christ, cela lui étant très agréable, est ce qui est requis pour lors de l’âme fidèle.

Une des tentations la plus dangereuse pour cette âme, dans cette ferveur de zèle, est qu’il lui arrive qu’il s’élève en elle la présomption de pouvoir bien être un Apôtre, d’être déjà, dans cet état Apostolique, propre à enseigner les autres et à vouloir convertir le monde. C’est l’amour-propre et la présomption qui, vivant encore au dedans d’elle, lui suggère, par l’artifice de Satan, cette opinion de son état ; cet amour-propre et présomption se couvre du zèle qu’elle sent brûler en elle et de la grâce qui lui est communiquée, dont elle jouit et dont elle goûte avec une grande sensibilité et ferveur (ce qui lui est donné pour elle-même), et elle veut l’engager à l’évaporer au-dehors, s’en servir pour convertir les autres âmes, dont cependant elle est encore incapable, et elle doit conserver précieusement pour elle cette grâce qui lui est donnée, sans quoi elle est en danger de recevoir grand dommage pour elle-même et de peu profiter aux autres.

Mais si cette âme à qui cette tentation arrive est humble ou désire sincèrement de l’être, elle présentera son état à Dieu, lui offrira sérieusement ses pensées et ses désirs avec abandon d’elle-même, mettant en elle-même son état en doute s’il est bon et de Dieu, ou si c’est une tentation, et se mettant ainsi devant Dieu en soupçon d’elle-même et de tout ce qui se fait sentir si vivement en elle ; Dieu lui manifestera infailliblement son état comme il est devant lui et abattra son orgueil et sa présomption qui s’est couvert du spirituel et est d’autant plus dangereux ; Dieu lui enseignera le chemin de la petitesse et de la défiance à elle-même et à tout ce qui se fait sentir et voir à ses sens intérieurs ; il lui fera connaître qu’elle se disait à elle-même être Apôtre et qu’elle est bien éloignée d’être dans cet état éminent, que ce sont des Esprits menteurs et que son propre Esprit est un menteur qui lui a voulu persuader.

Ce sens ici n’exclut pas le sens littéral, qui n’est pas moins véritable, y ayant bien des gens qui viennent et veulent passer pour Apôtres envoyés de Dieu, ayant des talents extraordinaires, ce qui fait qu’ils passent pour tels dans l’opinion de bien des bonnes âmes, et qui cependant ne le sont point ; les âmes de l’ordre ici marqué sont les plus propres à les éprouver ; et si elles le font comme il le faut en la présence de Dieu, elles les trouvent menteurs. De ceux-là il y en a beaucoup, dans ce temps auquel nous vivons, qui se disent être apôtres, envoyés de Dieu, et ne le sont point. C’est pourquoi les âmes sincères ont sujet de ne pas croire à tout Esprit, mais de les éprouver devant Dieu, car plusieurs faux Prophètes sont venus au monde. (1. Jean 4, 1.)

 

v. 4 Mais j’ai un reproche à vous faire, c’est que vous vous êtes relâchés de votre première charité.

 

C’est ce qui arrive d’ordinaire à ces âmes courageuses et d’un grand zèle ; lorsque les premières ferveurs et les premiers feux commencent à les quitter quant au sensible, elles se relâchent de leur première charité, de leur amour envers Dieu ; elles ne peuvent soutenir les états de langueur, les sécheresses, la suspension des consolations intérieures qui les soutenaient ; elles ne s’attachent pas assez purement à Dieu seul en foi, au-dessus d’elles-mêmes et de tout sentiment ; il faut, dans cette épreuve, quand notre propre force nous abandonne, demeurer ferme dans son premier état ou dans sa première résolution d’être à Dieu sans réserve, se sacrifier et s’abandonner à lui, aussi bien dans la sécheresse et dans la langueur ou défaillance de ses forces que dans l’abondance, dans la consolation sensible, dans le zèle aperçu, car si, malgré le manque de ces choses quant au sensible, l’on reste attaché à Dieu et ne retourne pas au monde, à ses amusements, à ses plaisirs, ne redonne pas de nouveau son amour aux créatures, mais attend le Seigneur en patience et se tient en repos dans sa langueur et défaillance, pour lors on reste dans sa première charité, quoiqu’on n’en ait pas le sentiment agréable et consolant comme au commencement.

Car ce n’est pas le sentiment de cette charité et de ce zèle que le Seigneur reproche ici d’avoir délaissé, puisque, pour ce sentiment vif, il le retire lui-même de l’âme pour la purifier et la conduire dans un renoncement d’elle-même plus profond ; c’est pour la détacher du goût sensible de sa ferveur, qui sert de nourriture et de soutien à l’amour-propre, dont l’opération de Dieu, de son Esprit en nous, tend toujours à nous en purifier pour nous apprendre à aimer Dieu toujours plus purement en foi, au-dessus de tout le sensible, et de lui demeurer également abandonnés et délaissés dans tous les états différents par où il lui plaît de nous faire passer, de lumière et de ténèbres, de disette et d’abondance, de consolation et de désolation, afin de nous accoutumer à demeurer également abandonnés à lui dans toutes ces vicissitudes et changements de dispositions qui ne regardent que le sentiment que nous en avons.

C’est le fond de la volonté qui doit toujours demeurer également attaché à Dieu malgré tous ces changements qui arrivent dans les sens intérieurs, au-dessus desquels il faut s’accoutumer de se mettre si l’on veut avancer dans le chemin qui nous conduit à l’union Divine.

Ce n’est donc pas, dis-je, la perte du sentiment de la charité que notre Seigneur reproche ici, mais c’est un véritable ralentissement qui regarde la volonté qui se détourne peu à peu de Dieu et se retourne vers les créatures et vers soi-même pour leur redonner sa complaisance, soins et affections, à quoi l’on avait renoncé pour les donner à Dieu seul ; et c’est sur quoi il faut veiller, car cela est très dangereux et très ordinaire ; la sécheresse s’emparant du cœur, le dégoût nous vient, on reprend insensiblement ce que l’on avait abandonné de ce présent siècle, de ses honneurs, de ses biens, plaisirs, amusements, passe-temps, etc., l’on néglige l’oraison, qui est un temps que l’on passe avec ennui et dégoût, et l’on abandonne ainsi peu à peu l’intérieur.

C’est ici où la persévérance à l’oraison est nécessaire et où le relâchement est des plus funestes ; ne peut-on faire autre chose dans ces temps pénibles à supporter que de se tenir, par rapport à la volonté, en la présence de Dieu le temps que l’on a destiné pour l’oraison, y persévérer ainsi, quelque pénible qu’il soit, quelque insensible que l’on se trouve, et quelque foule de distractions qui remplissent notre imagination de mille pensées importunes, souffrir tout cela avec patience, sans changer d’intention, rester, malgré la pensée que l’on passe son temps inutilement, en la présence de Dieu quant à la volonté, quelque insensible que nous paraisse cette présence ? Cela est une excellente oraison, et dont on recueillera les fruits en son temps ; heureux celui qui ne se lasse point à y persévérer ainsi, même pendant tout le jour, dans toutes les occupations nécessaires de son état ; qui cherche à y conserver cette sainte présence de Dieu, même en manière sèche, sans goût ni sentiment ; il en reçoit le fruit d’une manière d’autant plus efficace et réelle qu’elle est cachée à ses sens. Il y a cependant peu d’âmes qui ne délaissent pas en quelque manière la première charité ; les plus fidèles se relâchent un peu, et pour un peu de temps, dans cet état qui est ici mentionné ; mais le Seigneur est fidèle à les rappeler de leur relâchement, comme il le fait ici ; il le fait aussi intérieurement à leur égard ; et comme leur relâchement n’était pas volontaire, mais causé seulement par le manque de force où ces âmes se trouvent, et par le manque de lumière dont elles se trouvent privées, ne sachant où elles en sont, elles se laissent ramener au premier signal de la voix du Seigneur et n’hésitent pas un moment à suivre cette voix dès qu’elle se fait entendre.

 

v. 5. Souvenez-vous d’où vous êtes déchu, repentez-vous, et faites les mêmes œuvres que vous faisiez auparavant.

 

C’est donc ce que le Seigneur demande, que ces âmes rentrent dans l’état de charité ou d’amour pour Dieu qui fait qu’elles se sacrifient de nouveau à lui, renouvelant le vœu ou la donation qu’elles ont fait de tout elle-même et de tout ce qui les concerne à Dieu dès le commencement de leur conversion ; qu’elles renoncent de nouveau aux choses auxquelles elles s’étaient réattachées, pour redonner tout leur amour et leur affection à Dieu seul ; ce sont là les premières œuvres que le Seigneur redemande d’elles, qu’elles doivent faire pour avancer à grands pas dans les voies de Dieu, qu’elles suivent ainsi le chemin dans lequel l’Esprit de Jésus Christ ou l’Étoile qu’il donne à l’âme pour la conduire la guidera.

Ce n’est donc pas la multiplicité des œuvres extérieures à laquelle notre Seigneur Jésus Christ exhorte ici l’âme déchue à retourner, car ce ne serait pas là le remède pour son mal ; mais c’est la première charité à laquelle elle doit retourner, qui n’est autre que le pur amour de Dieu, ou la donation entière de son cœur et de tout elle-même à Dieu, qu’elle doit renouveler, par quoi l’esprit de Jésus Christ trouve lieu d’entrer dans cette âme et de la diriger de nouveau pour accomplir en elle toutes ses volontés, et même d’une manière plus unique et sans mélange de la propre opération et activité de l’âme qu’auparavant ; puisque ce déchet sert entre les mains de Dieu pour s’emparer d’autant plus totalement de l’âme qui se laisse ramener et lui donne lieu de la conduire dans un état plus avancé, dans lequel l’âme laisse opérer l’Esprit de Jésus Christ en elle d’une manière plus passive, et ainsi plus pure et efficace pour la préparation de l’établissement et manifestation de son Règne en elle.

 

Autrement je viendrai bientôt à vous, et si vous ne vous repentez, j’ôterai vôtre chandelier de sa place.

 

C’est ce qui arrive : Jésus Christ fait admonester l’âme dans son déchet plusieurs fois ; si elle n’écoute pas, ni extérieurement les moyens dont il se sert, ni intérieurement par la lumière qu’il donne pour inviter à la repentance qui est marquée ici ; si elle s’endurcit et n’écoute pas ces voix, alors il ôte le Chandelier, la lumière de la grâce qui éclairait cette âme, dont elle ne veut pas profiter ; elle retombe pire qu’auparavant dans les ténèbres du péché, auquel elle se vend de nouveau ; elle est vendue au mensonge et redevient son esclave, ne voulant pas donner entrée à la vérité, et la fin d’un tel est pire que le commencement, car il eût mieux valu n’avoir jamais connu la voie de justice qu’après l’avoir connue se détourner du saint commandement (2. Pier. 2. v. 21.). Ceci est un état déplorable où l’homme retombe ; dont je prie Dieu qu’il préserve un chacun de ceux qui ont reçu de lui des grâces si abondantes.

 

v. 6. Vous avez pourtant ceci de bon, c’est que vous haïssez les actions des Nicolaïtes, lesquelles je hais aussi.

 

Les âmes de cette sorte ont d’ordinaire en haine l’impureté, la paillardise spirituelle, ou les liaisons impures, sous ce prétexte de spiritualité, ce qui est louable et que notre Seigneur approuve, puisqu’étant la pureté même, il n’a rien tant en haine que les actions impures que l’on veut couvrir du manteau de spiritualité, donner le nom de spirituelles à des actions purement charnelles, et qu’on ne peut excuser sans se rendre participants de leur crime.

 

v. 7. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises.

 

Les oreilles de l’âme sont la conscience, c’est l’ouïe intérieure ; il faut donc écouter, être attentif, et ne pas vivre dans une dissipation continuelle, comme l’on fait, occupé sans cesse du monde, de ses affaires temporels, et de mille inutilités ; c’est n’avoir point d’oreilles que de vivre ainsi, ne fit-on au reste point de mal ; c’en est assez que de n’écouter pas Dieu en soi, de lui boucher l’oreille ; on lui demeure par là toujours étranger ; ce que l’Esprit dit ici aux Églises est et contient toutes les admonitions nécessaires à chaque âme pour être garantie de mal, de toutes les tentations et dangers qui les assaillent dans le chemin de la vie spirituelle ; Dieu ne laissera manquer à aucune âme les admonitions nécessaires dans toutes sortes de tentations qui lui arrivent, dans tous les différents états, si elle veut écouter l’Esprit qui parlera en sa manière spirituelle au dedans d’elle, si elle veut y faire attention et a une volonté sincère de suivre ses admonitions.

 

À celui qui vaincra, je lui donnerai à manger de l’arbre de vie, qui est au milieu du Paradis de Dieu.

 

C’est toi-même, ô mon Sauveur ! qui est cet arbre de vie, car tu dis : Je suis le pain de vie, celui qui me mangera vivra par moi (Jean 6.) ; tu es aussi celui qui as vaincu et qui remporte encore la victoire dans chacun de nous, sur tous tes ennemis et les nôtres ; mais tu es si bon que tu nous récompenses par toi-même de la victoire que tu remportes ; notre volonté te fait remporter la victoire ; si elle demeure unie à toi, tu vaincras infailliblement, et le prix de la victoire sera que tu seras la nourriture et la vie de notre âme ; tu seras en nous, et nous en toi, et nous nourrissant de toi, ta vie sera la nôtre, et nous ne mourrons plus jamais de la mort du péché ; la victoire est lorsque le vieil homme est détruit et que Jésus Christ demeure seul vivant dans l’âme, qui est alors faite le Paradis de Dieu, où il est au milieu, dans son Centre, comme l’arbre de vie. Ceci est véritable et réalité, et non des manières de parler, des figures, comme les hommes s’imaginent.

 

v. 8. Écrivez aussi à l’ange de l’Église de Smyrne : Celui qui est le premier et le dernier, qui a été mort et qui est vivant, dit ces choses.

v. 9. Je connais vos œuvres et quelle est votre affliction et votre pauvreté (quoique vous soyez riches) ; je connais aussi les calomnies dont vous noircissent ceux qui se disent Juifs et qui ne le sont pas, mais qui sont de la synagogue de Satan.

v. 10. Ne craignez rien de ce que vous avez à souffrir. Le Diable va mettre dans les prisons quelques-uns d’entre vous afin que vous soyez mis à l’épreuve, et vous aurez une affliction de dix jours.

 

Ces âmes ici sont de toute une autre sorte que les précédentes ; elles n’ont aucun éclat ni apparence au dehors ; elles n’éprouvent, depuis le commencement de leur conversion jusqu’à la fin du chemin, que pauvreté et faiblesse en elles-mêmes ; l’affliction est leur partage, car elles sont dans presque une continuelle souffrance au dedans et ont peu de consolations ; elles sont assaillies de plusieurs tentations intérieures qui les humilient et les mortifient sans cesse ; Dieu permet au démon de leur en susciter beaucoup ; elles n’ont que fort peu de lumière sur leur état, étant d’ordinaire dans les ténèbres ; elles n’ont qu’un goût secret de Dieu, un désir, une faim vers lui, qui est leur unique soutien, et elles ne peuvent trouver de nourriture ni de repos en quoi que ce soit ; mais cette faim même, quoiqu’elle les soutient, cause aussi leur peine, ne sachant comment la pouvoir rassasier ; elles ne voient que misère et que faiblesse en elles, et impuissance pour s’aider ; elles ne sentent point le courage des précédentes ; au contraire, tout les abat et les peut faire tomber dans le découragement ; elles sont souvent travaillées de scrupules et inclinent à croire leur état toujours plus mauvais qu’il n’est en effet, au lieu que les précédents le croient d’ordinaire meilleur et plus avancé qu’il n’est. C’est pour cela que notre Seigneur console ceux-ci et leur dit : Je connais votre pauvreté, la pauvreté où vous êtes en vous-mêmes, mais vous êtes riches ; c’est moi qui suis riche pour vous, je suis votre richesse. Le Seigneur ne reproche rien à ces âmes, car elles se reprochent à elles-mêmes et se croient coupables et infidèles en toutes manières ; il relève plutôt leur timidité, sachant bien que leur amour et toute leur affection est tournée vers lui, quoique d’une manière si sèche qu’elles ne le savent pas elles-mêmes, ignorant la grâce qui est en elles et qui les soutient à leur insu.

Ô que ces âmes sont chéries de Dieu, qu’il les garde avec un soin Paternel ; car, ne pouvant ni se garder ni s’aider elles-mêmes, Dieu lui-même en prend soin. La Planète Saturne prédomine sur elles, et le goût est leur soutien ; elles n’ont rien de distinct ; ce qui leur cause le plus de peine est de se voir si pauvres et si faibles ; et les autres âmes, au contraire, si riches en dons, ferventes et zélées, lorsqu’elles trouvent tout mort chez elles quant au sentiment ; elles ne peuvent s’empêcher d’envier l’état de ces autres âmes qui sont éclatantes en l’exercice des vertus, édifiantes au prochain ; cela les tente souvent de sortir de leur état, si Dieu ne les y retenait par une main forte, mais cachée ; les tentations intérieures leur arrivent à cet égard, la tiédeur, la langueur, l’indolence, l’inutilité pour le prochain leur est reprochée au dedans ; cela les peine, mais ce sont des calomnies, des accusations fausses, qui leur sont faites au dedans d’elles, dont elles ne sont point coupables, brûlant d’autant plus du feu de l’amour de Dieu dans le fond de leur âme qu’elles en paraissent dépourvues dans les sens. C’est Dieu et son opération qui les dessèchent ainsi par rapport aux sens, afin d’opérer son œuvre avec d’autant moins d’empêchement dans leur Centre, où il travaille à s’unir à elles.

 

Ce sont ceux qui se disent Juifs et ne le sont point, mais de la synagogue de Satan.

 

Qui accusent ainsi ces âmes-là et les calomnient ; gens qui contrefont les vertueux au dehors, exacts à observer la lettre de la loi, comme ils le veulent faire croire. Mais les persécutions les plus vives et les plus cruelles sont celles du dedans, des Esprits qui assaillent cette pauvre âme et semblent lui faire ces reproches dans sa conscience, la foudroient par la lettre de la loi, dont elles veulent la rendre coupable ; mais si elle se tient retirée dans son fond, elle y apprendra à connaître la voix bénigne du Seigneur, qui la soutiendra et la consolera.

 

Ne craignez point (leur dit le Seigneur) de ce que vous avez à souffrir.

 

Cela arrive afin que vous soyez éprouvés, purifiés, et chassés hors de vous-mêmes, pour entrer en Dieu, qui vous attire et vous reçoit à bras ouverts ; ô l’heureuse persécution des Esprits malins qui produit un tel effet !

Ces Esprits se travestissent en juifs, comme il a été dit ; ils reprochent à l’âme qui ne les connaît pas et croit que c’est sa propre conscience qui lui fait ces reproches ; ils lui reprochent son manque de vertu, de zèle pour la gloire de Dieu, etc., jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de découvrir la tromperie à cette pauvre âme et de lui montrer que ceux qui lui font ces reproches et la tourmentent sont non des bons Esprits, non l’Ange gardien, qui a le ministère de la loi, avec ses semblables qui sont nommés Juifs en un bon sens à cause de leur ministère ; que ce ne sont point ces bons anges-là qui reprochent et tourmentent l’âme, lui suscitent mille scrupules et peines sur son état, tâchent à troubler la paix de son fond, mais que ce sont des Esprits malins, qui ne sont point de Dieu ; l’expérience seule des âmes qui ont passé par ces états pénibles peut faire comprendre ceci ; ce n’est que pour ces âmes-là qu’il est écrit.

L’état pénible où quelques-unes de ces âmes sont mises peut bien être nommé une prison, sinon extérieure, au moins intérieure, où elles sont renfermées en elles-mêmes et y souffrent beaucoup des tentations du Diable, qui a reçu le pouvoir de les y renfermer et de les empêcher de surpasser les bornes d’elles-mêmes pour s’élancer en Dieu qui est dans leur Centre, où le Diable ne peut atteindre ; mais tout cela arrive afin que ces âmes soient mises à l’épreuve : C’est une affliction qui ne dure que dix jours, cela est un court espace de temps, de quelle manière que l’on prenne ces jours, quand même ce seraient des années.

 

Soyez fidèles jusqu’à la mort et je vous donnerai la couronne de vie.

 

Cette exhortation, selon le sens spirituel ici marqué, regarde la fidélité à persévérer ou à rester dans son état sec et pauvre, où l’on est dans l’ordre de Dieu, et parce qu’il nous l’a ainsi dispensé, quoiqu’on n’en ait pas une certitude distincte dont on se puisse convaincre par le raisonnement, mais bien une certitude qui est dans le fond de l’âme, par l’instinct qu’a l’âme de rester dans cet état, dans lequel, malgré son désagrément pour la nature, les sens, et le propre esprit, elle goûte néanmoins ou jouit d’une certaine paix profonde dans son fond, qui fait qu’elle sent là une certaine liberté et aisance d’être auprès de Dieu, quoique d’une manière fort obscure et indistincte, et qui se fait mieux sentir et goûter par l’âme qu’il ne peut être exprimé.

Si elle persévère donc dans les afflictions qu’elle souffre dans sa partie sensitive jusqu’à la mort mystique, où elle défaille à elle-même, Jésus Christ lui donne la couronne de vie. La nouvelle vie de Jésus Christ lui est communiquée dans son fond, et toute affliction, peine, et ennui prennent fin, car les premières choses sont passées (2. Cor. 5. v. 17.) même dès cette vie.

Je renvoie à l’expérience ce que cette pauvre âme éprouve alors, et l’heureux change que Dieu lui fait expérimenter ; il vaut mieux l’éprouver que d’en beaucoup parler ou écrire ; aussi bien n’est-on pas cru et il ne peut être compris que de ceux qui l’expérimentent ; les autres croient que ce sont des doux songes dont on se repaît ; n’importe, laissons-les croire ; les promesses et les paroles de Dieu demeurent véritables, il les accomplit dans ceux qui ont toute leur Espérance en lui seul, renonçant à tout pour le suivre et lui demeurer fidèle jusqu’à la mort.

 

v. 11. Celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises.

 

C’est l’Esprit qui parle le langage de l’Esprit, celui-là seul l’entend qui a des oreilles spirituelles, et non sensuelles et charnelles.

 

Celui qui vaincra ne souffrira aucun mal de la mort seconde.

 

Celui qui aura passé par ces états de mort, ayant été fidèle jusqu’à la mort mystique dès cette vie, ne souffrira aucun mal de la mort corporelle, qui est pour une telle âme une seconde mort, encore moins de la mort éternelle ou de la damnation, qui n’a aucun pouvoir sur elle.

 

v. 12. Écrivez aussi à l’ange de l’Église de Pergame : Celui qui a l’épée aiguë à deux tranchants dit ces choses :

v. 13. Je connais vos œuvres et le lieu où vous demeurez, qui est le lieu où Satan a son trône, et que vous êtes attachés à mon nom et que vous n’avez point renoncé à ma foi, non pas même lorsqu’Antipas mon fidèle martyr a été mis à mort dans le lieu où vous êtes et où Satan habite.

 

Quel est ce lieu où les âmes de cette Église demeurent, où Satan habite, autre que la raison, la partie où les idées se forment, où les raisonnements se font ? Dans laquelle assurément Satan habite, car s’il y a chose par où il séduise les hommes et les retient à ne pas suivre Jésus Christ dans le renoncement à eux-mêmes et à toutes choses, c’est par les spécieux raisonnements dont il couvre ses artifices et séductions ; c’est par là qu’il tente, séduit, et persécute les âmes qui sont fortes dans cette partie raisonnable, qui prédomine chez eux, comme étant la Planète de Jupiter ; gens de grand Esprit, d’entendement, qui croient voir clair en toutes choses et sont honnêtes gens selon le monde, les plus estimés ; ce sont les yeux ou la vue qui prédomine chez eux. Ils ont de grandes épreuves et tentation de leur propre esprit et raison, qui est, selon la nature, éclairée de la lumière des astres ou de l’esprit du monde, que St. Paul dit qui s’en va à néant et qu’ils ne l’ont point reçu. (2. Cor. 2. v. 6. et 12.)

Comme les tentations que cet Esprit du monde dans lequel Satan le Prince de ce monde habite sont les plus spécieuses et ont le plus d’apparence d’être selon la sagesse et la raison humaine, qui est la seule sagesse que les hommes connaissent, ces tentations sont aussi les plus dangereuses, car elles sont le plus contraires à la foi, à la confiance enfantine avec laquelle l’âme doit croire et se confier à Jésus Christ, le suivre simplement, sans raisonner, mais en foi aveugle, croyant et se confiant en lui, sans vouloir voir et examiner les raisons qu’il a d’exiger une telle obéissance, ni où aboutira le chemin dans lequel il mène l’âme.

Ces âmes ici ont donc pour principal travail de captiver leur entendement et raisonnements ; ô que ces âmes ont de peine d’entrer dans la simplicité enfantine que le Christianisme réel demande ! Le Diable est continuellement occupé à contredire dans leur entendement par les raisonnements et la prudence humaine, et sous mille prétextes plausibles, ce que Dieu demande de ces âmes pour les exercer dans la foi, dans la confiance, dans l’entier délaissement d’elles-mêmes à Dieu, qui sont les fruits d’un amour de Dieu très pur, comme il le mérite et le requiert de nous avec Justice ; mais ces âmes se tenant fermement attachées à Jésus Christ, la foi qu’il leur donne est comme une Épée à deux tranchants, c’est la force de son Esprit pour anéantir tous ces faux raisonnements. C’est l’effet qu’opère la parole du Seigneur dans le fond de leur âme qui surmonte tout ce qui contrarie cette parole vivante dans leur partie sensitive et raisonnable ; ils lui ferment la porte, s’attachent fermement au nom du Seigneur qui est Dieu seul.

C’est lui seul qui fait l’unique objet de leurs intentions, c’est sur lui seul qu’ils fixent leur vue, ne regardant volontairement ni eux-mêmes, ni nulle autre chose, quelle qu’elle soit ; Dieu seul fixe leurs regards. Et c’est par ce regard fixé sur lui uniquement que la force des tentations qui les assaillent est rompue. C’est cette grâce de la pure contemplation qui leur est donnée, qui rompt la force de l’ennemi, qui en a une si terrible et qui est insurmontable par tout autre moyen que par celui-ci. Prends-y bien garde, ô âme, ne te mets point aux mains ou ne combats pas directement l’ennemi qui t’attaque par mille beaux raisonnements qui ont l’amour-propre et le propre intérêt pour but, et mille beaux prétextes couverts de l’apparence du bien pour t’empêcher de suivre le chemin que Dieu te montre et que tu dois marcher ; n’entre point en raisonnement avec cet ennemi rusé qui t’aurait bientôt surmonté par cette voie, mais regarde Dieu fixement, de ton œil intérieur, lorsque Satan te donne de pareils assauts, et tu éprouveras que ce regard est la délivrance même (Psau. 34. v. 6.), qu’il fera fuir ton ennemi et toute son armée, qui sera dispersée comme la fumée par le vent, et tu demeureras victorieux sans combat. C’est ton Dieu qui combat ainsi et qui obtient la victoire en toi et pour toi, et tu demeures en repos auprès de lui.

Ceci est un remède infaillible pour faire fuir le Diable et toute son armée ; David le savait bien, et l’on voit dans ses Psaumes comment il s’en est si avantageusement servi : J’élève mes yeux vers la montagne d’où me vient le secours (Psau. 121 v. 1.) ; celui qui l’expérimentera en rendra témoignage ; c’est un remède pour tous les maux de regarder Dieu en foi, sans autre intention ni prétention, sinon que sa volonté sainte s’accomplisse en nous, dans un total délaissement à lui sans aucune réserve de tout nous-mêmes et de tout ce que nous possédons ; cela fait fuir le Diable et nous met hors d’atteinte de tous nos ennemis, qui ne peuvent nous suivre dans cette forte citadelle où Dieu nous a donné entrée et nous garde sous sa protection.

La plus noble faculté de l’âme après la volonté, et quant au distinct et à l’aperçu, est l’entendement. Car c’est où elle reçoit toutes les formes, idées, et toutes choses en distinction, et c’est ainsi où elle habite quant à l’aperçu ; et c’est justement là où habite aussi Satan, et où il a le plus de force et d’adresse pour tenter et séduire l’âme ; c’est pour cela que Dieu fait quitter à l’âme cette demeure qui est où elle habite dans son état naturel, et la fait entrer dans son centre ou fond de l’âme, qui est le lieu où Dieu habite, lequel lieu lui est ouvert par Jésus Christ ; c’est le lieu très saint où elle est en sûreté et d’où elle voit tranquillement et sans s’en troubler tout le vacarme que le Diable fait dans cette partie de l’entendement ; à quoi elle ne s’arrête pas et ne s’en met pas en peine, mais le méprise, ce qui rend tous les efforts de Satan sans aucun effet tant qu’elle ne sort point de son fond, qui est pour elle un asile assuré.

C’est bien en vérité le lieu où Satan habite, où les fidèles martyrs de Dieu comme Antipas sont mis à mort ; la raison est l’instrument dont le Diable se sert avec le plus d’avantage pour les tuer, pour tuer la vérité de Dieu, qui témoigne parmi les hommes ; l’on voit comment cette raison corrompue est mise à présent sur le trône par les hommes qui veulent passer pour sages, qui ne reconnaissent et n’admettent plus d’autre lumière ; toute autre leur est méprisable, et le Diable s’en sert avec tant d’artifice par l’orgueil et la présomption dont il remplit leur esprit, les rendant enflés dans leur prétendue science et sagesse, que leur entendement en est toujours obscurci davantage, et en sorte qu’ils prennent leurs ténèbres pour être la vraie lumière.

Il n’y a que les humbles, les petits Enfants, qui peuvent échapper à cette séduction universelle par laquelle la vérité divine est bannie d’entre les hommes et le mensonge règne et est sur le trône, et veut être adoré, se disant être la vérité ; il n’y a que les âmes simples et enfantines, dont l’amour et la volonté est uniquement tournée vers Dieu, qui peuvent être garanties ; tous les amateurs d’eux-mêmes, idolâtres de leur propre Esprit et de leur raison, sont en proie à l’ennemi ; il n’en laissera échapper aucun, car ils sont ses sujets ; ils demeurent volontairement où habite Satan, où il est le maître et le Prince ; mais les autres, quoiqu’ils y aient demeuré, n’y habitent plus ; ils ont quitté cette demeure, car où la volonté de l’âme est, c’est là où elle a sa demeure ; sa volonté et son amour est en Dieu, ainsi il est sa demeure ; ce n’est plus son propre esprit, sa propre lumière, où elle demeure ; elle y a renoncé ; c’est la foi en Dieu qui la gouverne, dont elle se laisse conduire ; c’est cette lumière de son St. Esprit qui l’éclaire et la conduit, non plus celle de sa raison corrompue et sujette à toute sorte d’illusion, de tromperie et de mensonge par l’artifice de Satan, qui s’y déguise en ange de lumière.

C’est donc par cette raison et la fausse lumière qu’il lui communique qu’il combat la vérité simple de Jésus Christ, la rend suspecte parmi les hommes, la décrédite, la tue ; il y réussit fort bien, se servant des hommes les plus accrédités, savants, et autorisés dans le monde pour cela ; car il en est toujours, comme du temps de St. Paul. Il n’y a point beaucoup de sages ni de nobles qui obéissent à l’Évangile, mais Dieu a choisi les choses faibles, méprisables, et qui ne sont point (1. Cor. 1. v. 26. 27.), qui sont méprisables aux autres et à elles-mêmes ; ce sont là les âmes qu’il choisit ; elles ne sont point, ou ne sont plus ; il les anéantit à elles-mêmes afin d’être celui qui est leur vie et les possède ; il est leur être, et elles sont mortes à elles-mêmes ; ce sont ces âmes-là que Dieu choisit, afin que la gloire soit de lui et non de la créature, vaine, orgueilleuse et propriétaire ; celles-là sont celles dont Satan se sert pour soutenir son règne.

 

v. 14. Mais j’ai quelque reproche à vous faire : C’est qu’il y a parmi vous des gens qui tiennent la doctrine de Balaam, lequel enseignait à Balak à mettre une pierre d’achoppement devant les Enfants d’Israël, afin qu’ils mangeassent des choses sacrifiées aux Idoles et qu’ils s’abandonnassent à la fornication.

v. 15. Vous en avez aussi qui tiennent la doctrine des Nicolaïtes, ce que je hais.

 

Il n’y a point de plus grande idolâtrie à présent que celle que les hommes font de la raison ; ils l’adorent, et certainement c’est la grande Idole à laquelle les gens sages et qui passent pour vertueux sacrifient ; ce sont les faux Prophètes, qui n’ont non plus d’autre lumière et qui y sont instigués et poussés par Satan, qui recommandent et accréditent cette Idole, voulant mettre au niveau de cette raison corrompue toutes les vérités de la Religion et de la doctrine que Jésus Christ nous enseigne dans l’Évangile ; dès que cette Doctrine ne s’accorde pas avec cette fausse lumière dont leur entendement est éclairé, qu’elle surpasse sa portée, alors ils se mettent à faire des explications sur cette doctrine pour l’accommoder au niveau de la raison, et anéantissent par là l’esprit de la foi.

Comme par exemple, lorsque notre Seigneur Jésus Christ nous dit : Si quelqu’un te prend ton manteau, donne-lui aussi ta robe, etc. Ne résiste point au méchant (Matt. 5. v. 39 et 40.), la raison dit : Il ne faut pas entendre cela à la lettre, comme s’il ne fallait pas défendre le bien qu’on veut nous ravir de toutes ses forces et par tous les moyens légitimes que l’on peut, autrement on serait en pillage ; et des raisons pareilles.

Mais si, en foi et confiance aux promesses de Dieu et à ses ordres, nous lui remettons tout ce que nous possédons, nous y renonçons comme il nous l’ordonne et renonçons aussi à nous-mêmes en nous donnant aussi à Dieu, dès lors nous ne sommes plus à nous-mêmes, et le bien que nous possédons ne nous appartient non plus, mais tout est à Dieu. Tout Puissant comme il est, il saura bien conserver et défendre son bien ; ne craignez pas que personne ait le pouvoir de le lui ravir ; et si sa sagesse permet que l’on le ravisse injustement (ce qu’il nous enseigne à souffrir avec patience et sans résister), nous pouvons croire qu’il le juge ainsi à propos selon son conseil, soit pour nous exercer dans la patience et le renoncement, pour en détacher entièrement notre cœur, ou pour d’autres vues qu’il a.

C’est ce que la foi nous enseigne et nous fait expérimenter, qu’il sait bien nous protéger et nous garder avec ce qu’il lui plaît de nous donner ; qu’il le bénit, quoi que ce soit peu, et ne retranche que le superflu, qu’il permet qu’on nous ravisse pour que nous n’en abusions pas, comme l’on ôte un couteau à un enfant, de peur qu’il ne se blesse. C’est ce que Dieu fait, et nous devons alors prendre cela, ces injures, ces injustices et ravissements de nos biens non des hommes, qui ne sont que des instruments dont Dieu se sert pour parvenir à ses fins à notre égard, mais de Dieu ; alors il devient notre Défenseur pour l’extérieur, de même que pour l’intérieur nous vivons de foi en Dieu à tous égards pour ce qui concerne le corps, les biens temporels ; et pour ce qui concerne notre âme et les biens Éternels, tout est à Dieu, et ainsi il a soin de tout, et nous vivons sans souci (Matt. 6. v. 25. 31.) (comme notre Sauveur nous l’ordonne, dans le délaissement de nous-mêmes et de tout ce qui nous concerne), entre ses bras, comme des Enfants, qu’il nous dit falloir devenir si nous voulons entrer au Royaume des Cieux. (Matt. 18. v. 3.)

C’est contre cette sainte et admirable Doctrine de notre Sauveur, qui nous fait vivre si tranquille si nous la pratiquons, que la raison, comme étant le faux Prophète, a mille et mille exceptions ; des mais et des si sans nombres pour obscurcir la vérité, pour anéantir la foi et la confiance en Dieu, nous empêcher d’éprouver sa fidélité et son secours, ce qui ne se peut que par les épreuves qu’il nous envoie.

C’est ainsi qu’en toutes choses cette raison est le faux prophète qui nous séduit, l’idole que nous adorons et avec laquelle nous paillardons, lui donnant notre amour, notre affection, en la détournant de Dieu, duquel ainsi nous demeurons éloignés et étrangers.

C’est dans cet état d’éloignement de Dieu que non seulement les gens du monde vivent, ne voulant savoir qu’un Dieu de loin et non un Dieu de près (Jér. 23. v. 23.) qui a un soin si particulier de tout ce qui nous concerne, voit toutes nos démarches et intentions, mais aussi les Enfants d’Israël selon l’Esprit, les âmes qui se sont converties à Dieu, surtout ceux de l’espèce dont nous traitions ici ; quoique dans zèle de la première conversion ils aient laissé captiver leur entendement sous la lumière de la foi que Dieu leur a communiquée, dans laquelle et par laquelle lumière ils ont commencé de marcher avec courage dans le chemin du renoncement à toutes choses et à eux-mêmes, à la suite de notre Sauveur, néanmoins Dieu, retirant peu à peu, pour les raisons qui lui sont connues, la lumière distincte, le brillant de la lumière de cette foi qui réjouissait l’âme, et après laquelle elle marchait avec tant d’ardeur, de goût et de ferveur, lors, dis-je, qu’il retire ces brillants et ces douceurs, pour purifier l’âme de ses propriétés, la fonder plus profondément dans la même foi dont Jésus Christ dit : Bienheureux sont ceux qui n’ont point vu et qui ont cru (Jean 20. v. 29.), alors l’âme étonnée, croyant tout perdre son soutien et la lumière qui la réjouissait en l’éclairant, alors, dis-je, se croyant sans guide, elle doute, elle croit périr, et reprend la lumière de sa raison corrompue pour son guide, après l’avoir abandonnée ; elle donne congé à la foi, redevient humaine et charnelle, se reprend elle-même en propre, et révoque, quoique souvent d’une manière subtile et peu à peu, le don qu’elle avait fait d’elle-même et de tout ce qu’elle avait à Dieu.

Ô Combien de tristes exemples n’avons-nous pas de ce scandale mis devant les Enfant d’Israël, qui leur apprend ainsi à idolâtrer et à paillarder, à se retirer de leur légitime Époux qui les avait fiancées, pour se reprendre elles-mêmes et se redonner au monde, qu’elles avaient abandonné ! Ô si elles avaient attendu patiemment le Seigneur, demeurant tranquilles et fermes dans leur confiance à lui, elles auraient bientôt aperçu que Dieu n’avait éteint la lumière qui les éclairait et à la faveur de laquelle elles couraient après lui avec tant de courage, d’ardeur et de zèle, qu’il n’a fait, dis-je, disparaître cette lumière agréable à leurs sens intérieurs, qui ont tout à coup été mis dans les ténèbres et l’aridité, qu’afin de les charger sur ses épaules, comme le bon berger, car c’est ce que le Seigneur fait par là, et est lui-même la lumière de l’âme qu’il porte, et la fait ainsi marcher à grand pas vers Dieu, sans qu’elle s’en aperçoive pendant longtemps ; elle ne fait que se reposer dans ces ténèbres sacrées dont Dieu la couvre pour la dérober à la vue de ses ennemis, dont l’amour-propre est le plus dangereux et dont elle se défiait le moins, lequel amour-propre se servait aussi de cette lumière précédente qui conduisait l’âme pour ne l’abandonner jamais ; mais à la faveur de ces ténèbres Jésus Christ la porte à l’écart, par un chemin court et inconnu à l’amour-propre et à tous ses ennemis, au Diable et ses adhérents ; il la conduit sûrement, jusqu’à ce qu’il l’ait fait arriver heureusement avec lui en Dieu, où elle demeure cachée et inaccessible à tous ses ennemis, car notre vie est cachée avec Christ en Dieu ; c’est là l’heureux port de salut.

C’est là l’avantage de la voie des ténèbres obscures de la foi, dont on rend témoignage ; qui l’expérimentera le comprendra ; Dieu le manifestera à toute âme sincère qui ne cherche que Dieu purement et simplement, renonce à l’amour-propre et à tout propre intérêt pour aimer Dieu purement et uniquement ; qui ne fait pas cela, rien n’y comprendra.

Les Nicolaïtes sont ceux qui veulent faire un mélange injurieux à Dieu de la lumière de la foi avec celle de la raison, de l’amour-propre avec l’amour de Dieu ; c’est ce que ces personnes de grand Esprit, d’un génie sublime, cherchent souvent à compatir avec beaucoup d’artifice et de vraisemblance ; surtout lorsqu’ils sont devenus Israelites ou sont entrés dans la première conversion du péché à la grâce, dans l’Église spirituelle dont nous traitons ici ; c’est ce que notre très adorable Sauveur hait, que ce mélange ; il veut que notre foi soit aveugle et sans feinte, et notre amour pur et sans déguisement.

 

v. 16. Repentez-vous donc, autrement je viendrai bientôt à vous, et je les combattrai avec l’épée de ma bouche.

 

C’est la parole de Dieu vivante qui est seule capable de captiver notre entendement, c’est cette parole Éternelle, le verbe Éternel, qui est cette parole de Dieu, lequel, ayant pris possession du centre de notre âme, captive alors notre entendement, emmène toutes nos pensées captives et prisonnières à l’obéissance de la foi, à la lumière de la foi, qui est celle que cette parole Éternelle, qui est Jésus Christ lui-même, parle ou opère en nous ; en répandant sa lumière du fond de notre âme, où il fait sa demeure, sur notre entendement, il l’éclaire par cette vraie lumière, dissipe et chasse la fausse lumière de l’esprit de ce monde, dont notre entendement avait été éclairé jusqu’alors ; c’est cette parole qui dissipe alors tous les préjugés et fausses apparences, toutes les tromperies que Satan, par ses fausses lueurs, avait versées dans notre entendement, et dont il l’avait obscurci au lieu de l’éclairer ; c’est cette lumière de la parole Éternelle qui découvre toutes ces tromperies et qui met l’âme dans la vérité même, qui est Jésus Christ, comme il le dit lui-même : Je suis la vérité (Jean 14. v. 6.) ; hors de lui il n’y a que mensonge et tromperie ; alors notre entendement éclairé de cette lumière véritable qui illumine tout homme venant au monde (Jean 1. v. 9.) ne forme plus de raisonnements trompeurs ; notre raison est juste et les raisonnements sont selon la vérité, parce que l’œil de l’entendement est éclairé de la véritable lumière ; cette lumière lui fait voir les choses ou les objets comme ils sont dans la vérité devant Dieu, non plus comme ils sont estimés et taxés par le faux jugement et opinion des hommes charnels et terriens, qui sont et vivent dans l’erreur et le préjugé dont ils sont captivés et éblouis par l’esprit de ce monde, sans le savoir ni le pouvoir croire, car c’est un enchantement, et ils ne peuvent voir l’erreur de leur état que par une sérieuse conversion à Dieu.

C’est par là seulement qu’il leur est découvert peu à peu ; plus leur conversion est sincère et durable, plus ils persévèrent dans le chemin du renoncement à eux-mêmes et à toutes les créatures, et plus ils sont éclairés de leur état, car c’est en embrassant ce conseil de Jésus Christ, en mettant en pratique ce conseil du renoncement, que l’on obtient cette grâce de se connaître soi-même et son état, et l’on ne l’acquiert par nul autre moyen ; toutes les connaissances et lumières qu’on en peut avoir dans l’entendement ne sont pas suffisantes pour nous donner la connaissance réelle de nous-mêmes ; ce n’est qu’à mesure que nous suivons dans la pratique le chemin du renoncement que l’esprit de Jésus Christ nous montre et dans lequel il nous guide au dedans de notre intérieur que cette grâce nous est donnée peu à peu.

Comme c’est par cette parole de Dieu, qui est cette Épée à deux tranchants (Héb. 4. v. 12.), que toutes choses ont été créées (Jean 1. v. 3.), c’est aussi par cette même Épée que tout ce qui n’est que la production du péché sera détruit ; Dieu souffre cette production pendant un temps, mais elle périra, et avec elle tous ses adhérents ; ceux qui y demeurent attachés et ne veulent pas se laisser nettoyer, purifier, et affranchir de cette vie étrangère, ce sont tous les ouvriers d’iniquité ; ce sont ceux à qui Jésus Christ s’adresse ici, contre lesquels il combattra s’ils ne se repentent et ne souffrent qu’il détruise en eux cette œuvre de Satan, les ténèbres ou la fausse lumière qu’ils tolèrent et veulent souffrir et conserver en eux avec la vraie lumière de la grâce du St. Esprit ; c’est ce qui ne se peut, ce mélange est injurieux à Dieu ; il sépare toujours en nous, par l’opération de son Esprit, peu à peu la lumière des ténèbres ; et si nous ne voulons pas souffrir cette opération, nous perdons peu à peu la vraie lumière à laquelle nous avions donné entrée par la première conversion ; car l’Esprit de Dieu, par son opération qui ne repose jamais, nous conduit d’un degré de conversion à Dieu à un autre plus parfait ; il purifie toujours davantage, et si nous ne souffrons pas ce travail jusqu’à la fin mais lui résistons, nous fixant dans un état qui a été bon pour un temps mais qui ne l’est plus dès que l’Esprit de Dieu travaille à nous conduire plus outre, si nous ne le laissons pas opérer librement mais nous fixons dans l’état où nous sommes, il nous quitte, et nous déchoyons de la grâce, après qu’elle a souvent essayé à nous engager à lui laisser le pouvoir de nous conduire plus outre. Si nous sommes dans cet état, c’est la repentance à laquelle nous sommes invités ici.

C’est pourquoi il est si nécessaire de renoncer à ses idées, aux états de perfection que l’on se forme, selon sa compréhension, à ne s’attacher à rien de tout ce qui peut être atteint et compris par notre capacité ; mais de s’abandonner, se laisser à la conduite de Dieu sans fin ni mesure, ne lui donner aucune borne et ne se fixer et attacher qu’à lui seul, non à un état ou à un autre, quelque parfait qu’il soit selon nos idées, mais nous laisser entre les mains de Dieu pour qu’il nous mène comme il lui plaît ; cela est le moyen d’avancer sans cesse, jusqu’à ce qu’on soit conduit en Dieu par la parole Éternelle, qui est aussi le chemin, comme elle est la vérité, et qui nous donne sa vie, étant elle-même la vie, et anéantit ainsi et bannit hors de nous toute la vie étrangère dont nous avons été infectés par le péché.

 

v. 17. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises : À celui qui vaincra je lui donnerai à manger de la manne cachée.

 

C’est bien la vie et la nourriture dont notre Sauveur entretient les siens, c’est une vie bien cachée et une nourriture qui l’est de même au dehors ; elle est cachée aux autres hommes et cachée à nos sens propres et à notre raison ; c’est ce que ceux qui vont à Dieu expérimentent, à proportion et à mesure que le fils de Dieu remporte des victoires en eux et qu’il a enfin vaincu tous ses ennemis par l’épée de sa bouche ; il est lui-même leur nourriture et cette manne cachée.

 

Je lui donnerai encore un caillou blanc sur lequel est écrit un nouveau nom qui n’est connu de personne que de celui qui le reçoit.

 

Ce caillou blanc n’est autre chose assurément que la fermeté et l’immobilité de l’état dans lequel notre Seigneur met les âmes dans lesquelles il a vaincu ; il est blanc, cela signifie l’état d’innocence où elles sont ; elles n’ont aucune fraude ni déguisement, elles sont fixées en Dieu, où elles demeurent immobiles, ne se peuvent laisser ébranler ni émouvoir quant au fond de leur âme, quant à la volonté et au Centre, par quoi que ce soit qui s’élève dans leurs sens extérieurs ou intérieurs ni dans leurs puissances ; quelque étrange qu’il puisse être, elles demeurent immobiles en Dieu, elles ne sont plus sujettes à aucun changement ; Dieu est leur demeure ; cela est incompréhensible pour celui qui ne l’expérimente pas ; voilà pourquoi il est écrit : Un nouveau nom que nul ne connaît que celui qui le reçoit. Ce que Dieu traite en secret avec les âmes qu’il a conduites dans cet état, et le nom, ou la propriété et qualité à quoi il les emploie et qu’il leur donné, n’est connu que de ceux-là mêmes qui le reçoivent, et de ceux-là auxquels il plaît à Dieu de le manifester ; il demeure inconnu à tous les autres, même aux bonnes âmes ; mais ceux avec lesquels il se lie par son Esprit pour faire son œuvre en eux selon ses desseins, à ceux-là il le manifeste pour sa seule gloire, car au reste on voit, par ces expressions de manne cachée et de nom qui n’est connu que de celui qui le reçoit, combien notre Seigneur cache avec soin et traite en secret avec les âmes qu’il s’unit ; c’est pour cela qu’il donne à ces âmes un si grand attrait pour la retraite, le silence, et une vie cachée et inconnue aux autres hommes.

 

v. 18. Écrivez aussi à l’Église de Thyatire : Voici ce que dit le fils de Dieu, dont les yeux sont comme une flamme de feu et les pieds semblables à l’airain le plus luisant.

v. 19. Je connais vos œuvres, votre charité, le soin que vous avez des pauvres, votre foi, votre patience, et je sais que vos dernières œuvres surpassent les premières.

 

Voilà qui représente naïvement les âmes dont l’attouchement prédomine et la planète Vénus ; elles sont fort susceptibles, tendres, pleines de compassion et de charité envers les pauvres, fort actives à les assister, pleines de bonnes œuvres auxquelles elles s’adonnent, elles sont fort faciles à être émues et touchées par tous les évènements ; elles sont patientes, et notre Seigneur les loue d’avoir ces belles vertus.

Mais comme, malgré leur bonté et leur beauté, lui qui a des yeux comme des flammes de feu, très pénétrants jusqu’au fond du cœur et découvrant le mélange d’impureté qui est dans toutes les vertus que l’on possède en soi-même et dans lesquelles la complexion naturelle a beaucoup de part et y porte, comme l’on voit que cela se trouve dans toutes les sortes d’âmes qui composent ces sept Églises, laquelle complexion a ses vertus et ses défauts ou vices qui y ont du rapport, ce qui fait aussi la nature des tentations auxquelles elles sont sujettes et ont leur rapport aux planètes qui prédominent en elles, tout doit être purifié peu à peu après la première conversion, et c’est à quoi l’Esprit de Dieu s’attache par son opération en nous.

 

v. 20. Mais j’ai quelque chose contre toi : C’est que vous permettez que Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse, enseigne et séduise mes serviteurs pour les engager dans la fornication et leur faire manger ce qui a été sacrifié aux Idoles.

v. 21. Je lui ai donné un temps pour se repentir de son impudicité et elle ne s’est point repentie.

v. 22. Je m’en vais la réduire à s’aliter et j’accablerai d’afflictions ceux qui commettent adultère avec elle s’ils ne se repentent de leurs mauvaises actions.

v. 23. Je ferai mourir ses Enfants, et toutes les Églises sauront que je suis celui qui sonde les cœurs et les reins, et je rendrai à chacun de vous selon ses œuvres.

 

Le reproche que notre Seigneur fait aux âmes de cette Église est qu’elles permettent que Jézabel, cette femme qui se dit Prophétesse, enseigne. Quelle est cette femme ? C’est, dans ce sens spirituel, la partie sensitive, les sens intérieurs, la partie basse, où les idées, formes et représentations se présentent ; où les douceurs se font sentir ; cette partie est celle où ces âmes sont d’ordinaire trop attachées ; elles sont trop adonnées aux goûts et sentiments qu’elles croient spirituels ; elles croient trop facilement ce qui se présente à leurs sens intérieurs et s’y fait sentir lorsqu’il a l’apparence d’être bon ; ces âmes sont trop susceptibles aux douceurs sensibles, s’attachent trop à ce qui frappe leurs sens, et surtout lorsque des Esprits séducteurs opèrent sur cette partie sensitive et se disent être Prophètes, font sentir des dons, des talents, des paroles extraordinaires, ont du merveilleux et du sublime ; alors l’âme est en danger de se laisser séduire par cette Jézabel qui allèche l’âme par ses douceurs ; à quoi l’âme ne doit point prendre de complaisance, mais surpasser courageusement toutes ces douceurs et dons sensibles qui ont l’apparence de spiritualité et s’attacher à Dieu au-dessus de tout cela, en foi obscure.

Celles qui ne le font pas mais s’amusent à ces douceurs de dévotion sensible sont d’ordinaire séduites et tombent dans la fornication spirituelle, la gourmandise, et toutes sortes de vices spirituels qui se rapportent aux sens ; elles se détournent de plus en plus de Dieu pour s’attacher à ces dons avec lesquels elles adultèrent ; s’y attachant ainsi, elles les corrompent et tombent d’une illusion dans une autre, jusque-là qu’on a de tristes exemples d’âmes qui, de ces vices spirituels, sont peu à peu tombées dans les charnels et ont commis les plus grandes abominations, paillardises, et ordures, étant séduites à croire ces vilenies être quelque chose de bon, les couvrant de spiritualité et voulant persuader d’engendrer par ces moyens infames des enfants spirituels ; mais ce sont ces Enfants qui sont ici mis à mort, les Enfants de cette Jézabel.

Voilà pourquoi il est si nécessaire de surpasser tous les goûts et vues distinctes en choses spirituelles, sentiments vifs, et tout ce qui allèche les sens, pour s’attacher à Dieu seul, en foi nue au-dessus de tous sentiments, les surpassant tous, aussi bien les bons que les mauvais, sans même s’arrêter à les examiner ; c’est par là qu’on est mis à l’abri de tout danger.

Car toutes sortes d’Esprits séducteurs qui se disent être Prophètes ont entrée dans les sens intérieurs et peuvent y opérer avec force et d’une manière si vive que l’âme qui ne les connaît pas peut facilement croire que c’est Dieu qui opère ainsi en elle, lorsqu’ils ont si belle apparence et disent aux sens intérieurs qu’ils sont Dieu, comme ils le veulent faire croire à l’âme.

C’est à quoi il faut bien prendre garde dans ce temps ici où il s’en élève plusieurs se disant être Christ, au dehors et au dedans des sens intérieurs ; ne les croyez point : Christ est et fait entendre sa voix non dans les sens intérieurs et d’une manière distincte, mais au fond du cœur. C’est l’intérieur où il demeure ; il vous apprendra cette distinction et cette leçon si vous recourez à lui nuement et simplement.

 

v. 24. Mais je vous dis à vous et aux autres qui sont à Thyatire, à tous ceux qui n’ont point embrassé cette doctrine et qui n’ont point connu les profondeurs de Satan, comme on les appelle, que je ne mettrai point d’autre charge sur vous.

 

Le reproche que notre Seigneur fait aux âmes de cette Église ou de cette sorte, lesquelles n’ont point donné dans ces abominations, est qu’elles les ont tolérées et souffertes ; c’est leur tempérament d’ordinaire qui les porte à ces tolérances hors de saison lorsqu’elles ont vu ou voient encore quelque chose de bon ou qui en a l’apparence dans les âmes qui ont eu aussi un bon commencement de conversion, et qui encore veulent passer pour être adonnées à la piété ; alors elles veulent excuser et tolérer des choses manifestement mauvaises que l’on voit être ouvertement dans les mœurs de ces personnes qui deviennent des instruments de Satan pour séduire des âmes simples et qui ne connaissent point les profondeurs de Satan, ne pensent ni ne soupçonnent rien de mal ; mais Dieu les garantit et leur ouvre les yeux afin qu’elles ne soient pas séduites.

Tout le mal que font donc ces âmes en tolérant ainsi les autres qui sont adhérents à cette Jézabel est qu’elles ne parviennent jamais elles-mêmes à une vraie pureté d’Esprit et de cœur, car quoiqu’elles ne participent point au mal effectif et l’aient en horreur, cependant lorsqu’il est couvert de l’apparence du bien, elles ne le veulent pas rejeter entièrement dans ceux qui y adhèrent, sous le beau prétexte de charité, de support, et veulent l’excuser, croyant n’y avoir pas autant de mal que l’on n’en veut faire croire, et ainsi elles se font un grand dommage ; et si elles rejettent toutes les souillures de la chair (2. Cor. 7. v. 1.), elles ne s’affranchissent pas entièrement de toutes les souillures de l’esprit ; elles conservent quelque attachement de cette sorte qui les empêche de parvenir à la parfaite pureté requise pour parvenir à l’union Divine.

Il ne faut point tolérer le mal, en nulle manière ; et il est moins excusable dans des personnes qui veulent passer pour pieuses que dans des autres qui n’ont pas tant de connaissances ; si c’est sérieusement et sans avoir égard à nous-mêmes, aux attachements que nous couvrons du cœur, ni à aucune créature, si nous nous offrons à Dieu pour qu’il nous sonde et nous examine sans avoir de réserve, il nous éclairera assurément sur cet important article ; il ne laissera rien de caché des attachements que nous avons à nous-mêmes ou à quelqu’autre créature ; mais il faut du courage pour ne se rien pardonner et surmonter la mollesse du tempérament, n’écouter point les raisonnements, excuses et échappades que la nature rusée nous suggère, qui craint la mort et son entière destruction ; exposons-nous sincèrement devant la face du Fils de Dieu ; son épée à deux tranchants cherchera et immolera tous ces enfants d’adultère et de paillardise.

 

v. 25. Retenez seulement ce que vous avez jusqu’à ce que je vienne.

 

C’est aux âmes de cette sorte, qui restent dans l’innocence et dans la charité, et cherchent la pureté de cœur de plus en plus, donnant entrée à l’Esprit de grâce de l’opérer en elles, auxquelles notre Seigneur donne cette exhortation ; elles ont été tentées sur les choses ci-dessus marquées, mais elles y ont résisté et en ont été préservées. Elles doivent rester ainsi dans la persévérance dans leur état vertueux, jusqu’à ce que notre Seigneur vienne dans leur âme et les purifie foncièrement par son opération immédiate.

