Témoignage d’un Enfant

de la Vérité et Droiture des

Voies de l’Esprit

 

ou

 

EXPLICATION

 

des trois premiers chapitres

 

de la GENÈSE,

 

où l’on traite

de plusieurs Merveilles et Mystères

de la Création :

 

Savoir de l’État glorieux de l’homme dans sa première innocence ; de sa chute et de son relèvement ; du Soleil, de la Lune, des Étoiles, des Planètes et de la Terre ; des Demeures glorieuses et magnifiques de la Jérusalem Céleste, du Mont Sion, et du Sein d’Abraham, dans quels endroits sont ces lieux ; de quelle Gloire et duquel bonheur infini les Esprits bienheureux y jouissent. Comme aussi des Endroits de détention où les âmes sont purifiées après la mort, et de quelle manière se fait cette purification.

 

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Imprimé à Berlebourg,

 

Par Christophe Michel Regelein. 1738.

 

 

 

 

 

 

Avis du Traducteur

de l’Édition allemande.

 

L’on donne encore ici au cher Lecteur un ouvrage, lequel tant pour ce qui regarde les voies secrètes et intérieures de l’Esprit, qu’à cause des nouvelles et admirables lumières dans la Révélation de plusieurs grands Mystères, est tout à fait excellent. Mais comme ce livre témoigne assez lui-même de sa dignité, l’on ne s’arrêtera pas à en faire un éloge plus étendu, il suffit que ceux qui ont quelque expérience dans les voies secrètes et intérieures de l’Esprit, et qui ont la lumière d’en haut, reconnaîtront fort bien ces écrits et la source d’où ils sont coulés ; d’où il suit qu’il n’est pas nécessaire de les leur recommander ; pour les autres qui veulent juger des choses spirituelles par leur raison, ces mêmes choses leur restent cachetées. Car l’homme animal ne comprend point les choses qui sont de l’Esprit de Dieu ; car elles lui sont une folie, et il ne les peut entendre, parce qu’elles se discernent spirituellement, mais le spirituel discerne toutes choses, et il n’est jugé de personne (1 Cor. 2, 15-16).

 

2. Ce sont donc des Perles, qui ne sont données qu’à des Enfants : car dans ces derniers temps ici, l’abîme de toute méchanceté est ouvert, le Diable est en furie, à cause qu’il ne lui reste qu’un peu de temps, et Dieu veut édifier le Règne de son saint Esprit au milieu de ce monde corrompu, ou Satan a toute sa puissance : mais n’étant requises pour ce Règne que des âmes toutes innocentes, Enfantines et sincères, Dieu donne par ces écrits à ces Enfants ces perles et ces joyaux magnifiques, pour leur servir d’un jeu dans leur innocence ; et leur donner un avant-goût du bonheur et de la félicité inexprimable que Dieu a préparée à ceux qui l’aiment (1 Cor. 2, 9) et qu’ils obtiendront certainement dans une mesure infinie, s’ils persévèrent avec fidélité dans le chemin de la foi obscure, s’ils persistent dans leur innocence, dans leur simplicité, leur droiture, et restent dans leur ignorance Enfantine, en s’abandonnant totalement entre les mains de la Providence Divine. Ceux-ci sont les Enfants, qui obtiennent le Royaume des Cieux (Matth. 18, 3) et qui aussi croient et reconnaissent les merveilles et les mystères de leur Père Céleste.

 

3. Mais pour donner aussi quelque avis à l’égard de cet ouvrage, qu’on sache que les XXI premiers chapitres de ce Traité renferment proprement l’explication des trois premiers Chapitres de la Genèse : et les suivants contiennent la solution de diverses demandes et objections qui ont été faites à l’Auteur à l’égard des mystères contenus dans ce livre. La Personne qui les proposa se ressouvient que Mme Guyon dit dans un endroit de ses Lettres (IVe Partie de la 137e Lettre) qu’il était dommage qu’on la laissât oisive, que Dieu avait mis en elle son Esprit de vérité, auquel on devait proposer toutes les questions que l’on voudrait. Ainsi l’on se crut être poussé intérieurement à faire toutes sortes de questions à l’Auteur, l’on y agit en toute simplicité, on lui témoigna rester dans une entière égalité d’esprit, s’il plaisait à Dieu de révéler ses merveilles et ses mystères à l’occasion de ces demandes, ou si l’Auteur les brûlait sans y répondre. Cependant le bon plaisir de Dieu ayant été de faire répondre à ces questions par l’Auteur de ce Livre, on les a insérées dans les autres chapitres, avec quelques autres pièces pareilles que l’Auteur a écrites sans en avoir été requis.

 

 4. Le Divin Enfant Jésus veuille par son St. Esprit ouvrir le cœur de ses Enfants pour comprendre les vérités contenues dans ce livre, les préparer, et consommer pour le Royaume de son Enfance. À lui soit la louange, la gloire, la Puissance et la force, d’Éternité en Éternité.

Amen.

 

 

 

 

 

 

 

 

Avertissement de l’Auteur.

 

Celui qui possède Dieu intérieurement a toute connaissance par Dieu et en lui, et rien ne lui est étranger ni inconnu : Ne se peut plus regarder soi-même : Ses connaissances viennent du fonds de son âme, de l’homme spirituel, et non pas en réfléchissant : Il faut qu’une telle personne soit dans la régénération. C’est aussi de ce fonds que l’Auteur écrit, comment cela se fait : Disposition de l’Auteur : à Dieu en doit être toute la Louange.

 

1.

 

Notre très adorable Sauveur dit : Le Royaume de Dieu est en vous (Luc 17, 21), et il prie que l’amour dont le Père l’a aimé soit dans les siens, et moi en eux (Jean 17, 26). Si donc Dieu même et son Royaume est dans l’homme qui est rentré sous la domination de Jésus Christ et qui est redevenu sien, qu’est-ce qu’un tel homme n’a pas ? Celui qui a Dieu et son Royaume en soi a tout, car quiconque a le maître, le Créateur et le Roi de toutes choses, celui qui a formé et qui soutient et entretient toutes les Créatures qui sont et ont été créées, un tel a infiniment plus que ne sont toutes ces créatures ensemble : et toutes les connaissances de toutes ces créatures ne sont rien à comparer en comparaison du Créateur, qui veut bien faire sa demeure dans l’homme : les plus hautes et sublimes connaissances des créatures visibles et invisibles, célestes et terrestres, ne sont que peu de chose pour un tel homme, il ne peut en faire grand cas, ni les regarder comme quelque chose d’extraordinaire et de merveilleux, parce qu’ayant Dieu en lui et son Royaume, la connaissance de ces choses lui est comme toute naturelle, et non plus étrangère ou extraordinaire. Car tout ce grand univers est la maison de Dieu qu’il a créée et manifestée, dans laquelle nous vivons comme dans la maison de notre Père qui est Dieu ; cette maison n’est donc point un lieu qui nous soit étranger, et que nous ne connaissons pas autrement que pour en avoir entendu parler. Elle nous est aussi bien connue que la maison où est né et où est élevé et nourri un Enfant, dans sa maison Paternelle, où il est toujours en la présence de son Père, elle est son chez soi, tout lui est là fort familier et rien ne lui est ni caché ni inconnu.

2. Ainsi en sera-t-il de nous lorsque nous serons rentrés dans l’obéissance et la dépendance de notre bon Dieu et Père (lorsque nous aurons entièrement dépouillé tout ce qui est de la dépendance de la propriété, qui est la vie étrangère du vieil homme, qui a pris naissance par le péché et la rébellion. Alors, dis-je, nous serons remis dans notre premier état de vrais Enfants de Dieu, et il nous remettra en possession de lui-même, et de toutes choses en lui) : toute propriété et attribution étant bannie, nous ne serons plus en danger de tomber dans l’orgueil ; car où Dieu habite, là est et règne la parfaite humilité au comble ; là où il est véritablement, rien ne peut subsister ni être estimé ni regardé que lui ; et toutes les autres choses ne sont vues qu’en lui, et rien hors de lui ; partout où il est véritablement et réellement, tout le reste disparaît ; il est lui seul, celui qui est, je suis celui qui suis (Exod. 3, 14). C’est là le nom qui lui convient, car tout le reste disparaît et n’est rien là où il est.

3. Comment donc est-ce qu’une créature dans laquelle il est et fait sa demeure, où il a rétabli son Règne, qui est redevenue son Temple, pourrait-elle se regarder, se voir et se complaire, s’élever en elle-même ? Ô Seigneur, cela ne se peut ! Tu es seul celui qui l’as charmée. Ô Dieu, rends cela impossible ! ôte toute possibilité pour une chose si odieuse, dont la seule pensée me fait frémir ; ce regard, cette complaisance, d’une créature honorée de cette grâce, serait une chute pire que celle de Lucifer, ô mon Dieu ! Plutôt être anéanti et périr en effet et rentrer dans son néant.

4. Étant donc rentré dans cette union Divine, l’homme spirituel étant recréé en nous, cet homme spirituel (qui est celui dont St. Paul dit qu’il juge toutes choses, et n’est jugé de personne, 1 Cor. 2, 15) voit tout dans son union avec Dieu et en Dieu ; c’est cet homme caché du cœur(1 Pier. 3, 4) que l’on exprime par le Centre ou le fond de l’âme, et c’est de ce fond que sortent toutes les opérations de l’Esprit, ou de l’homme Divin. Ce sont des termes grossiers dont il faut se servir pour s’exprimer dans notre langage, étant enveloppés de cette croûte épaisse qui nous couvre, et où notre homme spirituel est pendant cette vie mortelle comme renfermé ; quoiqu’il vive et est, il est comme couvert de ce corps et des sens grossiers, qui sont les organes par lesquelles il faut qu’il s’exprime pour être entendu des autres hommes, autant qu’il est possible.

5. Ainsi l’on dit bien que ce que l’homme spirituel ou Divin opère (lequel est redevenu le maître en nous, et sa vie étant la vie qui nous anime), l’on dit bien que ce qui vient de lui sort de notre fond ; nos connaissances, tout ce qui nous meut et fait agir, ne vient plus de notre entendement, qui auparavant recevait ces connaissances et ses lumières par le dehors, y étant versées ainsi ; mais tout cela sort du dedans de notre fond, où réside l’homme spirituel : c’est lui qui répand sa lumière sur l’entendement qu’il éclaire : c’est lui qui vit, et qui conduit l’homme extérieur dont il est le Roy.

6. Cette vie et cette lumière qu’il communique ainsi aux puissances de notre âme a tout un autre caractère, et est de toute une autre espèce que toute celle que nous recevons d’ailleurs dans ces puissances, et se fait bien distinguer et sentir à quiconque l’a reçu de Dieu, et hors de là l’on ne le peut faire comprendre ; tout ce qui sort de ce Centre est si réel et vie pour cette âme, que tout ce qu’elle voudrait recevoir d’ailleurs n’en a plus aucune et ne fait plus aucune impression en elle ; ce n’est rien de réel, ce n’est qu’ombre et figure sans aucune vie ni réalité : c’est ce qu’elle sent très bien, et cette manière de recevoir devient toujours plus étrangère et sans aucune force, elle ne fait plus aucune impression.

7. Notre Seigneur, en parlant à Nicodème de la renaissance, nomme cette importante matière des choses terriennes (Jean 3, 12). Cette renaissance est une œuvre qui se doit opérer en l’homme pendant qu’il est sur la terre, ou dans cette vie ; sans quoi il est incapable des choses Célestes dont notre Seigneur dit dans le même verset qu’ils ne croiraient pas s’il leur en parlait, puisqu’ils ne pouvaient même croire les choses terriennes et ne pouvaient comprendre comment cette renaissance se pouvait faire.

8. Mais si Dieu nous fait la grâce d’opérer en nous cette renaissance, alors l’homme nouveau saura bien entendre les choses Célestes qu’il plaira à Dieu, qui est son Père, de lui manifester, étant un même Esprit avec lui ; et c’est par cet Esprit qu’il faut en écrire, lorsqu’il plaît à Dieu de le manifester pour sa seule gloire, pour laquelle il fait toutes choses, et non pour aucun autre but : à lui seul soit donc l’honneur et la gloire de tout, et en toutes choses, dans toute l’Éternité, Amen Jésus ! Amen ! Non point à nous, non point à nous, mais à ton nom donne gloire ! (Ps. 115.)

9. Ce que j’écris, je l’écris donc comme il sort de mon fond, et c’est comme s’il y avait là un cabinet où fût un grand trésor et toutes sortes de choses rares : lorsque le Maître l’ouvre, il en tire ce qu’il lui plaît et en fait ce qu’il veut, et puis le referme : veut-il que j’écrive ce qu’il en tire, alors il le montre au moment qu’il doit être mis sur le papier, à l’intelligence, qui dans ce moment le voit et le comprend distinctement ; alors l’entendement le reçoit et ne le voit ni le comprend qu’à mesure que la main le trace sur le papier : c’est comme si quelqu’un lui dictait ce qu’il doit écrire, et ce quelqu’un n’est point hors de moi, il est dans mon fond.

10. De là vient qu’aussitôt que ce qui en sort est présenté à l’entendement ; il ne me paraît dès lors point être une chose qui me soit nouvelle ou extraordinaire, quoique je n’en aie jamais entendu parler et n’y aie jamais pensé : mais dès lors, il me semble comme si je l’avais toujours su et que ce n’est rien de nouveau, que cela est ainsi comme il est sorti de mon fond et ne peut être autrement, que c’est une vérité qui est imprimée en moi qui ne me laisse aucun doute que la chose ne soit ainsi. Ainsi mon entendement, mon raisonnement n’agit et ne réfléchit en aucune manière en ce que j’écris ; je ne puis et il ne m’est pas permis de réfléchir aucunement sur ce que j’écris, ni de rien chercher à écrire ; lorsque le fond cesse de fournir quelque chose, dès aussitôt il faut que l’entendement cesse tout à coup ; comme celui qui écrit ce que l’on lui dicte cesse aussitôt d’écrire après avoir mis sur le papier le dernier mot qu’on lui a dicté, et il ne lui est pas permis de poursuivre à écrire.

11. Ainsi de même, lorsque j’ai achevé d’écrire et que la matière dont j’ai écrit n’est pas encore achevée, je n’ose nullement entrer en réflexion pour la poursuivre, ni désirer d’en savoir la suite, je ne puis que cesser, me renfoncer dans mon fond et attendre ; s’il en ressort quelque chose, je poursuis à écrire : il s’élève d’ordinaire, avant que je mette la main à la plume pour écrire, un désir secret de mon fond ; pour savoir ou écrire de telle ou telle matière, je ne puis réfléchir sur cette matière, ni y penser et tâcher de la pénétrer par réflexion pour la savoir, je m’en détourne plutôt et m’enfonce, me tourne vers Dieu dans mon fond, je demeure dans l’obscurité de la foi, sans idées ni images, ce qui est mon état ordinaire, et sentant après cet instinct ou désir de savoir cette chose, et une inclination à en écrire, je mets la main à la plume et la laisse couler.

12. Ainsi c’est à Dieu seul, auquel appartient toute la gloire. Si l’on trouve dans mes écrits quelque chose de bon et d’édifiant, je n’y ai dans mon propre aucune part, et ne suis qu’un pur instrument, dont il lui plaît de se servir pour manifester ce qu’il veut. Que tout lui soit rendu et remis : et moi mis en oubli, c’est ce que je désire, Amen.

 

Le 10 Août 1735.

 

 

 

Psau. 8, 2-4.

 

Éternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique par toute la terre, vu que tu as mis ta Majesté par-dessus les Cieux ! De la bouche des petits Enfants et de ceux qui tètent, tu as fondé ta force, à cause de tes adversaires : afin de faire cesser l’ennemi et le Vindicatif, quand je regarde tes Cieux, l’ouvrage de tes mains, la Lune et les Étoiles que tu as arrangées.

 

Psau. 19, 2-4.

 

Les Cieux racontent la gloire du Dieu fort, et l’Étendue donne à connaître l’ouvrage de ses mains : Un jour fournit en abondance des propos à l’autre jour, et une nuit montre science à l’autre nuit, il n’y a point en eux de langage, et il n’y a point de paroles, toutefois leur voix est ouïe.

 

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CHAP. I.

 

Nouvelle Création et lumière Divine en l’homme.

 

Dieu est le Créateur, qui crée tout de rien : pour que Dieu nous crée de nouveau, et produise sa lumière en nous, il faut que nous rentrions dans le Rien : Il n’y a que la Lumière de Dieu qui soit bonne, tout le reste est mensonge et erreur.

 

 

 

 

 

LE PREMIER

 

LIVRE DE MOÏSE,

 

DIT LA

 

GENÈSE.

 

 

 

C H A P I T R E   I.

 

Création du monde, 1-25.Création de l’homme et de la femme, 26-27. Leur empire sur les animaux, 28.

 

Au commencement, Dieu* créa les cieux et la terre.

* Job 38, 4. Ps. 33, 6 et 89, 12 et 136, 5-6. Act. 14, 15, et 17, 24. Hébr. 11, 3.

2. Et la terre était sans forme et vide, et les ténèbres étaient sur la face de l’abîme ; et l’Esprit de Dieu se mouvait sur le dessus des eaux.

3. * Et Dieu + dit : que la lumière soit, et la lumière fut.

* 6, 9, 14, 20, 24, 26. Ps. 33, 6 et 148, 5. +2 Cor. 4, 6.

4. Et Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière des ténèbres.

5. Et Dieu nomma la lumière, jour ; et les ténèbres, nuit. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le premier jour.

6. * Puis Dieu dit : qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. * Ps. 33, 6. Prov. 8, 28. Ésaïe 42, 5. Jér. 10, 12 et 51, 15.

7. Dieu donc fit l’étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec celles qui sont au-dessus de l’étendue, et il fut ainsi.

* Ps. 33, 7 et 136, 6, et 148, 4. Prov. 8, 24.

8. Et Dieu nomma l’étendue, Cieux. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le second jour.

9. Puis Dieu dit : que les eaux qui sont au-dessous des cieux soient rassemblées en un lieu, et que le sec paraisse ; et il fut ainsi.

10. Et Dieu nomma le sec, terre ; et il nomma l’amas des eaux, mers ; et Dieu vit que cela était bon.

11. Puis Dieu dit : que la terre pousse son jet, de l’herbe portant de la semence et des arbres fruitiers portant du fruit selon leur espèce, qui aient leur semence en eux-mêmes sur la terre ; et il fut ainsi.

12. La terre donc produisit son jet, savoir de l’herbe portant de la semence selon son espèce ; et des arbres portant du fruit, qui avaient leur semence en eux-mêmes, selon leur espèce ; et Dieu vit que cela était bon.

13. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le troisième jour.

14. Puis Dieu dit : * qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des cieux, pour séparer la nuit d’avec le jour, +et qui servent de signes pour les saisons et pour les jours, et pour les années ;

* Ps. 136, 7. +Deut. 4, 19.

15. * Et qui soient pour luminaires dans l’étendue des cieux, afin d’éclairer la terre ; et il fut ainsi.

* Deut. 4, 19. Jér. 31, 35.

16. Dieu donc fit deux * grands luminaires, le plus grand luminaire pour dominer sur le jour, et le moindre pour dominer sur la nuit ; il fit aussi les étoiles.

* Ps. 136, 7-9.

17. Et Dieu les mit dans l’étendue des cieux pour éclairer la terre,

18. Et pour dominer sur le jour et sur la nuit, et pour séparer la lumière des ténèbres ; et Dieu vit que cela était bon.

19. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le quatrième jour.

20. Puis Dieu dit : que les eaux produisent en toute abondance des reptiles qui aient vie ; et qu’il y ait des oiseaux, qui volent sur la terre vers l’étendue des cieux.

21. Dieu donc créa les grandes baleines et tous les animaux se mouvants, lesquels les eaux produisirent en toute abondance, selon leur espèce ; il créa aussi tout oiseau ayant des ailes, selon son espèce ; et Dieu vit que cela était bon.

22. Et Dieu les bénit, en disant : * Croissez et multipliez, et remplissez les eaux dans les mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre.

* Ch. 8, 17.

23. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le cinquième jour.

24. Puis Dieu dit : que la terre produise des animaux selon leur espèce, le bétail, les reptiles, et les bêtes de la terre selon leur espèce ; et il fut ainsi.

25. Dieu donc fit les bêtes de la terre selon leur espèce, et le bétail selon son espèce, et les reptiles de la terre selon leur espèce ; et Dieu vit que cela était bon.

26. Puis Dieu dit : * Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur le bétail, et sur toute la terre, et sur tout reptile qui rampe sur la terre.

* Ch. 5, 1. 1 Cor. 11, 7. Éph. 4, 24. Coloss. 3, 10. Sap. 2, 23.

27. Dieu donc créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, * il les créa mâle et femelle.

* Matth. 19, 4.

28. Et Dieu les bénit, et leur dit : Croissez, multipliez, et remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur toute bête qui se meut sur la terre.

* Ch. 8, 17 et 9, 1-2, 7.

29. Et Dieu dit : * Voici, je vous ai donné toute herbe portant semence qui est sur toute la terre, et tout arbre portant semence, et cela vous sera pour nourriture.

* Ch. 9, 3.

30. * Mais j’ai donné à toutes les bêtes de la terre et à tous les oiseaux des cieux et à toute chose qui se meut sur la terre, ayant vie en soi-même, toute herbe verte pour manger, et il fut ainsi.

* Ps. 104, 14.

31. * Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voilà il était très-bon ; ainsi fut le soir, ainsi fut le matin ; ce fut le sixième jour.

* Deut. 32, 4.

 

 

 

 

Le 1er Nov. 1734.

 

Genèse 1, 1.

 

Au commencement Dieu créa les Cieux et la Terre.

 

1.

 

Ô Mon Dieu, Tu es le Créateur de toutes choses ! toutes choses ont été créées par toi, et pour toi seul ! Qu’elles retournent toutes à toi ! faites cesser toutes les usurpations parmi les hommes qui sont créés pour vous, car si quelqu’un fait un ouvrage, n’est-il pas à lui en propre ? Tout est donc à vous, ô mon Dieu ! car vous avez non seulement fait toutes choses d’une matière, en la changeant de forme comme nous faisons nos ouvrages, mais vous avez créé le Ciel et la terre de rien.

 

v. 2. Et la terre était sans forme et vide, et les ténèbres étaient sur le dessus de l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux.

 

2. Tu fais de rien tes grands ouvrages, ô mon Dieu ! Il n’y a que le rien qui est agréable à tes yeux ! C’est de ce rien que tu créas ce grand Univers, qui fait notre admiration ! Ô Dieu, que vous êtes admirable dans votre conduite ! Vous avez créé l’univers de rien ! C’est dans le rien que vous faites vos merveilles. De quelque chose Vous ne faites rien, parce qu’il vous résiste ! Vous voulez être seul à créer ce que vous faites, et ne souffrez point de compagnon ! Il faut que vous nous réduisiez de nouveau à rien, si nous voulons redevenir quelque chose qui soit formé de vous, ce qui seul est bon : tout le reste ne vaut rien ! D’avoir voulu être comme vous nous a réduits à rien de bon, nous a fait être tout de mal. Créez de nouveau, ô mon Dieu ! en nous réduisant dans notre premier rien, mais avant cela vous nous rendez difformes, et c’est la première création que vous faites en nous, lorsque vous voulez nous créer de nouveau ; nous ayant par votre parole fait retourner dans le néant, dans la poudre, ayant amorti toute notre vie propre, nous ayant réduits à cesser d’opérer et de faire, alors vous créez le Chaos ! Tout est sans forme et vide ; il n’y a rien que passiveté et repos obscur, mais quelque affreux que ce Chaos et ce vide qui nous effraye paraisse, l’Esprit de Dieu se meut sur ces eaux ! C’est lui qui opère, il n’est point oisif : quelque pénible que cet État soit à porter, c’est le commencement de la création de la nouvelle Créature.

 

v. 3. Et Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut.

 

3. Ô Majesté de mon Dieu ! Il a dit, et la chose a eu son Être, il a commandé et la chose a comparu (Ps. 33, 9). Voilà qui me transit, Seigneur ! Vous êtes suffisant à vous-même ; pour créer la lumière vous n’avez qu’à parler ! Sommes-nous dans l’état le plus ténébreux, le plus confus, le plus privé de toute vie, lorsque vous dites que la lumière soit, la lumière est ! Celui qui l’expérimente le fait seulement comme il faut et le peut croire, il est tranquille dans l’horreur de la nuit la plus obscure, en repos et paisible ; car il sait que quand il vous plaît de dire que la lumière soit, la lumière est, qu’elle paraît et dissipe les ténèbres avec toutes ses horreurs et frayeurs.

 

v. 4. Et Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.

 

4. Votre lumière seule est bonne, mon Dieu, celle que vous créez et formez ! Toute autre lumière n’a qu’un faux brillant trompeur et qui éblouit. De là vient toute l’erreur, tout le mensonge, toute la tromperie et séduction parmi les hommes, parce qu’ils n’ont pas et ne sont pas dans votre lumière qui seule est bonne. Ils sont dans la fausse lumière, que Satan a contrefaite pour séduire les hommes, et leur faire croire que c’est votre lumière. C’est celle qu’ils ont dans leur entendement obscurci, qui n’est que vanité et mensonge, parce qu’elle les porte à vouloir tout faire et tout savoir, à tout comprendre et avoir ; mais la vôtre nous montre et nous invite à nous abandonner à vous. Connaissant par elle qu’étants malades d’une maladie incurable à tout autre qu’à vous, et ainsi incapables de rien faire qui vaille, il faut comme un malade nous reposer, nous abandonnant à vous, Divin médecin ; sans quoi, si nous voulons toujours rôder et tracasser, nous nous rendons incapables d’être guéris de vous : il faut le repos sacré, la passiveté, il ne faut rien savoir, ne sachant rien qu’à faux ; puisque la lumière est fausse, ce qu’elle montre est trompeur. Elle nous a portés au vol, à prendre ce qui ne nous appartient pas ; il faut rendre au maître, à qui nous et tout appartient, rentrer dans notre rien ; c’est ce que la vraie lumière opère, prenant le contre-pied de ce que nous enseigne la fausse.

 

 

 

CHAP. II.

 

Lumières et ténèbres des Anges bons et mauvais.

 

Les Ténèbres de la nuit de la foi précèdent le jour de la vie nouvelle. De la séparation de la lumière d’avec les Ténèbres. C’est là, la séparation des bons Anges d’avec les mauvais. La Chute de ceux-ci consiste dans le regard tourné sur eux-mêmes. Il faut se détourner de soi, ne regarder que Dieu seul, et cheminer en sa présence. Par là nous nous unissons de nouveau à Dieu, et nous devenons des Créatures nouvelles.

 

v. 5. Dieu nomma la lumière jour, et les ténèbres nuit, ainsi fut le soir, ainsi fut le matin, qui fut le premier jour.

 

1.

 

Ainsi ta lumière, ô mon Dieu, est seule le jour ! C’est le vrai jour, où l’on voit tout au juste comme il est ! Que nous n’en ayons désormais point d’autre ! C’est toi-même, ô mon Dieu, qui es le jour de notre âme ! Tu es notre soleil ! Ô que nous demeurions en toi sans plus jamais en sortir ! Toute autre demeure est étrangère ! En toi, oui en toi seul fais nous demeurer et habiter éternellement, comme dans la nouvelle Jérusalem qui n’a point besoin de la lumière du soleil ni des astres, toi même es le grand jour de l’Éternité.

2. Les Ténèbres sont la nuit de la foi, par laquelle il faut avoir été passé pour parvenir au grand jour ; c’est aussi où nous devons reposer, lorsqu’il ne plaît pas au grand soleil d’éclairer distinctement notre horizon, il faut cesser et reposer dans cette nuit. Le soir et la nuit doit précéder le matin : la lumière et le jour de notre vie propre doit être sur son déclin et finir, ce qui est marqué par le soir : et la nuit de la foi, la mort entière à nous même, au vieil homme tout entier, doit être soufferte dans toute son obscurité et sa longueur, avant que le matin, le beau jour de la vie nouvelle, se lève et commence à paraître. Voilà pourquoi il n’est pas dit : ainsi fut le matin, et ainsi fut le soir, qui fut le premier jour, comme il serait plus propre de dire, puisque du matin au soir fait un jour ; mais au contraire, ainsi fut le soir, premièrement, et ainsi fut le matin. Sans le soir de la vie propre, et sans l’entre-deux de la nuit ou mort, il ne se fait point de vrai jour ; mais où ceci devance, le jour de la vie nouvelle et Divine suivra infailliblement : car Dieu n’attend pour créer des merveilles que le néant. Ô qu’il t’en coûte bien davantage, pour ainsi dire, ô mon Dieu ! de réduire à néant l’être étranger que la propriété a produit, et qui est un obstacle invincible à ta création ; il t’en coûte, dis-je, bien infiniment davantage que de créer de rien tes merveilles ! Combien difficilement l’homme rebelle et propriétaire se laisse-t-il mener là, puisque les meilleurs qui passent pour spirituels ne veulent pas se laisser arracher cette vie propre, et par là ils te lient les mains, en sorte que tu ne peux créer d’eux une nouvelle créature.