 

v. 26. Et à celui qui vaincra et qui aura persévéré jusqu’à la fin dans les œuvres que je commande, je lui donnerai puissance sur les nations.

v. 27. Il les gouvernera avec un sceptre de fer, et elles seront brisées comme des vaisseaux d’argile, ainsi que j’en ai reçu moi-même le pouvoir de mon Père.

 

Voilà comment celui qui naturellement est mou, timide, et faible, lorsqu’il laisse plein pouvoir à l’Esprit de Jésus Christ d’opérer en lui sans résistance, par une donation entière à Dieu de tout lui-même, sans aucune réserve, est rendu par cet Esprit de grâce mâle et courageux, fort et capable de régner, de dominer ses passions ; et sera aussi établi Roi par notre Seigneur Jésus Christ dans les Royaumes Éternels, s’il a laissé vaincre et surmonter par l’esprit de grâce tous ces ennemis intérieurs dès cette vie.

 

v. 28. Je lui donnerai aussi l’étoile du matin.

 

Cette étoile est cette planète que l’on nomme Vénus. C’est celle où ces âmes régneront, l’ayant conquise en ayant surmonté ou vaincu dans cette vie l’intempérance dont elle a été infectée ; elles y régneront éternellement.

 

v. 29. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises.

 

Celui-là le peut comprendre auquel Dieu ouvre l’oreille, et il entend ces mystères qui restent bien cachés à tout autre ; c’est l’Esprit de Dieu seul qui les manifeste.

 

 

 

 

CHAP. III.

 

 

v. 1. Écrivez aussi à l’Ange de l’Église de Sardes : Voici ce que dit celui qui a les sept Esprits de Dieu et les sept Étoiles : Je connais vos œuvres ; vous avez la réputation d’être vivants, mais vous êtes morts.

 

IL fallait bien que l’Ange de cette Église eût une belle apparence au dehors pour avoir la réputation de vivre, car assurément il avait cette réputation non parmi les Païens, qui ne savaient ce que c’était que la vie du Christianisme, mais parmi les Chrétiens mêmes il avait cette réputation ; ceci assurément est très à remarquer pour le temps où nous vivons, et montre comment les âmes de cette Église spirituelle ou de cette sorte, qui font grand bruit parmi les gens adonnés à la piété, ont une grande apparence de vertu et de zèle au dehors, semblent être toutes de feu et de flammes pour la gloire de Dieu, et fort actives à procurer l’avancement de son règne, et ont par là la réputation de vivre, sont en vérité reprises par notre Seigneur, qui leur donne cette sentence : Mais tu es mort, ta vie n’est donc pas la véritable vie de mon Esprit ; c’est un faux Esprit qui te possède et t’anime ; ce sont des vertus étrangères par lesquelles tu as cette belle apparence de vivre, ce n’est point de la vie de mon Esprit dont tu es animé ; c’est ce que je connais et discerne très bien, ayant les sept Esprits de Dieu et les sept Étoiles.

Ces sept Étoiles sont les sept vertus de Dieu manifestées dans les astres ou planètes ; ce qu’elles ont de vertu dans la pureté Divine, de ces vertus-là notre Seigneur Jésus Christ en dispose et les a en sa main, et éprouve par là et connaît la fausseté des vertus dont l’homme dispose en sa propriété, les possédant dans son propre esprit, et en usant ou s’en servant par la force ou vertu magique qui lui est communiquée par ces astres, qui sont très grands et ont un grand éclat et brillant ; ils font de grands miracles selon l’apparence, et c’est par ce moyen que les prodiges des faux Prophètes et des Esprits séducteurs se font dans ces derniers temps, dont notre Seigneur nous avertit de nous garder (Matth. 24.), et de ne pas croire aux signes et miracles par lesquels ils chercheront à s’autoriser.

Ainsi l’Ange de cette Église, ou bien les Esprits supérieurs en force et vertu de cette sorte d’âmes, sont ceux qui sont puissants dans toutes les facultés de l’âme selon les sens intérieurs et extérieurs et les puissances ; ce sont des esprits forts, des génies supérieurs, favorisés de l’Esprit astral naturel en toutes ces parties ; ce sont ceux qui sont les Réformateurs au dehors et veulent établir le règne de Jésus Christ parmi les hommes par leurs lois, règles et établissements au dehors ; mais quoique ces choses aient belle apparence et peuvent avoir leur utilité, si on en use selon leur prix, il demeure qu’elles sont insuffisantes pour communiquer la véritable vie de l’Esprit de Jésus Christ à une âme, et ce n’est que l’Esprit de la loi, tout au plus, qui tient en bride et en ordre le dehors, mais ne peut purifier ni changer le dedans du cœur, et dès que l’on veut faire passer ces choses extérieures pour la vie du Christianisme et comme des moyens infaillibles par lesquels on y parvient, cela est une grande erreur ; et en ce cas-là ces règles font plus de mal que de bien, puisqu’elles donnent aux âmes qui s’y attachent la réputation de vivre par la belle apparence qu’elles ont au dehors ; elles se le font accroire à elles-mêmes et le veulent persuader aux autres, ce qui est un mal et une tromperie très dangereuse. C’est par les Esprits qui ont tant de puissance et de vertu qui leur est influée par les astres qu’ils sont entraînés à cela et par lesquels ils sont séduits et trompés. Cette impureté et malignité dont les astres ont été infectés par la chute de Satan a été répandue dans les airs, où toutes sortes d’esprits séducteurs et propriétaires ont leur demeure ; ce sont ceux dont St. Paul fait mention lorsqu’il dit : Nous n’avons pas seulement à combattre contre la chair et le sang, mais contre les Principautés et Puissances, contre les Seigneurs du monde des ténèbres de ce siècle, contre les malices spirituelles qui sont aux lieux célestes. (Éph. 6, 12.) Ce sont ces Esprits qui ont un grand accès et pouvoir à tenter et posséder les hommes, qui inclinent aux choses dans lesquelles ils travaillent encore dans le feu de leur propre activité, dont ils sont poussés et séduits par leur propre Esprit, par lequel ils veulent établir le Règne de Jésus Christ ; mais il leur dira : Je ne vous connais point, car ce sont ceux qui lui diront : N’avons-nous pas prophétisé en ton nom et fait plusieurs merveilles en ton nom, etc. (Matth. 7. v. 22.) Il fallait bien qu’ils eussent eu une bien belle apparence, mais rien n’est accepté du Sauveur que ce qu’il opère lui-même par son St. Esprit. C’est sa vie seule qui est la véritable vie, et aucune âme ne peut obtenir cette vie-là que par la mort entière à toute vie propre ; il faut mourir entièrement et totalement à toute vie que nous avons en nous-mêmes pour y pouvoir parvenir ; la nouvelle créature a seule le droit d’être acceptée de Dieu, parce que c’est son ouvrage, elle est créée de lui.

Mais, ô Dieu, par quelle profonde mort ne faut-il pas passer pour y parvenir ? Et combien de profondes racines a la vie du vieil homme en nous, qu’il faut qui soient arrachées, pour que ce vieil homme soit entièrement détruit ! Combien peu d’âmes veulent souffrir cette opération de l’Esprit de Dieu en eux, et c’est pour cela qu’il y en a si peu qui soient véritablement vivifiés et possédés de l’Esprit de Dieu, qui donne la véritable vie ; chacun se contente d’une ombre de vie, d’avoir la réputation de vivre au dehors ; l’on se pare tout au plus de vertus opérées par les forces de notre propre esprit, mais qui ne sont pas les fruits et les productions de l’Esprit de Dieu ; ainsi elles n’ont que le bruit de vivre, n’en ont que l’apparence, et font des œuvres mortes ; c’est de quoi celui qui a les sept Esprits de Dieu et les sept étoiles en sa main convaincra ces âmes qui s’abusent, dans son temps.

Nous vivons certainement dans le temps de Sardes, et c’est à cette apparence de vie que ceux qui sont les meilleures âmes, ou en ont la réputation, s’attachent ; on ne connaît rien de plus parfait, hormis un petit nombre d’âmes qui n’ont ni crédit ni apparence, auxquelles le Seigneur découvre en secret et dans le Silence, dans la cessation de leurs propres œuvres, la tromperie presque universelle dont les hommes sont éblouis, et la fausse lumière par laquelle ils croient être bien clairvoyants.

 

 

Le 20. Nov. 1735.

 

Il me fut montré cette nuit que les Planètes 1 sont des corps tous lumineux et de feu ; elles ne souffrent rien d’impur, et consument et jettent dehors toute l’impureté ; leur opération sur les âmes me fut montrée être semblable à un fourneau de fonderie, et les âmes qui y sont mises comme le métal cru qu’on jette dans ce fourneau, lequel le fond et le sépare de la terre et crasse qui y est mélangée. Cette crasse écume est rejetée et poussée au dehors par l’activité de ce feu, et cette écume est jetée dans les airs et tombe sur notre terre, et c’est là ce qu’on nomme les mauvaises et malignes influences des astres ; et de la terre, elles tombent dans l’abîme.

Ainsi les astres en eux-mêmes ne souffrent point d’impureté et purifient ce qui y est mis selon la nature d’impureté qu’ils trouvent dans le sujet à quoi leur feu s’attache ; dès que ce sujet est purifié, il demeure à son aise, sans souffrance, et en repos dans ce lieu qui lui est propre.

Ces astres ou Planètes sont donc les lieux de purification pour les âmes qui en ont encore besoin, et c’est là où la purification la plus subtile se parachève, lorsque les âmes n’y ont pas passé dans cette vie.

Le soleil est l’astre qui prédomine sur les âmes de l’Église de Sarde, lequel a en soi la propriété de toutes les autres Planètes, auxquelles il les communique ; voilà pourquoi ces âmes sont d’un caractère si relevé dans toutes leurs puissances ; mais comme elles sont les plus propres et de la plus haute noblesse selon leur nature lorsqu’elles sont purifiées par la mort mystique de toute propriété, qui est l’écume qu’il faut qui soit séparée d’elles, elles sont au contraire les plus pernicieuses, les plus dangereuses, les esprits les plus séducteurs sous belles apparences lorsqu’elles restent dans leur propre être ; leur purification est la plus difficile, et elles ont besoin du feu le plus âpre, et il faut qu’elles passent par le feu des sept fourneaux d’une manière terrible ; car elles ont la noblesse de Lucifer dans leur Être.

Il y a plusieurs autres petites Planètes que nous ne connaissons pas et qui ne sont pas découvertes, lesquelles sont aussi de tels lieux de purification des âmes, qui se rapportent aux sept principales, comme sont les satellites de Jupiter et de Saturne, qui sont connus ; de celles-là sont aussi les étoiles nouvellement découvertes, nommées, par ceux qui en ont fait la découverte, Étoiles de Bourbon.

Ô Dieu, que tes œuvres sont admirables (Psau. 104.) ! Tu les as toutes faites avec sagesse, ordre et mesure ! La terre et les Cieux, étant pleines de tes merveilles, qui ne te louera, aimera, craindra, et glorifiera pas éternellement ? Oui, Amen ; gloire soit à notre Dieu éternellement ! Amen.

Les âmes qui ont passé de la première conversion du péché à la grâce sont comme la pierre des métaux bruts, laquelle doit être jetée dans le fourneau pour que la séparation et purification en soit faite. Elles sont tirées des entrailles de la terre avec bien du travail et de la peine ; ce premier travail est celui de la première conversion ; tant que ces pierres des métaux reposent dans la terre obscure, elles marquent les hommes terrestres et charnels dans leur état tout naturel, avant la première conversion, qui sont morts dans leur fautes et péchés, dans lequel état d’impénitence ils reposent, et sont dans les ténèbres comme dans la terre, où ils sont renfermés et captifs.

 

v. 2. Soyez vigilant et affermissez le reste qui s’en va mourir, car je n’ai point trouvé vos œuvres parfaites devant Dieu.

 

C’est ce qui arrive à ces âmes si actives dans la multiplicité de leurs voies lorsqu’elles sont bientôt à bout de leur forces ; elles s’en vont mourir à tout bien, la grâce qui leur avait été donnée pour la première conversion étant usée, ou se retirant peu à peu, parce qu’elles ne veulent pas passer plus outre et entrer dans la seconde purification et conversion ; la mort par laquelle il faut passer pour cela leur étant trop affreuse, elles se fixent dans leur état ; mais elles y meurent à la grâce et ne gardent que l’apparence de vie ; cette exhortation du Seigneur est donc de veiller pour prendre garde où va et tend l’attrait de son Esprit intérieur dans ces âmes, et de le suivre ou de s’y délaisser ; cet attrait tend à mourir à leur apparence de vie pour parvenir, par cette mort à leur propre activité, à la véritable vie de l’Esprit par la seconde purification marquée.

Ces œuvres de belle apparence ne sont point parfaites ni pures devant Dieu, et ne sont point acceptables ; elles sont mélangées de la corruption de la propriété et sont semblables à la pierre de métal : il faut que cela soit fondu et purifié.

 

v. 3. Souvenez-vous donc de ce que vous avez reçu et de ce que vous avez entendu.

 

Toutes les âmes, dès la première conversion, reçoivent la lumière du chemin par lequel Dieu veut les conduire pour parvenir à la réunion Divine par l’entière purification ; elles l’entendent, Dieu le leur fait entendre intérieurement ; mais, entrant dans les épreuves où l’esprit de la grâce les conduit, et ce chemin étant dans la pratique tout autre que les idées qu’elles s’en étaient faites, elles abandonnent tout le bien, déchoient ou se fixent, et réveillent leur activité propre, n’en pouvant souffrir la mort et d’en être dépouillés ; observez-le, pensez à ce qui vous a été montré et que vous avez reçu au commencement, quelle a été la lumière et l’attrait de la grâce en vous ; si vous y pensez sérieusement, vous trouverez de quoi vous avez à vous repentir et en quoi consiste la faute que vous avez faite ; vous trouverez de quoi vous êtes déchus, où vous vous êtes détournés du chemin dans lequel Dieu vous a conduit, et où vous vous êtes égarés ; son esprit vous invite et vous attire par ces admonitions à y rentrer, et c’est là la repentance qu’il demande de vous, à laquelle il vous invite intérieurement.

 

Que si vous ne veillez pas, je viendrai à vous comme le larron, et vous ne saurez point l’heure que je viendrai à vous.

 

La vigilance que notre Seigneur demande est d’avoir son cœur et son attention tournés vers lui pour bien prendre garde à ces admonitions intérieures, afin de n’en négliger aucune par son inattention ; si on ne fait pas cela, sa venue nous surprendra comme le larron. C’est ce que l’on voit arriver sans cesse aux personnes qui ne font pas leur principale affaire de vivre avec Dieu, d’avoir un commerce continuel et familier dans leur cœur avec lui, ce qui est la prière continuelle qu’il demande de nous ; la mort vient-elle, ou quelque accident et traverse d’importance, elles sont mises en désastre, ne savent où elles en sont ; cette venue leur est semblable à celle d’un larron qui vient leur enlever ce qu’elles possèdent ; elles sont affligées et dans le trouble ; ô que bienheureux est celui qui vit sans cesse avec Dieu et qui s’étudie et met peine à demeurer continuellement en sa présence ; à celui-là le Seigneur ne sera point comme un larron à sa venue, car il l’attend sans cesse et il fait tous ses désirs.

 

v. 4. Vous avez néanmoins à Sardes quelque peu de personnes qui n’ont point souillé leurs habits et qui marchent avec moi, en habits blancs, car ils en sont dignes.

 

Il y en a quelque peu de ces génies supérieurs, des âmes de cette sorte, qui cherchent la pureté du cœur et l’innocence, qui s’unissent à l’innocence de Jésus Christ, m2archent et vivent avec lui dans le renoncement de leur esprit propre et de toutes leurs belles qualités naturelles pour s’accommoder à la simplicité, à l’Enfance, et à l’innocence et pureté des Enfants, dont notre Sauveur dit qu’à tels est le Royaume des Cieux, et que celui qui ne le recevra comme un Enfant n’y entrera point. (Matth. 18. v. 3.) Ceux-là marchent et vivent avec notre Sauveur, car rien ne lui agrée autant que l’enfance et l’innocence de telles âmes ; il les revêt de vêtements blancs, purs et nets, les lavant de toutes les taches du péché ; car il a une complaisance singulière aux cœurs Enfantins ; il aime leur faiblesse plus que la force des hommes faits, qui sont grands et sages en eux-mêmes dans le bien ; ces pauvres Enfants faibles et ignorants en eux-mêmes à leurs propres yeux, n’ayant que leur incapacité à toutes choses en partage, et ne sachant rien qu’aimer et s’attacher à leur bon Sauveur, se jeter entre ses bras avec confiance et confidence, familiarité et hardiesse enfantine, ne trouvant rien en eux-mêmes sur quoi s’appuyer, ceux-là sont les délices de son cœur, et c’est la dignité à laquelle le Sauveur a égard ; ils en sont dignes non par rien qui soit en eux-mêmes, mais parce qu’ils sortent d’eux-mêmes ; ils se quittent, ne trouvant que faiblesse et misère en eux, et ils sont reçus du Sauveur, qui les prend sous sa protection et entre ses bras.

 

v. 5. Celui qui vaincra sera vêtu de blanc, et je n’effacerai point son nom du livre de vie, mais je l’avouerai devant mon Père et devant ses anges.

 

Ce vêtement est l’innocence, et la clarté et pureté en réalité ; c’est le corps lumineux et entièrement purifié, que les bienheureux revêtiront après la résurrection ; c’est le vêtement de l’immortalité ; celui qui est parvenu là n’est plus sujet à aucun genre de mort ni spirituelle ou mystique, ni corporelle ; la mort a été engloutie par la vie, il est confirmé dans le bien et ne peut plus en déchoir ; c’est pour cela que son nom ne peut plus être effacé du livre de vie, car la cause qu’il pourrait en être effacé est ôtée, qui est si une telle âme pouvait déchoir de son état d’innocence où elle a été remise ; et cela ne se pouvant parce qu’elle y est confirmée, le temps d’épreuve étant passé, elle ne peut plus être effacée de ce livre de vie ; elle est à Jésus Christ en propre, comme son bien qui lui appartient ; il l’avoue comme telle devant son Père et devant ses anges ; toute propriété est bannie de l’âme, elle n’en a plus du tout, elle appartient à notre Seigneur Jésus Christ, elle s’ignore elle-même, elle est perdue à elle-même, et ne fait rien plus que Jésus Christ son cher Époux ; c’est à lui qu’elle pense ; c’est aussi lui qui prend soin d’elle et qui l’entretient, dans l’oubli entier où elle est et vit d’elle-même et de toutes choses, car elle est si charmée et possédée de son Divin Époux qu’elle ne peut plus s’occuper que de lui. Mais rompons ce discours d’amour, ce qui se passe dans ce commerce intime et secret doit être tu ; ô Seigneur, que nous t’adorions sans cesse, cela suffit.

 

v. 7. Écrivez aussi à l’Ange de l’Église de Philadelphie : Voici ce que dit celui qui est le saint et le véritable, qui a la clef de David, qui ouvre et personne ne ferme ; qui ferme et personne n’ouvre !

 

Voici les âmes enfantines et faibles en elles-mêmes et en toutes leurs puissances et facultés, comme les précédentes sont fortes dans elles-mêmes et dans toutes leurs facultés et puissances ; ces âmes ici n’ont aucunes forces en elles-mêmes sur lesquelles elles trouvent pouvoir s’appuyer ; lorsqu’elles se regardent, elles ne voient rien qu’impuissance et que faiblesse à tous égards ; elles se trouvent avoir la faiblesse des enfants, avoir leur ignorance et incapacité ; la confiance en Dieu auquel seul elles ont recours est leur unique appui et espérance, ne trouvant ni sainteté ni vérité en elles-mêmes. Jésus Christ se donne à leur égard le nom du saint et du véritable ; il l’est pour elles et en elles, et c’est le sentiment qu’il leur donne de ceci, le parlant dans leur cœur, qui les console et les soutient, les encourage et réjouit dans leurs faiblesses et impuissance.

Ces âmes éprouvent leur faiblesse et impuissance dès le commencement de leur conversion, et qu’elles ne peuvent rien faire par elles-mêmes pour s’avancer dans le bien, que c’est notre Sauveur seul qui leur ouvre le cœur et l’entendement pour recevoir le bien et pour le comprendre, qu’elles ne peuvent hors de là ni l’un ni l’autre ; c’est ce qu’elles expérimentent fort bien ; rien ne prédomine chez elles des forces naturelles ; elles sont, à l’égard de toutes leurs facultés, fort petites, et sont pour cela d’ordinaire méprisées des autres hommes et regardées comme des petits Esprits, des gens simples ; mais heureuse simplicité : savoir aimer son Dieu, faire de lui son tout et se quitter soi-même est la plus noble de toutes les sciences et la marque du plus grand Esprit et du plus grand cœur.

Nôtre Seigneur se nomme ici celui qui a la clef de David ; quelle est cette clef ? David est nommé l’homme selon le cœur de Dieu ; ce qui gagne son cœur est la souplesse et l’abandon qui fait qu’on se laisse entre les mains de Dieu à pleine discrétion, dans tous les états contraires où il lui plaît de nous mettre, haut ou bas, se laisser prendre et rejeter, comme David a fait, sa vie ayant été un exercice presque continuel de foi et d’abandon à Dieu ; c’est cette souplesse qui gagne le cœur de Dieu, qui l’ouvre, c’en est la clef ; l’humilité, la petitesse est ce qui charme son cœur, et qui l’engage à nous donner entrée, à nous conduire lui-même dans le cabinet de son cœur.

Notre Seigneur a ces caractères au plus haut degré, étant Fils de David ; il a été le plus humble et le plus délaissé, et abandonné à son Père de tous les hommes ; il a donc cette clef de David et ouvre le cœur de Dieu aux âmes qui lui deviennent semblables dans ces caractères de petitesse et d’humilité, de délaissement parfait et sans bornes.

 

v. 8. Je connais vos œuvres.

 

Et quelles sont ces œuvres ? Ô Seigneur, ces petites âmes n’en savent aucune ; leurs œuvres sont qu’elles tombent souvent de faiblesse ; les œuvres de ces faibles sont qu’ils reconnaissent sincèrement leur faiblesse et incapacité, non pas qu’ils aiment leurs faiblesses ou se complaisent à aucun mal, car personne ne doit le prendre ainsi pour excuser les fautes et les péchés volontaires, dans lesquels on veut rester et s’excuser sur sa faiblesse, mais à faux ; les faiblesses ou manque de force de ces âmes enfantines dont nous parlons, dont l’innocence est le caractère, sont les œuvres qui plaisent le plus à Dieu, parce qu’elles convainquent toujours davantage ces âmes de leur impuissance, et sont le moyen en la main de Dieu pour les faire entièrement se quitter elles-mêmes et tout leur propre être pour se perdre en Dieu, mourir ainsi entièrement à elles, pour être après cela vivifiées de la vie de Dieu même, qui est alors leur force et leur vertu : Quand je suis faible, alors je suis fort (1. Cor. 12. v. 10.) ; c’est en cela que Dieu prend plaisir ; car il veut être seul fort et seul saint.

 

Je viens d’ouvrir devant vous une porte que personne ne peut fermer, parce qu’encore que vous n’ayez qu’un peu de force, vous avez néanmoins gardé ma parole et n’avez point renoncé à mon nom.

 

Ces âmes, quoique si faibles, oint toujours le cœur ouvert à Dieu ; c’est Dieu qui le leur a ouvert ; aucune des fautes qu’elles font ne sont de malice, et c’est ce qui fait que, quoiqu’exposées à mille et mille tentations, dans lesquelles elles semblent être prêtes à tomber incessamment, à cause qu’elles ne peuvent résister à rien selon l’apparence, à cause de leur faiblesse, il demeure que Dieu les garantit toujours, en sorte qu’elles ne tombent en aucune ; parce que ce n’est que la faiblesse et leur ignorance du mal qui les y aurait fait tomber, et nullement la volonté de vouloir en aucune sorte se détourner de Dieu, puisqu’ayant toujours le cœur ouvert envers lui seul, elles ne désirent que de faire sa volonté et ne s’abandonnent à ce qui se présente à elles que parce qu’elles regardent ces choses qui leur sont présentées comme étant volonté de Dieu et ce qu’il demande d’elles ; c’est cette unité et pureté d’intention qui fait que Dieu les garantit.

C’est donc ce cœur ouvert envers Dieu que nul ne peut fermer, que Dieu leur conserve, parce que malgré leur peu de force, elles ont gardé sa parole, n’ont conservé de désir que de lui plaire et de se laisser conduire par la parole de Dieu, qui est son Esprit opérant en nous, qui est le verbe Jésus Christ ; elles ne l’ont point renié, n’ont point détourné leur affection et leur amour de lui pour s’aimer et se regarder et ainsi s’idolâtrer eux-mêmes, ou quelque autre créature ; car c’est cela qui est en effet renier le nom de Dieu, qui est Jésus Christ ; à cause qu’elles n’ont point fait cela, Jésus Christ leur donne une porte ouverte, il leur ouvre l’entrée en Dieu son Père avec lui ; personne ne leur fermera cette porte, mais en Dieu sera établie leur demeure ; elle y sera stable et affermie ; là, rien ne peut plus leur nuire ni les atteindre, elles sont dans cette forteresse inaccessible, à l’abri de tout danger ; ô l’heureux lieu, l’heureuse demeure, port assuré.

 

v. 9. Je vais amener ceux qui sont de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et qui ne le sont point, mais qui mentent ; je vais les faire venir afin qu’ils se prosternent à tes pieds et qu’ils connaissent que je t’aime.

 

 Ces promesses de Dieu s’accompliront certainement, quoique les âmes propriétaires, les amateurs d’eux-mêmes, qui disent qu’ils sont Juifs selon l’Esprit, qu’ils observent les commandements de Dieu et satisfont à ce que leur conscience exige d’eux (quoiqu’il ne soit pas vrai), mais qu’il soit plutôt véritable qu’ils se retranchent en eux-mêmes, qu’ils s’affermissent dans leur propriété, et prennent en aide tous les subtils prétextes et raisonnements que l’ennemi leur fournit dans leur entendement pour condamner les simples, les âmes enfantines, pour les persuader qu’elles sont dans l’illusion et dans l’erreur, parce qu’elles s’abandonnent à Dieu sans réserve, se quittent elles-mêmes, aiment Dieu purement et uniquement ; ce sont ceux-là qui sont encore esclaves d’eux-mêmes et de leur raison, qui est l’école ou la synagogue de Satan où il enseigne et les séduit, quoiqu’ils ne le savent pas eux-mêmes, éblouis qu’ils sont par leur propre Esprit et leur amour-propre, et sont ceux-là, dis-je, qui, ayant pourtant un bon désir envers Dieu, enfin seront convaincus de leur erreur et seront obligés de reconnaître que la voie enfantine, la voie de l’entier abandon et du pur amour de Dieu est la véritable voie qui nous conduit à l’union Divine ; ils seront obligés de reconnaître que Dieu aime et garde les simples, et ils se rangeront enfin sous la bannière du Divin Enfant Jésus ; oui, mon Seigneur et mon Dieu ! ceux-là qui à présent regimbent contre la parole qui annonce la pureté de ton amour, le délaissement entier de soi-même entre tes mains, ceux-là seront vaincus par la petitesse, l’enfance, la faiblesse, et l’humilité, oui, par l’entier anéantissement dans lequel tu mets les petites âmes Enfantines qui t’appartiennent.

Tu te sers de leur faiblesse, de leur silence, de leur rien, pour terrasser la force, l’élévation, les raisonnements des hommes qui se disent être dévots, être forts en eux-mêmes, qui s’imaginent connaître et pénétrer toutes tes voies par la subtilité de leur Esprit et de leurs connaissances, dans les choses spirituelles desquelles ils présument être les Maîtres, quoiqu’ils ne sachent rien en réalité et vérité.

Car c’est seulement par l’anéantissement et la perte de soi-même, de tout son propre être, par la sortie de soi-même, qu’on est reçu en Dieu, qui seul est la véritable science ; hors de cette perte de soi-même, de son propre esprit, tout ce que nous connaissons, savons et comprenons, le recevant dans notre propre capacité, n’est que vanité et que mensonge ; nous nous abusons et trompons nous-mêmes ; Dieu seul est seul bon, seul véritable ; c’est en lui seul, par la sortie de nous-mêmes en lui, que nous trouvons la vérité même dans sa source.

 

v. 10. Parce que tu as gardé ma parole avec la patience que je recommande, je te garderai aussi de l’heure de la tentation qui doit venir sur l’univers pour éprouver ceux qui habitent la terre !

 

Il est certain que le seul moyen pour persévérer dans le bien, c’est de garder la parole de Dieu ; cela veut dire de n’écouter rien que cette parole qui parle dans le fond de notre cœur ; de ne faire attention à aucune autre voix, quelle qu’elle soit, quelque apparence d’être la voix de la vérité qu’elle ait ; ce sont les voix qui se font entendre dans les sens, soit extérieurs, soit intérieurs. Si nous avons une fois appris à entendre la parole Éternelle et son parler en nous, qui se fait entendre au fond de notre cœur, dans notre centre et non dans nos sens, nous ne devons plus prêter l’oreille pour suivre aucune autre voix, qu’autant qu’elle s’accorde et parle de même que ce que cette parole de Dieu dans notre fond parle aussi, laquelle est l’attrait du centre.

Mats celui qui veut apprendre à connaître et entendre cette voix du bon Berger en son centre doit y apporter la patience requise, car ce n’est que par bien des épreuves et tentations intérieures et extérieures qu’on apprend à la connaître ; ce n’est qu’en fermant l’oreille à toute autre voix que l’on éprouve la différence qu’elle a des autres, en efficace, en force et en vertu ; certes, quand on l’expérimente, alors toute autre voix n’est plus à l’égard de cette âme qu’un airain qui raisonne, donnant un son vide qui ne signifie rien ; cette parole Éternelle pénètre jusqu’aux moelles (Héb. 4. v. 12.), et son efficace, sa force, la vertu qu’elle fait sentir à l’âme dans laquelle elle se prononce ne peut être expliquée ; l’expérience seule peut la faire comprendre.

C’est cette parole seule qui peut garder à l’heure de la tentation qui doit venir, et qui vient infailliblement sur tout l’univers et sur tous ceux qui y habitent. Il est impossible de n’être pas terrassé tôt ou tard par la tentation, soit d’une manière ou d’une autre, d’une sorte ou espèce ou d’une autre, si l’on écoute quelque autre voix, garde et donne entrée dans son cœur à quelque autre parole qu’à la parole Éternelle, le Verbe-Dieu, car les autres voix se déguisent si artificieusement, par la permission de Dieu, qu’elles séduiront infailliblement par leur belle apparence toute âme qui ne s’attache pas uniquement à la parole de Dieu ; c’est là la tentation par laquelle il faut que toutes les âmes passent, elle doit venir sur tout l’univers.

Il y a diverses sortes de tentations par lesquelles il faut que les âmes passent ; mais il y a une heure de tentation qui est singulière et dans laquelle les âmes enfantines seules sont gardées par Jésus Christ, parce qu’elles se remettent entièrement à lui à discrétion et sans réserve. C’est par cette heure de tentation par où elles passent qu’elles se perdent elles-mêmes, se quittent entièrement, et passent en Dieu ; il n’y a que les âmes enfantines qui peuvent faire ce passage ; toute autre âme, quelque vertueuse et haute en grâce qu’elle soit, si cette simplicité lui manque de se pouvoir perdre de vue, de ne s’écouter nullement, le moindre regard sur elle-même, la moindre réflexion sur son état, à laquelle elle prête l’oreille, empêche cette perte et sortie d’elle-même. Si elle ne garde pas uniquement cette parole qui est l’attrait du centre en le suivant, elle ne peut être gardée à cette heure de la tentation qui doit venir, et est et vient sur tout l’univers ; elle fait aussi surpasser tout l’univers aux âmes qui y sont gardées par notre Seigneur, car il leur fait traverser toutes les régions de l’univers ; elles ne sont plus alors arrêtées en aucunes, mais elles les traversent toutes, elles sont conduites en Dieu, dans lequel elles sont cachées avec Christ. (Col. 3. v. 3.) Jusqu’à ce que l’âme en soit venue ici (à cette heure), toute autre parole prononcée dans ses sens, étant bonne, pouvait avoir son utilité pour elle ; mais ici, lorsqu’il faut qu’elle se quitte et s’abandonne elle-même, il n’y a plus que la parole Éternelle, Jésus Christ, lequel opère et parle, effectuant cette sortie de l’âme d’elle-même, qui doive être écoutée ; toute autre parole perd ici son utilité, est insuffisante et d’ordinaire nuisible à l’âme dans cet état si elle l’admet. Lorsque la parole Éternelle veut parler, il la faut écouter ; elle veut alors être écoutée et gardée seule, à l’exclusion de toute autre, quelque bonne et excellente qu’elle soit d’ailleurs dans son temps.

 

Cette heure de tentation est pour éprouver ceux qui habitent la terre.

 

Ce sont ceux qui habitent en eux-mêmes ; car certainement ce n’est que le propre que cette tentation atteint, à laquelle elle s’attache ; dès qu’on peut en venir là, d’abandonner la propriété, le soi-même, dès lors la tentation tombe d’elle-même et n’a plus de force ; mais si cela manque et que l’on veuille demeurer habitant de la terre, demeurer en soi-même, avoir égard à soi, soit pour le temps ou pour l’Éternité, alors on est terrassé par cette heure de la tentation, quand même l’on a surmonté toutes les autres ; car ici tout se révolte contre l’âme elle-même, toutes ses puissances sont tournées contre elle-même et la combattent, et toutes les puissances de l’univers ; il n’y a que par la sortie de soi, ou en sortant d’elle-même, qu’elle puisse se sauver ; c’est la sortie ou perte mystique. C’est ici l’épreuve capitale qui arrive à toute âme étant en elle-même, sans laquelle aucune ne peut être reçue en Dieu.

 

v. 11. Je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as, afin que nul n’enlève ta couronne.

 

Lorsqu’il plaît à Dieu de garder l’âme de cette heure de la tentation, de la lui faire passer heureusement, alors notre Seigneur Jésus vient bientôt après cette heure, non seulement se manifester à l’âme, mais faire sa demeure permanente en elle, ou plutôt il la prend en lui, là où tout ennui prend fin ; il n’y a donc qu’à tenir ferme ce que l’on a, demeurer immobile dans son abandon à Dieu, de peur que nul n’enlève ta couronne ; c’est la couronne de gloire, l’âme est couronnée comme Épouse du Roi des Rois. C’est où se terminent tous ses travaux et toutes ses peines dès cette vie ; non qu’elle ne soit exposée à des traverses et souffrances extérieures, et dans la partie basse de son âme, ô non, elle n’en est pas exempte, non plus que notre Seigneur son Divin Époux n’a pas voulu en être exempt ici-bas, dans cette vie mortelle, mais cela ne trouble ni sa paix intérieure ni sa félicité, et l’union Divine dont elle jouit dans son Centre, où aucun de ces maux ne peut atteindre, jusqu’à ce qu’enfin la félicité soit consommée par le délogement de ce corps mortel.

 

v. 12. Celui qui vaincra, j’en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n’en sortira jamais. Je graverai aussi sur lui le nom de mon Dieu et le nom de la Cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel d’auprès de mon Dieu ; je graverai aussi sur lui mon nouveau nom.

 

De toutes les Églises, il n’y en a aucune à laquelle il soit fait de plus excellentes promesses aux âmes qui vaincront qu’à celle-ci ; ces promesses sont si excellentes qu’elles charment en admiration. Voilà comment l’Enfance et la simplicité, les petits, sont toujours ceux qui sont les plus aimés des pères et mères naturels, dans la nature et aussi dans la grâce ; quoiqu’ils soient les plus faibles et ceux qui sont les moins en état de s’aider eux-mêmes, le meilleur leur est réservé, ou une portion cinq fois plus grande que celle des autres, comme à Benjamin. Gen. 43, 34.

Voyons un peu en détail le contenu de ces promesses admirables : l’immobilité d’une colonne, sa force, sa solidité, et d’être continuellement, sans en bouger ni en sortir jamais, dans le temple de Dieu, est la première promesse faite à ces âmes enfantines et faibles ; la force est mise à l’opposite de leur faiblesse naturelle, la stabilité ou immobilité est en échange de la volubilité et inconstance qui est naturelle aux petits Enfants ; mais quelle grâce et quelle gloire admirable d’être ainsi fait une colonne dans le Temple de Dieu, car qui pourra décrire quelque chose de la magnificence de ce temple ? C’est l’agneau (Apoc. 21, 22.) qui est lui-même le temple de la Cité de Dieu, la nouvelle Jérusalem. Être une colonne dans le Temple de Dieu est donc habiter en Dieu même, sans en sortir jamais ; c’est vivre et être en Dieu d’une manière permanente et stable ; qu’ils soient en moi, et moi en eux (Jean 14, 20.) est ce que notre Seigneur désire, et la promesse qu’il accomplit envers les siens, qui sont entièrement à lui, comme sont les âmes enfantines de cette Église, dès cette vie ; état commencé ici-bas et consommé dans l’Éternité.

Je graverai aussi sur lui le nom de mon Dieu. Cette âme perdra donc son propre nom, et le nom de Dieu lui sera donné dans la place ; peut-on mieux exprimer la perte de l’âme en Dieu qu’elle l’est ici par ces paroles ? Peut-on mieux exprimer comment elle perd tout son propre, avec toute autre chose, pour ne plus rien savoir que Dieu, son nom étant gravé sur elle et dans son cœur ; cette âme est à Dieu, car son nom est gravé sur elle, elle est, appartient, et est habitante de la Cité de Dieu dont elle est bourgeoise (c’est de la nouvelle Jérusalem décrite à la fin de ce livre) ; elle n’est plus habitante de ce monde, quand même elle y vit encore, car notre conversation est de Bourgeois des Cieux (Phil. 3, 20.) ; les choses de ce monde pervers ne nous regardent plus, nous y sommes étrangers, la nouvelle Jérusalem est notre Ville.

Que cette grâce est faite à l’âme dès cette vie, c’est ce que l’expérience confirme, car elle sent bien que toutes ses inclinations, ses affections et ses désirs quittent ce monde et les choses de cette vie, qui lui deviennent un fardeau ; elle n’a que du dégoût pour tout ce qui est de ce monde, elle y est comme étrangère, et aspire d’en sortir bientôt selon la volonté de Dieu ; car elle est où elle aime ; c’est en Dieu, qui seul est l’objet de son amour.

Ce sont donc ses inclinations toutes célestes et divines qui sont le nouveau nom du Sauveur, qu’il grave dans cette âme, qui est bourgeoise de la nouvelle Jérusalem ; elle est renouvelée, rendue une nouvelle créature par Jésus Christ, qui lui donne le nom nouveau ; il a revêtu notre nature humaine, avec toutes ses faiblesses ; il est venu dans ce monde en forme de chair de péché (Rom. 8, 3.), n’ayant rien à son corps mortel qui ne nous fût semblable, et il a ainsi pris le nom de notre vieil homme dans son humanité, ayant été fait semblable à nous en toutes choses, excepté le péché (Héb. 4, 15.), mais étant mort dans cette chair ou corps mortel, il a dévêtu cette ressemblance du vieil homme ; étant ressuscité, il a revêtu le nouvel homme, qui porte son nouveau nom, qui est le Vainqueur. Il est à présent le Roi des Rois, et le Seigneur des Seigneurs, et il rend participant de sa victoire les âmes qui vont avec lui, premièrement dans son abaissement et dans sa mort ; si nous mourons avec lui (2. Tim. 2.) au vieil homme, nous vivrons et régnerons aussi avec lui ; celui qui vaincra héritera toutes choses (Apoc. 21, 7.) et aura ainsi son nouveau nom.

La nouvelle Jérusalem à la lettre est la Ville de mon Dieu, qu’il a voulu manifester, la faisant descendre d’auprès de mon Dieu, dans le grand centre de toutes choses, qui est le soleil, où il lui a plu de manifester cette Ville du grand Roi (Matth. v. 35.) qui s’est établi une demeure dans le Soleil (Psau. 19, 5.) ; c’est là où il veut étaler sa gloire et en rendre participants ses petits Enfants, qu’il veut faire être un jour les bourgeois de cette Jérusalem céleste 2.

L’on peut donc bien être content d’être étranger dans ce monde de misère ; l’on peut bien céder tous les droits de Bourgeoisie qu’on pourrait y prétendre ; cette vie étant si courte et pleine de misère, ayant un meilleur droit de Bourgeoisie à attendre dans cette Ville magnifique décrite à la fin de ce livre et dont on commence à jouir des privilèges dès cette vie si l’on entre selon l’attrait de Dieu qu’il fait sentir à nos cœurs dans le renoncement à toutes choses dans cette vie mortelle, l’heureux change de la terre pour le Ciel et de la boue pour de l’or, et mille fois plus précieux que le plus fin or, qui n’est que boue en comparaison de ce que Dieu donne à l’âme qui se renonce dès ici-bas, que ne sera-ce point dans la vie à venir ? Ouvrons donc les oreilles de nos cœurs à ce Dieu de charité qui nous offre de si grandes choses, et ne les endurcissons point, car c’est son Esprit qui parle, qui nous attire au dedans de nous-mêmes ; écoutons sa voix et la suivons.

 

v. 14. Écrivez aussi à l’Ange de l’Église de Laodicée : Voici ce que dit l’Amen, le témoin fidèle et véritable, le Chef (ou commencement) des Créatures de Dieu.

 

Jésus Christ se nomme ici l’Amen, celui qui dit ainsi soit-il, à toutes les volontés de son Père céleste, et qui les accomplit ; il le fait dans toutes les Créatures et ne cessera à faire son œuvre dans elle et dans l’âme qui s’est donnée à lui, jusqu’à ce qu’il y ait accompli toutes les volontés de son Père, qui sont qu’elles soient remises dans la perfection dans laquelle il les a créées avec surcroît ; il est aussi l’Amen en achevant cette œuvre.

Il est le témoin fidèle et véritable ; c’est son nom, car c’est lui seul qui est la vérité ; sa parole ou son parler dans notre âme est la vérité ; il ne nous flatte point ; écoutons cette parole en nous qui nous découvre à nous-mêmes, si nous voulons être instruits de la vérité et savoir notre état ; car c’est lui qui non seulement témoigne en nous de notre perversité et entière corruption, mais c’est aussi lui qui nous annonce en même temps qu’il veut nous renouveler et créer de nouveau ; ces deux témoignages qu’il rend dans notre intérieur sont selon sa fidélité et vérité ; nous pouvons nous y fier sans crainte ni doute, car il est l’amour et la bonté même. C’est cette charité qui le porte à témoigner ainsi en nous ; nous ne devons donc pas nous en effrayer, ni craindre ce témoignage qu’il nous rend en nous découvrant notre corruption ; au contraire, cela doit nous inviter à l’aimer et à prendre une entière et pleine confiance en lui, puisque ce n’est que pour nous en délivrer qu’il nous la fait sentir et nous la montre, nous invitant par là à nous jeter entre ses bras en nous donnant à lui pour qu’il fasse cette opération.

Il est le Chef des créatures de Dieu, il en est le Roi ; c’est donc lui qui les ramènera toutes sous son obéissance ; il en est le commencement, selon son humanité ; c’est lui qui est resté dans la pureté de son origine, n’ayant point été corrompu par le péché ; il est le principe par lequel Dieu a créé toutes choses (comme cet endroit est aussi traduit), comme le verbe éternel, la parole de Dieu.

 

v. 15. Je connais vos œuvres, vous n’êtes ni froid ni bouillant, je souhaiterais que vous fussiez froid ou bouillant.

v. 16. Mais parce que vous êtes tiède et que vous n’êtes ni froid ni bouillant, je vous vomirai de ma bouche.

 

Cette sorte d’âmes sont celles où la Lune prédomine, qui n’ont point de résolution ; pleines de réflexions qu’elles écoutent, elles se laissent entraîner par elles, tantôt d’un côté et tantôt d’un autre ; elles n’ont point de fermeté ; ce qui leur paraît le plus vraisemblable dans leur imagination, c’est ce qu’elles approuvent ; vient-il demain quelque autre image dans leur fantaisie qui ait pour elles une plus belle apparence, elles quittent ce qu’elles avaient prise hier ; tout cela ne vient que de ce qu’elles ont une forte attache à leur propre sens, dont elles sont idolâtres ; elles veulent juger de tout par leur propre esprit, dans lequel elles abondent, et croient être fort sages et fort clairvoyantes en elles-mêmes, et c’est cette propre suffisance qui cause cette inconstance ; le renoncement à la bonne opinion qu’elles ont de leur propre sens leur manque, et cette attache qu’elles y ont est une source d’illusion ; car le Diable a par là le pouvoir de les entretenir dans l’inconstance et de les faire changer incessamment de route, leur représentant plausiblement et comme véritable tantôt une chose et un chemin, tantôt un autre, parce qu’elles examinent tout selon la mesure et capacité de leur propre esprit, compréhension, et raisonnement, où il a grand pouvoir.

Si l’Esprit de grâce les invite à marcher dans la route par laquelle il veut les mener, elles suivent aussi longtemps que le chemin est conforme à leur idée, mais dès que cela manque et qu’il faut marcher dans la foi obscure et l’abandon à Dieu en confiance enfantine pour se laisser conduire à son gré et non pas au nôtre, dès aussitôt elles quittent la conduite de l’Esprit de Dieu et reprennent la leur, conformément à leur bon sembler, et ainsi quoiqu’elles aient une bonne volonté de servir Dieu, elles demeurent des enfants flottants, qui tournent à tout vent (Éph. 4. v. 14.), remplies et enflées du vent de leur propre esprit, croyant malgré leur inconstance être fort éclairées, clairvoyantes ; ainsi elles demeurent tièdes ; elles ne sont pas froides, car si elles l’étaient, elles seraient en disposition d’être convaincues de leur état d’impénitence, et ne trouveraient rien en elles-mêmes sur quoi elles puissent s’appuyer et croire qu’elles sont dans un état de conversion, ce qu’elles s’imaginent et se persuadent fermement, et ainsi elles sont, à cause de cette présomption, hors d’état d’embrasser une vraie conversion par le renoncement à leur propre esprit ; c’est dont se plaint notre Seigneur : de ce qu’elles sont ainsi inutiles à tout, il ne peut s’en servir à rien dans la présomption où elles sont d’elles-mêmes, esclaves de leur propre esprit, auquel il faut renoncer principalement, si l’on veut devenir propre à être préparé du Seigneur afin qu’il puisse opérer son œuvre de la régénération en nous.

Ô que ces âmes sont à plaindre ! L’on en voit vivre 30, 40, et plus d’années dans la croyance qu’elles sont converties, ayant beaucoup de connaissances et de lumières, et devenir toujours plus tièdes et vides de l’huile de la foi, vides de la réalité du vrai bien, qui est seulement Jésus Christ en nous ; c’est parce qu’elles sont pleines d’elles-mêmes ; Jésus Christ ne trouve point de place en elles où il puisse demeurer, et ainsi, ne pouvant être en elles, il ne peut les avoir en soi et est obligé, après bien des essais, de les vomir de sa bouche, à cause de leur roideur et inflexibilité, qu’elles se fixent en elles-mêmes et n’en veulent pas sortir pour pouvoir entrer en lui ; ainsi elles ne peuvent faire sa nourriture, comme il la fait de ces petites âmes enfantines, souples et vides d’elles-mêmes, de l’ordre précédent, avec lesquelles il se plaît, il prend en elles ses complaisances.

 

v. 17. Tu dis : Je suis riche, j’ai acquis de grands biens, et rien ne me manque.

 

C’est la présomption dans laquelle sont ces pauvres âmes abondant dans leur propre sens, ayant amassé des trésors de connaissances en elles-mêmes, mais ce n’est que dans leur cerveau, et elles ne sont que de vent qui les enfle, mais vide de réalité et de vérité.

 

Mais tu ne connais point que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle, et nu.

v. 18. Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu.

 

Mais avec quoi l’achètera-t-on, cet or de pur amour de Dieu, ô mon Sauveur ? Lequel est purifié de tout mélange d’amour-propre ? Il faut, pour l’avoir, se rendre soi-même et tout ce que l’on possède en soi, ne rien garder du tout, si l’on veut avoir cet or, qui est le trésor caché dans le champ (Matt. 13. v. 44.) ; il n’y a donc point d’autre remède pour ces âmes que l’entier renoncement à elles-mêmes et à toutes leurs richesses imaginaires, qu’elles croient être fort réelles, si elles veulent sortir de leur état déplorable.

 

Afin que tu deviennes riche, et aies des habits blancs pour en être vêtu afin que la honte de ta nudité ne paraisse point, et un collyre sur tes yeux afin que tu voies.

 

L’on voit par ceci que c’est dans la première conversion que sont ces âmes, comme il a été dit du commencement ; leur travail doit être de se couvrir des vertus, de l’humanité de notre Seigneur, de son exemple, et de ses maximes d’une manière active ; si l’on fait cela selon les admonitions de sa conscience dans cet état, c’est un excellent travail : nous couvrons notre nudité honteuse naturelle de l’innocence de notre Seigneur comme d’un habit blanc ; son Esprit nous incite à quitter notre malice, la bigarrure et les ruses de notre Esprit naturel, pour suivre en simplicité les admonitions de son Esprit en nous, qui nous attire toujours à la simplicité, candeur et innocence en toutes choses ; nous mettant sans cesse et à toute occasion en sa présence, cette sainte présence est le collyre par lequel nous voyons clair, comme nous sommes dans la vérité ; c’est par là que nos yeux propres aveugles et trompeurs sont illuminés ; cela ne peut manquer et est un remède infaillible pour être détrompé de nous-mêmes, dans laquelle tromperie et erreur de notre propre état l’amour-propre qui nous fait voir tout à faux nous entretient.

Mettons-nous en sincérité à découvert dans la présence de Dieu sans porter de jugement sur nous-mêmes, ni en bien ni en mal, et si nous nous exposons ainsi (avec un habit blanc, c’est à dire sincèrement en innocence, sans réserve ni flatterie quelque subtile qu’elle soit) en sa présence, il nous éclairera au juste et selon la vérité de notre état, et nous mettra ainsi dans la disposition nécessaire pour sortie de l’état trompeur où nous étions ; il nous éclairera, humiliera et guérira, selon que notre état le demande.

Dans cet état donc, de la première conversion, c’est là la coopération que Dieu demande de nous, par laquelle, en y étant fidèle, il nous dispose à entrer dans la seconde conversion ou purification foncière de tout notre être, dans laquelle il ne s’agit plus de se vêtir d’une robe blanche pour couvrir la honte de notre nudité, mais il faut que cette honteuse nudité soit dépouillée ou consumée, afin d’être changée en une nouvelle créature. Dans cette purification, la vieille doit mourir, laquelle, quoiqu’elle fût couverte d’une robe blanche, était pourtant toujours la vieille ; mais, étant morte, et la nouvelle créature ayant pris sa place, celle-ci n’a rien dont on puisse avoir honte ; étant l’image de Dieu, Jésus Christ lui-même est la robe ou plutôt le corps même dont cette nouvelle créature est vêtue ; elle n’a pas besoin de se couvrir, à moins que ce ne fût pour cacher sa beauté et son éclat à la vue des hommes qui ne la doivent pas voir ; mais non pour couvrir aucun sujet de honte, car elle n’en a point ; elle resplendit de gloire, de beauté et d’excellence ; elle n’a pas besoin non plus de collyre pour voir ; car c’est en Dieu et par les yeux de Dieu qu’elle voit toutes choses, et non plus par ses propres yeux, car elle n’en a plus. Ô l’heureux change de s’être quitté ! de n’avoir plus d’être propre, de ne savoir plus rien que Dieu ; perte admirable, qui est-ce qui te comprendra ? Aucun, sinon celui qui te possédera.

 

v. 19. Je reprends et je châtie tous ceux que j’aime ; aie donc du zèle, et te repens.

 

C’est la plus grande marque que Dieu nous aime de nous reprendre et châtier, de ne nous laisser passer aucune faute, et c’est sur quoi nous devons bien faire attention de prendre garde aux reproches intérieurs qui nous sont faits, à suivre les admonitions de notre conscience ; elle est fidèle à nous reprendre si nous sommes fidèles à la suivre ; les répréhensions qui nous sont faites au dehors par d’autres hommes sont bonnes, mais elles ne sont ni si à propos ni si exactes, et ne vont pas si avant, ne sont pas d’ordinaire si convaincantes que celles de notre intérieur ; c’est pourquoi il faut apporter grande attention à les écouter et une grande fidélité à les suivre ; c’est de là d’où dépend tout notre avancement spirituel, de cette attention intérieure, pour prendre garde à ce qui se passe en nous, et c’est pourquoi il est si nécessaire d’éviter, autant qu’il est possible, la dissipation et les distractions, puisque c’est par ce moyen que nous sommes détournés de l’attention intérieure de notre cœur envers Dieu. C’est à cette attention que nous devons toujours retourner lorsque nous nous en sommes éloignés, et c’est par ce recueillement de cœur vers Dieu que le zèle languissant se rallume, notre cœur se sentant réchauffé dans son amour par le recueillement lorsque nous nous retirons de la dissipation que causent les objets extérieurs qui frappent nos sens et les occupent.

C’est la repentance ou le retour vers Dieu le plus efficace et le plus solide. Car par cette habitude d’avoir son cœur tourné vers Dieu, de s’oublier soi-même et toutes les créatures, l’on perd son froid, sa tiédeur, son incertitude, sa dureté et indocilité ; et ce feu de son amour, qui sont les rayons de ce soleil qui darde sur nous lorsque nous lui demeurons exposés, nous échauffe d’un véritable zèle, affermit nos cœurs dans la grâce et dans le chemin où elle nous mène ; elle nous rend flexibles et comme de la cire amollie par la chaleur, dans laquelle notre Sauveur peut imprimer son image.

 

v. 20. Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.

 

Qui est-ce qui peut exprimer le grand sens qui est contenu dans ces paroles, qui assurément doivent ravir en admiration lorsque Dieu fait la grâce d’ouvrir le cœur pour les comprendre ? Ô Seigneur Jésus ! c’est à toi seul qui les as prononcées à les graver dans les cœurs et à en faire comprendre la dignité ; oui, à faire comprendre aux âmes de quoi tu veux les honorer ! car quel honneur d’être appelé au souper du Roi des Rois ! d’entrer en un commerce si familier avec lui, comme un ami fait avec son plus intime ami et son égal ; en vérité, si les hommes pesaient un peu sérieusement cette promesse de Jésus Christ, il serait impossible qu’ils ne s’efforçassent pas à se mettre dans la disposition de l’écouter lorsqu’il frappe à la porte de leur cœur, et de le lui ouvrir afin qu’il les honore de sa grâce d’y entrer, premièrement pour les visiter et admonester, et puis pour préparer ce cœur à être fait le lieu où il établisse sa demeure permanente ; il ne demande pour toute préparation à ce grand bonheur et honneur, sinon l’attention à entendre sa voix, rien sinon que nous lui ouvrions notre cœur et suivons les admonitions et convictions que nous avons assez clairement, au dedans de nous, de ce qu’il demande de nous ; il veut faire tout le reste et nous donner la force et la lumière qui nous est nécessaire pour suivre avec courage et fidélité le chemin qu’il nous conduit.

 

v. 21. Celui qui vaincra, je le ferai asseoir sur mon Trône, comme aussi j’ai vaincu moi-même et suis assis avec mon Père sur son Trône.

v. 22. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises.

 

Quelle gloire est ici réservée à tous ceux qui auront vaincu par Jésus Christ la nature et la créature ? Ceci ne sont point assurément des manières de parler ; Jésus Christ accomplira ses promesses ; il n’y a donc qu’à le suivre dans l’abaissement, dans le renoncement à soi-même, à son tempérament naturel, et à tout ce à quoi son Esprit de grâce nous attire au dedans ; et cette perte du nôtre sera bien remplacée du sien, comme nous le voyons par ses promesses admirables ; l’on n’oserait aspirer à un si grand honneur d’être assis sur son Trône s’il ne l’avait dit lui-même, mais cet honneur humilie et anéantit infiniment l’âme qui en est honorée et à laquelle cette promesse s’adresse ; l’âme propriétaire qui est encore en elle-même ne doit point s’attribuer cela, car elle est encore indisposée et impropre à recevoir cette grâce ; l’attribution qu’elle s’en voudrait faire lui serait dangereuse, parce qu’elle s’en pourrait enorgueillir, mais l’âme anéantie à elle-même est hors de ce danger ; ne se voyant ni ne se trouvant plus du tout elle-même, elle ne voit que Dieu en tout et ne peut s’attribuer ni s’approprier nulle chose ; elle est arrivée au port du salut, dans son Dieu, où elle est à l’abri de l’orgueil et de l’amour-propre, qui sont nos ennemis capitaux et sans lesquels aucun autre ne nous peut nuire.

C’est où Dieu nous veuille conduire par sa grâce et nous ouvrir les oreilles de notre âme pour pouvoir entendre et comprendre ce que l’esprit de Dieu dit aux Églises, et surtout dans le fond de notre Cœur, qui est ce qui nous est nécessaire pour avancer toujours dans le chemin qui nous conduit à lui sans mous arrêter. Amen.

 

 

 

 

CHAP. IV.

 

 

v. 1. Après cela je regardai, et je vis une porte ouverte dans le Ciel ; et la première voix que j’avais entendue, comme celle d’une trompette, me dit : Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite.

 

Après que les âmes ont passé par tous les états de la vie active, dans laquelle elles coopèrent avec la grâce, et qu’elles ont été éprouvées et exercées dans toutes les épreuves et tentations qui se rapportent à ces états et y sont demeurées fidèles, alors il leur est ouvert une porte dans le Ciel de leur âme ; c’est dans la partie supérieure de l’âme, que nous nommons le Centre de l’âme ; alors, dis-je, ce Centre est ouvert dans l’âme ; il ne l’était pas dans le temps où elle a passé par les états précédents ; ce centre lui était encore inconnu.

C’est donc là la porte qui est ouverte à St. Jean ; la voix médiate du Sauveur, qui avait parlé à lui et s’était fait entendre à ses sens intérieurs avec autant de force que le son d’une trompette, lui dit de quitter les sens et de monter dans l’esprit, dont l’entrée est le centre de l’âme.

Notre Seigneur a parlé dans les chapitres précédents à Saint Jean par son humanité, d’une manière qui se rapporte aux états des âmes des Églises auxquelles il s’est adressé, et a parlé ou a fait entendre sa voix à St. Jean d’une manière médiate et capable d’être aussi entendue par les sens intérieurs de l’Apôtre, car il a parlé des états qui sont opérés dans les sens intérieurs des âmes, ce qui est de l’état actif ; mais à présent notre Seigneur, voulant montrer à St. Jean les états par où les âmes passent et ce qui leur arrive dans la suite, il conduit St. Jean lui-même dans le Ciel de son âme, où ces états s’opèrent ; il le fait monter, lui en ouvrant la porte, afin qu’il lui soit montré dans ce Ciel distinctement ce qui s’y passe et qu’il en puisse rendre témoignage.

Ce n’est pas que ces œuvres admirables ne se fussent déjà opérées dans l’âme de St. Jean avant le temps que ceci lui est montré, mais quoiqu’il eut passé par ces états, en réalité ils ne lui avaient pas été montrés distinctement comme il est fait ici afin qu’il en puisse rendre témoignage ; car l’on peut bien avoir la réalité d’un état et avoir passé par bien des états de la vie spirituelle et cependant n’en avoir pas de lumière distincte ; car Dieu ne donne d’ordinaire cette lumière distincte à certaines âmes qu’afin qu’elles en rendent témoignage par écrit et par paroles pour l’édification des autres âmes, afin qu’elles soient encouragées à marcher ou à se laisser à la conduite de l’Esprit de Dieu dans les routes peu connues de la vie intérieure, et qu’elles soient certifiées, par ces témoignages, de la vérité et réalité de ces voies.

C’est ce que Dieu veut surtout dans ces derniers temps où ces routes seront plus connues et fréquentées qu’elles n’ont encore jamais été par un grand nombre d’âmes que l’Esprit de Dieu y fera marcher. Voilà pourquoi Dieu en fait écrire plus amplement et plus clairement à présent, par plusieurs âmes qu’il a choisies pour cela, et lesquelles il y a fait passer elles-mêmes auparavant.

 

v. 2. À l’heure même je fus ravi en Esprit, et voici, un Trône était dressé dans le ciel, et quelqu’un était assis sur ce Trône.

 

St. Jean est de nouveau ravi en esprit ; il l’était déjà au commencement de la vision précédente, mais il l’est de nouveau ici et d’une manière bien plus profonde ; étant conduit hors des sens intérieurs, dans lesquels il avait été ravi la première fois, il l’est à présent dans le Centre de l’âme, où il voit un Trône dressé dans le Ciel de l’âme ; c’est ce que dit notre Seigneur : Le Royaume de Dieu est en nous, c’est le temple de Dieu où il habite ; il y a là un Trône où Dieu est assis, c’est là où il lui plaît de faire sa demeure ; quelle grandeur, quelle magnificence ! Qui oserait prétendre à une si grande gloire, à un si grand honneur, si notre Seigneur ne nous avait déclaré ouvertement que si quelqu’un m’aime, nous viendrons à lui et ferons notre demeure en lui (Jean 14. v. 23.) ? St. Paul dit : Vous êtes le temple de Dieu. (1. Cor. 3. v. 17.)

Quoique tout ce qui est décrit ici dans ce livre de l’Apocalypse soit ce qui se passe réellement en chaque âme que Dieu prépare pour l’honorer de la grâce de devenir son temple et sa demeure, son Épouse, cela n’est pas moins véritablement la description de ce qui est et se passe selon le sens de la lettre dans le Règne de Dieu en général, et selon ceci il est très vrai et certain que St. Jean fut ici ravi dans le Ciel ; son Esprit fut conduit dans le lieu où Dieu a voulu établir son trône avec tant de grandeur et de magnificence ; c’est sur la montagne de Sion, dans le globe lumineux et magnifique du soleil, où il s’est établi une demeure ; c’est là où est la résidence et la cour céleste de notre grand Dieu, comme elle est décrite ici.

 

v. 3. Celui qui y était assis paraissait semblable à une pierre de Jaspe et de Sardoine, et le Trône était environné d’un arc-en-ciel qui paraissait comme une Émeraude.

 

Ce n’est pas sans mystère que St. Jean ne nomme pas celui qui était assis sur le Trône (Exod. 3, 14.) autrement que par quelqu’un ; c’est celui qui est ; tout autre n’est pas ou n’est rien par rapport à lui ; il faut que tout s’anéantisse en sa présence, et il n’est connu que par ses effets, lorsque l’on veut parler de notre grand Dieu comme il est ; et ce qu’il est dans son essence en lui-même, il n’y a point de nom qui lui soit propre que celui qu’il se donne ; celui qui est ici, c’est quelqu’un, mais de décrire ce qu’il est, c’est ce qui est impossible à la créature de le comprendre ; il faut qu’elle adore et soit anéantie devant lui ; il est décrit quelque chose de sa majesté, lumière, immobilité, clarté, et grandeur ; mais cela n’approche pas de ce qu’il est, ce n’est que pour nous en donner une faible idée, proportionnée à ce que nous pouvons comprendre ; le goût qu’il donne au cœur de lui, dans l’obscurité de la foi qui l’embrasse comme il est, sans distinction, donne une idée sans idée distincte de Dieu beaucoup plus satisfaisante à l’âme que tout ce que l’on peut s’imaginer ou qui peut être représenté de lui distinctement ; les plus hautes idées et représentations qui nous puissent être données de Dieu ne peuvent donc approcher de ce qu’il est en lui-même, et nous devons bien nous garder de croire que ce que nous comprenons de lui soit son être.

C’est ce que St. Jean veut nous faire comprendre en s’abstenant de lui donner un nom, dans la représentation distincte qu’il fait, ou qui lui est montré de Dieu, afin qu’on ne se forme pas une image de lui, ce qu’il défend si expressément dans la loi de Moïse, Deutér. chap. 4.

 

v. 4. Autour du Trône il y en avait vingt-quatre autres ; et je vis sur ces Trônes vingt-quatre Vieillards qui étaient assis, revêtus de blanc, et qui avaient des couronnes sur leurs têtes.

v. 5. Et du Trône il sortait des éclairs, des tonnerres, des voix, et devant le Trône, il y avait sept lampes allumées, qui sont les sept Esprits de Dieu.

 

Qui pourra décrire la magnificence et la grandeur de ces choses et ajouter quelque chose à ce que le St. Apôtre en a dit ici ? Ce serait juste témérité, ô mon Dieu ! Qui le voudrait faire par soi-même mériterait châtiment ; garde-nous-en Seigneur, et nous fais la grâce d’adorer plutôt, dans un anéantissement parfait de nous-mêmes, la grandeur de ces choses, de les admirer plutôt que de vouloir les comprendre.

Il faut, malgré tous les soucis, il faut, malgré tous les ennuis, que je chante, que j’adore, que j’honore la gloire et la grandeur, les merveilles de mon Dieu en ce lieu ! Je veux adorer et me prosterner ici avec les saints vieillards devant mon Dieu, lui rendre gloire, annoncer ses hauts faits et ses merveilles, me laisser consumer des éclairs et des tonnerres qui sortent de ton trône, sans crainte ni frayeur, car j’aime sa justice ; ce feu Divin consume tout ce qui n’est pas lui-même, change tout être en lui ; c’est là tout mon désir ; consume donc mon être et n’en laisse rien du tout ; que tes tonnerres me donnent le dernier coup de mort ; c’est là mon sort, je n’en veux point d’autre ; et tout mon désir et tout mon plaisir est d’être réduit à rien pour t’honorer sans fin, divin amour, auquel seul je suis dévoué et veux être sacrifié sans mesure ; brûle, brûle donc sans fin, ô feu Divin.

Les vingt et quatre anciens qui sont assis autour du Trône sont les 24 premiers anciens Patriarches, lesquels ont été les premiers régénérés par l’Esprit de Jésus Christ ; ils rendent gloire et honneur à celui qui les a fait être les prémices de la régénération, des plus prochains qu’ils ont été de la chute (*).

Notre premier Père Adam tient le premier rang parmi eux, et célèbre avec eux la gloire de notre grand Dieu, dans cet ouvrage admirable du rétablissement ou de la régénération, donnant glaire à la puissance de Dieu qui a récréé l’homme perverti et gâté par le venin du péché ; en dépit de Satan et de sa malice, le voilà rétabli et remis en état, étant relevé de sa chute, d’honorer et de rendre la gloire qui est due à son créateur et Sauveur ; voici l’innocence rétablie, signifiée par leurs robes blanches ; elle est recouvrée tout entrée, au moins dans son premier degré, car elle sera encore rehaussée et perfectionnée ; ces saints Vieillards ont des couronnes d’or, ils ont chacun leur Royaume Céleste et leurs sujets, chacun selon son caractère particulier.

Mon Dieu j’adore devant ce Trône très saint ta majesté très sainte, abattu à tes pieds, devant ton marchepied ; trop heureux d’y avoir accès, j’y demeure couché anéanti ; oserait-on parler dans le langage humain de ta gloire mon Dieu ? Qu’il soit permis d’en bégayer comme un petit Enfant pour l’honneur de ton nom, Dieu de Sion.

Qui sont les sept Esprits très saints qui sont devant ton trône, les sept Esprits de Dieu ? Ces lampes très ardentes qui brûlent de tes feux, mon Dieu ? Ce sont les sept Chefs des Hiérarchies célestes, dans chacune desquelles il a plu à notre grand Roi d’étaler ses merveilles et d’exprimer ses attributs, les ayant gratifiées chacune d’un caractère particulier de sa beauté, de sa force et sagesse, de sa bonté ou charité, et majesté de sa connaissance et de sa science ; ce sont ces attributs qu’il a exprimés en chacun de ces ordres pour qu’ils soient peints dans toutes les créatures qu’il a formées ; ces attributs Divins sont donc ses productions, dans toute la créature et la nature, qui prêche sa grandeur, son amour, sa beauté, sa majesté.

Les Séraphins brûlent de son St. feu à toute outrance, son amour est le caractère qui règne en eux, et les saints feux les consument et pénètrent, les faisant être toutes flammes du pur amour dans cet heureux séjour ; leurs saints feux tombent sur nous, dedans nos cœurs ; nous sentons leurs ardeurs lorsque le cœur est embrasé et consumé de ces célestes flammes ; brûlez, brûlez, mon âme, et la changez en votre feu Divin, pour y vivre sans fin ! Ils contemplent Dieu en lui-même, et ce regard les enflamme sans cesse de nouveaux feux, mais très tranquilles et très paisibles, car il n’y a en eux ni inquiétude, ni mouvement déréglé qui est causé, dans le feu matériel, par l’humidité du bois qui y est mis ; ici ce sont des flammes tranquilles et très paisibles, qui brûlent sans effort ni véhémence, tout à l’aisance, donnant gloire au Seigneur ; ils représentent notre cœur.

Les seconds sont les Chérubins, héros en connaissances, qui pénètrent tous les mystères et les profondeurs du Seigneur, autant que Créature le peut faire ; ils s’abîment dans ce gouffre profond, et puisent sans cesse de nouveaux secrets de grandeur et de mystères dans cette mer immense de la Divinité, qui ne peut s’épuiser ; c’est par leur entremise qu’il est donné de connaître quelque chose des secrets Divins ; ce sont eux qui les manifestent dedans l’entendement, faisant couler les connaissances du centre, où est le Trône du Seigneur, sur cette partie intelligible de l’âme, où elles sont reçues en distinction, pour les manifester comme il plaît au Dieu de bonté. C’est ainsi que quand il lui plaît, notre bon Dieu favorise de nouvelles clartés et connaissances les hommes qui sont disposés à les bien recevoir ; il n’a ni fin ni borne dans ses grandeurs, et la beauté est toujours nouvelle et sans pareille ; il en découvre quelque peu pour renouveler sa mémoire parmi les humains, qui oublient les hauts faits qu’il a faits, tombant en nonchalance et oubliance ; croyant que le vieux est usé, ils en ont abusé ; la libéralité de Dieu leur découvre de nouvelles merveilles pour les encourager et animer à se donner à lui avec courage sans hésiter, et leur faire connaître qu’il opère toujours, dans un temps aussi bien que dans l’autre, qu’il a été, qu’il est et qu’il sera (Apoc. 1, v. 4.) et se communiquera aux hommes qui voudront lui ouvrir leurs cœurs et renoncer à leur propre lumière, pour donner lieu à son St. Esprit de l’éclairer par sa lumière véritable.

Les autres cinq ordres ou lampes se rapportent aux cinq sens de notre âme ; ainsi tout y est rassemblé comme dans l’unité ; ce sont ces hiérarchies des anges bienheureux qui nous font compagnie, nous communiquent leurs saints feux, leurs connaissances, leur beauté, leur clarté, leur douceur et leur majesté, leur belle harmonie, leur goût délicieux pour les choses des Cieux ; ils nous rendent participants des attributs de notre Dieu ; dès ce bas lieu, nous sommes rendus participants de la nature Divine (2. Pier. 1. v. 4.) ; et que voulons-nous davantage que d’être faits des petits Dieux, j’ai dit : vous êtes Dieux (Jean 10, v. 34.) ; ne craignons donc point la mort, ni la souffrance, ni les pénibles opérations du feu Divin, qui nous veut purifier de notre impureté ; souffrons, souffrons, et laissons faire Dieu, sans murmure ; demeurons entre ses mains, il n’épargnera rien à retracer, à récréer en nous sa sainte image, car c’est là seul toute sa prétention et à quoi il travaille sans cesse ; oublions-nous bien seulement, et demeurons à lui abandonnés et délaissés.

Et du Trône il sortait des éclairs, des tonnerres, des voix ; ce Trône est dressé dans le Centre de l’âme, qui est réunie à Dieu ; ces Éclairs qui en sortent sont les lumières qui sont communiquées de ce centre et se répandent dans les puissances sur l’entendement et la mémoire, pour qu’on puisse les exprimer et les communiquer ; les tonnerres sont les vertus ou puissances, la force qui sort de Centre, pour opérer et avoir son efficace dans les autres âmes, dans lesquelles il est donné de Dieu à cette âme de se répandre et de se communiquer à elles pour leur avancement spirituel ; elles reçoivent comme immédiatement de ces âmes-là la lumière et la conviction qui leur est nécessaire selon leur état, lumière salutaire et qui les éclaire de la vérité ; l’efficace et la conviction qu’elles ressentent des impressions qu’elles ressentent sont des tonnerres qui terrassent le vieil homme, mais n’effrayent point ces âmes ; au contraire, elles leur communiquent une lumière douce et de dilection qui amollit leur cœur, les pénètre de l’onction dont ces tonnerres sont accompagnés, les incline tendrement à s’abandonner à Dieu de plus en plus et pleinement, lui livrant elles-mêmes et toutes leurs passions, les attachements qui leur sont découverts par la lumière suave qui leur en est donnée, tout cela pour édifier, augmenter la confiance, établir dans l’enfance, pour se laisser préparer à son Dieu sans garder aucune réserve, se donnant à lui sans milieu. Les voix sont la distinction de ces impressions, par lesquelles il est manifesté ce qui est imprimé, afin qu’on sache ce que c’est, pour l’abandonner de volonté et le donner en sacrifice à Dieu ; c’est là la correspondance qu’il demande dans toutes les lumières et impressions qu’il nous donne sur notre état et sur toutes les attaches qui nous sont données à connaître, que nous avons encore, soit aux créatures, soit argent, honneurs, plaisirs, volupté, maisons, meubles, personnes, dons, grâces, commodités, animaux, beauté, mollesse, ou paresse, en un mot à tout nous-même, et ce qui est en nous et hors de nous, selon que la lumière intérieure nous le fait connaître ; tout doit être sacrifié et mis aux pieds de Dieu pour qu’il en dispose, s’en démettant en sa faveur de tout son cœur pour qu’il en use à son bon plaisir comme son bien, n’y prétendant plus rien.

C’est là le premier pas de la première conversion et componction ; c’est à nous à bien prier Dieu de l’accepter et de ne la pas rejeter ; si c’est sincèrement et sans déguisement que nous lui faisons ce sacrifice, il nous acceptera et conduira.

Renouvelons cet abandon sans écouter les réflexions contraires, avec douceur et confiance, nous présentant devant ses yeux de notre mieux ; c’est la correspondance et la meilleure activité qui nous conduit à la passivité qui suit, nous laissant dépouiller de ce qu’il plaît à Dieu de nous ôter, réellement, sans compliment, connaissant bien que c’est notre grand bien ; car il connaît très bien que par là le chemin est affranchi qui nous conduit à lui, chemin qui, sans cela, serait toujours bouché ; nous serions arrêtés, ce que nous sentons très bien lorsque notre propriété veut résister et ne pas se laisser enlever ce à quoi nous sommes attachés ; cela cause altération et nous rend difficile, ou souvent impossible, l’élévation de nos soupirs, de nos désirs vers Dieu, qui doit faire l’objet que nous regardons sans cesse ; remarquons bien cela, l’attrait intérieur y acheminera.

 

v. 6. Au-devant du Trône il y avait une mer transparente comme le verre et semblable à du Cristal.

 

Voici encore un autre mystère de notre grand Dieu que je ne puis pénétrer et duquel je n’ai aucune idée ; s’il te plaît mon Dieu que j’en écrive, tu m’en donneras l’intelligence, et dans ce moment que je trace ces mots, je crois que tu me la vas donner.

Cette mer transparente comme du verre et semblable à du Cristal est l’intérieur de l’âme ; c’est son Centre, c’est une grande mer dans sa vastitude, et claire et transparente, en sorte que notre Dieu prend son plaisir à s’y peindre ; cette mer est devant son Trône, il se plaît de s’y représenter ; nous contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur à face découverte, dit St. Paul (2. Cor. 3, 18.). Cette mer de verre est le miroir dont il parle et dans lequel la face du Seigneur se contemple ou se mire, et nous la contemplons aussi ; car c’est dans le centre de nous-mêmes qu’est cette mer ou ce miroir pompeux ; c’est la mer vaste dont presque tous les mystiques parlent lorsqu’ils disent qu’il faut que l’âme s’y perde et y fasse naufrage, surtout Mad. Guyon, lorsqu’elle écrit en tant d’endroits de la perte en Dieu.

Ô qui pourrait croire la majesté et la gloire dont Dieu a honoré l’homme en le créant ! Tous les Trésors de sa sagesse, de ses richesses et de sa beauté, aussi bien que de son pouvoir, sont peints dans l’homme, car il prend son plaisir de se peindre lui-même en lui ; c’est pour cela qu’il a par amour pris à soi la nature humaine ; il s’est fait homme pour faire l’homme, Dieu l’ayant créé à son image ; ô mon Dieu, qu’est-ce que de l’homme que tu aies souvenance de lui et que tu le visites ? (Ps. 8. v. 5.) Quelle honte à nous de nous défendre si fort de laisser opérer Dieu en nous lorsque ses opérations contredisent nos idées et notre raison folle et hébétée ; dès aussitôt nous sommes tous hors de nous-mêmes, nous voulons désespérer dès que sa bonté infinie nous découvre un peu le fond de notre corruption ; nous en sommes alarmés, et peu s’en faut que nous ne quittions tout, que nous ne désespérions de tout ; ô honte ! ô lâcheté ! ô incrédulité ! ne nous confierons-nous donc jamais au Très haut ? Croirons-nous donc toujours davantage notre folle raison, faible et ténébreuse, que sa sagesse et sa fidélité ? Notre amour-propre sera-t-il toujours vainqueur ? Nous effrayerons-nous toujours de ne voir aucun bien en nous, et au contraire d’y apercevoir tout le mal ? Hélas ! si nous nous connaissions selon la vérité, cela ne nous effrayerait pas ; rendons grâces au Seigneur et soyons reconnaissants de ce qu’il découvre le fond bourbeux de la mer de corruption où nous sommes plongés par le péché ; et si, étant occupés à nous en vouloir tirer, ces eaux se troublent, la boue s’y mélange et fait sentir son odeur puante, ne nous en effrayons pas tant, nous y avons croupi assez longtemps à notre aise, ayant pris nos plaisirs et tâché d’assouvir nos désirs dans cette boue ; souffrons-en à présent la puanteur ; cela ne peut être autrement si nous voulons être tirés et sauvés de cette mer orageuse et périlleuse où nous périssons infailliblement, et sans que nous puissions l’éviter si nous ne nous en laissons tirer par le bras secourable et puissant qui nous tend la main ; ne craignons donc point, laissons-nous à lui, il n’a de dessein que de nous tirer du bourbier profond où nous gisons pour nous mettre à sauveté et nous manifester la mer transparente et très resplendissante où les eaux de la grâce se rassemblent toutes, dont notre centre est le lit où elles se reposent et d’où elles coulent ; c’est ce que dit notre Sauveur, Jean 7. v. 38 : Qui croit en moi, il découlera des fleuves d’eau vive de son ventre. C’est de cette mer de Cristal dont ces fleuves coulent ; ces eaux vivifient ceux qui les boivent ; elles sont fécondes, car elles coulent des âmes qui sont régénérées, ayant cru au Sauveur, qui a repris son Domaine en elles, y a rétabli son Trône et son Royaume ; leur ventre est rendu fécond ; étant devenues ses Épouses, les fleuves d’eau vives coulent de leur ventre ou de leur Centre, d’où naissent les Enfants spirituels que l’Épouse engendre à son Époux Divin. Adorons le Seigneur sans fin ! Cette mer est de Cristal, ayant avec sa fluidité et sa clarté néanmoins la qualité solide et dure d’un rocher transparent ; cela marque sa consistance et son immobilité, qui est pareille à sa clarté, cette âme étant aussi ferme que la montagne de Sion, qui ne peut être ébranlée, Halleluja. Ps. 125. v. 1.

 

Vers le milieu du Trône et à l’entour, il y avait quatre animaux pleins d’yeux devant et derrière.

v. 7. Le premier animal ressemblait à un Lion. Le second ressemblait à un veau ; le troisième avait le visage comme celui d’un homme ; et le quatrième ressemblait à un aigle qui vole.

v. 8. Ces quatre animaux avaient chacun six ailes ; ils étaient pleins d’yeux tout à l’entour et au dedans ; ils ne cessaient jour et nuit de dire : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu Tout-Puissant, qui était, qui est, et qui sera.

 

Je veux t’adorer avec eux, ô mon Dieu, dans ce lieu ! Ô Seigneur, où est le néant assez profond pour que je m’y puisse cacher, m’y abîmer pour te donner gloire et honneur, à toi seul mon Sauveur ! Mon Dieu, je suis ton pauvre rien, ton pauvre petit chien ; t’adorer et t’aimer est mon partage, mon héritage ; autre chose je ne puis rien, mon Dieu bénin !

Quels sont donc ces quatre animaux d’une si étrange figure, qui nous découvrira ce secret ? C’est toi seul, ô mon Dieu, qui connais ces merveilles ; elles sont grandes et nompareilles, toi seul en est l’Auteur et peux seul les manifester par ta bonté ; pour moi, je n’y entends rien et n’y puis rien comprendre ; je veux attendre qu’il te plaise de les manifester, je ne veux qu’adorer.

Le premier animal était semblable à un Lion. Ce sont les complexions de l’homme qui sont ici figurées par ces animaux. L’homme selon sa nature extérieure est un animal ; c’est selon sa partie terrestre, ou prise de la terre, qu’il est ainsi formé. Dieu veut montrer ici qu’il a pris la nature humaine et l’a sanctifiée, l’a purifiée et Divinisée ; il lui donne accès vers lui pour pouvoir aussi le contempler et l’adorer ; de grossière et terrestre, obscure et pesante, il la rend spirituelle et Céleste, toute transparente et clairvoyante, ce qui est signifié par les yeux dont ces animaux sont pleins d’yeux au dedans et au dehors. Cette nature humaine est toute illuminée, ayant été guérie de l’aveuglement du péché.

Ils ont aussi six ailes par lesquelles ils s’élèvent de la terre vers les Cieux et jusqu’au Trône de Dieu ; ce Dieu de bonté rend la nature humaine Séraphique ; il lui est permis d’adorer sans cesse et d’assister continuellement devant le Trône, avec ces héros de gloire, et de crier sans cesse avec eux nuit et jour : Saint, Saint, Saint, est le Seigneur Dieu Tout-Puissant, etc. Voilà la gloire et l’avantage que le Seigneur Jésus nous a acquis ; en ayant pris la nature humaine, il l’a déifiée et spiritualisée, rendue capable d’adorer et de louer sans cesse, d’assister devant Dieu dès cette vie.

Ô mon Dieu, c’est là notre appel dès cette vie ; j’avoue n’avoir d’envie que de te louer ainsi ; par ta merci, non seulement l’homme Divin et spirituel, mais aussi le terrestre, est admis à la contemplation ; je veux dire que nos sens, notre tempérament, tout est sanctifié et bien purifié pour être consacré à notre Dieu dès ce bas lieu.

Comme le Lion en sa force est sans égal, dans son courage il surmonte tous les obstacles qui le veulent captiver et l’enchaîner, il se met en liberté ; de même l’homme dans son courage, animé du feu Divin, rompt ses liens, brise les chaînes qui l’attachent à la terre, qui le veulent et l’ont captivé ; il en est irrité et jaloux de son Dieu, de son honneur et de sa gloire ; il rompt tous les liens comme des riens, il surmonte tout.

C’est ce qu’a fait notre Sauveur, et qui pour cela est nommé le Lion de la Tribu de Juda (Apoc. 5. v. 5.), qui remporte la victoire et rompt tous les liens ; il surmonte aussi tout en nous, ce très Saint et Divin Époux ! Ne craignons rien, quelque forts que soient nos liens qui nous tiennent captifs au monde, à la terre, à nos plus vives passions, à nos vices et inclinations, à notre raison, à notre propriété, il a tout dompté et le fera en nous, sa foi nous en assure ; croyons seulement ce Sauveur ; nous éprouverons sa faveur, son aide et son secours ; n’ayons d’autres recours que de rester bien attachés à lui, qu’il soit seul notre unique appui, notre seule force et soutien ; il remportera la victoire, pour sa gloire, pour l’honneur de son nom ; adorons le Dieu de Sion !

Ce premier animal est un Lion. Cela marque aussi le premier état de la conversion ; lorsque le Zèle de Dieu se saisit d’un cœur, que sa touche l’éclaire de la nécessité de se convertir à lui, alors ce Dieu de bonté revêt l’âme qu’il a honorée de sa touche d’une force de Lion pour rompre les liens qui l’empêchent de courir à Dieu ; elle rompt les chaînes puissantes qui la tenaient liée au monde, à ses égards humains, à ses avantages temporels, à ses attachements charnels, parents, amis, etc. ; elle n’a égard à rien, elle est cruelle et déchire tout cela ; elle s’en repaît, c’est sa nourriture ; elle agit avec la même cruauté et le même courage contre elle-même, ne se ménageant en rien ; aussitôt que la lumière de sa conscience lui montre qu’elle a une attache, une passion, à laquelle il faut qu’elle renonce pour n’être pas empêchée dans sa course rapide vers Dieu, dès aussitôt, elle lui en fait un sacrifice, rien n’est ménagé par elle ; elle déchire tout comme un Lion furieux ; elle met tout sous ses pieds, et c’est ainsi qu’opère le Zèle de Dieu lorsqu’il s’empare d’un cœur qui veut être à lui sans réserve ; c’est la fonction de ce premier animal, le Lion.

Le second animal est semblable à un veau. Voilà l’état d’humiliation dans lequel notre très adorable Sauveur s’est plongé. Il est né dans une Étable comme un veau dans l’ordure, la faiblesse, et l’ignorance, semblable à ce pauvre animal méprisable, qui n’a rien de noble ni de grand.

Ceci représente aussi admirablement bien l’état qui suit le premier que nous avons marqué ; autant fort, courageux, et magnanime qu’était ce premier état de la conversion, ou bien cet état d’oraison, dans le chemin du retour de l’âme à Dieu, et autant faible, bas, humiliant, impuissant, vil, et imbécile est celui-ci, qui est bien naïvement figuré par un pauvre petit veau ; il n’y a ni force ni courage pour quoi que ce soit ; il faut demeurer là, dans son étable, comme une pauvre petite bête, qui ne peut s’aider en aucune manière.

Voilà comment il faut être humilié ; au lieu des lumières pleines de forces et d’éclat dont on était revêtu dans l’état précédent, il n’y a dans celui-ci que ténèbres, bêtise et faiblesse ; c’est l’état d’oraison dans la foi obscure, où s’opère la purification foncière de l’âme, dans lequel l’âme est dépouillé de toutes ses forces et lumières précédentes, de toute sa beauté et de son courage héroïque, et est remise non seulement dans son état comme tout naturel, mais bien plus bas, dans le rang des pauvres bêtes les plus méprisables ; un pauvre petit veau n’est bon à rien qu’à être égorgé ; c’est aussi notre destin dans cet état, car il se termine par la mort, étant offert en sacrifice à Dieu sur l’autel de notre humiliation ; nous expérimentons aussi dans cet état la révolte des passions honteuses d’un taureau brutal, desquelles nous sommes tyrannisés pour un temps.

 

Le troisième animal avait le visage comme celui d’un homme.

 

C’est la forme qu’il a plu à notre très adorable Sauveur de prendre ; en s’en étant revêtu, il a paru et s’est présenté à nous comme un simple homme ; il a conversé familièrement avec eux, a parlé et agi à la façon des hommes, s’est assujetti aux mêmes infirmités et nécessités ; l’on a rien vu en lui, en sa face extérieure, que la figure d’un homme commun, cela afin de familiariser les hommes, leur donner un accès libre pour approcher de lui sans crainte et pour les inviter à agir avec confiance et familiarité envers lui, comme ils font envers le moindre de leur semblable, n’ayant voulu rien faire paraître de choquant ni de rebutant envers eux, puisque son intention est de les attirer à lui, par amour et affabilité, charité et bonté, comme étant le seul moyen par lequel ils peuvent être secourus et délivrés de leur état misérable, savoir d’aller à lui comme il nous y invite si charitablement, disant : Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous soulagerai. (Matth. 11, 28.)

L’État d’humiliation précédent dispose l’âme à recevoir les mêmes caractères d’humanité, de compassion, de douceur et de support, comme aussi de charité envers les autres hommes ses semblables, qu’a pratiqués notre très adorable Sauveur dans le temps de sa vie mortelle, et corrige l’âme de la hauteur, force, zèle âpre et impitoyable avec lequel elle agissait dans son premier état de force. Elle devient humaine et compatissante, ayant expérimenté dans le second état l’impuissance où elle est de se corriger des mêmes défauts, dont elle reprenait les autres avec hauteur et souvent avec aigreur ; et c’est par ce second état que les vertus d’humilité, de compassion, de douceur et de support envers le prochain, qui sont les plus nécessaires pour elle-même et pour pouvoir être de quelque utilité aux autres, lui sont gravées dans son fond ; ainsi il est donné à l’âme dans ce troisième état une face d’homme.

 

Le quatrième ressemblait à un aigle qui vole.

 

Voilà où se terminent ces états admirables ; tout comme en notre très adorable Sauveur, son âme est toute céleste, quoique vivant encore sur la terre ; elle est continuellement élevée dans les vastes aires de sa Divinité, où elle fait sa demeure ; il montre cela surtout dans les nuits qu’il passe sur la montagne, en prière à Dieu (Luc. 6, 12.), et enfin son corps même est enlevé comme une aigle Royale de cette terre dans les Cieux, après y avoir parachevé extérieurement l’œuvre qu’il s’était proposé d’y faire. Ceci est l’état de l’âme dans l’oraison de contemplation qui est le quatrième ; elle n’a plus sur la terre que sa figure humaine ; tout son cœur, tout son être est en Dieu où elle habite, comme, sur un haut rocher, la demeure des aigles ; elle contemple sans cesse son soleil Divin et ne peut plus s’occuper d’autre chose ; elle parcourt les airs de la Divinité, elle y est introduite et conduite partout où il plaît à la grande aigle mère de la mener ; rien ne lui est caché ; et je ne fais que bégayer de cet état heureux où nous habitons dans les Cieux ; notre demeure est devant le Trône de notre Dieu dès ce bas lieu.

Tous ces états de l’âme représentés par ces quatre animaux sont admis devant le Trône et louent Dieu continuellement ; ils donnent à l’homme la vraie lumière, le rendant tout illuminé ; ils sont pleins d’yeux devant et derrière ; Dieu leur communique la lumière nécessaire, qui est sa lumière Divine, à l’entrée de ces états, et leur fin se termine en lumière et clarté ; c’est derrière, oui, en Dieu même, qui est tout œil et lumière ; l’a-t-on regardé, l’on en est tout illuminé ; comment ne le serait-on pas en le contemplant sans cesse ?

 

Tous ces animaux disent jour et nuit continuellement : Saint, Saint, Saint est le Seigneur tout Puissant, qui était, qui est, et qui sera.

 

Tous ces états lui donnent gloire et témoignent qu’il est lui seul saint et véritable, que c’est à lui seul qu’appartient tout l’honneur ; il a été celui qui a commencé ces états dans l’âme, à l’y conduire ; il est dans celui où elle se trouve et sera dans tous les états où il sera possible que les âmes qu’il s’est acquises puissent entrer, étant toujours lui qui les y conduit, pour l’honneur et la gloire de son saint et grand nom.

 

Le premier animal crie (Apoc. 6, 12.) à l’ouverture du premier sceau : Venez et voyez, et celui qui est monté dessus le Cheval blanc est couronné, a un arc en sa main et paraît en vainqueur.

 

Ceci se rapporte au premier animal, un Lion, et au premier état de l’âme.

 

Chap. 6, 3. À l’ouverture du second sceau, j’entendis le second animal qui disait : Venez et voyez.

 

Voyez la pauvre âme qui était victorieuse et couronnée, ayant terrassé ses ennemis ; elle est à présent vaincue, elle souffre la guerre, et est dans l’impuissance de l’empêcher ; ses passions, comme autant de bêtes brutes, se combattent entre elles comme des taureaux.

 

Chap. 6, 5. Quand l’agneau eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal qui disait : Venez et voyez, et je regardai, et il parût un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main.

 

Cela se rapporte fort bien à ce qui a été dit du troisième animal et de l’état où l’âme est mise, tout étant pesé et mis en un ordre juste, aussi bien le zèle ardent de la force du premier état que la langueur, la faiblesse, la bassesse, et la dépravation des passions du second ; par le troisième cela est mis dans un ordre juste, tout est pesé à la balance, au poids du sanctuaire, la propriété en est retranchée, aussi bien que l’impureté du mélange de l’Esprit propre et humain, et après que l’âme a subi ce jugement, que ces deux états précédents ont été ainsi pesés à la juste balance.

 

v. 6. Alors j’entendis une voix qui venait du milieu des quatre animaux au milieu de ces états : Une mesure de froment vaudra un denier, et trois mesures d’orge vaudront un denier, et ne faites aucun mal ni à l’huile ni au vin.

 

Ceci veut dire qu’au milieu de ces états, après l’ouverture de ce troisième sceau, il est donné à l’âme pour un temps une grande facilité à exercer toutes sortes de vertus ; elle en reçoit la grâce avec onction et force intérieure, ce qui est marqué par le vin et l’huile ; elle se nourrit du blé des vertus qu’elle exerce, qui est pour elle à fort bon marché ; elle jouit d’une grande paix et suavité dans ses sens intérieurs, et croit facilement qu’étant enrichie de tant de grâces, elle est déjà parvenue à son but, qui est d’être reçue à l’union Divine et de s’être perdue elle-même et sa propre volonté ; mais elle se trompe beaucoup, son union n’est que passagère, et dans les sens intérieurs et les puissances, et non dans le centre ; elle l’éprouvera bientôt par le trouble d’enfer qui va suivre. Les vertus qu’elle exerce avec facilité et dont elle se nourrit, la douceur et l’onction dont elle jouit n’est encore que dans la capacité de la créature et possédée en elle-même, et est bien différente de l’état de la vie Divine où ces choses sont en Dieu.

Le quatrième animal invite l’âme à venir voir ou plutôt à expérimenter cette différence, en souffrant l’état terrible qui se manifeste à l’ouverture du quatrième Sceau, qui est celui par lequel il faut passer pour arriver à la contemplation permanente et Divine, devenant une aigle royale comme ce quatrième animal.

Ces quatre animaux, selon leurs figures, se rapportent aux quatre éléments dont notre corps est formé : le feu, la terre, l’eau et l’air.

Les six ailes qu’ont chacun d’eux sont les puissances qui leur sont données pour s’élever à Dieu, ou bien les facultés intérieures qu’a l’âme dans chacun de ces états de pouvoir correspondre à l’attrait et à l’opération de Dieu, selon qu’un chacun de ces états le requiert ; ce sont les moyens qui leur sont donnés pour cela.

Les ailes de l’âme dans son premier état d’oraison active sont ses désirs véhéments qu’elle a de se convertir sincèrement à Dieu ; qu’elle s’excite par : 1o la méditation ; 2o la prière vocale ; 3o l’éloignement du monde et des entretiens inutiles et vains amusements ; 4o la retraite assidue ; 5o une attention autant continuelle qu’il se peut sur elle-même pour prendre garde à ses voies ; 6o la pratique des vertus, étant fidèle et vigilante à combattre le mal, ses vices, et mauvaises inclinations, et à pratiquer les vertus qui leur sont opposées en manière active, selon que son état le requiert, auxquelles choses elle est en tout point excitée par les mouvements de sa conscience, à laquelle elle s’étudie de satisfaire avec force et un Zèle ardent, ce qui sont les moyens qui l’avancent dans la voie du Ciel et la détachent de la terre.

Les ailes ou aides du second animal pour s’élever à Dieu, ou bien pour coopérer selon son état à l’opération Divine, c’est : 1o l’abandon passif entre les mains de Dieu ; 2o déchoir et se laisser prendre les forces qui nous sont ôtées ; 3o cela avec paix et résignation à Dieu, en profonde humiliation et consentement à son Jugement, le reconnaissant comme juste ; 4o se garder des occasions qui peuvent exciter et mettre encore plus fortement en mouvements nos passions, qui sont déjà si fort émues, les évitant au possible, supporter nos faiblesses et nos fautes avec paix, sans nous troubler ; 5o conserver la foi et confiance en Dieu dans nos peines sans se laisser gagner ni troubler par les réflexions et raisonnements qui nous viennent en foule pour nous tirer de la foi et de l’abandon à Dieu, qui est notre forteresse ; 6o conserver toujours une volonté déterminée de ne vouloir que Dieu et que l’accomplissement de sa volonté Sainte en nous, malgré tout le vif sentiment de notre corruption qui nous tyrannise, ne nous pas laisser abattre le courage par ces sentiments fâcheux, ni détourner de l’exercice de la présence de Dieu, demeurant toujours, quant à la volonté, ferme devant ses yeux, dans quelque état de saleté que nous nous sentions être ; par ces ailes (qui nous sont données même dans le bourbier où nous sommes enfoncé et dans l’étable où nous gisons dans notre fumier), nous approchons de Dieu avec un vol rapide, quoique nous ne nous en apercevions pas dans ce temps-là et que le sentiment que nous avons nous veuille persuader du contraire ; mais c’est la foi qui nous doit conduire, et non les sens et la raison, sans quoi nous nous trompons.

Les ailes du troisième animal sont le goût dans les sens internes que donne la foi savoureuse et lumineuse, qui se répand dans tous les sens, et la fidélité de l’âme à réoffrir à Dieu tous les dons, grâces et douceurs, facilité à pratiquer le bien, sans s’y complaire et s’y regarder, mais en rapportant tout à Dieu, et surpassant, autant qu’elle peut, tous ces dons et sentiments doux, connaissances et lumières extraordinaires qu’elle reçoit si aisément et à si bon marché pour aller à Dieu en foi générale ou indistincte, se reposant en Dieu seul, où seulement elle doit se reposer.

Les ailes de l’aigle même lui sont toutes naturelles, c’est son Élément que d’être dans les airs, c’est son aisance que de voler, d’atteindre son soleil et de le regarder.

Les Séraphins ont aussi six ailes ; l’anéantissement d’état où ils se trouvent sont les deux dont ils se couvrent ; l’amour qui les consume les fait voler, leur attention et contemplation, simplicité et unité.

Donnez-moi, mon Divin Époux, comme à la colombe, des ailes afin que je vole vers vous. C’est en vous que l’aigle fait sa demeure Éternelle, sans pouvoir plus en bouger ni autre chose regarder.

Ésaïe 6. v. 2. Les Séraphins avaient six ailes ; de deux ils couvraient leurs faces. 1. La désappropriation fait qu’ils ne regardent point leur beauté. 2. Mais ne voient que Dieu qui les anime. 3. Leur entendement éclairé. 4. Et leur ardente Charité les rendent actifs au service de Dieu selon son ordre ; ils s’en servent pour les humains, les embrasant des feux Divins. 5. La sainte hardiesse et l’amour Enfantin font que, malgré la connaissance de leur indignité, néant et incapacité, qui sont leurs pieds, ils osent néanmoins contempler sans cesse le Dieu très haut ; ils regardent sa majesté sans s’étonner ; disons donc avec eux : Saint, Saint, Saint est l’Éternel des armées, tout ce qui est dans toute la terre soit à sa gloire, Amen, Halleluja.

 

 

 

 

CHAP. V.

 

 

v. 1. Je vis aussi, dans la main droite de celui qui était assis sur le Trône, un livre écrit en dedans et en dehors, scellé de sept sceaux.

v. 2 Et je vis encore un ange d’une grande force, qui criait à haute voix : Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ?

v. 3. Mais il n’y avait personne, ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, qui pût ouvrir le livre, ni le regarder.

 

LE livre scellé de sept sceaux n’est autre que l’âme de l’homme ; nos âmes sont en la main de l’Éternel (Sap. 3. v. 1.) ; cela est ainsi lorsque par la première conversion nous sommes rentrés dans la dépendance de Dieu ; alors, par la donation totale et tant de fois réitérée que nous avons faite de nous-mêmes à Dieu, il nous a pris en propre ; nous sommes en sa main droite comme ce livre est en la main droite de celui qui est assis sur le Trône. Ce sont les âmes des justes qui sont en la main de l’Éternel, car elles sont devenues siennes par une véritable conversion du péché à la grâce ; elles sont écrites au dedans et au dehors, marquées des caractères de vertu qui montrent qu’elles appartiennent à Dieu ; leurs actions et conduite au dehors le marquent. C’est l’Écriture du dehors ; et au dedans cette écriture est l’abandon total et irrévocable qu’elles ont fait d’elles-mêmes à Dieu ; ce qui fait qu’elles sont siennes, c’est la détermination de leur volonté d’être et de demeurer abandonnés à lui, afin qu’il en use comme étant son propre bien, qui fait qu’elles lui appartiennent et qu’il en use à son bon plaisir ; cette âme est donc passée par la première conversion et par les états qui lui sont propres, que l’on a décrits dans les Chapitres précédents et que l’on a dit être de l’état actif.

À présent cette âme est entrée dans l’état passif ; elle est simplement dans la main de Dieu, comme un livre qui est scellé dans lequel tous les trésors des merveilles de Dieu sont renfermés, puisque le Royaume de Dieu est en nous (Luc. 17. v. 21.) ; c’est ce Royaume où sont ces merveilles qui doivent à présent être manifestées, mais personne ne peut les manifester ni ouvrir ou rompre les sceaux dont ce livre est scellé, ni au Ciel, ni en la terre ; personne n’est trouvé qui puisse manifester ces merveilles, sinon le Lion de la tribu de Juda, qui a vaincu ; personne ne peut, quelque Saint et puissant qu’il soit, à quel degré de Sainteté qu’il soit parvenu dans sa propre activité, avoir la grâce ni la dignité d’ouvrir ces sceaux, soit de sa propre âme ou de celle des autres ; il ne peut pas même regarder ce livre scellé ; cela veut dire qu’il ne peut, avec toutes ses hautes connaissances, connaître ou voir, pénétrer la profondeur des mystères et des merveilles que Dieu a renfermés dans l’intérieur de notre âme : il n’y a que notre Sauveur et Seigneur Jésus Christ, Dieu même, qui a pris la nature humaine et une âme comme la nôtre, qui a la puissance et la dignité de rompre les sceaux qui tiennent cachés et scellés les merveilles de Dieu qui sont dans le fond de nos âmes.

Voyons à présent quels sont ces sceaux. C’est la purification foncière de nos âmes et les états de purification par lesquels il faut nécessairement que nous passions, par lesquels notre propriété et toute notre corruption foncière est détruite, qui sont l’ouverture de ces sceaux ; et ces sceaux sont cette corruption indentée qui est un obstacle invincible à tout autre qu’à Dieu. Afin que nous parvenions à son union et que son Royaume soit manifesté en nous, il faut, pour cela, que ces sceaux soient rompus, cet empêchement ôté, cette corruption détruite ; et c’est notre très adorable Sauveur Jésus Christ qui seul peut faire cet ouvrage.

Nous sommes par la première conversion entrés sous l’économie de la loi, et cette loi ayant purifié notre dehors, nous y sommes entre les mains du Père, qui est l’état que l’on nomme communément l’attrait du Père (Jean 6, 44) ; ayant passé et satisfait à cet état, nous sommes en sa main ; alors l’Agneau vient et prend le livre (qui est l’âme) de la main de celui qui est assis sur le Trône, qui est le Père, et prend cette âme dans sa conduite ou opération.

 

v. 4. Pour moi, je fondais en larmes de ce qu’il ne s’était trouvé personne qui fût digne d’ouvrir le livre ni de regarder dedans.

v. 5. Et un des Vieillards me dit : Ne pleure point, voici : le Lion sorti de la Tribu de Juda et de la race de David a obtenu par sa victoire le pouvoir d’ouvrir le livre et d’enlever les sept sceaux.

 

Qui est cet ancien Vénérable qui console ainsi le St. Apôtre ? C’est Adam notre premier Père, qui est si joyeux de ce que le Divin Agneau répare la faute qu’il a faite ; il l’a relevé de sa chute, et en relève tous les descendants ; c’est ce qu’il signifie à St. Jean, étant le plus empressé pour le consoler.

 

v. 6. Je regardais donc et je vis vers le milieu du Trône et entre les quatre animaux et les vieillards un agneau qui était là comme immolé ; il avait sept cornes et sept yeux qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés par toute la terre.

 

Voilà dans quel état l’agneau a vaincu ; étant comme immolé, il s’est laissé égorger ; c’est dans cet état passif que nous devons être et y rester, comme une brebis à la boucherie, si nous voulons obtenir la grâce que ces sept seaux soient rompus, que nous soyons délivrés de notre captivité dans laquelle notre corruption foncière nous retient. C’est le Divin agneau qui veut à présent nous guérir de notre mal ; il a la force pour le faire, marquée par ces sept cornes, et ses yeux pénètrent jusques au fond de notre être pour y voir la profondeur de notre mal et nous guérir ; laissons-le donc faire : ce médecin fidèle nous guérira et nous en délivrera ; il y a sept sceaux à rompre et il y a sept cornes et sept yeux ; cela se rapporte aux puissances et facultés de nos âmes, nos puissances et nos sens intérieurs.

Voici notre très adorable Sauveur qui se représente lui-même selon sa nature humaine, savoir selon notre nature dans l’état de corruption où le péché nous a réduits, qu’il a prise de la Sainte Vierge Marie, afin de pouvoir pâtir et mourir dans ce corps de péché qu’il a revêtu ; c’est par rapport à cette nature capable de souffrir qu’il se représente comme un agneau immolé ; car c’est par ce sang qu’il a répandu qu’il a aussi répandu son Esprit, qui sont les sept Esprits de Dieu, envoyés par toute la terre. Ces Esprits ne laissent donc aucune âme qui ne soit favorisée de leur visite, par laquelle elles sont invitées à la repentance, puisque c’est pour leur rédemption que ce Divin agneau s’est laissé immoler.

Ô la grande consolation pour une âme éprise de la charité de Dieu envers les hommes de savoir, comme il est écrit ici, que ces sept Esprits de Dieu sont envoyés ou répandus par toute la terre par les souffrances et l’effusion du sang de cet agneau sans tache, que ces Esprits ne laissent aucun homme, quel qu’il soit, Turc, Païen, Sauvage, aussi bien qu’aucun de ceux qui portent le nom de Chrétien, qu’ils ne le visitent, ne l’admonestent intérieurement, et ne lui enseignent le chemin du salut s’il veut l’embrasser, ne le laissent manquer d’aucun moyen qui lui est nécessaire, selon son état et condition, pour l’emmener à une solide conversion ; oui, pour opérer en lui la réalité d’une vraie régénération par cet Esprit de Jésus Christ, quoiqu’il n’ait peut-être jamais entendu parler du nom de Jésus Christ.

Ô j’avoue que je suis charmé de cette pensée et vue de la charité universelle de notre bon Dieu envers toutes ses pauvres Créatures égarées de lui ! de son soin pour les ramener à lui, soin qui assurément aura tôt ou tard son effet, et ce ne sera pas en vain que ces sept Esprits de Dieu sont envoyés par toute la terre, c’est pour se communiquer à tous les hommes, selon qu’un chacun a la capacité de recevoir et d’entendre leurs admonitions ; il est puissant en moyens et sa parole ne retourne point à lui sans effet (Ésaïe 55, 1). Ô que les hommes sont dans l’erreur, qui s’imaginent que où le son de leur parole prononcée extérieurement ne se fait pas entendre, là la parole de Dieu n’est pas prêchée ; cette parole, selon sa substance et efficace, a bien des routes plus secrètes et n’a pas besoin de nos sens extérieurs ; elle opère d’autant plus réellement et efficacement qu’elle est moins manifeste au dehors ; car c’est au cœur qu’elle en veut et c’est lui qu’elle cherche de gagner. C’est dans les cœurs qu’elle pénètre ; et plus immédiatement elle y peut atteindre, et plus tôt son opération est efficace pour changer ce cœur, qui est tout ce qu’elle cherche à faire par son opération ; quoique nous soyons si sensuels et si grossiers qu’il faut que Dieu s’accommode à notre grossièreté et nous attire par les sens, il ne s’ensuit pas de là qu’il n’ait pas d’autres voies ; nous verrons à notre grand étonnement dans le Royaume de Dieu ceux qui y seront à table, d’orient et d’occident, et que ceux qui ont cru être enfants du Royaume seront jetés dehors (Matth. 8, 11. 12.) ; ainsi ces sept esprits de Dieu n’ont pas été seulement dans un certain temps envoyés par toute la terre, ils le sont encore, et le seront tant que le monde subsistera ; car le moment de mon Dieu est un moment et un temps Éternel, et sa gratuité n’a point de fin, elle dure à toujours et sa fidélité est d’âge en âge. (Ps. 100, 5.)

 

v. 7. Il s’avança et prit le livre de la main droite de celui qui était assis sur le Trône.

 

Nos âmes sont dans la puissance de Dieu, marquée par sa main droite ; s’il voulait se servir de cette Puissance, il les anéantirait physiquement en un moment, lorsqu’elles lui résistent et ne veulent pas se soumettre à lui ; mas il se démet de cette puissance absolue et nous remet entre les mains de l’humanité qu’il a prise en Jésus Christ pour se comporter envers nous, non comme notre Roi et Maître absolu, qui a tout droit et tout pouvoir sur nous, mais il veut agir envers nous comme s’il était notre semblable, notre frère ; plein d’amour compatissant pour nous, il nous appelle et invite amoureusement à revenir à notre Dieu ; nous invitant à la repentance, il nous laisse l’usage de notre libre volonté pour accepter les grâces et l’amour qu’il nous présente, et ne se sert de son pouvoir que pour l’employer à notre salut, et non à notre destruction ; je ne suis point venu, dit cet agneau charitable et compatissant, pour faire périr les âmes des hommes, mais pour les sauver (Luc. 9, 56.) ; si après cela ces brebis, ces âmes se sont laissés enfin tant apprivoiser par ses caresses tendres et bénignes qu’elles se soient tout de bon et de volonté libre données à lui, convaincues qu’elles sont de sa fidélité et de son amour, qu’il ne veut que les mettre en état de pouvoir les ramener avec lui dans le sein de son Père éternel, ces brebis étant aussi convaincues par l’expérience de leur faiblesse et impuissance à pouvoir elles-mêmes se guérir de leur maladie désespérée, et que nul autre que lui ne peut les guérir, si, dis-je, s’étant alors abandonnés totalement et à discrétion entre ses mains, il use de sa puissance Divine envers elles, ce n’est que pour parvenir à cette fin qu’il s’est proposée par sa charité infinie, qui est notre rédemption ; cela veut dire de nous guérir de notre maladie invétérée, de chasser hors de nous le venin de notre corruption en le faisant évacuer ; et si cette opération est douloureuse pour nous et plus pénible que nous ne nous l’étions figuré avant de nous être abandonnés à lui pour la faire, elle n’est pas pourtant moins nécessaire, et il n’est pas moins véritable que si nous ne la voulons pas souffrir, nous ne serons jamais délivrés de notre maladie, du péché en sa source, qui est un obstacle invincible à ce que nous puissions être réunis à Dieu, qui est la réconciliation, qui est ainsi opérée par Jésus Christ ; car rien d’impur et de souillé ne peut entrer dans la Jérusalem céleste (Apoc. 2, 27.), qui est la demeure de notre Dieu, laquelle demeure est en nous ; ce lieu très saint ne peut y être rétabli et manifesté comme son temple ; il faut que cette demeure d’abomination et de toutes sortes d’Esprits impurs en soit auparavant purifiée et nettoyée, avant que notre Dieu très saint y puisse venir faire sa demeure, et c’est cette purification que notre divin Agneau fait par la vertu de son sang.

 

v. 8. Et dès qu’il eut pris le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre anciens se prosternèrent devant l’Agneau, ayant chacun des harpes et des coupes d’or pleines de parfums qui sont les prières des saints.

 

Les harpes sont les sens intérieurs animés de l’Esprit de Dieu, qui est dans le Centre de l’âme ; les tons harmonieux de cette harpe sont tous les sentiments distincts qui sont donnés à l’âme par lesquels elle prononce et fait retentir la gloire de son Dieu, annonce sa louange et sa grandeur, et rend témoignage à tout l’univers, selon la manière qu’il lui est donné de le faire intérieurement, et d’une manière d’autant plus spirituelle qu’elle est plus efficace et opérante en plusieurs cœurs, pour les gagner à Dieu, les attirant à lui par le goût et le chant de l’esprit, qui charme et enlève le cœur, et par lequel les âmes sont attirés à se laisser à Dieu sans plus rien réserver, sans balancer à souffrir son opération, si fort contraire à la raison ; il les invite, les y incite, par les chants harmonieux de cette musique des Cieux.

Les sons de ces harpes sont aussi les écrits des âmes Séraphiques, qui sont toutes parfumées de cette bonne odeur qui enlève le cœur, de cette onction divine qui nous anime à nous abandonner, à tout quitter, pour nous donner à Dieu sans mesure et sans murmure, nous laissant à discrétion à sa conduite, sans plus nous mêler de nous-mêmes ; c’est ce que veut le Seigneur et qu’il demande, si nous voulons être selon son cœur.

Les coupes d’or représentent le Centre de l’âme, où est rassemblée toute la force de ses désirs, de ses soupirs, de son amour, qui comme un saint parfum fait la prière dont l’agréable odeur attire le cœur du Seigneur ; car c’est là la prière des Saints, le rassemblage de toute la force de leur âme, pour aimer, adorer, désirer Dieu seul ; c’est ce qui l’attire dans l’âme et qui fait qu’il attire l’âme en lui pour être une avec lui ; c’est ici la prière continuelle, car le cœur ne cesse d’aimer et d’adorer le Dieu qui l’a charmé.

C’est donc le Centre de notre âme qui est fort bien nommé et comparé à une coupe d’or, à cause de sa pureté et de sa beauté, car c’est là qu’est rassemblé tout ce qu’il y a de précieux ; c’est de là qu’il monte aux Cieux et est reçu de Dieu dès ce bas lieu ; ces parfums sont la force attirante des soupirs, des désirs, de toutes les forces de l’âme rassemblées dans son Centre qui l’unissent à son Dieu, c’est le parfum de bonne odeur.

 

v. 9. Et ils chantaient un Cantique nouveau, disant : Tu es digne de prendre le livre et d’ouvrir les Sceaux, car tu as été immolé et tu nous as rachetés par ton sang de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation pour être à Dieu.

 

Le Cantique nouveau que chantent les Vieillards vénérables est celui du pur amour, qui seul peut plaire à Dieu et que nul ne peut chanter s’il n’a dévêtu le vieil homme et n’a reçu ce pur et ce Divin amour dedans son cœur, qui bannit tout le moi, a Dieu seul pour objet, ne connaît rien que Dieu, sa seule gloire et son seul intérêt ; c’est bien un Cantique nouveau, car le vieil homme chante toujours son vieux Cantique ; c’est celui de l’amour-propre et du propre intérêt, que le vieil homme a toujours pour but ; il ne cherche que soi-même en tout et par tout, sa propre gloire, ce qui lui est avantageux, dans les choses les plus Divines ; il est toujours sa propre fin ; ce n’est pas là l’amour Divin, qui pense et qui agit tout autrement ; Dieu seul est son but et son élément ; il l’a toujours en vue, n’a pour but en tout que de le servir, de lui obéir sans penser à soi-même, et c’est en agissant ainsi qu’on honore Dieu véritablement ; l’on n’y perd rien.