3. Dieu créa donc les Cieux et la terre au commencement du monde. C’est ici où le monde a pris son commencement. Ô Seigneur, qui est semblable à vous ! Qui ne vous craindra et n’honorera un si grand Dieu ! Mon Dieu, je frémis de penser que nous ayons osé nous rebeller contre toi qui nous as formés, et créé toutes choses. Quelle audace ! Quelle perfidie ! Ô le comble de la folie ! Ramenez-nous, Seigneur, ramenez-nous ! Fais luire la clarté de ta face sur nous, et nous serons délivrés : notre seul bien et seul vrai être est d’être sous ta dépendance, puisque tu nous as formés. Pouvait-il être autrement que, en nous séparant de toi, en secouant ton joug, nous tombons dans tous les maux qui nous sont arrivés ? C’est une merveille de ta grâce et de ton amour qu’ils ne soient pas mille fois pires et sans ressource !

4. Mais, dira-t-on, d’où viennent le jour et la nuit que Dieu sépara, puisqu’il n’y avait point encore de Soleil créé, qui fait notre jour naturel par sa présence, et la nuit se forme de son ombre ou absence ? J’écris ce qui m’en est donné à connaître, chacun est libre d’en croire ce qu’il lui plaira. Ce jour n’est autre que Dieu même, et tous les Anges, et les Esprits bienheureux qui forment le jour de l’Éternité.

5. Dieu sépara les ténèbres d’avec la lumière. Les mauvais Anges et Satan qui était déjà tombé avec ses légions, Dieu les sépara des bons, et les nomma avec leur demeure et Être propre où ils sont tombés, nuit. Oui, bien nuit affreuse et épouvantable où ils tombèrent ! Ainsi donc les bons Anges sont dans la lumière Divine, et cette lumière est le jour, comme elle est ainsi nommée en plusieurs endroits de l’Écriture sainte : St. Paul dit vous êtes tous des enfants de lumière, et des enfants de jour : nous ne sommes point de la nuit, ni des ténèbres (1 Thess. 5, 5). Les Enfants de Dieu sont toujours nommés Enfants de lumière, et les autres Enfants de ténèbres ; leur demeure sont les ténèbres de dehors, dit notre Seigneur, ce sont donc ces ténèbres-là dont il est parlé ici.

6. Et voilà pourquoi aussi, comme il est marqué ci-dessus, il n’est pas dit ainsi fut le matin et le soir pour marquer le premier jour, mais ainsi fut le soir et le matin. C’est de ce matin-là du premier jour dont l’Éternel parle à Job (chap. 38, 7) : Quand les Étoiles du matin se réjouissaient ensemble, et que les Enfants de Dieu chantaient en Triomphe. Ce sont ces Esprits Angéliques qui forment ce chant, et se réjouissent, donnant gloire à Dieu de ce qu’il a fait cette séparation de la lumière d’avec les Ténèbres, dont le mélange faisait auparavant le Chaos effroyable. La chute de Lucifer et de ses Anges causent de la souffrance et de la peine aux Esprits bienheureux. Ils se réjouissent et donnent gloire à Dieu, par le Chant de Triomphe, de la Victoire qu’il a remportée sur ces Esprits rebelles qui voulaient employer leur puissance à les entraîner dans leur chute : c’est ce dont Dieu les affranchit en les séparant d’eux ; il sépara la lumière d’avec les ténèbres. Ceci fut le premier cri de joie et chant de Triomphe de la Victoire de notre Dieu, remportée par son Christ, sa parole Éternelle, sur les Esprits qui ayant été créés et favorisés de Dieu comme nous d’une volonté libre, pour n’être pas des esclaves et soumis nécessairement à leur Créateur, mais des créatures libres qui aiment et sont soumises de franche volonté à leur Créateur, et participent par cette noblesse, en quelque sorte, à son Être libre, qui peut faire un choix.

7. Dieu avait donc donné à tous ces Esprits angéliques, aux plus grands comme aux moindres, cette libre volonté, en les créant, et un temps de choix, s’ils voulaient aimer, obéir et être soumis à leur Dieu et Créateur librement, ou si en se regardant eux-mêmes, dans la gloire, Majesté et beauté dans laquelle Dieu les avait créés, ils se voulaient complaire en eux-mêmes, s’attribuer leur force, gloire et beauté, s’en rendre propriétaires, et en voulaient jouir et l’employer selon leur volonté. C’est ce que les mauvais Anges firent, et ce qui fut leur chute : ayant détourné leurs yeux de Dieu, pour se regarder et complaire en eux-mêmes, duquel regard provient la complaisance, et de celle-ci le désir de l’ambition d’être son propre maître indépendant, se flattant d’être avec ces qualités Angéliques suffisants pour être Dieu soi-même. Voilà la chute qui change en un moment toutes ces qualités admirables, dans les plus effroyables ; et qui des plus beaux anges fait les plus affreux Démons ; car ayant toute leur beauté de Dieu, en s’en détournant, ils la perdent nécessairement.

8. Ce temps d’épreuve ou de choix fut de l’espace de quarante jours, après lequel, s’ils avaient gardé leur origine, ou persisté dans la volonté de demeurer soumis à leur Créateur librement et par un libre choix, ils auraient été confirmés dans cette dépendance volontaire de leur Créateur ; ce qui est arrivé aux bons Anges, qui n’ont plus été dans le danger de tomber puis après, ne pouvant plus se regarder pour se complaire en eux-mêmes, mais Dieu seul fait l’objet de leurs regards et de leur complaisance, et par conséquent de leur amour.

9. Voici donc le mal et le péché dans sa source : se regarder, se complaire, s’aimer hors de Dieu ; de là naissent l’appropriation, l’ambition, l’avarice, ou de vouloir être à soi et pour soi ; la Volupté, prendre son plaisir en soi, et se complaire en soi ; tous les vices et péchés sont les fruits de ces racines, ce que chacun peut facilement connaître. Le détour de son regard de Dieu seul bon et aimable en lui-même en est la cause. De là vient que de retourner à le regarder lui seul est la réunion à lui, le rétablissement de l’homme dans son État saint et innocent : L’a-t-on regardé, on en est tout illuminé (Ps. 34, 6 ; 36, 10). On sort par ce regard des Ténèbres, que le regard de soi-même produit, et l’on rentre dans la lumière.

10. Ce regard est la vraie contemplation, dont les Mystiques parlent tant, entendue de ceux-là seuls, lesquels Dieu favorise de ce regard, dans lequel seul ils ont tout, et où tout leur est donné, sans chercher ni vouloir autre chose. Ô sainte Marie, vous saviez bien ce secret ! C’est pourquoi vous vous teniez aux pieds de la resplendeur de la gloire du Père, assavoir aux pieds de Jésus, le regardiez attentivement, l’écoutant, sans faire autre chose ; il vous loue de votre sainte oisiveté, et dit (Luc 10, 42) : Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée. Ô présence de mon Dieu ! qui pourra concevoir et comprendre les avantages inexprimables que vous apportez aux âmes qui vous pratiquent ? Vous êtes la pratique des pratiques, quiconque vous observe trouve en vous seule le but et la fin de toutes les pratiques, de vous naît tout bien, et par vous se perd tout mal, car aucun mal ne peut subsister en la présence de Dieu.

11. Ô mes chers frères ! Pourquoi vous arrêtez-vous dans la multitude de vos voies, et ne dites jamais : Soyons en repos ? (Isa. 57, 10.) Regardons celui qui nous regarde sans cesse (Ps. 42) car son regard est la délivrance même ; oui, si vous le regardez en foi comme présent qu’il est ; il n’en faut pas davantage que ce regard du cœur pour rompre la force des plus fortes tentations qui vous attaquent ; vous l’expérimenterez tout autrement qu’on ne le saurait dire, si vous vous appliquez à marcher en la présence de Dieu, faisant tout ce que vous avez à faire sous ses yeux en simplicité enfantine ; il vous fera bientôt sentir dans votre cœur la vertu efficace de cette présence sainte ; il vous comblera de grâce et se fera connaître à vous ; c’est ce qu’il recommande au St Patriarche Abraham : Marche devant ma face, lui dit Dieu, car comme de l’oubli et du détour de Dieu vient tout mal, et que plus cet oubli est grand, plus l’homme s’égare ; de même, plus son souvenir et son regard est fréquent, et enfin continuel, plus il apporte de bien. C’est la pratique simple et unique nécessaire, quiconque l’observe avec assiduité n’a pas besoin d’autre chose. C’est la prière continuelle, et qui change toutes les actions de notre vie en prière, puisqu’en faisant par amour pour Dieu ce que nous faisons ; croyant Dieu présent bien plus que si nous le voyons par les yeux du corps, comme il l’est en effet davantage, et qui pénètre jusqu’au fond de notre cœur nos intentions les plus secrètes ; cette foi nous met en État de prière ; ce qui n’est autre chose que la tendance du cœur vers Dieu, mais cette matière se présentant dans un autre endroit, je n’en dis pas davantage ici et reprend la matière commencée.

12. Les Ténèbres étaient sur le dessus de l’abîme. Que veut dire cela autre chose sinon que les Anges tombés dans leur propre Être produisirent par cette chute l’abîme de néant de mal sur lequel ils se tiennent, ayant quitté les Trônes magnifiques où Dieu les avait placés. Ô ténèbres épouvantables et affreuses ! vous étant détournés de l’abîme de bien où vous étiez comme engloutis et cachés à vous-mêmes, dans la clarté de Dieu même, vous tombez nécessairement dans l’abîme de mal et de ténèbres : si vous vous étiez ignorés vous-mêmes, n’ayant des yeux et des cœurs que pour regarder et aimer ce Dieu immense en beauté et en gloire, vous auriez en peu été confirmés dans sa beauté et dans sa gloire, oui dans lui-même, et vous n’en auriez plus pu déchoir ; vous en auriez été revêtus avec surabondance, et votre grandeur et beauté aurait resplendi avec un surcroît d’éclat ; vous ne l’auriez pas vue ni possédée en vous-même à la vérité, mais en Dieu où elle est, et duquel seul elle vient, infiniment plus excellente que vous n’auriez pu le faire en vous-même, quand même cette prétention ne vous en avait pas causé la perte.

13. Voilà donc pourquoi la présence de Dieu, ou de regarder Dieu intérieurement apporte tout bien, car elle nous empêche le propre regard, qui est la source de tout mal, et nous ramène enfin à l’union Divine. Comment cela peut-il être autrement ? Lorsqu’on expose une matière aux rayons ardents du soleil qui sont rassemblés, il l’échauffe et enfin l’enflamme et la consume, et nous, pourrions-nous nous exposer sans cesse aux rayons de ce soleil de justice sans être échauffés du feu de l’amour Divin, et enfin ne consumera-t-il pas tout notre être propre pour nous donner de nouveau le sien, en nous rendant de nouvelles créatures ? Il le fera sans doute. C’est ce que témoignent ceux qui ont été rendus participants de cette grâce.

 

 

 

CHAP. III.

 

Premier et second jour de la Création.

 

Des Eaux de la grâce. De la partie supérieure et de la partie inférieure de l’âme. L’Étendue est le Ciel où les Étoiles sont placées. Des quatre Tempéraments ou Complexions.

 

v. 6. Puis Dieu dit, qu’il y ait une Étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux.

v. 7. Dieu donc fit l’Étendue, et sépara les eaux qui sont au-dessous de l’Étendue d’avec celles qui sont au-dessus de l’Étendue : et ainsi fut.

v. 8. Et Dieu nomma l’Étendue Cieux.

 

1.

 

Quelles sont les Eaux qui sont au-dessus de l’Étendue ou des Cieux ? autre que l’abondance des grâces de Dieu qu’il multiplie sans cesse comme une mer dans laquelle tous les Esprits bienheureux sont comme submergés ; où ils nagent, pour ainsi dire, et qui se répand en abondance par leurs canaux sur nous, pauvres humains, s’insinuant dans nos cœurs. Car ce ne peuvent être des eaux matérielles, étant au-dessus de l’Étendue ou des Cieux, qui sont nommés ici comme le lieu qui sépare les eaux qui sont au-dessus d’avec celles qui sont au-dessous.

2. Dieu fait cette séparation le second jour de la création du monde spirituel dans l’âme, il sépare les eaux d’enhaut d’avec celles d’enbas ; les grâces qu’il communique à l’Esprit (qu’il a créé de nouveau dans l’homme, lequel est l’homme nouveau) d’avec celles qui se répandent sur l’âme ou l’homme naturel, dans ou sur les sens, d’une manière sensible. Cette séparation est très distincte, et se distingue fort bien par ceux qui l’expérimentent ; ayant goûté des eaux d’enhaut ils ont désormais du dégoût pour celles d’enbas, dont ils ne peuvent et ne veulent plus s’abreuver, quoiqu’elles aient avant cette séparation fait leur nourriture ; elles sont à présent trop grossières et matérielles, trop sensuelles pour pouvoir rassasier ou servir de nourriture à leur Esprit, qui n’en peut avoir d’autre qui lui soit convenable que Dieu-même, étant d’une même nature que lui.

3. Qu’est-ce donc que l’Étendue ou Cieux dans ce sens ici, autre que l’entendement, où la raison réside, où les astres sont placés ; car il est manifeste que cette partie de l’homme reçoit les influences des astres, de là vient que selon que les hommes en ont de bonnes ou de mauvaises, selon la qualité, l’abondance ou le peu qu’ils en reçoivent, selon cela est la capacité de leur Esprit naturel.

4. Les Eaux d’enbas sont la partie où les passions résident, d’amour, de haine, de volupté, etc., et selon qu’elles ont des objets plus innocents ou plus criminels, selon cela dominent-elles l’homme ; mais quelque innocents que soient ces objets qui les possèdent, si ce n’est pas Dieu seul, l’homme est dans le déchet séparé de Dieu et hors de l’état de grâce, qui bannit de toutes nos affections tout ce qui n’est pas Dieu.

 

v. 9. Puis Dieu dit : que les eaux qui sont au-dessous des Cieux soient rassemblées en un lieu, et que le sec paraisse, et ainsi fut.

v. 10. Et Dieu nomma le sec, Terre : il nomma aussi l’amas des eaux, mers : et Dieu vit que cela était bon.

 

5. Voilà ce qui compose le tempérament dans l’homme composé des Éléments, de l’Eau, de la terre, du feu, et de l’air ; comme il est assez connu que ce qui prédomine de ces quatre fait l’homme flegmatique, mélancolique, colère, ou sanguin ; lesquelles complexions ont de là leurs passions dominantes, de voluptueux, d’avares, de colères, et volages, l’une desquelles domine presque dans tous les hommes, qui sont dans leur état naturel, sous l’esclavage de ces tyrans, dont ils sont dominés ; s’étant retirés de la domination légitime de leur Créateur. Quelque raisonnable, sage, et bien réglé qu’un homme soit dans la nature, si on l’observe de près, l’on trouvera sans faute, qu’il est dominé, pour le moins, de l’un de ces Tyrans, qui sont ceux pourtant qui résident dans la partie la plus basse et grossière de l’homme ; ayant leurs opérations par les sens corporels : Tout cela était bon dans l’ordre Divin, l’esprit étant soumis à Dieu, l’entendement et la raison à l’Esprit, et les sens à la raison ; mais l’homme a été entièrement renversé par sa rébellion.

6. Il en est tout de même des hommes spirituels, ou qui se piquent de l’être, mais dont l’Esprit n’est pas encore séparé de l’appétit des sens intérieurs. Examinez leurs pratiques de dévotion et leurs vertus, elles sont infectées des passions ci-dessus marquées, quoiqu’elles aient la spiritualité pour objet, et elles sont d’autant plus dangereuses que l’on ne se défie pas qu’il y ait rien en ces bonnes choses à quoi on puisse s’attacher d’une manière désordonnée, et qui nous empêche de parvenir à la réunion de notre Créateur, qui nous attire sans cesse, dans laquelle réunion nous trouvons l’usage de toutes les vertus dans la source pure, sans qu’elles soient plus gâtées par le venin de notre corruption naturelle, Dieu étant redevenu la vie de notre âme, et l’homme étant tout entier remis dans l’ordre de la création.

 

v. 11. Puis Dieu dit, que la terre pousse son jet, savoir de l’herbe portant semence, et des arbres fruitiers, portant du fruit selon leur espèce, qui aient leur semence en eux-mêmes sur la terre, et ainsi fut.

v. 12. La terre donc produisit son jet, savoir de l’herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres portant du fruit, qui avaient leur semence en eux-mêmes, selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon.

v. 13. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin, ce fut le troisième jour.

 

7. Dieu ne laisse rien d’infructueux, ni dans la terre ni dans les Cieux ; sa nature est féconde, et il rend fécond tout ce qu’il fait dans la nature et dans la grâce : la terre porte son fruit selon sa qualité ; l’homme terrestre porte le sien, ce sont des herbes, et des fruits, qui réjouissent par leur odeur et couleur, comme par leur bon goût ; tout rend témoignage de la libéralité, et de la magnificence de celui qui l’a formé, savoir du Créateur. Et si ce que nous voyons de ces choses dans l’État présent, où toute la nature est sous la malédiction, nous le regardons néanmoins avec admiration, à cause des restes de bonté que Dieu y a conservés, et qui les rendent encore si belles, bonnes, agréables et utiles, qu’est-ce que ce devait être, lorsque tout était encore dans l’État d’innocence et de pureté où Dieu l’avait créé ? Tout était revêtu d’une beauté et bonté sans pareille, tout étant transparent, resplendissant, et d’un brillant merveilleux ! La terre aussi était de même, rien d’obscur, de pesant, d’incommode, ni de désagréable ne se trouvait dans toutes ces choses ; elles étaient d’une beauté infiniment plus grande que les brillants, l’or, et tout ce que nous avons de plus beau dans la nature, telle qu’elle est à présent.

8. Mais quels sont ces herbes et ces fruits dans le corps terrestre de l’homme, qui est le rassemblage et l’abrégé de tout l’Univers, si ce n’est les productions de ses sens, ses œuvres corporelles, qui sont les fruits de son Labeur de toutes espèces, selon que ses facultés en sont capables ? son travail, tout ce qu’il fait, et dans quoi il s’occupe dans ce monde terrestre, ce sont ses herbes et les fruits qu’il produit, et qui ont leur utilité, par lesquelles choses il honore et étale aux yeux la gloire, la beauté, et la bonté de son Créateur.

9. L’homme Astral ou raisonnable produit aussi ses fruits, qui sont les arts, les sciences, et tout ce que l’on admire, dans les gens d’un grand Esprit et génie.

10. L’homme spirituel produit aussi ses fruits qui sont les vertus Divines, les herbes qui sont les connaissances de même nature ; tout cela est admirable, et très bon ; il se manifeste et commence à paraître au troisième jour de la création du nouvel homme, et est précédé de la mort à toutes ces choses dans l’état de chute et de corruption marquée par le soir, et cesse dans la nuit, pour le recouvrer d’une manière infiniment plus excellente et dans la pureté Divine au troisième jour de la nouvelle vie, au grand étonnement et admiration de ceux à qui Dieu fait la grâce de l’expérimenter, et de parvenir à cet état dès cette vie.

 

 

 

CHAP. IV.

 

Influence des planètes : opérations des Esprits.

 

De l’homme astral. Des influences qu’ont les planètes sur les sens intérieurs. Du soleil. Du grand dommage qu’essuient ceux qui s’arrêtent dans le sentiment et dans la lumière des sens. Pourquoi l’ouïe se rapporte à la lune. Les bons et les mauvais Esprits se communiquent à l’imagination de l’homme par l’ouïe intérieure de l’homme Astral. De la nuit obscure de la foi. Un Éclaircissement que l’auteur a donné de bouche sur l’Esprit, l’âme, et le Corps.

 

v. 14. Puis Dieu dit, qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des Cieux, pour séparer la nuit d’avec le jour, et qui servent de signes et pour les saisons, et pour les jours, et pour les années.

v. 15. Et qui soient pour luminaires dans l’étendue des Cieux, afin de luire sur la terre, et ainsi fut :

v. 16. Dieu donc fit deux grands luminaires (le plus grand luminaire pour dominer sur le jour, et le moindre pour dominer sur la nuit), il fit aussi les étoiles. (17-19.)

 

1.

 

Voilà donc à présent le soleil, la Lune, et les Étoiles, qui sont formés et font le jour naturel, le distinguant d’avec la nuit, et les saisons. Ce sont de ces Corps là qu’est fait notre homme Astral ou, comme on dit communément, notre âme, de même que le Corps ou l’homme extérieur a été formé de la poudre de la terre. Ces Astres donc ont leur influence sur notre âme, comme en étant, pour ainsi dire, la mère ; toutes ses excellentes opérations tirent leur principe de là, et on ne connaît presque rien de plus noble ni de plus spirituel. En effet cette âme a des facultés fort spirituelles et très élevées, en comparaison de l’homme extérieur ; ses sens, que l’on nomme les sens intérieurs, sont bien plus subtils et se repaissent de nourriture bien plus spirituelle et délicate, en comparaison de quoi les sens extérieurs sont fort grossiers et animaux avec leurs opérations et ce qui les nourrit et recrée. L’entendement, la mémoire, et la volonté sont les trois nobles facultés qui sont fort élevées au-dessus des sens intérieurs, et tous ensemble sont de la dépendance de l’âme.

2. Les Planètes ont rapport et ont leurs influences sur les sens intérieurs ; Saturne sur le goût, Jupiter sur la vue, la Lune sur l’ouïe, Mercure sur la langue, Mars sur l’odorat, Vénus sur l’attouchement. Le soleil a son influence sur les trois nobles facultés : sur la volonté, sur l’entendement, et sur la mémoire, ayant en lui ces trois choses ; sa chaleur féconde se rapporte à la volonté, siège de l’amour ; la production de cet amour ou chaleur qui sont ses rayons se rapporte à la mémoire, par lesquels rayons toutes choses sont produites, et sa clarté se rapporte à l’entendement.

3. Ainsi le soleil est aussi une image de la Divinité, et nous découvre par ses trois différentes opérations en quelque manière le mystère de la très sainte Trinité ; sa chaleur se rapporte au Père, ses rayons à la Parole, et sa clarté au St. Esprit. Ô harmonie admirable de tout ce que mon Dieu a créé ! Que tu es magnifique, ô Seigneur, en toutes tes œuvres ! que nous t’adorions et louions sans cesse ! que notre unique occupation soit de t’aimer et de t’adorer, c’est pour cela que tu nous as créés, ô mon Dieu ! Ceci ne sont que de faibles crayons de ce qu’a fait ta sagesse, et quoique tu te sois peint partout et en tout, l’homme abruti n’y comprend rien et vit sans le savoir au milieu de tes merveilles.

4. Mais qui nous dépeindra les nobles facultés de notre âme, créée de la quintessence de ces astres merveilleux ? (Je nomme dans tout cet écrit l’âme, l’homme astral, pour le distinguer de l’Esprit, qui est l’homme Divin ou spirituel.) Ô Seigneur, je bégaye de tes merveilles comme un Enfant, pour donner gloire à ton nom ! C’est à toi à manifester ce que tu as formé et que le Diable a si fort gâté et défiguré par notre misérable chute, en sorte que nous nous sommes devenus méconnaissables et étrangers à nous-mêmes, encore bien plus à toi. Ô mon Dieu ! ramène-nous à toi, Seigneur, et nous nous reconnaîtrons aussi !

5. Je dirai, en passant, que je crois et trouve qu’il est conforme et se rapporte très bien à la majesté de Dieu, qui s’est peinte dans le soleil, qu’il demeure immobile dans son Centre ; comme Dieu qui est le Centre de toutes choses et met tous les autres Êtres en mouvement, il meut tout sans se mouvoir, comme il est dit dans un endroit : il entraîne par sa vertu et force toutes choses dans son tourbillon, et règle le mouvement qu’il leur donne comme aussi leur fécondité.

6. De même aussi dans l’âme, les trois puissances ici marquées dominent sur les sens internes, et doivent les gouverner dans l’ordre Divin : ainsi que dans l’homme extérieur, la raison doit dominer les sens, et un homme raisonnable est plus noble et plus dans l’ordre Divin qu’un homme sensuel ; celui qui se laisse conduire par la raison est mieux réglé que celui qui se conduit par l’appétit des sens. Aussi l’homme qui de charnel est devenu spirituel (je le nomme ici spirituel pour me faire entendre, je veux dire l’homme qui a passé par la première conversion 1, qui s’est arraché par là à l’esclavage des sens et de la raison corrompue de l’homme terrien, et qui suit dorénavant l’attrait de la volonté de son âme, qui s’est retournée vers Dieu ; c’est l’homme en cet état que je nomme ici spirituel, mais non pas l’homme Divin dont je ne fais pas mention ici), l’homme spirituel, dis-je, qui suit sa raison 2, est plus dans l’ordre Divin que celui qui suit l’inclination de ses sens intérieurs ; et ceci est de fort grande importance pour les personnes spirituelles, car, manque de connaître ceci, elles font mille faux pas et se trompent en bien des choses, prenant l’attrait que leur donnent leurs sens intérieurs pour l’attrait de Dieu, s’attachant aux choses où elles trouvent beaucoup de goût, s’y délectant, les recherchant dans les douceurs qu’elles nomment spirituelles, ce qui n’est d’ordinaire autre chose qu’une gourmandise spirituelle ; même dans la prière, et surtout en compagnie d’autres personnes où ces douceurs, sentiments vifs et ces lumières se communiquent et passent pour choses spirituelles et bonnes à qui ne s’y connaît pas. Elles sont bien, si l’on veut, permises et bonnes ; lorsqu’on ne s’y attache pas désordonnément, Dieu permet ces satisfactions, et en communique pendant le temps que nous ne sommes pas capables d’une nourriture plus spirituelle. Elles nous sont données pour nous détacher dans les commencements des satisfactions qui sont plus charnelles et grossières ; mais les âmes expérimentées dans les voies spirituelles nous avertissent avec raison de surpasser ces sensibilités pour marcher par la foi obscure et l’abandon à Dieu.

7. Ainsi ceux-là se font un grand dommage qui s’y arrêtent et les entretiennent, les cherchent, et se les communiquent les uns aux autres, ce qui est très nuisible ; pardonnable à des commençants qui le font par ignorance, mais très blâmable à ceux qui pour le temps devraient être maîtres. Cependant l’expérience nous montre dans nos jours que ce sont ces sensibilités auxquelles on s’attache beaucoup et dont on fait beaucoup de cas ; et la communication que l’on en fait aux autres passe pour quelque chose de fort spirituel ; si l’on fait plus, c’est par les puissances de l’âme, donnant quelque sentiment d’amour et quelque connaissance ; c’est par ces opérations du propre Esprit, ou des facultés de l’âme, que l’on travaille et opère dans les choses spirituelles : les mieux réglés et les plus expérimentés règlent tout ceci par la raison éclairée, mettant ordre, poids et mesure dans les sentiments et opérations des sens intérieurs : tout ceci peut avoir son usage et être accompagné de dons et grâces de Dieu qui s’y communiquent.

8. Mais remarquons que cela n’est pas encore (quelque beau et excellent qu’il paraisse), ce n’est pas, dis-je, Jésus, la parole Éternelle, qui vit et opère ici, le nouvel homme n’est pas encore ici, la nouvelle créature n’est pas encore formée. C’est pour cela que St. Paul dit, dans un endroit, aux fidèles auquel il écrit (1 Cor. 1, 7) : Il ne vous manque aucun don, attendant la manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Ils possédaient donc toutes sortes de dons et de vertus, mais N. S. Jésus Christ n’était pas encore manifesté en eux. Il faut auparavant qu’ils meurent aux belles et bonnes opérations et convoitises spirituelles, aux richesses, plaisirs et honneurs spirituels de l’âme, dans lesquels ils ont vécu avec grand applaudissement et éclat ; il faut, dis-je, qu’ils meurent à tout cela, pour que Jésus Christ se manifeste, devienne l’âme de leur âme, la vie de leur vie. C’est là l’homme spirituel ; et pour qu’il soit remis dans son droit, pour qu’il règne, il faut, dis-je, que l’homme meure à ces biens spirituels qu’il possède dans son âme, comme il est mort aux plaisirs charnels et à la vie qu’il avait dans les choses de la terre. C’est ici la deuxième conversion, et ce que dit Notre Seigneur : Qui perdra son âme la trouvera, et qui la voudra sauver la perdra (Luc 17, 33). C’est ici l’arrêt de presque toutes les personnes spirituelles, et ce qui fait qu’elles ne parviennent pas à la vraie vie Divine, à l’entière destruction du vieil homme, à l’établissement du nouveau.