Et c’est en vain qu’on accuse cette doctrine du pur amour, sans regarder son intérêt, pour être des chimères et compliments ; non, certainement, car il est bien vrai que l’amour même qui est Dieu sait bien récompenser l’âme son Épouse après l’avoir bien éprouvée par les tribulations, par la mort et par les souffrances, à la suite du Divin Agneau son Époux, qui a été immolé, car il faut que l’âme soit renouvelée, qu’elle meure à sa vie propriétaire et pécheresse, qui est justement où vit et gît le propre intérêt qu’on veut défendre, en quoi consiste le venin que combat l’amour Divin, car il lui est contraire et tout opposé.

C’est donc pour l’âme ressuscitée et pleinement renouvelée qu’est ici donné de l’amour Divin.

 

v. 10. D’être fait Rois et sacrificateurs à notre Dieu, et nous régnerons sur la terre.

 

Le vieil homme que l’on défend et qu’on veut soutenir et garantir de la mort n’a à ceci aucune part ; cela ne le regarde pas, il n’a que faire de se l’attribuer, car il n’en aura rien ; la mort est son partage, l’arrêt est prononcé et sera exécuté ; laissons donc là cette matière et n’en disputons pas ; celui qui sera transmis dedans le pur amour le comprendra très bien, car c’est là son bien souverain.

L’Agneau nous a donc rachetés par son sang, qui est la teinture dont l’application nous change en d’autres créatures nouvelles et qui sont à Dieu ; nous redevenons siens, quittons la particularité, cela veut dire l’être propre, pour entrer dans l’unité ; nous ne sommes plus dans la propriété et singularité de telle ou telle tribu, langue, peuple ou nation, ce qui tout a été le fruit de la confusion des ouvriers de la tour de Babel, où ils furent partagés en langues singulières ; chacun fit, par la propriété qui voulait se conserver, un peuple particulier, s’étant arraché et détourné de la dépendance de Dieu leur Souverain et Roi à tous et de tous ; chacun entra en son particulier ; c’est là la propriété ; c’est hors de là que l’Agneau nous veut racheter, pour retourner à être à Dieu, quittant Babel, la confusion et l’attribution, et rentrant dans la dépendance de l’unique Seigneur notre Dieu, qui doit régner seul sur nous tous et en nous tous (Éphés. 4. v. 6.), et lorsque cela sera accompli et qu’étant morts auparavant, il nous aura ressuscités et communiqué sa nouvelle vie de son Esprit, il nous fera être ce qu’il lui plaira : rois et sacrificateurs à Dieu son Père, et nous régnerons sur la terre par l’Esprit de notre Dieu, dans le Royaume spirituel dont il dit : Le Royaume de Dieu est en vous. C’est ce qui s’accomplit ici-bas sur la terre dès cette vie, très réellement et véritablement ; mais il demeure caché et inconnu aux yeux de l’homme terrien et charnel, qui n’y entend rien et n’y peut rien comprendre, car il faut, pour entrer dans ce lieu, se convertir réellement à Dieu.

 

v. 11. Je regardai encore, et j’entendis autour du Trône, autour des animaux et des vieillards, la voix d’une multitude d’Anges ; et il y en avait des millions.

v. 12. Ils disaient à haute voix : l’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange.

 

Notre Seigneur Jésus Christ a voulu recevoir la gloire et l’honneur par la souffrance et l’humiliation selon son humanité ; parce qu’il a voulu marcher le premier dans le chemin qu’il nous a voulu montrer et qui est le seul qui mène à la vie et à la gloire ; il s’est fait être comme un Agneau, en patience et innocence ; il s’est laissé immoler, et c’est par là qu’il est entré en sa gloire ; c’est ainsi que nous devons suivre ses traces ; il faut nécessairement que nous laissions immoler notre vieil homme, que nous souffrions patiemment la mort, non seulement la mort corporelle, ordonnée à tous les hommes, mais aussi la mort mystique dès cette vie, si nous voulons aussi dès cette vie avoir part à la résurrection de notre cher Sauveur et être rendus dignes de vivre de sa vie Divine.

Les Anges prononcent ici les grâces et gloires magnifiques qui suivent la mort et les souffrances ; lesquelles notre Sauveur a reçues en plénitude après sa mort et ses souffrances ; il a reçu selon son humanité, après être mort et avoir ressuscité, la Puissance, les richesses, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire, et la louange ; oui certes ! c’est à lui seul qu’elle appartient, et à lui seul que toutes ces qualités doivent rester pleinement et sans aucun partage ; et il ne se contente pas de les posséder en lui-même, mais comme il nous honore de la grâce d’avoir part à ses souffrances à sa suite, mourant aussi avec lui, il honore aussi ceux qui le veulent bien suivre ainsi et ne secouent point le joug de sa croix ; il les honore, dis-je, étant ressuscités avec lui, d’avoir aussi part à sa gloire ; il se glorifie en eux et il se manifeste en eux, comme Puissant, Riche, Sage et Fort ; il honore la pauvre âme ; comme il le dit : Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera (Jean 12. v. 26.). Cette pauvre gueuse qui n’est que misère, faiblesse, ignorance, et folie en elle-même est toute surprise de se voir douée et revêtue de toutes ces grâces ; car son Sauveur, s’unifiant et vivant en elle, apporte avec soi, dans cette pauvre âme, toutes ses qualités ; il les manifeste et s’en sert en l’âme et par l’âme quand et comme il lui plaît, en sorte que jamais elle ne peut ni ne veut s’en rien attribuer ; son bonheur et sa félicité, son contentement, c’est de ne posséder rien de tous ces biens en elle-même, mais de rester toujours dans son rien ; sa pauvreté fait sa richesse, son ignorance et sa folie, fait sa science et sa sagesse, sa faiblesse, sa force, sa bassesse et ignominie, fait sa gloire et son élévation ; son Sauveur, son Divin Époux, reste possesseur de tous ces biens, et elle reste dans son rien.

Ô oui, Seigneur ! quel contentement, quel bonheur, quel bien être, quel aise n’y a-t-il pas dedans ce rien ! C’est notre place ; ô quelle louange, quelle action de grâce, quel honneur ne t’en revient-il pas, adorable Sauveur ? Nous t’adorons, nous te louons avec les Anges bien heureux, les saints anciens ! Ils témoignent avec les animaux de tous les états de l’âme, rendent témoignage que tu es tout et que tout honneur te doit être rendu, et que nous ne sommes rien, ô saint amour Divin ! Oui, il faut adorer et contempler sans cesse notre grand Dieu, notre Sauveur, admirer ses merveilles et son amour nuit et jour !

Voyez, je vous en prie, quelle charité, quelle humilité ! Le Seigneur notre Dieu vient s’abaisser, il se fait un agneau pour pouvoir souffrir, pour pouvoir mourir, lui innocent, pour nous méchants ; il faut que nous souffrions, que nous mourrions nécessairement à cause du péché si nous voulons être mis en état d’être à lui, de rentrer dans sa communion ; et lui, il vient mourir, souffrir le premier, comme s’il était un pécheur et transgresseur ; il vient nous tenir compagnie et plus souffrir que jamais nous ne pouvons faire pour nous racheter et pour nous aider ; il prend en vérité nos souffrances sur lui, la plus grande partie, qui nous aurait immanquablement accablés sous son poids, pour nous rendre facile et léger le chemin qu’il nous faut fournir et la mort qu’il nous faut souffrir ; suivons, suivons donc ses pas, l’amour nous mène, ou nous porte plutôt ; ce n’est qu’un moment de souffrance qu’il nous faut essuyer ; voyez comment il a sué jusques au sang ! Notre souffrance n’est rien en comparaison ; suivons-le donc, suivons, faisons notre honneur, notre gloire, d’être de ses martyrs ; et s’il nous épargne au dehors, ne voulant pas de victimes sanglantes, comme autrefois, souffrons donc le martyre du St. Esprit et portons les croix au dedans qu’il lui plaît de nous infliger pour nous dompter, pour mettre à la raison notre nature, en bannir la corruption invétérée qui nous a tout gâtés et infectés ; c’est le feu de son saint amour qui produit cet effet pour nous unir à lui, nous recevoir en gloire, après avoir un peu souffert ; pour un peu de tourment, un Éternel contentement.

 

v. 13 J’entendis aussi tout ce qu’il y a de créatures dans le Ciel, sur la terre et sous la terre, et dans la mer, et généralement tout ce qu’il y a dans ces lieux, qui disaient : À celui qui est assis sur le Trône et à l’Agneau soient louange, gloire et Empire dans tous les siècles.

v. 14. Et les quatre animaux disaient : Amen. Et les vingt-quatre Vieillards se prosternèrent et adorèrent celui qui vit dans tous les siècles.

 

Quelle gloire ! quels chants harmonieux ! quelles voix angéliques ne font pas retentir en cantiques ces millions d’anges bienheureux ! Ces hymnes sacrés sont la musique des cieux ! Ô louange et chant trop délicat, trop doux, trop spirituel et sublime pour pouvoir être entendu de nos oreilles grossières ! Il faut revêtir un autre corps et d’autres sens pour les pouvoir entendre, il faut apprendre ce langage des Cieux en quittant le grossier, l’humain, la vanité et ce qui passe, et revêtir ce qui est immortel ; quittons dès ici-bas la région des sens en renonçant au sensible, au palpable, pour entrer dans l’Esprit, où l’attrait du fond nous conduit, et nous apprendrons le langage des Anges, jouirons de leur compagnie, et louerons Dieu à leur manière, en Esprit et en vérité, sans mélange de fausseté, donnant la gloire et tout l’honneur à notre bon Dieu et Sauveur.

Parce qu’il est dit ici que St. Jean entendit toute Créature, dans le Ciel, sur la terre, et sous la terre, et dans la mer, et généralement tout ce qu’il y a dans ces lieux donner louange à Dieu et à l’Agneau, à sa nature humaine et Divine, il est clair que toutes ces créatures seront un jour remises en état de louer leur légitime Souverain, car il faut pour cela qu’elles se soumettent à lui volontairement, sans quoi elles ne le pourraient pas louer de cœur, et ainsi leurs louanges ne seraient qu’hypocrisie ; quelle louange serait cela autre qu’une louange forcée ? La libre volonté, l’amour, fait l’âme et la vie de la louange, et non pas une simple voix et des paroles et chants auxquels les cœurs n’ont point de part, ce que Dieu montre dans toute l’Écriture sainte avoir en horreur : Ce peuple ici s’approche de moi de ses lèvres, mais son cœur est éloigné de moi. (Marc. 7. v. 6.)

Si donc tous les cœurs de toutes les créatures sont en sorte gagnés à Dieu, qu’elles le louent, l’adorent, et l’honorent comme il est ici marqué, il faut qu’elles soient auparavant rentrées dans l’ordre Divin et que la rébellion et tout ce qui est contraire à Dieu soit auparavant banni de leur volonté ; oui, il est clair qu’un jour viendra que toutes ces créatures donneront gloire à Dieu leur Créateur et le loueront éternellement ; il est clair ici qu’aucune n’en est exceptée, non pas même celles qui sont sous la terre, qui ainsi sont les plus éloignées d’être éclairées et échauffées du feu de l’amour Divin, qui se fera de nouveau ressentir à leurs cœurs et leur communiquera une nouvelle vie ; c’est ici où le rétablissement de toutes choses est aussi bien marqué clairement, comme il l’est aussi en plusieurs autres endroits, ce qui glorifie infiniment notre grand Dieu et Sauveur.

Quelles armées Célestes de millions d’Anges seulement marquées ici qui louent le Seigneur et sont autour de nous lorsque nous le louons aussi en nous soumettant à lui ! Quelle compagnie ! Nous ne devons pas craindre, embrassant le parti de notre Dieu, d’être en proie aux méchants, qui, quoiqu’ils paraissent avoir submergé le monde, ne sont qu’un petit nombre en comparaison des Enfants de Sion ; ne craignons donc rien, car si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (Rom. 8, 31.) Si nous avions les yeux ouverts, nous verrions clairement comme Élisée (2. Rois 6. v. 17.) que ceux qui sont pour nous sont bien en plus grand nombre que ceux qui sont contre nous, mais ne le voyant pas si clairement, nous le devons donc croire et nous confier pleinement à notre Dieu, qui est seul suffisant pour abattre nos ennemis, auquel tout doit être soumis, et qui nous en délivrera certainement ; attendons donc patiemment, car s’il retarde son secours, ce n’est pas qu’il ne le veut faire, mais c’est qu’il veut nous délivrer comme il faut, non superficiellement, mais bien réellement ; c’est par la mort que nous sommes bien secourus et que la victoire nous est sûrement donnée, ainsi que le Divin Agneau a vaincu en mourant, en expirant.

 

 

 

 

CHAP. VI.

 

 

v. 1. Après cela, je vis que l’Agneau avait ouvert l’un des sept sceaux et j’entendis l’un des quatre animaux qui dit avec une voix comme d’un tonnerre : Venez et voyez.

v. 2. Et je vis paraître tout d’un coup un cheval blanc ; celui qui était monté dessus avec un arc, et on lui donna une couronne, et il partit victorieux pour continuer à vaincre.

 

LE premier sceau que l’Agneau ouvre est l’entendement, dans lequel Dieu donne la foi et la confiance en lui qui est celui qui est assis sur un cheval blanc ; la foi est assise et se repose sur l’innocence, et la lumière que l’entendement reçoit est claire et simple, laquelle, comme un cheval blanc, conduit au port désiré ; c’est la foi qui remporte la victoire, elle couronne l’âme, l’assure de la victoire que l’Agneau remportera dans l’ouverture de tous les sceaux ; et cette foi est l’arc qui tire les flèches par lesquelles tous les ennemis sont vaincus.

Dieu donne à l’âme, à l’ouverture de ce premier sceau, la lumière dans l’entendement, comment elle n’a qu’à s’abandonner en foi et confiance en Dieu passivement à sa conduite et à souffrir toutes ses opérations douloureuses, n’ayant point d’autres armes que la foi et l’abandon total à Dieu, par laquelle foi et entier abandon tous ces ennemis qui l’attaquent avec furie et semblent l’engloutir infailliblement sont néanmoins terrassés lorsqu’ils semblent être sur le point de terrasser la pauvre âme.

Ces ennemis sont tout le fond de sa corruption, qui s’élève contre elle et à laquelle la pauvre âme semble être livrée à leur discrétion et ne lui pouvoir plus résister ; si elle demeure assise sur l’innocence, la droite intention d’être à Dieu sans réserve et de demeurer abandonnée à lui, cette innocence et droiture d’intention nous porte et conduit dans ce chemin, et la foi, qui est Dieu même et sa force, remporte la victoire ; il couronne son œuvre à la gloire de son nom, et tout le ravage qu’excitent nos ennemis dans notre partie sensitive se termine à rien, et à la fin nous éprouvons que ce n’ont été que des terreurs paniques, toutes les frayeurs que le Diable a excitées dans notre raison et nos sens, et que Dieu même remporte la victoire et nous délivre de toutes nos frayeurs dans son temps, malgré les doutes et le manque de foi dont nous avons été si fort assaillis.

Mais cette foi n’est pas dans la possession de la créature ; elle n’est pas sensible et perceptible, en sorte qu’elle nous puisse servir d’appui en nous-mêmes dans le temps des épreuves ; ô non, elle est en Dieu, et nous n’avons rien qu’un enfantin abandon à sa discrétion, un entier délaissement, afin qu’il dispose de notre sort pour le temps et l’Éternité selon son bon plaisir, consentant à tous ses décrets ; qu’ils soient de nous laisser éternellement malheureux et dans la peine et la captivité où nous nous sentons être, ou bien de nous en délivrer s’il lui plaît et lorsqu’il lui plaira ; sachant que lui seul peut le faire s’il le veut, nous lui laissons cela et toutes choses en son entière disposition.

C’est là le caractère de la foi qui remporte la victoire, détruit en effet tous nos ennemis, à la façon de l’interdit, et est couronné par la patience et la souffrance, par l’entier abandon.

C’est de quoi nous recevons l’assurance et la vue claire à l’ouverture de ce premier sceau de notre entendement, qui en est illuminé selon la vérité, qui aura son accomplissement dans son temps, après que nous aurons souffert les misères qui suivent l’ouverture des autres sceaux, et que nous aurons aussi été rendus participants des consolations dont il plaît à Dieu de les entremêler, lesquelles nous devons recevoir avec humilité de cœur et reconnaissance envers Dieu, qui les opère lui-même en nous lorsqu’il lui plaît.

 

v. 3. Quand l’agneau eut ouvert le second sceau, j’entendis le second animal qui disait : Venez et voyez.

v. 4. En même temps il sortit un Cheval qui était roux et celui qui le montait reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres, et on lui donna une grande Épée.

 

Après que Dieu a ouvert l’entendement et a convaincu l’âme par la lumière claire et distincte de la droiture de ses voies et de la nécessité de s’abandonner à sa conduite pour qu’il opère la purification foncière qui met l’âme dans la disposition de pouvoir être unie à lui, ayant obtenu l’entier consentement de l’âme à ce qu’il fasse cette opération douloureuse, il permet, s’étant bien emparé de la volonté supérieure de l’âme, où il a fait que la lumière dont il a éclairé l’entendement a été pleinement acceptée, il commence cette opération et envoie les Esprits exécuteurs de ses volonté pour opérer en l’âme afin de la purifier, ce qu’il a décrété ; c’est un cheval roux ou rouge sur lequel est monté celui qui a la grande Épée ; il n’y a que feu et sang dans les sens intérieurs ; les chevaux signifient ou représentent l’Esprit naturel.

La mémoire est attaquée et mise en trouble et en guerre à l’ouverture de ce second sceau ; les pensées se combattent entre elles ; toute la région où ces pensées se forment est comme un champ de bataille où les hommes s’entre-tuent les uns les autres ; ce n’est que dissension et discorde dans toute cette partie, que révolte ; toutes les passions sont émues et il n’y a qu’un raisonnement qui combat l’autre ; tout est en discorde, la paix est ôtée de la terre, toute la partie inférieure est en trouble, et la pauvre âme est comme partagée, déchirée, meurtrie, et tuée par cette guerre sanglante qui se fait en elle ; elle n’a ni force ni courage pour résister à rien, et tout ce qu’elle peut faire dans cet état déplorable est de se tenir coite, attendant si peut-être le Seigneur aura compassion ; il faut qu’elle souffre et reste, comme la terre sur laquelle la bataille et la tuerie se fait, aussi immobile autant qu’il est possible ; il faut qu’elle apprenne à ne s’en soucier pas, à ne se point mêler de ce qui se passe en elle-même, mais à le souffrir simplement, en se laissant arracher tout le sensible, toute espérance d’être délivrée, toute foi aperçue, tout appui en ce qui avait soutenu jusqu’alors ; tout est arraché, et il ne reste qu’un abandon sec et sans aucun goût à la volonté de Dieu à laquelle l’on se sacrifie ; sacrifice et abandon que l’on renouvelle autant de fois que l’on sent un peu de relâche et que les assauts qu’il faut essuyer font un peu de trêve.

Car il semble qu’ils veuillent submerger l’âme et emporter entièrement sa volonté supérieure dans l’inondation, où toute la volonté inférieure ou animale se trouve entraînée, dans le vif sentiment des maux qui l’assaillent et des passions qui la tyrannisent et dont elle souffre la torture comme d’autant d’Esprits malins qui ont obtenu le pouvoir de la tourmenter, lesquels irritent les passions de la nature corrompue avec une violence extrême. Ô guerre cruelle, et plus cruelle et pénible à supporter que l’on ne peut l’exprimer ! Mais Dieu ne fait entrer dans cette guerre et ce combat que les âmes dont il s’est assuré et qu’il sait bien qu’elles lui demeureront fidèles ; il les soutient secrètement d’une manière inconnue et imperceptible à eux-mêmes, afin que l’amour-propre n’y prenne aucune part.

Ici, les paroles, les consolations, les exhortations ne sont pas de saison ; Dieu seul veut soutenir l’âme en secret, sans soutien humain ; les sens et la raison doivent mourir, il faut pâtir, être résolu à périr et à mourir, laisser à Dieu disposer de son sort, n’attendant que la mort ; tout autre remède est en vain et ne fait qu’aigrir le venin, rendre plus sensible le mal et plus pénible le travail ; les sens ne peuvent être consolés, ils sont trop désolés ; la raison n’est pas suffisante et est abondante en mille arguments fâcheux qui nous entortillent en nous-mêmes et redoublent nos peines, nous font douter de tout, nous découragent, nous mettant aux abois ; n’écoutons pas ces folles voix, restons dans la souffrance, souffrons sans résistance, laissons-nous au bon Dieu, sans recours ni milieu que l’abandon dedans sa main jusqu’à la fin ; nous trouverons la paix au milieu de la guerre et, en cédant aux coups, Dieu sera la victoire, nous mourrons et lui seul vivra ; cela nous suffira pour devenir heureux dedans notre ruine.

C’est par le moyen de cette guerre que Dieu sépare la partie supérieure de l’inférieure, nous rend celle-ci toute étrangère, nous détache de notre propre Esprit, raisonnement et conception, et de toutes les parties de notre âme où ces choses se forment, où elles ont leur siège, pour nous faire établir notre demeure ou unir notre volonté dans la partie supérieure ou dans le centre de l’âme, car par la guerre et confusion et contradiction qui se fait dans l’inférieure, nous en sommes comme chassés, et l’entrée dans le Centre nous est peu à peu ouvert ; nous apprenons par là à y avoir notre retraite et à mépriser tout ce qui se passe dans nos puissances et dans nos sens intérieurs ; sans cette guerre, nous ne serions jamais séparés de cette partie de nous-mêmes qui sont nos puissances et nos sens, qui sont celles-là seules que nous connaissons dans notre état naturel, et par lesquelles nous jugeons de tout et qui déterminent notre volonté à accepter ou rejeter les choses qui nous sont présentées.

Mais Dieu voulant manifester et ouvrir en nous le Sanctuaire très Saint dans lequel il habite et d’où il incline l’âme selon ses volontés, sans admettre aucun autre examen, ni connaissance ni raisonnement, il faut que notre manière précédente d’agir, de juger, d’accepter et de rejeter les choses, au niveau du jugement et de la connaissance de ces puissances de notre âme qui sont corrompues par le péché, soit détruite. C’est ceci qui opère la mort à notre propre Esprit, par laquelle la lumière Divine du Centre, qui est la lumière de la foi, nous est puis après communiquée.

 

v. 5. Quand l’agneau eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal qui disait : Venez et voyez ; je regardai, et il parut un Cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main.

v. 6. J’entendis alors une voix du milieu des quatre animaux qui disait : Une petite mesure de blé vaudra un denier, et trois mesures d’orge un denier, et ne faites aucun mal ni à l’huile ni au vin.

 

Ici tout est pesé au poids du sanctuaire ; par la guerre précédente, tout l’état précédent de l’âme lui est mis devant les yeux, et il lui est montré foncièrement la valeur de toutes ses vertus, de toutes ses actions, de toutes ses intentions, dans ses états précédents ; alors cela étant pesé au poids du sanctuaire, cela veut dire au poids Divin, comme les choses sont et valent en effet devant Dieu, ô que la pauvre âme trouve du mécompte, ô qu’elle voit alors son état tout autre qu’elle ne l’avait cru jusqu’alors ; elle expérimente qu’elle ne fait que commencer d’entrer en réalité et vérité dans les voies de Dieu, que tout le bien qu’elle avait cru avoir n’est que souillure et impureté ; il lui est donné à connaître que son amour-propre avait la principale place en tout ce qu’elle avait entrepris de bon, dans l’amour qu’elle croyait avoir pour Dieu et tout ce qu’elle avait cru faire pour lui, que l’orgueil, la présomption, l’amour-propre était proprement le principe de tout ; ô que cette vue l’humilie et l’anéantit, et l’achemine au vrai anéantissement et perte d’elle-même ! C’est par là que ses yeux lui sont ouverts, et sans cette guerre cruelle, elle serait toujours demeurée aveugle à elle-même ; c’est ce qui fonde dans l’humilité ; ô heureuse guerre, ô juste balance, qui comprendra ton utilité et ton prix !

C’est un cheval noir sur lequel est monté celui qui a la balance ; tout étant pesé ainsi, cela cause la tristesse à l’âme ; elle entrerait dans une noire mélancolie si Dieu, en même temps qu’il l’abat en anéantissant tout son bien, ne la relevait d’un autre côté en lui donnant la foi et une confiance Enfantine qui fait que, se détournant d’elle-même et s’attachant à Dieu, elle trouve dans cet abandon et délaissement d’elle-même la paix et le repos intime ; cette paix et ce repos intime est l’huile et le vin, qui n’est point endommagé dans l’âme, mais qui fait sa nourriture secrète, et pourvu qu’elle donne sa propriété en payement, qui est le denier ici marqué que coûte le froment et l’orge, elle a sa nourriture spirituelle, sa consolation, et son accroissement qui sont l’huile, le vin, le froment et l’orge ici mentionnés ; tout cela non dans les sens ni dans ces puissances, mais dans le Centre d’elle-même, toute cette substance et nourriture lui est communiquée en secret, dans l’abandon et le délaissement par lequel elle se quitte elle-même.

 

v. 7. Et quand l’agneau eut ouvert le quatrième seau, j’entendis la voix du quatrième animal qui disait : Venez et voyez.

 

Regardez les merveilles de Dieu et jusqu’où s’étend son pouvoir, en ce qu’il opère dans les âmes qui se laissent entre ses mains et à sa conduite ; il opère sans cesse de nouvelles merveilles en elles, par lesquelles il avance son ouvrage de la régénération, par l’entière destruction du vieil homme ; venez et voyez ces choses, contemplez ses merveilles, ô âmes peu courageuses, et soyez incitées par là à vous laisser entre ses mains, sans plus vous mêler de vous-mêmes, puisqu’en le faisant, quoique toujours sous bons prétextes, vous donnez des bornes à son pouvoir et l’arrêtez dans l’opération des merveilles qu’il désire d’opérer en vous, si vous voulez bien vous laisser dans une entière passiveté entre ses mains.

 

v. 8. Je regardai, et je vis paraître un cheval d’une couleur pâle, et celui qui était monté dessus se nommait la mort, et l’Enfer le suivait, et le pouvoir leur fut donné sur la quatrième partie de la terre pour faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la peste, et par les bêtes sauvages de la terre.

 

Voici jusqu’où il faut que les choses en viennent ; l’âme est mise tellement en désordre par la guerre, peste, famine, et les bêtes sauvages que cela lui opère la mort ; c’est dans l’âme où toutes ces désolations se passent ; elle ne sent, n’expérimente et ne voit autre chose ; ses passions sont les bêtes sauvages de la terre, de sa partie la plus base, dont elle se sent déchirée sans pouvoir s’en défendre, toute force pour le faire lui étant ôtée ; elles sont si mutinées qu’elles se font d’elles-mêmes la guerre entre elles, dans la partie sensitive de l’âme, qui ne sent qu’une peste affreuse ; elle est toute infectée d’une puanteur effroyable, en sorte qu’elle n’a que de l’horreur pour elle-même, pouvant à peine se souffrir à cause de son infection ; ô que cet état est difficile à supporter ! David l’expérimentait lorsqu’il s’en plaint si amèrement au Ps. 38 v. 6 : Mes meurtrissures sont pourries et fluent, à cause de ma folie. Il exprime admirablement dans ce Psaume son état intérieur, et c’est par la guerre de ces passions ou bêtes sauvages, par la famine, où la pauvre âme se trouve privée qu’elle est de tout le concours sensible de la grâce qui était sa nourriture, par cette peste ou puanteur effroyable qui fait à présent sa nourriture, qui est un poison, c’est par tout cela qu’est opérée sa mort mystique.

Qu’a-t-elle à espérer, cette pauvre âme, à la suite d’une mort si honteuse et opérée par des moyens si humiliants qui sont sa propre corruption ? Certes elle n’a rien à attendre que l’enfer à la suite d’une telle mort ; il faut qu’elle s’y abandonne, elle n’a point d’autre prétention à faire envers Dieu, rien d’autre à attendre.

Qu’elle se laisse donc à discrétion entre ses mains et soussigne à son arrêt, le reconnaissant juste et équitable, et elle trouvera son salut dans sa perte, la véritable vie dans sa mort ; elle recouvrera la santé parfaite par cette maladie désespérée, et la paix inaltérable suivra cette guerre cruelle qu’elle sent non seulement dans ses sens, mais aussi être dans ses puissances, qui se combattent sans cesse en raisonnements et réflexions importunes, en contradictions continuelles, en sorte qu’il semble à l’âme elle-même qu’elle a perdu le sens commun, ne trouvant que folie et dérangement dans toutes ses puissances. Ô état déplorable et qui ne peut être connu que de ceux qui y passent, et qui s’expérimente tout autrement que n’est l’idée que l’on en peut donner par tout ce que l’on en pourrait décrire ! Il suffit de dire que l’abandon à tout entre les mains de Dieu pour souffrir patiemment dans la plus grande quiétude tout ce qu’il permet nous être fait par les mauvais esprits et nos passions qui nous sont les plus manifestes et les plus sensibles, cet abandon, dis-je, est le remède à tous nos maux et nous donne une paix profonde au milieu de l’enfer dans lequel nous sommes livrés à la tyrannie de tous nos ennemis.

En souffrant cet Enfer temporel, en abandon et résignation à Dieu, comme la juste peine que nos péchés méritent, il se trouve que notre très adorable Sauveur est descendu avec nous aux Enfers ; il assiste en secret, et sans que nous le sachions d’une manière distincte, à toutes nos peines ; il les adoucit, en ayant porté la plus amère, et nous rend par sa présence cet Enfer supportable et doux si nous le souffrons avec abandon et soumission, couchés dans le bourbier de notre ordure d’humiliation et d’impuissance à nous en tirer sans avoir même le désir de le vouloir faire ; puisque cette présence intime et profonde qui est dans le centre de notre âme nous fait apercevoir, en inclinant notre volonté à souffrir nos peines comme je l’ai dit, que nous sommes dans l’ordre Divin, quoique si nous écoutons tant soit peu les raisonnements de notre propre esprit et nous arrêtons à nous regarder nous-mêmes nous ne le puissions croire ; mais c’est ce que nous avons à éviter plus que toute autre chose, étant ce qu’il y a de plus dangereux pour nous dans cet état ; regarder Dieu, s’abandonner à lui, sans se justifier, restant là devant lui de volonté comme l’on est et comme l’on se sent, est notre affaire ; que rien autre chose n’ait lieu ; nous nous en trouverons bien, cela est très certain.

Ô en vérité rien ne peut soutenir dans ces états pénibles qu’une hardiesse enfantine à se laisser à Dieu de volonté tel que l’on est, que se détourner de soi-même, demeurant dans sa défaillance abandonnés sans écouter ou prendre à cœur les réflexions qui viennent : qu’est-ce qui viendra de ceci ? La crainte et le doute qui nous veulent attaquer et surmonter sont les ennemis les plus dangereux qui nous tirent de notre abandon si nous écoutons la raison.

Ô âmes enfantines, vous seules êtes propres à passer sans danger ce détroit où tous les grands, les sages, les prudents, et les forts ont naufragé sans pouvoir se sauver ; ils se reprennent eux-mêmes et leur propre conduite sous bons prétextes, sortent de l’abandon, font naufrage à la foi, rentrant en réflexion ; leur propre esprit redevient de nouveau leur Dieu, ils encensent à leur raison et abandonnent l’oraison ; les voies de l’Esprit leur sont en horreur et dépit, ils n’y voient que fantaisies et que bêtise ; que cet écueil est dangereux et périlleux ! Mais les cœurs enfantins, obéissants, qui se quittent eux-mêmes, leur propre Esprit n’ayant point de soutien que leur faiblesse, ignorance et bassesse, que leur soumission et abandon, ceux-là passent sans danger au travers de tous les Diables et de l’Enfer sans en être attaqués ni endommagés ; le feu infernal ne consume que leur corruption, et l’abandon les rend tranquilles et paisibles, portés qu’ils sont entre les bras de leur Sauveur, qui les soutient et les maintient, les gardant dans son sein ; l’ennemi ne leur fera rien, n’ayant point d’artifice ni de malice ; l’enfer ne leur nuira, Dieu les en tirera à l’impourvu lorsqu’ils s’y attendent le moins ; ils verront leur heureux destin, ils expérimenteront la fidélité du Seigneur.

Heureux donc qui s’abandonne à lui de tout son cœur et, se quittant soi-même, se laisse perdre en lui, sans autre appui, soit sage et prudent qu’il voudra, pour se garder soi-même ; pour moi je ne veux rien savoir que m’abandonner à mon Dieu sans craindre le danger ; il est fidèle, je le sais, et l’ai expérimenté dans mes plus grandes peines, dans mes soucis, dans mes ennuis, dans les périls extrêmes où j’ai été plongé sans aucune ressource que l’abandon à lui sans me mouvoir, ni rien savoir, ni rien pouvoir ; il m’en a affranchi, il m’a délivré de toutes mes frayeurs (Ps. 34.). Il est Dieu Père fidèle et véritable, fions-nous donc à lui, et cela seul soit notre appui.

La quatrième partie de la terre est cela sur quoi il est donné pouvoir à la mort et à l’Enfer. La terre signifie ici, dans un sens spirituel, l’âme ; et la quatrième partie d’icelle, qui est ici livrée à l’exterminateur, est celle où la propriété a son siège, et c’est la propriété même d’où dérive toute la corruption qui se produit et manifeste comme autant de fruits de cette propriété maligne, car elle est la racine de tout le mal et est tellement indentée dans toute l’âme et y est mélangée ; l’âme en a été tellement pénétrée qu’elle en fait comme la quatrième partie de son essence.

C’est tout comme lorsqu’on fond avec un or très fin et pur une quatrième partie d’un métal mauvais, qui, étant ainsi mélangé avec cet or pur, le rend incapable d’être employé à être travaillé aux ouvrages exquis auxquels il est très propre de sa nature ; il faut nécessairement qu’avant que cet or puisse être rendu propre à ce à quoi il est destiné de sa nature, il soit fondu de nouveau et que le métal étranger et venimeux qui l’a rendu impropre à tout en soit séparé.

C’est l’effet que produit la mort et l’enfer par la guerre, peste et famine qu’ils apportent dans l’âme, que de la fondre, la rendre flexible et fluide, de dure comme un rocher qu’elle avait été faite par ce poison ; c’est le feu qui sépare et consume ce venin étranger et la remet dans sa première pureté ; mais cela ne peut être reconnu de l’âme qui est mise par l’ordre de Dieu dans cet état que lorsque la purification est faite. Qui peut penser autrement sinon que cette pauvre âme va être entièrement détruite ? Voyez cet or bouillir, noircir, et être agité, donner une odeur infectée dans le creuset où on l’a mis. Qui pourrait croire, le voyant ainsi, qu’il dût en sortir pur et net si l’expérience ne l’apprenait ? Ainsi ce n’est que le venin que consume le feu Divin.

Il en sera de même de nos corps grossiers que nous avons aussi bien que de la terre ; la mort, la pourriture qui consume ces corps, et le feu qui purifiera la terre, ne consumera que la matière grossière, qui est la production du péché, et ce n’est que comme une écume sale dont ces corps et cette terre seront purifiés, après quoi ils reparaîtront dans leur pureté et leur clarté première, comme Dieu les a créés ; c’est ce qui est donné à entendre dans la fin de ce livre.

Ces plaies prises dans un sens littéral arriveront et arrivent sans doute aux hommes impénitents, comme on le voit tous les jours, et il n’est pas nécessaire que cela arrive en général à tout le monde pour que le temps de ces fléaux soit venu ; il est et a été déjà depuis longtemps ; ne le voyons-nous pas tantôt par la ruine d’un Pays, et puis d’un autre, d’une Ville et d’une autre ? Cela est continuel : la peste, la guerre, la famine se succèdent et se font sentir dans le lieu où il plaît à Dieu de permettre que la malédiction prenne le dessus, ménageant toujours toutes choses conformément à ce que sa sagesse, sa puissance, et son amour infini envers ses pauvres créatures le trouvent convenable, afin que ce qui paraît, à nos yeux, tendre à leur ruine totale devienne, entre les mains de sa sagesse, des moyens de leur salut. Il est longanime et invite les hommes à la repentance. Il ne permet aux fléaux de frapper que la quatrième partie de la terre, afin que les trois autres parties aient le temps de s’amender, voyant devant leurs yeux l’exemple de ceux qui en sont oppressés.

Et ce qui semble être des châtiments sont les marques les plus réelles de l’amour infini qu’il a pour eux ; il essaye de les ramener à lui par des moyens doux ; ce sont ceux dont il se sert dans cette vie, où, quoiqu’il soit nécessaire qu’ils passent tous par le creuset des afflictions, et que ceux qui sont purifiés foncièrement éprouvent les plaies écrites dans ce livre, cependant cela est bien léger et peu de chose en comparaison de ce que les âmes rebelles auront à essuyer et éprouveront dans la vie à venir, selon l’état où elles se trouveront. Mais quelque terribles que soient les peines qu’elles auront à souffrir, il est certain que du côté de Dieu elles sont toutes dispensées, ou bien il permet que ces peines tombent sur elles pour que ces pauvres créatures soient incitées par ces maux à retourner à lui, et ce n’est qu’à cause de leurs résistances et parce que leur volonté qui est libre ne veut pas se soumettre à leur Dieu. C’est cette résistance et rébellion qui rend leurs maux plus cuisants, plus longs, et plus terribles ; car il faut qu’enfin la créature cède et se plie sous la main de son Créateur ; il faut qu’il garde son droit de souverain Maître et Seigneur de tout ce qu’il a formé, car c’est à lui seul qu’appartiennent toutes choses ; à lui soit gloire à toujours, amen.

 

v. 9. Quand l’agneau eut ouvert le cinquième Sceau, je vis sur l’autel les âmes de ceux qui avaient été mis à mort pour la parole de Dieu et pour avoir persisté dans leur témoignage.

 

Ces âmes ici ne sont pas seulement celles qui en effet ont souffert le martyre extérieur pour le témoignage de Dieu à Jésus Christ, les premiers sous l’économie de l’ancien Testament et les autres sous celle du nouveau ; mais ce sont aussi les âmes qui ont souffert le martyre intérieur et mystique par les plaies dont nous venons de parler ; ayant été ainsi tuées, elles sont après cela sous l’autel, ce qui marque qu’elles ont été dessus cet autel, où elles ont été des victimes offertes à Dieu et y ont été égorgées et brûlées ; elles ont été reçues de Dieu dans ce Caractère, comme des offrandes agréables et de bonne odeur ; quoiqu’il leur ait semblé sentir si mauvais, leur destruction et consomption, qui a été faite par le feu de l’autel, a été ce qui a été très agréable et de bonne odeur au Seigneur ; quoique les holocaustes des bêtes que l’on brûlait ainsi toutes entières avec leur peau, leur chair, leur graisse, et leur fiente (Exod. 29. Lev. 1.) dussent donner une odeur bien mauvaise, il est dit que ces holocaustes étaient d’une bonne odeur à l’Éternel ; ainsi en est-il du sacrifice que nous lui faisons de tout nous-mêmes, étant consumé par ce feu qui détruit toute notre corruption la plus foncière ; cet holocauste est en bonne odeur à l’Éternel, puisque rien ne lui est si agréable qu’une âme qui se laisse tellement à lui qu’il puisse la remettre en état d’être rendue assez pure pour qu’elle puisse lui être réunie ; quoique l’évacuation de sa corruption, lorsqu’elle est dans le creuset de sa purification, donne une odeur si mauvaise que l’âme même en a horreur, elle ne laisse pas d’être très douce et agréable au Seigneur.

 

v. 10. Criant à haute voix, elles disaient : Seigneur, qui es Saint et véritable, jusques-à-quand différeras-tu de faire justice et de venger notre Sang sur ceux qui habitent la terre ?

 

Ces âmes sont sous l’autel ; ayant été anéanties mystiquement, elles y gisent sans force ni vie, parce qu’elles ont perdu leur vie propre et ne sont pas encore ressuscitées pour jouir de la vie Divine qui leur sera communiquée puis après ; cet endroit sous l’autel est leur tombeau, où elles gisent en délaissement d’elles-mêmes et abandon à Dieu ; cependant il est dit ici qu’elles crient à haute voix, demandant la vengeance de leur sang ; cela semble être contraire à l’état que je leur attribue, mais nullement : la vengeance qu’elles demandent n’est pas une punition, mais elles désirent que ceux qui habitent sur la terre, qui ont encore leur vie dans les affections terrestres, soient réduits à leur état, qu’ils meurent à ces affections ; c’est là la vengeance qu’elles désirent qui soit faite de leur sang ; ceux qui ont servi d’instruments à les persécuter de quelque manière que ce soit, extérieurement ou intérieurement, de ceux-là elles demandent la vengeance de leur sang ; ayant été les moyens du salut qu’elles ont trouvé dans leur mort, elles désirent que ces persécuteurs soient aussi convertis à Dieu, par le moyen des souffrances qu’il lui plaira de laisser tomber sur eux.

Ce sont les charbons de feu (Rom. 12. v. 20.) que St. Paul dit que nous amassons sur la tête de nos ennemi en souffrant sans leur résister ; et comme le sang de saint Étienne a été le moyen qui a procuré la conversion de St. Paul son persécuteur, non plus que St. Étienne ne demanda pas vengeance de ses ennemis et leur destruction, bien moins le demandent ces âmes anéanties qui sont sous l’autel, mais plutôt leur désir est-il comme celui de ce saint : Seigneur, ne leur impute point ce péché (Act. 7. v. 60.), et celui du Seigneur Jésus lui-même : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils sont (Luc. 23. v. 34.) ; la justice donc qu’elles demandent être faite est qu’il soit rendu à Dieu ce qui lui appartient et que tout lui soit soumis, comme cela est juste ; elles se sont rangées désormais du parti de Dieu, contre elles-mêmes et toute attribution, afin que tout soit restitué à Dieu, que tout lui soit rendu.

 

v. 11. Alors on leur donna à chacun une robe blanche ; ceci est la robe d’innocence dont ils sont revêtus après avoir souffert la mort mystique ; ils sont revêtus du nouvel homme créé selon Dieu en Justice et vraie sainteté (Éph. 4. v. 24.) ; c’est la nouvelle Créature.

 

Et on leur dit qu’ils attendissent en repos encore un peu de temps, jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux.

Le désir que les âmes sentent avoir pour que toute créature soit ramenée dans l’ordre Divin (lequel désir se fait sentir vivement lorsqu’une âme a reçu la grâce de parvenir à cet état bienheureux d’avoir été faite un holocauste parfait) est radouci et tempéré par la jouissance du repos qui est donné à ces âmes ; auquel repos elles doivent céder, repos qui est en Dieu et par lequel il est plus effectué pour sa gloire et l’avancement de son règne que par tout le mouvement que les âmes encore propriétaires se donnent dans leur propre activité, sans fruit véritable pour l’avancement de ce Règne ; elles en doivent donc jouir sans scrupule, et il leur sera donné de plus en plus à connaître que ce repos où elles sont glorifie Dieu infiniment.

Lorsque le nombre sera complet de leurs frères qui doivent aussi souffrir le martyre comme elles, alors, sans doute, le temps de la patience et longanimité de Dieu qu’il s’est prescrit pour ramener par les voies de douceur les âmes à lui étant passé, il emploiera des moyens beaucoup plus douloureux et un feu plus terrible pour parvenir à ces fins.

Heureux sont ceux qui dès cette vie acceptent les moyens de repentance et de conversion qui leur sont présentés ; ce n’est qu’un jeu d’Enfant que toutes les souffrances qu’on y a à passer pour parvenir à la réunion Divine, par rapport à la durée aussi bien qu’à la nature des souffrances, en comparaison de ce qu’on aura à souffrir dans la vie à venir ; quand donc le nombre de ces âmes choisies sera complet, ce sera alors que les fléaux submergeront le monde entier et que la fin de ce monde pervers viendra ; quant au temps et à l’heure, nul ne le sait (Matth. 24. v. 36.), dit notre très adorable Sauveur.

Dans l’ouverture de ce cinquième sceau, la parole est donc interdite à ces âmes qui sont réduites en cendres et demeurent comme des cendres sous l’autel ; elles restent là dans une passivité parfaite, et ceci est la mort des sens qui est opérée et consommée.

 

v. 12. Quand l’agneau eut ouvert le sixième sceau, je regardai, et il se fit un grand tremblement de terre, le Soleil devint aussi noir comme un sac de poil, et la Lune devint comme du sang.

v. 13. Et les Étoiles du Ciel tombèrent sur la terre comme des figues vertes tombent d’un figuier agité par un grand vent.

v. 14. Et le Ciel se retira comme un livre que l’on roule ; toutes les montagnes aussi et toutes les îles furent ébranlées de leurs places.

v. 15. Et les Rois de la terre, les grands du monde, les officiers de guerre, les Puissants, et tous les hommes esclaves ou libres se cachèrent dans les Cavernes et dans les rochers des montagnes.

v. 16. Et ils dirent aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de celui qui est assis sur le Trône et de la colère de l’agneau.

 v. 17. Car le grand jour de sa colère est venu, et qui est-ce qui pourra subsister ?

 

Par rapport à la vie intérieure, l’ouverture de ce sceau concerne l’entendement et la mémoire comme les puissances de l’âme, qui par ceci sont aussi entièrement purifiées et privées de la lumière qui leur avait été jusqu’ici communiquée par le dehors, pour être rendues capables de recevoir désormais la lumière par le Centre.

L’Entendement est donc ici le Soleil qui est obscurci et devient noir comme un sac de poil ; la Lune devient comme du sang ; la mémoire ne fournit que des pensés sanglantes qui se font la guerre et s’entre-tuent ; l’on n’y trouve rien à quoi on puisse s’appuyer ; cette mort de l’Esprit est différente de la mort des sens ; celle-là purifie les passions grossières et celle-ci les Vices de l’Esprit les plus subtils, car il faut passer par bien des morts, et quoique ce qui est représenté ici de la mort mystique dans l’ouverture de ce sixième sceau ait déjà eu son Effet à l’égard des âmes gisant sous l’autel, ce qui est représenté au quatrième sceau, cela ne fait rien ; car l’Esprit de Dieu qui a fait écrire ces visions mystérieuses à St. Jean peut seul les ranger dans l’ordre Divin et les donner à connaître à ceux auxquels il les manifeste ; ainsi ce qui est dit ici arriver à l’âme à l’ouverture du sixième sceau a déjà eu son accomplissement à l’égard des âmes dont il est fait mention dans le cinquième sceau ; l’un n’empêche pas l’autre, car dans ce sixième sceau, il est fait la description du renversement total et de la destruction entière de l’âme et de toutes ses puissances, de ses vertus comme des Étoiles qui tombent, à cause de la peine et du désespoir où se trouve la partie sensitive et raisonnable, et du jugement dernier qui se fait de l’âme, ce qui fait qu’elle subit et consent à sa condamnation, ce qui est le dernier état avant qu’elle soit revêtue d’une nouvelle vie ; c’est le jugement dernier pour chaque âme qui a le bonheur d’y passer dans cette vie, c’est celui auquel la nouvelle vie succède, ce sont les âmes qui ont part à la première résurrection, sur laquelle la seconde mort n’a point de puissance. (Apoc. 20. v. 6.) Il est clair au reste qu’il est ici parlé de l’effroi où tous les hommes impénitents se trouveront à la fin du monde ; ce qui est fort bien exprimé jusqu’à la fin de ce chapitre ; ce qui montre bien que ce livre n’est point écrit en ordre, selon que les choses qu’il décrit se suivent ; puisqu’ici est déjà marqué l’état d’effroi où se trouveront les gens du monde quand la fin du monde viendra, quoique ce temps-là soit aussi marqué à la fin de ce livre.

Ainsi, quoique la fin du monde ou la mort mystique de l’âme soit marquée dans sa consommation au cinquième sceau, cela n’empêche pas que ce qui précède cette mort mystique ne soit aussi marqué dans ce sixième sceau et dans les chapitres suivants.

Il en est de même à l’ouverture du troisième sceau, où il est dit, v. 6 : J’entendis une voix qui venait du milieu des quatre animaux et qui disait : Une mesure de froment pour un denier et trois mesures d’orge vaudront un denier, et ne faites pas de mal à l’huile ni au vin. J’ai dit que cela signifie l’état de la foi lumineuse et savoureuse où l’âme entre au milieu des quatre états représentés par les quatre animaux, et cela est ainsi ; cependant cet état précède celui que j’ai attribué au deuxième animal, qui ressemble à un veau ; lequel état j’ai dit se rapporter à celui de l’âme mise dans les ténèbres de la nuit obscure, où sa purification foncière s’opère.

Pour accorder ceci, il faut savoir qu’il y a deux états de purification, qui ont beaucoup de rapport et peuvent être pris facilement l’un pour l’autre, quoiqu’ils soient fort différents ; le premier est celui où l’âme entre immédiatement après l’ouverture du premier sceau ou en sortant de ce premier état de force dans son activité qui est l’état que j’ai nommé de la Loi ; elle déchoit alors à ses forces actives et est mise dans l’impuissance d’en user ; elle est affaiblie, et ses faiblesses, ses passions, et les mauvais Esprits qui s’y joignent par la permission de Dieu sont déchaînés pour la tourmenter, mais cet état-là n’est pas celui de la foi obscure ou nuit de l’âme, car c’est dans ce même état qu’il lui est donné plusieurs lumières, et celui de la nécessité de s’abandonner à Dieu lui est montré. Elle est mise seulement là à l’épreuve, si elle veut se laisser dépouiller de son activité, et est invitée à se laisser à Dieu ; sa propre justice, qu’elle avait établie secrètement dans ses œuvres premières, et sa force qui lui était un puissant appui, cela lui est ôté, et elle reçoit un fort échec dans sa vie propre et sa propriété, mais il s’en faut bien qu’elle ne reçoive le coup de la mort ; ce n’est qu’une plaie mortelle (Apoc. 13. c. 3.) que cette bête (la propriété et la propre puissance et justice) a reçue, qui est bientôt guérie par l’état de lumière et de foi savoureuse où l’âme entre bientôt, de cet état ici qui ne dure pas lorsque l’âme sait céder à Dieu ; et ceux qui ne le font pas s’affermissent dans les pratiques austères de leur état précédent et s’y fixent, ou bien ils retombent en arrière et redeviennent mondains.

Ce premier état de renversement, dis-je, est aussi figuré par le second animal, un veau ; mais il n’est pas celui de la foi obscure, que ce second animal figure proprement, et l’on peut dire qu’en ce premier sens, le troisième animal marque l’état de l’âme dans la foi savoureuse et lumineuse, qui a la figure d’un homme ; en le prenant ainsi, l’on peut bien dire qu’il n’en a que la figure et la ressemblance ; il en est le portrait, mais ne l’est pas en réalité, n’y ayant que Jésus Christ lui-même qui est véritablement un homme ; et ainsi ce n’est que la nouvelle créature créée par lui qui est en réalité un homme ; mais cette nouvelle créature n’est pas encore formée, bien loin d’être encore manifestée dans cet état de foi savoureuse, puisqu’il faut bien un autre anéantissement pour que cela soit ; ainsi il n’a que la figure ou l’apparence d’un homme ; les vertus, grâces et lumières de cet état ne sont qu’en la superficie, dans les sens intérieurs et dans les puissances ; elles ont été acquises à bon marché pour un denier ; cela veut dire pour avoir passé par une seule purification superficielle, qui est d’avoir abandonné l’habitude du péché ou passé par la première conversion ; c’est pour ce denier que l’on achète cet état de lumière.

La plupart des âmes en restent là et ne passent pas outre, et croient, et les autres hommes le croient aussi, qu’elles sont régénérées, les voyant briller au dehors en vertus et dons avec grand éclat et édification ; l’on ne connaît d’ordinaire rien de plus parfait.

Mais ceux que Dieu veut purifier foncièrement, il ne les laisse pas reposer dans cet état et les dépouille bientôt de ces ornements ; ils perdent bientôt cette belle apparence au dehors et sont mis dans les ténèbres de la nuit et de l’enfer de l’âme au quatrième sceau.

L’on peut dire que comme le premier dépouillement des forces de l’âme n’a été qu’une figure de dépouillement et de mort opérée dans ses sens, aussi la vie qui y a succédé n’est qu’une vie superficielle dans les mêmes sens, et en comparaison de la vie de Jésus Christ qui suit la vraie mort mystique, celle-là n’est qu’une ombre de vie.

Voilà pourquoi il en est ici fait peu mention, l’intention de Dieu allant toujours au solide, et ne lui tenant proprement rien à cœur que de rétablir son image en nous ; il n’a de complaisance qu’en lui-même, qu’en son image, qui est que Jésus Christ soit formé en nous ; tous les dons, toutes les grâces, toutes les plus belles apparences de sainteté et les vertus qui font le plus d’éclat ne sont rien devant ses yeux ; parce que tout ce beau dehors est toujours mélangé de la propriété qui est encore dans le fond et qui n’en sera jamais bannie que par la nuit obscure de l’âme, qui est le feu où elle est mise, dans lequel cette propriété est consumée. Plusieurs âmes se perfectionnent, selon leur état, dans cet état de lumière savoureuse, et travaillent avec assiduité à acquérir la pureté intérieure et à désavouer toute appropriation des grâces éclatantes qu’elles possèdent, et s’en humilient profondément, et c’est ce qu’il y a de plus parfait dans cet état ; elles y restent presque toute leur vie ; leur fidélité sera récompensée de Dieu, qui se sert d’elles ainsi, selon ses desseins ; l’on leur laisse leur prix, mais pour être en Jésus Christ réellement et par état, il faut être une nouvelle Créature.

Il est bien vrai que ces âmes de lumière se servent des mêmes termes et parlent des mêmes états de mort, de régénération, d’anéantissement, de vivre en Jésus-Christ, de mourir au vieil homme pour être revêtues du nouveau ; elles parlent des états mystiques et les comprennent selon leur expérience, et entendent ces termes  selon leur idée ; ce qui n’est pas surprenant, puisque, comme je l’ai dit, ces états ont beaucoup de ressemblance et sont comme un plan du bâtiment que Dieu a dessein de bâtir et d’établir en nous ; un plan est bientôt fait, mais le grand et solide bâtiment que Dieu a voulu tracer sur ce plan demande du temps et bien autre chose pour qu’on renverse et ruine premièrement le vieux bâtiment et le détruise jusqu’au fondement, ce qui est absolument nécessaire si le bâtiment qui n’est point fait par main d’homme, mais dont Dieu est l’Architecte et le bâtisseur (2. Cor. 5. v. 1. Hébr. 11. v. 10.), doit être posé et établi en sa place.

Ceux qui ne s’y connaissent pas prendront toujours le plan de cette maison de Dieu pour la maison même, et se scandaliseront beaucoup de voir que ce beau plan qu’ils ont cru être la maison permanente est renversé, qu’on l’abat et le démolit jusqu’au plus profond fondement, ne voyant plus, au lieu de ce bel aspect, rien que renversement, poussière, ordure et confusion ; mais patience, tout cela ne se fait ainsi qu’afin d’établir une maison qui n’est point faite de mains d’hommes, dont la gloire surpasse de beaucoup celle de la première (Hagg. 2. v. 10.), puisque le Seigneur qui la bâtit veut lui-même y établir sa demeure permanente.

Ces âmes de lumière ont passé par la nuit des sens et elles ont été purifiées dans cette nuit ; c’est ce qu’elles appellent mort mystique, et elles n’en connaissent point d’autre ; et les autres ont à passer par la nuit de l’esprit, dans laquelle toute l’âme est purifiée de la corruption et propriété foncière, de son orgueil et convoitise originelle, et est mise dans le vrai anéantissement et mort, par laquelle, y étant passé et gisant dans ses cendres, Jésus Christ naît et se manifeste dans son Centre ; c’est là la nouvelle Créature en réalité et vérité ; cette âme peut dire alors avec St. Paul : Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi. (Gal. 2. v. 20.)

Selon le sens matériel, il est exprimé aussi d’une manière admirable la manière dont ce monde ici prendra fin.

Il se fit un grand tremblement de terre : tout est ému et mis en crainte et en confusion ; le soleil devint noir comme un sac de poil : il retire sa lumière et la renferme en lui-même, il s’enveloppe de ténèbres et donne des rayons noirs comme les poils d’un sac de poil, au lieu des rayons lumineux qu’il avait communiqués à la terre, par lesquels il l’avait éclairée ; cela marque comment cette terre doit être changée et cette grossière matière périr et être consumée par le feu qui s’allumera en elle-même par la chaleur des Éléments et matières combustibles qui sont dans la terre ; Dieu retirera la lumière et la chaleur du soleil de cette terre, afin qu’il ne lui communique plus cette lumière et chaleur bienfaisante ; et ce sera un feu infernal qui s’y allumera pour la consumer.

Ô malheur et peines effroyables où se trouveront alors ceux qui en seront les habitants, qui seront ceux dont il est fait mention ici, qui sont pleins d’effroi, de crainte et de désespoir, parce qu’ils sont étrangers de Dieu, impénitents, et n’ont pas profité des grâces que Dieu leur a fait présenter auparavant pour leur conversion, les ayant invités à faire pénitence ; ils ne trouvent plus de ressource pour pouvoir échapper de la présence de Dieu et de l’agneau ; cette présence douce et bénigne à laquelle ils avaient été invités de se rendre, présence qui leur aurait apporté toute grâce et tout bien, dont elle est la source, leur devient terrible et insupportable ; ils n’ont pas voulu la recevoir et s’exposer à cette présence sainte pour y être guéris des plaies du péché et de sa maladie incurable par tout autre moyen que celui de se présenter devant Dieu pour être guéri par le sang de l’agneau qui leur a été offert ; à présent qu’il vient et que toutes les ressources et satisfactions qu’ils ont prises dans le monde et dans les choses de la terre et que ce qui seul a fait leur Trésor et leurs délices va périr, qu’ils ne trouvent plus aucun moyen de les conserver, voici le désespoir qui prend la place : ils se cachent dans les trous et cavernes des roches de cette terre grossière à laquelle ils ont donné toute leur affection, et aiment mieux être ensevelis dans sa ruine que de venir encore s’exposer volontairement devant ce Dieu et cet Agneau qu’ils ont méprisé et dédaigné, et auprès duquel ils trouveraient encore grâce et le remède à leur état déplorable si leur volonté voulait cesser d’être rebelle.

Car c’est ici le pire de tous les maux que de se vouloir cacher à ce Dieu dont les yeux pénètrent tout, oui, jusqu’au plus profond de l’abîme de l’Enfer ; ô quelle folie donc de croire pouvoir se cacher à lui ! Allons donc vers lui et nous présentons à lui avec courage ; soumettons-nous à lui et nous exposons devant lui, à ses yeux, dans quelque état de péché, de misère et d’ordure que nous nous sentions être, fût cet état semblable à celui des âmes désespérées dont il est parlé ici, ou bien quoique notre état nous paraisse être tel, n’importe, forçons-nous de nous présenter à l’agneau Divin, et nous éprouverons sa douceur, sa bénignité, la bonté avec laquelle il nous recevra ; il ne devient terrible et en courroux qu’envers ceux qui persistent à vouloir se cacher à lui et ne veulent pas volontairement se présenter devant lui, avouant leur état misérable sans lui vouloir rien cacher de ce qu’il voit beaucoup mieux que nous.

Le jour du jugement pour un chacun vient bien souvent dès cette vie, où l’âme se sent remplie d’effroi, toute perplexe, et voudrait bien se cacher, comme ceux-ci, dans les trous des rochers, se sentant oppressée par ses péchés, que Dieu lui met devant ses yeux ; mais ce n’est pas son intention qu’elle se cache ou qu’il veuille l’effaroucher et l’empêcher de venir se présenter à lui pour recevoir grâce, pardon et aide pour sortir de sa corruption ; c’est pour cela et pour l’obliger à avoir son recours à lui qu’il lui fait sentir ceci ; ce sentiment douloureux et fâcheux est excité par l’effet de sa grâce ; c’est la présence même de ce Dieu bénin qui le procure. Nous avons donc sujet de nous jeter à ses pieds, de nous présenter devant lui afin qu’il nous guérisse, nous soumettre à ses coups et subir son courroux ; nous le verrons changer en grâce et en amour par notre retour ; ne consentons donc jamais à nous cacher et détourner de lui ; c’est l’ennemi qui veut nous empêcher de nous présenter devant lui ; il sait bien que c’est le seul moyen d’être délivré de nos maux et de recouvrer le repos ; livrons-nous seulement à sa discrétion, soit dans la vie, soit dans la mort, et nous aurons un heureux sort.

 

v. 12. Le soleil devint noir et la lune devint comme du sang.

 

Les Ténèbres d’Égypte (Exod. 10.) sont une figure de ce qui arrivera à la fin du monde et de l’obscurcissement du soleil, de même que les eaux qui furent changées en sang représentèrent ce qui est dit ici de la Lune qui devint comme du sang, car l’eau se rapporte à la lune, puisqu’elle est d’une matière plus subtile, à la vérité, mais qui lui est semblable ; ainsi la lune devenant comme du sang, les eaux le deviendront aussi.

 

v. 13. Les Étoiles du Ciel tomberont sur la terre, comme des figues vertes tombent d’un figuier agité par un grand vent.

 

Que signifie cela ? Il faut bien que ceci s’entende autrement que des Étoiles en effet, puisque tous ceux qui s’y connaissent conviennent que chaque étoile est beaucoup plus grande que la terre ; ainsi une seule qui y tomberait suffirait pour la couvrir toute entière.

J’entends que ce sont des Esprits errant dans les airs dont il est parlé ici, lesquels seront précipités en terre et y augmenteront la confusion, le trouble et la frayeur, dans la peine où ils seront eux-mêmes ; cette confusion et ce désastre durera un long temps et ne sera pas l’affaire d’un jour.

Ce sont les Jugements terribles qui seront les avant-coureurs de la fin totale du monde, Dieu étant longanime dans tout ce qu’il fait et ne précipitant quoi que ce soit, y ayant toujours des âmes qui se convertissent à Dieu et font pénitence dans le temps que durent les fléaux, qui au moins parviennent à un commencement de conversion, ce qui leur est un avantage infini et d’un prix inestimable, quand même ce commencement de repentance ne se ferait qu’au dernier soupir de leur vie ; car leur volonté cessant dès ce moment d’être rebelle, leur état n’est plus damnable et elles ne vont pas en Enfer au sortir de cette vie, mais dans les lieux de purification. C’est donc par un amour infini de Dieu envers ses pauvres créatures qu’il suspend ainsi ses jugements ; et quoiqu’ils aient leur cours, ils se répandent fort lentement sur les hommes, selon la longanimité de Dieu qui en dispose ainsi.

Ces esprits qui sont ici nommés des étoiles et qui tombent sur la terre sont nommés ainsi parce qu’ils ont quelque éclat, une lueur capable de séduire les hommes, qui n’ont d’autre lumière que celle de leur raison, à laquelle ils en font accroire, leur inspirant le mensonge, auquel ils donnent l’apparence de la vérité, et que les hommes qui se croient sages et entendus reçoivent comme telle.

C’est ce qui arrive à présent, et certainement ceci a son accomplissement ; car la séduction et le mensonge sont sur le Trône, ils triomphent et prennent l’apparence de la vérité ; les hommes qui se croient sages, raisonnables et bien entendus aussi bien que fort savants sont inspirés de ces esprits qui sont tombés et qui tombent sur la terre, et qui sont innombrables.

Le mensonge est si fort couvert et déguisé sous le masque de lumière raisonnable qu’il fait accroire à ces hommes que ces lumières sont celles du St. Esprit ; ils n’en connaissent et n’en veulent point admettre d’autre ; ceci est le comble d’ignorance et d’erreur ; peut-on la pousser plus loin que de nier cette opération de l’Esprit de Dieu dans les âmes, puisque c’est autant que de nier la lumière du Soleil et soutenir que nous n’en avons pas de besoin pour nous éclairer et pour nous échauffer, et que la lumière d’une chandelle est suffisante pour cela ; oui, c’est dire autant que si l’on soutenait qu’il n’y a point de soleil, puisqu’on nie ses opérations, par lesquelles cet Esprit saint est la vraie lumière et la vie de nos âmes ; cette comparaison ici n’est nullement outrée et désigne très naturellement l’état des hommes de maintenant.

Ainsi, de même que ces Étoiles errantes sont la lumière qui éclaire la plus grande partie des hommes d’à présent, qui vivent dans les sens et dans la raison, par cela même le temps est aussi à présent que le Soleil est obscurci et ne luit plus dans de telles âmes ; ce Soleil est le saint Esprit de Dieu, auquel ils ne donnent point entrée dans leur cœur et n’en peuvent ainsi non plus être éclairés ; ils ont choisi l’erreur et le mensonge, et se sont étrangés de la vérité, ayant banni l’Esprit de vérité, de cette sorte qu’ils ignorent cet Esprit saint et nient ses opérations ; c’est ce que font non seulement les hommes grossiers qui vivent dans l’ordure et la puanteur des vices grossiers et honteux, comme vivant dans le sang puant et corrompu dont ils se nourrissent au lieu des eaux claires et saines de la grâce, mais aussi les gens sages, raisonnables, les Docteurs, Professeurs, Ministres, qui veulent seuls posséder la vraie science et l’enseigner aux autres ; ils sont la plupart dans ces erreurs épouvantables qui sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont couvertes de la lumière des faux raisonnements que ces Esprits séducteurs leur suggèrent.

Où est donc le Christianisme, puisqu’on nie les opérations de l’Esprit de vérité (Jean 14), que notre Seigneur Jésus Christ promet à ses Disciples de leur envoyer pour les conduire en toute vérité, et dont St. Paul dit : Celui qui n’a point l’esprit de Christ, celui-là n’est point à lui. (Rom. 8. v. 9)

 

v. 14. Le ciel se retira comme un livre que l’on roule.

 

Cela peut-il être autrement ? Les hommes gisant dans les ténèbres et l’aveuglement mentionné sont incapables de connaître rien des choses célestes et divines ; le Ciel se retire pour eux et est fermé comme un livre, en sorte qu’ils ne peuvent voir ce qu’il contient ; ils ignorent les choses Divines et elles leur sont toutes étrangères et cachées, au lieu que les Enfants de lumière, vivifiés et éclairés par l’esprit de grâce qui est le saint Esprit qui habite en eux, de ceux-là la conversation est aux Cieux (Phil. 3. v. 20.), dont ils sont Bourgeois et habitants dès cette vie mortelle, et ainsi le Ciel n’est point pour eux un livre fermé ou roulé, mais il leur est ouvert et développé, et leur Père céleste leur manifeste les beautés, les Trésors admirables, la magnificence, la majesté et la grandeur de cette maison pompeuse et proportionné à l’Excellence, l’éclat, la puissance et la beauté, la gloire et la félicité que possèdent ceux qui y habitent avec Dieu même, auquel ils sont unis.

Ces grands Philosophes et sages du monde sont tellement séduits par les Esprits séducteurs tombés sur toute la terre qu’ils leur font perdre par leur fausses lueurs les notions les plus simples que la raison naturelle dicte sans étude ni réflexion au plus simple paysan, et qui sont aussi claires et certaines qu’un objet que l’œil sain envisage et en connaît la forme et la couleur, éclairé de la lumière du Soleil ; mais ils sont si fort entraînés dans l’illusion par la subtilité de leurs raisonnements qu’ils se font accroire et veulent persuader aux autres que blanc est noir et noir est blanc, et mettent en doute les choses les plus claires et que l’expérience montre être les plus certaines lorsqu’elles ne s’accordent pas à leur prétendue science ; celui qui sait le mieux disputer et mettre tout en doute est le plus habile et a le plus d’esprit ; cela s’appelle vivre dans les ténèbres et se laisser guider par des Étoiles errantes, des esprits séducteurs, dont le monde est rempli.

La Lune qui est changée en Sang marque bien le changement des eaux claires et fécondes de la grâce du saint Esprit, que les hommes, par leurs débordements affreux, ont changées dans un sang de charogne, corrompu et puant ; ceci marque très distinctement l’incontinence, le vice de paillardise et de toute impureté semblable dans lesquelles les hommes vivent à présent si généralement, sans honte ni bornes, dans une dépravation épouvantable ; se vautrant ainsi dans leurs sales voluptés comme dans un sang corrompu enflammé du feu impur de leur cupidité ; ce débordement général et affreux est bien un signe certain que la fin du monde est prochaine.

Ces eaux claires, pures et cristallines de la grâce sont celles qui rendent fécondes les âmes qui sont pures et qui sont en état d’être enombrées par le Saint Esprit, comme la Sainte Vierge Marie, qui est la figure des âmes qui sont renouvelées par l’Esprit de Jésus Christ ; celles-là reçoivent de nouveau en elles ces eaux dont la source est tarie en nous par le péché ; ce sont celles dont notre Seigneur dit (Jean 7. v. 38.) : Il sortira de celui qui croit en moi des fleuves d’eau vive, au lieu de ces eaux sur lesquelles le Saint Esprit repose et les rend fécondes ; les hommes ayant banni cet Esprit Saint de leur cœur, ils ont été remplis de ce sang pourri et infecté par le péché dont ils se nourrissent maintenant, et y prennent leurs plaisirs et volupté honteuses, comme il est manifeste.

 

 

 

 

CHAP. VII.

 

 

v. 1. Je vis après cela quatre Anges, aux quatre coins de la terre, qui en retenaient les quatre vents, afin qu’aucun de ces vents ne soufflât ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre.

v. 2. Je vis ensuite un autre Ange qui montait du côté d’orient et qui tenait à la main le sceau du Dieu vivant. Il cria à haute voix aux quatre Anges qui avaient reçu le pouvoir de nuire à la terre et à la mer.

v. 3. Et il leur dit : Ne faites point de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu’à ce que nous ayons mis une marque sur le front des Serviteurs de notre Dieu.

 

CECI marque comment Dieu ne permettra point qu’une ruine totale et universelle arrive jusqu’à ce que le nombre des Élus soit accompli ; tant que Dieu verra qu’il y aura encore quelqu’un d’entre les hommes qui se convertira à lui et se laissera sceller de son sceau, il retardera la ruine totale du monde ; comme nous voyons ici qu’il est défendu aux quatre Anges qui ont le pouvoir de dominer sur les vents de ne point exécuter leur emploi, de retenir leur souffle jusqu’à ce que les Serviteurs de Dieu soient confirmés et affermis dans le bien, qu’ils soient reçus de Dieu pour siens, qu’il se les ait assurés et fait qu’ils ne lui seront point ravis, les ayant scellés de son sceau, du sceau du Dieu vivant, jusqu’à ce que ses serviteurs soient vivifiés par son Esprit, lequel Esprit est désormais leur vie, étant morts à la vie d’Adam pécheur, ils reconnaissent alors que c’est un Dieu vivant qui les a scellés du St. Esprit (Éph. 4. v. 30.). Car ils expérimentent qu’il est vivant en eux et que ce n’est point un Dieu dont ils n’ont fait qu’entendre parler et par ouï-dire, mais de la vie duquel ils n’ont point d’expérience ; non, ce serait de cette manière un Dieu mort, un Dieu de loin pour eux, et non un Dieu de près (Jér. 23. v.  23.) ; il ne leur servirait que de peu de chose de savoir et de connaître historiquement un tel Dieu s’ils vivaient, au reste, de la vie du vieil Adam, étant éloignés de la vie de Dieu (Éph. 4. v. 18.) ; non, c’est un Dieu de près, qui est vivant en eux, qui a fait mourir le vieil homme et chassé d’eux cette vie étrangère du vieil Adam ; il vit, ce Dieu, et règne en eux ; ils sont marqués au front de son sceau, leur entendement est éclairé de sa lumière, comme leur volonté est embrasée de son amour, dont leur cœur est rempli ; la partie supérieure de leur âme est marquée, imprimée de son sceau ; elle est en propre et appartient à Dieu, toute cette âme, et son sceau est imprimé à sa plus haute partie, en sorte que le Démon n’a plus aucune prétention ni accès à cette âme dont la propriété est entièrement bannie et qui appartient à Dieu en propre ; il n’ose ainsi approcher ni toucher ce bien, Dieu en étant le Maître et par conséquent le Défenseur.

Ceci marque aussi d’une manière admirable comment l’âme que Dieu veut renouveler de même que la terre et qui doit, afin que cela se fasse, passer auparavant par les jugements que Dieu laisse fondre sur l’âme pour sa purification comme autant de fléaux qui l’accablent et causent sa ruine mystique, comment, dis-je, Dieu ne permet pas qu’une telle âme soit mise dans ces épreuves jusqu’à ce qu’il l’ait marquée de son sceau à son front ; cela veut dire qu’il ait pris en propre la partie ou volonté supérieure de cette âme, qu’il se l’ait appropriée en sorte qu’il ne permette pas qu’elle lui soit ravie ; jusqu’à ce qu’elle soit ainsi marquée du sceau de Dieu vivant et confirmée comme lui appartenant en propre, Dieu ne permet pas que les quatre vents qui fournissent la nourriture et l’entretien à cette âme soient retenus et ne soufflent plus sur elle ; par cette suspension du souffle et rafraîchissement qui fait sa nourriture, l’âme est mise dans les épreuves qui lui seraient impossibles à supporter si sa partie supérieure n’était scellée du sceau du Dieu vivant.

Ces quatre vents sont les influences de la grâce sensible, qui lui sont communiqués dans ses sens et ses puissances par le ministère des Anges, et qui sont les moyens par lesquels elle est incitée et encouragée à tout bien.

Le premier est le recueillement intérieur. C’est le doux Zéphyr qui l’invite si suavement à se tenir recueillie en la présence de son Dieu, et dans lequel recueillement sensible elle est nourrie, rafraîchie et pacifiée d’une manière admirable. C’est le vent de midi dont l’Épouse du Cantique dit qu’il souffle en son jardin (Cant. 4. v. 16.), lequel est son âme.

Le second vent qui souffle sur elle est celui d’Aquilon, lequel, étant froid et aigu, sert à dessécher et empêcher les mauvaises herbes de croître en son jardin ; il est l’Esprit de pénitence et de mortification par lequel l’âme est poussée à se retrancher ses appétits sensuels, auxquels elle était assujettie et adonnée avant sa conversion ; elle est incitée à se sevrer non seulement de l’habitude des péchés grossiers, mais des plaisirs, contentements et recherche qu’elle prenait dans les créatures, en y prenant une complaisance molle et qui entraînait son affection ; ce vent sec la sèvre de tout cela et empêche que ses inclinations ne se réveillent et ne poussent de nouveau au dehors après que l’on y a renoncé ; c’est ce qu’opère la vigilance de cet Esprit qui est communiqué à l’âme par le ministère de ce second ange qui est établi de Dieu pour cela, comme le premier l’est pour lui communiquer la douceur, la consolation, et la paix dans la quiétude de l’oraison de recueillement aperçue, dans laquelle il entretient l’âme avec succès pour son avancement spirituel ; mais comme l’âme pourrait, en s’appropriant cette paix et quiétude goûtée, la faire dégénérer en mollesse et paresse sensuelle, le second Ange l’incite par contre-poids au labeur et travail, et à la vigilance dans son état.

Le troisième vent pour entretenir la vie de l’âme dans cet état est celui du Levant ; il lui est communiqué, par ce troisième ange, la connaissance distincte des choses Divines qui lui sont nécessaires, les lumières dont elle a besoin ; elle jouit et sent la levée du soleil de la grâce qui l’échauffe et la réjouit selon son état ; ce n’est pas la levée du soleil dans son Centre, qui y demeure permanent à la venue du jour Éternel, mais seulement des lumières médiates qui lui sont communiquées dans ses sens internes et dans son entendement, et qu’elle prend facilement et toujours, si elle s’en croit elle-même, pour être la lumière du soleil Éternel qui se lève en elle ; en quoi elle se trompe beaucoup, comme à la suite son expérience lui apprendra.

Le quatrième vent est celui d’occident ; c’est celui qui emmène la pluie, qui amollit et attendrit l’âme, qui la fait souvent fondre en larmes du regret d’avoir offensé son Dieu et de lui être encore si souvent infidèle ; ces larmes sont autant des larmes d’amant pour l’âme amante de son Dieu qu’elles sont des larmes de regret ; ce sont ses mouvements de repentance et de tendresse, de reconnaissance envers ce Dieu de charité pour tous ses bienfaits et soins paternels qui sont communiqués à l’âme par ce quatrième Ange pour amollir cette âme amante, de plus en plus, et l’engager par reconnaissance amoureuse à se donner en propre et sans réserve à son Dieu qui la comble de tant de bienfaits.

C’est par le ministère de ces anges et le souffle de l’Esprit dont ils animent l’âme qu’elle est poussée à la pratique de toutes les vertus et qu’elle est abondante en bonnes œuvres, comme un jardin bien cultivé et arrosé dont les arbres abondent en bons fruits et en fleurs agréables, selon l’espèce, que le terroir de l’âme dans cet état est capable d’en porter.

C’est un autre Ange qui monte du côté d’orient qui tient en la main le sceau du Dieu vivant, et qui fait cette défense aux quatre Anges ; cet Ange est l’Archange Michel, ce grand Prince qui a un si grand office que de marquer les serviteurs de Dieu du sceau du Dieu vivant, les introduisant par là dans le règne du pur amour de Dieu, qu’il établit dans l’âme ; car jusqu’à ce que l’âme soit ainsi scellée, son amour envers Dieu est fort intéressé et mélangé d’amour-propre, quoique son amour paraisse si ardent et si opérant en bonnes œuvres ; c’est ce que cet Archange Michel découvre bien à l’âme après l’avoir marquée du sceau, ce qui fait qu’elle reçoit un mécontentement en elle-même de son état, et un attrait et instinct à une mort plus profonde et à un renoncement plus entier à elle-même qu’elle n’a pratiqué jusqu’alors, n’étant point satisfaite d’elle-même, et lui étant donné de voir mille défauts et propriétés dans son état brillant de vertus qu’elle n’avait pas découverts jusqu’alors.

 

v. 4. Et j’entendis que le nombre de ceux qui avaient été marqués était de cent quarante-quatre mille, de toutes les Tribus d’Israël.

v. 5. Il y en avait douze mille de marqués de la tribu de Juda, etc.

 

Ceux-ci sont les premiers nés, lesquels parviennent à la régénération dès cette vie, et ainsi dans lesquels Jésus Christ vit et règne par son Esprit.

Les douze tribus marquent les différents dons du St. Esprit qui sont distribués à un chacun selon la vocation de Dieu pour l’emploi qui leur est destiné.

Ces Tribus toutes ensembles sont ou composent l’assemblée des premiers nés et sont d’Israël selon l’Esprit ; ceux-ci ne passent point par la purification après cette vie ; ils ont été purifiés et sanctifiés dans celle-ci par le sang de l’Agneau, qui les a renouvelés, ayant reformé en eux la nouvelle Créature.

 

v. 9. Je vis ensuite une grande multitude que personne ne pouvait nombrer, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue ; ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’agneau et ils avaient des palmes à la main.

v. 10. Ils criaient à haute voix et disaient : Le salut vient de notre Dieu qui est assis sur le Trône et de l’agneau.

 

L’on voit par ce passage qu’il n’y a aucun peuple parmi lequel Dieu n’ait les siens, de quel que ce soit, puisqu’il est dit ici de toute nation, de toute langue ; cela n’en exempte aucun. Cependant il y en a plusieurs qui n’ont point reçu la religion Chrétienne extérieurement, et ainsi ils sont Chrétiens de cœur intérieurement ; ils ont donné entrée à l’esprit de grâce et à l’Esprit de Jésus Christ d’opérer en eux, selon que l’on en a tant de preuves par les histoires et relations qui témoignent de gens qui vivent et ont vécu parmi des peuples que nous tenons être barbares, lesquels ont montré par leur paroles et bonnes mœurs qu’il y en a plusieurs parmi eux qui sont bien meilleurs Chrétiens, en réalité, que ne sont la plupart de ceux qui en portent le nom ; ce sont ceux-ci dont il est fait mention ici, et ceux en général qui ne sont pas parvenus à l’entière régénération dans cette vie, mais sont morts étant dans la voie du salut, et qui ont été parachevés ou ont consommé leur état de purification après cette vie.

Je ne veux pas dire pour cela qu’il n’y en ait point parmi les peuples barbares qui soient du nombre des premiers nés, car je le crois, mais je dis que la grâce est répandue sur tous les peuples, ce que les paroles que j’ai citées marquent.

 

Je vis une multitude de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue ; ils étaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et tenant des palmes dans leurs mains.

 

Ils tiennent tous dans leurs mains les palmes de victoire ; ils crient que le salut vient de notre Dieu et de l’Agneau ; ils ont tous vaincu dans l’état actif et ont tous consommé la première conversion ; voilà pourquoi ils ont des palmes en leurs mains, parce que leurs mains ont été fortes au combat et ont remporté la victoire ; ils en donnent à Dieu et à l’Agneau la gloire, reconnaissant que c’est par l’assistance de sa grâce que le salut leur est venu ou qu’ils ont été vainqueurs et sont sauvés.

Les premiers nés qui ont passé la seconde conversion de cette vie ont le sceau de Dieu en leur front ; ils sont imprimés des caractères Divins ; ceci fait une grande différence ; ils sont changés en de nouvelles Créatures ; Dieu vit et règne seul en eux ; c’est aussi lui qui a vaincu tout seul et qui aussi est tout seul leur salut.

 

v. 11. Tous les Anges se tenaient debout autour du Trône et des Vieillards et des quatre animaux ; ils se prosternèrent vis-à-vis du Trône et ils adorèrent Dieu.

v. 12. En disant : Amen ! louange, gloire, sagesse, actions de grâces, honneur, puissance et force soient à notre Dieu dans tous les siècles, Amen.

 

Si, au lieu de rendre les hommages et adorations qui sont si justement dues à notre grand Dieu Créateur et Sauveur, la plupart des hommes qui vivent à présent ne sont occupés qu’à le déshonorer autant qu’en eux est par leurs mauvaises œuvres et vie déréglés, au moins joignons-nous aux anges et aux Esprits bienheureux dont il est fait mention ici pour adorer notre Dieu comme il appartient, en nous dévouant entièrement pour sa gloire et nous abandonnant et délaissant pour être à lui sans réserve, afin qu’il se glorifie en nous selon toutes ses volontés et nous régisse et conduise à son gré sans que nous lui apportions aucune résistance de notre part ; c’est par cette donation entière de nous-mêmes, ou bien par la restitution que nous lui faisons ainsi d’un bien qui lui appartient par toute sorte de droit et que nous lui avons ravi en nous l’appropriant, que nous lui donnerons l’adoration et la louange qui lui est agréable ; c’est ce qui l’honore, c’est par l’expérience de la délivrance qu’il nous procure de l’esclavage de Satan et de notre nature corrompue que nous réclamerons sa force et sa puissance, qui ne demandait pas d’être moindre que toute puissante, sans quoi elle n’aurait pu suffire à un si grand ouvrage qu’est celui de notre rédemption ou délivrance ; c’est dans l’opération de cet ouvrage que sa sagesse se manifeste ; nous le reconnaissons et lui en rendons actions de grâce et l’honneur, parce que nous l’avons expérimenté et l’expérimentons encore journellement ; elle sera expérimentée dans tous les siècles, car aucune Créature ne sera délivrée de l’esclavage de Satan que par son pouvoir tout Puissant, et dans tous les siècles il y en aura un nombre infini qui seront les sujets qui éprouveront cette délivrance et qui lui en rendront gloire, Amen.

 

v. 13. Alors un des Vieillards prit la parole et me dit : Ceux que voilà revêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ?

v. 14. Seigneur, lui répondis-je, vous le savez. Et il me dit : Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau.

v. 15. C’est pourquoi ils sont devant le Trône de Dieu, et ils le servent jour et nuit dans son Temple, et celui qui est assis sur le Trône les couvrira comme un pavillon.

v. 16. Ils n’auront plus de faim ni soif ; le soleil ni aucune chaleur ne les incommodera plus.

v. 17. Car l’agneau qui est au milieu du Trône les paîtra et les mènera à des sources d’eau vive, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.

 

Tous ceux qui veulent vivre selon la piété souffriront persécution et viennent de la grande tribulation ; cela est le sort de tous, et personne de ceux qui veulent vivre selon la volonté de Dieu dans ce monde n’en peut être exempt. C’est l’ordre Divin ; notre très adorable Sauveur a été le premier qui nous l’a montré par son exemple, en ce qu’il a souffert et est mort pour nous dans l’ignominie et les douleurs les plus amères ; si nous voulons marcher à sa suite, le même sort nous attend, car le disciple n’est pas meilleur que son Maître (Matth. 10. v. 24.) ; nous ne pouvons avoir d’autre prétention ; ici nous voyons ces vainqueurs bien récompensés de leurs travaux, et qui sont bien payés de leurs peines ; et pour un court temps de souffrances, ils sont comblés de gloire et de félicité pour toujours ; Dieu même les couvre comme un pavillon.

Ainsi ils habitent et demeurent en Dieu, oui certainement, cela est vrai, et non une manière de parler ; l’âme que Dieu a ramenée à sa réunion Divine par la régénération demeure en Dieu et ne sort point de lui ; elle ne sait plus rien que Dieu seul, toute autre chose lui est étrangère.

Mais personne ne peut comprendre cela comme il faut, sinon l’âme à qui Dieu a fait la grâce de la ramener à cette union ; cette grâce est donnée à ceux-ci après qu’ils ont quitté cette vie mortelle, et elle est donnée aux premiers nés dès cette vie, quoiqu’en foi, mais non pas moins en réalité et vérité ; cette félicité ne les exempte pas des souffrances, et ils éprouvent de grandes tribulations, de même que ceux-ci, les uns et les autres, lavent leurs robes dans le sang de l’Agneau.

Ce lavement est un feu qui consume toute l’impureté de l’âme, car le sang de Jésus Christ est ce feu ; c’est un bain de feu où cette âme est plongée et d’où elle sort toute pure et nette, ce qui est marqué par les robes blanches ; ô bain admirable, mais très douloureux à cause de notre grande impureté qui y doit être consumée.

Cette opération est une grande tribulation pour l’âme, quand même elle n’aurait pas d’autres souffrances ; en effet toutes les autres souffrances, en comparaison de celles-ci qui pénètrent l’âme jusqu’au centre, sont légères ; car celle-ci est un feu qui la dévore et la consume, qui semble la réduire en cendre et la consumer tout à fait ; les misères et les croix extérieures, les persécutions et toutes sortes d’adversités ne sont pas moins, d’ordinaire, le partage de ces âmes qui appartiennent à Jésus Christ ; les maladies et autres maux (comme on les appelle) ne leurs sont pas épargnés, mais non pas à tous également, chacun devant recevoir celles qui lui arrivent, quelles qu’elles soient, de la main de Dieu. C’est à sa providence qu’il appartient à les dispenser, et non à nous de les choisir ; il ne faut pas envier celles des autres, mais être content de son sort et de sa portion ; car ce serait propre choix et propre volonté que d’agir autrement ; la diversité de la conduite de Dieu envers les siens est infinie ; c’est à nous à nous y ajuster et à nous y soumettre en tout point, car autant que nous le faisons, le dessein de Dieu a son effet dans les adversités qu’il nous envoie ; mais lorsque par propre choix et propre volonté nous nous attirons des souffrances, en nous mêlant de ce qui ne nous est pas commis ou en embrassant une vocation qui ne nous est pas dispensée de la providence, les persécutions et tribulations qui nous en arrivent produisent peu de fruit pour la Sanctification de nos âmes ; quelque grand éclat et apparence qu’aient ces souffrances, l’amour-propre en fait sa nourriture la plus délicate, et Dieu n’en est guère glorifié ; au lieu que les souffrances qui nous arrivent par la dispensation de sa Providence, quoique souvent elles n’éclatent pas au dehors et ne soient guère reconnues pour être des souffrances de Christ, produisent néanmoins un poids éternel d’une gloire souverainement excellente. (2. Cor. 4. v. 17.)

Ô que les choses sont bien autrement aux yeux de Dieu qu’elles n’en ont l’apparence au dehors et ne sont taxées par le jugement des hommes ; ce Dieu de bonté aime à cacher à leurs yeux les plus grandes merveilles qu’il opère, afin qu’il en garde tout l’honneur et toute la gloire, et que rien n’en soit attribué à la créature, ce qui est très juste et le glorifie comme il faut.

 

Ils sont devant le Trône de Dieu, ils le servent jour et nuit dans son temple.

 

Voilà l’oraison continuelle de la contemplation ; heureux emploi ! Qui y est introduit ne peut plus faire autre chose ! Ô mon Dieu ! que les hommes puissent comprendre la dignité de leur vocation ; quel honneur ne croit-on pas recevoir d’oser assister auprès de la personne d’un Roi ; et qu’est cela au prix de celui d’être favorisé de la grâce de pouvoir être jour et nuit dans le Temple de Dieu devant son Trône. C’est pourtant la grâce qu’il désire de nous accorder dès cette vie, ce qui est marqué ici par ces mots jour et nuit ; car, dans la vie Éternelle, il n’y aura point d’alternative du jour et de la nuit. Ce sera un jour Éternel ; mais dans le temps de cette vie mortelle, cet alternative a lieu à l’égard des âmes mêmes que Dieu a conduites à cet état glorieux, d’être toujours devant son Trône, quoiqu’à l’égard de la partie basse de leur âme, ils expérimentent ce changement de jour et de nuit quant au sentiment et à la vue des sens ; ils ne laissent pourtant pas d’être par état continuellement dans cette contemplation bienheureuse, car ils ne sortent point de son temple malgré toutes ces alternatives ; ce temple est le Centre de leur âme : Vous êtes le Temple de Dieu, dit St. Paul (1. Cor. 3. v. 16.). Ce Dieu devenu homme, cet agneau est leur nourriture, Jean 6. Ainsi ils n’ont point de faim, car sa chair est leur viande, et son sang précieux leur breuvage ; ainsi ils n’ont ni faim ni soif pour autre chose. Que pourraient-ils désirer ? Leurs désirs sont tous absorbés dans cet Océan de grâce et de félicité parfaite, oui, dans celui qui est l’auteur et la source de tout bonheur ; le soleil ni aucune chaleur ne les incommodera plus ; étant nettoyés de toute impureté, leur corps glorifié l’est aussi de toute grossièreté à laquelle le soleil peut s’attacher ; ces corps étant purs et subtils, de même que le soleil l’est lui-même, sa chaleur ne leur cause aucune souffrance ; ils vivent dans le soleil comme dans tout autre Élément, en parfait bien-être, sans être susceptibles d’aucune douleur ni incommodité ; là, il n’y a plus de cri, ni douleur, ni pleur, car l’Agneau paît et conduit ces âmes, il est au milieu du Trône dans leur Centre, d’où il les abreuve, les paît, et les console, et ne donne accès à aucune douleur ni peine ni larme dans ce lieu où la félicité est inaltérable.

N’attendons donc point jusqu’à la mort pour jouir d’un si heureux sort ; Dieu désire de nous le communiquer dès cette vie, et si de bon cœur nous nous convertissons au Seigneur et n’avons d’envie que de vivre pour lui, nous livrant à sa merci, il nous fera expérimenter qu’on peut dans cette vie avoir part à la gloire, à la consolation, et à la paix dont les Héros ici mentionnés sont comblés ; oui, celui qui n’en a pas ici-bas l’avant-goût et le commencement au travers de tous les tourments, croix et peines n’en sera point honoré après la mort, car il faut pour cela avoir bien combattu ici, ayant à tout bien renoncé et tout quitté d’amour, de volonté, pour se donner à Dieu, à ce Dieu de bonté qui adoucit les peines et misères de ce monde avec tant d’amour ; il essuie les larmes et comble de paix, découvrant en partie ses saints attraits à l’âme affligée et désolée, chargée de croix, et qui renonce au moi, n’ayant que Dieu en vue.

 

 

 

 

CHAP. VIII.

 

 

v. 1. Quand l’Agneau eut ouvert le septième sceau, il se fit un silence dans le Ciel d’environ une demi-heure.

 

CE silence se fait dans le Ciel de l’âme, après qu’elle a passé par les épreuves qui ont été décrites ci-devant. Alors elle se trouve mise dans une paix et silence profond à l’ouverture de ce septième sceau qui se rapporte à la volonté, qui se trouve de nouveau dans son premier calme, n’étant plus offusquée ni obscurcie, et comme ensevelie sous les misères et les maux dont la partie sensitive de l’âme a été accablée et assaillie coup sur coup ; cette continuelle épreuve où elle était mise comme dans le creuset des afflictions, tentations et épreuves, qui n’ont été autre chose que sa corruption foncière qui a été poussée au dehors, l’a fait paraître si méchante et maligne à ses propres yeux qu’elle ne pouvait même qu’à peine, et seulement de temps en temps, quand elle avait un peu de relâche, trouver dans sa volonté un penchant et désir vers Dieu ; car la force des épreuves la mettait souvent dans un état si déplorable qu’elle ne pouvait croire autrement, en se regardant elle-même, sinon que sa volonté aussi bien que ses autres puissances étaient toutes d’accord rebelles à Dieu, ce qui lui fait une peine extrême et la met comme au désespoir.

Lorsque cet état est à son plus haut point, alors soudainement il se fait un si grand silence dans toute l’âme qu’elle est toute étonnée, sentant qu’elle est tout à coup mise en un autre état ; son Ciel s’éclaircit, cela veut dire que sa volonté supérieure se développe et reparaît de nouveau être unie à Dieu ; cela est montré distinctement à l’âme ; les tentations et peines violentes, oui, les rages et rébellions, et le trouble horrible où les autres parties de l’âme se trouvaient enveloppées au plus haut point, la nature étant dans un désordre horrible, tout cela cesse dans un moment, et l’âme se trouve comme tirée hors d’elle-même, tout comme si une main puissante la tirait tout à coup hors du gouffre profond de l’abîme de l’Enfer, où elle se trouvait engloutie, ayant les sentiments et rages des damnés comme lui étant propres, et y trouvant son plaisir et ne voulant plus autre chose ; dans cet état affreux, dis-je, une main puissante vient lorsqu’elle n’espérait plus ni ne voulait plus, selon son sentiment, aucune délivrance, et la tire en haut hors de ce gouffre profond ; elle se trouve libre de cet état affreux et peut à peine le croire ; ce lui est comme un songe, et ce n’est qu’après du temps qu’elle sent que cet état de paix et de sérénité, de silence intérieur, dure, qu’elle expérimente que l’on l’a en effet tirée de cet abîme affreux où elle croyait désormais devoir faire sa demeure permanente, à quoi elle consentait et y trouvait sa complaisance.

C’est jusqu’à ce point de désespoir et de misère extrême qui ne se peut exprimer par des paroles qu’il plaît à Dieu de conduire certaines âmes qu’il veut purifier et préparer pour les pouvoir emmener à son Union Divine d’une manière particulière ; dans lesquelles âmes il veut manifester jusqu’à quel point va la malignité de l’homme et combien grande est la corruption de sa nature, quel fond de perversité et de méchanceté il a en lui, ce que personne ne peut croire, que l’âme à qui Dieu veut le faire expérimenter en poussant au dehors, par l’opération du feu sacré de son pur amour qu’il a allumé dans le centre de cette âme, tout le fond de sa corruption, dont elle souffre si cruellement pour un temps ; mais heureuses peines et tourments qui se changent en délices et contentements, car s’il plaît à Dieu de faire sentir et éprouver les terreurs de l’Enfer, ce n’est que pour rendre cette âme qu’il a prise pour sienne capable de jouir de la félicité du Paradis, qui se trouve dans la Divine union dont il veut l’honorer.

Il ne faut donc point craindre ni s’effrayer : Dieu est fidèle et tout bonté tout charité, Père tendre et clément, notre fidèle amant ; il nous charge de maux pour nous combler de biens ; ce n’est que pour un moment qu’il nous fait éprouver les terreurs de l’Enfer, pour relever la gloire et la félicité du Paradis.

Car ce n’est pas tout de bon qu’il veut nous damner, il veut seulement nous faire goûter et nous convaincre de l’état de perdition où nous sommes selon notre état naturel, état que nous ne sentons pas et ne savons pas dans le temps que nous sommes dépourvus de la Lumière Divine sans le sentir ni le savoir ; Dieu veut nous manifester et nous découvrir nos maux pour nous en délivrer réellement et nous unir à lui après avoir chassé tout le venin qui nous avait tout pénétré ; cela est nécessaire ; souffrons donc son opération et demeurons dans l’abandon à son vouloir Divin sans aucune borne ni fin. Il se fait donc un silence au Ciel, et l’âme se trouve dans un état de paix, dans une certaine trêve après de si rudes combats ; cette mer agitée est à présent calme, tranquille, sereine et paisible, en sorte que le soleil Éternel de Justice peut darder ses rayons sur elle et se peindre en elle ; ô âme fortunée, qui t’aurait pu persuader que tu étais sur le point d’être favorisée d’un si grand bonheur, croyant être au comble des malheurs les plus extrêmes ! Mais c’est ainsi qu’il plaît à Dieu de faire éclater sa miséricorde et sa clémence envers nous, lorsque nous expérimentons au plus haut point combien nous en sommes indignes et qu’il nous paraît à nous-mêmes n’avoir plus de désir ni de volonté que pour vouloir rester engloutis dans les abîmes de la mort Éternelle.

Voici donc le septième sceau ouvert, la volonté délivrée des liens du péché et de la mort, qui semblaient avoir englouti toute la pauvre âme, et cette noble partie se trouve heureusement réunie à son Divin principe dans une entière soumission et réunion à la volonté de Dieu, ce qui lui cause la paix et le silence ici marqué.

Pour l’extérieur, ce silence est le Sabbat du septième jour, où, après que le monde aura été inondé par les fléaux et réduit dans une entière ruine, la terre se reposera.

 

v. 2. Et je vis sept Anges qui se tiennent devant Dieu, et on leur donna sept trompettes.

 

Après que ce silence s’est fait dans l’âme, elle sera bientôt mise en état d’être mue et de travailler ; ses facultés, ses sens, et ses puissances seront réveillées et régies par les Anges du Tout-Puissant, qui leur redonnent force et vie, les réveillant de la mort par la vertu de leur voix retentissante, comme celle du son de la trompette qui réveillera les morts.

C’est la conviction que l’âme reçoit intérieurement, quelque peu de temps après que le silence s’est fait, qu’elle ne sera point oisive ni morte, mais vivante et opérante en Dieu et par Dieu, qui la vivifiera de son Esprit ; c’est à ce travail et à cette vie qu’elle est préparée ici et que le commerce qu’elle a et doit avoir avec les Anges bienheureux qui sont continuellement devant Dieu lui est manifesté.

 

v. 3. Alors il vint un autre Ange, qui se tint debout devant l’autel, ayant un encensoir d’or, et on lui donna une grande quantité de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l’Autel d’or qui est devant le Trône.

 

Cet encensoir d’or est la disposition de cette âme abandonnée et sacrifiée à son Dieu ; elle est et reste continuellement dans cet état, elle est devenue un encensoir d’or pur, ayant été bien purifiée dans le creuset, comme on l’a vu ci-dessus ; à présent elle est devant Dieu comme un Autel sur lequel les parfums que Dieu y fait mettre par la main de l’Ange sont offerts ; cela veut dire qu’il est imprimé d’une manière distincte dans cette âme les prières ou demandes qu’elle est poussée ou mue de faire à Dieu selon qu’il lui plaît. C’est par son Esprit saint qu’elle y est poussée, et la distinction lui en est donnée par le Ministère de l’Ange, qui sont les Esprits bienheureux qui opèrent ainsi dans l’âme 3. Cette âme reste toujours dans son état d’immobilité exposée devant Dieu, comme un Autel, et reçoit ce qui est mis dessus. Ce sont les prières de tous les saints, ce qui marque la communion intime et la liaison en et par l’Esprit de Jésus Christ, où ils sont tous ensemble, puisque dans chaque âme en particulier est ce que tous les saints ensemble désirent, et c’est là leurs prières ; et quelles sont ces prières ? C’est qu’elles soient toutes sacrifiées, savoir ces âmes, au bon plaisir Divin, et deviennent toutes comme des Autels, tel qu’est ici représenté celui-ci, sur lesquels Dieu prend plaisir de faire répandre cet encens qui est l’attrait de l’âme, son instinct, la force de ses désirs, l’essence de sa vie ou de son être, qui, comme une fumée agréable produite par le feu du pur amour de Dieu dans lequel cet encens est mis, monte vers Dieu ; ces mots sont bien impropres pour exprimer ce que l’on veut dire, c’est l’onction de la grâce du St. Esprit versée dans l’âme ; en un mot c’est l’amour.

 

v. 4. Et la fumée des parfums, avec les prières des saints, s’éleva de la main de l’Ange jusques devant Dieu.

 

Ces prières ainsi imprimées et faites dans les puissances de l’âme telles que Dieu les veut, étant opérées par son Esprit saint, de quelque sorte et quelles qu’elles soient, montent des puissances de l’entendement ou de l’intelligence devant Dieu dans le Centre de l’âme ; car c’est là où tout l’aperçu et le distinct doit retourner, savoir dans l’indistinct ; il doit être réoffert à Dieu en abandon et tout remis à sa sainte volonté ; l’abandon dans les sacrées ténèbres de la foi où Dieu habite est où tout le distinct, le sensible et l’aperçu doit retourner et où il opère en effet, selon la volonté de Dieu.

 

v. 5. Ensuite, l’Ange prit l’Encensoir et, l’ayant rempli du feu de l’Autel, le jeta sur la terre. Aussitôt il se forma des voix, des tonnerres, des Éclairs, et la terre trembla.

 

Voilà les effets qui arrivent de ces prières et du feu du pur amour de Dieu qui est dans les âmes qui sont devenues des autels d’orl’on offre continuellement ; le parfum étant monté devant Dieu comme il a été dit, l’Ange (qui est le ministre opérant médiatement dans les sens et puissances des âmes) prend l’encensoir, le remplit du feu du pur amour de Dieu qui est dans cette âme, et le jette sur la terre ; ces charbons ardents sont répandus sur les hommes qui sont encore terrestres et cherchent entrée dans les cœurs qui les veulent recevoir ; ces charbons viennent et émeuvent les hommes ; ils sentent leurs consciences leur parler, les reprochant, les invitant à la repentance, à se convertir à Dieu ; heureux ceux qui écoutent ces voix salutaires et ne leur ferment pas leurs oreilles ; les sens internes sont émus, l’homme est frappé comme de la foudre des voix médiates qui lui sont adressées, soit extérieurement par paroles ou lectures dont Dieu se sert pour lui présenter la vérité qui lui est nécessaire pour se repentir, ou bien dans ses sens internes, où il est frappé de lumières, comme des éclairs qui lui découvrent ce qu’il n’avait encore jamais vu de son état pervers, ce qui le saisit d’étonnement, fait trembler toute sa nature, le met en peine et en effroi. Heureux qui, ainsi invité et éclairé, se convertit à son Dieu, à son Roi ! C’est ainsi que les âmes contemplatives, se tenant immobiles en la présence de leur Dieu, opèrent en secret les conversions de mille cœurs qui sont visités de ces feux qui tombent de leurs cœurs sur les humains ; ils y sont portés par le ministère des Anges, c’est leur emploi ; tout doit ainsi servir notre grand Dieu, notre Souverain Roi.

 

v. 7. Le premier Ange sonna de la trompette ; et il se forma une grêle et un feu mêlé de sang qui tombèrent sur la terre, et la troisième partie des arbres fut brûlée, aussi bien que tout ce qu’il y avait d’herbe verte.

 

Nous voyons que ces choses qui semblent être de grands maux sont néanmoins opérées, selon le sens dont on traite ici, par les anges qui se tiennent devant Dieu, dont cependant l’emploi n’est pas de faire du mal, non plus que notre très adorable Sauveur, qui répond, lorsque ses Disciples animés de zèle lui demandent s’ils doivent faire descendre du feu du ciel, qu’il n’est point venu pour faire périr les hommes, mais pour les sauver. (Luc. 9. v. 54.)

Ici c’est l’effet du feu sacré qui tombe sur la terre, savoir dans les cœurs de ceux qui en sont capables ; c’est l’effet que produisent les âmes régénérées qui, comme des Sacrificateurs du Dieu vivant, sont sans cesse occupées à offrir des sacrifices vivants, saints, et agréables à Dieu (Rom. 12. v. 1.) par l’opération de son Esprit en eux ; dès que leur âme est renouvelée et leurs facultés assez purifiées pour être employées au service divin, elles se font retentir comme des trompettes, non en donnant un feu matériel et grossier, mais par les effets qu’elles produisent dans les autres cœurs pour qu’ils se laissent préparer, par la destruction de leur être propre, à devenir tels que ces âmes, savoir des Épouses du Dieu vivant, en se laissant dépouiller et détruire leur propre être et leur propre beauté, comme nous voyons encore ici qu’il arrive.

La voix ou la trompette de ce premier ange, qui retentit dans les puissances de ces âmes apostoliques, produit un effet de destruction, brûle et consume par ce feu Divin dans les autres âmes ce qui les orne et embellit en vertus et en beautés dont elles sont parées dans leur état vertueux, où elles possèdent les dons, grâces et talents en leur propre, mais ces âmes vertueuses sont abattues comme des arbres fruitiers et comme l’herbe verte par la grêle qui tombe sur elles et les accable, les rendant incapables de plus se servir de ces dons et de pratiquer et de se faire admirer comme ci-devant par l’éclat des vertus qui ont brillé en elles et les ont ornées, en sorte qu’elle était en admiration et restaurait tous ceux qui la voyaient et connaissaient.

Dieu ne travaille à rien avec plus de soin et d’empressement qu’à la destruction de la propriété de la Créature, afin que son image soit rétablie en elle ; et ainsi toute l’Écriture sainte est remplie de figures par lesquelles l’Esprit de Dieu prend plaisir de marquer, d’une manière qui est cachée à tous ceux auxquels les secrets du Tout-Puissant ne sont pas manifestés, les routes que Dieu tient dans la conduite de son Esprit envers les âmes qu’il a prises sous sa conduite.

Le sens littéral de ces figures est assez manifeste et connu, puisqu’il est clair combien les fléaux se répandent sur la terre, tantôt dans un Pays, tantôt dans un autre par des orages et des embrasements terribles.

L’Esprit de Dieu veut montrer ici aux hommes incrédules et impénitents comment rien de ces choses n’arrive à l’aventure, mais sont des suites de l’impénitence des hommes, de leurs péchés énormes ; et lorsqu’il plaît à Dieu de laisser la liberté aux esprits malins d’exercer leur malignité sur les hommes de la manière qu’il lui plaît et dont il leur donne la permission, alors ces maux se répandent comme l’on le voit dans ce livre.

Mais en ce sens littéral, ce ne sont point les bons anges qui se tiennent devant Dieu qui exercent ces jugements, mais des anges destructeurs auxquels cet emploi est donné 4.

Il est bien certain, au reste, que toutes ces figures regardent principalement la destruction du vieil homme en chaque âme en particulier, et comme ce qui arrive à chaque âme arrive en général à toutes, l’homme étant l’abrégé du monde, que l’on nomme le petit monde, ainsi arrivera-t-il, et il arrive en effet au monde en général ; il faut que ce qui a été produit par le péché dans le monde en général périsse ; de même que l’homme de péché périt dans chaque âme qui parvient à la régénération ; le monde grossier, rempli de corruption comme il est à présent, périra aussi peu à peu par les fléaux, et il sera changé et brûlé ; il perdra la plus grossière corruption par toutes ces plaies décrites en ce livre, ce qui représente l’état de l’âme dans la première conversion, où elle renonce aux péchés grossiers et à l’habitude du vice ; mais la purification foncière suit après ; la superficie de la terre sera premièrement nettoyée, et sa purification ou son renouvellement suivra après.

 

v. 8. Le second Ange sonna de la trompette ; et on vit comme une grande montagne tout en feu qui fut jetée dans la mer. Et la troisième partie de la mer fut changée en sang.

v. 9. Et la troisième partie des créatures vivantes qui étaient dans la mer mourut, et la troisième partie des navires périt.

 

Voici ce qui suit : comme, par les voix, tonnerres et grêles selon le sens spirituel, le but de Dieu est d’engager les hommes à lui donner leur volonté, ces tonnerres, etc., partant de la volonté enflammée du pur feu de l’Amour Divin des âmes Séraphiques ci-dessus mentionnées, l’opération du son de la trompette du second Ange part de la mémoire ou de l’entendement ; c’est comme une montagne de feu qui éclaire cet entendement, non par le centre, mais par les sens internes ; ils sont éclairés d’une manière qu’ils n’avaient encore jamais aperçue ; la mémoire est mise en combats sanglants, car les pensées s’accusent et s’excusent, tout est mis en trouble ; les productions du propre esprit, auxquelles l’âme prenait son plaisir comme à des créatures vivantes, meurent, au moins la troisième partie ; les projets et desseins, les trafics et commerces de cette âme, qui faisaient son occupation et son négoce, comme ses navires, atteignant dans et par ses pensées et projets les extrémités de la terre, avec lesquels elle passe les mers et s’imagine ne lui être rien impossible, ils périssent, savoir ceux qui sont les productions de la nature corrompue ; car ici il ne s’agit pas non plus d’une perte totale dans cette première conversion produite par ces moyens ici. Ainsi ce n’est que la troisième partie de la corruption de l’homme qui périt.

L’on apprend de tous lieux combien de tempêtes et de naufrages arrivent, ce qui marque assez, avec tous les autres fléaux, que ce monde tend à sa fin.

 

v. 10. Le troisième Ange sonna de la trompette, et une grande Étoile, ardente comme un flambeau, tomba du Ciel sur la troisième partie des fleuves et sur les sources d’eaux.

v. 11. Le nom de cette Étoile était Absinthe ; et la troisième partie des eaux ayant été changée en Absinthe, un grand nombre d’hommes mourut pour en avoir bu, parce qu’elles étaient devenues amères.

 

Voilà l’effet de la voix qui retentit en annonçant la pénitence et la conversion ; la voix muette qui a son efficace en touchant les hommes et leur donnant à boire des eaux amères ; cette Étoile est un ange puissant qui est envoyé sur la terre parmi les hommes, qui touche leur goût afin qu’ils apprennent, étant touchés par les sens internes, à fondre en larmes, ayant reçu la grâce par la lumière qui leur est communiquée au son du second Ange pour se repentir ; ils entrent en contrition et pleurent leurs péchés, leurs dérèglements passés, ce qui leur change leurs douceurs en amertume.

De ces hommes qui reçoivent ces touches de la grâce dans leurs sens intérieurs, il y en a plusieurs qui meurent au péché, s’abreuvant de ces eaux et les préférant désormais aux eaux douces des plaisirs charnels et mondains, dont ils s’étaient abreuvés jusqu’à présents, et s’ils persévèrent à boire de ces eaux amères tant qu’il plaira à Dieu de les en abreuver, ils mourront heureusement au péché et seront gratifiés de la vie de la grâce.

Ceci se rapporte au goût et est l’Effet qu’opèrent les âmes contemplatives par la vertu de leur goût qui est sanctifié ; c’est de communiquer du goût aux autres âmes qui en sont capables, pour recevoir et boire à long traits les eaux amères de la pénitence, les leur rendant plus délicieuses que n’ont jamais été pour elles les molles volupté charnelles.

 

v. 12. Le quatrième Ange sonna de la trompette, et la troisième partie du soleil fut frappée, aussi bien que la troisième partie de la Lune et de chaque Étoile, de sorte que le tiers de ces corps-là fut obscurci et que le jour aussi bien que la nuit en perdit le tiers de sa lumière.

 

C’est ce qui arrive à toutes les âmes qui sont vivement touchées de contrition et entrent dans une véritable repentance, dans lesquelles est opéré intérieurement ce qui a été dit des trois Anges précédents ; elles perdent pour un temps la troisième partie de l’usage de leurs facultés naturelles, de leur esprit astral ; elles leur sont obscurcies et elles ne peuvent plus s’en servir avec la capacité qu’elles avaient eues jusqu’alors ; elles sentent bien un grand affaiblissement dans leur esprit naturel, qui reçoit sa capacité et sa lumière des astres ; ces personnes ne sont plus si habiles ni si artificieuses ; tout ce qui avait fait la nourriture et la vie de leur esprit leur devient à charge et à dégoût ; Dieu permet cela afin de retirer leur volonté et leurs affections de ces choses terriennes ou astrales qui dépendent de l’Esprit de ce monde ; elles ne voient plus si clair dans ces choses, n’y ont plus tant de pénétration, car la clarté du soleil de leur entendement, de la lune de leurs pensées ou mémoire, et autres talents et vertus naturelles, comme autant d’Étoiles, ont perdu une bonne partie de leur brillant et de leur force ; il n’en reste que pour la nécessité ; elles sont amorties afin que le dessein de Dieu ait son effet. Le dessein de Dieu est d’engager l’âme qui sent le défaut et insuffisance, oui, la fausseté de ces lumières astrales, de chercher la lumière Éternelle que Dieu veut lui communiquer par la foi ; Lumière qu’il veut faire lever dans le centre de cette âme, où le fils de Dieu, le Verbe Éternel, qui est cette lumière Éternelle, veut se manifester.

C’est ainsi que toute âme qui se convertit à Dieu, qui entre dans les combats de la vraie pénitence, qui lutte avec Dieu comme Jacob, est rendue boiteuse comme lui, à l’égard de son habileté pour les choses de ce monde, qu’elle ne fait et ne traite qu’en clochant et avec peine ; son amour, son activité et son agilité, tous ses désirs ont à présent, non plus la terre et les choses sujettes au changement pour objet, mais Dieu et les choses Éternelles.

Ces choses ont aussi leur accomplissement à l’égard de presque tous les hommes, et ce sont les jugements qui leur arrivent ; ayant passé leur vie en volupté dans les plaisirs et les affaires de ce monde, dont ils ont fait toute leur affaire, la vieillesse vient-elle, leur capacité naturelle est affaiblie, leur entendement obscurci, la mémoire leur défaut, tout leur faillit, leurs plaisirs se changent en ennuis et en amertume, il ne leur reste que des regrets de perdre ce qu’ils ne peuvent conserver. Ô malheur, ô misère inévitable ! Celui qui ne veut pas renoncer aux choses de ce monde pour l’amour de Dieu, qui y invite si tendrement afin de donner le permanent et le vrai bien pour l’ombre que l’on abandonne, il lui est ravi tôt ou tard avec regret et ennui ; tout lui est changé en douleur et en amertume ; pleurons donc plutôt d’avoir offensé Dieu, et nous serons consolés, car la tristesse selon Dieu produit la repentance à salut dont on ne se repent jamais ; mais la tristesse selon le monde produit la mort. (2. Cor. 7. v. 10.)

 

v. 13. Alors je regardai, et j’entendis la voix d’un Ange qui volait au milieu du ciel et qui disait à haute voix : Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre à cause du son des trompettes des trois Anges qui doivent sonner encore !