 

*  *

 

9. Il me fut demandé quel rapport a la Lune avec l’ouïe ? Je trouve que de tous les sens l’ouïe est un des plus importants : car c’est celui par lequel la voix se communique, et qui reçoit tous les tons ; tous les esprits bons et mauvais se présentent à l’âme par là. Ainsi je trouve l’ouïe avoir beaucoup de rapport avec la Lune, qui, selon les objets qui se présentent à elle, lui causent son changement ; si c’est le soleil, elle est toute lumineuse de sa clarté, si la terre lui fait ombre, elle est toute obscure ; elle est en partie lumineuse et en partie obscure, selon l’ombre qu’elle reçoit, c’est ce qui lui cause un changement continuel. Il en arrive de même par l’ouïe : selon la voix qui se fait entendre, elle est ténèbre ou lumière ; si c’est une bonne voix, elle communique sa bonté ou sa lumière ; est-ce une mauvaise, elle communique ses ténèbres ; l’ouïe reçoit l’une et l’autre ; et de là vient une alternative continuelle. Combien de changement et de différentes voix ne se font pas entendre aux oreilles de l’âme. Il y en a autant que de tons différents qui retentissent aux oreilles du Corps ; car toutes les fantaisies continuelles et pensées bonnes et mauvaises qui sans cesse frappent les oreilles de notre âme, sans discontinuer, sont des voix et rien autre chose ; chaque Esprit se fait entendre et veut avoir audience, et voilà ce qui cause les continuelles pensées, quelles qu’elles soient ; elles se font entendre à ce sens intérieur, et c’est ce qui cause un changement continuel ; celles qui prennent la voix la plus douce et la plus apparente de vérité, nous les acceptons et en sommes souvent trompés. Cependant c’est par ce sens intérieur que Dieu a accès à notre âme d’une manière médiate, par le ministère des Anges, par lesquels il nous admoneste, nous parle intérieurement par pensée distincte, nous console, reprend, etc., comme les hommes le font extérieurement les uns aux autres, en faisant entendre leurs voix à nos oreilles.

10. C’est donc cet Astre qui éclaire la nuit par les rayons qu’il reçoit du soleil, ou que le soleil darde sur lui, par lesquels rayons il se communique comme voix ou parole. C’est pour cela que nous sommes si fort exhortés en tant d’endroits de l’Écriture sainte d’écouter ; car c’est par ce sens intérieur que nous recevons la lumière qui nous éclaire pendant la nuit ; cette nuit dure tout le temps que nous sommes encore en nous-même. C’est pourquoi St. Pierre dit aux Chrétiens déjà convertis (2 Pier. 1, 19) : Nous avons aussi la parole des Prophètes plus ferme, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une chandelle qui a éclairé dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour ait commencé à luire, et que l’Étoile du matin se soit levée dans vos cœurs.Voilà des Chrétiens convertis, auxquels l’Apôtre dit néanmoins que la parole des Prophètes luit dans eux comme dans un lieu encore obscur. Ainsi ils étaient encore dans la nuit, où ces Astres servent de lumière, jusqu’à ce que le jour vienne qui est Jésus Christ le grand soleil de Justice ; quand celui-là se lèvera dans vos cœurs, vous n’aurez plus besoin d’autre lumière qui vous éclaire ; car il apporte avec soi le jour Éternel qui n’a plus de nuit ; jusques là, c’est la Lune par sa clarté empruntée qui éclaire ; souvent elle reçoit une fausse clarté, qui trompe la pauvre âme qui la prend pour vraie.

11. Ô admirable emblème de tout ce qui se passe en l’homme ! Qui te comprendra ? Que celui qui l’expérimente. Ainsi, tant que Jésus Christ n’est pas révélé vivant et manifesté dans le cœur, nous sommes encore dans la nuit, quelque brillante qu’elle soit de la clarté que reçoit la Lune, et de mille étoiles qui éclairent cette belle nuit, en sorte que d’ordinaire on la prend pour un beau jour, parce qu’on ne connaît pas le jour Éternel ; le soleil ne s’étant pas encore manifesté, n’étant pas encore levé, il n’est pas connu ; l’on prend pour ce soleil-même la lumière qu’il fait luire par la réverbération de quelque autre Astre dans l’âme, et ce sont là les lumières médiates. Quand le soleil de Justice est levé, ayant rendu justice à Dieu par la restitution de tout ce que l’homme s’était approprié, et ayant par son feu consumé toute la propriété, et par là mis l’homme en état d’être le trône de Dieu, la demeure du Très Haut ; alors la Lune disparaît, elle est sous les pieds, la demeure de l’âme est la nouvelle Jérusalem, où il n’y a plus besoin de lumière de chandelle, il n’y a plus de nuit, l’Agneau est sa lumière. Séjour de paix, où il n’y a plus de changement de ténèbres et de lumière, où il n’y a plus de faux jour, tu es connu, ô heureux séjour, de celui-là seul qui t’habite !

 

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« Comme l’Auteur parle, dans le Chapitre précédent de l’Esprit, de l’Âme et du Corps, qu’il est parlé de cette même matière dans le traité des Discours Chrétiens, ou témoignage d’un Enfant, Ire Partie, IIe Discours, et supplément, Ier Discours, et que l’on a parlé de bouche sur ce sujet à l’auteur, l’on communique ici les avis que l’on a reçus de lui. »

12. L’Auteur me dit que notre Esprit naissait de Dieu et qu’il n’avait pas été créé ; car il est écrit (Gen. 2, 7) que Dieu avait soufflé dans les narines de l’homme une respiration de vie, et aux Actes des Apôtres (17, 29) que nous sommes de la race de Dieu, et St Pierre dit (2e Ép. 1, 4) que nous sommes faits participants de la Nature Divine. Mais que l’Esprit de Jésus Christ est toute la Divinité, et non né de Dieu, comme l’Esprit des Saints et des Anges, mais Dieu lui-même : Car il est dit (Col. 2, 9) : toute la plénitude de la Divinité habite corporellement en lui.

13. Qu’il y a trois hommes dans l’homme, et qu’outre cela, l’homme est encore enveloppé comme d’un vêtement grossier : premièrement, l’Esprit ou l’homme Divin ou spirituel né de Dieu, lequel devait être le Roi et le Maître de tous les autres hommes dans l’homme ; celui-ci, les hommes l’ont perdu par la chute, mais leur est rendu après la nuit obscure de la foi ; et qu’il est conçu dans le Centre de l’âme comme dans la matrice, savoir lorsque l’homme regarde continuellement à Dieu et vit ainsi dans la Contemplation en la présence de Dieu ; qu’alors la Parole Éternelle était conçue par le St. Esprit dans le Centre comme dans la matrice, et qu’ainsi naît l’Esprit ou le nouvel homme Divin.

14. Que le Centre de l’âme est la partie la plus noble dans l’homme, et quelque chose de Divin que Dieu a conservé dans l’homme après sa chute ; que c’est une capacité qui a son siège dans la volonté, et par laquelle l’homme peut recevoir le bien qui lui est présenté.

15. Que le second Homme est l’homme Astral, formé de la quintessence des Astres, lequel consiste dans un corps le plus subtil que l’on pût s’imaginer, que ce Corps a une vie qui est proprement l’âme, dans laquelle l’entendement, la mémoire et la volonté, comme aussi la raison, a son siège.

16. Que le troisième homme est formé de la quintessence des Éléments, non des Éléments grossiers de cette terre, mais des Éléments de la nouvelle terre glorifiée, telle qu’elle était avant la chute d’Adam, et telle que Dieu la recréera de nouveau à l’avènement de Jésus Christ en gloire ; que ce corps glorieux a aussi une vie avec tous les sens, etc.

17. Que le vêtement grossier qui environne ces trois hommes est le corps grossier et matériel semblable à cette terre, comme nous l’avons à présent, le voyons et le touchons, et que ce corps là a aussi sa vie, etc.

18. Que l’homme quand il meurt ne perd que la couverture ou l’étui, savoir le Corps grossier matériel et charnel avec sa vie et ses sens, que le Corps élémentaire, mais subtil, repose dans la poussière du corps grossier, jusqu’à la résurrection universelle : quant au Corps Astral avec sa vie, c’est à dire l’âme avec toutes ses facultés, elle demeure dans tout son être, savoir dans la béatitude pour les saints, ou dans la douleur et les tourments pour les âmes dans la purification, ou dans les peines de l’Enfer pour les damnés ; mais pour ce qui concerne l’Esprit ou l’homme Divin, il paraît clairement, par ce qui a été dit, que ceux qui l’ont à leur mort temporelle le gardent aussi, et cet homme Divin ou spirituel les transmet dans la félicité. Qu’il y a aussi des Saints dans le Ciel qui ont déjà leurs corps Élémentaires glorieux, comme par Exemple les saints qui sortirent de leurs Tombeaux à la mort de Jésus Christ et apparurent à plusieurs (Matth. 27, 52).

19. Que pour ce qui regarde les Diables, ils ont leurs corps Astral avec leur vie ou leur âme, mais que l’Esprit, ou ce qu’ils avaient de Divin, leur a été ôté à leur chute.

20. L’Auteur dit encore que l’homme astral est d’une agilité et d’une activité incroyable, qu’il peut se transporter dans tous les endroits de la Terre et des Astres, tout aussi vite que la pensée. Et que pour fixer et lier cette Créature si active et agile, Dieu l’a renfermée dans ce corps charnel, grossier et élémentaire, comme dans une prison, afin d’occuper son activité par le travail et lui apprendre à avoir son œil intérieur toujours dirigé vers Dieu, jusqu’à ce que, l’activité étant peu à peu domptée, l’âme puisse être ramenée dans son origine en Dieu.

21. Ceux donc qui négligent ce temps d’épreuve sur cette Terre, ou qui n’en profitent pas comme il faut, et qui à leur mort Temporelle se trouvent encore dans leur activité ; à ceux-là, il sera infiniment plus difficile et douloureux de mourir à cette activité ; parce qu’elle doit nécessairement s’augmenter infiniment à leur mort, par laquelle mort leur prison est détruite ; et cela fait que le feu de leur purification leur devient une peine et une douleur insupportable, comme tous les mystiques l’ont décrit.

 

 

 

CHAP. V.

 

Les Étoiles sont les demeures des Anges.

 

Les Étoiles sont les demeures des Anges, les Diables en sont déchus. Les bons Anges ont été affermis dans le bien. De l’homme nouveau et du Centre de l’âme. Où il faut chercher Dieu. Caractère des vrais Messagers de Dieu : ils n’attirent pas l’homme dans le sensible, ils le renvoient à Jésus Christ. Explication du passage d’Ésaïe Chap. 14, 12-15.

 

v. 16. Il est dit que Dieu créa aussi les Étoiles.

 

1.

 

Quelles sont donc ces millions d’Étoiles innombrables qui font l’admiration de notre vue par leur brillante clarté, nombre, beauté, et éloignement, qui ornent la voûte des Cieux avec tant de majesté et de magnificence ! Ces étoiles dont Dieu dit à Job (38, 7) qu’elles s’égayaient ensemble et louaient Dieu. Des Étoiles s’égayer ensemble, que veut dire cela ? Il faut donc qu’elles ne soient pas de simples Astres ou créatures inanimées ? Je crois que cet endroit marque qu’elles sont les Domiciles ou demeures des Anges bienheureux. Et je le crois très assurément ; cet endroit de Job le marque aussi bien que plusieurs autres de la sainte Écriture, où les Anges sont nommés Étoiles (Apoc. 8, 10, et 9, 1). Et que les Anges y ont leurs Domiciles, St. Jude (v. 6) le montre disant : les Anges qui n’ont point gardé leur origine, mais ont délaissé leur Domicile. Ce sont donc ces Étoiles fixes qui sont les demeures magnifiques de ces Esprits bienheureux, dont les mauvais Anges furent précipités, et leur place ne fut plus trouvée. Le Dragon entraîne la troisième partie des Étoiles du Ciel (Apoc. 12). Il est clair que ce sont les Anges qui l’ont suivi dans sa chute qui sont ici aussi nommés Étoiles. Ce sont donc les corps glorieux et magnifiques qui les environnent avec tant de majesté, ceux qui ont persisté dans la dépendance de Dieu, ceux-là ont été fixés et confirmés dans leur état glorieux ; ils sont devenus inébranlables, fixes dans le bien. Ils n’en peuvent plus déchoir, leur demeure est affermie et stable, quoique leur état soit tout libre et volontaire.

2. Ô Magnificence glorieuse de mon Dieu ! Je me réjouis des œuvres de tes mains (Ps. 104, 33) : Je bénirai le Seigneur durant ma vie, et Psalmodierai à mon Dieu, tant que je serai en Être. Ces paroles sont véritables et certaines. Il a plu à Dieu de le manifester pour la gloire de son grand Nom, pour nous inciter à l’aimer, à l’adorer, à nous soumettre à lui ; sa libéralité et sa bonté étant si surabondante dans ces derniers temps envers nous, pauvres humains, qu’il révèle les secrets jusques ici cachés et enveloppés ; il les manifeste, car son temps est près. Il visite les hommes avec tant d’amour que de leur présenter non seulement en abondance tout ce qu’il leur est nécessaire pour leur montrer le chemin qui les ramène à lui plus clairement qu’il n’a encore fait, mais il leur donne par surcroît l’intelligence des choses qui à la vérité sont marquées dans l’Écriture sainte, mais d’une manière cachée et peu comprise jusqu’à présent. Il le manifeste à qui il lui plaît, aux Enfants ignorants afin qu’il en ait seul toute la gloire, comme elle lui appartient à lui seul ; et que l’homme vain et orgueilleux ne puisse s’en rien attribuer, lui qui présume tout de sa science et sagesse acquise, qui n’est que folie devant Dieu.

3. Ces Étoiles fixes marquent aussi admirablement bien l’état de l’âme renouvelée en Jésus Christ, qui est devenue en lui une nouvelle Créature. Elle est (savoir l’homme spirituel) élevée au-dessus de toute vicissitude et changement ; aucun de ceux qui arrivent dans la partie basse ou astrale ne l’altère plus, et quoique celle-ci les sente, qu’elle souffre patiemment l’alternative de jour et de nuit, l’homme spirituel demeure immobile et fixe ; rien de tout cela ne l’atteint, il a sa demeure dans ce ciel toujours serein de la Divinité. Car c’est le propre de cet homme spirituel ou Divin d’être invariable et inaccessible ; c’est la demeure du Très Haut, rien ne peut l’atteindre.

4. C’est dans ces lieux bienheureux que Dieu attire bientôt l’âme qui s’abandonne à lui ; il lui donne un instinct secret et profond dans son Centre, qui est fort séparé de ses sens intérieurs et de tout ce qui s’y présente et fait sentir. Ô si les âmes étaient fidèles à suivre sans scrupule cet instinct secret qui est l’opération de l’attrait de Dieu-même, qu’il les conduirait bientôt en ce lieu bienheureux, où elles seraient à l’abri des atteintes du Diable et de tous leurs Ennemis ! Mon Dieu qui attires les âmes si puissamment à toi dans ce temps heureux, apprends-leur toi-même ce secret ; qu’elles ne prennent plus le change, qu’elles apprennent à entendre ta voix et ne suivent plus celle des étrangers. Mais ayant écrit 3 ailleurs plus amplement de ceci, je ne m’y arrête pas davantage.

5. L’on ne doit pas croire que ce que j’écris ici de l’opération ou influence qu’ont les planètes et de leurs qualités, par rapport à l’homme, soit une vaine curiosité ou stérile spéculation. Ce n’est qu’afin de mettre plus clairement au jour de quel esprit la plus part des spirituels d’aujourd’hui sont poussés ; lesquels croient et font croire aux autres que c’est de l’Esprit de Dieu, quoique cela ne soit point ; quand même ils se le persuadent eux-mêmes, à cause des dons extraordinaires qu’ils possèdent, et des grâces, joies et ferveurs sensibles qui leur sont communiquées, qui peuvent bien avoir leur prix ; mais étant mélangées avec leur propriété, elles font peu de fruit, et beaucoup moins qu’elles ne le font paraître et espérer à cause de leur éclat et de l’approbation que reçoivent ces personnes après lesquelles l’on court en foule parce qu’elles émeuvent les sens intérieurs ; mais c’est le fond du cœur qui doit être touché pour que l’on produise des fruits véritables et que la conversion soit solide ; et c’est où ces personnes ne peuvent atteindre, n’étant elles-mêmes pas parvenues dans ce lieu très saint : mais l’opération des âmes qui sont dans le centre, qui est ce sanctuaire, est infiniment plus profonde et intime que celle des autres, quoiqu’elle soit moins sensible.

6. Comme donc, surtout dans ce temps ici, il y en a plusieurs qui s’élèvent avec leurs grands talents et dons, viennent au nom du Seigneur, et disent qu’ils travaillent à établir son règne, il est de grande importance d’éprouver les esprits s’ils sont de Dieu, s’ils opèrent par Dieu et en Dieu même : car ceci est le vrai caractère de ceux que Dieu envoie et qu’il a préparés lui-même pour travailler aux âmes : ce qu’ils opèrent dans les cœurs se fait sentir comme étant l’opération de Dieu immédiate, étant faite par l’Esprit de Dieu même, et sur le fond de l’âme, déterminant la volonté sans tant s’épancher sur les sens, qui n’ont souvent par ces sortes d’opérations intimes que sécheresse et aridité ; au lieu que les autres touchent les sens très sensiblement, mais le plus souvent ces touches si éclatantes, ces torrents de larmes, ces feux de Zèle, ces ferveurs et les résolutions qui sont prises dans ce temps-là, de quitter ses attachements, sa volonté propre, ses inclinations mauvaises, sont suivies de peu d’effet ; quand la touche est passée, tout est oublié, ou peu de temps après tout s’évanouit. C’est pourquoi une conversion sèche sans tant de tendresses sensibles est d’ordinaire plus solide.

7. Et comme en ces derniers temps, plusieurs, comme j’ai dit, viendront au nom de Christ, avec beaucoup d’extraordinaire et d’éclatant, fissent-ils même des miracles et des signes, comme notre Seigneur nous l’a prédit dans l’Évangile (Matth. 24), voulant nous persuader que le Règne de Jésus Christ vient ici ou là, au dehors, en tel lieu, par telle forme, ou en telle société, le croyant eux-mêmes ainsi, et y travaillant pour l’avancer de toute leur force ; il est nécessaire par précaution que les bonnes âmes sachent fort nécessaire d’être sur leurs gardes sur ces choses, et de ne pas croire ni suivre à la légère ; l’homme étant trop porté à croire facilement ce qui frappe ses sens, qui sont pourtant fort trompeurs, et je crois que c’est en cela que consiste le grand danger de séduction de nos temps, desquels notre Seigneur avertit (Matth. 24, 24) que s’il était possible les Élus mêmes seraient séduits, par la force, l’éclat, et la belle apparence de bonté de ce que ces personnes avanceront ; par lesquelles choses, accompagnées de signes extraordinaires, tous ceux seront trompés qui n’ont que leurs sens intérieurs et leur raison éclairée pour juger de ces choses et des Esprits qui les opèrent et proposent.

8. Mais ceux qui s’enfonceront dans leur fond, où est le germe du nouvel homme ; ceux qui en jugeront par l’instinct de vie Divine que ce germe saint donne déjà dans le fond du cœur, lui donnant l’inclination Divine de rejeter ou d’accepter ce qui est présenté sans raisonner et sans s’amuser à l’effet que ces choses produisent sur les sens intérieurs, ceux-là sont en état et en bonne disposition pour n’être pas séduits par les Esprits les plus subtils ; parce que ce n’est pas eux qui les éprouvent par leur propre Esprit, qui n’en est pas capable, mais c’est Dieu en eux qui le fait ; c’est le germe du nouvel homme qui incline le cœur à accepter ce qui est de Dieu comme s’unissant à lui par la sympathie qui se trouve entre les choses de même nature, et qui rejette ce qui n’en est pas, quelque apparence qu’il en prenne. Ce goût, cet instinct Divin ne peut être trompé. Ô Chères âmes, remarquez bien ceci, et vous aurez une voie sûre, et serez toujours à couvert des tromperies subtiles de l’ennemi rusé, qui se transforme en ange de lumière.

9. C’est donc par cette porte intime du Centre de l’âme que le bon Berger entre et fait entendre sa voix par l’instinct marqué ci-dessus : et ceux qui sont avec Jésus Christ les bons Bergers font de même ; tous ceux qui entrent par ailleurs ne sont pas tels ; ceux qui entrent par les sens, autrement que pour enseigner aux âmes à aller dans le fond de leur intérieur, pour apprendre à connaître et à suivre la voix du bon et vrai Berger, sans plus s’amuser à prêter l’oreille à une autre voix, pas même à ceux qui les ont enseignés ; ceux, dis-je, qui enseignent par les sens, et n’ont pas ce désintéressement et seul désir d’attirer les âmes, non à eux, mais de les envoyer à Christ, sont dangereux et il faut s’en garder et bien observer de ne pas quitter le bon Berger (ayant connu le lieu de sa demeure, ce qui suffit en tout et pour tout) pour suivre ceux qui nous appellent à eux par l’attouchement des sens intérieurs et extérieurs. Il faut se souvenir de cette admonition de notre cher Sauveur (Luc 17, 20-21) : Le Règne de Dieu ne viendra point avec apparence, l’on ne dira point, il est ici ou il est là, voici il est en vous ; lorsqu’on dira Christ est ici ou il est là, ne le croyez point, il est au désert, n’y allez point.

10. Ô Seigneur, attire-nous-en nous-mêmes profondément ! Attire là tous les tiens, et qu’ils apprennent à connaître ta voix, ils fuiront alors celles des étrangers ! Seigneur, fais-le, les temps le requièrent, tu le feras, Amen ! Tu enseigneras ton peuple toi-même, ô Divin et seul Docteur.

11. Comment es-tu tombée des Cieux, Étoile du matin, fille de l’aube du jour ? Toi qui foulais les nations, tu es abattue jusques en terre. Tu disais en ton cœur : Je monterai aux Cieux, je lèverai mon trône au-dessus des Étoiles du Dieu fort, je serai assis en la montagne d’assignation, aux côtés d’aquilon, je monterai au-dessus des hauts lieux des nuées ; je serai semblable au Souverain. Et cependant on t’a fait descendre au sépulcre au fond de la fosse(Ésaïe 14, 12-15).

12. Quoique le sens de ces paroles et la connexion du Discours du Prophète s’entende du Roi de Babylone, cependant il marque très clairement ce que j’en écris, et l’on les peut appliquer d’autant mieux ainsi, parce que ces paroles ne conviennent point du tout au Roi de Babylone.

13. Le Prophète entend par le Roi de Babylone, Lucifer, lequel est dans la vérité le Roi de toute confusion, ce qui est signifié souvent dans toute l’Écriture Sainte par Babylone. Ainsi il est représenté ici très naïvement ce que Lucifer voulait faire, (savoir) il voulait élever son trône par-dessus les Étoiles du Dieu fort. Ce qui montre bien que ces Étoiles sont les demeures des Esprits bien heureux : Je serai assis sur la montagne d’assignation : qu’est-ce que cette montagne autre que la montagne de Sion ? Là où la Cour de notre grand Dieu s’assemble, je serai (ou me ferai) semblable au Très Haut. Qui est-ce bien qui a porté jusques là l’ambition de son propre honneur, si ce n’est Lucifer ? Et cependant on t’a fait descendre au sépulcre au fond de la fosse. Cette fosse est l’abîme. Comment es-tu tombée des Cieux, Étoile du matin, fille de l’aube du jour ! Ceci prouve que Lucifer avait aussi sa place parmi ces demeures magnifiques des étoiles, desquelles il a été chassé par son orgueil, et a été précipité dans les Enfers. Tu as été mené dans la fosse (ou dans l’Enfer selon la version de Luther), dans la terre, dans le sépulcre. Ceci prouve suffisamment ce que j’ai dit, que l’Enfer est au Centre de la terre ; duquel centre le Diable, avec tous les Esprits qui sont tombés avec lui, répandent sur la terre et dans l’air leurs mauvaises influences et rôdent en tout lieu.

 

Le 16 Septembre 1735.

 

 

 

CHAP. VI.

 

Le Centre est l’Asile contre les Esprits séducteurs.

 

Les temps d’à présent sont dangereux, le Diable s’oppose à la naissance de Jésus Christ dans l’âme : mourir à tout ce qui n’est pas Dieu : Les Esprits sont de même nature que l’âme, et opèrent sur elle : Les mauvais Esprits cherchent à nous faire tomber par le sensitif : le sensitif est dangereux : Les séductions des Esprits Astrals sont très dangereuses dans nos temps : Jésus Christ nous en avertit. Caractère des esprits séducteurs. Ils empêchent d’entrer dans le fond de l’âme : La manière dont les Anges prient, la Région des Astres est fort corrompue par la malignité ; Asile assuré dans le fond de l’âme, contre les mauvais Esprits : Contre les séducteurs et les dangers des derniers temps, selon St. Matthieu 24. Du Règne de Dieu : Le lieu de l’asile est dans le fond intérieur : Jérusalem est le lieu où s’assembleront les enfants de Dieu : L’état de lumière est sujet à beaucoup de tentations de la part des mauvais esprits : La foi obscure en garantit.

 

1.

 

C’est toi seul, ô mon Dieu, qui peux te manifester et faire comprendre aux hommes tous ensevelis dans les sens les choses spirituelles. C’est toi seul qui peux donner des paroles pour les expliquer de manière qu’ils les puissent comprendre, mon cœur est rempli de désir de leur décrire ce que tu m’en fais connaître, pour leur servir de garde et d’avertissement dans ces temps dangereux, afin qu’ils ne se laissent pas séduire par l’artifice de Satan, qui est jeté en terre et a une grande fureur pour persécuter et séduire ceux qui sont de la semence de la femme (Apoc. 12), ne pouvant atteindre ni à la femme ni à son enfant, il veut séduire ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus Christ en eux, qui sont de volonté droite et qui sont désireux de parvenir à la grâce que l’Enfant Jésus naisse en eux. Ce sont pour ceux-là que mon âme s’intéresse, ce sont ceux-là qui ont besoin d’aide et d’avertissements contre les séductions de ces derniers temps, qui sont plus subtils et sous plus belle apparence de bien qu’elles n’ont jamais été ; parce que nous sommes à la fin des temps et que tu veux, ô mon Dieu (Joël 2), répandre ton Esprit sur toute chair, tu veux le répandre en plus grande mesure que jamais il n’a encore été répandu.

2. Ô Seigneur, garde tes petits qui sont droits de cœur et enfantins ; qui désirent la petitesse, qui ne sont point amateurs d’eux-mêmes, qui désirent que tu règnes seul dans les cœurs et que toute autre Domination en soit bannie : Satan se déguise en Ange de Lumière pour les séduire, pour les arrêter, pour les empêcher de ne pas suivre le pur attrait de ton Esprit en eux, qui témoigne de Jésus Christ, qu’il veut se manifester en eux : ils gardent tes commandements, et cette fidélité doit être récompensée de la manifestation de Jésus Christ en eux ; s’ils suivent l’instinct de leur fond qui est son témoignage qu’il est là et veut y naître et se manifester. C’est ce que Satan craint, que cet Enfant naisse en eux, et à quoi il cherche de faire diversion de toutes ses forces ; car pour toute l’apparence de bien opéré par l’homme en grand éclat, il la procure volontiers, pourvu que par là il puisse empêcher l’apparition et la naissance de N. S. Jésus Christ qui lui brise la tête et le chasse de l’âme entièrement. C’est cette place forte qu’il craint d’abandonner et s’efforce de se maintenir autant qu’il peut. Mais, Seigneur, tu connais ses artifices et l’extermineras par la force de ton pur amour ! Michel, ce Prince de l’amour pur, le chassera du Ciel de l’âme ; sa place ne sera plus trouvée, et tu régneras seul Seigneur paisiblement dans tous les tiens, tu établiras et affermiras ton Règne en eux, Amen ! Oui, Seigneur, tu l’as promis, et il y va de ta gloire, c’est elle seule à laquelle tu nous as dévoués, c’est elle seule qui est notre Reine et Souveraine. Que nous adorions, couchés en terre dans la poussière dans le néant, le Seigneur notre Dieu qui a fait les Cieux, la terre et la mer, les abîmes et toutes les Créatures qui sont en elles, Amen ! oui, Amen !

3. Mon Seigneur que j’adore, manifeste-toi dans tes saints qui adhèrent à toi seul ! Fais-leur connaître ta voix douce, tendre et délicate ! Sépare leur volonté du tumulte des sens ! Montre-leur comment ils les trompent par leurs faux attraits et douceurs, par leurs fausses lueurs, par leur sensualité, qu’ils croient être spirituelles ! Fais-leur avoir le goût délicat et capable des choses de l’Esprit ! Tu ne peux te communiquer qu’à l’Esprit, mon Dieu, étant Esprit de même nature ; car chaque chose se communique et s’unit à son semblable, parce que tout ce qui n’est pas pur Esprit ne peut avoir ta communication : (Jean 4, 23-24) Dieu est Esprit, ceux qui l’adorent doivent l’adorer en Esprit et en Vérité : Dieu veut de tels Adorateurs à présent ; il faut pour cela qu’ils meurent et renoncent à toute adoration inférieure à celle-ci, qui seule atteint jusqu’à lui, car il ne souffre point de mélange, il est la pureté même ; il est un feu dévorant qui consume tout ce qui est de la Créature. (Exod. 33, 20) Nul ne peut voir le Seigneur et vivre, il faut donc mourir pour le voir. Ne vous étonnez donc pas si je ne parle que de mort, même aux meilleures choses, opérées par la Créature et reçues en sa capacité. Oui, fût-ce les plus excellentes grâces, car elles sont toutes, non l’esprit de Dieu, mais elles sont de la nature de l’âme, savoir Astrales, et sont communiquées par les créatures de même nature : ce qu’elles ont et communiquent de bon est bien de Dieu, mais ce n’est pas Dieu même. Voilà pourquoi, ces dons étant reçus dans l’âme qui n’est pas encore purifiée, il faut y mourir et s’en laisser dépouiller quand l’attrait du fond y invite ; afin de devenir esprit, d’apprendre par la mort à connaître l’esprit et à vivre de l’Esprit de Dieu même, et non plus des sens intérieurs, non plus que de la raison.

4. (Jean 6) C’est là que l’on mange et que l’on vit de la chair de Jésus Christ qui donne la vie. C’est cette viande spirituelle et céleste qui doit être notre nourriture. C’est elle seule qui est propre à l’esprit, il n’en peut point prendre d’autre. Ô Seigneur ! donne-nous toujours cette viande, ce pain du Ciel, ô mon Dieu ! Que plus jamais d’autre nourriture ne soit plus pour nous, car qui l’a goûtée, comment serait-il possible d’en prendre d’autre ? Que nous mourrions plutôt, ô mon Dieu ! Oui, que cette nourriture de toi-même ne produise que la mort entière. Vis, Seigneur, toi seul, de ta vie, et accomplis le désir que cette viande opère en nous, qui n’est autre que de mourir, oui, mourir totalement, afin que toi seul qui es la vie vive seul et uniquement en nous.

5. Mon Seigneur et mon Dieu, j’ai un grand désir de décrire autant qu’il te plaira et de dépeindre les esprits qui habitent les airs, qui ont leurs influences des astres et opèrent si puissamment sur nous, d’une manière si extraordinaire et merveilleuse qu’elle fait l’admiration et l’étonnement de tous ceux qui ne te connaissent pas : tout ce que j’en ai encore écrit ne me satisfait pas, il ne me semble pas assez clair ; si tu le veux, tu le peux, je te le remets entièrement : non point à nous, non point à nous, mais à ton nom donne gloire, auquel seul elle appartient et demeure Éternellement : je veux adorer et me tenir dans la poudre, donnant gloire à mon Dieu par mon ignorance et mon rien, sois tout, Seigneur, sois tout uniquement !

6. Nous avons dit, au 4e chapitre, que notre âme a été formée de la quintessence des Astres, ou Planètes, comme notre corps de celle de la terre, et cela est très véritable : les Anges ont aussi reçu des âmes ou des corps astrals de la même nature et un Esprit Divin, comme l’homme ; ils ne diffèrent de l’homme qu’à l’égard du corps ou de l’homme terrestre, qu’ils n’ont point ; ainsi ils s’unissent et se communiquent à notre âme, qui est de même nature que la leur ; car pour la communication de l’Esprit, elle est purement Divine et ne peut s’opérer qu’en Dieu même, et ainsi elle est censée immédiate de Dieu ; n’étant capable d’être reçue que de ceux dans lesquels Christ est ressuscité ou né derechef : l’homme est mort à cette noble partie de lui-même par sa chute. Ainsi, dans cet état de chute, il n’est capable que des communications qui se font à son âme, à ses sens intérieurs et ses autres facultés, dans lesquelles les Esprits opèrent : ceux auxquels l’homme prête l’oreille et donne sa volonté ont le dessus ; si ce sont les bons, ils l’attirent au bien ; si ce sont les mauvais, ils l’attirent au mal et au péché. Si donc l’homme est déterminé à ne plus suivre les attraits des mauvais Esprits, mais uniquement des bons ; les mauvais, pour ne perdre pas leur Domaine, se travestissent en Anges de lumière, contrefont les Opérations et la voix des bons Anges, pour séduire l’âme de bonne volonté ; et ils le peuvent d’autant plus facilement qu’ils se mélangent avec la chair et le sang, et les inclinations corrompues et habituées au péché et au mal, dans quoi les bons Anges ne peuvent point se mélanger, étant dans une entière pureté.

7. De là vient que l’on voit, dans les âmes converties et réveillées par la touche des sens, que les mauvais esprits contrefont ces touches sensibles, et par là se mélangent avec la nature corrompue, corrompent ces attouchements, et d’une manière subtile entraînent souvent sous belle apparence ces âmes dans les appétits sensuels, dans des attaches charnelles, tout cela sous bon prétexte et ayant la piété pour but ; oui, ils ont souvent entraîné en des chutes grossières plusieurs de ceux qui se sont attachés à ces touches.

8. Voilà pourquoi telles âmes retombent facilement dans les plaisirs et satisfactions sensuelles et charnelles ; parce que ces attouchements d’onction de grâce sensible ne peuvent jamais mortifier et faire mourir entièrement les affections charnelles. Ils les couvrent et les cachent bien pour un temps, sous l’abondance des douceurs qui inondent les sens intérieurs ; mais ils aiguisent et raffinent plutôt les appétits que de les faire mourir, ce que l’expérience montre assez : car, en vérité, les communications qui se font ainsi par les bons esprits de Dieu ne sont ni si sensibles ni si véhémentes que celles qui viennent des autres Esprits. Les bons Esprits ne nous les donnent qu’à regret et en sèvrent l’âme autant que sa faiblesse le permet pour la porter à entrer dans la foi obscure, lui apprendre à connaître l’attrait du fond, qui est fort séparé de tout ce sensible ; et la mettre par là à l’abri des séductions auxquelles cette voie des sens intérieurs est continuellement exposée.

9. Mais l’homme, aimant extrêmement tout ce qu’il voit, sent, comprend, opère, distingue, goûte, touche ; et surtout par ses sens intérieurs, qui sont infiniment plus délicats que les extérieurs, et par conséquent plus voluptueux et dangereux ; il a une peine infinie à se laisser détacher de ces choses ; encore plus de sa raison devenue de même bien plus subtile et raffinée, et que l’on nomme alors raison éclairée.

10. De là vient que les hommes qui, avant leur conversion, étaient fort adonnés à suivre leurs sens, sont aussi après fort attachés à ces grâces sensibles ou voluptés (que je nomme astrales et non spirituelles, car elles ne le sont pas assurément), et que ceux qui étaient forts dans la raison le sont aussi dans cet état, et avec un peu de grâce ils discernent bien le manque ou le faible et le défaut des premiers qui sont adonnés aux sens intérieurs et se laissent conduire et pousser par leurs appétits et touches ; c’est de quoi ceux qui sont dans la raison savent bien juger, quoique souvent ils n’aient pas tant de grâce que ceux qui sont dans les sens.

11. Le malheur est que les âmes qui ne veulent pas passer plus avant, ces voluptés leur venant à être ôtées (comme elles ne peuvent pas les garder sans péril et sans qu’elles se corrompent entièrement), elles ont recours à la raison, redeviennent terrestres et se conduisent par la prudence humaine, qui est raffinée par la lumière qu’ils ont reçue : et connaissant l’insuffisance et le manque ou faible des sensibilités, qui ne peuvent opérer une vraie régénération et changement réel, et n’entrant pas dans l’obscurité et mort nécessaire pour y parvenir, ils redeviennent hommes raisonnables et inaccessibles aux touches des sens intérieurs, qu’ils méprisent ; peu à peu ils déchoient de plus en plus à l’intérieur et ont bien de la peine à y revenir.

12. Au lieu que si les autres se servent de ces touches, non pour s’y délecter et arrêter, mais passant outre, et se donnant à Dieu de volonté au-dessus de tout cela, alors l’attrait du fond prend peu à peu le dessus en eux et les mène plus loin.

13. Je dis donc que les séductions des Esprits astrals seront infinies dans ces temps ici, par leurs subtilités sous belle apparence : ceux qui sont dans la raison ont une apparence, un ordre, un art de convaincre et de démontrer ce qu’ils proposent d’une manière admirable, accompagnée de la touche qu’ils communiquent aux sens intérieurs ; ils ne pourront être reconnus pour faux que des âmes véritablement intérieures, qui suivent simplement l’attrait du fond, sans s’amuser aux raisonnements et conviction de l’entendement que ces Esprits (soit hommes vivants encore corporellement ou esprits) leur peuvent représenter, qui leur font sentir leurs opérations et communications dans leur âme ; mais ne s’arrêtant ni aux raisons ni aux sentiments dans les sens intérieurs, quels qu’ils soient, agréables ou désagréables, condamnant ou approuvant, flatteurs ou rebutants, mais suivant simplement l’attrait du fond ; ils seront à l’abri de toute séduction, car elles seront grandes.

14. Ces Esprits astrals peuvent, par les grandes connaissances et sympathies magiques des astres, faire des miracles en apparence, prophétiser et faire d’autres merveilles. Voilà pourquoi N. Seigneur nous avertit si fort que dans ces temps, qui sont assurément venus, s’il était possible, les Élus mêmes seraient séduits (Matth. 24). Il dit : ils feront des miracles, des prodiges, prophétiseront, et remarquez bien leur caractère 4 : car ils ne peuvent souffrir que l’on entre dans son fond, ils ne connaissent point cet attrait du fond, qui nous sépare et dégoûte de toute chose et nous attire fortement à Dieu seul ; nous détache de tout le sensible pour nous rendre capables d’être réunis à Dieu. Ils rendent suspecte cette voie ou cet attrait ; ils veulent lier à leurs règles sociétés et cérémonies, et s’attacher fortement les uns aux autres : mais à quoi bon cela ? Nous sommes liés à Dieu, laissons-nous dominer de son Esprit, il nous liera et unira par lui-même les uns aux autres : mais, mes chers frères, croyez qu’avec toute cette belle apparence de travailler à l’établissement du règne de Jésus Christ, en établissant formes, règles, pratiques, et faisant des liaisons, tout cela, dis-je, n’est que l’artifice de Satan, qui par ces belles choses nous veut amuser et empêcher de parvenir au but, qui est que Jésus Christ soit manifesté en vous, et que vous n’appreniez jamais, par votre propre expérience, à connaître la voix de Jésus Christ dans votre fond, mais demeuriez toujours en vous-mêmes et ne deveniez jamais un même Esprit avec Dieu. Il faut donc devenir incrédule, immobile, inflexible et dur comme un rocher, sourd et aveugle, dans ce temps ici, et n’avoir toutes les qualités opposées qu’envers Dieu, qui se manifestera infailliblement bientôt à l’âme dans son fond, si elle suit uniquement l’instinct et l’attrait de ce fond ; car après avoir un peu souffert des doutes, tentations, et épreuves qui lui surviendront de la part de ces Esprits et du sien propre, elle se verra à l’impourvu élevée et enlevée à leurs atteintes, comme les étoiles fixes sont élevées et hors d’atteinte des influences des Planètes et des vents et orages ; et alors l’on verra clair toute leur affaire.

15. Mon Dieu, qui pourrait croire ces choses si tu n’en avais donné l’expérience ? et que ton amour et ta bonté est grande de nous avertir du danger où nous sommes dans ces temps, et de la nécessité (Ps. 31, 21 ; Apoc. 12, 10-12) de se retirer vers toi dans la cachette de ta face. Malheur aux habitants de la terre et des Astres 5 :car le Diable est descendu vers vous avec fureur, sachant qu’il a peu de temps ! Réjouissez-vous, habitants du Ciel, du sanctuaire, âmes qui habitez dans votre fond ; car il en est rejeté, il n’y peut atteindre ! C’est le tabernacle du Très Haut, prions Dieu, mes chers frères, qu’il nous donne l’entrée de ce sanctuaire très saint.

16. Une personne très éclairée 6 dit que si nous voulons être élevés à la prière continuelle et à la manière dont les Anges contemplent (ce qui lui avait été montré par l’expérience que Dieu lui en avait fait faire.), il ne fallait admettre aucune pensée, ni bonne ni mauvaise, que c’est là la parfaite contemplation et que les Anges contemplent ainsi et n’ont point de pensées. Voilà le fait et comment nous voyons que les Anges prient ou contemplent, non par pensées consécutives et distinctes, mais demeurant élevés au-dessus de la Région où ces pensées se forment, savoir de la partie astrale ; ils sont fixes en la présence du Seigneur, dans le Ciel serein où est leur demeure, adorant et contemplant là comme de purs esprits, dégagés de toutes formes et espèces (Jean 4, 24). C’est là l’adoration en Esprit, qui unit à Dieu et peut seule atteindre à lui ; vous entrerez, dit cette même personne, dans un pays tout nouveau, oui vraiment tout nouveau et inconnu à tous ceux qui habitent encore la Région des astres ; là vous êtes à l’abri de leur atteinte et influence maligne.

17. Dieu se hâte de faire sortir les siens de cette Région qui de plus en plus se corrompt par la malice des hommes et des Diables : plus les hommes se corrompent et s’éloignent de Dieu, et plus cette corruption s’étend sur cette Région que l’homme entraîne après lui avec toutes les Créatures qui sont moindres que lui. Et plus elles sont ainsi corrompues, et plus les malins Esprits y ont de pouvoir pour y exercer leur malignité.

18. Voilà pourquoi Dieu se hâte d’arracher les siens hors de cette Sodome et Égypte spirituelle, et leur retranche toute la nourriture et la douceur qu’ils goûtaient et recevaient là et de là. Nous voyons, par les exemples de plusieurs Saints, qu’ils ont reçu beaucoup de grâces et de communications dans leurs âmes, médiatement par l’entremise des sens et puissances de l’âme ou de l’homme Astral, et de si grandes qu’ils ont souvent été en extase, ont eu des visions d’Anges et de plusieurs autres choses merveilleuses, surtout dans leur commencement ; ils témoignent presque tous que, dans la suite, ces choses extraordinaires se sont perdues, ce qui fait voir leur imperfection, et que dès qu’ils ont été capables d’une communication plus spirituelle, Dieu leur a retranché celle-là ; et ils avertissent tous que l’on ne doit pas s’y arrêter, mais surpasser tout cela, si l’on veut éviter les tromperies de Satan, qui y a un grand accès ; ils veulent qu’on entre, selon l’attrait du fond, dans la foi obscure, qui conduit à cet état fixe, serein, universel, et exempt des atteintes de l’ennemi.

19. Dieu y attirera les siens de plus en plus, et bientôt il leur enseignera ce chemin ; les élevant d’abord, ou les enfonçant dans leur fond, par cet instinct secret qu’ils seront poussés et inclinés à suivre, et ils échapperont par là aux assauts du Diable, de leur propre esprit et de mille autres Esprits et hommes qui leur voudraient faire prendre le change pour les tirer de ce chemin court et sûr, qui conduit à l’unité, pour les entortiller dans la multiplicité.

20. C’est par là que le Seigneur abrégera les jours mauvais dont il a prédit qu’ils seraient si terribles (Matth. 24) que s’il était possible les Élus seraient séduits ; il les conduira dans cette Région de l’Esprit, comme en un sûr asile contre tous les maux et tentations subtiles qui se répandront sur la partie Astrale : comme il est dit (Matth. 24, 29 ; Marc 13, 24-25) que le soleil ne donnera point sa lumière, la Lune non plus et les Étoiles tomberont du Ciel, les vertus des Cieux seront ébranlées. Voilà qui marque comment tous ceux qui auront leur demeure, ou leur force, leur vertu, et leur lumière dans et par ces Astres, tomberont et seront ébranlés : puisque le bon, qui y était encore, en sera ôté, ce qui est marqué par l’obscurcissement ; et que les faux signes et prodiges qui se feront par les faux Prophètes seront faits par les vertus malignes et séductrices de ces Astres et des Esprits qui y habitent ; (v. 17) celui donc qui est sur le toit de la maison n’en doit point descendre, dit notre Seigneur, celui que Dieu a élevé à la Région de l’Esprit, comme le plus haut de la maison, y demeure, il est là en sûreté ; le Diable et les hommes font leur efforts pour engager à descendre les âmes qui sont assez heureuses pour y être parvenues, et cela sous mille spécieux prétextes de charité, d’aider le prochain, ainsi que les vierges folles, qui voulaient aussi engager les vierges sages à leur donner de leur huile pour les arrêter en chemin, afin qu’elles ne vinssent pas à temps pour entrer dans la salle de l’Époux.

21. C’est une matière si importante dans le temps où nous sommes, qu’il faut que j’en témoigne et exhorte toutes les âmes à qui Dieu découvre cet attrait du fond de le suivre avec fidélité et de donner congé pour cela à la raison éclairée, aux sens intérieurs, à toute lumière distincte, pour suivre cet instinct obscur, indistinct, innominable, mais qui se fait assez sentir, et n’est étouffé, obscurci, et embrouillé que par le raisonnement, la vue propre ou le regard sur soi-même : mais qui est fortifié et croît lorsque nous ne regardons que Dieu seul, en foi, confiance et simplicité enfantine. Cet instinct nous apporte la paix, le calme, une certaine aisance et bien-être profond ; indistinct, à la vérité, et qui ne peut être atteint, goûté ni compris par les sens et par la raison, ne leur donne point de satisfaction ni d’assurance ; qui sont choses auxquelles il faut mourir, pour se laisser à Dieu, s’abandonnant en amour pur et confiance enfantine entre ses bras, et à la conduite de sa sage et bonne Providence.

22. Oui, dira-t-on, cela est bien, si je savais que c’est Dieu auquel je me délaisse ; je crains de me tromper et que c’est l’ennemi ou moi-même auquel je m’abandonne, à mon naturel paresseux et commode, qui ne veut pas travailler ni agir activement : j’ai tout contre moi, tous condamnent mon procédé, bons et mauvais, ils ne le peuvent comprendre, il est trop abstrait ; mille passages de l’Écriture Sainte me condamnent aussi, et moi-même je ne puis faire autrement. Notre Seigneur dit : Là où est le corps mort, là s’assembleront les Aigles (Matth. 24, 28). Ô Aigles de mon Dieu, qu’êtes-vous autres que ces âmes généreuses et courageuses qui, par leur vol rapide et fort, s’élèvent au-dessus de toutes les Régions pour atteindre la Divinité, qui se trouve où est ce corps mort ; il est mort pour les sens et pour la raison, pour tout le sensible ; mais plein de la vie de l’esprit : aussi ceux (ces Aigles) qui veulent en faire leur nourriture doivent mourir à tout cela comme il y est mort aussi, ce Divin Sauveur.

23. Ô Aigles magnanimes, ne vous laissez point arrêter dans votre vol rapide ; volez jusques dans votre soleil, regardez-le sans cesse, laissez-vous consumer par ses rayons ardents qui, changeant votre être propre et grossier, vous consumera en lui et vous y recevra pour n’en plus sortir : nul ne vous y atteindra, car les Aigles seules trouvent cette route et vous y suivront pour s’y perdre aussi et se consumer en Dieu par le feu de son Divin amour.

24. L’Apôtre St Paul dit aussi : (Rom. 14) Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie par le St. Esprit. C’est ce que vous expérimenterez en suivant cet attrait du fond : il vous montrera avec son obscurité apparente l’injustice qui est en vous, par l’usurpation que votre amour propre a faite en s’appropriant ce qui appartient à Dieu, et les plus subtils larcins dont l’amour propre se nourrit, comme un larron continuellement des meilleures choses : il vous donnera une paix profonde dans l’expérience de votre plus profonde misère, qui fera qu’elle ne vous découragera pas, mais vous fera dépendre de vous-même, peu à peu, vous portera à vous haïr pour aimer Dieu seul et vous confier en lui seul ; cet attrait, en le suivant, vous donnera aussi une joie profonde, non sensible, et évaporée, mais solide, qui communique un vrai contentement, une mort à tous désirs, pour ne vouloir reposer que dans la volonté de Dieu et s’unir à cette volonté, dans lequel état tranquille et solide vous serez de plus en plus affermis : et cet amour de Dieu, vous détachant de vous-même, vous inclinera aussi selon son bon plaisir, sans sortir de son union, à servir et aider le prochain, par son Esprit et poussé par ses mouvements, suivant qu’il vous y appelle et selon la vocation et les occasions qu’il vous en fournira : cela se fera sans empressement ni recherche de votre part ; votre unique affaire étant de demeurer attaché et attentif à Dieu dans votre fond, à fixer vos yeux vers lui et sur lui, en foi obscure, comme l’aigle les fixe sur le Soleil : (Rom. 14) C’est là le Royaume de Dieu, qui n’est point viande ni breuvage, choix multipliés des choses qui nourrissent les sens et les appétits sensuels.

25. Il est très remarquable que N. S. Jésus Christ, lorsqu’il parle au Ch. 24 de St Matthieu, des jugements qui se répandront sur le monde, dont il est parlé ci-dessus, après avoir averti de ne pas croire ni aller voir, lorsqu’on dira : Christ est ici ou il est là, il dit : 28, Là où sera le Corps mort, là s’assembleront aussi les aigles : comme, donc, ce lieu est le centre de l’âme, comme il est dit ci-dessus, où elles s’assemblent, ceci me fait croire que c’est aussi le lieu de retraite et l’Asile où les Enfants de Dieu seront reçus et rassemblés, et à couvert des jugements, dans le temps qu’ils se déploieront le plus fort : comme notre Sauveur le décrit dans cet endroit.

26. Il est certain que quiconque y a entrée est en parfaite sûreté et ne se mettra guère en peine de ce qui pourra donner atteinte à ce corps dont nous sommes revêtus par et pour nos péchés ; il le laissera souffrir ce que Dieu permettra lui arriver ; car la souffrance et la mort est son gage ; il suffit d’avoir trouvé l’Asile assuré où aucun mal ne peut atteindre ; heureux sont ceux qui ont entrée dans ce Saint lieu ! C’est la Jérusalem Céleste ; en vérité on ne désire point d’autre retraite ni d’autre lieu quand on a trouvé celui-là.

27. Je ne sais si l’on ne prend pas trop matériellement et à la lettre les promesses et paroles médiates que Dieu a communiquées à plusieurs saintes âmes sur cette matière, et qui ont attendu avec plusieurs bonnes âmes qui s’attendent encore à avoir un lieu assigné où Dieu assemblera les siens, dans le temps des derniers fléaux qui sont ici marqués devoir submerger le monde 7. Je ne nie pas que cela puisse être, et que Dieu leur préparera alors un Asile ; mais je ne sais si on peut fort s’y assurer : je ne vois rien de cela dans ce que Notre Seigneur dit ici dans ce Chap. 24 de St Matthieu, et cet endroit du Corps mort, et que j’ai cité, où s’assembleront les Aigles, est le seul lieu qu’il assigne : cela me fait croire que c’est cette demeure spirituelle, cette retraite hors de tout le muable et Astral, que notre Seigneur nous assigne et qu’il a voulu aussi donner à entendre par des paroles intérieures aux âmes auxquelles il a fait mention d’un lieu d’Asile. Car ici toutes les âmes sont assemblées véritablement et réellement en Dieu, où elles ont leur demeure et sont unies : remarquez que notre Seigneur, immédiatement dans les versets qui précédent celui-ci, avertit contre les faux Christs et Prophètes, et contre ce qu’on dira : il est ici ou là, dans un lieu extérieur, de ne le pas croire, et puis il montre, aux âmes qui sont capables de l’entendre, cet endroit d’Asile, par ces paroles : où sera le corps mort, etc.

28. J’avoue que ceci me paraît très remarquable et digne que l’on y fasse attention dans ces temps ici, où chacun s’attend d’être à la veille de grands évènements et où les âmes de bonne volonté sont au guet pour savoir où leur retraite doit être, pour être à l’abri des fléaux qui menacent le monde : prenons bien garde de ne prendre pas le change en écoutant trop les voix qui frappent nos sens et flattent notre raison : cherchons en Dieu notre refuge, soyons attentifs à lui, laissons-lui plein pouvoir sur nous, pour nous détacher de toutes les créatures et de nous-mêmes par un renoncement total à tout ; et nous entrerons dans la retraite du Très Haut, où aucun ennemi ne peut entrer ni aucun mal nous atteindre ; et s’il vient un temps dans lequel nous vivions encore sur cette terre étrangère où il faille fuir, l’endroit nous sera montré dans ce sanctuaire Divin où nous habitons déjà auparavant ; et non par les sens et voix qui frappent nos oreilles, voix qui sont la plus part séductrices et en ont déjà trompé plusieurs qui ont attendu vainement ce que nous pouvons posséder en effet et réellement, en entrant dans le renoncement entier, et dont l’extérieur, au cas que nous en vissions l’accomplissement, ne serait que la figure.

29. Cette matière nous donne aussi occasion de dire pourquoi les âmes qui ont de grandes lumières médiates, visions, paroles distinctes et autres choses extraordinaires, lesquelles, comme il a été dit, sont toutes reçues dans l’âme ou l’homme astral, ces personnes sont ordinairement aussi exposées à des tentations Diaboliques, ou qui leur sont suggérées par les Esprits malins, d’une manière qu’ils distinguent fort bien que ces tentations leur viennent de ces Esprits, qui leur font beaucoup de violence et les exercent souvent cruellement, comme il est aussi arrivé à St Paul (2 Cor. 12), qui avait un Ange de Satan qui le souffletait à cause de l’excellence des révélations : comme ces révélations distinctes sont médiates, données par les Anges, et reçues dans l’âme, il faut que les malins Esprits, qui ont aussi entrée là, exercent les âmes qui sont ainsi conduites par lumières distinctes. Les âmes qui sont au contraire conduites dans la foi obscure, par l’instinct du fond, surpassent toutes ces lumières distinctes sans s’y arrêter ; mais s’attachent à l’inconnu de Dieu, en foi obscure et indistincte ; elles ne sont pas non plus exercées par les tentations de cette nature, mais bien par celles qui leur paraissent venir uniquement de leur nature corrompue et de leur sensualité, qui les exercent fort longtemps et humilient beaucoup, oui, les anéantissent bien plus que les autres tentations violentes. Comme Mad. Guyon traite amplement dans ses Discours spirituels de ces deux sortes d’épreuves, j’y renvoie. 1re Partie 13, Discours, et 2me Partie 19, Discours.

 

 

 

CHAP. VII.

 

L’innocence du nouvel homme.

 

La Loi domine dans la Région Astrale. Cette Région est mélangée de bien et de mal. À présent elle est très corrompue. Les dangers où sont ceux qui n’en veulent pas sortir. L’homme nouveau est garanti de ce mal. Bonheur de la vie innocente et enfantine, dans la Régénération par l’abandon total. Il est impossible au vieil homme d’accomplir la loi. Le nouvel homme l’accomplit volontairement.

 

1.

 

Pour luire sur la terre, sur la partie terrestre de l’homme, car pour l’homme spirituel Dieu lui-même est sa lumière et son soleil, il n’en a pas besoin et il est au-dessus de la Région où sont ces Astres. C’est la Jérusalem Céleste décrite dans l’Apocalypse (Ch. 21).