 

Ces trois Anges qui doivent encore sonner des trompettes causent les fortes épreuves par lesquelles il faut que les âmes passent avant d’arriver entièrement dans l’état de la nuit obscure, où l’âme est épurée foncièrement ; il faut qu’auparavant elle soit encore mise à l’épreuve afin qu’on sache si elle est capable de soutenir les états suivants ; il faut qu’on éprouve si l’âme est encore attachée à la terre ou à autre chose qu’à Dieu ; si elle veut autre chose sinon que sa volonté s’accomplisse en elle ; et c’est sur quoi elle est éprouvée, afin qu’on sache si elle habite encore la terre ; car si cela est, malheur à elle, car elle ne passera pas outre, mais retournera en arrière et succombera dans ces épreuves qui lui seront présentées ; car il faut que l’âme soit bien déterminée à rester abandonnée à Dieu sans réserve et qu’elle ait été mise souvent à l’épreuve pour voir si elle restera dans cet abandon d’elle-même à Dieu avant qu’il la rende digne de la mener dans les états suivants par lesquels il faut nécessairement qu’elle passe pour être rendue capable de se perdre en Dieu ; sans quoi elle ne pourrait y être reçue, puisque pour cela il faut perdre toute la racine de la propriété, laquelle est arrachée et l’âme purifiée centralement par les états suivants ; ici l’âme est encore en elle-même et est la maîtresse de choisir Dieu ou la créature, ayant encore des forces pour cela, et la séparation de la volonté supérieure n’étant pas encore faite d’avec l’inférieure, la supérieure n’est pas encore prise de Dieu en propre ; ce qui sera si l’âme lui demeure fidèle dans les trois épreuves suivantes, des trois Anges qui vont sonner de la trompette.

 

 

 

 

CHAP. IX.

 

 

v. 1. Le cinquième Ange sonna de la trompette, et je vis qu’une Étoile était tombée du ciel sur la terre, et la Clef du puits de l’abîme lui fut donnée.

 

VOICI qui marque bien comment les Anges sont nommés souvent dans l’Écriture sainte des Étoiles, parce que les Étoiles sont les lieux de leurs demeures.

 

v. 2. Il ouvrit le puits de l’abîme, et de ce puits il s’éleva une fumée semblable à celle d’une fournaise ; et le soleil et l’air furent obscurcis de la fumée du puits.

 

Il est donné pouvoir à cet Ange d’ouvrir le fond de la corruption qui est dans l’âme afin qu’elle soit mise à l’épreuve ; il sort de ce fond des vapeurs ténébreuses semblables à la fumée épaisse d’un four, qui obscurcit et offusque toute cette âme, son entendement et autres facultés, en sorte qu’elle ne voit plus clair dans les motifs qui l’avaient engagée de se convertir à Dieu ; toute la lumière qu’elle en avait eue lui est offusquée, elle est tentée d’abandonner tout et de reprendre le train du monde, ne voyant plus clair dans ce qui l’avait portée à l’abandonner.

 

v. 3. De cette fumée il sortit des sauterelles qui se répandirent sur la terre, et on leur donna un pouvoir semblable à celui qu’ont les scorpions de la terre.

 

De cet offusquement de la lumière qui avait éclairé l’âme et de cette fumée infernale sortent des sauterelles ; ce sont les Esprits volages et changeants, qui sautent d’un objet terrestre sur un autre, lesquels viennent en foule remplir l’imagination et émouvoir les passions de l’homme pour l’entraîner, dans un entier détour de Dieu, à abandonner le recueillement et la maxime salutaire de s’exposer souvent en silence en sa sainte présence, en paix et tranquillité, se détournant des pensées diverses ; ici ces Esprits semblables à des sauterelles cherchent à engager l’âme dans les distractions et dissipations d’un objet à l’autre, dans lesquelles les gens de ce monde vivent, qui ne veulent pas s’exposer devant Dieu, suivent sa présence sainte, et n’aiment qu’à s’occuper continuellement des créatures, changeant sans cesse d’objet dans leurs occupations et plaisirs, afin qu’ils ne prennent jamais garde à ce qui se passe en eux pour abandonner leurs vices et vains amusements et se convertir à Dieu sincèrement, à quoi ils sentiraient que l’Esprit de grâce les invite s’ils voulaient faire attention à ce que leur conscience leur dit ; c’est donc dans cette dissipation et distractions continuelles que le Démon cherche à réengager ces âmes qui ont un commencement de conversion en émouvant leurs passions et leur représentant comment ils doivent se repaître de ce monde et vivre dans les créatures et s’en occuper ; leur persuadant que c’est pour cela qu’ils sont dans cette vie et qu’ils le peuvent faire avec justice et légitimement, leur cachant que par là elles retirent peu à peu leur cœur et leurs affections de Dieu pour le redonner aux créatures.

Peu d’âmes passent plus outre et supportent cette épreuve, parce que le fondement de leur conversion du péché à la grâce n’était pas le pur amour de Dieu ; ils se sont abstenus des vices pendant qu’ils ont eu une claire idée de la récompense qu’ils avaient à attendre en suivant la vertu, et se sont délectés dans la méditation des biens à venir et de la félicité qu’ont à attendre ceux qui auront vécu dans ce monde sobrement, justement, et religieusement (Tit. 2. v. 12.). C’est avec goût et beaucoup de douceur dans leurs sens intérieurs qu’ils se sont adonnés aux œuvres de piété ; leur sagesse, leur ordre, leur vie bien réglée leur est un délicieux objet dont ils s’occupent et y ont leur complaisance ; leur amour-propre se nourrit de ces choses fort délicatement, ce lui est un mets très délicieux ; l’approbation générale et réputation vertueuse que leur piété leur acquiert nourrit un orgueil secret qui se cache à eux-mêmes sous le masque de la plus belle apparence d’humilité, dont ils ne se défient pas, leur fond corrompu leur étant encore inconnu ; le puits de l’abîme n’est pas encore ouvert, mais lorsqu’il s’ouvre, alors l’âme est mise en déroute et en désastre, et à moins qu’elle ne se donne à Dieu par un généreux abandon, ce qui est produit par un amour pur, sans réfléchir ni à récompenses ni à peines, car elle ne sait ce qui sera d’elle, à moins, dis-je, de cet abandon à discrétion entre les mains de Dieu afin qu’il fasse d’elle ce qu’il lui plaira, elle retournera en arrière et perdra ce qu’elle avait acquis, et ne pourra subsister dans cette épreuve où son propre esprit est mis en désastre, et elle est atteinte du malheur que l’ange prononce aux habitants de la terre. Car elle ne veut pas quitter cette terre qui est elle-même, son propre être, son intérêt ; elle ne veut pas sortir des bornes de sa compréhension pour s’élever au-dessus d’elle-même en se laissant à Dieu en soi et délaissement d’elle-même de ses propres idées de vertu, de tout son arrangement bien compassé par lequel elle s’était conduite elle-même, ce qui est tout renversé ; cet abandon à Dieu donc est le seul moyen de pouvoir soutenir cette épreuve et d’en recueillir les avantages que Dieu veut en faire parvenir à l’âme pour son avancement.

Mais que les âmes sont heureuses qui posent pour fondement, dès le commencement de leur conversion du péché à la grâce, l’amour pur de Dieu et l’abandon total entre ses mains à sa discrétion, qui en ont au moins la volonté et qui se donnent à Dieu ainsi quoiqu’ils ne possèdent pas à beaucoup près cet amour pur et que leur amour-propre, étant encore tout vivant, se mélange toujours dans leur conversion ; si néanmoins ils le désavouent et désirent seulement d’avoir Dieu seul et sa volonté pour leur seul objet et pour le but qui les fait agir, alors Dieu les soutiendra puissamment dans cette épreuve en vertu de la donation pure qu’ils ont faite d’eux-mêmes à Dieu, et quoiqu’ils soient ébranlés, mis en trouble et confusion, ils ne seront point renversés.

C’est pour cela qu’il est dit : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus (Matt. 20, 16.). C’est parce que les hommes mettent pour fondement du bien auquel ils s’adonnent, non pas Dieu et la soumission à sa volonté qu’on embrasse sans raisonner ni réfléchir sur soi-même, mais on se pose soi-même pour fondement et pour but en tout ; et dès qu’il semble ou paraît à notre raison que nous ne trouvons pas notre compte dans la piété que nous avons embrassée par propre intérêt, alors nous l’abandonnons bientôt. Appliquons-nous donc à aimer Dieu purement d’une manière digne de lui, tendons à cet amour ; que ce soit là notre intention ; nous lui en donnerons la marque la plus certaine et infaillible en nous abandonnant entre ses mains, afin qu’il fasse de nous, dans cette vie et dans l’Éternité, tout ce qu’il lui plaira ; car c’est là la marque certaine que nous désirons de l’aimer purement ; et en demeurant dans ce délaissement de nous-mêmes entre ses mains, il prendra soin de surmonter toutes les épreuves et tentations par lesquelles il faut nécessairement que nous soyons exercés et purifiés pour être nettoyés de toutes nos souillures et rendus tels qu’il faut que nous soyons pour pouvoir avoir part à son union.

 

v. 3. De cette fumée il sortit des sauterelles qui se répandirent sur la terre et on leur donna un pouvoir semblable à celui qu’ont les scorpions de la terre.

v. 4. Et il leur fut ordonné de ne faire aucun mal à l’herbe de la terre ni aucune autre verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n’auraient point le sceau de Dieu sur le front.

 

Ces sauterelles sont les pensées diverses, les raisonnements et réflexions de la raison terrestre et charnelle que les esprits sortis de l’abîme fournissent en abondance à l’esprit humain pour l’empêcher de se soumettre au joug de la foi en Dieu en s’abandonnant entre ses mains ; ces esprits malins sont des scorpions qui piquent ; ils réveillent l’amour-propre et le propre intérêt qui étaient un peu endormis par les douceurs sensibles de la grâce des états précédents ; ils insinuent par ces piqûres leur venin mortel dans l’âme qui s’en laisse atteindre ; ils ne nuisent point à l’herbe, ni à la verdure, ni aux arbres, à tout ce qui a apparence devant les hommes, aux vertus éclatantes et aux œuvres bonnes, ils passent cela ; savoir les âmes qui sont dans les commencements de la pratique du bien, n’étant pas encore arrivées au point où il faut que soit l’âme afin que Dieu permette qu’elle soit éprouvée par cette tentation, car si Dieu n’empêchait pas les mauvais esprits de tenter les hommes selon leur volonté il n’y en aurait pas un qui pût résister ; aucun ne se convertirait, ni aucun ne persisterait dans le bien ; ils seraient aussitôt broutés et serviraient de pâture aux mauvais esprits, de même que l’herbe verte et les arbres auraient servi de pâture à ces sauterelles ici marquées s’il leur avait été permis de les brouter.

Mais Dieu leur laisse le pouvoir d’attaquer les âmes qui ont reçu assez de force de la grâce pour pouvoir surmonter leur tentations et attaques si elles veulent faire usage de cette grâce qui leur est donnée pour cet effet et par laquelle elles les surmonteront si leur volonté demeure attaché à Dieu et qu’elles ne se retirent point de l’abandon qu’il faut qu’elles renouvellent d’elles-mêmes et de tout ce qui leur appartient entre ses mains, les lui donnant pour qu’ils soient désormais son bien propre ; alors il les marque de son sceau ; c’est le signe que de telles âmes sont à lui ; alors ces âmes n’ont en vue que Dieu, ne regardent que lui, s’abandonnent et se laissent à lui sans autre souci ; à de telles âme ces sauterelles n’ont point d’accès, elles ne leur peuvent nuire, elles ne peuvent les piquer, car celles-ci leur sont inaccessibles ; et si elles sentent par la permission de Dieu quelque chose de leur piqûre dans leur partie sensitive, c’est sans effet, et ces piqûres ne font que de les séparer davantage de la terre, où ces sauterelles ont pouvoir de rôder ; ces âmes marquées se tiennent d’autant plus dans le Ciel, s’attachant à Dieu, sans daigner faire attention à ce que ces mauvais esprits suggèrent dans leur imagination, de quoi elles ne font aucun cas.

Mais ceux qui ne sont pas scellés du sceau de Dieu, comme il a été expliqué, ceux-là en sont tourmentés.

 

v. 5. Et il leur fut permis, non de les tuer, mais de les tourmenter pendant cinq mois, et le tourment qu’elles causent est semblable à celui que cause la piqûre du Scorpion.

 

Ces hommes qui ne sont pas scellés du sceau de Dieu, ne s’étant pas donnés à lui en propre, ayant voulu partager le Domaine d’eux-mêmes, voulant bien en partie être à Dieu autant que leur amour-propre et leur propre intérêt s’en accommode et que sa conduite envers eux est conforme à leur idée et compréhension, sur ceux-là ces sauterelles ont pouvoir de les tourmenter ; ces âmes sont et restent dans l’inquiétude, accablées et peinées dans leur état, pleines d’angoisse ; les réflexions les tourmentent, la vie leur devient ennuyeuse, elles cherchent et désirent la paix qui se trouve dans la mort à soi-même et ne la trouvent point.

 

v. 6. En ce temps-là, les hommes chercheront la mort et ne la trouveront point ; ils souhaiteront de mourir et la mort les fuira.

 

Ils souhaitent de mourir et la mort les fuit ; c’est parce qu’on ne peut mourir de cette heureuse mort à soi-même sans se donner en propre à la discrétion entière de Dieu ; c’est lui seul, par l’opération de son Esprit en nous, qui peut tuer le vieil homme et tout ce qui est à sa dépendance ; et ces âmes, n’ayant pas voulu s’abandonner à Dieu pour souffrir cette opération, c’est en vain qu’elles cherchent la mort par d’autre moyens ; elles sont seulement tourmentées par les piqûres mentionnées qui ne leur laissent point de repos ; Dieu permet cela pendant le temps prescrit, cinq mois, pour voir si par ces tourments et inquiétudes l’âme retournera à lui, se repentira, et fera le don total de tout elle-même à Dieu ; si elle le fait, Dieu la guérira et l’affranchira de ces morsures et piqûres cuisantes, de ces mauvais esprits, aussi bien que des reproches de sa conscience ; mais si elle reste et se fixe dans sa propriété, elle entrera dans l’endurcissement, et ces piqûres cesseront aussi, après le temps prescrit de Dieu, qui leur avait permis de tourmenter l’âme pour la faire recourir à lui ; sa conscience est aussi pareillement endurcie, et elle déchoit du bien qu’elle avait peu à peu, rentrant dans son état naturel, et avec le temps devenant pire qu’elle n’avait jamais été.

Combien de tristes exemples ne voyons-nous pas de ceci parmi les personnes de piété qui ont commencé avec un grand zèle, ont abandonné le monde au dehors, et ont fait beaucoup d’éclat pendant un temps, mais qui ont fait naufrage à cette épreuve ; certainement c’est l’écueil où la plupart de ceux que l’on nomme pieux ont donné, lesquels ont commencé leur conversion plus par le dehors que par l’intérieur ; ayant d’abord avec grand zèle abandonné le monde et embrassé un genre de vie singulier et renoncé à l’apparence et aux commodités de ce monde, ils ont vécu pendant un temps d’une manière pauvre et renoncée au dehors, se séparant des sociétés et confréries pour vivre plus pieusement ; ô combien ils sont déchus entièrement, quoiqu’au dehors ils aient encore gardé quelque singularité dans leur genre de vie qui ne leur a servi qu’à nourrir un orgueil secret et une présomption qui leur fait accroire être meilleurs que le commun des hommes parce qu’ils prennent une plus grande liberté, ayant secoué des jougs sous lesquels les autres sont soumis ; mais cette liberté n’est qu’un libertinage si nous ne nous en servons pas pour être avec d’autant plus d’exactitude esclaves de Jésus Christ en nous quittant entièrement nous-mêmes, par lequel renoncement à nous-mêmes nous sommes mis dans la vraie liberté des Enfants de Dieu, quand même d’ailleurs nous serions au dehors soumis à de pesants fardeaux par la nécessité de notre vocation et condition.

 

v. 7. Ces sauterelles ressemblaient à des Chevaux préparés pour le combat ; elles portaient sur leurs têtes comme des couronnes qui paraissaient d’or, et leurs visages étaient comme des visages d’hommes.

 

Voilà qui représente admirablement bien le caractère de ces esprits hauts et enflés en eux-mêmes, tels que sont ceux dont sont possédés les hommes qui se laissent surmonter par ces esprits sortant de l’abîme ; ces âmes, dis-je, dont on vient d’écrire, qui ont eu un commencement de conversion, ces esprits sont forts et orgueilleux en eux-mêmes ou présument l’être ; ils croient pouvoir tout surmonter par leurs raisonnements, ils sont enflés, sont toujours prêts au combat et à la dispute ; ils sont couronnés, selon leur imagination, de couronnes qui ressemblent à de l’or, mais qui n’en ont que l’apparence ; c’est qu’ils croient posséder la vraie sagesse et la vraie prudence dans leur propre esprit, car elles ont des visages d’hommes. Ce sont les vertus humaines que possèdent de telles personnes, que personne ne peut désapprouver ni connaître leur défaut que par la lumière Divine, qui en fait bien voir la fausseté et qu’ils sont remplis d’orgueil et d’arrogance ; mais en vérité, ces sauterelles sont bien la figure des esprits qui dominent à présent le général des hommes que l’on nomme raisonnables et honnêtes gens, et leur caractère y est bien dépeint.

 

v. 8. Elles avaient des cheveux comme des cheveux de femmes.

 

Ces cheveux marquent l’artifice et la beauté dont sont couverts la méchanceté et la cruauté cachées sous belle apparence, entre les hommes amateurs d’eux-mêmes et de leur intérêt et amour-propre, auquel ils veulent que tout cède, combattant et déchirant tout ce qui y est contraire autant qu’ils en ont le pouvoir par leurs dents de lion ; car quoique la moindre partie des hommes soient en état de mettre en exécution ce à quoi leurs passions les pousse, cependant, comme Dieu regarde au cœur et que l’homme a la figure des passions qui le dominent, il est représenté sous ces figures par l’Esprit de Dieu, devant lequel tout homme qui n’est pas régénéré et se laisse ainsi conduire à l’Esprit de Dieu qui est sa vie mais qui vit dans sa nature corrompue et dans sa propriété est représenté dans l’Écriture sainte sous la figure des bêtes féroces, dont ils ont les qualités, comme ils le sont ici, sous la figure de ces monstres, aussi bien que les esprits malins, dont ils se laissent conduire et posséder, lesquels reçoivent ce pouvoir sur eux, parce qu’ils ne veulent pas se soumettre au domaine de l’Esprit de Dieu, qui s’est offert et présenté à eux, les invitant à se convertir à Dieu.

 

v. 9. Elles avaient des cuirasses semblables à des cuirasses de fer, et le bruit des ailes était comme un bruit de chariots et d’un grand nombre de chevaux courants au combat.

 

Leurs couronnes n’ont que ressemblance d’être d’or ; ces esprits s’imaginent dominer sur tout, ils sont Rois dans leur imagination, et le Diable et ses adhérents le leur font accroire ; de même leurs cuirasses n’ont que la ressemblance d’être de fer ; c’est leur force, où ils croient être invulnérables à tous les traits qui sont lancés contre eux : Qui est maître sur nous (Psau. 12. v. 5.), disent-ils ; l’on n’estime à présent que cet esprit d’arrogance et d’ambition, de fausse science, sagesse, finesse, mensonge et tromperie ; c’est par ces qualités que les hommes se combattent les uns les autres, chacun tâchant de son mieux de surmonter son voisin ; ces esprits qui dominent et qui séduisent volent par tout l’univers.

 

v. 10. Elles avaient la queue comme celle des scorpions, et elles y avaient un aiguillon.

 

Ceci marque la fourberie et la manière traître et cachée dont les hommes agissent les uns envers les autres.

 

Et leur pouvoir était de faire du mal aux hommes pendant cinq mois.

v. 11. Elles avaient pour Roi l’ange de l’abîme, appelé en hébreu Abaddon, et en grec Apollion, c’est-à-dire exterminateur.

 

Je crois que le sens littéral de ce qui est décrit ici, de ce cinquième son de trompette, marque l’état du monde d’à présent, et désigne au naïf les caractères des esprits sortis de l’abîme, dont la plupart des hommes se laissent régir, ce qui est bien manifeste. Car, ne voulant pas se laisser à la conduite de l’Esprit Divin, ils sont laissés en proie aux esprits malins décrits ici, qui ont le pouvoir de dominer sur eux ; ils les possèdent et les poussent à agir conformément à leurs caractères, dépeints dans la figure de ces sauterelles infernales ; les maximes et manières par lesquelles les gens de ce monde se conduisent, l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes, leurs présomptions et malignité sont mises au naïf devant ses yeux, et quoique la plupart ne les connaissent pas, cela ne laisse pas d’être ainsi en réalité et vérité. C’est l’Ange destructeur qui domine, c’est le Prince de ce monde, et qui entraîne les hommes dans la perdition.

 

v. 12. Voilà un malheur passé, en voici encore deux autres qui suivent.

 

Voici une des tentations capitales qui réentraînent d’ordinaire les âmes qui ont voulu se convertir à Dieu, qui ont eu l’intention de suivre les voies intérieures de son Esprit, mais qui n’avaient pas posé un bon fondement pour la base de leur conversion ; ainsi leur bâtiment a été renversé avant que d’avoir été encore bien commencé. Il leur est arrivé ce que dit notre Seigneur (Matth. 7. v. 26.) de celui qui a bâti sa maison sur le sable ; mais si quelqu’un a par la grâce du Seigneur soutenu cette épreuve de la part du monde et de sa propre raison, aussi bien que de celle des malins esprits, voici encore deux autres par lesquelles il faut qu’il soit éprouvé.

 

v. 13. Le sixième Ange sonna de la trompette et j’entendis une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu.

v. 14. Qui dit au sixième Ange qui avait la trompette : Délie les quatre Anges qui sont liés sur le grand fleuve d’Euphrate.

 

Voici qui marque bien comment tout ce qui arrive dans le monde à l’extérieur n’est pas dirigé comme la plupart des hommes se l’imaginent, par les projets que les politiques qui s’imaginent gouverner le monde s’étudient sans cesse de former ; les Princes, les Rois et leurs Ministres croient gouverner et diriger toutes choses dans et par leur conseil, mais ici Dieu manifeste à ceux qui ont les yeux tournés vers lui comment les évènements qui arrivent dans ce monde sont premièrement dirigés et ensuite exécutés par le ministère des Anges bons et mauvais, lesquels inclinent les hommes d’une manière secrète et invisible, oui, qui est même cachée à ceux qui exécutent ce que Dieu permet et dirige, soit directement, pour le bien des hommes, ou bien ce qu’il permet aux mauvais Anges destructeurs d’exécuter. Ils ne peuvent exécuter le mal auquel ils inclinent selon leur volonté ni lorsqu’ils le voudraient bien ; mais ils dépendent de Dieu d’une manière si absolue, étant liés par la toute-puissance, qu’ils ne peuvent exécuter que le mal qu’il leur permet, et envers ceux qu’il leur permet, et au temps qu’il le leur permet ; lesquelles choses Dieu dirige si à propos par sa sagesse infinie que toutes ces choses, mauvaises en elles-mêmes, lui servent en sa main pour parvenir aux fins qu’il s’est proposées. Elles servent toutes à l’exécution et accomplissement de ses décrets, lesquels ont toujours pour but de rendre heureuses ses pauvres créatures, tâchant autant que leur état pervers le permet de faire servir ces choses au bien des hommes pour les attirer à se convertir. Les quatre Anges sont donc liés par le grand fleuve Euphrate.

La voix qui sort des quatre coins de l’autel est celle du Tout-Puissant ; c’est la Parole Éternelle, Jésus Christ, qui commande et parle et aussitôt il est fait (Psau. 33. v. 9.) ; c’est lui qui est le Roi des Anges ; l’Autel qui est devant Dieu signifie comment toutes les puissances, toutes les vertus qu’il manifeste au dehors comme autant d’émanations de lui-même, qualités et vertus qu’il exprime premièrement dans son Verbe, par lequel il se manifeste, qui est Jésus Christ, et par lui dans tous les autres Êtres qu’il produit, comme les Anges et les hommes ; toutes les qualités et capacités dont il a doué ces Êtres, qui sont très grandes et très excellentes, doivent retourner sans cesse à lui ; ces Êtres, étant dans l’ordre et dépendance Divine dans laquelle ils doivent être, lui rapportent sans cesse, font recouler en lui par un sacrifice continuel, toutes ces qualités excellentes par lesquelles chacun d’eux exprime quelque chose de l’Être Divin. C’est ainsi qu’ils ne gardent et n’ont rien dans leur propre qu’ils retiennent et puissent regarder, soit de leur puissance, de leur beauté et sagesse, hors de Dieu ; ils sont dans un continuel anéantissement et ne peuvent voir rien en eux-mêmes. C’est la puissance, la force, et la sagesse de Dieu dont ils sont revêtus, et c’est Dieu seul qu’ils voient et aiment dans ces qualités ; pour eux, ils demeurent dans un continuel anéantissement.

C’est donc l’autel d’or, qui est continuellement devant Dieu, sur lequel ces hommages et sacrifices de tous les Êtres se font.

C’est la force, la sagesse, la beauté, la majesté Divine, qui sont les quatre coins de cet autel, sur lequel toutes ces facultés de tous les êtres créés de Dieu retournent et sont rapportées, comme à la source dont elles sont découlées ; et le Verbe Éternel, qui est son amour, est l’Esprit et la vie qui anime ces Êtres. C’est ce qui est marqué ici par cette voix qui sort des quatre coins de l’autel d’or ; cet or marque, comme étant la matière la plus pure et la plus exquise, la sainteté de Dieu et de tous ses attributs. Cet autel est devant Dieu ; cela représente qu’il se produit au dehors par ses attributs, s’exprimant et manifestant en ses créatures.

Ô Majesté suprême, que nous t’adorions sans cesse et obtenions la grâce que nous soyons dans notre petitesse et notre néant extrême aussi anéantis avec ces Êtres ; que nous soyons sacrifiés sans cesse devant toi ; que nous ne gardions pas un seul moment en nous-mêmes ni ne regardions comme étant en nous-mêmes la portion de grâce qu’il te plaît de verser en nous pour nous y complaire hors de toi, mais que nous laissions aussitôt recouler ces eaux de la grâce en toi qui en es la source ; ne permets pas que nous puissions un seul moment sortir de notre néant, de notre rien extrême, mais enfonce-nous-y toujours davantage et plus profondément, car c’est le lieu qui nous est propre ; et si nous en pouvions sortir, notre sort serait pareil à celui de Lucifer.

Cette explication ici de l’autel d’or qui est devant Dieu n’est point métaphorique ni allégorique, c’est la réalité et la vérité de ce qui est figuré par cet autel.

 

v. 15. Et il délia les quatre Anges qui étaient prêts pour l’heure, le jour, le mois, et l’année où ils devaient tuer la troisième partie des hommes.

v. 16. Et le nombre de ces armées de cavalerie était de deux cents millions, car j’ouïs dire le nombre.

v. 17. Je vis aussi les chevaux dans la vision, et ceux qui étaient montés dessus avaient des cuirasses comme de feu de soufre et d’hyacinthe, et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions, et il sortait de leur bouche du feu, de la fumée et du soufre.

v. 18. Et par ces trois choses, c’est-à-dire par le feu, par la fumée, et par le soufre qui sortaient de leur bouche, la troisième partie des hommes fut tuée.

v. 15. Car la puissance de ces Chevaux est dans leur bouche et dans leur queue, parce que leurs queues sont semblables à des serpents et qu’elles ont des têtes dont elles blessent.

v. 20. Et les autres hommes qui ne furent point tués par ces plaies ne se ressentirent point des œuvres de leurs mains pour cesser d’adorer les démons et les idoles d’or, d’argent, d’airain, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher.

v. 21. Et ils ne firent point pénitence de leurs meurtres, de leurs empoisonnements, de leurs impudicités, et de leurs voleries.

 

Les quatre Anges sont les Chefs de ces armées ; ce ne sont donc pas les Généraux qui commandent ces armés à l’extérieur qui en sont les Chefs et les conducteurs, quoiqu’au dehors ils paraissent être ceux qui les gouvernent ; elles sont soumises à la vérité à leur ordre, mais il y a de bien plus grandes puissances qui dirigent leur conseil de guerre que ces Généraux eux-mêmes ne connaissent pas et qui les font agir lorsqu’ils croient faire tout par la sagesse de leur conseil et de leur prudence ; Dieu dirige ces choses pour parvenir à ses fins, et ce sont ces quatre Anges Puissants qui, par leur force invisible, gouvernent et inclinent les Généraux mêmes de ces armées afin qu’ils agissent selon l’intention de Dieu.

Mais quels sont ces quatre Anges et quelle est cette grande armée, mon très cher Amour ? Ce sont les exécuteurs de vos volontés, ô mon Dieu ! Ce sont ceux qui sont ordonnés pour exercer les jugements sur le monde après que le temps de la patience et longanimité de notre Dieu miséricordieux sera écoulée, qu’il verra par sa science Éternelle que le reste des hommes qui sont sur la terre ne s’amenderont point, le nombre de ceux qui se convertissent étant séparés d’eux ; alors les fléaux viendront fondre sur le monde des quatre coins de la terre ; les quatre Éléments seront lâchés, lesquels sont retenus en bride par les quatre Anges ici marqués et feront sentir aux hommes leurs débordements.

L’on en voit à présent un échantillon par la quantité d’embrasements qui se font en tant d’endroits, qui arrivent la plupart par le feu du Ciel ; les débordements des eaux montrent aussi assez par les dommages qu’elles font en tant d’endroits comment cet Élément est mutiné par la permission de Dieu ; et combien d’orages, de vents impétueux, de fréquentes et de furieuses tempêtes ne se font pas sentir et causent sur mer et sur terre des dommages très grands, en sorte que les naufrages sont en plus grand nombre que de mémoire d’homme ; tous ces fléaux qui arrivent, et dans un temps contraire au cours ordinaire de la nature, marquent assez que tout tend à sa fin et que les quatre Anges sont lâchés pour faire des dommages inouïs ; le temps apprendra bientôt ce que la terre produira pour la destruction des hommes impénitents.

Heureux sont ceux qui se retirent sous l’ombre des ailes de leur bon Créateur et Sauveur et qui, renonçant à toutes choses et à eux-mêmes, n’ont plus de soin ni de prétention que de rester attachés à lui, en retournant sous sa domination, rentrant sous sa dépendance, et restant entre ses mains et à sa disposition comme son bien propre ; ceux-là sont à l’abri de tout danger et n’ont rien à craindre, soit de la part des hommes ou des Éléments, ni des mauvais esprits ; ils sont entre les mains et sous la garde du Seigneur leur Dieu qui les garantira ; ils ne doivent se mêler en rien des tracas, intérêts et embarras de ce monde ; ils doivent laisser aux gens de ce monde le soin de soutenir leurs droits, de plaider et défendre leur cause ; ils doivent se débarrasser de tous ces soins et embarras, et rester collés à leur Dieu, comme dit notre Sauveur : Veillez, vous ne savez à quelle heure votre Seigneur viendra (Matt. 24. v. 42.) ; restons attachés à lui, que cela soit notre occupation et notre unique portion.

Il ne m’est point manifesté d’autre particularité de ces 4 Anges ; nous n’en avons pas de besoin, notre devoir est de demeurer passifs et attentifs sur le Seigneur, fermant nos sens aux choses du dehors, en attendant son heure, qu’il lui plaira nous délivrer de la captivité de ce présent siècle mauvais où il faut que nous souffrions et languissions autant de temps qu’il lui plaira, entremêlés parmi les Cannanites et les Ismaélites ; ce sont les profanes et les moqueurs. Mais Dieu nous soutiendra et nous garantira quand son jugement viendra.

À présent, subissons son jugement qui s’exerce sur le vieil homme pour le déraciner et exterminer de notre intérieur ; laissons tuer, exterminer, soutenons les orages et les débordements de nos sens, la mutinerie de nos passions et les dérèglements qu’il faut sentir et bien souffrir de notre complexion sans pouvoir empêcher d’en être tourmentés ; tout cela marque la destruction prochaine de l’homme de péché en nous. C’est la guerre et la division que notre Sauveur dit être venu apporter, le feu qu’il est venu allumer, qu’il désire qui brûle (Luc. 12. v. 49.). C’est celui du pur et divin amour qu’il a allumé dans nos cœurs, où il est venu, Dieu merci ; c’est cette venue bienheureuse qui cause ce dégât et ravage ; c’est une heureuse guerre ; la paix suivra, n’en doutons point, souffrons patiemment jusqu’à la fin ; c’est Dieu lui-même qui fait tout ce dégât pour rétablir et bien bâtir l’édifice nouveau de son Église en nous et hors de nous ; laissons-le faire, sans nous mêler de rien que de souffrir et de mourir, selon qu’il lui plaît de le dispenser à un chacun par les moyens qu’il s’est choisis, car nous ne devons nous-mêmes que de rester abandonnés à sa discrétion sans choix ni distinction, car tout est bon entre les mains du Saint amour Divin.

Le grand fleuve d’Euphrate est celui qui arrose Babylone ; il est mis en opposition à la fontaine de Dieu qui arrose Sion ; c’est donc l’eau de la volupté et l’eau qui fournit la nourriture, qui entretient et fait croître par son humidité ; c’est l’humeur radicale qui rend féconde l’esprit de ce monde ; et ainsi tout ce qui est de la dépendance d’icelui, lorsque les hommes en abusent, est compris dans ce que l’Apôtre saint Jean nomme la convoitise des yeux, la convoitise de la chair, et l’orgueil de la vie. (1. Jean 2. v. 16.) C’est là ce qui fait la nourriture des gens du monde et en quoi ils ont leur vie, leurs plaisirs, leurs satisfactions ; c’est dans ces choses terriennes qu’ils mettent leur amour, l’ayant détourné de Dieu.

Ces gens de ce monde sont les habitants de Babylone, qui est la Ville de confusion, et le grand fleuve d’Euphrate est l’eau qui arrose et rend féconds leurs plaisirs, qui fait qu’ils trouvent leurs satisfactions et un repos et contentement dans ces affections terrestres.

Lors donc que la fin du monde viendra, cette eau de l’Euphrate tarira, et par là tout plaisir et repos sera ôté et retranché, et toute satisfaction dans les choses élémentaires sera ôtée ; il ne restera aux hommes charnels et mondains, qui ne vivent que dans ces matières grossières des Éléments, que le feu infernal qui y est, sans être tempéré par l’eau, qui sera séchée ; et ainsi ces choses qui ont fait leur plaisir, satisfaction et nourriture leur deviendront la source et la cause d’un tourment intolérable qui les consumera.

Les armées innombrables des mauvais Esprits infernaux décrits ici, v. 16 et 17, recevront puissance de les tourmenter et de les tuer par le feu qui est allumé en eux des passions qui les dévorent et les consument, privés qu’ils sont de l’humidité à devant marquée, qui est l’eau où les hommes croupissent comme des grenouilles dans leur Étang sale et impur où ils trouvent leur repos, ce qui fait qu’ils ne sentent pas la peine du feu infernal qui y est renfermé, lequel ne se fait bien sentir et ne consume que lorsque cette eau se tarit ; alors le partage est donné tout à plein aux Esprits infernaux, qui n’ont point cette humidité, de rendre participants de leur tourments les hommes qui sont devenus de même nature qu’eux, ne vivant plus que dans le feu infernal, privés de tout rafraîchissement ; c’est ce qui fait l’Étang de feu et de Soufre qui est la mort seconde. (Apoc. 20. v. 14.)

Ce sont donc les quatre Anges qui ont le pouvoir sur les quatre Éléments dans lesquels consistent toutes les choses matérielles ou terrestres qui sont le sujet et les objets de l’affection de tous les hommes naturels, ou bien qui vivent dans la nature corrompue, et ce sont ces mêmes choses qui sont le sujet de leur tourment, leur devenant un enfer, par le tarissement des eaux du grand fleuve d’Euphrate, ce qui se fera par le ministère des anges qui seront déliés pour cela.

Aussi longtemps que les hommes sont dans un état où il y a à espérer qu’ils s’amenderont dans le cours de cette vie mortelle qui leur est donnée pour cela, aussi longtemps ces anges destructeurs sont liés pour eux, et l’eau de l’Euphrate garde son cours qui donne la vie, l’humidité et la tempérance dans toute la nature, et y cause le plaisir dans la jouissance des choses Élémentaires ; mais quand le temps déterminé de Dieu est écoulé, alors ces anges sont déliés.

Ceci arrive à chaque homme en particulier, et arrivera au monde en général ; ces eaux ne sont pas mauvaises en elles-mêmes et ne le deviennent que parce que les hommes mettent leur amour et leurs affections dans ces choses terriennes, car ces eaux en elles-mêmes sont la vie qui entretient ces choses ; mais les hommes devraient s’en servir et en user pour l’entretien de leur corps animal et terrestre, mais non pas mettre leurs affections en ces choses, car leur amour et leur affection doit avoir Dieu seul pour objet.

Car c’est là l’ordre dans lequel les hommes ont été créés ; ainsi l’eau de la grâce, l’onction de l’Esprit de Dieu, qui est la source d’eau saillante en vie Éternelle (Jean 4. v. 14.), cette eau-là est celle dont nous devons nous abreuver ; c’est celle où nous devons prendre notre repos et nos plaisirs, savoir dans l’union Divine ; c’est cette eau qui nous rend féconds comme Épouses de Jésus Christ ; c’est cette eau dont parle notre Seigneur à la Samaritaine : Celui qui en boira n’aura jamais soif ; cette source ne tarira jamais, ce sont les ruisseaux dont parle David au Ps. 46. v. 5 : Les ruisseaux de la rivière réjouiront la Ville de Dieu qui est le saint lieu des demeures du Souverain, v. 3 ; c’est pourquoi nous ne craindrons point, quand on remuerait la terre et que les montagnes se renverseraient dans la mer.

Ce passage a aussi son sens mystique pour l’âme que Dieu veut purifier foncièrement ; Dieu permet, pour opérer sa mort mystique, que les eaux de l’Euphrate tarissent ; cela veut dire que toute l’humeur radicale, ou bien ce qui fait la vie et le plaisir dans la jouissance et l’usage des choses élémentaires, lui soit ôtée ; sa volonté ou son amour en étant séparé, ce qui rendait le goût de ces choses criminel, le cœur et toutes les affections sont à Dieu ; ces âmes-là l’ont retiré de toutes les choses créées pour le donner à Dieu seul, qui l’a aussi accepté et pris l’âme en propre ; ainsi elle ne peut plus chercher la jouissance d’aucune créature ni des choses de ce monde pour s’y délecter et y prendre ses délices ; ces âmes-là usent des choses de ce monde pour la nécessité à laquelle elle sont assujetties ; cependant, quoique l’âme soit disposée ainsi, Dieu permet que mille et mille pensées et désirs après ces choses l’importunent et assaillent, oui, qu’elles tourmentent cette pauvre âme ; elles sont suggérées par autant d’armées innombrables d’esprits malins qui la tourmentent en réveillant en elle, savoir en sa partie basse, dans ses sens, passions, imagination et dans sa raison, des fantômes semblables aux monstres qui sont ici décrits ; ils ont des têtes de Lions ; ils semblent vouloir engloutir la pauvre âme tout d’un coup, par la force et la fureur dont ils l’assaillent et à laquelle elle ne peut résister ; ces esprits infernaux viennent comme montés sur des Chevaux tant leur course est vite, et surprend l’âme subitement.

Ces chevaux marquent aussi la nature corrompue et la propriété sur laquelle ces Esprits malins sont montés et sur laquelle ils exercent leur pouvoir, s’en servent et la mènent, à ce qu’il semble, à leur gré et volonté ; cette nature corrompue a une tête de Lion, par la force qu’elle fait sentir à l’âme par les raisonnements qu’elle lui suggère dans son entendement pour contredire et contrecarrer les voies de Dieu, par lesquelles il conduit l’âme par l’opération de son Esprit intérieur, qui s’est emparé de l’âme et est vivant et opérant dans le Centre de cette âme.

Il est impossible d’exprimer quelles suggestions épouvantables l’esprit malin donne à cette pauvre âme pour la tourmenter et inquiéter sur cet article ; l’expérience seule peut faire comprendre la multitude et la force de ces raisonnements ; ces malins esprits engloutiraient mille fois la pauvre âme si Dieu ne l’avait cachée et mise à l’abri de l’atteinte de leur puissance en la retirant dans son centre auprès de lui. Ainsi elle ne sent leur force et leurs attaques que dans sa partie basse, dans son imagination ; elles lui offusquent la tête, c’est dans sa tête que l’âme ressent, d’une manière si sensible, la puanteur, le feu, la fumée et le soufre qui sort de la bouche de ces têtes de Lions.

Elle est nommée leur bouche et non pas leur gueule, quoique ce dernier nom convienne à ces animaux, parce que ces suggestions sont accompagnées ou formées par des raisonnements humains et raisonnables selon leur apparence, et non de la bête, mais cependant ils ne font qu’offusquer la tête, mettre cette partie en trouble et confusion ; c’est un feu et la puanteur d’un soufre qui étourdit et inquiète l’âme d’une manière étrange ; la puissance de ces chevaux (de la nature corrompue) est donc dans leur bouche ; c’est par sa parole, par ses raisonnements suggérés par les mauvais esprits qui sont montés dessus, qu’ils tourmentent l’âme et la tuent, car c’est là l’effet de leur tourment ; effet très salutaire et celui que Dieu en veut retirer, savoir que l’âme meure à elle-même, à sa vie propre, et à ses raisonnements, par ses plaies.

La queue de ces Chevaux sont des Serpents envenimés qui marquent les passions de l’âme, qui sont irrités par ces esprits malins et font pareillement sentir leur tyrannie et leur piqûres venimeuses à la pauvre âme qui en est tourmentée, réveillant en elle tous les appétits charnels et sensuels auxquels elle avait renoncé, qui ne font que la tourmenter, puisque sa volonté et son amour, qui en faisaient l’humeur et la vie, en est ôtée ; ce n’est qu’un feu infernal qui y reste, qui la consume.

C’est le corps mort de péché dont St. Paul se plaint si amèrement (Rom. 7, 24.) ; sont incompréhensibles et ne se peuvent décrire les peines et tentations de toutes sortes par lesquelles les âmes que Dieu honore de la grâce de les appeler à son union Divine doivent passer dans cette vie avant d’y parvenir ; mais elles ne sont rien en comparaison de la grâce qui s’ensuit, et aucune âme ne doit se laisser saisir de crainte par la description que l’on fait de quelques-uns de ces états, car comme c’est Dieu qui permet que les âmes y entrent, oui, comme c’est lui-même qui les y conduit par une bonté infinie, il les y soutient aussi par sa force Divine, en telle sorte que toutes ces tentations et ces épreuves ne sont que des moyens salutaires dont il s’est servi pour purifier cette âme, pour la faire perdre à elle-même afin qu’elle ne soit et ne vive plus qu’en lui seul, chassée qu’elle est de son propre ou de sa propriété, dans laquelle elle avait une vie si profonde et enracinée qu’il ne fallait pas moins que ces moyens violents pour faire mourir le vieil homme, dont la force et la vie est dans cette propriété.

Qui pourrait croire que la racine du péché, la corruption, fût si profonde en nous, si l’expérience que l’on en fait, lorsqu’il plaît à Dieu de mettre la main à l’œuvre pour déraciner ce mauvais arbre, n’en convainquait ? Ainsi l’on témoigne que tout ce qu’on écrit ici de ces états mystiques ne sont assurément point des allégories imaginaires que l’on fait sur les figures représentées dans ce livre, mais bien la réalité et la vérité des états qu’il plaît à Dieu et qu’il lui a plu de faire expérimenter, laquelle expérience se trouve dépeinte au naïf dans ces figures.

Pour l’extérieur, nous ne voyons pas non plus que les Hommes que nous connaissons soient si grossiers que d’adorer les Idoles d’or, d’argent, d’airain, de pierre, et de bois, v. 20, comme les Anciens Païens faisaient autrefois, mais il est marqué par ces Idoles l’attachement que les hommes ont à l’or, l’argent, maisons, etc. Et à toutes les choses de la terre, ce qui est une véritable idolâtrie, de même que les autres vices auxquels ils sont adonnés d’une manière dépravée au comble.

Ces hommes ne se repentent point de leurs œuvres et affections mauvaises, malgré les fléaux qu’ils voient être répandus sur leurs voisins ; ils ne veulent point comprendre que toutes les Créatures desquelles l’usage leur est donné pour l’entretien de cette vie mortelle leur deviennent et leurs sont des Idoles ou des sujets d’idolâtrie, autant qu’ils leur donnent leur amour et leur affection, y prennent et cherchent leurs plaisirs, lesquelles choses appartiennent à Dieu seul, pour lequel nous avons été créés, et c’est pour nous faire parvenir de nouveau à cette grâce d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée, et de toute notre force. (Matth. 22.) C’est pour nous en rendre capables que Dieu nous fait passer par tous les creusets des épreuves qui sont marquées ici, par lesquelles afflictions le venin du péché indenté en nous est évacué, notre âme est purifiée et remise en état d’être remise dans l’union Divine, pour laquelle nous sommes créés.

Que le monde jouisse donc de ces sales plaisirs, qu’il garde ses idoles s’il ne veut pas y renoncer ; pour nous, notre portion sera dans cette vie de souffrir, de mourir, de nous laisser purifier par le sang du Sauveur, qui nous est appliqué ; quoique ce soit avec douleur, nous la préférons aux plaisirs ; choisissons les ennuis, en attendant le temps heureux que, délivré de toute la corruption, nous pourrons sans empêchement être reçus en notre Dieu, jouir de sa sainte union.

Auparavant que ces eaux mentionnées tarissent dans l’âme, il n’est point permis aux esprits malins de passer en elle pour la tourmenter de la manière susdite, et ceci est la séparation de la volonté supérieure d’avec l’inférieure, qui se fait auparavant, sans quoi l’âme serait en danger de pécher, ce que Dieu ne peut permettre ni vouloir envers une âme qui s’est abandonnée à lui et qui est restée dans cet abandon aussi longtemps qu’elle a eu de forces et qu’elle a senti avoir une volonté dont elle a pu disposer, n’ayant voulu pendant tout ce temps-là en faire d’autre usage que de la sacrifier à Dieu ; ce Dieu de bonté la prend aussi en sa protection et ne permet jamais qu’aucun des malins esprits qui reçoivent le pouvoir de la tourmenter puissent l’induire à pécher ; ceci est pour servir de consolation aux pauvres âmes qui se trouvent dans ces épreuves et qui, après s’être abandonnées à Dieu de tout leur cœur, ne désirant que de faire sa volonté, l’ayant cherché de toutes leurs forces et ayant renoncé à toutes choses et à elles-mêmes pour lui plaire, soit de volonté ou en effet, après avoir, dis-je, pratiqué cette fidélité envers Dieu selon toute l’étendue des connaissances qu’il leur a données, se trouvent à la suite comme livrées en proie à mille tentations de toutes sortes qui semblent ravir tout le bien qui était en elles et les entraîner dans la perdition sans qu’elles puissent s’en défendre, et sans plus, pour ainsi dire, trouver de volonté pour leur résister, la volonté animale ou inférieure étant d’accord avec la tentation qui l’assaille, et la supérieure étant si fort retirée dans le Centre de l’âme, où elle est unie à Dieu, qu’elle n’est presque point aperçue de l’âme d’une manière distincte comme subsistant, surtout dans les violentes attaques que l’âme reçoit de ses ennemis ; alors elle ne distingue point avoir d’autre volonté que l’animal qui semble consentir à la tentation qu’elle éprouve, la volonté supérieure semblant ne se mêler en aucune manière de ce qui se passe dans la partie basse de l’âme ; et c’est ce qui cause de si grandes peines aux âmes sincères, et qui choisiraient plutôt la mort que de vouloir offenser Dieu, de voir qu’elles l’offensent en effet et pèchent selon l’apparence en ne pouvant s’empêcher de sentir vivement les sentiments du péché en elles, auxquels la volonté animale consent ; et c’est en effet ce sentiment qui cause la mort à l’âme, mais sa mort mystique, par où elle sort d’elle-même et subit sa condamnation, étant obligée de se donner à la discrétion Divine comme pécheresse qui ne peut que pécher et est dans l’impuissance de ne le pas faire, n’en ayant pas même la volonté ; c’est, dis-je, cette impuissance qui fait que l’âme s’abandonne à discrétion à Dieu pour subir son arrêt de condamnation, qu’elle ne peut désavouer de mériter ; c’est en s’abandonnant ainsi à la justice Divine qu’elle trouve son salut dans sa perte, la vie dans la mort, et sa satisfaction dans le jugement qu’elle a subi et auquel elle a consenti de sa perte ; mon Dieu, que tes voies sont impénétrables ! Qui est celui qui les comprendra, sinon celui qui en fait l’heureuse expérience ? Qui est celui qui peut s’y ajuster autrement que par un entier abandon de ses propres idées et compréhensions, car certainement tes voies ne peuvent être atteintes par l’esprit humain : Tu as tout enclos sous la rébellion afin de faire miséricorde à tous (Rom, 11, 32.) ; à toi soit gloire Éternellement, Amen !

Il n’y a que les Enfants, les simples, qui se laissent conduire par toi dans ces voies, qui sont sans réflexion sur eux-mêmes et sur leur état, qui ne savent rien que de s’abandonner à discrétion entre tes mains, tout comme ils se trouvent, n’ayant ni le vouloir ni le pouvoir de se faire autrement qu’ils ne se sentent être, car tu leur as ôté l’un et l’autre afin d’être le maître absolu en eux et d’y pouvoir opérer tes œuvres admirables sans qu’ils y puissent résister, ce que ces âmes ne feraient jamais si elles en conservaient le pouvoir. Ton saint nom soit béni des voies admirables que tu tiens ; nous t’en louons et bénissons sans fin.

Dieu garde donc l’âme de l’offenser et de pécher, et afin qu’elle soit bien gardée dans ces états dangereux selon l’apparence, la main puissante qui les garde, étant si invisible et ne pouvant être aperçue des sens, Dieu donne d’ordinaire à l’âme, pour la soutenir et pour son assistance dans ses angoisses étranges, quelque autre âme qui ait passé par ces états, laquelle Dieu lui associe pour porter même ces états, les épreuves et tentations que la pauvre âme éprouve ; la personne qui lui est associée de Dieu en porte et sent une partie dans la partie basse de son âme, avec douleur et peine, et c’est afin de certifier et de purifier ce qui pourrait se mélanger d’impureté dans l’âme en qui cela est opéré pour conserver la pureté et pour que l’œuvre de Dieu ne soit gâtée en aucune manière que le Démon n’a aucun pouvoir de toucher cette âme qu’autant qu’il faut pour opérer sa purification sans l’induire au mal ; Dieu établit des gardes qui doivent veiller et porter la charge qu’il leur met dessus, qu’ils ne doivent pas secouer, mais en porter et souffrir patiemment le tourment. C’est pour la gloire du Seigneur dans la compagnie du Sauveur, qui s’est chargé de nos langueurs et a porté nos péchés en son corps sur le bois (1. Pier. 2. v. 24.) de la croix afin que nous en soyons guéris.

 

Ceux qui sont montés sur ces Chevaux ont des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre.

 

Ces cuirasses marquent le vêtement de ces Esprits infernaux, qui est le feu et le soufre, car ils sortent de l’Étang de feu et de soufre qui est leur demeure, c’est leur Élément ; ils sont privés de la lumière dans laquelle vivent les anges et Esprits bienheureux, qui est représentée par les vêtements blancs, au lieu que ceux-ci ont le feu et le soufre pour leur vêtement, qui marquent le tourment dans lequel ils vivent, comme dans un feu consumant ; privés qu’ils sont de tout rafraîchissement, ils n’ont que peine et que douleur, car ils sont se parés de la lumière bienfaisante et n’ont point non plus l’eau de la grâce qui les humecte, qui sont les deux choses qui doivent être unies pour faire la félicité et le bien-être ; si l’on les sépare, l’on tombe dans le tourment, car ces trois choses, le feu, la lumière, et l’eau ou l’humidité, sont l’image de la très Sainte Trinité dans toute la nature, qui fait la perfection de tous les Êtres créés ; les anges rebelles ont perdu la lumière et l’humidité et n’ont gardé dans leur être que le feu, qui, privé des autres deux qualités, devient un feu infernal ; c’est ce qui fait qu’ils sont infructueux depuis leur chute, car pour être fécond il faut l’humidité.

C’est là l’état des damnés et ce qui fait une partie de leur tourment, que de vivre dans cet Élément sans clarté ni rafraîchissement ; c’est pourquoi ces Esprits infernaux trouvent du soulagement auprès des hommes qui vivent dans ce monde ; ils les cherchent et font volontiers leur demeure auprès d’eux et en eux, car ils trouvent du soulagement et du rafraîchissement dans la matière grossière à laquelle l’homme a été uni, qui est ce corps composé d’humidité, de terre, et de feu grossier dont ces Esprits sont dépourvus.

Car c’est par grâce que Dieu a donné à l’homme dans sa chute cette demeure qui est ce corps, dans lequel son âme n’est pas nue et privée de tout rafraîchissement. Au lieu de la lumière Divine dont il jouissait étant uni à Dieu, il lui a substitué la lumière grossière et matérielle qui éclaire ses yeux, la lumière Élémentaire pour son Corps, et la lumière astrale pour son entendement ; et au lieu des eaux de la grâce qui le rendaient fécond dans l’union Divine, il lui a été substitué les eaux matérielles qui sont dans le sang. Quoique ce change fût bien malheureux et déplorable, cependant c’est un soulagement qui rend encore supportable et étourdit, cache et amoindrit le vif sentiment du malheur d’être séparé de Dieu son Sauveur ; il met aussi plus de facilité pour que l’âme puisse être ramenée à l’union Divine, étant emprisonnée dans ce corps ténébreux comme dedans une coquille pour y être purifiée et bien humiliée, mise dans le Creuset sans pouvoir échapper au feu Divin lorsqu’il s’est emparé de l’âme ; sa vive flamme pénètre l’âme toute entière jusqu’à ce qu’elle l’ait remise dans sa première pureté. Alors elle retrouve sa félicité, étant réunie à son Dieu, même de ce bas lieu, dans cette vie mortelle.

Ô bonheur sans pareil ! Nul ne peut l’égaler, il ne peut s’exprimer ; nous y sommes tous appelés ; ne négligeons donc pas le temps qui nous est donné pour cela dans cette vie, car il est très cher et ne peut être racheté ; c’est le temps de la grâce, que Dieu nous a donné où nous pouvons facilement rentrer dans notre Dieu, qui est notre Élément, avec peu de peine et tourment, qui n’est à comparer à rien auprès des peines, des difficultés et des oppositions qui se rencontreront dans la vie à venir ou au sortir du corps ; ce n’est qu’un jeu d’enfant dans cette vie, au lieu des peines infinies qu’il y aura à souffrir et à soutenir à son sortir ; je suis transi seulement d’y penser ; heureux qui sait s’abandonner, se remettant entre les mains de son Sauveur, à sa pleine discrétion sans résistance ; il verra à la fin quel comble de bien et de grâce cette rémission lui aura apporté, et combien a été rendu très aise l’ouvrage de la régénération que le Sauveur veut opérer dans les cœurs enfantins qui abandonnent leurs destins à sa discrétion sans distinction, sans choix, et sans mesure à l’aventure, sans garder de soutien que de rester abandonné entre ses mains ; l’on ne se verra pas trompé de lui avoir tout remis et tout abandonné, car il est très fidèle, et si nous nous perdons, c’est pour notre bonheur, car de nous posséder est cela même qui nous rend malheureux ; en nous quittant nous devenons heureux.

La couleur jaune de ces esprits infernaux marque l’envie qui les dévore de se voir malheureux et de voir la félicité des Anges bienheureux ; ils sont rongés d’envie et cherchent à se récompenser et se venger de leurs malheurs sur les âmes damnées qu’ils ont séduites et captivées, dont ils se servent à leur gré comme de leurs chevaux ; ils s’en servent pour tourmenter et pour séduire les hommes qui ne veulent pas se soumettre au Sauveur de tout leur cœur ; leurs queues sont des serpents qui marquent l’entrée, l’artifice et la fourberie, la finesse et l’intrigue qui est par derrière ; ils la cachent à l’entrée, elle n’est découverte que puis après ; leurs suggestions ont belle apparence à l’abord ; force et magnanimité se présentent à l’entrée ; le courage d’un grand Esprit est représenté par la tête des Lions ; l’artifice, et la fourberie, la finesse, et l’intrigue est par derrière ; c’est la qualité des serpents, cachant un venin mortel dont ils blessent ; c’est ainsi que les gens du monde agissent et sont séduits par les esprits infernaux qui ont entrée chez eux et qui les tuent, les entraînent avec eux aux enfers ; parce que ne voulant pas se soumettre au bon Esprit de Dieu, ils deviennent les esclaves de ces esprits ici qui les maîtrisent à leur merci ; heureux donc le cœur enfantin qui se soumet à l’Esprit saint.

Les cuirasses sont le vêtement de ces esprits infernaux ; cela marque la dureté où ils sont affermis dans leur malignité ; ils ne peuvent être blessés ni pénétrés des dards du saint amour divin ; ils sont dans un état de fermeté qui ne pourra être dompté ni amolli que par les feux terribles et des temps infinis.

Pour leur visage, il n’est pas décrit ; il est trop affreux et terrible et servirait à nous épouvanter si on en pouvait faire la description ; comme la face des anges bienheureux est représentée semblable au soleil, en lumière resplendissante, le contraire en ténèbres et en obscurité donnera le portrait de ceux-ci ; Dieu nous en garde tous par sa grande merci ; les ténèbres, la puanteur, et la laideur est leur visage.

Celui qui se détourne de la beauté suprême qui se peint dedans tous les êtres des bienheureux, qui sont occupés à la contempler sans cesse, qui sont pénétrés de son être, rendus participants de sa beauté, de sa clarté, celui, dis-je, qui s’en détourne pour se regarder hors de Dieu ne peut que tomber dans le lieu où tout est noir et sombre, affreux et misérable ; étant séparé de tout bien, l’on est englouti de tout mal.

 

 

 

 

CHAP. X.

 

 

v. 1. Alors je vis un autre Ange fort et puissant qui descendait du Ciel étant couvert d’une nuée ; l’Arc-en-Ciel était au-dessus de sa tête, son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu.

v. 2. Il tenait en sa main un petit livre ouvert, et il mit son pied droit sur la mer et son pied gauche sur la terre.