2. L’Esprit par lequel la loi a été donnée (ayant été donnée par le ministère des Anges, Actes 7, 53) est cet Esprit qui a son domaine dans les Astres. C’est lui qui fait tous les bons règlements, lois, et ordres, parmi les hommes, pour les tenir en bonne discipline ; pour mettre un frein au mal, et pour soutenir le bien. Ainsi cette Région est composée du bien et du mal, qui y combattent sans cesse l’un contre l’autre : le bien tient le mal en bride, le supprime, lorsqu’il a le dessus, mais il n’est pas suffisant pour l’exterminer.

3. Voilà pourquoi St Paul dit (Hébr. 7, 19) que la loi n’amène rien à la perfection : il n’y a que l’Esprit de Jésus Christ qui extermine le mal et l’arrache entièrement. En se donnant à Jésus Christ, se délaissant et s’abandonnant à lui, il extermine le vieil Adam en nous, qui est la vie du mal, et forme le nouveau, qui est la vie du bien ; là, il n’y a plus de mélange de bien et de mal ; on ne le connaît plus, le nouvel homme ignore le mal, il vit dans le bien et ne connaît autre chose : la dépendance de Dieu, l’abandon à lui, l’ignorance de soi-même, l’amour pur, l’œil simple toujours tourné et fixé sur Dieu, sans savoir ni regarder autre chose (en quoi consiste l’enfance et l’innocence), est sa vie et son être, l’on ne connaît autre chose.

4. C’est là où il en faut revenir et d’où nous sommes déchus, étant tombés dans la vie astrale pénible et dangereuse, où il y a un combat continuel du bien et du mal. Et, comme je l’ai dit, Dieu retire dans ces derniers temps de plus en plus le bien hors de ce principe, à cause de l’augmentation de la méchanceté des hommes ; et l’on verra, et voit déjà, que tous les bons ordres, règles et formes extérieures entre les hommes, qui jusqu’à présent ont soutenu les Sociétés, Communautés, Royaumes et Républiques, ne pourront plus être gardées, à cause de la perversité des hommes ; c’est ce qui causera le désordre effroyable et les fléaux dont parle l’Apocalypse, entre les hommes mauvais et entre les âmes de bonne volonté ; l’on voit et verra encore plus à l’avenir comment les meilleurs règlements, ordres et lois, pratiques saintes extérieures, n’ont et n’auront plus l’utilité, comme par le passé, pour l’avancement du bien.

5. Ceux qui se donnent à Dieu véritablement ne trouveront en peu de temps ni fruit ni goût dans ces choses ; elles leur deviendront des fardeaux insupportables ; l’Esprit intérieur de Jésus Christ les attirera dans leur fond, afin de sortir de cette région pour entrer dans la liberté des Enfants de Dieu. Et ceux qui ne veulent pas entrer dans la mort entière à eux-mêmes, pour jouir de cet avantage, deviendront des libertins, ou se peineront et travailleront sans fruit, dans la multitude de leurs voies et pratiques extérieures, qui avec tout leur travail ne leur changeront pas le cœur, mais les endurcira dans leur propriété et orgueil spirituel.

6. Au lieu que l’Esprit de Jésus Christ rend souple et petit, abandonné ; on se quitte soi-même pour ne savoir ni connaître que son Dieu. C’est ce nouvel homme qui pratique sans gêne ni contrainte la loi de Jésus Christ, tout naturellement ; qui se laisse prendre le sien sans le redemander ni le défendre ; qui ne résiste point au méchant quand Dieu permet qu’il lui enlève ce qu’il a, non plus qu’un Enfant ne peut faire ; car c’est ce qu’il faut devenir selon Jésus Christ, (Matth. 18, 3) pour entrer au Royaume des Cieux, qui est ce séjour élevé au-dessus des astres duquel j’écris. Il ne résiste point, cet Enfant simple, innocent et petit ; il prend quand on lui donne, et se laisse reprendre ce qu’on lui a donné, et pourquoi ? parce qu’étant abandonné et délaissé à son Dieu, il vit de foi (le juste vivra de foi) et de confiance en lui, il ne se possède point soi-même, ainsi il est débarrassé du soin de se défendre : il ne possède rien, voilà la pauvreté Évangélique ; il ne sait qu’obéir et qu’aimer son Dieu : car les commandements de Jésus Christ et ses conseils Évangéliques sont ce à quoi le nouvel homme est incliné à faire de sa nature, et il ne peut faire autrement ; cela serait contraire à son inclination et penchant naturel, car il est tout délaissé à son Dieu et prend tout de sa main, ne voyant en tout que cette main adorable. Voilà pourquoi sa paix est inaltérable, et il demeure immobile, en tout ce qui lui arrive ; toujours content et délaissé à son Dieu, ne voulant jamais autre chose que ce qui lui arrive, le prenant de Dieu et en Dieu, et non de la créature.

7. Ô que les commandements de N. S. Jésus Christ sont délicieux à une telle âme ! Ils ne sont point pénibles, comme dit St Jean 1re Ép. 5, 3, quoiqu’à tout autre homme qui vit dans un autre Région ils soient insupportables et impraticables, même aux plus Religieux.

8. Voilà pourquoi la loi dit : Œil pour œil, dent pour dent ; on défend le sien le mieux que l’on peut : mais ici n’ayant rien, on n’a rien à défendre ; mais ne croyez pas que l’on soit pour cela en pillage, tout au contraire, c’est Dieu lui-même qui défend, nourrit et entretient cet Enfant, qui est à lui, par tous le soins de sa Providence, et cela d’autant plus que moins l’Enfant se met en souci de soi-même, n’ayant d’autre affaire que d’aimer et d’adorer ce cher Père, plus il est détaché de tout propre, dans le spirituel comme de dons, grâces sensibles et connues, se les laissant ôter après les avoir reçues ; comme aussi des promesses qui lui ont été faites des lumières et talents. S’il se laisse tout ravir, sans résistance, demeurant délaissé et abandonné, il éprouve que la perte est gain ; il l’expérimente dans le spirituel aussi bien que dans le temporel, et il apprend à n’avoir point soin du lendemain.

9. Ô Doctrine admirable, c’est en vain que l’on te veut comprendre ! Toi seul, Seigneur Jésus, qui l’as enseignée, tu peux la pratiquer en nous, en te formant toi-même, comme la nouvelle Créature en nous, comme le nouveau Ciel et la nouvelle terre, où la justice habite (2 Pier. 3, 13 ; 2 Cor. 5, 17), car tout ce qui est du vieux est passé. Emmène-nous, Seigneur, dans ce pays fortuné, et tous tes Enfants, ô mon Dieu, qui soupirent du désir d’y parvenir, nulle autre demeure ne peut être plus habitée ! Viens, Seigneur Jésus, viens !

10. Oh ! si l’on pouvait comprendre le secret de l’abandon ; de délaisser tout, de se laisser dépouiller de tout, de ne tenir à rien ! C’est par cet état délaissé qu’on est Roy et jouit d’une paix inaltérable : car c’est ainsi que Dieu prend son plaisir d’exercer ses Enfants, en leur donnant, et puis en le leur ôtant, en leur faisant des promesses et en leur donnant ou faisant arriver le contraire : les pénétrant de lumière, et puis les couvrant de ténèbres, les enrichissant et les appauvrissant, afin qu’ils ne s’attachent à rien de moindre qu’à lui seul.

11. Oh ! quel bonheur de se laisser ainsi exercer et être le jouet de la Providence ! L’on éprouve la vérité des paroles de notre Seigneur : Celui qui aura renoncé à maison, champ, etc., pour l’amour de moi en recevra cent fois autant dès cette vie (Marc 10, 29-30). Oui, en vérité dès cette vie ! Et il n’appauvrit que pour enrichir, oui, pour être lui-même notre richesse et trésor ! Il nous met dans les ténèbres, pour les faire reluire avec plus d’éclat et de pureté. Oh ! que bienheureux est celui qui se retire vers lui ! qui se détourne de soi-même, se quitte, s’abandonne en toutes choses, et se retire vers lui seul : celui-là seul est heureux, et a le Paradis et la vie Éternelle dès cette vie.

12. Il me semble que ce qui est dit ci-devant (que les commandements de l’Évangile sont aisés et naturels à pratiquer au nouvel homme, et impossible à tout autre, quelque religieux qu’il soit) nous donne occasion de dire que c’est ce qui lève la difficulté touchant la perfection. Aussi longtemps que l’homme tâche par ses propres efforts, aidé de la grâce, d’accomplir les commandements de Dieu et les Conseils Évangéliques, ou la loi de Jésus Christ, d’une manière active ou dans l’état actif ; cette loi Évangélique lui est tout aussi bien une loi, et même un plus pesant fardeau que la loi Judaïque, qui était bien moins parfaite, notre Seigneur ayant beaucoup renchéri sur cette loi et demandant beaucoup plus de ses Disciples ; comme il dit par exemple : il a été dit : (Matth. 5) Tu ne paillarderas point : mais moi je vous dis qui regarde une femme en la convoitant a déjà commis adultère avec elle en son cœur.Il ne nous convient donc pas de dire et d’enseigner que les commandements de Jésus Christ sont impossibles à pratiquer, car c’est lui faire injure de dire qu’il nous commande ce qu’il sait que nous ne pouvons faire ; mais il requiert de nous que nous fassions tous nos efforts pour pratiquer ce qu’il nous a enseigné ; il nous assiste de sa grâce puissamment, et dans cet état nous sommes sous la loi, quoiqu’Évangélique, et nous expérimenterons que nous ne pouvons, malgré tous nos efforts, parvenir à l’accomplissement de cette loi ; et en cet état, l’on pourrait dire que l’expérience vérifie ce que plusieurs enseignent, qu’il est impossible d’accomplir les préceptes Évangéliques ou les commandements de Dieu ; et quoique cette doctrine soit très pernicieuse et entretienne les hommes dans la sécurité et qu’elle flatte leur corruption, si est-ce que l’expérience la vérifie : mais on omet ce qui ne doit pas être omis ; savoir que l’homme faisant tous ses efforts pour accomplir les Conseils Évangéliques, et expérimentant sa faiblesse et son impuissance à les accomplir, lorsqu’il est bien mortifié et qu’il a épuisé ses forces actives en essayant de le faire, Jésus Christ lui ôte ce fardeau, dont St Pierre (Act. 15, 10) dit que ni nous ni nos Peres n’avons pu le porter : il lui offre sa grâce, lui donne son Esprit, dont il anime l’homme nouveau qu’il crée en nous. Alors cet homme nouveau, ayant, comme nous avons dit, les inclinations de Jésus Christ, fait et pratique tout naturellement ce qu’il nous a enseigné, il est parfait comme le père Céleste (Matth. 5), il fait tout parfaitement et volontairement ; au lieu que le peu que l’on tâchait de faire auparavant par soi-même, l’on sentait bien qu’il était très imparfait et, qui pis est, fait avec répugnance et d’une manière forcée, pendant que Dieu veut une offrande volontaire, qui est ce qui la lui rend agréable.

13. Et ainsi il est nécessaire d’employer tous ses soins et ses forces, premièrement, pour tâcher d’accomplir la loi Évangélique, si nous voulons être honoré de la grâce d’expérimenter notre impuissance, qui nous apporte celle de recevoir Jésus Christ en nous ; lequel y fait ce qui était impossible à la loi et l’accomplit parfaitement en nous et nous fait expérimenter que ses commandements ne sont point difficiles (1 Jean 5, 3) car c’est la loi d’amour ; l’amour même l’accomplit en toute sa perfection. Mettons la main à l’œuvre avec courage et par obéissance à notre Dieu, et nous expérimenterons la vérité et l’équité de ces lois et promesses, et toutes les disputes cesseront.

 

 

 

CHAP. VIII.

 

Explication mystique des Aigles, oiseaux, bêtes, poissons, etc.

 

Les Aigles désignent dans le sens mystique les âmes qui sont dans la contemplation. Leur vocation sublime. Les animaux et les poissons désignent les hommes voluptueux, et les reptiles désignent les Impies. Les animaux et les poissons désignent l’homme astral, et les reptiles l’homme terrestre.

 

v. 20. Puis Dieu dit : Que les eaux produisent en toute abondance des reptiles qui aient vie, et qu’il y ait des oiseaux qui volent sur la terre vers l’Étendue des Cieux.

v. 21. Dieu donc créa les grandes Baleines, et tous les animaux se mouvants, lesquels les eaux produisirent en toute abondance selon leur espèce, il créa aussi tout oiseau ayant des Ailes, selon son espèce : et Dieu vit que cela était bon.

v. 22. Et Dieu les bénit, en disant, croissez, multipliez et remplissez les eaux dans les mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre.

v. 23. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin, ce fut le cinquième jour.

v. 24. Puis Dieu dit, que la terre produise des animaux selon leur espèce, le bétail, les reptiles, et les bêtes de la terre selon leur espèce, et il fut ainsi.

 

1.

 

Dieu créa au cinquième jour les poissons, les reptiles, les oiseaux, qui volent sur la terre, vers l’étendue des Cieux :Ô mon Dieu ! faites-vous des oiseaux en abondance, qui volent vers vous, qui ne demeurent point attachés à la terre, rampant dans la poussière, se repaissant des choses terrestres. Ce sont les oiseaux que vous aimez, qui prennent leur vol vers vous, par l’élévation continuelle de leur cœur et de toutes leurs affections vers vous ; permettez, ô mon très Cher amour ! que je sois aussi un petit oiseau, faites-moi en être un, car il n’y a plus de séjour pour moi sur la terre. C’est en vous seul, en votre sein, qu’il faut que je vole sans cesse, détachez-moi de tous les liens qui m’arrêtent encore ! Ô mon Dieu, que ma demeure soit en vous, mon très cher et Divin Époux !

2. Dieu ne laisse pas de bénir les animaux de la terre, les poissons de la mer, et les reptiles : il leur dit, foisonnez et multipliez, il a son œil sur toutes les créatures qu’il a formées, pour leur faire du bien, et les bénir. Ô Seigneur ! augmente cette bénédiction sur toutes tes créatures par Jésus Christ, ta Parole Éternelle, par laquelle elles sont toutes créées, renouvelle par elle toute la terre de nouveau, en bannissant le crime et la rébellion, Ps. 104, 30, et alors toutes vos créatures vous seront créées et sanctifiées de nouveau.

3. Le temps est proche, mon Dieu ! faites-vous surtout des oiseaux, des Aigles en abondance qui multiplient et foisonnent d’une génération éternelle par votre semence ; et qui la répandent par toute la terre : afin que les bêtes de la terre, les hommes terrestres, avaricieux, attachés à la terre, les poissons voluptueux, qui se noient et nagent dans leurs plaisirs impurs, les reptiles rampant dans leurs trous ténébreux, remplis de malices et d’extorsions, d’artifices et de fraudes, comme les Esprits malins ; que tous ces hommes qui sont des bêtes, en effet, soient convertis à vous et changés de nature par vos Aigles : que de terrestres ils deviennent Célestes et Divins comme eux. Convertissez, Seigneur ! convertissez les cœurs de ceux que vous attendez à repentance avec tant de patience, de longanimité et d’amour, que vous comblez, malgré leur impénitence, de tant de biens desquels nous jouissions aussi malgré notre indignité ; car votre gratuité est grande, ô Seigneur ! et ils sont tous l’ouvrage de vos mains ; bénis donc, Seigneur, et convertis par le feu de ton amour Divin, qui se répand dans tous les cœurs, et qui seul produit des Enfants qui t’aiment, et sont attachés à toi, pour toi-même, pour ta gloire, pour ton amour dont ils sont jaloux ! C’est toi seul qu’ils regardent et qu’ils aiment ! Ce sont des Chérubins, ce sont des Séraphins qui volent vers toi ! qui brûlent devant toi ! Tous les autres ne peuvent te plaire : car ils sont des Léviathans, des monstres, qui engloutissent tout pour eux-mêmes, c’est l’amour propre, et le propre intérêt, qui te sont en horreur, tu leur briseras la tête 8. Ce sont ces mercenaires qui n’ont qu’eux-mêmes pour but, dans tout le bien qu’ils croient posséder, dont ils usent à leur volonté : ils ne volent point vers toi, mon très cher Époux : ils se fixent en eux-mêmes, et aussi ne verront-ils point luire la vraie lumière de ton pur amour dans leur cœur.

4. Les oiseaux représentent admirablement bien l’Esprit de l’homme, ou l’homme spirituel, qui contemple son Dieu, s’élève et vit dans les airs de la Divinité, dans sa vastitude, dans son uniformité ; comme est l’air dans son repos et sérénité, pénétré de lumière et de chaleur, qui le rend transparent et immobile : et quoiqu’il soit immobile selon l’apparence, il pénètre tous les corps, leur donne la vie et la fécondité, et les fait croître. C’est là la demeure de l’homme intérieur qui vit en Dieu, et de Dieu. Les animaux de la terre et poissons de la mer, figurent l’homme Astral ; et les reptiles l’homme extérieur et de terre, dans laquelle il vit, et dont il se nourrit.

 

 

 

CHAP. IX.

 

Création de l’homme, de l’esprit, de l’âme et du corps.

 

L’homme est un petit monde. La terre a ses Esprits vitaux. Gloire du Corps d’Adam. De l’âme : elle vient des Astres. De la lumière, de l’entendement. De l’homme spirituel ou Divin. La volonté libre doit être soumise entièrement à Dieu, sans quoi l’homme perd entièrement l’homme spirituel. Les Anges ont un Corps Astral. Leur ministère dans la conscience. Du Centre. L’Esprit de Jésus Christ est toute la Divinité. Il est le pain de vie. Les habits couvrent la nudité du corps, et la lumière de l’intelligence couvre la nudité de l’âme. Temps à présent dangereux. Les choses extérieures ne mènent pas à la régénération ; elles seront détruites. Les Planètes sont mêlées de bien et de mal. Subtilité du Corps Astral de l’homme spirituel.

 

Chap. I, 26. Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des Cieux, et sur le Bétail, et sur toute la terre, et sur tout reptile qui rampe sur la terre.

v. 27. Dieu donc créa l’homme à son Image, il le créa à l’image de Dieu, il les créa mâle et femelle.

v. 28. Et Dieu les bénit, et leur dit, croissez, multipliez, et remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur toute bête qui se meut sur la Terre.

 

1.

 

Adam fut créé de Dieu pour être le Chef d’œuvre de toutes ses merveilles, la Créature dans laquelle il a pris plaisir de rassembler en abrégé tout ce qu’il a fait d’admirable et de merveilleux, qui est partagé et distribué dans toutes les autres. C’est pourquoi l’on dit que l’homme est un petit monde, et l’abrégé de tout l’univers, et cela est très véritable.

2. Voyons un peu en détail quelque chose de la noblesse de sa constitution après que Dieu a créé ce grand Univers, les Cieux et la terre, toutes les créatures, visibles et invisibles, les Anges ; il crée enfin l’homme de la poudre de la terre, quant à son corps terrestre ; savoir de la Quintessence de cette terre dont son corps est formé.

3. Cette terre n’est pas une masse inanimée et sans vie, elle a une vie proportionnée à sa matière ; et c’est cet Esprit du monde terrestre qui lui fait produire ses herbes, ses arbres, ses fruits, ses métaux et tout ce qu’elle pousse. C’est de cette vie qu’elle a en elle qu’elle produit ces choses. De même aussi l’homme, selon son corps terrestre, n’est point mort et sans vie, nullement ; il a reçu cet Esprit terrestre aussi bien que la terre, qui fait vivre son Corps ; il est entretenu par les aliments qui conviennent à ce Corps, qui sont conformes à sa nature : ces aliments ou cette nourriture vient de la terre ; s’il en manque, il faut qu’il meure et périsse. Cette partie, la moindre et la plus basse de l’homme, a donc sa vie particulière, qui est entretenue par les aliments terriens, ou qui sortent de la terre que nous prenons pour notre nourriture.

4. Dieu n’avait point fait l’homme terrestre comme nous sommes à présent ; mais il lui avait donné un corps glorieux, transparent, agile, et d’une beauté, force, et clarté sans égale, de même que la terre était aussi transparente, claire, et très belle. Ainsi ce n’est qu’après sa chute, comme il a été dit, qu’il a été couvert de ce corps grossier et honteux que nous portons et qui, malgré sa laideur et son infirmité, a conservé la figure et est encore un portrait grossier du corps glorieux qu’il couvre, et qui est caché à nos yeux : il en est, dis-je, le portrait, hormis selon les membres dont on a honte, qui sont la production du péché, à cela près, il a toutes les parties du corps glorieux et en est la figure.

5. Dieu donna donc à Adam, outre ce corps glorieux et terrestre, une âme, que j’ai nommée l’homme Astral, pour la distinguer de l’Esprit. Cette âme est le second homme, ou la seconde partie de l’homme, composée et prise de la Quintessence des Astres, comme le corps l’est de celle de la terre. Cette âme a des facultés infiniment plus nobles, plus subtiles et spirituelles, que ne les a le corps terrestre : et cependant elle a toutes ces mêmes parties selon sa qualité. Elle a sa vie particulière, ou son Esprit, qui est pris de la quintessence de l’Esprit des Astres, et cette vie est ce qui anime cette âme, comme la vie terrestre anime le corps. Cette âme a ses sens que l’on nomme les sens intérieurs, l’entendement est ses yeux, la pensée est sa parole, la volonté est ce qui la fait agir, et l’incline pour accepter ou rejeter ce qui lui est présenté : le discernement et le raisonnement sont les fruits de l’entendement, comme l’œil discerne et distingue les objets qui lui sont présentés.

6. Mais de même que l’œil, quelque bon qu’il soit, nous est inutile si nous sommes privés de la lumière qui lui est nécessaire pour voir et discerner les objets ; il en est de même aussi de l’entendement : s’il n’a la lumière qui est propre à l’éclairer, il reste dans les ténèbres ; et s’il est éclairé d’une fausse lumière, il nous montre les objets à faux et nous trompe ; alors aussi le raisonnement que nous faisons est faux ; nous nous trompons et ne distinguons pas bien, étant abusés par la fausse lumière qui nous éclaire. Tout dépend donc d’avoir la vraie lumière qui éclaire l’œil de notre âme, et cette lumière est celle du St Esprit, hors d’elle, il n’y en a point de véritable.

7. La troisième, et la plus noble partie de l’homme, tel que Dieu l’a créé, est l’Esprit, ou l’homme Divin, comme je le nomme pour le bien distinguer des deux autres parties de l’homme, surtout de l’âme, puisque l’on prend souvent l’un pour l’autre. C’est cet Esprit qui fait proprement la noblesse de l’homme ; car c’est le fils de Dieu, son image : Il créa l’homme à son image et il est dit : J’ai dit vous êtes des Dieux (Jean 10, 34). C’est cette partie qui est de la nature Divine, comme il est dit vous êtes participants de la nature Divine (2 Pier. 1, 4), et encore, Dieu souffla une respiration de vie en ses marines : (Gen. 2, 7). C’est là le souffle de Dieu qui est son Esprit. C’est cet Esprit qui le distingue des bêtes, qui ont les autres parties de l’homme, quoique moindres et inférieures en noblesse à celles qu’il possède ; mais pour l’Esprit Divin, il est particulier à l’homme, tel que Dieu l’a créé.

8. Il y a donc la volonté dans l’âme de l’homme, qui est d’une noblesse infinie, étant libre, que Dieu lui a donnée comme un trésor très précieux ; laquelle le rend une créature libre, et qui a le pouvoir de s’incliner à aimer librement son Dieu et Créateur qui l’a formé pour pouvoir s’unir à lui, avoir ses délices avec lui dans son commerce et sa compagnie ; jouir de son entretien, comme avec son semblable ; et, bien plus, être si intimement uni à lui comme avec son Époux qu’il veut être, et le rendre fécond dans son union ; s’il veut l’aimer seul librement et de franche volonté.

9. Cette volonté libre a son siège dans l’âme et est une faculté puissante, infiniment noble et incompréhensible en sa noblesse et excellence, car c’est d’elle d’où tout dépend, et la seule chose que Dieu demande, comme un don libre de notre part ; lorsque nous la lui donnons par un don irrévocable, nous sommes heureux dès ce moment, et notre bonheur croît et s’augmente à l’infini, autant que nous persistons dans cette donation, sans la révoquer, sans reprendre en propre cette volonté donnée librement : si nous y persistons, Dieu agit envers nous et en nous, comme envers un bien qui est son propre, dont il est le maître absolu. Or comme il est le souverain bien, et la félicité en lui-même, il ne peut opérer en nous et envers nous que ce qu’il est, nous rendant conformes à lui par son union dont il nous honore ; et nous devenons nécessairement très heureux dans cette union, puisqu’où il est, là est le bonheur et la félicité mêmes.

10. Dès qu’Adam eût détourné sa volonté de Dieu, par laquelle il devait l’aimer et demeurer soumis à lui ; et qu’il l’inclina vers lui-même pour s’aimer et aimer les Créatures, auxquelles il donne son affection ; dès lors il déchût de sa félicité, il tomba, et l’homme Divin (Eccl. 12, 7 ; Gen. 2, 17), l’Esprit, retourna à Dieu qui l’avait donné, Adam mourut de mort. Car cet Esprit sorti de Dieu ne peut s’unir qu’à Dieu : dès le moment que la volonté de l’homme se détourne de Dieu et se sépare par là de Dieu ; l’homme Divin ne peut que se séparer de l’homme pour se réunir à son principe qui est Dieu, duquel il ne peut jamais se séparer étant de même nature.

11. De ce que Dieu unit l’Esprit ou l’homme Divin à l’âme, c’est là l’union de la nature Divine avec la nature humaine. C’est la merveille de Dieu de s’unir ainsi aux hommes. Ils ont perdu cette union dès qu’ils ont détourné leur volonté de Dieu, de sa dépendance ; et la nature Divine s’est séparée d’eux. Car elle ne pouvait rester unie avec un Être qui n’est plus uni à Dieu, dont elle fait partie pour ainsi dire. Je dis donc que dès qu’Adam détourna sa volonté de Dieu, se soustraya de sa dépendance par sa désobéissance, dès ce moment, il perdit l’Esprit, cette partie Divine qui est toujours unie avec Dieu et n’en peut être séparée : et par cette perte il mourut de mort, ayant perdu la véritable vie de Dieu. Car la vie animale et la vie astrale qui lui restèrent ne sont pas la vie qui lui convenait et dans laquelle son âme pût trouver son repos, puisque c’est en Dieu seul qu’il trouve ce repos, et que quoiqu’il ait perdu l’homme Divin, il reste dans le fond de son âme une faim et un vide qui le ronge, et qui ne peut être assouvie que par Dieu-même dont il s’est séparé.

12. C’est pourquoi cette faim qui fait son tourment, en étant privé du pain de vie qui seul est capable de le rassasier, cette même faim aussi est la cause qu’il peut recevoir le remède à son mal, et être relevé de sa chute funeste. Car quoique par la perte de l’homme Divin ou de l’Esprit Adam soit devenu incapable d’avoir commerce avec son Dieu en esprit et immédiatement, son âme n’ayant point cette faculté spirituelle ; néanmoins par un excès de bonté, Dieu le visite et le rappelle médiatement par le ministère d’un Ange, qu’il substitue en sa place et qu’il lui donne pour être désormais comme son Dieu ; lequel Ange peut se communiquer et faire entendre sa voix à son âme, étant de même nature, ayant un corps astral comme Adam. Cet Ange se fait entendre et sentir à Adam, lui reproche sa faute, lui cause les remords dans sa conscience, qui est le lieu où il se fait sentir ; et Adam recevant ses admonitions, se repentant de sa faute, soumettant de nouveau sa volonté à Dieu, est rendu capable, par l’intercession de Jésus Christ qui s’est fait homme, de rentrer en grâce, de recouvrer l’homme Divin : ce qui est la régénération ou la renaissance.

13. Le fond de l’âme est donc la partie (pour s’exprimer en termes grossiers des choses spirituelles) capable de recevoir la semence de cet homme Divin pour qu’il renaisse en nous comme l’on en a déjà écrit 9.

14. Notre âme a pour sa nourriture, selon l’ordre de Dieu dans la création de l’homme, non les créatures, mais Dieu-même, qui s’est uni à elle par le moyen de cette faculté attirante qu’il lui a donné ; dans laquelle est la faim de l’âme, son attrait vers Dieu à s’unir à lui, se nourrir de lui par le moyen de l’Esprit, qui est de même nature que Dieu, avec lequel il est très uni comme en quelque sorte avec son semblable, quant à sa nature. Le Centre de l’âme est donc comme le moyen qui lie par la volonté la nature humaine et angélique ou astrale de l’homme avec la nature Divine, qui est Jésus Christ en nous, Dieu et homme tout ensemble.

15. Il a voulu ainsi, ce Grand Dieu, s’abaisser jusqu’à devenir notre semblable, ayant pris la nature humaine en Jésus Christ, dans laquelle (Col. 2, 9) toute la plénitude de la Divinité habite. C’est cette Divinité toute entière qui est l’Esprit de Jésus Christ, qui s’est unie à son humanité, par laquelle Dieu est devenu semblable à nous, en prenant une âme et un corps semblables aux nôtres ; et il nous a donné, en nous créant, un Esprit de même nature Divine, pour nous rendre semblable à lui ; il est devenu ainsi notre frère (Hébr. 2, 11.) : quelle merveille de grâce et d’amour pour nous !

16. Nous avons donc en nous (dans l’état dans lequel Dieu a créé Adam, et dans lequel Dieu nous remet par la régénération) l’union des deux natures de Jésus Christ, de la Divine et de l’humaine ; et tout dépend de ceci que nous donnions lieu, par un sincère retour vers Dieu, à ce que cet homme nouveau ou Divin soit recréé en nous, lequel est notre Esprit. Voilà pourquoi il est dit, en parlant des hommes qui vivent dans l’impénitence et qui ainsi ne sont pas convertis ou retournés à Dieu, qui ne sont pas rentrés dans sa dépendance, ils sont nommés avec vérité des gens qui n’ont point d’Esprit (Judes 19).

17. Voilà comment Jésus Christ est le pain de vie qui nourrit nos âmes ; nous le recevons, et nous nous nourrissons de lui ; car toute notre faim, tous nos désirs, tout notre amour tendent vers lui. Il est la nourriture conforme et seule propre à nous nourrir : par lui nous sommes unis à Dieu, et ne pouvons avoir de rassasiement que par lui ; nos désirs, notre amour ne trouvent rien qui les puisse satisfaire que Dieu seul : sortant de cet ordre, dans lequel Dieu nous a créés pour lui, nous errons et sommes rongés d’une faim insatiable, que notre pauvre âme séparée de son Dieu (qui est sa seule nourriture) cherche à apaiser en cherchant à se nourrir et à se satisfaire dans les Créatures, mais inutilement ; plus elle s’en repaît, et plus sa faim et son mécontentement augmente, parce que cette nourriture n’est pas pour elle, elle n’est pas conforme à sa nature ; elle peut bien moins s’en nourrir que nous ne pouvons nous nourrir de ce qui fait l’aliment des bêtes. Retournons donc à Dieu, et nous rentrerons dans le lieu qui nous est propre, où nous retrouverons la paix de notre âme, où elle reprend sa nourriture, en rentrant dans l’ordre Divin.

18. Mais ayant perdu cette vie Divine, par la mort survenue à Adam, et à nous tous ; étant privés de cette nourriture (Jean 6) de ce pain céleste qui est descendu du Ciel pour nous donner la vie, et par lequel seul nous pouvons la recouvrer et l’entretenir ; l’ayant perdue par notre rébellion, nous n’avons gardé que la vie animale, de laquelle notre pauvre âme se repaît ; s’étant ainsi avilie à manger avec les pourceaux, à se rassasier de leur nourriture. C’est ainsi que nous vivons misérablement dans les désirs et affections terrestres où notre pauvre âme est entraînée ; et dans lesquels elle se vautre dans ses plaisirs charnels ; comme le pourceau dans la boue, nous sommes devenus entièrement terrestres et sensuels, de Célestes et Divins que Dieu nous a créés. Nous ignorons même ce que nous avons été, ce que nous sommes, et ce que nous devons redevenir, tant sommes-nous étrangers de Dieu et de nous-mêmes.

19. Notre âme quant à sa nature est donc formée de la quintessence des astres. C’est le corps astral que nous avons, mais corps très subtil, et nous l’avons de commun avec les Anges qui l’ont aussi. Il faut dire corps, pour s’exprimer ; car ce nom est assez impropre, à cause de sa subtilité : comme donc la terre, dont notre homme terrestre est pris, est le lieu naturel où il demeure, où il peut vivre, parce qu’il lui est propre selon sa nature ; de même aussi, les astres, surtout les étoiles fixes, sont les lieux qui sont propres pour être le séjour et la demeure des Anges et Esprits bienheureux, c’est leur maison.

20. L’homme étant par sa chute déchu de l’homme Divin, qui comme son Roi l’éclairait et le conduisait en tout, et étant dépourvu de cette lumière Divine, Dieu par un excès de bonté supplée à sa disette, et lui laisse pour éclairer son entendement la lumière des astres, dans laquelle il y a encore beaucoup de bien, quoique corrompue par le venin que Lucifer a eu le pouvoir d’y répandre par la chute de l’homme. Cette lumière, quoique défectueuse, est celle que l’homme a dans l’état de sa chute. C’est elle d’où dérive tout ce que l’homme a de bon dans son Entendement, la lumière pour sa conduite, pour les sciences et connaissances de la vie humaine.

21. C’est cette lumière qui est la seule que les hommes dans leur état naturel connaissent, tant sont-ils déchus de la lumière Divine ; ils en font grande parade et l’estiment beaucoup : les hommes qui en sont les plus doués passent pour les plus sages, habiles gens, de grand esprit, et le sont en effet dans leur degré.

22. Mais cette lumière n’est autre chose à l’égard de l’âme que des vêtements grossiers sont à l’égard du corps ; dont il a fallu que nous couvrions notre corps à cause de sa honte et de son infirmité. L’homme est tombé si bas qu’il se pare des sujets de sa honte ; il se pare et s’enorgueillit de ces vêtements de honte qui témoignent de son infirmité, de la nécessité où il est tombé par son péché d’être obligé de couvrir ce vilain corps de péché, par honte, et pour le garantir de l’injure des Éléments contre le froid et le chaud auquel il est sujet : et néanmoins de ces habits qui sont les marques de sa misère et infirmité, il en fait des trophées pour sa vanité et son orgueil : quelle misère et quel aveuglement !

23. De même en fait-il à l’égard de son âme, étant déchu de la lumière Divine, par sa désunion d’avec son Dieu ; ce Dieu de bonté lui a substitué en la place pour sa conservation, afin qu’il ne périsse pas tout à fait, il lui a substitué dans la place de sa lumière Divine la lumière des Astres, qui l’éclaire un peu ; comme fait une chandelle pendant les ténèbres de la nuit, qui supplée un peu au manque de la lumière du soleil, sans quoi on ne pourrait rien faire : mais l’homme est si aveugle, et la vraie lumière de Dieu lui est devenue si étrangère et si inconnue, qu’il fait tant de parade de cette lumière des Astres : celui qui passe pour en avoir beaucoup s’enorgueillit, fait l’admiration des hommes, l’on le regarde comme savant, habile, sage, et fort éclairé : (Ecclés. 1, 2) Vanité des vanités, tout est vanité ! Et elle est si grande qu’à la réserve d’un petit nombre de personnes, l’on prend cette lumière qui est si défectueuse et si trompeuse pour la lumière du Saint Esprit, même parmi ceux qui veulent enseigner aux autres hommes le chemin du salut ; cependant ceux qui en sont les mieux doués ne sont d’ordinaire rien moins que des gens qui ont renoncé à leurs passions ; mais bien les esclaves et idolâtres des biens ou plaisirs ou honneurs charnels, ou de leurs esprits, savoir et génie : cela aussi est vanité et folie.

24. Encore est-ce plus grande vanité, quand les hommes veulent, par cette lumière des Astres qu’ils reçoivent dans leur entendement et dont leur raison est éclairée, rétablir le Règne de Jésus Christ dans eux-mêmes et dans les autres ; par leurs bons et beaux ordres, pratiques et œuvres, qui ont l’apparence de dévotion. C’est tout comme si ceux qui sont Idolâtres de leur corps charnel et le parent si bien d’habits magnifiques dont ils se vêtent, voulaient s’imaginer que ce corps est très beau, immortel, et incorruptible ; que c’est celui dont Dieu a revêtu l’homme en le créant ; ou qui croiraient le rendre immortel en le parfumant et le parant à leur possible. Il en est de même de ceux qui, en se séduisant eux-mêmes, croient rétablir l’homme dans son premier état, le faire renaître et opérer la régénération par les belles et bonnes pratiques de piété, ou qui en ont l’apparence, et qui n’ont pourtant dans tout ce qu’ils font pour auteur de leurs œuvres que le propre Esprit, qui a sa lumière des Astres ; et non l’Esprit de Jésus Christ, qui seul peut et veut recréer en nous (Éphés. 4, 23-24) le nouvel homme, ou nous ressusciter en nouveauté de vie, lorsque nous nous soumettons à lui.

25. Ceci est d’autant plus à observer, dans le temps où nous vivons, que c’est le temps dont notre très adorable Sauveur nous a tant avertis, de ne nous pas laisser séduire par ceux qui viendront en son nom disant je suis le Christ ; cela veut dire je suis votre libérateur, suivez-moi, mes pratiques, mes règles, mes ordonnances, si vous les observez assidûment, vous liez à telles et telles créatures et sociétés, par là vous parviendrez à la régénération : ce sont des séducteurs, des trompeurs et des Antéchrists qui tiennent ce langage : il y a un seul Docteur, un seul libérateur, qui s’est réservé le pouvoir de rompre les liens du péché (dont Satan nous a liés) pour nous rendre libre de son Esclavage ; il est le seul qui s’est réservé le droit et la puissance de recréer en nous le nouvel homme, l’Esprit Divin, par son Esprit : quelque bonne et louable en elle-même que soit telle et telle pratique extérieure, manière de vivre et loi, ce n’est qu’un frein extérieur pour arrêter le torrent de notre corruption, pour qu’elle ne se répande pas au dehors : c’est une bride pour ceux qui ne se peuvent ranger (1 Tim. 1, 9), comme St Paul le dit de la loi, mais très insuffisant pour créer la nouvelle créature en nous, et quiconque le veut faire croire est un Antéchrist, et se trompe soi-même et les autres. Dieu ne s’attache à aucune de ces choses, et les renverse toutes, lorsqu’il veut lui-même établir son Règne en nous, en y créant la nouvelle créature.

26. C’est donc aussi en vain que l’on croit et veut rétablir le règne de Jésus Christ de cette sorte. C’est l’Esprit du monde qui y travaille ainsi, et qui n’y réussira pas. Car comme pour nous remettre dans l’état dans lequel Dieu nous a créés, revêtus d’un corps glorieux, transparent, saint, et immortel, il faut nécessairement que notre corps infirme et grossier meure et pourrisse auparavant, qu’il serait inutile de le parer, de l’embaumer le mieux que l’on pourrait pour le conserver, l’on ne le fera jamais changer de nature par là ; il ne deviendra jamais le corps glorieux, lequel ne naîtra et ne se manifestera jamais que par la mort et pourriture de celui-ci : de même aussi, jamais le nouvel homme ne renaîtra en nous, Jésus Christ et son Règne ne s’y rétablira jamais que par la mort mystique, qui n’est autre que la mort à notre propre Esprit et à la vie qu’il a reçue de l’Esprit des Astres ; qui n’est autre ou dont le meilleur est l’Esprit de la loi, lequel est l’Auteur de toutes ces bonnes règles extérieures. C’est par leur renversement et anéantissement que Jésus Christ établit son Règne en nous, comme chaque âme dans laquelle il vit en rendra témoignage : et c’est aussi par le renversement de cet Esprit dans le général de l’Église qu’il rétablira son Règne parmi les hommes.

27. C’est donc en vain que l’on s’efforce à raccommoder, à réparer et réformer l’extérieur de l’Église, qui tend à sa ruine et a bientôt atteint à sa fin ; il faut que ce bâtiment soit détruit et, par sa destruction, le règne de Jésus Christ se manifestera, lequel il veut établir lui-même sans aide de main d’homme, afin que nulle chair ne se glorifie.

28. Oui, Seigneur ! ton bras seul et ta force est ce qui t’a fait obtenir la victoire sur le Diable et triompher de toute iniquité ! Ce même bras puissant et cette force établiront ton Empire, et ce bras ne cessera pas de déployer son pouvoir jusqu’à ce que tu aies réduit (Ps. 110, 1) tous tes Ennemis à être le marchepied de tes Pieds, Amen, Jésus ! viens bientôt, et achève ton œuvre, pour la gloire de ton saint et grand nom, Amen !

29. Les Astres, qui influent sur les hommes, sont les Planètes : ce sont elles d’où nos âmes ont leur lumière naturelle et leur qualité, dont notre entendement naturel est éclairé et gratifié. Ce sont ces Astres-là qui ont part à la corruption et ont été, aussi bien que la terre, infectés du venin répandu par Lucifer et ses Anges ; de là vient que ce qu’ils influent sur nous est si fort mélangé de bien et de mal. Les Étoiles fixes, au contraire, n’ont point de part à cette impureté et mélange, mais sont dans la pureté originelle où Dieu les a créées.

30. J’ai dit que nos âmes sont des Corps, ou l’homme Astral, pour m’exprimer ; mais ces corps sont d’une matière si subtile que l’air que nous respirons est en comparaison de leur subtilité très grossier et matériel, ainsi l’on peut nommer notre âme plus proprement spirituelle que corporelle, et ce qui m’a empêché de le faire est pour la bien distinguer de l’Esprit, que j’ai nommé l’homme Divin ; cependant l’âme, quoique d’une matière si subtile, est en comparaison de l’Esprit aussi grossière, et davantage que le Corps est grossier, en le comparant à l’âme, puisque l’Esprit est de nature Divine.

31. Lorsque j’ai écrit que l’homme Divin est pur Esprit, je n’entends pas que l’on doive se faire une idée d’un Esprit comme étant un être qui fut défectueux et destitué des facultés les plus nobles de l’homme, comme de l’entendement, mémoire, ou parole, etc. Au contraire, je comprends que l’Esprit ou l’homme Divin est infiniment plus noble et plus parfait dans toutes ces facultés que notre homme extérieur ou élémentaire, ou Astral ; mais d’autant plus subtil, et que c’est sa spiritualité et qualité noble et admirable qui fait qu’il est si fort dégagé de toute la matière grossière dont les deux autres hommes ou parties de nous-mêmes sont composés. Cette qualité toute spirituelle fait qu’il ne peut être compris ni connu, ni son langage entendu de l’Astral et Élémentaire.

32. Ce n’est pas une imperfection qui soit en cet homme spirituel, rien moins, mais c’est la grossièreté des deux autres qui les rend incapables de l’entendre et de le comprendre. Car comme il est de nature Divine d’où il est émané, il a quelque égalité avec Dieu ; il entend son langage, et c’est à lui que Dieu se communique, comme étant celui qu’il a créé capable de son commerce et union. L’homme Astral et l’élémentaire sont seulement des portraits ou figures dans l’extérieur, qui représentent ce que l’homme spirituel est en réalité et perfection. Mais nous sommes devenus si grossiers par notre chute, que nous ne connaissons plus cet homme Divin, et nous faisons une telle idée de ce que l’on nomme Esprit qui n’a aucune ressemblance à ce qu’il est. Car il est l’homme en sa perfection achevée, l’homme créé à l’image de Dieu.

(Celui qui souhaitera de savoir quelque chose de plus sur l’État glorieux de la Création d’Adam lira dans la vie continuée de Mad. A. Bourignon, Chap. 21, n. 5. Comme aussi en divers endroits, de ses Écrits : aussi P. Poiret, Œconomie Divine, Tom. 2. Chap. 22.)

 

 

 

CHAP. X.

 

Création glorieuse d’Adam et sa chute.

 

Gloire d’Adam dans la Création : Sa béatitude dans l’union avec Dieu : L’on y parvient, en se donnant, et abandonnant à Dieu dans la nuit obscure de la foi.

 

Mon Dieu que j’adore,

Mon Dieu que j’honore !

Je veux annoncer

Ta grande bonté.

2. Qu’est-ce que de l’homme

Que tu l’environnes

De ta majesté

Lorsque l’as, créé,

3. De combien de gloire !

Remplis la mémoire,

De ta vérité,

Pour la publier.

4. Il était sans tache,

La terre sa place,

Était transparent,

Et son corps luisant.

5. Il était agile,

Et quoi que tranquille,

Toujours agissant,

Et en s’élançant

6. La terre le porte,

Le Zéphir l’escorte,

Au travers des airs,

Par tout l’Univers

7. Comme sa pensée,

Ainsi sa volée,

Par tout en tout lieu,

Aussi prompt que Dieu :

8. Petit Dieu lui-même :

Dans l’oubli extrême,

Où il est de soi,

Il reste en son Roi :

9. Et ce Roi lui-même,

Fait sa joie extrême,

De vivre avec lui,

Comme son ami.

10. Ainsi par ensemble,

Ils étaient ensemble,

Comme Compagnon

En grande union :

11. Ô la joie extrême !

Gloire sans pareille,

L’Homme être avec Dieu,

En tout temps et lieu.

12. Partager sa gloire,

Être sans mémoire,

Pour aucun souci :

Ô la grande merci !

13. Vivre dans Dieu même,

Aimer ce qu’il aime,

Rien moindre que lui

Ne l’occupe ici.

14. Dès lorsque j’y pense,

Dedans le silence,

Je suis hors de moi,

J’adore mon Roi.

15. Tu l’avais fait être,

Tel dedans son Être,

Qu’il vivrait toujours,

Pour toi cher Époux :

16. Il était sans cesse

Dedans l’allégresse,

Comblé de douceur

Par son Créateur.

17. Qu’elle joie extrême !

De Vivre en Dieu même ;

De n’avoir que lui,

Ô le noble appui.

18. Faut-il davantage !

Point d’autre partage,

Ne peut contenter,

Ne peut nous charmer.

19. N’ayons point d’envie,

Toute notre vie,

Que de retrouver

Ce trésor caché.

20. Il n’en coûtera,

Pour qui le voudra,

Qu’un peu de souffrir,

Pour le r’aquérir :

21. Il faut bien la peine

De quitter soi-même

Toute usurpation,

Toute attribution.

22. Elle est trop damnable,

Elle est détestable,

Il faut la quitter,

Et y renoncer.

23. Venin détestable,

Trop épouvantable,

Tu as infecté,

Tu as tout gâté :

24. Jusqu’au fond de l’âme ;

Pour la chaste flamme

Mis le feu impur,

Jusqu’au fond du cœur :

25. Viens Céleste flamme,

Purifie nos âmes,

Du feu étrange,

Qui nous a gâté.

26. Redonné la vie :

N’ayant d’autre envie,

Que de perdre moi,

Pour rentrer en toi.

27. C’est seul ton ouvrage

C’est toi qui engages

À vouloir ainsi,

Par ta grande merci,

28. Tu le veux donc faire,

Ô Seigneur et Père,

Qui nous a créé,

Nous veut racheter ;

29. Brûle donc sans cesse,

Et que rien n’arrête,

Ton activité,

Pour purifier.

30. Ceux qui te désirent,

Qui vers toi aspirent,

Qui fais leurs soupirs,

Qui fais leurs désirs.

31. Tu le fais toi-même,

Ô la joie extrême !

Pour les exciter,

Tu veux te cacher ;

32. Sous la couverture,

De la foi obscure,

Pour les attirer

À se bien quitter.

33. Tu fais le sévère,

Sentant leur misère,

Ils sont dans l’effroi,

Ils sont sous la Croix.

34. Du fardeau extrême,

Du pesant eux-mêmes,

C’est tout leur souci

Qui leur fait ennui.

35. Apprenez, chère âme,

Que dans cette flamme,

Il faut s’oublier

Et s’abandonner.

36. Tout autre remède

N’est point un remède,

Mais bien un poison,

Rend la guérison

37. Bien plus difficile ;

Soyez bien tranquille,

Dans votre douleur,

Atteint-elle au Cœur ;

38. N’importe ! qu’on cesse

Et qu’on se délaisse

À ce grand tourment

En s’y soumettant.

 

 

 

CHAP. XI.

 

Noblesse et fécondité d’Adam.

 

Les Anges sont habitants des Étoiles. De la Noblesse et fécondité de l’homme et de sa chute, n’ayant pas persévéré dans l’Épreuve : De l’Épreuve dans la foi obscure.

 

Chap. 11, 1. Les Cieux donc et la terre furent achevés, avec toute leur armée.

 

1.

 

Ce qui est dit au 2e Chapitre de la Genèse, que les Cieux et la terre furent achevés et toute leur armée, certifie ce que j’ai avancé, que les Étoiles et tout le firmament est peuplé de mille et millions d’Esprits bienheureux, qui louent et glorifient leur Créateur, la grandeur et magnificence duquel se manifeste dans ces œuvres admirables. Car quelle aurait été l’armée des Cieux, qui fut achevée de créée au 6me jour, s’il n’avait été créé de créature vivante que l’homme seul ? Ce sont donc les habitants des Cieux qui sont nommés ainsi, comme aussi il est dit à la naissance de notre Sauveur qu’il apparut aux Bergers (Luc 2, 13) une multitude d’armées Célestes louant Dieu. Ô Dieu ta magnificence et ta grandeur me charment ! Le petit rayon dont tu m’éclaires pour l’entrevoir un peu me met en admiration (Ps. 104, 35) qu’il n’y ait plus de méchants sur la terre, dis-je, avec ton St Prophète dans l’admiration de tes œuvres ! Que toute créature te rende l’honneur et la gloire qui t’appartient, par la soumission entière et parfaite qui t’est due, ô monarque suprême ! Créateur et conservateur de toutes choses !

2. Voici le chef-d’œuvre de toutes les Créatures que Dieu a créées, l’homme qu’il a créé au 6e jour, pour l’établir comme Roi sur ce qu’il a créé auparavant, avec ce Caractère et ce noble avantage d’être créé à l’image, et à la ressemblance de Dieu, son Créateur. Quelle noblesse, bon Dieu ! Est-il bien possible de voir à présent le train de vie et la manière de faire des hommes ! Pourrait-on croire qu’ils viennent d’une si noble origine, de race Divine (Act. 17, 29), en voyant comme ils s’avilissent, en oubliant leur Créateur, lui tournant le dos, par la rébellion la plus énorme ? À ce Dieu qui néanmoins les a faits et les entretient, les fait être ce qu’ils sont encore dans leur chute déplorable ! Peut-on les voir donner tout leur amour, leurs soins et leurs désirs aux Créatures moindres qu’eux, prendre leur plaisir en elles, et oublier leur Dieu, qui les a créés à son image, pour pouvoir s’entretenir et avoir commerce avec eux, par la semblance et espèce d’égalité qu’il a mise entre eux et lui en les créant !

3. Mais cet homme est bientôt déchu de ce noble appel pour lequel Dieu l’avait destiné, et s’est bientôt rabaissé, détournant ses yeux de son Dieu, qui était sa noble compagnie ; il les tourne vers les bêtes (Gen. 2, 19) que Dieu fait venir à lui pour les nommer, et le reconnaître pour leur Seigneur : il envie leur sort ; la Compagnie qu’ils ont les uns aux autres, et désire d’avoir aussi une compagnie semblable à lui, il déchoit dès lors, et se rabaisse de son état majestueux et Divin.

4. Dieu même était sa compagnie ; et dans cette compagnie Divine il aurait bientôt foisonné et multiplié, en manière Divine et angélique, enflammé de l’amour pur de son Dieu. Quelles admirables Créatures ses semblables n’aurait-il pas produites, qui lui auraient tenu compagnie, et auraient avec lui loué et glorifié leur Dieu et Créateur ! Mais il ne peut persévérer le peu de temps d’épreuve que Dieu lui avait donné pour voir s’il voudrait le soutenir, et ne pas convoiter une autre union et compagnie que la sienne, dont il prive Adam, pour un peu de temps, afin d’éprouver sa fidélité, après quoi il aurait été confirmé dans son amour, et aurait été favorisé de son union dans son état d’innocence et glorieux.

5. Mais aussitôt que son amour perd sa pureté, et se tourne vers les créatures pour convoiter leur union, l’œuvre de Dieu est gâtée et perd sa première bonté et pureté ; déchoit de l’État, où il est dit, au 31e du 1er Chap., que Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voilà il était très bon : il déchoit (dis-je) de cette bonté, et il est dit après au 2e Chap. 18 : Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai un aide pour lui assister ; ce qui marque assez qu’il est entrevenu quelque chose qui a fait déchoir l’homme du bon état où il a été créé de Dieu ; et quel est ce déchêt autre que les désirs et l’amour de l’homme, qui convoite autre chose que Dieu, ne veut pas se contenter de Dieu seul, partage dès lors son cœur et ses affections, et en donne à la créature ?

6. C’est ce qui arrive encore dans le temps qu’il plaît à Dieu de mettre une âme dans une telle situation, qu’il lui arrache tout l’attachement qu’elle a dans son état naturel corrompu ; la convainc et l’attire à se séparer de l’affection et de l’amour de toutes les créatures et d’elle-même ; la convaincant qu’elle les aime d’un amour illégitime et qui l’empêche d’être réunie à son Dieu ; à laquelle réunion elle a en soi une forte tendance : Dieu la met, comme Adam, dans un temps d’épreuve, dans lequel elle est privée du contentement et de la satisfaction qu’elle goûtait, et dont elle jouissait dans les créatures d’une manière fort légitime, même bonne et sainte selon l’apparence : elle en est privée, et tout lui devient à dégoût ; d’un autre côté, elle ne jouit pas de Dieu, non plus, d’une manière aperçue et sensible. C’est là où elle est mise à l’épreuve : si elle ne persévère pas dans cette disette, se retourne du côté des créatures, manque de foi et de fidélité à son Dieu, ne soutient pas ce temps pénible, elle fait une perte irréparable et se frustre du bonheur ineffable d’être admise à l’union Divine, à laquelle Dieu l’avait destinée, si elle avait persévéré dans cet état d’épreuve : elle redevient plus propriétaire qu’auparavant, son partage est les dons créés, la jouissance des créatures, mais, pour l’honneur d’être faite l’Épouse du Très Haut, elle en est privée.

 

 

 

CHAP. XII.

 

Du Sabbat de Dieu dans l’âme.

 

Bon plaisir de Dieu, dans une âme où il peut reposer. Il y en a peu. Dieu gouverne seul en elles. Qu’elles demeurent seulement dans leur repos. Leur félicité. Comme on y peut arriver. Fruits que Dieu produit et met au jour.

 

v. 2. Et Dieu eut achevé au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, et il se reposa au 7me jour de toute l’œuvre qu’il avait faite.

v. 3. Et Dieu bénit le 7me jour et le sanctifia, parce qu’en ce jour-là, il s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée pour être faite.

 

 1.

 

Dieu marque par ces paroles qu’il a une complaisance extrême au septième jour, auquel il se repose ayant achevé son œuvre : ce n’est pas qu’il fut las et fatigué du travail qu’il a fait, mais c’est un mystère qui signifie la complaisance que Dieu prend dans une âme dans laquelle il a achevé son œuvre, et la bénédiction dont il la comble ; trouvant peu d’âmes qui se laissent ainsi recréer de nouveau, et remettre dans l’état parfait dans lequel il avait créé Adam avant sa chute. Dieu marque la satisfaction qu’il a lorsqu’il rencontre une âme dans laquelle il achève cette grande œuvre de la régénération et dans laquelle, après cette œuvre achevée, il se puisse reposer, y prendre ses délices, puisqu’il y règne alors sans résistance, selon tout son bon plaisir, n’y ayant plus rien dans cette âme qui le contrarie et s’oppose au parfait accomplissement de toutes ses volontés. Le travail de Dieu est d’amener l’âme jusqu’à ce point ; parce qu’il y en a peu qui ne résistent pas et ne le contrarient pas par l’opposition de leur volonté dans quelques rencontres, manquant de docilité, d’abandon d’eux-mêmes, de patience, et de persévérance à laisser faire Dieu dans l’opération de son œuvre, dans cette nouvelle création de l’homme, sans s’en mêler et vouloir aussi mettre la main à l’œuvre pour aider Dieu, ce qui ne fait que gâter et retarder l’accomplissement de son œuvre ; tu m’as travaillé par tes iniquités, dit Dieu par un Prophète (Ésaïe 43, 24).