 

CET Ange fort et puissant est celui qui opère dans les âmes pour les emmener à la véritable conversion ; car tout ce qui se passe dans le monde invisible à nos sens grossiers est ici représenté dans ce livre en figures capables de pouvoir être comprises par ces mêmes sens.

C’est donc cet Ange qui annonce l’Évangile à l’âme qui est attirée de Dieu par son moyen ; c’est pour cela qu’il a l’arc-en-Ciel au-dessus de sa tête, qui est le signe de l’alliance de Dieu avec les hommes, et qu’il leur annonce la paix et la réconciliation qui leur est offerte par ce livre ouvert que cet Ange a en sa main ; ce livre est l’Évangile, les maximes que notre Sauveur nous a proposées ; cette doctrine Évangélique est le moyen que Dieu nous présente, par lequel nous rapprochons de Dieu ; c’est la doctrine du renoncement à nous-mêmes et à toutes choses, que notre Sauveur Jésus Christ nous a enseignée.

Cet Ange fort et Puissant est donc celui qui communique l’Esprit de l’Évangile, qui est le livre qu’il tient en sa main ; c’est un petit livre (Matth. 16. v. 24. Luc. 14. v. 26. 27.) qui est abrégé ; car notre Seigneur renferme tous ses préceptes dans la doctrine du renoncement à soi-même (Luc. 14. v. 27.), qui renferme tout en soi ; car Dieu remplit toutes choses si nous nous quittons, Dieu nous remplit ; si nous quittons la possession en propre où nous sommes de nous-mêmes, Dieu la reprend, puisqu’elle lui appartient, et cela apporte tout bien.

L’Ange qui nous frappe au dedans par la Lumière Céleste qu’il nous apporte a sa face comme le Soleil, sa clarté nous éclaire dans nos sens intérieurs, nous illumine, et dissipe les ténèbres dans lesquelles nous avons vécu jusqu’alors ; c’est la lumière qui nous frappe en illuminant notre entendement, en sorte que nous sommes tous étonnés de voir tout autrement que nous n’avions fait jusqu’alors ; mille choses nous sont découvertes qui ont rapport à nous, que nous avions ignorées, et nous sommes surpris de l’ignorance dans laquelle nous avions vécu.

 

Cet ange a des pieds comme des colonnes de feu, il pose l’un sur la terre et l’autre sur la mer.

 

Cela signifie qu’il embrase nos désirs, qui sont les pieds de l’âme qui s’acheminent et la font marcher vers Dieu ; ces désirs enflammés envers Dieu font que l’âme foule aux pieds l’amour des choses terrestres et animales, représentées par la terre ; elle met un pied sur la terre et l’autre sur la mer, qui représente l’inquiétude et l’agitation que causent les mêmes désirs dans l’âme pour les plaisirs qu’elle recherche dans les convoitises charnelles ; ils rendaient cette pauvre âme semblable à une mer agitée de tout vent ; la réception de l’Évangile de Jésus Christ lui fait mettre tout cela sous ses pieds, et c’est l’Ange qui opère par sa force et sa puissance cette merveille de la conversion dans l’âme ; il met son pied droit sur la mer ; il calme et impose silence à cette mer orageuse qui agitait l’âme, lui fait sentir le calme et la paix de ses passions agitées, qui est produite par la réunion de ses désirs, qui ont désormais Dieu pour objet, et il foule du pied gauche la terre, les choses terrestres qui ont fait les objets de ces mêmes désirs.

 

v. 3. Et il cria à haute voix comme un Lion qui rugit.

 

Ce cri est l’appel qui est fait à l’âme pour se donner à Dieu qui l’appelle et l’attire puissamment à se donner à lui par le ministère de l’Ange ; cette voix retentit hautement et avec force dans l’âme comme un Lion qui rugit ; de telle sorte que l’âme en est toute pénétrée et en est surmontée, cède la place à Dieu, se démet d’elle-même en se renonçant et quittant de volonté. Cette voix retentit par tout le monde dans tous les cœurs ; il n’y en a aucun qui ne l’ait entendu en sa propre conscience, ce qui justifiera Dieu dans la conscience de tous les hommes qu’il les a tous appelés et attirés à soi, qu’il les a invités à quitter le mal et à se donner au bien, leur ayant fourni intérieurement la lumière et la force de pouvoir le faire, dans l’état où chacun se trouve, par le ministère de l’Ange.

Et après qu’il eut crié, sept tonnerres firent entendre leurs voix ; après que l’ange a crié et que l’âme l’a entendu, l’a suivi, a obéi à ses admonitions en tout point, ayant satisfait à la lumière de sa conscience et ainsi rempli l’état actif sous la loi Évangélique, alors les sept tonnerres font entendre leurs voix ; c’est la voix de l’Éternel qui se fait entendre dans l’âme.

 

v. 4. Et ces sept tonnerres ayant parlé, je m’en allais écrire leurs paroles, mais j’entendis une voix du ciel qui me dit : Scellez les paroles des sept tonnerres et ne les écrivez point.

v. 5. Alors l’Ange que j’avais vu qui se tenait debout sur la mer et sur la terre leva la main au Ciel.

v. 6. Et jura, par celui qui vit dans les siècles des siècles, qui a créé le Ciel et tout ce qui est dans le Ciel, la terre et tout ce qui est dans la terre, la mer et tout ce qui est dans la mer, qu’il n’y aurait plus de temps.

v. 7. Mais qu’au temps où le septième Ange devait sonner de la trompette, le mystère de Dieu s’accomplirait, ainsi qu’il l’a annoncé par les Prophètes, ses Serviteurs.

 

Votre voix, Seigneur, brise les Cèdres du Liban, Ps. 29. v. 5. C’est un tonnerre qui renverse et extermine tout, car tu ne peux rien souffrir que toi-même. Céleste voix, tout ce qui est haut, fort, élevé comme les Cèdres du Liban, vous le brisez, vous l’abattez, mon Dieu, et ne voulez vous élever et établir que sur les ruines ; c’est donc votre voix qui renverse et extermine tout ; c’est cette voix qui, quoiqu’une en elle-même, se multiplie selon l’opération qu’elle entreprend de faire sur les sens [5] et puissances de l’homme, et est ainsi dans le nombre de sept, se rapportant aux cinq sens, à l’entendement, et à la volonté : il faut que cette voix opère sur eux comme sept tonnerres et les renverse et détruise, si cette voix, cette parole Éternelle, ce verbe Dieu, doit s’établir, créer de nouveau, et être la seule vie de ces puissances, et régir ces sens, les diriger et en être maître absolu.

Avant que ces tonnerres fassent entendre leur voix pour les abattre et les détruire dans leur vieille constitution, dans leur ancienne vie, il ne se peut que l’homme soit renouvelé ; il faut que cette voix puissante les abatte et les détruise ; leur élévation est haute, forte, et grande ; car l’homme en lui-même ne connaît point d’autre force que celle qui lui provient de ces nobles facultés de son âme ; ce sont elles qui le régissent et gouvernent sagement à son avis ; c’est par elles qu’il veut tout comprendre et connaître, même les choses Divines ; lorsqu’il agit le plus saintement et pieusement, il les emploie à chercher de comprendre ce qui est marqué de Dieu et des devoirs qu’il demande de nous dans les Saintes Écritures, s’appliquant à les mettre en pratique, et cela est fort bon et louable, et l’homme qui en use ainsi en droiture et sincérité sera honoré et gratifié d’une plus grande abondance de grâce ; une telle conduite est aussi fort approuvée de tout le monde pieux.

Mais cela n’étant que ce qui est dans le pouvoir et la capacité de l’homme, et étant, malgré tous ses efforts et continuelles recherches pour faire le bien et pour se sanctifier, infecté de la propriété maligne qui est la source du péché, cette propriété envenime comme un poison subtil toutes les bonnes et saintes actions qu’il fait ; elle élève même de plus en plus cet homme en lui-même sous la plus belle forme extérieure d’un homme vertueux, sage et pieux, bien réglé dans tous ses sens et opérations de ses puissances ; il fait l’admiration de tous ceux qui le regardent, il est comme un Cèdre ou comme plusieurs hauts Cèdres sur le mont Liban, qui signifient l’Esprit humain et tout son Empire, où il règne en grand Roi dans ce monde.

Mais quelque beaux, admirables et utiles que soient ces hauts cèdres, quelque nécessaire qu’ils paraissent dans l’exercice des vertus qu’ils pratiquent avec tant d’éclat, il faut qu’ils soient renversés de fond en comble pour que Dieu seul établisse son règne et sa vie en nous, qu’il soit seul grand et régnant ; car il a juré que personne ne sera que lui seul : Je suis celui qui suis (Exod. 3. v. 14.), il veut être seul sans compagnon, il ne donne pas sa gloire à un autre (Ésa. 42. v. 8.) ni ne souffre qu’on la partage avec lui ; il faut donc qu’afin qu’il règne et vive seul en nous, il renverse et brise les hauts et beaux Cèdres.

Que fait donc cette voix puissante ? Ces tonnerres, que profèrent-ils ? En vérité, ce qu’ils parlent serait pris pour des impiétés des sages ; la seule expérience des âmes qui sont à Dieu et auxquelles il fait expérimenter cette admirable conduite peut les convaincre de la vérité et de la droiture, de la sainteté de ses voies cachées et secrètes, et qu’il ne manifeste et ne peut conduire que dans les Enfants qui s’abandonnent à l’aveugle en pleine confiance à sa bonne et fidèle conduite ; mais qu’ils ne peuvent reconnaître comme telle et être de lui que lorsqu’il a à peu près emmené son œuvre à la perfection, que lorsqu’il leur ouvre les yeux pour leur faire voir le chemin par lequel il les a conduits, pendant tout lequel il leur a bandé les yeux afin qu’ils ne vissent point les chemins étroits et dangereux, bordés de précipices, par lesquels il les a menés ; car s’il ne leur avait pas bandé les yeux, ils seraient morts d’effroi, la tête leur serait tournée ; ils seraient en effet tombés dans les précipices par-dessus lesquels, sans qu’ils le sachent, la main de l’amour qui les conduit les porte sûrement et sans danger.

Voilà pourquoi cette voie est si sûre de s’abandonner entre les mains de Dieu ; toute la science dans le chemin de cette foi et voie obscure est de ne se regarder jamais, ni le lieu où on est ; si St. Pierre allant vers Jésus Christ sur les eaux mutinées et agitées par le vent n’avait regardé que Jésus et s’était seulement laissé occuper du désir de l’attrait qui le faisait aller vers lui, les ondes lui auraient servi de terre ferme, mais détournant ses yeux de ce Divin objet pour se regarder, et voyant le danger où il est, la crainte le saisit, et il enfonce ; le doute et le manque de foi le font enfoncer.

Qu’est-ce donc que cette voix puissante profère pour renverser ces Cèdres orgueilleux ? La Parole Éternelle terrasse la volonté, la mortifie et détourne de tout ce qui n’est pas Dieu seul, en cette sorte qu’elle ne peut plus s’incliner vers aucune vertu ni exercice pieux ; toutes ces choses bonnes et saintes qui faisaient sa vie et sa nourriture avec grande délectation pour ses sens lui sont ôtées ; elle ne veut que Dieu seul, toutes ces choses lui paraissent des empêchements dans le cours rapide où elle est, sans le savoir, pour parvenir à son union.

Mais quelle extravagance, vous n’y pensez pas, ô âme ! Vous êtes séduite et dans le chemin de l’égarement ; ces choses mêmes que vous abandonnez pour lesquelles vous n’avez plus d’inclination sont le chemin qui vous conduit à Dieu ; il les a commandées, et c’est en vous étudiant à accomplir ces commandements que vous parviendrez à son union ; toute l’Écriture sainte témoigne de cela ; le Sauveur ne dit-il pas lui-même : Si vous m’aimez, gardez mes commandements, etc. (Jean, Chap. 15.). Toutes les Épîtres sont pleines d’admonitions pour l’accomplissement de ces préceptes, et vous les abandonnez, pour, dites-vous, courir à Dieu ; vous errez affreusement, cela n’en est point là le chemin ; c’est un faux attrait et un faux repos où vous vous laissez aller, et qu’est-ce que ce Dieu vers qui vous allez ? Donnez-nous-en une idée afin que nous comprenions et puissions concevoir et prendre une idée de votre conduite.

La pauvre âme répond : Je ne puis point vous satisfaire, ni moi-même ; je ne puis rendre raison à mon propre Esprit, qui me forme mille objections ; pour me convaincre de mon égarement, je n’ai rien, pour m’appuyer et m’assurer que je suis dans un bon chemin qui me conduit avec rapidité mais en obscurité à l’union Divine, qu’une paix profonde dans le fond de mon cœur qui me donne une assurance, non dans ma raison ni mes sens, que c’est Dieu qui me conduit ainsi, qu’il est mon guide, que sa fidélité ne permettra jamais que je m’égare, dans la conviction où je suis que ce n’est pas moi, mais lui-même qui me conduit ; j’ai ceci à la vérité sans distinction ni assurance que mon propre esprit et ma raison ni mon entendement puissent comprendre et vous en donner une idée claire, que je n’ai point moi-même ; car je suis si fort étranger à moi-même et me sens tellement séparé de ces parties de mon âme que je n’ose ni ne puis m’engager en aucun raisonnement avec elles ; et non seulement cela, mais trouvant ma condamnation en tout ce qui peut tomber sous ma compréhension, je me trouve attiré à abandonner toutes les lectures saintes et pieuses qui m’ont servi de consolation et d’appui jusqu’à présent, même de l’Écriture Sainte, et n’ai de repos et de tranquillité que dans l’abandon total de moi-même à discrétion entre les mains de Dieu pour qu’il me damne selon l’arrêt que je trouve pour cela en moi-même, au moins dans les puissances de mon âme ; je me livre à lui pour cela et pour tout ce qu’il lui plaira ; je me trouve dans une espèce d’impuissance volontaire pour pouvoir agir autrement.

Et pour ce Dieu vers lequel l’attrait de mon cœur est si fort, je ne puis non plus vous en donnée d’idée, il est un rien à ma compréhension, car je ne puis me former aucune image ; il surpasse tout ce que je pourrais m’en figurer ; mais mon amour envers lui, qui m’incline à m’abandonner à lui, devient d’autant plus fort que les ténèbres de mon Esprit et entendement propre s’augmentent et me rendent incapable de le comprendre ; je demeure donc ainsi dénué de tout et n’ai rien pour soutien que l’attrait ou l’instinct qui m’attire sans cesse à m’enfoncer ou à me laisser engloutir à cet Être immense et inconnu à moi-même, qui me donne du dégoût et de l’aliénation pour toute autre chose, quelque bonne et quelque sainte et nécessaire qu’elle me paraisse être à moi-même et aux autres.

C’est ainsi que la voix du premier tonnerre terrasse ma volonté et la perd, l’anéantit à tout ou envers tout ce qui peut être compris par mon entendement, qui est tout de même terrassé et anéanti à ses opérations par la seconde opération de ce même tonnerre qui lui ravit tout ce en quoi il peut opérer ; tous mes sens intérieurs et extérieurs souffrent la même douloureuse opération, et toute nourriture et satisfaction, aussi bien dans les choses naturelles que surnaturelles, leur est arrachée par l’instinct de mon fond, en sorte que, privé de tout, du bon et du mauvais, ils sentent un éloignement pour tout commerce avec les créatures bonnes et mauvaises, pour toute société et communion avec qui que ce soit ; je ne puis me regarder, lorsque je tourne mes yeux sur moi-même, que comme un excommunié et rejeté, ou qui se rejette et excommunie lui-même hors de la communion et société des hommes et de l’Église, ou des saints.

Voilà ce que profère ou prononce la voix de l’Éternel qui brise ainsi les Cèdres du Liban, fait véritablement mourir l’homme à soi-même, le remet dans son néant afin qu’il puisse être créé de nouveau par la même voix qui est Jésus Christ, la Parole Éternelle. C’est ce mystère des voies et opérations secrètes de Dieu que l’on expérimente, et qui ne peuvent être comprises de personne autrement ; d’autres en prendraient le récit pour des erreurs et des blasphèmes ; mais ces voies admirables se terminent toutes à ce que Dieu même devienne tout en nous, le principe de notre vie et de toutes nos opérations.

Ce qui est la grande œuvre qu’il a entrepris de faire en plusieurs cœurs dans ces derniers temps qu’il veut établir son règne d’une manière singulière dans les hommes, qu’il veut posséder plus intimement que jamais ; et c’est pour cela qu’il se les prépare aussi d’une manière plus intime et qu’il faut qu’il anéantisse bien plus profondément tout leur propre être par des moyens d’autant plus admirables qu’ils sont douloureux, étranges et incompréhensibles à l’Esprit humain.

Car c’est dans le plus absurde de cette profonde nuit et de ce délaissement et abandon de ses propres puissances et de toutes les créatures à minuit (Sap. 18. v. 14. 15.) qu’il envoie sa parole et crée de nouveau, renouvelle merveilleusement cette pauvre créature, la prend pour son Épouse, la vivifie de sa vie même, et fait ainsi évanouir tous ses ennuis et ses soucis, et les changeant en une paix et contentement parfait, il lui ouvre de nouveau l’entendement, lui donne, quand il lui plaît, le sens de l’Écriture sainte par son Esprit, qui lui en donne la vraie explication, comme et quand il lui plaît ; mais, rien en propre, elle est et vit dans une dépendance absolue de son Divin Époux, qui ouvre son cœur et son entendement, et nul ne ferme, qui ferme (Apoc. 3. v. 7.), la met dans l’ignorance et dans la nudité et nul n’ouvre. Et cette âme demeure ainsi abandonnée entre ses mains paisible, tranquille, et contente, car Dieu est tout, et cela lui suffit ; à lui seul soit louange, gloire, et honneur dans toute l’Éternité. Il lui fait connaître la communion intime où il la met avec lui-même et avec tous les saints Anges et bienheureux ; il lui donne, quand il lui plaît, des connaissances très particulières de leurs états et des Divins mystères tout autrement qu’elle n’aurait jamais pu les comprendre en elle-même ; heureux échange de l’homme en Dieu dès ce bas lieu !

Je ne m’étonne pas que les Saints mystiques n’aient parlé souvent qu’avec des mots couverts des voies secrètes de Dieu envers les âmes qu’il a prises en son opération ; en vérité elles sont si éloignées de la pensée des hommes qu’ils ne les peuvent comprendre et ne feraient que les blasphémer ; par exemple, Mad. Guyon 6, sur cet endroit des sept tonnerres, n’ose l’expliquer ouvertement ; et je crois que ceci est pourtant le sens qu’elle en a eu ; mais comme l’on est si fort séparé par cette voix puissante aussi bien de tout culte extérieur de la religion que de toute pratique particulière, et que la lecture de l’Écriture sainte est interdite, que l’on est mis dans un état à l’extérieur qui n’aurait pu être que condamné d’impiété si elle l’avait déclaré, que des libertins en auraient pu abuser, elle n’a pas eu la permission de le manifester, comme aussi en d’autres endroits elle fait assez entendre qu’elle n’ose dire tout ce que Dieu lui fait connaître ; aussi nul ne le peut comprendre que celui qui l’expérimente.

L’on dira peut-être : je m’attendais à une toute autre explication des sept tonnerres, à quelque chose d’extraordinaire et de merveilleux ; je réponds qu’ils ne peuvent proférer rien de plus grand ni de plus admirable que la manifestation de Christ en nous ; rien opérer de plus que l’extermination de tout le vieil homme pour que Christ vive et établisse son règne en nous en Maître absolu ; et cela s’accomplissant par cette Parole Éternelle en chacun de nous, alors le règne de Dieu sera manifesté ; quelle joie d’entendre et de voir l’effet de ces paroles : Voici le tabernacle de Dieu avec, oui dans les hommes, et il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera leur Dieu avec eux. (Apoc. 21. v. 3.)

Voilà pourquoi il est dit à S. Jean, v. 4, de ne point écrire ce que les sept tonnerres ont proféré, mais de le cacheter ; car c’est pour ceux qui l’expérimentent ; pour de tels, l’ange jure qu’il n’y aura plus de temps, v. 6. Ces âmes dans lesquelles se passent ces choses, pour elles il n’y a plus de temps, elles n’en ont plus et n’y sont plus, plus de vicissitude ni de changement pour elles, puisqu’elles sont dans le moment Éternel, vivent par Dieu et en Dieu. Lorsque le septième ange sonne de la trompette et achève et consomme le mystère de Dieu, qui est Christ en nous, en achevant de ressusciter et de mettre l’homme entier avec ses puissances et tous ses sens dans la nouvelle vie Divine, alors ce mystère que Dieu a révélé à ses serviteurs les Prophètes est accompli ou consommé ; alors ce que les sept tonnerres ont proféré et opéré en eux leur est manifesté ; c’est la vie de Jésus Christ qui s’est insinuée et établie en eux, en sorte que ces âmes sont possédées de lui d’une manière d’autant plus naturelle et simple qu’elle est Divine et sans mélange d’aucune propriété ; ô Dieu, crée ainsi de nouveau un chacun de nous, et la face de ta terre sera bientôt renouvelée. Amen Jésus ! (Ps. 104. v. 30.)

 

v. 8. Et cette voix que j’avais ouïe dans le Ciel s’adressa encore à moi et me dit : Allez prendre le petit livre qui est ouvert dans la main de l’Ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre.

v. 9. Je m’en allai donc trouver l’ange et je lui dis : Donnez-moi le petit livre, et il me dit : Prenez ce livre, dévorez-le, et il vous causera de l’amertume dans le ventre, mais dans votre bouche il sera doux comme du miel.

v. 10. Je pris donc le petit livre de la main de l’Ange et je le dévorai, et il était dans ma bouche doux comme du miel ; mais, l’ayant avalé, il me causa de l’amertume dans le ventre.

 

Aussi longtemps que l’ange tient le livret dans sa main et le montre à St. Jean, lequel Apôtre représente ici l’âme fidèle appelée de Dieu à l’intérieur ; aussi longtemps, dis-je, que cet Ange dont la face est resplendissante comme le soleil éclaire l’âme dans son entendement, ce livre de l’Évangile étant ouvert pour elle, toute cette Doctrine Évangélique est claire et manifeste pour l’âme, celui-ci est un livre ouvert ; elle est convaincue et voit clairement la justice, la droiture, et la vérité de cette Doctrine Évangélique ; elle en est frappée par une lumière qui la lui rend très évidente, en sorte qu’il ne lui reste aucun doute de la nécessité qu’il y a d’embraser et de pratiquer cette doctrine, elle la reçoit et de tout son cœur. Cependant cette Doctrine et l’esprit de cette doctrine n’est encore connue d’elle que par le dehors, c’est-à-dire dans son entendement, où elle est frappée de cette lumière dont elle est éclairée par l’ange.

Une voix du Ciel vient à l’âme, c’est un fort attrait, qu’elle a en son fond, qui la pousse à désirer de prendre ce livre ouvert à son entendement ; elle est attirée par son centre à dévorer ce livre, à se laisser pénétrer plus avant de cet Esprit de l’Évangile, à le recevoir dans son intérieur. Elle a tâché de pratiquer les maximes Évangéliques de toutes ses forces, selon la lumière qu’elle en a reçue dans son entendement, sous le ministère de l’Ange qui lui a présenté et montré ce livre ; à présent elle le prend de la main de l’ange, qui se perd à la vue distincte de son entendement afin qu’elle reçoive cet Esprit de Jésus Christ, qui est l’Esprit de l’Évangile, dans son intérieur comme dans son ventre.

Ce livre est doux dans bouche, dans le temps qu’elle donne entrée à cet Esprit de pénétrer jusqu’au fond de son âme ; cet Esprit lui cause une grande paix et douceur sensible.

L’âme prend ce livre de la main de l’Ange, et ainsi ce n’est plus l’Ange par la lumière duquel elle voyait ce qui était écrit dans ce livre ouvert qui l’éclaire davantage dans son entendement, mais l’âme dévore elle-même ce livre, et sort par là de l’économie de la loi Évangélique qui s’exerçait dans ses sens intérieurs et dans ses puissances, pour recevoir l’Esprit intérieur, cet Esprit de Jésus Christ dans son fond, pour qu’il opère en elle et soit sa nourriture comme le pain de vie. (Jean 6.)

C’est avec grande douceur que cet Esprit s’insinue et s’empare de son fond ; mais, s’y étant précipité, il met son ventre en amertume, l’opération de cet Esprit de Christ en nous produit cet effet ; car il attaque la corruption foncière de l’âme, la combat, la consume, pour en purifier l’âme en la nettoyant de toutes ses souillures invétérées ; cette opération met la pauvre âme en amertume, les états qu’elle éprouve par là sont douloureux ; la douceur qui s’était fait sentir à sa bouche, qui est les désirs de l’âme, par lesquels cette Parole Éternelle, le verbe fait chair, se précipite en elle ; cette douceur se perd et se change en amertume ; les opérations étant douloureuses et causant des tranchées à l’âme jusqu’à ce que cet ouvrage de sa purification foncière, que cet Esprit de Jésus Christ opère en elle, soit accompli.

Car c’est lui sous la conduite duquel l’âme est à présent depuis qu’elle a dévoré ce livre ; il l’a prise dans son opération ; ce livre est disparu à ses yeux, la vue distincte qu’elle avait lui en est ôtée, elle entre dans les ténèbres par rapport à son entendement, l’ange cédant la conduite de l’âme à cet Esprit de Jésus Christ ; mais ce sont les ténèbres de la foi où l’âme est mise, et si l’Esprit Évangélique se cache et disparaît quant au distinct, à ses sens et à son entendement, ce n’est que pour s’enfoncer dans la substance de l’âme même, pour devenir sa vie et sa nourriture, sa médecine qui la purifie et la guérit, oui, la change en une nouvelle créature, ce qu’elle expérimente heureusement après l’amertume que cette Parole Éternelle lui cause pendant le temps qu’elle a encore à purifier et nettoyer l’âme du venin du péché et de la propriété qui en est la racine.

 

v. 11. Alors l’Ange me dit : Il faut que vous Prophétisiez encore devant les nations, devant les Peuples, devant les hommes de diverses langues, et devant beaucoup de Rois.

 

Il faut que l’âme qui est introduite de Dieu dans l’état Apostolique, dans laquelle les merveilleuses opérations de l’Esprit de Dieu ont eu leur effet qu’elle a souffert en ayant passé par les états décrits et contenus dans ce livre ; il faut que cette âme-là en rende témoignage selon l’attrait de Dieu en elle ; intérieurement, par l’opération de l’Esprit de Dieu en elle pour le bien des âmes dont Dieu lui donne le soin et l’en charge ; et extérieurement par écrit et de vive voix, selon qu’elle y est poussée par l’Esprit de Dieu qui la possède ; ces témoignages sont répandus par tout le monde, ils ont leurs cours et atteignent à toutes sortes de personnes de tous Peuples et Nations ; Dieu est admirable par la conduite de sa Providence, qui fait tomber ces témoignages entre les mains des âmes dans lesquelles l’Esprit de Dieu opère pour leur être des secours et aides selon qu’elles en ont besoin dans les états intérieurs et extérieurs où elles se trouvent.

Dieu a soin également des grands et des petits, des personnes de toutes conditions dans le cœur desquelles il voit quelques dispositions propres à ce que son esprit de grâce puisse trouver entrée dans leurs cœurs ; il n’en néglige aucun, ni Prince ni Roi, non plus que le berger et le mendiant ; ils sont tous égaux aux yeux de Dieu, l’esprit de sa grâce emploie autant de soin à attirer l’un que l’autre ; il aime tous les hommes sans partialité, et si sa lumière semble n’éclairer pas en tous lieux, c’est, ou bien que nous ne la voyons pas parce qu’elle opère en secret et à l’insu des sens, et peut-être avec d’autant plus de force et de réalité qu’elle éclate moins au dehors, Dieu prenant plaisir de cacher souvent ses opérations les plus admirables aux yeux des hommes, au moins pendant un temps ; ou bien c’est que la toute science sait bien qu’il n’y a point de cœurs disposés à recevoir cette Divine Lumière. Ne craignons donc pas qu’il néglige personne, notre expérience propre de ce qu’il fait envers nous doit nous convaincre du contraire ; n’ayons soin que de ne pas résister à ses attraits Divins, à nous laisser à sa discrétion, et tout ira fort bien et avec ordre dans sa maison.

 

 

 

 

CHAP. XI.

 

 

v. 1. On me donna ensuite une canne semblable à une verge et il me fut dit : Allez-vous-en mesurer le temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent.

 

LA mesure de l’âme, qui est le temple de Dieu (vous êtes le temple de Dieu) (1. Cor., 3. v. 17.), est sa capacité ou bien sa vastitude, proportionnée à son néant ; plus son anéantissement est grand et profond, plus l’âme a de vastitude afin de recevoir une plus grande portion de la plénitude de Dieu, c’est là sa mesure ; et pour l’autel, sa mesure est l’étendue de son sacrifice ; plus il est entier et n’a point de borne, plus l’autel est grand, et Dieu y fait exercer d’autant plus abondamment les sacrifices qui lui sont agréables, aussi bien d’elle-même que des autres âmes, qui reçoivent aide et secours d’elle, pour recevoir la grâce de pouvoir être mises en disposition, d’être aussi faites des victimes qui sont sacrifiées à Dieu sur l’autel de cette âme Apostolique ; c’est là l’économie de la grâce, qui fait cette communion entre les personnes qui sont à Dieu ou qui désirent d’être à lui sincèrement, qu’elles s’entraident les unes les autres par la dispensation et opération de l’Esprit Divin.

Ceux qui adorent dans ce temple de l’intérieur sont les vrais adorateurs qui adorent le Père en Esprit et Vérité, tels que Dieu veut des adorateurs, Jean. 4. v. 23. Ce sont les âmes intérieures, leur mesure sera grande dans ces temps, car Dieu lui-même s’en prépare en grand nombre, par l’abondance de l’effusion de son Esprit en tous lieux, en sorte que, malgré la grande corruption qui règne à présent, nous avons sujet de nous réjouir de ce que notre Seigneur Jésus Christ entre aussi en son règne par son Esprit qu’il répand si abondamment en plusieurs cœurs. L’adoration réelle et véritable intérieure, qui a pour fondement la donation entière du cœur à Dieu, sera plus générale dans ce temps qu’elle n’a encore été ; le temps est venu qu’une grande porte est ouverte aux âmes qui s’attendent au Seigneur avec sincérité et qui ne savent pas encore à quoi elles en sont ; cette grande porte leur sera ouverte, et leur est déjà ouverte à plusieurs ; l’entrée dans le Centre de leur âme leur est et sera manifestée, en sorte qu’elles pourront dire : Je l’ai trouvé, celui que j’aime (Cant. 3, 4.), car c’est dans ce Centre de l’âme où il habite.

 

v. 2. Mais laisse le parvis qui est hors du Temple, et ne le mesure point, parce qu’il a été abandonné aux Gentils, et ils fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois.

 

Il est ordonné à St. Jean de ne point mesurer le parvis. Ce parvis est la partie basse de l’âme, qui est les sens et l’imagination ; toutes les choses qui sont reçues dans cette partie, qui est dans la capacité propre de l’âme, est de peu de prix devant Dieu, et ce n’est point par ce qui rehausse et donne grand éclat à ces facultés de l’âme qu’elle est mesurée ou taxée devant Dieu, qui fait peu de cas de tous ces brillants. Cette partie basse est abandonnée pour un long temps aux Gentils ; savoir cette partie basse des âmes que Dieu veut purifier centralement, afin qu’elles deviennent la demeure et le temple de Dieu. Elle est maltraitée par les pensées et représentations impies et profanes qui la tourmentent, par les raisonnements qui combattent contre la foi et l’abandon Enfantin à Dieu, par la révolte des passions, émues par la propre corruption de l’âme, passions qui poussées hors de sa substance font grand ravage dans ses sens internes et foulent aux pieds la pauvre âme, qui est la ville sainte (qui est l’âme et toutes ses facultés) jusqu’au temps prescrit.

C’est aussi l’état où sont les gens du monde ; leur âme est créée pour être faite une ville sainte où Dieu habite, et voici que les hommes la prostituent en la laissant fouler aux Gentils ; ils sont séduits dans leur entendement par mille suggestions païennes, mondaines, et terrestres, auxquelles ils prêtent l’oreille, les servent, et tâchent de leur mieux de leur donner satisfaction en leur donnant leur affection, et c’est ce qui fait que la pauvre âme est charnelle et terrestre, qu’elle est foulée aux pieds et est esclave des Esprits mondains et Païens qui la maîtrisent.

Ces quarante-deux mois sont aussi le temps que l’Antéchrist régnera sur la terre ; savoir l’Esprit de ce monde, dans lequel les hommes charnels vivent et ont vécu, quant au général des hommes, depuis la Chute d’Adam jusqu’à présent ; après lequel temps déterminé l’Esprit de Jésus Christ régnera aussi à son tour dans tous les hommes ; ils en seront vivifiés et régis tous entiers ; toute leur âme, aussi bien le Centre que les sens et les puissances, l’extérieur et l’intérieur, sera régie par l’esprit de Jésus Christ.

Cet univers est aussi la maison de Dieu, et la plus grande partie, hormis le Centre qui est le soleil, est bien foulée aux pieds par l’Esprit païen, ou l’Antéchrist, qui l’a soumise sous ses pieds ; cela est manifeste pour le général des hommes et dans la nature ; il n’y a que le Centre de l’âme qui est exempt de sa tyrannie.

 

v. 3. Mais je donnerai ordre à mes deux témoins qui Prophétiseront, étant couverts de sacs, durant mille deux cent soixante jours.

 

Ces deux témoins 7 sont la vérité de Dieu et son pur amour, que Dieu a ordonnés pour prêcher la pénitence et l’amendement aux nommes dans ce parvis ; c’est extérieurement dans ce monde visible, par ses serviteurs qu’il suscite dans tous les temps et âges du monde, qui, animés de son Esprit, ont rendu témoignage à la vérité de Dieu par leurs paroles et par leurs écrits, qu’ils ont aussi témoigné de son amour, qui seul doit posséder le cœur de l’homme ; de même que son entendement doit être éclairé de la lumière de sa vérité qui confond le mensonge et le découvre, ils ont toujours témoigné unanimement de ces deux choses en quoi consiste la vraie religion, la vraie adoration, et le vrai culte Divin en réalité ; c’est cette adoration en esprit et vérité (Jean 4.) que Dieu demande, il faut que le cœur soit animé du pur amour de Dieu, l’amour-propre en étant banni ; il faut que l’entendement soit éclairé de la lumière véritable, lumière Éternelle qui découvre et met l’âme dans la vérité, bannissant la fausse et trompeuse lumière de cet entendement ; c’est la lumière des astres. Ce sont ici les deux témoins de Dieu qu’il a ordonnés pour n’être point muets entre les hommes ; quelque corrompus qu’ils soient, il faut qu’ils les souffrent parmi eux.

Ces témoins extérieurement sont exprimés aussi dans les écrits inspirés de Dieu, surtout de l’Ancien et du Nouveau testament, et puis aussi par les autres livres écrits de même par inspiration Divine, qui témoignent du droit que Dieu a sur les hommes, du domaine qui lui appartient, contre l’usurpation qu’ils ont faite d’eux-mêmes et de toutes les Créatures qu’ils se sont appropriées et qui cependant doivent être restituées à Dieu comme à leur maître légitime, qui nous a créés pour lui et auquel toutes choses appartiennent aussi bien que nous.

La vérité de Dieu qui est son verbe (je suis le Chemin, la vérité et la vie) (Jean 14, 6.), est donc un de ces témoins, qui éclaire les hommes qui lui donnent entrée dans leur entendement et les dégage de l’erreur et du mensonge, les désabuse de leurs préjugés. Et l’amour pur de Dieu est l’autre témoin qui embrase le cœur qui lui donne entrée, en chasse tout amour étranger, pour y régner seul après l’avoir purifié et nettoyé.

Ceux qui témoignent de la nécessité de les laisser dominer en nous sont les témoins de ces témoins ; car ils rendent témoignage à la vérité ; ils sont couverts de sacs, car ils annoncent la pénitence ; et comme Dieu se sert de toutes sortes de moyens pour attirer les hommes à lui, il n’emploie pas seulement les voix extérieures et les écrits pour exhorter les hommes à se convertir à lui, mais il emploie principalement la voix de la conscience dans un chacun.

C’est dans cette conscience que ces deux témoins font entendre leurs voix avec le plus d’efficace par le ministère des anges qui y opèrent et, témoignant de la vérité de Dieu et de son amour, ils troublent les hommes dans leurs plaisirs et affections terrestres et charnelles, et malgré eux leur font sentir de l’inquiétude dans la jouissance des choses dans lesquelles ils s’efforcent de prendre leurs satisfactions de leur repos sans pouvoir le trouver ; leur conscience leur fait sentir ses remords lorsqu’ils veulent mal faire, elle les attriste lorsqu’ils veulent se réjouir ; et heureux sont ceux à qui cette grâce arrive et qui n’étouffent pas cette voix salutaire qui les exhorte de se convertir à Dieu, en leur faisant bien sentir que leur état n’est pas bon, quoiqu’ils tâchent de se le persuader qu’il est bon en se flattant eux-mêmes ; je parle de ceux qui passent pour être les plus honnêtes gens, qui vivent vertueusement selon le monde, s’abstenant de vices grossiers ; s’ils ne se laissent pas aveugler par la présomption de leur propre justice, ils sentiront bien avoir en eux-mêmes une inquiétude secrète qui leur fait assez connaître qu’ils ne sont pas dans l’ordre de Dieu, ne vivent pas dans sa volonté parce qu’ils ne l’aiment pas de tout leur cœur, et ne font pas un sacrifice entier d’eux-mêmes et de tout ce qu’ils sont et possèdent à ce Dieu de charité qui n’a rien réservé qu’il n’ait donné pour eux, donnant son fils bien aimé pour les tirer de l’abîme profond du péché ou ils sont tombés.

Ces témoins sont donc vêtus de sacs, reprennent la mollesse, la volupté, les plaisirs mondains, le faste, le luxe, la vanité en habits, meubles, maisons, etc., demandent la simplicité et la modestie conformes à l’exemple que notre Seigneur Jésus Christ nous a donné ayant pratiqué le renoncement et la pauvreté dans ce monde ; ces témoins attristent l’âme par leurs répréhensions ; ce sont les habits de sacs dont ils sont vêtus, marquant la tristesse selon Dieu, la repentance, les mouvements de regrets et de contrition qu’ils excitent dans l’âme qui veut bien les écouter et ne les étouffe pas ; c’est une tristesse selon Dieu (2. Cor. 7. v. 10.) qu’ils opèrent, dont on ne se repent jamais, qui est suivie de joie et de contentement selon Dieu.

Ô que bien heureux sont ceux qui écoutent ces témoins de Dieu au dedans d’eux et qui suivent leurs admonitions ! Ils les conduiront à Dieu et les tireront du chemin de perdition où ils sont engagé ; si les hommes ne faisaient autre chose que de prendre garde à ce que leur conscience leur dicte, pour faire le bien à quoi elle les pousse et s’abstenir de faire ce qu’elle leur reproche, ils n’auraient pas besoin d’autres lois ; car plus ils seraient fidèles à suivre cette correctrice, et plus elle serait fidèle à leur découvrir leur défauts et ce qu’ils doivent faire pour plaire à Dieu ; et ainsi peu à peu, selon la fidélité et l’attention qu’ils apporteraient à se comporter ainsi envers Dieu, ils avanceraient vers lui sans avoir besoin d’autres enseignements ; car la conscience nous avertit mieux et corrige mieux qu’aucun moyen au dehors ne le saurait faire ; tout le mal est en nous, et le remède nécessaire contre le mal par lequel il peut être surmonté et déraciné entièrement est aussi en nous ; il n’y a donc qu’à s’accoutumer de demeurer en soi-même recueilli, être attentif à ce qui se passe en nous, et nous y recevrons toutes les grâces et enseignements nécessaires à point nommé selon nos besoins, dans l’état où nous nous trouverons, pour notre avancement spirituel, car ces deux témoins sont fort fidèles.

 

v. 4. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers qui sont exposés devant le Dieu de la terre.

 

Ils produisent dans les âmes la lumière qui est nécessaire selon l’état de l’âme ; ce sont dans ces sens qu’ils sont des chandelles éclairant l’âme d’une manière médiate ; ils donnent aussi l’onction de la grâce à l’âme qu’ils en pénètrent, comme d’une huile sainte, la consolant dans ses peines, la guérissant de ses plaies, lui faisant sentir la douceur d’être soumis au joug de Jésus Christ ; c’est ainsi que ces deux témoins sont des oliviers.

Ils sont exposés devant le Dieu de la terre, ils sont continuellement manifestés à la conscience d’un chacun qui les veut écouter et suivre ; ils ont leur opération dans la partie sensitive ou partie basse de l’âme, car le centre de l’âme n’est pas encore ouvert dans l’économie ici marquée ; l’Ange puissant marqué ici dans le chapitre précédent est ce Dieu de la terre ; il est nommé ainsi parce que la puissance lui est donnée de Dieu pour opérer avec les Anges de sa hiérarchie  dans cette partie de l’âme ici marquée, qui est la partie basse ou terrestre ; parce que sa capacité est de recevoir les choses spirituelles en images et goûts distincts, et ainsi d’une manière matérielle ou terrestre, en comparaison des opérations spirituelles dont l’âme est capable en la partie supérieure ou son centre.

 

v. 5. Que si quelqu’un les veut offenser, il sortira du feu de leur bouche qui dévorera leurs Ennemis ; si quelqu’un, dis-je, les veut offenser, il faut qu’il soit tué de cette sorte.

 

Lorsque les hommes résistent aux admonitions de leur conscience non seulement, mais passent plus loin dans l’impiété et nient et se moquent de la répréhension qu’ils sentent bien avoir en eux, étouffant par impiété les reproches que leur conscience leur fait lorsqu’ils sont dans le dessein de pécher ou dans l’exécution de leurs péchés, c’est par là qu’ils offensent ces témoins, et leur résistant avec malice et avec une audace impie, ils font que ces fidèles témoins se retirent, puisqu’on ne veut pas écouter leur voix salutaire, mais qu’on s’opiniâtre à mal faire, malgré les admonitions de Dieu qui sont faites par le ministère de l’Ange. Ainsi la vérité et l’amour de Dieu se retirent de telles personnes, et elles sont tuées selon l’Esprit par le feu dans lequel ou par lequel elles sont saisies ; ne voulant pas se laisser gagner par le feu bienfaisant et salutaire de l’amour Divin qui les cherche et veut s’emparer de leur cœur, le mensonge, l’erreur, et la perversité de leur voie leur étant représentée par la vérité de Dieu, par le rayon de lumière qui leur est communiqué, si elles résistent à cette lumière de grâce qui leur est présentée et la repoussent, la foulant aux pieds, la rejetant et s’en moquant, pour suivre avec impudence leur chemin de l’iniquité, alors ce feu de l’amour Divin se change pour eux en un feu infernal qui les saisit ; ils sont emportés dans le tourbillon de la malignité des astres, sur laquelle Lucifer a pouvoir et entraînés dans sa Sphère ; ce feu les domine, dans l’esprit de ce monde, duquel ils sont captivés ; ils entrent dans l’endurcissement, leur conscience étant en durcie et morte.

C’est cette mort dont il est dit ici que si quelqu’un les veut offenser, ils sont tués par le feu qui sort de leur bouche. C’est bien de leur bouche que sort ce feu. Car c’est l’effet que leurs paroles produisent lorsqu’on ne veut pas s’y soumettre ; au lieu de l’effet salutaire et bienfaisant qu’elles auraient produit dans l’âme pour lui rendre la vie de l’Esprit, ces paroles, étant repoussées, produisent la mort ; c’est ainsi que St. Paul dit que la parole de l’Évangile est une odeur de mort à ceux qui périssent (2. Cor. 21. v. 15. 16.). C’est aussi ainsi que les deux témoins tuent ceux qui les veulent offenser, ceux qui en ont la volonté, car c’est un acte de la volonté qui résiste et repousse la grâce qui est offerte intérieurement ; ces témoins fidèles dans l’âme ne peuvent être offensés, car les réjections ne les touchent pas ; mais par la volonté que l’âme a de les offenser en les repoussant, méprisant, ou bien même blasphémant contr’eux, contre cette opération Divine en l’âme, par cette volonté qui veut rester rebelle et refuse de se soumettre aux admonitions de Dieu, l’âme est tuée, car la rébellion produit la mort ; alors ces hommes misérables sont confirmés dans le mal, ils y sont affermis ; c’est ce que l’expérience montre suffisamment, que lorsque les hommes écoutent plusieurs fois la voix de leur conscience, qui les reprend dans leurs voies perverses dans lesquelles ils marchent et les invite à se repentir, alors l’endurcissement fuit.

Ces attraits de Dieu, ces admonitions intérieures, arrivent d’ordinaire aux jeunes personnes qui sont en âge de se produire dans le monde ; avant d’y être entièrement engagées, il se fait comme une crise en elles, l’esprit de la grâce de Dieu s’offrant et se faisant sentir à leur cœur, les attirant à Dieu, et l’esprit de ce monde les attirant aussi fortement à soi ; heureux sont ceux qui écoutent les admonitions du premier et suivent les admonitions de leur conscience. Pour les autres, ils sont à plaindre, et éprouveront malheureusement la mort spirituelle qu’ils se sont attirée par leur résistance et rébellion.

Le temps de mille deux cent soixante jours que ces témoins prophétisent marque combien de fois Dieu fait luire sa lumière intérieurement dans la conscience des hommes, la multitude de ses attraits et admonitions par lesquels il cherche, par le Ministère des Anges, de les attirer à lui en les invitant à abandonner les voies de l’iniquité ; chaque attrait, chaque remords, chaque reproche que l’homme sent dans sa conscience est un jour, une lumière que Dieu fait luire dans l’âme, à la faveur de laquelle l’homme pourrait sortir de son état de perdition s’il voulait suivre l’admonition et la lumière intérieure qui lui est donnée, à laquelle se soumettant par la fidélité à la suivre, il en recevrait une plus grande.

Ces témoignages de la vérité de Dieu, qui combat l’erreur et le mensonge en notre entendement, sont donnés à l’âme par le Ministère de l’Ange ordonné pour cela à chaque homme, et celui du témoignage du pur amour de Dieu au cœur de l’homme est administré pareillement par un Ange ordonné à cela.

 

v. 6. Ils ont le pouvoir de fermer le Ciel, afin qu’il ne tombe point de pluie durant le temps qu’ils prophétiseront ; et ils ont le pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies toutes les fois qu’ils voudront.

 

Ceci marque de quelle manière Dieu se sert des maux et adversités, des malheurs et traverses qui arrivent aux hommes pour être des moyens salutaires en sa main, par lesquels il tâche d’attirer les hommes à lui par la repentance ; ces Ministres de Dieu ont le pouvoir, afin de réveiller l’attention des hommes pour qu’ils écoutent leur voix qui se fait entendre dans leurs consciences, de fermer le Ciel afin qu’il ne tombe point de pluie ; la misère, la faim, la pauvreté sont souvent des moyens dans la main de Dieu par lesquels les hommes sont attirés à se convertir à lui en suivant les admonitions intérieures qu’ils reçoivent et qui accompagnent ces misères qui leur arrivent et dont ils sont visités ; ils changent les eaux en sang, les plaisirs, les satisfactions charnelles et terrestres, sont changés en douleurs et en chagrins ; les objets qui ont causé notre satisfaction, que nous avons aimés, nous sont enlevés par la mort ; tout est changé en amertume ; nos amis deviennent nos ennemis et nous font une sanglante guerre ; la terre est frappée de toutes sortes de plaies, les maladies frappent notre corps, toutes sortes d’adversité nous arrivent, toutes les fois que ces deux témoins voudront, qu’ils le trouveront nécessaire pour nous rendre attentifs à la voix de leur prophétie, qui retentit en notre intérieur et nous prêche l’amendement.

C’est ainsi que l’amour de Dieu est si fort occupé à procurer la conversion et le salut des hommes par toutes sortes de moyens qu’il emploie à cela. Ô si l’on pouvait comprendre l’étendue de cet amour, mais il est infini ! Que ne fait-il pas pour nous attirer à lui, quels moyens ne met-il pas en œuvre pour nous tirer de notre endurcissement et nonchalance ? Ô que bien heureux est celui qui cède à ses poursuites et qui, entendant aujourd’hui sa voix, n’endurcit pas son cœur. (Hébr. 3, 7.)

 

v. 7. Et après qu’ils auront achevé de rendre leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera sa guerre, les vaincra et les tuera.

 

Ceci marque comment le Diable résiste aux témoignages susdits dans l’âme et y tue et étouffe la voix de ces fidèles témoins, afin qu’ils en soient bannis par la résistance qu’il leur fait en y entraînant la volonté et le consentement de l’âme ; car ces témoins en eux-mêmes ne peuvent être tués, ayant une vie immortelle, et qui est hors de l’atteinte de Satan et de toute sa légion ; mais c’est par rapport à l’âme qui les rejette qu’ils sont tués, cette âme donnant pouvoir au Diable de les tuer en elle, en aimant mieux l’écouter, le suivre, et se soumettre à son empire qu’à celui de Jésus Christ, à quoi ses deux fidèles témoins l’invitaient ; c’est de même que St. Paul dit : Ils crucifient de nouveau le fils de Dieu et s’exposent à opprobre. (Hébr. 6. v. 6.) En effet, ceux à qui il écrivait ne le pouvaient crucifier de nouveau, mais ils le faisaient autant qu’il est en eux ; ils le tuent en étouffant et empêchant les opérations de son Esprit dans leur cœur par leur résistance et rébellion ; c’est de cette manière que ces deux témoins ici sont tués, par rapport à ceux qui leur résistent, aimant mieux laisser dominer en eux la bête qui sort de l’abîme que ces fidèles témoins.

Les merveilles de la grâce de Dieu et le soin avec lequel il travaille à attirer chaque homme à la repentance, les moyens qu’il emploie à cela pendant cette vie, sont marqués dans ce livre d’une manière admirable ; il y est décrit ce que Dieu opère dans l’intérieur de chaque homme pour cela, selon son état, aussi bien envers ceux qui vivent dans le crime, pour leur conversion, qu’envers les autres qui se sont déjà convertis du péché à la grâce, pour leur avancement spirituel ; toutes les voies intérieures et cachées à nos sens grossiers sont marquées à découvert dans ce livre à la gloire de son saint nom ; son amour infini y est manifesté qui l’engage à chercher avec tant de soin d’attirer les hommes à lui ; ne croyons pas que Dieu néglige personne, sa voix pénètre au dedans d’un chacun, et cette conviction que chacun en aura justifiera notre Dieu envers un chacun ; l’on ne voit que fort peu de chose au dehors de ce qu’il fait pour attirer au salut chaque homme ; son saint nom en soit loué béni et exalté éternellement, Amen.

De quelle manière admirable n’est pas représenté dans ce livre la manière dont Dieu régit et gouverne toutes choses dans l’univers : les opérations spirituelles et invisibles à nos yeux grossiers y sont décrites, le ministère et service des Anges bienheureux, leur emploi, ce qu’ils font, aussi bien que ce que les mauvais Anges machinent, et à quoi ils sont occupés ; tout ce qui se passe dans le monde invisible est représenté à nos yeux, et si les yeux de notre Esprit ou de notre âme étaient ouverts, nous verrions tout cela clairement comme St. Jean l’a vu et l’a décrit dans ce livre ; mais nous ne faisons qu’en sentir les effets, et les causes nous sont cachées parce que nous sommes renfermés dans ce corps comme dans une noire prison.

Les jours que les deux témoins prophétisent sont nommés ainsi, selon le sens ici marqué, conformément aux expressions communes dans l’Écriture Sainte, où en tant d’endroits la lumière que nous recevons par la grâce est nommée jour : La nuit est passée, le jour est approché, dit St. Paul, cheminez honnêtement comme de jour (Jean 3. v. 19. 21. Rom. 19. v. 12. 13.). Ainsi le jour luit pour nous lorsque le rayon de la grâce nous éclaire intérieurement, et c’est à nous à profiter de cette lumière salutaire qui nous est communiquée.

 

v. 8. Et leurs corps seront étendus dans les rues de la grande Ville qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où notre Seigneur a été crucifié.

 

Le corps de ces témoins est la lettre de l’Écriture sainte et tous les autres livres inspirés de l’Esprit de Dieu. Ils n’ont point de vie pour tous ceux qui rejettent le témoignage efficace et vivant qui pénètre dans l’âme, de la voix intérieure de la conscience ; les hommes impénitents, le monde en général, qui est cette Ville de Sodome et d’Égypte, souffrent bien ces témoignages extérieurs de l’Écriture sainte parmi eux ; ils les estiment et en parlent, ils en prêchent, pourvu que la vie de ces témoins, l’Esprit qui les reprend et les châtie de leurs vices et mauvaises œuvres, ne s’approche pas de leur cœur ; ces corps morts, ces témoignages de la lettre de l’Écriture sainte, ne leur font point de mal ; ils la souffrent volontiers, ils s’en font même une grande idole qu’ils encensent et révèrent, pourvu qu’elle reste sans vie par rapport à eux, les laissant paisiblement vivre dans la sécurité et volupté de leur nature corrompue. Ils sont les défenseurs et amateurs de cette lettre de l’Écriture sainte, qui est sans vie pour eux ; ils s’en servent comme d’une idole morte, et elle les tue aussi, car la lettre tue (2. Cor. 3, 6.), elle aggrave leur condamnation et est un témoignage contre eux, et le sera au jour du jugement.

Cette ville nommée spirituellement Sodome et Égypte, ce mot spirituellement marque bien comment toutes ces choses qui ont été représentées à Saint Jean en extase doivent aussi être entendues ainsi, et que ces images et figures désignent les choses spirituelles, comme cette ville nommé Sodome et Égypte est aussi entendue dans un sens spirituel.

Sodome est la ville d’impudicité de ce monde, où les gens du monde n’ont point de honte de se vautrer dans les crimes et voluptés les plus infames ; ce sont donc les débauchés et les dépravés qui sont les habitants de cette ville impudique de ce monde ; ils en sont les Bourgeois. Et Égypte est la ville où l’idolâtrie et les ténèbres règnent ; c’est la même ville de ce monde entier, de même que chaque homme en particulier qui vit dans ces crimes et dans ces ténèbres de l’idolâtrie, ne donnant pas son cœur à Dieu seul, mais s’aimant soi-même et les créatures, étant Esclave de ses passions ; un tel est cette Ville ou Bourgeois de cette grande ville du monde.

C’est dans ces âmes que Jésus Christ notre Seigneur est crucifié, où il est mort, par rapport à elles, de la même manière que les deux témoins sont ici tués, et dont St. Paul dit : Ils crucifient de nouveau le Seigneur de gloire et l’exposent à opprobre (Hébr. 6. v. 6.) ; car où la vie de l’Esprit de Christ n’est pas reçue, mais où elle est rejetée du cœur, dans lequel il lui appartient à lui seul de vivre et de régner, dans ces cœurs-là il est crucifié, de même que ces deux témoins ici sont tués par Satan dans tous les cœurs qui ne veulent pas recevoir leur témoignage.

 

v. 9. Et les hommes de divers Peuples, de tribus, de langues et de nations différentes verront leurs corps morts durant trois jours et demi, et ils ne permettront point qu’on les mette dans le tombeau.

 

Leurs corps morts sont donc le témoignage de la vérité de Dieu et de son pur amour, qui sont ces deux témoins ; leur corps est le contenu de ces témoignages dans la lettre de l’Écriture Sainte, qui est morte pour les impénitents, pour les gens qui se laissent régir de l’Esprit de ce monde ; ils ont néanmoins ce témoignage extérieur contre eux ; toutes sortes de peuples et nations différentes le gardent et ne permettent pas qu’il soit supprimé ou enterré, mais il doit rester étendu parmi eux, manifeste et entre leurs mains, pour leur être en témoignage.

C’est une merveille de Dieu que malgré la dépravation des hommes et le peu qu’il y en a, grands et petits, qui veulent se servir de la lettre de l’Évangile et de toute l’Écriture Sainte pour en faire la règle de leur Vie, cependant ils la conservent avec soin, et cette Sainte Bible est plus commune et généralement plus entre les mains de tous les hommes qu’elle n’a encore jamais été.

 

v. 10. Les habitants de la terre se réjouiront de les voir en cet état ; ils feront des festins et ils s’enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux Prophètes auront fort tourmenté ceux qui habitent sur la terre.

 

La conscience tourmente cruellement ceux en qui cette voix se fait entendre et sentir ses remords ; elle inquiète l’homme qui ne veut pas suivre ses admonitions, mais veut habiter sur la terre par ses affections et y faite sa demeure, aussi bien du cœur que du corps ; l’homme croit être bien heureux lorsqu’il est affranchi des remords de sa conscience et que, les ayant étouffés, il vit dans un faux repos, se persuadant être en un bon état par rapport à son âme ; c’est ainsi que vivent les gens du monde, et se réjouissent, s’envoyant des présents les uns aux autres et se faisant des festins. C’est là leur état et comme ils vivent dans la sécurité, se persuadant eux-mêmes qu’ils sont en fort bon état parce que, par mille raisonnements et la persuasion que leur en fait l’amour-propre, ils le l’imaginent ; cela vient de ce que leur conscience est endormie et qu’avant étouffé ses reproches par mille faux-fuyants, elle se tait désormais ; alors ils lâchent la bride à leurs voluptés et s’en donnent au cœur joie.

 

v. 11. Mais trois jours et demi après, l’esprit de vie envoyé de Dieu entra en eux ; ils se tinrent debout sur leurs pieds et une grande crainte saisit ceux qui les virent.