2. Mais quelle complaisance ne prend pas Dieu dans une âme qui est assez docile que s’étant une fois abandonnée à lui, elle ne se mêle plus d’elle-même, mais demeure constamment en foi et confiance dans cet abandon ou donation d’elle-même qu’elle a faite à Dieu. Oh ! c’est dans cette âme qu’il se repose avec agrément et se complaît dans l’œuvre de la régénération qu’il a parachevée en elle, et cette âme se repose avec lui et participe à ce repos de Dieu, se trouvant entièrement déchargée du fardeau d’elle-même, de tout soin et souci pour ce qui la regarde, soit pour le temps soit pour l’Éternité ; sa seule affaire est de demeurer en repos avec son Dieu duquel elle jouit et qui ne demande autre chose de cette âme sinon qu’elle reste dans ce doux repos vide de toute chose auprès de lui ; il veut faire tout en elle et pour elle ; il veut lui-même opérer en elle ce qu’il veut qui soit fait ; et ces œuvres qu’il fait alors sont un repos pour Dieu, les faisant dans cette âme sans y trouver de résistance ; et la tranquillité, la facilité, l’agrément avec lequel l’âme se laisse à son Dieu lui laisse opérer par elle et en elle tout ce qu’il lui plaît ; ceci est un repos pour l’âme, un Sabbat qui est béni de Dieu, un jour Éternel, repos et jour qui n’est ni infructueux ni oisif ; mais infiniment fécond, fertile et actif dans le plus grand repos du Centre de l’âme où Dieu habite ; de la même manière que Dieu, dans son repos qui n’est jamais altéré, est infiniment fécond et actif, et y fait et produit ses œuvres admirables.

3. Ainsi l’âme que Dieu a conduite dans ce repos est de même ; non par elle, ni pour elle, car elle repose ; mais c’est Dieu, par son Esprit, qui fait en elle toutes ses œuvres de la manière la plus aisée, la plus tranquille et la plus naturelle qui se puisse concevoir, sinon par l’heureuse expérience que Dieu fait la grâce d’en faire, selon la petite portion et avant-goût du Sabbat ou repos Éternel qu’il en donne, et que nul ne peut ravir. C’est la paix que N. S. J. Christ donna à ses Disciples, lorsqu’il leur dit (Jean 20, 21 ; 14, 27 ; 16 22) : Paix vous soit ! et je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix, je ne la vous donne point comme le monde la donne, nul ne vous ravira votre joie.

4. C’est donc là un petit échantillon et bégayement du repos du Seigneur qu’il prend dans une âme dans laquelle il a achevé l’ouvrage de la régénération, qui est plus difficile que celui que Dieu fit en créant le monde de rien ; à cause de la résistance que l’homme lui apporte par sa libre volonté que Dieu ne veut pas forcer, et laquelle, quoique l’homme la lui ait donné, il est souvent tenté de la reprendre, lorsque l’ouvrage ou opération de Dieu, pendant l’œuvre de la régénération qu’il fait en lui, est trop douloureuse, pénible et contraire aux idées qu’il s’en était figurées lorsqu’il s’est donné à Dieu. C’est pourquoi la persévérance, la mort continuelle à son propre Esprit et à toutes ses vues et prétentions à son propre Jugement et bon sembler est si absolument nécessaire pour que cet ouvrage de Dieu se fasse, sans empêchement.

5. C’est ce jour-là qui est saint et sanctifié de Dieu ; et tout ce que Dieu opère et fait dans ce jour de repos est saint ; ce sont les œuvres véritablement saintes et agréables à Dieu, parce qu’elles sont faites et produites par lui-même, par Jésus Christ, auquel il prend toutes ses complaisances.

 

v. 4. Telles sont les origines des Cieux et de la terre, lorsqu’ils furent créés, quand l’Éternel Dieu fit la terre et les Cieux ;

v. 5. Et toutes les plantes des champs, avant qu’il y en eût en la terre, et toutes les herbes des champs, avant qu’elles eussent poussé.

 

6. Dieu crée l’origine ou le germe de toutes choses dans le Centre de l’âme, avant que ces choses poussent au dehors, deviennent visibles et sensibles sur la terre, ou dans la partie basse de l’âme, dans ses puissances et dans ses sens : il faut que ce qui est poussé (et qui se manifeste, de plantes, d’herbes, de fleurs et fruits, qui croissent dans cette âme, qui est le jardin de l’Éternel) vienne de la sève qu’il a plantée lui-même dans cette âme qui est sa terre, qu’il a ainsi créée, aussi bien que les Cieux, qui est la partie supérieure de cette âme.

7. Car l’Éternel Dieu n’avait point fait pleuvoir sur la terre. Dieu laisse le germe de ce qu’il a planté dans l’âme, sans permettre qu’il pousse et se manifeste au dehors, jusqu’à ce qu’il lui plaise faire pleuvoir les eaux de la grâce sur la terre de cette âme. C’est l’onction qu’il fait répandre, comme une huile douce, agréable et bienfaisante, par laquelle il humecte cette terre ; il fait répandre cette pluie fertile du Centre de l’âme sur ses puissances et sur ses sens comme il lui plaît, afin qu’elle pousse et manifeste au dehors les fruits et les fleurs qui lui sont agréables et qu’il veut qu’elle produise, selon ce à quoi il la destine ; et s’il veut qu’elle reste souvent comme une terre brûlée et stérile au dehors, cela n’empêche pas qu’elle ne soit très fertile au dedans, pour produire les merveilles de Dieu qu’il opère en secret selon toutes ses volontés.

 

 

 

CHAP. XIII.

 

Explication des quatre fleuves du Paradis.

 

Le Paradis signifie le Centre de l’âme, dans lequel on a tout, et Dieu même. Le premier fleuve signifie l’amour pur. Le second fleuve, Guihon, signifie l’humilité et l’anéantissement ; M. Guyon porte ce nom. Le Troisième fleuve signifie la Connaissance Divine. Le quatrième est inexprimable. De quelle manière l’homme cultivait et gardait le Paradis.

Le 30 Juin 1735.

 

Gen., Chap. 2, v. 8. Dieu avait planté un jardin en Héden du côté d’orient, et y avait mis l’homme qu’il avait formé.

v. 9. Et l’Éternel avait fait germer de la terre tout arbre désirable à la vue, et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la science du bien et du mal.

v. 10. Et un fleuve sortait d’Héden pour arroser le Jardin, et de là il se divisait en quatre fleuves.

 

1.

 

Quel est ce jardin où Dieu a placé l’homme, après l’avoir créé dans l’innocence, autre que le Centre de l’âme, où Dieu même habite ? Là il demeure comme dans un Jardin agréable, tranquille, entouré de toutes sorte de délices, là est l’arbre de science de bien et de mal, duquel il ne doit point manger, devant demeurer dans une ignorance absolue du mal, occupé de Dieu seul, sans sortir de lui ; il est dans tout bien, et ne sait ce que c’est que le mal ; Dieu seul est sa nourriture, c’est à lui seul à qui il doit laisser toute distinction ; il n’en doit avoir aucune, occupé seul de son amour qui est Dieu ; dans lui il peut manger de tout arbre, qui est dans le jardin, cela veut dire que restant dans l’union Divine, ce qui lui est donné là est sa nourriture légitime, et rien ne lui peut nuire, parce qu’il est concentré en Dieu, avec tous ses désirs et affections, et ainsi quelque diversité qu’il y ait de fleurs et de fruits dans ce jardin admirable, il en jouit et s’en nourrit en Dieu dans son union, sans sortir de cette union ; mais aussi tôt qu’il en sort par propre volonté et désir de savoir et d’avoir, aussitôt tombe-t-il dans la propriété, dans la diversité, c’est là sa chute.

2. En Dieu, l’homme a toute science ; et ce n’est point une ignorance, une stupidité, que d’être dans l’unité Divine : oh non, sans doute ! Car c’est en lui que réside toute vraie science, sagesse, et tout bien ; en un mot, étant dans son union, nous avons part à tous ses biens, et il nous en fait jouir abondamment ; mais il faut rester en lui, et ne pas vouloir donner son amour et ses affections à ses dons hors de lui : regarder ses dons hors de lui, les vouloir posséder en propre en soi-même, c’est sortir de l’union Divine, c’est manger du fruit défendu, de l’arbre de science de bien et de mal, c’est sortir de la dépendance Divine, et vouloir être Dieu soi-même ; par là on se retire de l’union où l’on est avec Dieu, l’on donne son amour et sa complaisance à soi-même, et aux dons qui nous paraissent beaux et désirables à voir ; et les regardant hors de Dieu, les convoitant, l’on retire son amour de Dieu qui doit seul l’avoir et dont il est jaloux, ayant créé l’homme pour lui, à son image, (Prov. 8, 31) pour prendre ses délices en lui, et pour que réciproquement l’homme ait tout son plaisir en Dieu, dans lequel il jouit de tous ses dons, comme dans la source bien plus excellemment qu’il ne peut jamais faire hors de Dieu, hors duquel ces mêmes dons, séparés de Dieu, lui deviennent funestes, attirant son amour et son affection qu’il dérobe à son Dieu, et tombe dans la paillardise, qui n’est autre chose que donner son amour et son affection aux choses créées, en les retirant de l’objet seul légitime auquel il appartient, comme à l’Époux qui veut nous posséder tous entiers, comme étant ses Épouses.

3. Voilà pourquoi il nous donne ce seul et grand commandement : (Luc 10, 27) Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toutes tes forces.Nous voyons qu’il veut l’homme tout entier, sans aucun partage : et quelle grâce, quel privilège, ô Dieu, que tu daignes vouloir avoir nos affections ! Mon Dieu, quel honneur ! En vérité cela passe toute compréhension, que tu veuilles nous honorer de ton union ! Nous en sommes sortis, et sommes par là devenus bien misérables ; voulant avoir tout, nous avons perdu tout ; voulant prendre notre plaisir dans les créatures et nous complaire en nous-mêmes et en elles, nous sommes tombés dans toutes les misères qui nous accablent.

4. Dieu donc est lui-même le jardin admirable, où il a placé l’homme ; c’est son lieu naturel, où il lui a destiné sa demeure, et dans laquelle il jouit de tout bien et de tout bonheur inexprimable. De ce jardin il sort un fleuve pour arroser le même jardin, le centre de l’âme, où Dieu demeure avec l’homme : ce sont les eaux dont notre Seigneur Jésus Christ parle, qui découlent du ventre de ceux qui croiront en lui (Jean 7, 38), qui rentrent dans son union ; notre Seigneur nomme ici le ventre le Centre de l’âme, ce Paradis d’où sort ce fleuve admirable, qui est les eaux de la grâce qui découlent avec abondance de ces âmes qui ont été remises par le Sauveur dans cette demeure d’où le péché, la propriété et le détour de Dieu nous a chassés dès notre origine. Ce fleuve se divise en quatre.

 

v. 11. Le premier est Pison. C’est celui qui coule tout autour de tout le pays de Havila, où l’on trouve de l’or.

v. 12. Et l’or de ce pays-là est bon. C’est là aussi où se trouve le Bdellion et la pierre d’Onyx.

 

5. Le premier fleuve qui sort de ce jardin est celui qui coule tout autour du pays où l’on trouve le meilleur or. Quel est ce pays-là ? Ce sont les cœurs où l’on rencontre la pure charité, où l’amour de Dieu est pur. C’est cet or là que produit le premier fleuve des eaux de la grâce, sur lesquelles le Saint Esprit se repose et les rend fécondes. C’est cette terre chérie de Dieu qui lui est agréable, qu’il prend plaisir à rendre fertile en cet or, qui est très bon, pur, et sans mélange d’aucune propriété. Ô heureuse terre ! qui est propre à être ainsi rendue fertile par cet amour ; quoiqu’elle paraisse d’ailleurs sèche et aride, et ne produise ni autre herbe, ni fruits, toute brûlée qu’elle paraît par les rayons du soleil qui la dessèchent ! Elle produit le plus excellent métal, propre à toutes choses ; cette eau tourne tout à l’entour de ce pays du pur amour, il en est tout investi, il n’y a que l’onction de cette grâce qui l’environne, et elle ne produit d’autre fruit que cet or excellent.

6. Cette terre se voit avec agrément desséchée et toute noircie par les rayons ardents de son soleil qui est Dieu : car en même temps qu’il la rend ainsi aride par sa chaleur brûlante, il la fait être infiniment fertile, et l’enrichit de ses trésors immenses ; non seulement de l’or très pur de la parfaite charité, mais on trouve aussi dans cette âme le Bdellion et la pierre d’Onyx, qui marque l’immobilité, la dureté, la stabilité, la clarté, que produit la pure charité, dans cette âme remplie ainsi des trésors les plus précieux, qu’elle ne garde pas pour elle, mais dont elle enrichit tous les habitants de la terre, qui viennent prendre de ses richesses : ils viennent la creuser, la déchirer pour fouiller dans ses entrailles ; ce qui marque fort bien les souffrances qu’il faut que ces âmes essuient, par lesquelles souffrances elles font part de leurs richesses aux âmes que Dieu adresse à elles pour les enrichir et leur communiquer les trésors de grâce que Dieu fait couler de leur centre ou de leurs entrailles sur ces âmes, qui les guérissent, les désaltèrent et fortifient. Comme cet or qu’elles communiquent est très bon, cela marque sa pureté exquise, et qu’il n’est nullement mélangé avec la terre de la créature, avec sa propriété. Ainsi, quoiqu’il se repose dans la créature, elle ne le corrompt point, et ceux qui reçoivent de cet or le reçoivent dans sa pureté, comme venant immédiatement de Dieu, sans mélange de la créature, qui a été faite par l’opération de son soleil ardent, un canal très pur de pierre d’Onyx très dur, net et clair, duquel les eaux ne sont ni troublées ni gâtées.

 

v. 13. Le Deuxième fleuve est Guihon. C’est celui qui coule tournoyant par tout le pays de Cus.

 

7. Ce second fleuve signifie l’humilité et la souplesse des âmes dans lesquelles le jardin d’Héden est rétabli et manifesté ; cette vertu capitale coule et se répand de leur âme, et en cause la plus grande fécondité, et en fait le plus grand ornement : cet anéantissement entier dans lequel elles sont et vivent, qui fait qu’elles ne peuvent s’attribuer en aucune manière les grâces, la fécondité, la beauté dont Dieu les orne comme un jardin excellent. Ce fleuve le plus fertile tourne tout autour du Pays de Cus. C’est le Pays des Mores. Cette humilité si charmante et féconde est produite par la continuelle et solide connaissance de nous-mêmes : elle tournoie par tout ce Pays des Mores ; nous montre toujours à nous-mêmes notre laideur et noirceur, parcourt toutes nos faiblesses et misères, et nous manifeste en tournoyant par tout ce Pays de notre propre fragilité et misère, toute notre noirceur et laideur, qui fait que nous nous haïssons nous-mêmes souverainement, et ne pouvons avoir aucune complaisance en nous-mêmes ; nous ne voyons en nous, lorsque nous nous regardons, rien que cette laideur et noirceur qui nous fait horreur, nous fait ainsi mourir à toute propre complaisance ; et c’est justement cette juste haine de nous-mêmes qui nous fonde dans cette humilité si nécessaire, nous garantit et affranchit de toute attribution, et de toute propriété, et en étant délivrés, nous devenons capables d’une fécondité admirable, causée par les eaux de la grâce qui forment ce second fleuve capital qui découle de ce jardin de Dieu.

8. Remarquez que l’âme la plus anéantie qu’il ait plu à Dieu de manifester 10 de nos jours porte le nom de ce second fleuve.

 

v. 14. Le nom du troisième fleuve est Hidekel, qui coule vers l’Assyrie.

 

9. C’est le fleuve d’où découlent toutes les connaissances Divines que Dieu donne à cette âme anéantie ; connaissances que Dieu lui communique par le moyen des Chérubins, qui sont des anges forts et puissants, employés à cela. C’est auprès de ce fleuve où le Prophète Ézéchiel reçut les visions et révélations qu’on lit dans son livre, qui marquent admirablement bien ce que Dieu communique à l’âme en faisant couler dans son jardin les eaux de la grâce qui lui communiquent la connaissance et l’intelligence de toutes choses, qui forment ce troisième fleuve qui va à la rencontre d’Assyrie ; il va à la rencontre de toutes les forces humaines, de leur vaines connaissances et prétendue sagesse ; il les détruit et en montre à l’entendement éclairé la vanité et la folie, quelque grand, puissant et sage que soit ce Royaume de la prudence et sagesse humaine aux yeux de la raison corrompue, et de l’entendement destitué de la lumière Divine. Ce Royaume puissant et sage est bien figuré par celui d’Assyrie, ou a dominé dans son temps la force humaine, par la grandeur de cette Monarchie, et la sagesse humaine ayant fleuri par les Astrologues et Mages qu’il a fournis.

10. Le quatrième fleuve est l’Euphrate. Des trois autres fleuves il est dit quelque chose, mais de celui-ci, rien du tout. C’est que d’être submergé dans la Divinité, cet état est inexprimable et incompréhensible ; il ne faut en rien dire, et l’on ne le peut. C’est plutôt une mer qu’un fleuve à cause de sa grandeur, vastitude, et cours lent et tranquille ; qui marque très bien l’abandon total, le submergement, la perte de cette âme dans la Divinité ; la paix, le repos, le cours paisible, la vastitude dans laquelle l’âme y vit, coulant et s’enfonçant toujours davantage avec un repos admirable et plus tranquillement que lentement, dans l’océan Divin.

11. Ô mon Dieu ! où trouver des termes capables d’exprimer la réalité et vérité, grandeur, pompe, et majesté de ces choses, telles que tu en donnes la vue aux yeux de l’Esprit ! Imprime-les toi-même dans les cœurs qui en sont capables, car en vérité tout ce qui en est exprimé ici est si faible, si bas, si peu digne des choses dont on bégaye, que j’en ai honte moi-même ; comment doit-il paraître à tes yeux, ô mon Dieu ! Parle, Seigneur ! parle toi-même, dans tous les cœurs ! Forme-t-en qui t’écoutent et puissent entendre ta voix, et ils entendront et comprendront, expérimenteront en eux-mêmes la beauté et la bonté du séjour que tu as destiné à notre premier Père, et dans lequel tu nous veux ramener pour y habiter éternellement avec toi, ô notre Dieu et Roi !

 

v. 15. L’Éternel Dieu donc prit l’homme, et le mit dans le jardin d’Héden pour le cultiver et pour le garder.

 

12. Ce n’était pas pour qu’il le cultivât d’une manière pénible par son travail, comme il faut à présent faire un jardin exquis ; mais la culture que Dieu voulait d’Adam était qu’il laissât à tous ces fleuves et terrains admirables faire leur effet, qui est de produire en lui et hors de lui tous les effets, les fleurs, fruits, et créatures merveilleuses dont l’onction de la grâce, ou l’Esprit de vie de Dieu, les rendait capables ; c’est ce que l’homme faisait, en se plongeant sans cesse par son amour, sa volonté, et tout son Être dans son Dieu, demeurant abîmé en lui comme dans l’océan et dans son élément, où il restait heureux dans une félicité incompréhensible, incomparable, et inépuisable ; de cette manière il l’aurait cultivé et augmenté, fait fructifier sans cesse avec allégresse inaltérable et incomparable ; il aurait pris sans cesse nouvelle vie, reçu nouvelle ardeur du feu de l’amour Divin dedans son Cœur ; il se serait sans cesse abîmé et plongé plus profondément dans l’océan divin sans fin. Retournons donc dans cet heureux séjour ! Le Sauveur nous y veut ramener, il ne faut que se renoncer pour y rentrer, faisons-le donc sans différer !

13. Adam gardait ce jardin, en restant dans la dépendance, dans l’innocence, dans l’unité ; ne regardant que Dieu sans penser à lui-même, il jouissait de tous les biens, sans soins, ni souci, n’étant pas à lui ; il laissait le maître en prendre soin, qui le faisait sans peine, l’ayant formé de rien ; l’entretien ne lui en coûte rien : l’obéissance, la dépendance, de ne s’en rien approprier, sachant bien que rien n’est à lui, ne l’ayant point fait ni formé, non plus que soi-même, est tout ce que Dieu demande d’Adam qu’il reconnaisse ; et de nous aussi, alors nous vivrons sans souci.

 

 

 

CHAP. XIV.

 

Félicité d’Adam dans le Paradis.

 

Félicité d’Adam dans le Paradis dans l’unité et dans la contemplation de Dieu : Sa chute de cet état par la convoitise des créatures : Il nous arrive la même chose : Nous ne voulons pas demeurer dans l’obscurité de la foi : Ève représente la partie inférieure dans laquelle le serpent tâche de nous séduire : Origine d’Ève : Faiblesse du sexe féminin, elles ont besoin d’un sérieux courage pour vaincre leur corruption, par laquelle il arrive souvent des chutes.

 

Le 6 Mai 1735.

 

v. 16. Puis l’Éternel Dieu commanda à l’homme en disant : Tu mangeras librement de tout arbre du jardin.

v. 17. Mais quant à l’arbre de la science et du bien et du mal, tu n’en mangeras point. Car dès le jour que tu en mangeras tu mourras de mort.

v. 18. Or l’Éternel Dieu avait dit, il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui.

v. 19. Car l’Éternel Dieu avait formé de la terre toutes les bêtes des Champs, et tous les oiseaux des Cieux, puis il les avait fait venir vers Adam, afin qu’il vît comment il les nommerait, et afin que le nom qu’Adam donnerait à tout animal fût son nom.

v. 20. Et Adam donna les noms à tout le bétail, et aux oiseaux des Cieux, et à toutes les bêtes des champs, mais il ne se trouvait point d’aide pour Adam qui fût semblable à lui.

 

1.

 

Dieu donc créa l’homme et le plaça dans le Jardin d’Éden pour le cultiver et y demeurer. C’était le lieu agréable et charmant où il est mis par son amant, le Roi de gloire, qui l’a créé, qui l’a formé : il n’y était pas inutile, quoique tranquille ; il n’y labourait pas, mais cela n’empêchait pas qu’il ne fût occupé, non à un travail pénible, mais à contempler son Dieu et à jouir en lui de toutes choses avec agrément, sans nul tourment. Là, dans une sainte ignorance, sans défiance, il vit dans l’innocence, dans la simplicité et pureté ; si fort éloigné de tout mal, qu’il ne le connaît pas seulement ; il a pourtant le pouvoir de l’apprendre et de le comprendre, s’il veut se retirer de son unité, de l’oubli entier de soi-même, s’il veut se regarder et s’amuser à se connaître. C’est là ce qui fait naître le désir qui fait mourir.

 

L’homme créé dans une liberté entière

Pour par son Choix

Ne rien vouloir

Que Dieu l’unique et souverain bien

Qui le rend heureux

L’enflammant de ces feux

Il trouve en lui son contentement

Sa fécondité

Dans son unité.

Mais il veut son semblable

Le Palpable

Le Grossier

Pour l’aimer. Dieu le lui donne,

Et l’environne,

De beauté, de clarté.

Mais de là il est tombé

Dans le créé,

Et déchoit de son état de gloire

Qui n’admet que Dieu

Pour objet de son Amour,

Sans aucun détour :

Il avait en lui

Tout, sans nul souci

Ni aucun ennui,

Il vivait en Roi

Sans aucun effroi.

Sans nul intérêt,

Sans aucun arrêt,

Il surpasse tout,

Soumis lui est tout :

Tout lui est soumis

Tout lui est commis.

Sans en prendre soin

Dieu seul l’entretient,

Et tout avec lui

Sans nul autre appui.

Sa sagesse gouverne tout,

Sans Division,

Ni Distinction,

Hors de Dieu,

Il voit tout en lui,

Et fait tout par lui,

Dans son union,

Sans en sortir

Sans jamais gauchir

Pour se regarder

Ni pour s’aimer.

Ô état de gloire !

Peu connu peu conçu,

Il était trop grand

Pour y persister,

Ce séjour est trop beau,

Pour y habiter.

La Curiosité

Et la volupté

L’en ont fait chasser,

Pour être errant,

Dans la multiplicité

Laquelle il a aimé.

 2. Ainsi nous arrive

Le séjour tranquille,

De l’unité,

De l’ignorance,

De la dépendance,

De la nudité,

De la pauvreté,

En nous-même,

Est en gêne

À l’homme curieux,

Et convoiteux,

Qui veut tout voir,

Et tout savoir,

Il ne voit rien

Et ne sait rien ;

Se tournant en lui-même

Il sort du Bien Suprême,

Et de la clarté, qui l’environnait,

Et le cachait à ses yeux,

Pour ne voir

Que la clarté,

Et la beauté

De son Dieu,

Comme d’un beau soleil

Qui l’environne

Non seulement,

Mais qui le pénètre

Lui-même tout entier,

Le rend lui-même

Transparent,

Et tout charmant,

En sorte qu’il ne se peut distinguer

De ce soleil Divin,

Qui l’a compris,

Et tout transmis

En lui-même,

Où il est dans son Élément,

Beau et charmant.

 3. Ô fatale séparation !

Que de malédiction

As-tu produit !

Cela suffit !

Nous l’expérimentons

Et en souffrons.

Le fer étant sorti du feu

Noir, dur, et froid,

Perd toutes les qualités du feu,

Sa chaleur, sa clarté,

Parce qu’il s’en est séparé ;

Il n’est qu’une masse fort dure

Et toute obscure :

Que de peine, que de soucis,

Et que d’ennuis,

Pour rentrer dans ce feu

Dedans son Dieu !

Ô fatale séparation

Et division !

Ne cesseras-tu jamais ?

Ne prendras-tu pas fin ?

Mon Dieu, ramène-nous en toi

Et fais cesser le moi,

Redeviens tout en tout !

 4. Alors le Paradis

Sera remis,

Nous serons admis

Dans ce beau jardin,

Pour y demeurer,

Y fructifier

Avec toi,

Ô notre Dieu et notre Roi !

Comme notre Époux

Qui nous a formés

Et rachetés !

Ô Roy de gloire,

Fais-toi la restitution

De nos usurpations !

Elles font nos maux

Et tous nos travaux :

Fais-les Cesser,

Tu peux nous dompter,

Et ramener,

Sous ton aimable Empire :

Si nous le voulons

Nous l’obtiendrons :

Soumets-toi les cœurs

Ô charmant Vainqueur,

Que le feu de ton pur amour

Cause leur retour :

Tout autre moyen

Ne sert de rien.

Celui-là seul peut les soumettre,

Peut les remettre,

Dedans leurs Droits,

Les faire Rois,

Comme ils ont été créés :

Tu les as rachetés

Pour les faire rentrer

Dans cet héritage

Qui est leur partage ;

C’est toi-même,

Ô Bien Suprême !

Quand tu les auras soumis

Ils y seront admis,

Après qu’ils auront tout quitté,

Tout renoncé :

Sans cela point d’entrée !

La forte épée

Du Chérubin,

Qu’il tient en main,

La défendra

Et empêchera

Qu’on obtienne l’entrée

Du Paradis :

Ceux-là seuls y seront admis,

Qui, se quittant eux-mêmes,

Rentrent dans l’innocence,

La dépendance,

Quittent la distinction,

Ils retrouvent l’union.

 

Ceux-ci seuls seront reçus dans le Paradis, lesquels s’abandonnent et se quittent eux-mêmes, qui retournent dans l’innocence, et dans la dépendance de Dieu, et qui perdent toute distinction et évidence ; alors ils retrouveront l’union avec Dieu.

5. Ô innocence extrême, qui te pourra comprendre ! Ne connaître ni bien ni mal, quelle unité, quelle capacité ! Il faut bien pour cela quitter sa femme curieuse et convoiteuse. C’est l’Ève qui nous a séduits. Expliquons-nous, l’on ne nous entend pas, parlons plus clair.

6. L’Ève est la distinction que nous voulons faire, voulant connaître toutes choses par notre entendement ; voulant raisonner et examiner par nous-même ; c’est là la partie basse de notre âme qui veut raisonner et tout distinguer, tout connaître. C’est par elle que le serpent nous séduit et nous instruit à sortir de notre innocence et de la dépendance qui nous tient captivés dans l’unité par la foi obscure ; je veux dire l’abandon sans distinction au divin vouloir, sans rien vouloir distinctement, sans rien avoir en possession que notre rien. C’est là tout notre bien : mais sous cette pauvreté apparente et indigence est la richesse même, le Dieu Suprême est notre bien, notre entretien ; il fait dans le fond de notre âme notre félicité, et dans sa douce jouissance et dépendance nous sentons bien qu’il est tout notre bien et que rien ne nous manque, tout est en abondance, il ne laisse manquer de rien ; nous avons tout et savons tout, mais non pas pour en user à notre gré.