 

Quelle frayeur pour les hommes qui, ayant lâché bride à leurs passions, ayant vécu selon leur volonté et leurs désirs, s’imaginant par la persuasion du démon que tout va bien pour eux, qu’ils sont dans le chemin du Ciel, ce qu’il persuade surtout à ceux qui ne vivent pas d’une manière dissolue et se trouvent assez exempts de gros péchés, quelle frayeur lorsqu’à la fin de leur vie ils sentent se réveiller en eux les reproches de leur conscience, qu’ils ont longtemps étouffés par leurs faux raisonnements qui ne peuvent plus suffire pour les entretenir dans un faux repos, car ils sentent au vif pour la dernière fois les remords de cette conscience qu’ils croyaient morte, laquelle leur reproche tacitement avec force et évidence la perte du temps que Dieu leur a donné pendant cette vie pour faire pénitence et s’amender ; c’est ainsi que l’Esprit de vie envoyé de Dieu ranime ces deux témoins, faisant qu’ils se tiennent sur leurs pieds et remplissent de frayeur et d’effroi ceux qui voient et sentent leur témoignage en eux.

Encore ceux-là sont bien heureux qui, quoi qu’ils aient mérité le témoignage de Dieu en eux, qui les a si souvent invités à se convertir, sentent vers la fin de leur vie encore ces mêmes témoins, qui les invitent et les exhortent encore à se repentir ; s’ils suivent, quoique tard, leurs admonitions salutaires et meurent en prenant une sincère résolution de ne plus offenser Dieu volontairement, mais ont un regret véritable de l’avoir fait, se livrant à sa discrétion pour qu’il agisse envers eux selon son bon plaisir, à ceux-là le témoignage de ces deux témoins servira encore infiniment pour leur salut.

 

v. 12. Alors ils entendirent une voix puissante venant du Ciel, qui leur dit : Montez ici, et ils montèrent au Ciel dans une nuée à la vue de leurs ennemis.

 

À la fin des temps, lorsque la perversité sera venue à son comble parmi les hommes et que la vérité et l’amour de Dieu ne trouveront plus de cœurs qui les veuillent recevoir, alors elles se retireront au Ciel ; elles se retirent à présent dans le Ciel des âmes abandonnées à Dieu, c’est à dire dans leur centre, où le pur amour de Dieu fait sa demeure dans les cœurs simples et enfantins qui sont sans fraude ; ce sont ceux-là dans lesquels la vérité de Dieu a entrée ; elle fait sa demeure en eux.

Le monde en général ne connaît plus ces deux témoins ; ils sont bien bannis de leur société pendant qu’ils se manifestent tout de nouveau, dans ces temps pervertis et corrompus, envers les enfants qui aiment et cherchent la vérité, et qui désirent d’aimer Dieu purement et de tout leur cœur ; à ceux-là qui sont dispersés par tout le monde et sont peu connus, le Dieu de Charité fait parvenir des témoignages extérieurs et intérieurs plus clairs qu’ils n’ont encore paru, de la vérité de ses voies, de la nécessité de l’aimer purement et uniquement, en s’abandonnant à lui sans réserve.

C’est ainsi que son Esprit de vie est envoyé de nouveau pour animer les cœurs sincères et leur communiquer ce même Esprit de vie dans leur intérieur, qui y apportera la vérité de Dieu et son pur amour, les délivrant de la captivité de l’Esprit de mensonge et de l’amour-propre, en purifiera leur cœur afin qu’ils ne vivent plus que de la vie que l’Esprit de Dieu leur communiquera, en détruisant en eux toute vie de la propriété ou du vieil homme, qui n’est que mensonge et impureté, puisque le Père de mensonge et le serpent ancien est son Père.

Ceci a un sens encore plus spirituel, et que les âmes qui l’ont expérimenté entendront bien ; c’est le combat qu’elles expérimentent dans la partie basse d’elle-même ; lorsque le temps est venu que Dieu veut les séparer de cette partie sensitive pour les introduire dans le Centre de l’âme où Dieu habite, alors Dieu permet qu’il se fasse un si rude combat dans cette partie basse, qui est représentée par la terre où les passions charnelles et terrestres sont émues et troublent la pauvre âme d’une si étrange manière que l’amour de Dieu qu’elle y sentait dans son cœur et la vérité qui avait possédé son entendement en semblent être bannis par le combat que leur fait l’esprit d’impureté et de mensonge, en sorte qu’il semble que ces deux témoins sont tués en elle et que l’ennemi ait le dessus.

Mais ce n’est que pour un court espace de temps ; ces deux témoins sont rendus vivants par l’Esprit venant de Dieu de nouveau dans l’âme, qui les introduit avec elle dans son Ciel, qui est son Centre, à la vue de tous ces ennemis qui semblaient avoir triomphé de cette pauvre âme qui croyait ne pouvoir se défaire de ces mauvais hôtes, savoir de ses passions désordonnées et des mauvais Esprits qui la possédaient aussi ; mais à l’impourvu ils sont chassés et bannis de chez elle ; l’entrée au Ciel de l’âme avec ces deux témoins les remplit d’effroi, leur fait prendre la fuite et abandonner cette âme dont ils croyaient être les maîtres.

C’est dans une nuée que l’âme est introduite dans ce sanctuaire très saint où réside la vérité et l’amour de Dieu dans sa source pure, car c’est obscurité pour les sens, qui n’y comprennent et n’y voient rien ; ils demeurent dehors et dépourvus de toute nourriture et clarté et sont désormais contraints d’être des domestiques, de maîtres qu’ils étaient auparavant, de vivre de la grâce qui leur est communiquée par le Centre, d’où ils reçoivent fort étroitement leur entretien, afin qu’ils soient garantis de volupté, de gourmandise et d’ivrognerie, de luxure et de vanité, à quoi ils sont sujets ; c’est pourquoi il faut qu’ils soient entretenus dans la mortification, car c’est un peuple rebelle ; il faut qu’il soit dompté par la frugalité ; ceci s’entend des choses spirituelles, reçues en distinction, sentiment et goût dans les sens internes, auxquels l’abondance est dangereuse, et c’est pour cela qu’il est bon à l’âme que Dieu l’entretienne dans la pauvreté et disette par rapport au sensible.

 

v. 13. En cette même heure, il se fit un grand tremblement de terre ; la dixième partie de la Ville tomba, et sept mille hommes furent tués dans ce tremblement de terre, et les autres, étant effrayés, rendirent gloire au Dieu du Ciel.

 

À l’ascension de ces témoins il se fait un grand tremblement de terre, toute la nature est émue ; ils quittent la terre et montent au Ciel ; cela veut dire que la vérité et le pur amour de Dieu n’opèrent plus dans les sens et les puissances de l’âme d’une manière médiate ou bien par le ministère des Anges, mais, abandonnant la partie basse de l’âme, ils se retirent dans le centre pour opérer dans ce Ciel de l’âme d’une manière immédiate, par la parole Éternelle qui y habite. Cette vérité et cet amour abandonnant donc ainsi les sens, comme la terre de l’âme, la laissent en effroi ; les ennemis qui y sont les voient se retirer et ne peuvent les suivre dans ce Ciel où ces fidèles témoins mettent avec eux l’âme en sûreté et hors de leurs atteintes.

C’est couverts d’une nuée qu’ils montent dans le ciel de l’âme, savoir dans les ténèbres de la foi obscure pour les sens et pour la raison, auxquels cette demeure est cachée et inconnue ; cependant, à cette retraite de ces deux fidèles témoins qui abandonnent la conscience, l’âme tremble dans sa partie basse ; elle voit sa perte devant ses yeux et ne peut espérer autre chose, dépourvue qu’elle est de ces deux témoins ; elle ne sait à quoi elle en est et entre en grand effroi, se croyant être à la merci de ses ennemis, contre lesquels ces deux témoins la défendaient si vaillamment et qui faisaient leur crainte et leur étaient redoutables.

Tous les habitants de la terre, les passions de l’âme qui habitent dans ses sens et son entendement, la force et le pouvoir que l’âme avait en ces facultés tombent par ce tremblement ; c’est la dixième partie de cette ville, laquelle Ville est la partie basse de l’âme.

Sept mille hommes furent tués dans ce tremblement de terre ; cela signifie que toutes les forces humaines qui résident dans les sens et dans les puissances, qui font ensemble le nombre de sept, sont tués ou anéanties par cette retraite, et celles qui restent, les autres qui sont conservées à l’âme, étant effrayées, rendent gloire au Dieu du Ciel ; et toute l’âme se soumet à Dieu, qui réside désormais dans le Centre de l’âme, qui perd toutes les forces dont elle usait dans ses sens et ses puissances en propriété ; par le nombre de mille dans chacune de ces facultés est désignée la multitude des qualité que l’âme possède, qui sont en très grand nombre et auxquelles il faut qu’elle meure à toutes, afin d’être après cela rendue capable de recevoir une nouvelle vie dans ces mêmes facultés, laquelle vie se répand du centre, où la vie de la nouvelle créature réside.

Pour ce qui est du sens extérieur, Dieu fait encore une fois visiter la terre par les témoignages de la pure vérité et du pur amour qu’il y fait répandre ; c’est bien la dernière miséricorde qu’il fait aux hommes, en leur renouvelant et déclarant la pure vérité de ses voies, de ce qu’il demande d’eux, du service en Esprit et en vérité, qui lui est seul agréable, de l’amour pur qu’il veut verser dans leurs cœurs par son Esprit, s’ils veulent le recevoir. Il leur fait déclarer au dehors ce à quoi son Esprit travaille avec force, et à quoi il est occupé pour les en convaincre dans leur intérieur, s’ils veulent y faire attention. Toutes ces grâces leurs sont de nouveau présentées, le court chemin, et l’on peut dire la voie commode et dégagée de toute multiplicité, l’abandon enfantin aux opérations intérieures de son Esprit, qui les veut conduire en toute vérité et les garantir de toute erreur et égarement ; il leur fait déclarer le moyen sûr pour être garantis des séductions subtiles du grand nombre des Esprits séducteurs qui rôdent à présent dans le monde, qui se couvrent du manteau de la piété pour, sons une belle apparence, séduire les Élus s’il était possible. (Matth. 24. v. 24.)

C’est donc l’Esprit de ces deux témoins, par le ministère d’un Chérubin et d’un Séraphin, qu’il répand à présent dans le monde, et dont il accompagne les témoignages de l’onction de la grâce de son Esprit dans les cœurs simples et enfantins qui n’aspirent qu’à la vérité et à la pureté, qu’à la simplicité et l’entier renoncement d’eux-mêmes et de toutes les choses du monde, qui en ressentiront les Effets et en recueilleront les fruits.

 

v. 14. Malheur au monde, il est repris de ses vices et abominations par ces témoins ! Et quand leur témoignage sera achevé, les malheurs s’augmenteront sur ceux qui les rejetteront.

v. 15. Le septième Ange sonna de la trompette, et on entendit de grandes voix dans le Ciel, qui disaient : Les Royaumes de ce monde sont devenus les Royaumes de notre Seigneur et de son Christ, et il régnera dans les siècles des siècles.

 

Oui, mon Seigneur Jésus ! Quoique nous ne voyions jusqu’ici régner, presque depuis le commencement du monde, que l’iniquité et le mensonge, et que selon le jugement des hommes, qui ne jugent que selon l’apparence, l’injustice et le vice prennent toujours davantage le dessus ; si est-ce que pourtant tous les Royaumes, toutes les puissances, te seront un jour soumises, et la vérité et l’amour de Dieu régnera ; plus la méchanceté semble atteindre à son comble, et plus proche est sa chute, qui sera prompte. Il en sera du monde extérieur comme il arrive à l’âme que Dieu veut régénérer et purifier ; lorsque la méchanceté semble savoir subjugué dans sa partie basse et qu’il lui paraît que la malice qu’elle sent en elle est au comble, qu’elle désespère de tout salut, c’est alors qu’au moment de son désespoir, le salut lui arrive. Réjouissons-nous donc avec les habitants des Cieux, avec les anciens, adorons Dieu, dans l’Espérance que bientôt les Royaumes de ce monde seront devenus les Royaumes de notre Seigneur et de son Christ et qu’il régnera dans les siècles des siècles, Amen, Hallelujah.

 

v. 16. Alors les vingt-quatre Vieillards qui sont assis sur leurs Trônes devant Dieu se prosternèrent et adorèrent Dieu en disant :

v. 17. Nous te rendons grâces, Seigneur, Dieu tout Puissant, qui es, qui étais, et qui seras, de ce que tu es entré en possession de ta grande Puissance et de ton Règne.

 

Oui, Seigneur ! c’est après cet heureux temps que tous les tiens aspirent ; mais ce temps leur est si certain, quelque éloigné qu’il semble être en apparence, qu’ils te rendent grâce comme s’il était déjà là. C’est pour marquer qu’il viendra infailliblement bientôt ; l’Esprit de la foi le manifeste comme étant déjà arrivé.

 

v. 18. Les nations se sont irritées, et le temps de ta colère est arrivé, le temps de juger les morts et de donner la récompense aux Prophètes tes Serviteurs et aux saints, et à ceux qui craignent ton nom, aux petits et aux grands, et d’exterminer ceux qui ont corrompu la terre.

 

Les nations sont bien irritées, tout est en confusion et en discorde ; les passions dominent tous les gens du monde et se débordent au comble ; elles sont aussi irritées dans les âmes que Dieu a prises en sa main pour les préparer à son avènement, et servent comme autant de moyens, par leur irritation, pour contribuer à ce que ces âmes meurent à elles-mêmes ; le temps de juger les morts, qui sont morts au Seigneur, et de les ressusciter par l’Esprit de vie venant de Dieu, est arrivé ; ils ont subi le jugement qui a eu son exécution sur le vieil homme qui est mort en eux ; la récompense de la nouvelle vie Divine, du surcroît de paix en Dieu et de plus étroite union en Dieu est pour ceux qui, comme Prophètes, se sont laissés dépouiller et mourir à leur Esprit propre pour se laisser pousser et mouvoir par l’Esprit Divin. C’est aussi la récompense pour les saints qui sont morts aussi par la rébellion, l’irritation de leurs passions et du fond de leur corruption, qui, comme autant de bourreaux dont Dieu s’est servi, les ont tués ; à présent Dieu est saint en eux et les a sanctifiés.

Ceux qui craignent le nom de Dieu sont ceux qui ont commencé d’entrer dans la première conversion, qui sont fidèles dans cet état, selon les lumières que Dieu leur donne, agissant avec droiture et simplicité de cœur ; à ceux-là la récompense sera aussi donnée, et leur fidélité sera récompensée d’un surcroît de grâce, selon l’équité et la sagesse de Dieu, qui rendra à chacun selon son œuvre. (Matth. 16. v. 27.)

Les petits sont ceux qui sont dans l’enfance spirituelle, et les grands ceux qui sont devenus forts dans la grâce ; les premiers sont ceux que St. Jean nomme petits Enfants et les autres jeunes gens (1. Jean 2. v. 13.) ; Dieu donnera à chacun selon le degré de grâce qu’il a reçu, comme notre Seigneur le montre dans la parabole des talents, et il ne sera demandé à aucun qu’à proportion de ce qui lui a été confié.

Le temps vient donc aussi que ceux-là qui ont corrompu la terre seront exterminés. C’est principalement la propriété, qui est la racine du péché et la convoitise qui en est dérivée ; c’est ce qui a premièrement corrompu l’homme lorsqu’Adam a donné entrée à cette propriété et concupiscence de sa terre ; son âme a été corrompue ; c’est donc cette propriété et concupiscence, comme étant l’homme de péché, qui sera exterminée dans les âmes qui appartiennent à Dieu. Ô c’est là ce qui fait notre joie ! de voir en esprit qu’à présent Dieu vient avec force à l’aide des siens, qui ont gémi si longtemps sous la captivité de ces deux tyrans sans en pouvoir être affranchis. Le temps est là que Dieu veut, par l’Esprit de Jésus Christ, exterminer cet homme de péché ; il veut purifier entièrement et à fond les âmes qui lui appartiennent ; il ne veut plus souffrir le mélange qui lui fait injure du bien, de la grâce qu’il a mise en eux, et du mal, du venin de la propriété, qui gâte et a corrompu d’abord ce bien et cette terre de l’âme, en sorte que cette terre, à cause de cette corruption à laquelle elle est assujettie aussi longtemps que ces deux ennemis sont encore en elle, la rend maudite, l’empêchant de produire de bons fruits, car il est impossible qu’elle en produise de véritablement bons tant que ce venin est en elle.

Voilà pourquoi Dieu allume le feu jaloux de sa justice dans l’âme, et c’est afin de consumer ce venin ; heureuse destruction que ce feu y apporte en y paraissant consumer tout.

Ne vous effrayez pas, chères âmes fidèles, si à présent vous êtes visitées par plusieurs tentations intérieures, comme si vous étiez dans la fournaise des afflictions, c’est parce que Dieu se hâte d’achever son œuvre en vous ; c’est à cause que le temps est court, sa colère est embrasée contre toute iniquité ; il veut y mettre fin, et c’est pour vous purifier de toute votre corruption foncière qu’il a allumé ce feu, qui est le feu de son pur amour, quoiqu’il ne vous paraisse pas être tel, selon le sentiment qu’il produit dans votre âme ; mais vous le jugez plutôt être un feu impur et infernal ; c’est par ce qu’il s’attache à l’impureté et à la méchanceté diabolique, qui est le venin dont votre âme est pénétrée et qui l’a gâtée, et c’est ce venin qui, en étant consumé, donne une si mauvaise odeur ; de même que lorsqu’on brûle au feu une matière sale et infecté, elle fait sentir une grande puanteur ; le feu où on la jette est bien pur, mais sa pureté, sa chaleur et son activité s’attache à l’impureté de la chose que l’on y jette, et c’est parce qu’elle est consumée par le feu qui est pur qu’elle donne une odeur si désagréable à l’odorat et une fumée noire et une écume très laide, à la vue desquelles choses on jugerait être de l’essence du feu et être sa qualité si l’on en croyait les sens et ne savait pas ce que l’expérience a appris, par laquelle on juge autrement que ce que l’on voit. Ce n’est donc pas aux sens et à leurs sentiments qu’il faut s’en rapporter, c’est par la foi qu’on doit juger, s’abandonnant à Dieu ; la fin fait voir qu’on n’a pas été trompé, de se tenir coi en le laissant faire, n’empêchant point ce feu de consumer aussi longtemps qu’il trouve matière à cela ; cette matière étant consumée, l’âme se trouve claire, nette, et en repos, transformée en ce feu Divin dont elle brûle à son aise et sans fin.

Lorsque le temps de Dieu sera venu, ceci s’accomplira aussi selon la lettre, et les hommes méchants et impénitents qui corrompent la terre par leurs crimes horribles seront exterminés et s’extermineront les uns les autres, afin que la terre en soit nettoyée ; il ne faut, afin que cela arrive, rien autre chose sinon que Dieu retire la main toute-puissante par laquelle il retient la malice des hommes et empêche que leurs projets ne s’exécutent ; car dès qu’il leur laissera le pouvoir d’accomplir leurs desseins et leurs désirs, la ruine totale se manifestera. C’est cette suspension, qui est une merveille continuelle de l’amour et de la puissance de Dieu envers le monde, qui dès qu’elle cesse est bien nommée sa colère ; laquelle n’est autre chose que les effets qui suivent tous naturellement de la perversité et corruption des hommes, à laquelle ils s’abandonneront lorsque Dieu permettra qu’ils mettent en effet leurs désirs mauvais en retirant sa protection bénigne par laquelle il empêche que les hommes ne puissent mettre en exécution toute la méchanceté qu’ils ont dans leur cœur ; puisqu’il est manifeste que chaque homme, dominé et poussé qu’il est par son propre intérêt, sa volupté, son envie, son désir d’avoir toujours davantage, son ambition insatiable, ne laisserait rien à son voisin s’il avait le pouvoir de lui ravir ce qui lui appartient ; grands et petits sont ainsi intentionnés, et la bride leur étant lâchée, cela ne peut que produire une confusion et ruine générale. Quand l’on regarde comment les hommes sont intentionnés dans le particulier et dans le général, ne faut-il pas avouer qu’un des effets des plus manifestes de la toute-puissance de Dieu est de ce qu’il conserve le monde, l’empêchant de périr ; ce qui arrivera dès aussitôt qu’il retirera cette main puissante et laissera la liberté aux hommes d’agir selon leur volonté pervertie, qui se laisse dominer par les Esprits malins qui les poussent un chacun à chercher de se procurer ce que son aveuglement lui fait accroire être son propre intérêt, quoiqu’au préjudice de son prochain ; et c’est ainsi que fait un chacun autant qu’il peut.

Sortons donc de cet esclavage et de cette confusion, où l’amour-propre, et le propre intérêt, et la volupté tiennent captifs les hommes, et qui causeront un jour leur ruine ; et soumettons-nous à notre bon Dieu, par le renoncement ; nous trouverons la liberté, nous serons mis à l’abri de la malédiction qui tombera sur les hommes méchants ; Dieu nous garantira en nous prenant à lui, nous sauvant de la terre.

 

v. 19. Alors le Temple de Dieu fut ouvert dans le Ciel, et on y vit l’arche de son alliance ; et il se fit des éclairs, de grands bruits, des tonnerres, un tremblement de terre, et une grêle effroyable.

 

C’est ici la retraite qui nous est donnée ; si, renonçant à tout nous nous attachons à Dieu, mettant en lui toute notre affection, le temple de Dieu nous est ouvert, qui est dans notre intérieur (vous êtes le temple de Dieu) dit St. Paul (1. Cor. 3. v. 16. 17. 2. Cor. 6. v. 16.) ; c’est une retraite assurée contre tout danger, comme elle l’était autrefois à tous ceux qui s’y retiraient ; c’est l’asile où nous trouvons l’alliance et la paix avec Dieu en Jésus Christ, qui y habite ; tenons-nous là, ne sortons plus dehors ; dès qu’il nous a été ouvert pour y faire notre demeure, donnons congé à la terre et aux sens, qui est une demeure pleine d’inquiétude et de confusion ; nous habiterons dans la paix, restant dans cet asile ; nous y servirons Dieu en Esprit et en vérité, il y opérera lui-même ce service sacré.

Dans ce service, il s’opère des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre. C’est ce qu’expérimente l’âme dans le Ciel de laquelle (ou dans son Centre) le temple de Dieu est ouvert ; les différentes opérations que l’Esprit de Jésus Christ, comme notre Souverain Sacrificateur, fait dans cette âme, sont bien décrites ; ce qui se passe continuellement dans cette âme sont bien des Éclairs, les lumières qui lui sont données, les impressions Divines qui se répandent de son centre sur les sens ; ce sont des voix qui prononcent distinctement les volontés de Dieu, soit par rapport à l’âme même, soit pour ce que Jésus Christ opère en elle pour le service des autres âmes qui lui sont commises ; ce sont des voix de tonnerres qui portent coup et ont leur effet dans ces âmes. Tout cela se passe intérieurement et en esprit, est opéré par l’esprit de Dieu purement ; l’âme ne fait que souffrir passivement ces opérations, et les autres âmes, pour qui ces choses se passent et en leur faveur, en reçoivent les effets sans l’entremise des sens ; cela s’opère en elles pour leur avancement spirituel sans qu’on leur en dise rien ; ce sont des merveilles de Dieu, qu’on ne saurait comprendre ni connaître qu’en en faisant l’expérience ; il suffit que les effets que ces opérations de l’Esprit de Dieu dans les âmes qui sont à lui dans ce degré montrent assez la réalité de ces choses. Les états que ces âmes portent, les tentations et souffrances qui leurs sont infligées tombent bien souvent sur elles à l’impourvu comme une grêle effroyable qui semble terrasser et accabler ces pauvres âmes, qui sont toujours comme des Agneaux égorgés par le grand Sacrificateur ; leur état semble digne de compassion selon l’apparence, accablées qu’elles sont dans leurs corps d’infirmité, de maladies, et autres peines, et dans la partie basse de leur âme, de peines internes, d’obscurité, tentations, épreuves de toutes sortes ; mais le fond de leur âme est dans la paix, qui est Dieu même, dans l’union duquel elles sont et vivent ; elles sont ses Épouses : Ô que bien heureux est celui que tu fais approcher de toi, afin qu’il habite en ta maison, lesquels te louent incessamment, ô que bien heureux est l’homme duquel la force est en toi : Psau. 84.

 

 

 

 

CHAP. XII.

 

 

v. 1. Et un grand signe parut dans le Ciel, savoir une femme revêtue du soleil, sous les pieds de laquelle était la lune, et sur sa tête une couronne de douze étoiles.

 

Cette femme représente l’âme, laquelle est honorée de Dieu à un tel point qu’elle vit et est en lui ; il est son vêtement et son Élément comme le soleil ; c’est l’âme dans laquelle Dieu a surmonté toutes les choses terrestres et qui sont sujettes au changement ; elle est mise dans un état d’immobilité, elle a la lune sous ses pieds, et n’écoute plus les changements et diversités des voix qui se communiquent et se font entendre à ses oreilles par le moyen de cette planète qui marque la vicissitude ; elle est établie ferme dans l’immobilité ; tout ce qui se présente dans sa partie basse ou dans ses sens, quel qu’il soit, elle ne s’y arrête pas et n’y prête point son attention ; elle est couronnée de douze étoiles. Les étoiles fixes, comme on l’a dit, représentent l’immobilité et sont les demeures éternelles des Saints et des Anges ; ce sont douze de ces étoiles dont l’âme est couronnée, parce qu’elle est rendue victorieuse de toutes les séductions que ses sens et toutes ses facultés lui ont pu exciter, étant tentée par le Diable, qui s’est servi de ses facultés tant qu’il a eu pouvoir sur elle pour l’ébranler et chercher à la séduire. Mais, en ayant obtenu la victoire, elle est couronnée par autant d’étoiles qui sont chacune les fleurons de sa couronne ; les voici : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, l’attouchement, la mémoire, ou la pensée, l’entendement, où est compris la raison, le désir, l’amour, la haine, le consentement, la réjection. Ce sont par ces sens et facultés que l’âme est tentée, et par ce qui en dérive, au-dessus desquelles elle est mise, le Diable n’ayant plus de pouvoir de la tenter en éprouvant ses sens et facultés par le dehors, en y excitant les craintes, frayeurs, ni l’agrément et la volupté ; elles sont toutes mises dans l’immobilité dans laquelle l’âme se trouve dans son centre ou le fond de la volonté qui seul les gouverne, s’en sert et les meut par lui-même, l’esprit qui est en ce centre leur communiquant la vie et la lumière qu’ils doivent avoir, et ils n’en reçoivent plus d’ailleurs et ne sont plus mus par le dehors. Notre Seigneur dit à ses disciples (Matth. 19. v. 28.) : Vous serez assis sur douze Trônes jugeant les douze lignées d’Israël ; cela s’entend non seulement d’eux, mais aussi de tous ceux qui les auront suivis dans le renoncement de ce à quoi ces douze facultés les incitent par leurs tentations, dont ils ont par Jésus Christ obtenu la victoire ; ils régneront et leur couronne sera de douze Étoiles.

 

v. 2. Elle était enceinte et criait, étant en travail d’enfant, et souffrant les douleurs de l’enfantement.

 

C’est l’état de l’âme, laquelle est conduite de Dieu jusqu’à ce point de la régénération, lorsque Jésus Christ, comme le nouvel homme, est sur le point de naître ; elle le veut enfanter ; cet enfant divin ayant été caché dans le centre de cette âme tout le temps prescrit, il faut à présent qu’il naisse et soit manifesté. C’est l’esprit ou l’homme divin, nommé Jésus Christ en nous, car il est son fruit, il est la production du St. Esprit, c’est l’Enfant Jésus dans l’âme ; lorsqu’il doit être enfanté et manifesté en nous, la pauvre âme tombe dans des anxiétés, tranchées et douleurs pareilles à celles de l’enfantement ; il se passe d’étranges combats et crises en elle, qui la remplissent d’effroi, de douleur, de crainte, et d’espérance.

 

v. 3. Il paraît aussi un autre signe dans le Ciel, et voici un grand dragon roux, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes.

 

Tout ceci est spirituel : le Ciel où la femme est, et aussi le dragon, c’est dans l’intérieur ; dans le temps où l’âme veut enfanter, ce Dragon puissant se présente à elle dans son intérieur et emploie toute sa puissance qu’il exerce, sa force signifiée par ses cornes, par lesquelles il tâche de se soumettre les sens et les puissances de cette âme par les attaques étranges qu’il lui fait sentir ; par ces sept têtes, il attaque son intelligence, sa raison et toutes ses facultés par les représentations spécieuses qu’il lui fait pour la séduire, lui représentant la misère de son état présent et qu’elle s’en peut tirer si elle adhère à ces suggestions et raisonnements plausibles, qui le font si fort que la pauvre âme dans cet état n’y peut répliquer, car ses têtes sont couronnés, elles semblent avoir la victoire et que rien ne leur peut résister ; elles dominent et sont Rois. La pauvre femme ne s’avise pas non plus de combattre contre ces puissances, elle aurait été bientôt engloutie par ce grand dragon ; ses têtes sont couronnées, cela marque la puissance et la force qu’il a dans le raisonnement, qui est aussi d’ordinaire la force par laquelle il tient les hommes, les meilleurs, ceux qui sont raisonnables, liés à lui, et en séduit et retient plusieurs qui lui voulaient échapper et l’étaient déjà en partie ; l’on peut bien dire que ce sont sept têtes, car c’est une force sept fois plus forte que toute autre, opposée à celle des sept esprits de Dieu qui la surmontent.

 

v. 4. Et sa queue traînait la troisième partie des étoiles du Ciel, lesquelles il jeta en la terre ; puis le dragon s’arrêta devant la femme qui devait enfanter, afin que quand elle aurait enfanté il dévorât son enfant.

 

Dieu veut que ce livre soit écrit d’une manière que personne ne puisse l’entendre que ceux à qui il en révèle le sens par son saint Esprit. Voilà pourquoi il fait écrire à St. Jean de cette sorte ; il décrit ici la chute de Lucifer, dans laquelle il a entraîné la troisième partie des anges, qui sont comme des étoiles, lesquelles étaient leurs demeures dont ils furent précipités ; il les entraîne après lui, ce qui est arrivé avant la création du monde et est décrit ici comme présent. Il est donc sur la terre et s’arrête devant l’âme, se présente à elle pour dévorer son enfant, mais il ne peut.

 

v. 5. Et elle enfanta un fils mâle qui doit gouverner toutes les nations avec une verge de fer, et son enfant fut ravi vers Dieu et vers son trône.

 

Cette femme signifie la sainte Vierge Marie et l’Enfant mâle, notre Seigneur Jésus Christ, et aussi toutes les âmes dans lesquelles ce divin enfant naît ; le Diable n’a point de pouvoir sur lui, car il est ravi à Dieu ; c’est en Dieu qu’il lui est donné d’établir sa demeure à son trône, sur lequel il est assis et gouverne de là toutes les passions et puissances de l’âme en maître absolu, avec un sceptre de fer qui marque son absolu pouvoir, de même que notre Seigneur Jésus Christ est assis à la droite de Dieu et gouvernera et régnera un jour sur toutes les nations, sur tous les hommes ; là le dragon ne peut avoir accès, car il est jeté en terre et ne peut atteindre au séjour très-saint où le divin Enfant est retiré ; le dragon est et fait sentir encore ses poursuites en terre, dans la partie basse de cette âme.

 

v. 6. Et la femme s’enfuit dans un désert, où elle a un lieu préparé de Dieu, afin qu’on la nourrisse là pendant mille deux cent soixante jours.

 

Ce désert où l’âme s’enfuit et que Dieu lui a préparé pour y être à l’abri de la poursuite du dragon n’est autre que la demeure de l’âme dans son centre ou le fond de son intérieur, au-dessus des sens et de tout le sensible, où aucune image ni ce qui se peut concevoir n’a lieu. Elle ne demeure plus dans les parties où toutes ces choses se forment et se représentent, mais dans un lieu qui en est entièrement séparé, où rien de tout cela n’a entrée, lieu où l’âme est en solitude avec son Dieu, qui lui a préparé ce lieu, lui a montré et lui en a donné l’entrée ; lieu qu’elle ne connaissait pas auparavant ; mais Dieu a permis que le dragon la poursuive à outrance et ne la menace de rien moins que de dévorer son enfant divin ; ne pouvant échapper nulle part, au fort de son angoisse voyant sa perte inévitable, dans cette extrémité où elle est réduite, ce divin enfant est ravi à Dieu, son salut est remis entre ses mains, et il lui est donné l’entrée dans ce désert, cet asile assuré dans lequel aucun de ses ennemis ne la peut suivre, l’entrée leur en étant interdite, car c’est un désert où il n’y a rien des puissances auxquelles ils se puissent adresser. L’âme s’y perd elle-même et, avec elle, elle perd tous ses ennemis qui l’environnaient ; ils l’abandonnent et ne peuvent la poursuivre plus outre. Ce désert leur est inconnu et inaccessible, car c’est la demeure du Très Haut. Il se nomme un désert pour les sens et tout l’aperçu ; c’est le désert où nous habitons par le moyen de la foi nue et obscure.

 

v. 7. Et il y eut une bataille au Ciel ; Michel et ses anges combattaient contre le Dragon, et le Dragon et ses anges combattaient contre Michel.

v. 8. Mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le Ciel.

v. 9. Et le grand Dragon, le serpent ancien, appelé le Diable et Satan, qui séduit tout le monde, fut jeté en terre, et ses anges furent jetés avec lui.

 

Ceci est le récit du combat fameux qui se fit après que Lucifer se fut révolté contre Dieu ; il fut précipité en terre et chassé et banni entièrement du Ciel, ayant ainsi été obligé d’abandonner avec ses anges leur domiciles ou demeures magnifiques ; ceci s’est fait avant la création du monde et est le combat dont il est dit que les Enfants de Dieu chantaient en triomphe. C’est de cette victoire remportée par Michel et ses Anges, contre le Dragon et ses anges, que les bons anges, nommés ici les Enfants de Dieu, chantaient en triomphe. Le St. Ange Michel est le héros de l’amour pur de Dieu, le Prince de ces Anges ; c’est lui que Dieu employa à ce combat, et c’est lui qui a toujours le même emploi de soutenir la seule gloire de Dieu contre toute celle que l’homme et les mauvais esprits veulent partager avec Dieu. C’est pour cet amour pur de Dieu et pour sa seule gloire qu’il combat ; il a été dit déjà ailleurs que les étoiles du matin dans ce passage de Job qui se réjouissaient ensemble sont les Anges bienheureux dont les demeures sont les Étoiles fixes, où Lucifer et ses anges avaient aussi les leurs, dont ils furent chassés et précipités en terre par l’Archange Michel ; ces demeures magnifiques sont repeuplées par les hommes qui sont remis dans leur premier état d’innocence dès cette vie, ayant atteint la renaissance dès cette vie ; ce sont les premiers nés, ils sont faits Rois. (Apoc. 5. v. 10.) Ils régneront, et quelques-uns règnent déjà dans ces demeures magnifiques et éclatantes de gloire, de lumière et de majesté ; mon Dieu, l’œil n’a point vu ni l’oreille ouï, et il n’est point monté au cœur de l’homme (I. Cor. 2, v. 9) la gloire que tu prépares à ceux qui t’aiment ! Oui, ces étoiles qui font l’admiration de notre vue, ces Corps lumineux et magnifiques dont personne n’a encore pu comprendre la beauté, la vastitude, et la grandeur, pourquoi ils sont créés, à quel usage, ces étoiles sont les Royaumes des saints et des anges ; ce sont leurs demeures, qui sont conformes à leur être qui est tout clarté, Royaumes transparents et subtils, glorieux et incompréhensibles, dans leur gloire, clarté et subtilité ; ils ont des demeures conformes à leur être, et il n’est pas surprenant qu’étant si grossiers comme nous sommes par rapport au corps que nous avons, nous ne puissions comprendre la subtilité et spiritualité de ces corps glorieux et célestes ; ceci est très véritable, et Dieu s’est réservé de manifester ceci dans ces derniers temps pour encourager les siens à l’adorer et admirer ses œuvres admirables, en leur faisant donner une connaissance un peu plus claire de sa grandeur, Majesté et puissance, aussi bien que de la gloire qu’il réserve aux siens ; pour les encourager, dis-je, et leur faire connaître que le peu de misère qu’ils ont à souffrir dans cette courte vie n’est rien en comparaison de la gloire qui leur est préparée et qui se manifestera un jour. Puisque les temps deviennent toujours plus mauvais, dangereux, et pleins de séduction, Dieu veut d’un autre côté relever la grandeur de sa gloire en la manifestant à ses enfants, pour les encourager à la persévérance, et en leur faisant toucher au doigt et voir de loin la gloire qui leur est préparée. Ce combat de Michel et du Dragon se fait aussi assurément en chaque âme dans laquelle Jésus Christ veut renaître ; Michel ne veut plus rien souffrir dans cette âme que le pur amour de Dieu ; il combat et en veut chasser tout mélange d’amour-propre, de propre intérêt, de propre gloire et avantage que l’âme avait jusqu’ici conservé, dans tout le bien qu’elle avait possédé, dans tous les dons et les grâces que Dieu lui avait communiqués ; dans cet état cette âme lui était agréable à la vérité, mais n’était pas encore arrivée au degré de pureté requise pour que Jésus Christ fasse sa demeure en elle comme dans son Royaume où il veut régner seul et y commander en souverain. Il envoie donc ce héros, l’Archange Michel, qui doit chasser toute la propriété foncière et subtile de l’âme. C’est ici que se fait un combat terrible, car Satan et ses anges ayant encore accès dans cette propriété et pouvant par son moyen garder toujours quelque pouvoir sur l’âme, ils se défendent au possible, mais ils ne sont pas les plus forts ; et pourvu que l’âme demeure passive et se retire quant au fond de sa volonté vers Dieu, souffre ce combat qui se fait dans elle et qu’elle sent bien être fait, non par elle, mais par ces deux partis de bons et de mauvais esprits, Michel surmontera et précipitera assurément Lucifer, le châtiera pour toujours de l’âme où sa place ne sera plus trouvée ; elle sera désormais le trône et le temple, où Jésus Christ seul règne paisiblement. Ô Dieu, quel chant de triomphe ne se fait-il pas dans cette âme qui se voit entièrement délivrée de ces hôtes diaboliques ! Ce chant est bien exprimé ici.

 

v. 10. J’entendis alors dans le Ciel une grande voix qui disait : C’est présentement qu’est venu le salut, la force, le règne de notre Dieu, et la puissance de son Christ ; car l’accusateur de nos frères, qui les accusait jour et nuit devant Dieu, a été précipité.

 

Oui, il n’a plus de pouvoir d’accuser cette âme et de la troubler. Il est rejeté et précipité de son Ciel, de sa partie supérieure, et elle est tellement retirée dans ce Ciel qu’elle ne se laisse plus troubler par tout le vacarme qu’il cause, lorsque Dieu le lui permet, dans sa partie basse ; cela ne lui nuit plus et ne lui fait aucun mal, car elle en est séparée. Le salut lui est arrivé, oui, ce salut, cette force, ce Règne de Dieu, et la puissance de son Christ, est arrivé en elle, elle en est possédée, et nulle autre puissance n’a plus de pouvoir sur elle quoique le salut dont elle jouit en vérité et réalité ne soit ni vu, ni connu au dehors, que de ceux à qui il plaît à Dieu de le manifester ; car notre vie est cachée avec Christ en Dieu. (Col. 3. v. 3.) Il suffit à l’âme de l’expérimenter et d’en jouir. Ici est Christ, qui justifie, qui est ce qui condamnera. (Rom. 8. v. 33.) Il n’y a plus d’accusations de Satan qui soit reçue, par lesquelles il tourmentait jour et nuit la pauvre âme par milles scrupules et accusations qu’il lui faisait sentir vivement et qui la pénétraient de douleur, puisque ses accusations étaient devant Dieu ; il semblait à l’âme que ces accusations étaient de sa propre conscience, qui l’accusait et la condamnait devant Dieu jour et nuit, ce qui lui causait la plus cuisante et la plus pénétrante douleur, la plus pénible à supporter que l’on puisse s’imaginer, en comparaison de quoi les plus grands supplices auraient été pour elle des rafraîchissements. Car rien ne cause plus de douleur à une âme fidèle qui veut être à son Dieu sans nulle réserve que ces accusations-là qui semblent se faire dans sa propre conscience et l’accuser devant Dieu d’infidélité envers lui, d’impureté, de vouloir avoir et de garder des réserves pour lui, quoiqu’il ne soit pas ainsi et que ces accusations soient fausses et faites par le père de mensonge et par ses adhérents ; ils sont pour l’âme le plus cruel martyre. Et il n’est pas surprenant qu’elle éclate en chant de triomphe et donne gloire à Dieu de ce que cet accusateur est rejeté. Cela est arrivé à l’égard des Anges, qui ont persévéré dans leur fidélité envers Dieu ; ils ont chanté ce chant de triomphe après avoir aussi souffert l’accusation de Satan, avant qu’il soit jeté en terre et chassé du Ciel par l’Archange Michel, ce dont les enfants de Dieu se réjouirent (Job 38.) ; ceci arrive en chaque âme dans laquelle le Royaume de Dieu est rétabli, et se fait actuellement dans toutes celles qui parviennent à cette grâce que Jésus Christ vive en elle de nouveau, et il aura son accomplissement dans la consommation des siècles, quand ce Dragon aura perdu son pouvoir et sera chassé de tous les cœurs, qui seront ramenés à l’obéissance à Dieu et à son Christ, qui régnera sur eux seul et éternellement.

 

v. 11. Ils l’ont vaincu par le sang de l’agneau et par la parole à laquelle ils rendaient témoignage ; et ils ont si peu aimé leur vie qu’ils l’ont exposée jusqu’à vouloir souffrir la mort.

 

Ce qui donne la victoire à Michel et ses Anges dans l’âme où ce combat s’est fait est que l’âme a méprisé sa vie ; ils l’ont si peu aimée qu’ils l’ont exposée jusqu’à vouloir souffrir la mort. L’on sait bien que ceci s’entend des martyrs, qui ont souffert la mort pour le témoignage de Jésus Christ ; ils ont vaincu par le sang de l’agneau. Mais ceci n’est pas moins véritable dans le sens intérieur marqué ici, et est ce qui se passe très réellement dans l’âme, ce qu’il faut un peu expliquer plus clairement. Il a été dit au verset précédent que la plus grande souffrance de l’âme est de souffrir les accusations de Satan qu’il fait en elle devant Dieu, l’accusant en sa conscience ; l’âme ne peut, dans l’état où elle est mise de Dieu, recevoir ces accusations ni se conformer à ce à quoi ces accusations veulent la porter ; elles sont de telle espèce qu’elles ont l’apparence de bien et comme si elles ne tendaient point à porter l’âme à faire rien de mal mais à de bonnes choses, qui ne sont pas pourtant ce que Dieu demande d’elle ; elles veulent peut-être la porter à telle ou telle œuvre extraordinaire qui fait grand éclat, par exemple d’aller annoncer ou prêcher l’Évangile dans des pays éloignés, voulant persuader à l’âme que c’est un appel extraordinaire, une mission que Dieu demande d’elle ou quelque chose de semblable que le Diable, en se transformant en Ange de lumière, veut lui persuader être une chose que Dieu demande d’elle ; la pauvre âme qui ne discerne pas ceci n’a d’autre ressource que de s’abandonner à Dieu en tout et pour tout ; elle consent ; n’ayant point de réserve à accepter, elle se met en devoir d’exécuter ce qui lui paraît que Dieu demande d’elle, à quoi elle se sacrifie, et n’aime point sa vie, mais veut l’exposer à la mort pour obéir à son Dieu. Néanmoins elle sent une forte répugnance dans le fond de la volonté à le faire, et enfin Dieu ayant éprouvé sa fidélité et content du sacrifice qu’elle lui a fait dans la croyance où elle était que c’était Dieu qui demandait cela d’elle, il lui fait connaître clairement que c’est Satan ou quelque autre esprit qui s’est déguisé en Ange de lumière, et a ainsi opéré par sa force magique dans elle et l’a voulu entraîner sous belle apparence de faire une bonne œuvre à cela ; c’est ce que Dieu lui fait connaître dans son fond, et lui fait ainsi rejeter la chose, lui découvrant la tromperie. Il lui donne à connaître que c’est dans le Ciel de son âme ou dans son centre qu’il habite, que c’est de là qu’il l’incline avec agrément et plein consentement à faire toutes ses volontés, non d’une manière forcée, mais toute volontaire et avec agrément, puisque l’âme s’est donnée à lui et que Dieu l’a acceptée, qu’il vit et règne désormais en elle et l’incline sans résistance à faire toutes ses volontés, puisqu’il est l’âme de l’âme et est sa vie, qu’ainsi toutes les puissances qui se font sentir dans la partie de l’âme où les images se forment et où est imprimé ce qui est distinct et aperçu, que toutes les impressions qu’elle reçoit dans cette partie sensitive, qui la mettent en crainte, la veulent engager à faire ceci ou cela sous belle apparence que c’est Dieu qui le veut ; Dieu lui fait connaître que ce sont des esprits séducteurs qui viennent à elle ainsi déguisés, qu’ils entrent en elle non par la porte par laquelle le bon berger entre et avec la voix duquel les brebis connaissent ; que cette porte est le centre de l’âme, mais que les autres mercenaires entrent par les sens intérieurs, qu’elle ne les doit pas croire ni suivre, et quelques accusations qu’ils opèrent dans cette partie sensitive qui semblent à l’âme être opérées dans sa conscience, elle n’y doit point faire attention, mais se tenir tranquille dans son centre, où aucun de ces esprits séducteurs ne peut atteindre, Dieu seul en ayant l’entrée et y ayant accès. L’âme étant sauvée dans ce port de salut où Dieu l’a retirée, le Diable ne laisse pas de renouveler ses accusations et ses assauts dans la partie sensitive, et réduit souvent l’âme à un tel point qu’elle est obligée de consentir à sa perte si c’est la volonté de Dieu ; le Diable la menaçant et condamnant tant et si souvent par ses accusations qui la pénètrent à un tel point et d’une telle force qu’elle n’a d’autre ressource que l’abandon en disant : Si Dieu veut que je sois rejetée et condamnée, j’y consens. Mais c’est d’ordinaire par ce consentement qu’elle est délivrée de l’accusation ; c’est cet abandon de sa vie spirituelle, ce sacrifice qu’elle en fait à Dieu dans l’épreuve qui lui apporte le salut et la délivrance de l’accusateur ; c’est par le sang de l’agneau, en se laissant aussi ainsi égorger comme lui, qu’elle obtient la victoire et que l’accusateur est rejeté de toute l’âme. Ceci n’est qu’un exemple que j’ai donné pour rendre plus intelligible les épreuves d’une infinité de sortes que Dieu permet arriver aux âmes dans lesquelles il veut régner en maître absolu ; ce qui ne se peut faire qu’en les faisant éprouver ainsi en diverses tentations qui produisent toutes le même effet, ayant le même but, quoiqu’elles soient de diverses sortes ou aient de différents motifs. C’est donc ainsi que l’accusateur des frères de Jésus Christ est rejeté et surmonté et que l’Archange Michel, Ange et héros de l’amour pur, qui n’a que Dieu et ne souffre que Dieu seul dans l’âme, remporte la victoire ; rien que Dieu n’a plus d’accès cette âme ; tout ce qui n’est pas Dieu seul ne la touche plus, ne la meut plus ; il est seul sa vie, et ce qu’il n’opère et ne fait pas n’est ni fait ni accepté de l’âme. C’est Dieu qui est dans son fond ou centre, qui la dirige et gouverne ; elle ne reçoit plus rien par l’entremise des sens ; ces portes ou plutôt ces fenêtres-là sont fermées, elle n’admet plus d’entrée à rien par eux, car ceux qui veulent entrer par là sont des larrons et des brigands ; ceci est le témoignage que rendent les âmes à la parole éternelle Jésus Christ, et par la même parole qui est en eux.

 

v. 12. C’est pourquoi réjouissez-vous, Cieux, et vous qui les habitez. Malheur à vous qui habitez la terre et la mer ; car le Diable est descendu vers vous dans une grande fureur, sachant qu’il ne lui reste que peu de temps.

 

L’âme qui réside ainsi dans son Ciel, dans sa partie supérieure, ou dans son centre, a bien sujet de se réjouir ; et c’est par le cri d’éjouissance dont on a parlé qu’elle marque sa joie de ce que le Dragon en est rejeté ; ces âmes sont les habitants des Cieux, aussi bien que les bienheureux quoique leur corps vivent encore sur la terre et qu’ils expérimentent les attaques et la fureur de Satan dans cette partie autant qu’il plaît à Dieu de le lui permettre pour leur bien ; ils ne sont pourtant pas habitants de la terre et de la mer ; car où est notre volonté et notre amour, c’est là où nous habitons ; il faut donc nous tenir entièrement séparés de cœur et d’affection de tout ce qui est terrestre et charnel et qui y a rapport, demeurer immobile dans le Ciel, attaché à Dieu seul et n’admettre rien que lui et sa volonté dans notre amour et volonté. Il est bien manifeste depuis le commencement du monde, ou depuis la chute d’Adam, que le Diable est descendu sur la terre et domine tous les hommes qui y habitent et y ont leurs affections ; il les tyrannise et s’en sert comme de ses esclaves, car il est le Prince de ce monde. Ils vivent sous ses lois et montrent assez par toute leur conduite charnelle et terrestre qu’il est leur Roi, qu’il les domine en Souverain. Quand on regarde avec quel étourdissement ils courent après nombre des biens passagers et trompeurs de ce monde, en ne pensant ni à Dieu, ni à leur salut, n’ayant pour règle que leurs passions débordées et effrénées, sacrifiant à leurs désirs et vaine ambition toute raison et humanité, leur vie même, qui est pourtant ce qu’ils ont de plus cher, avec une légèreté qui serait incroyable si on ne la voyait pas tous les jours ; l’on peut bien dire que le Dieu de ce siècle leur a aveuglé l’entendement (2. Cor. 4. v. 4.), et c’est une preuve manifeste du malheur qui non seulement les attend après cette vie, mais aussi de celui dans lequel ils vivent déjà, étant des esclaves de Satan dans celle-ci. Mais vous, Enfants de Sion, prenez courage et souffrez encore un peu avec patience, car il ne reste à Satan qu’un peu de temps, encore moins que jamais, puisque nous vivons dans les derniers temps ; notre entière délivrance approche et il sera bientôt enchaîné. Malheur aussi à ceux qui vivent dans les sens, soit extérieurs ou intérieurs, qui s’arrêtent à ce qui est sensible et palpable, et n’outrepassent pas tout cela et eux-mêmes pour s’arrêter seulement à Dieu seul, en foi obscure et nue ; car le temps est venu que le Diable a un grand pouvoir sur tout ce qui est des sens, de leur portée, car il y a grand accès et se déguisera en Ange de lumière pour séduire les élus même, s’il était possible, en leur faisant éprouver des forces magiques qui les surmonteront, ayant l’apparence de bien, si ces âmes n’apprennent pas à abandonner cette partie sensitive d’eux-mêmes, qui est la terre et la mer orageuse, pour se retirer et se tenir coites dans leur centre, où Dieu les attirera et leur y fera trouver un asile assuré contre toute séduction s’ils se contentent d’y demeurer en foi obscure auprès de lui. Partout ailleurs il n’y a que danger et péril. Car les jours sont très mauvais, ce sont ceux dont notre Seigneur dit : S’ils n’eussent été raccourcis, nulle personne ne serait sauvée ; ne sortons donc point au dehors ni dans nos sens, car Christ n’y est point ; il est au dedans de nous, c’est à dire dans notre centre, mais non pas non plus dans nos sens intérieurs, là où toutes sortes de puissances magiques ont accès et se présentent et disent : Je suis le Christ ; ce sont les plus dangereux, ceux qui se présentent là avec telles forces et miracles de mensonges qui ont toute apparence de vérité et séduiront toute âme qui ne se retire pas dans son centre, où Dieu habite dans l’obscurité ; personne ne peut comprendre ceci sinon celui qui a l’attrait de Dieu au dedans de soi à ce centre que Dieu lui manifestera ; la raison ni l’esprit humain ne connaît point ceci, c’est le caillou blanc où le nouveau nom est écrit, c’est le nom du nouvel homme, que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit, mais Dieu le donnera dans ces derniers temps aux âmes simples, enfantines, droites et sincères, qui ne veulent que Dieu seul et d’être à lui sans réserve ; celles-là l’entendront, Dieu leur manifestera ; mais les riches et amateurs d’eux-mêmes, qui se cherchent eux-mêmes et leur propre intérêt qu’ils veulent accorder avec la piété, seront séduits, aussi bien que les voluptueux dans les choses spirituelles, qui y cherchent leur goût et leur contentement, les douceurs sensibles, qui ne veulent pas renoncer à tout cela, cherchent à valoir devant les hommes, voulant briller par leur piété ; ceux-là seront séduits aussi et en séduiront plusieurs. Les pauvres d’esprit, qui ne cherchent, ne désirent que le rien, l’entier anéantissement d’eux-mêmes, et que Dieu seul soit tout, en lui-même et pour lui-même, rien pour eux, qui ne se regardent ni ne se veulent ; ceux-là seront garantis et sauvés, car c’est à présent que qui voudra sauver son âme la perdra, et qui la perdra pour l’amour de moi, pour l’amour qui le portera à ne vouloir que Dieu seul, tant jaloux est cette âme de son Dieu qu’elle ne peut admettre ni dons, ni quoi que ce soit, Dieu seul est son amour, celui-là la trouvera. (Luc. 17. v. 33.) Dieu même deviendra son âme.

 

v. 13. Le Dragon, se voyant précipité en terre, se mit à poursuivre la femme qui avait mis au monde un fils.

v. 14. Mais deux ailes d’une grande Aigle furent données à la femme pour s’envoler au désert, dans son lieu de retraite, où elle est nourrie pour un temps, deux temps, et pour la moitié d’un temps, hors de la vue du serpent.

 

Les âmes qui ont Jésus Christ né en elles, dans lesquelles il vit, sont persécutées et poursuivies par le Dragon ; c’est l’inimitié qui est depuis le commencement entre le serpent et la femme ; mais il ne lui peut rien faire, car deux ailes d’une grande aigle lui sont données ; c’est la foi et l’abandon, la confiance en Dieu, qui est une de ces ailes ; et l’autre l’amour pur de Dieu, avec ces deux ailes ; l’âme s’envole au désert, qui a été dit ; c’est là son lieu de retraite. Et, au dehors, elle se retirera bien aussi autant qu’elle pourra du tumulte du monde dans la solitude, qui est ce qu’il y a de meilleur à faire pour le temps présent. Dieu préparera à chaque âme de cette sorte son lieu de retraite où il en prendra soin pour l’extérieur et l’intérieur tout le temps prescrit par la providence, où elle sera à l’abri des poursuites du serpent.

 

v. 15. Alors le serpent jeta de sa gueule après la femme de l’eau comme un fleuve, afin qu’elle en fût entraînée.

 

Ce sont les calomnies (dont il tâche d’engloutir, pour ainsi dire, de telles âmes) qu’il jette de sa gueule ; se servant de la bouche de ses adhérents et de tous ceux qui veulent écouter les plausibles suggestions qu’il leur donne contre les âmes, auxquels ces âmes prêtent l’oreille, ignorant que ces suggestions sont du malin pour anéantir et rendre suspect le témoignage de la vérité que ces âmes donnent par leur conduite innocente et irréprochable, par leurs paroles et écrits.

 

v. 16. Mais la femme fut secourue par la terre, qui ouvrit son sein et engloutit le fleuve que le Dragon avait jeté de sa gueule.

 

Dieu fait en forte que toutes ces calomnies tombent à terre sans nuire à la vérité, qui garde sa force et vertu pour toutes les âmes qui en sont capables ; la terre aide à la femme ; l’humilité de ces âmes qui se courbent, souffrant tout en silence sans se défendre, est cette terre qui engloutit tout ce torrent ; tout s’évanouit et disparaît, et la vérité restera et triomphera à la gloire de Dieu.

 

v. 17. Le Dragon donc se mit en colère contre la femme, et il alla faire la guerre à ses autres enfants qui gardent le commandement de Dieu et qui demeurent fermes dans la Confession de Jésus Christ.

 

Ce sont les âmes sincères qui ont le témoignage de Jésus Christ, qui sont dans le commencement de la vie spirituelle dans leur activité ; il les tente et les traverse à son possible, mais c’est pour leur bien ; Dieu y fera tout aider si elles restent dans leur sincérité et droiture ; Dieu les garantira et les soutiendra. Car pas un de ceux qui espèrent en lui ne seront confus. Amen, louange à Dieu.

 

 

 

 

 



1  L’Auteur a écrit sur cette même Matière au long dans le traité sur les trois premiers chap. de la Genèse.

2  Sur cette matière, voyez le traité de l’Auteur sur les 3 premiers chap. de la Genèse, chap. 32.

3  Touchant les diverses opérations des Anges, voyez les autres Écrits de l’Auteur : Discours nouveaux, 2e partie, Discours 11 et 12. Et le 37e chapitre sur les 3 premiers chapitres de la Genèse.

4   Voyez Nouveau Discours, Tom. 2. Disc. 11. 12, et sur les trois prem. chapitres de la Genèse, Chap. 4, où l’Auteur traite au long du ministère des anges et de leur protection.

5 L’entendement, la volonté et la mémoire sont ordinairement nommés par les saints mystiques les puissances de l’âme. Lisez Jean de la Croix dans la pratique de l’amour, §. 32, dans la montée de Carmel, dans le 2e Livre, Chap. 6. Lisez aussi les œuvres de Mr. Bertôt, 1er Vol., pag. 412-419.

6  Voyez Mad. Guyon dans les réflexions et explications sur le Nouveau Testament, Tom. 8. 147. 148.

7  L’Auteur a aussi éclairci cette matière dans d’autres de ces Écrits, comme dans le traité sur l’Épître aux Romains, au Supplément 15, Discours, et dans l’Explication sur les premiers chap. de la Genèse, chap. 40, où il en est traité au long.

 

 

 

 

 

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