7. La partie en nous qui raisonne, qui convoite, qui désire de savoir, d’avoir, de voir, et de connaître, est donc la femme : c’est la partie faible à laquelle le serpent s’adresse ; et par de beaux raisonnements il lui verse la convoitise comme un doux venin dans son sein : le désir, le plaisir de s’unir avec son semblable et d’être admirable, d’être grand et indépendant ; c’est l’allèchement par lequel le serpent tenta Ève et l’entraîna à désobéir à son Roi ; elle, étant séduite, entraîne à sa suite par ses persuasions son pauvre mari, qui est la volonté ; alors tout l’homme est gâté.

8. Voilà bien la chute de l’homme, et comment, donnant entrée à ses désirs charnels, aux plaisirs sensuels, il convoite de s’unir à son semblable ; cela oblige Dieu, le voyant dans ce danger, de le faire dormir ; il lui ôte sa force, une de ses côtes, et en fait une femme, pour accomplir ses désirs, qui l’entraînent puis après dans une plus grande chute, comme il paraît.

9. Ainsi en est-il encore ; nous expérimentons que la partie de nous-même où le serpent a entré par ses ruses pour nous séduire sont nos désirs et nos plaisirs sensuels ; notre raison et réflexion, ce sont ces parties où il verse son venin et par le moyen desquelles il entraîne notre volonté, qui est la partie mâle de nous-même.

10. C’est donc là l’origine d’Ève et la raison de sa création ; de ce que l’homme, retirant son plaisir et son désir de Dieu pour convoiter la créature, voulant satisfaire ses sens, il affaiblit son âme et perd sa force, en retirant ses affections de son Créateur pour les partager entre lui et la créature ; et de la production de cette convoitise Ève est créée de la force qu’Adam perd, qu’il avait en lui-même, qui était telle que sans sortir de soi, il produisait (enflammé du chaste feu de l’amour de son Dieu) son semblable, dans cette sainte volupté et unité : mais le voilà affaibli et réduit dans la nécessité de sortir hors de lui, ayant perdu la plus noble de ses facultés, c’est la fécondité en lui-même, par sa convoitise ; ce qui l’entraîne bientôt dans d’autre chute ; s’étant déjà soumis à cette femme, la partie faible de son âme, voluptueuse, luxurieuse, et artificieuse, il en est bientôt encore séduit et entraîné dans l’entière chute, où il n’était encore qu’à demi, par l’orgueil et l’ambition de cette même faible partie.

11. En vérité, c’est ce qui nous arrive encore si nous observons ce qui se passe en nous : nous trouverons qu’il nous arrive tout de même et que cette partie faible en nous où résident les affections mentionnées est toujours celle où le serpent s’adresse pour nous séduire, nous tirer de la dépendance et de la simplicité où notre volonté se trouve en se soumettant à Dieu pour nous abandonner à lui et le suivre aveuglément dans l’obéissance qu’il demande de nous. Mille prétextes plausibles nous sont représentés pour nous tirer de cette simplicité de la foi, de la confiance, de l’Enfance, abandon, et soumission où il nous attire ; et où cependant nous trouvons seulement le vrai repos de notre cœur : et qui est le seul chemin qui nous conduit à la réunion avec notre Créateur. Car comme c’est en prêtant l’oreille à nos plaisirs, désirs, raisonnements, et réflexions, en les ayant pris pour nos conducteurs, que nous avons été séduits et séparés de Dieu, c’est aussi en ne les écoutant plus, mais en faisant divorce avec cette partie de nous-mêmes, où ces hôtes dangereux ont leur siège et leur demeure, et en écoutant seulement le fond de notre cœur, de notre volonté où Dieu se manifeste, fait sentir son attrait doux et tranquille, qui nous attire hors de la multiplicité dans son unité. C’est, dis-je, en prenant cette route que nous recouvrerons ce que nous avons perdu. Dieu nous ramènera et nous recueillera en lui, d’où nous sommes sortis. Il mettra fin à tous les ennuis, à toutes les misères qui nous sont arrivées par la séparation hors de son union, où il nous fera rentrer dès cette vie si nous voulons le suivre dans le chemin que notre Divin Sauveur et Rémunérateur nous a tracé et où il a marché. C’est le renoncement à tous plaisirs, à tous désirs, rendre ce que nous avons usurpé et volé.

12. Selon ce qui est écrit ici, il n’est pas surprenant si nous voyons qu’en effet la femme, comme représentant au dehors la partie faible de notre âme, dont nous avons parlé, ou la partie basse, où toutes les images s’impriment ou les passions et convoitises s’émeuvent, où les raisonnements et réflexions se forment et où toutes ces choses ont entrée ; il n’est pas étrange, dis-je, qu’elles participent d’ordinaire beaucoup aux faiblesses et aux misères qui en surviennent, et servent fort souvent au serpent comme d’un instrument très propre pour séduire et entraîner dans le mal, leur artifice, subtilité, et ruse étant sans égales, sans parler du reste de ce qui leur est propre, pour amorcer et entraîner.

13. C’est aussi pourquoi celles d’entr’elles à qui Dieu fait la grâce de leur donner un désir sincère de sortir hors de l’état déplorable où leur nature corrompue se trouve par la chute, ont si grand besoin d’un sérieux courage pour mortifier toutes ces faiblesses et vices dangereux où elles sont si fort portées par leur état ; à s’étudier de s’abstenir et de retrancher toutes les occasions qui peuvent les inciter à donner de l’amorce et occasion à nourrir leurs passions dangereuses. Elles doivent sur toutes choses s’abstenir de curiosité et de beaucoup parler, entendre, et voir, à quoi elles sont fort portées naturellement ; observer une sévérité rigide dans le commerce et la conversation avec les hommes, dont elles doivent s’abstenir et le rendre aussi rare qu’il est possible dans leur état et condition ; et prendre garde de ne se pas relâcher de cette sévérité, sous quelque bon prétexte que ce soit de spiritualité, d’édification, comme étant les plus spécieux et les plus dangereux dont le serpent se sert pour les séduire et les empêcher de parvenir à la pureté requise pour arriver à la réunion Divine ; car le serpent tâche de leur faire entretenir quelque commerce impur avec la créature, ce qui est un interdit, car quelque subtil qu’il soit, il ne peut absolument point subsister dans un cœur que Dieu veut purifier en sorte qu’il puisse s’y unir et redevenir l’amant et l’Époux de nos âmes ; sans parler de tant de tristes suites que de pareils commerces sous prétexte de spiritualité entre personnes de différents sexes apportent souvent, dont on n’a que trop d’exemples qui montrent assez combien il est nécessaire de ne lâcher la bride en rien à la nature, qui cherche si fort à se satisfaire dans ces commerces ; surtout lorsqu’on n’y voit rien qui soit contraire à l’honnêteté et à la conversation que les hommes ont d’ordinaire entre eux. Mais notre cœur, si autrement nous y faisons attention, nous avertira bien des ruses de la nature corrompue et de l’artifice du serpent, que nous avons si fort apprivoisé dans notre sein ; l’exercice de la présence de Dieu, si nous observons d’y rester sans cesse, nous manifestera bien où le serpent rusé se cache et se couvre.

14. Je crois que surtout dans le temps où nous vivons, le manque de vigilance et de sévérité envers soi-même, aussi bien du côté des hommes que de celui des femmes, a causé une grande quantité de chutes très grossières qui sont arrivées à des âmes de bonne volonté ; aussi bien que de mariages faits mal à propos sous prétexte de spiritualité qui font bien du tort aux âmes ; et s’ils ne sont pas un moyen dont le Diable se sert pour les faire déchoir tout à fait de leur bon dessein de chercher Dieu sérieusement, ce qui n’arrive que trop, au moins cela leur sert d’arrêt dans la voie du Ciel, où ils n’avancent pas à beaucoup près autant qu’ils auraient fait sans ce lien qui les engage en mille soins des choses de cette vie, et les enlace et entortille dans les plaisirs et désirs sensuels et charnels, les attache fortement au monde et aux créatures et rend leur dégagement d’autant plus difficile.

15. Il est donc absolument nécessaire pour une âme qui tend à l’union Divine de s’abstenir et de retrancher toute occasion qui sert à entretenir de tels commerces, de ne se donner aucun quartier sur cet article qui est un des plus importants ; parce que notre nature corrompue y a son plus grand faible dès notre origine ; et quoique nous retranchions toute occasion qui pourrait l’amorcer, nous trouverons néanmoins assez à souffrir et à combattre cet ennemi indenté et enraciné en notre nature. C’est pourquoi tous les Saints qui ont vécu de tout temps ont observé cette maxime.

 

 

 

CHAP. XV.

 

Perte d’Adam : création d’Ève, etc.

 

Du sommeil d’Adam, dans lequel il perdit son Corps glorieux, sa noblesse et fécondité, lorsqu’Ève fut tirée de lui ; signification mystique de cela : Précaution de l’auteur, contre les fausses explications de ces Écrits : État de nudité dans lequel on peut connaître toutes choses : Trois sortes d’Oraison.

 

v. 21. Et l’Éternel Dieu fit tomber un profond dormir sur Adam, dont il s’endormit : et Dieu prit une de ses côtes et resserra la chair dans la place.

v. 22. Et l’Éternel Dieu fit une femme de la côte qu’il avait prise d’Adam.

v. 23. Alors Adam dit, à cette fois celle-ci est os de mes os, et chair de ma chair. On la nommera Hommesse : car elle a été prise de l’homme.

 

1.

 

C’est dans ce dormir qu’Adam perdit, ou que Dieu lui couvrit son corps glorieux de cette chair ; ce sommeil étant cause par sa première chute, venant du désir d’avoir une aide pour l’assister : ce corps matériel dont Dieu le revêtit ne fut pas tout d’un coup aussi grossier et vilain, ni si infirme que celui que nous avons ; il conserva encore un reste de sa beauté et de sa clarté précédente ; il en conserva même beaucoup, de même que la terre conserva encore aussi beaucoup de sa beauté et clarté ; cependant Adam perdit dans ce sommeil sa première noblesse, et y souffrit la séparation qui fut faite de lui-même, par la création d’Ève qui fut prise de lui ; il déchut et perdit par sa convoitise la noblesse de pouvoir produire ses semblables en lui-même dans l’union Divine, et dorénavant, selon ses désirs, il est obligé de les produire hors de lui par l’entremise d’Ève. Il fallait donc bien que pendant ce sommeil il fût arrivé un changement en la constitution de son corps, ce qui est marqué par ces paroles : Dieu prit une de ses côtes 11. Néanmoins il lui resta encore tant de beauté, quoiqu’il fût nu avec sa femme, qu’il ne s’aperçoit pas encore de son déchet après son réveil, mais se réjouit de voir l’accomplissement de ce qu’il avait désiré avant son sommeil, savoir d’avoir une aide : ils sont tous deux forts contents, ils n’aperçoivent pas cette première chute, les délices et la beauté dont ils jouissent ensemble le leur couvre.

2. Voici ce qui arrive et dont on a l’expérience dans la vie spirituelle : Dieu met l’homme dans la première innocence et veut pendant un court espace de temps le mettre à l’épreuve pour voir s’il persistera dans la pure Oraison de contemplation en Esprit ; dégagé de toute image, forme, et connaissance distincte, dans les ténèbres de la foi, qui l’unissent immédiatement à Dieu, s’il persiste pendant ce temps d’épreuve dans ce désert, où sa partie basse ou sensitive ne trouve rien pour se repaître, et où elle est comme privée de toute nourriture pendant ce temps d’épreuve. Peu persistent d’abord dans cet état si nu et si abstrait, si spirituel et dégagé de tout le sensible, dans lequel état Dieu attire quelques âmes qui se convertissent à lui en peu de temps ; à quoi sont d’ordinaire propres ceux qui ont toute leur vie mené une vie assez innocente et exempte de forts dérèglements, qui ont beaucoup de simplicité et de candeur ; à quelques-unes de ces âmes-là, Dieu fait comme un essai de les mener bientôt (après un peu de travail qu’elles ont essuyé dans la vie active) dedans ce désert de la foi nue, pour les conduire vite, si elles le peuvent soutenir, à l’union Divine.

3. Mais il arrive à la plupart ce qui est arrivé à Adam ; il ne peut supporter cette grande ignorance de lui-même ; il désire le sensible, le palpable, il veut avoir un commerce distinct et selon les sens avec sa partie inférieure, dont Ève est la figure, il convoite cette satisfaction sensuelle. C’est, dis-je, ce qui arrive d’ordinaire, et Dieu donnant cette douceur sensible, cette connaissance et cette lumière distincte et les sens intérieurs aux âmes qui ne peuvent soutenir l’état dénué et nu d’images et du sensible et distinct, alors l’âme s’en réjouit et se délecte, elle croit avoir beaucoup gagné et n’aperçoit pas son déchet : puisque si elle était restée dans l’état nu et obscur pour la partie sensible, elle serait dans peu de temps passée à la vie toute Divine, après avoir soutenu ce temps d’épreuve. Ainsi quoique l’état où Dieu la met par condescendance, soit lumineux et savoureux, et bien plus satisfaisant que celui dont elle vient de sortir, c’est un grand déchet qui attire souvent celui qui survit, et que nous verrons dans le chapitre suivant.

4. Les Israélites sont une figure bien naïve de ceci : à leur sortie d’Égypte, Dieu les conduit dans le désert. Pendant que Moïse est sur la montagne à traiter avec Dieu, ils restent dénués de tout pendant son absence. C’est ici le temps d’épreuve pour eux, ils ne le peuvent soutenir. Ils crient à Aaron fais-nous des Dieux qui marchent devant nous : s’ils avaient attendu avec patience le retour de Moïse, ils seraient sous sa conduite parvenus en peu de mois par un chemin fort court à la terre de Canaan, qui figure la nouvelle vie Divine. Mais n’ayant pas soutenu cette absence de Moïse, ce temps d’épreuve, ils tombent dans le sensible, et périssent presque tous dans le désert.

 

v. 25. Adam et sa femme étaient nus, et ne le prenaient point à honte.

 

5. Quoiqu’Adam fût déjà déchu de sa Première innocence, et de la pureté, simplicité et unité dans laquelle Dieu l’avait créé, et avant qu’il lui eût donné une femme, cependant il est encore dans un état d’innocence devant Dieu avec sa femme ; ils vivent sans réflexion sur eux-mêmes, et s’ils étaient restés dans cet état, ils auraient facilement et en peu de temps recouvré leur parfaite innocence, quoiqu’ils fussent nus, et non plus revêtus du corps glorieux qui était le vêtement magnifique que Dieu avait donné à Adam en le créant.

6. Ils n’en ont point honte. Je trouve dans ces paroles un sens profond mais spirituel ; et que les spirituels qui sont conduits de Dieu dans les voies intérieures comprennent : voies qui donnent seules à l’homme une profonde connaissance de son état, par l’expérience que Dieu lui en fait faire, et qui demeure cachée et incompréhensible aux autres hommes, qui, lisant ces choses (que l’on écrit en simplicité et par l’expérience que l’on en fait) et ne pouvant les comprendre, leur donnent un sens tout contraire à celui qui est le véritable ; et veulent accuser de mal, et en trouvent, où il n’y a que l’innocence la plus pure : c’est contre quoi je proteste et déclare qu’en tout ce que j’écris, je n’ai pas la moindre intention de donner lieu à ceux qui vivent avec agrément dans le vice ou libertinage, ni d’approuver ou autoriser leur dérèglement. L’amour de Dieu le plus pur et l’innocence la plus parfaite est ce que j’ai pour but de recommander ; j’abhorre le vice et l’impureté, et tout ce qui y a quelque rapport ; quiconque prend mes écrits sur un autre pied et leur donne un autre sens, agit contre mon intention et en tire ce qui certainement n’y est pas, ou par malice, ou parce que n’étant pas expérimenté dans les voies intérieures, il ne peut pas comprendre beaucoup de choses qui ne le peuvent être que par l’expérience que l’on en fait ; ce qui est surtout à l’égard des choses qui regardent la vie intérieure ou mystique : ceci est dit pour prévenir ceux qui pourraient abuser de ce que j’écris.

7. Je dis donc qu’il m’est donné à connaître que l’état où Adam et sa femme se trouvent étant nus, ce qu’ils ne prennent point à honte, est un état selon le sens spirituel ou mystique, dans lequel à la vérité l’on n’est pas dans l’état d’innocence ou d’entière pureté, dans lequel Dieu nous remet et conduit dans la suite si nous supportons celui-ci et y restons dans la présence de Dieu sans faire réflexion sur nous-même, sans vouloir nous cacher de devant Dieu, quoique nous voyions bien que nous sommes nus et non vêtus, car nous sommes dans un état de purification dans lequel Dieu nous tient et dans lequel il faut rester et souffrir la vue de notre nudité ; si donc nous ne regardons que Dieu et demeurons en sa présence, sans détourner nos regards de lui dans les épreuves les plus pénibles qui nous arriveront dans cet état, nous n’avons rien à craindre et Dieu nous soutiendra et garantira de tout mal ; nous n’aurons que la vue et l’expérience de notre nudité et corruption : notre volonté, ou la partie supérieure de notre âme, restant unie à Dieu dans la contemplation la plus pure, où le regard le plus simple et unique de Dieu nous garantira de toute chute ; mais si nous nous regardons nous-mêmes de volonté déterminée, séduits par notre partie inférieure, par notre raison et curiosité de voir, savoir et connaître notre état, alors nous sommes en danger, nous entrons dans le doute, dans la crainte, dans l’examen du bien et du mal ; ce qui n’arrive que parce que nous nous détournons de Dieu, qui doit seul faire l’objet de notre contemplation ou regard, car c’est le lieu fort où nous sommes à l’abri de tout mal.

8. Dans cet état ici Adam connaissait toutes choses, et c’est par cette connaissance qu’il put donner le nom à toutes les bêtes que Dieu fit venir vers lui. Il avait cette connaissance dans sa partie inférieure, à laquelle, adhérant et y prenant sa complaisance, il conçut une envie ou désir d’avoir aussi une compagnie ; il convoite son semblable, ne pouvant rester dans la pure union de sa partie supérieure ou de son Esprit avec Dieu ; et Dieu, pour s’accommoder à lui, lui crée une femme.

9. Si au premier mouvement de convoitise ou du désir qu’il sentit s’élever en lui pour cela, lequel désir fut excité par la vue des bêtes qu’il nomma, si dès ce premier mouvement il en avait détourné son œil intérieur et l’avait fixé de nouveau sur Dieu, la tentation serait évanouie d’abord : ce qui est une leçon pour nous ; aussitôt que nos désirs sont excités envers quelque créature pour la convoiter, détournons-nous-en aussitôt, regardons Dieu fixement des yeux de notre âme en foi, ne désirons que lui et sa volonté, et nous serons à l’abri de tout danger.

10. L’état marqué ici d’Adam avec sa femme avant leur entière chute représente aussi fort bien le second état d’Oraison, inférieur à celui de pure contemplation, qui n’a d’autre objet que Dieu en lui-même sans distinction ; lequel est le haut état de la plus grande simplicité et unité, et dans lequel Adam était avant la création d’Ève, et qui est ainsi le premier degré d’Oraison de contemplation pure. Le second est celui où l’Esprit est uni avec la partie de l’âme où les images et distinctions sont reçues, où elles se manifestent ; ou plutôt où l’âme est attirée à l’Oraison par ses distinctions, connaissances, et formes ; ce qui est l’état de foi savoureuse et lumineuse. Et le troisième ou plus bas degré d’Oraison est l’active, celle où Adam fut mis après sa chute, où il lui fut infligé de gagner son pain par son travail à la sueur de son visage, ce qui marque fort bien, aussi bien pour l’extérieur, que pour l’intérieur, la vie pénible de cet état, dont tout le travail se termine à retourner en poudre (Ch. 3, 19).

11. Ce travail ne produit que des chardons et des épines ; c’est tout ce que le travail de notre activité produit : ce qui est une grande miséricorde de Dieu, car c’est ce qui nous fait retourner en poudre d’où nous sommes faits, cela veut dire dans ce sens ici que cela cause que nous retournons dans l’anéantissement de notre propre être, ou propriété et propre force, anéantissement qui s’opère par l’épuisement de nos forces dans ce travail actif, qui nous fait ainsi mourir et rentrer dans cet heureux néant de nous-même, qui nous ramène en Dieu ; dans lequel nous retrouvons cette heureuse vie Divine que nous avions perdue. Ce n’est donc pas un châtiment que Dieu inflige à l’homme, mais le moyen salutaire qu’il lui donne pour qu’il puisse retourner à lui.

12. Voilà une harmonie admirable dans toute l’économie du rétablissement de l’homme ; car comme est sa chute, telle doit être sa conversion, ou son retour vers Dieu. Voici une double chute de l’homme. La première est de l’intérieur (dans lequel il était uni en Esprit avec Dieu) à l’extérieur ; savoir dans les sens, désirant le distinct, le savoureux, le sensible. Et sa seconde chute est dans la désobéissance, dans la rébellion, et le péché.

13. Ainsi sa conversion est aussi de même, comme chaque âme qui se convertit à Dieu l’expérimente ; la première conversion est due à la grâce ; la volonté cesse d’être rebelle et se convertit à Dieu ; l’on cesse de mal faire, l’on apprend à bien faire, l’on se convertit des péchés grossiers dont on s’abstient, et l’on s’étudie à la vertu : et la seconde conversion est de l’extérieur à l’intérieur, cela veut dire des attachements aux sens intérieurs ; c’est mourir aux désirs de voir, goûter et sentir dans les choses spirituelles, pour entrer dans la voie de l’Esprit ou dans le vrai intérieur, où nous retrouvons la réunion avec Dieu ; cela s’accorde aussi avec la double purification, dont on a écrit en traitant de cette matière.

 

 

 

CHAP. XVI.

 

De la séduction du serpent. De la foi obscure.

 

L’amour propre est représenté par le serpent, c’est lui qui fait douter de ce que Dieu commande. Il méprise la simplicité et l’obéissance. Ruse maligne du serpent, sa beauté, et familiarité avec Ève. Par l’œil simple la volonté de Dieu est connue et conservée. De l’arbre de science de bien et de mal. L’état d’Adam avant sa seconde chute était la foi obscure. Ne pas se laisser tirer hors de cet état. Si nous mangeons du fruit défendu, ou si nous sortons de Dieu, nous mourons. Par la manducation de la Chair de Jésus Christ, nous obtenons une nouvelle vie.

 

Gen., Chap. 3, v. 1. Or le serpent était le plus fin de tous les animaux des Champs que l’Éternel Dieu avait faits : et il dit à la femme : Quoi ! Dieu a dit : vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ?

v. 2 Et la femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.

v. 3. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point, et vous ne le toucherez point, de peur que vous ne mouriez :

v. 4. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez nullement.

v. 5. Mais Dieu sait qu’au jour que vous en mangerez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des Dieux, sachant le bien et le mal.

 

1.

 

Le serpent marque fort bien ou signifie l’amour propre ; il est le plus rusé de tous les animaux des champs ou de la terre ; mais sa ruse ou finesse est la sagesse d’ici-bas (Jacq. 3, 1) qui est sensuelle et Diabolique : l’amour propre est une bête des champs, il erre sur la terre dans la multiplicité, il n’est point du Ciel, il en est banni, sa finesse est la lumière qu’il communique à la raison, c’est sa sagesse : Il dit à la femme : Quoi ! Dieu aurait-il dit : vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ? L’amour propre raisonne sur ce que Dieu défend, il met en doute si cela est bien vrai qu’il l’ait défendu ; il présente ses doutes à la partie basse de l’âme comme à la femme ; laquelle se défend à la vérité, et dit d’abord à l’amour propre qui la veut séduire, la défense que Dieu a faite ; mais elle est bientôt vaincue par l’artifice du serpent, qui lui fait croire (qu’en sortant de la simplicité et de sa dépendance à son Dieu, de son obéissance aveugle, qu’il lui représente être une bêtise méprisable, une ignorance dans laquelle Dieu la veut entretenir) : Vous serez vous-mêmes comme des Dieux, sachant le bien et le mal, vos yeux seront ouverts.

2. Voilà le mépris que l’amour propre connaît de la sainte ignorance ; l’on veut tout savoir, distinguer soi-même, raisonner sur toutes choses, et savoir tout mieux que Dieu. Une obéissance aveugle à ses ordres sacrés est trop méprisable pour la raison qui tire sa lumière de l’amour propre, et non plus de l’amour Divin : dès que nous nous regardons nous-même, que nous avons pour but notre propre gloire et propre intérêt, dès lors, dis-je, n’ayant plus l’œil de notre âme, simple (lequel œil est notre entendement, qui ne regarde plus Dieu seul et ses ordres, qui est ce qui fait sa simplicité, nous en détournant) ; dès lors, notre (Matth. 6, 22-23) œil devient mauvais et ténébreux, nous nous regardons ; ce n’est plus l’amour pur et divin, qui est la vraie lumière du feu sacré, qui doit éclairer notre entendement, et qui alors nous fait raisonner juste ; mais c’est la fausse lumière, ou plutôt la lueur du feu impur de notre amour propre, qui éclaire notre entendement, ou plutôt l’obscurcit ; lui fait voir les objets à faux, et ainsi nous fait raisonner mal et nous séduit par la convoitise dont notre partie basse se laisse enflammer ; nos sens convoitent le fruit en le regardant parce qu’il est beau.

3. Oh ! que notre amour et toutes nos affections et complaisances soient donc tournées vers Dieu seul, et n’aient que lui pour objet, car c’est lui seul qui mérite d’être aimé ; et puisque nous nous trouvons enveloppés dans la malheureuse chute et convoitise de notre premier Père, apprenons à être sages à ses dépens et aux nôtres ; il lui en a trop coûté d’avoir convoité la créature, le fruit défendu : et puisque Dieu nous offre de nous relever de notre chute, si nous voulons retourner de cœur et d’affection vers lui, ne tardons pas un moment à le faire, détournons nos cœurs et nos sens des créatures qui ont été l’occasion de la chute d’Adam et sont celles des nôtres, rendons ce cœur à celui qui doit le posséder légitimement, pour lequel nous sommes créés ; et nous retrouverons, en ce Dieu d’amour qui nous rappelle, le remède à tous les maux que notre chute nous a apportés et la félicité éternelle dès cette vie misérable, si nous rentrons tellement dans sa dépendance qu’il puisse opérer en nous son œuvre toute entière, qui est l’entière renaissance.

4. Le serpent se présente à Ève et lui propose de manger du fruit défendu ; cela marque assez qu’elle, aussi bien qu’Adam, n’était déjà plus dans l’état de la parfaite innocence, dans laquelle Dieu l’avaient créée ; car si cela avait été, elle ne se serait pas laissée tenter pas une bête : cela aurait été trop bas et trop vil pour une créature créée de la noblesse de l’homme, qui jouissait d’un commerce si intime et si familier avec Dieu : mais ayant déjà tourné son affection vers la créature, d’une manière illégitime, l’homme donne par là le pouvoir à Satan de le tenter en se servant d’une bête que l’homme aimait, comme d’un instrument très propre pour cela ; l’homme s’étant familiarisé avec elle, comme si elle avait été en quelque sorte son semblable.

5. Il fallait que le serpent fût un animal d’une grande beauté et adresse, surpassant en cela tous les autres, ayant le plus de ressemblance avec l’homme, selon sa partie animale, ou son corps terrestre. C’est cet animal apparemment qui fut l’occasion qu’Adam désira d’avoir une aide semblable à lui en le considérant, lorsque Dieu fit venir toutes les bêtes vers Adam afin qu’il les nommât ; et de là vient l’accès et la familiarité que le serpent marque assez avoir avec Ève, en lui parlant de la manière qu’il fait pour la tenter, qui marque assez qu’ils n’étaient pas étrangers, mais accoutumés à converser ensemble.

6. Il se sert de cette familiarité et accès qu’il a pour dire à Ève : Quoi ! Dieu aurait-il dit : vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ? Il met en doute qu’il soit ainsi, que Dieu ait défendu cela. Voilà comme le serpent, le Diable fait ; il nous fait douter qu’il soit ainsi que Dieu ait défendu une chose, quoi que nous en soyons bien convaincus dans notre conscience ; mais comme nous la convoitons et la désirons déjà, le Diable augmentant et allumant de plus en plus en nous le feu de la convoitise, il lui est facile après cela de nous persuader, par de beaux prétextes et de belles raisons, qu’il n’est pas ainsi que Dieu nous ait défendu cela, c’est par ces beaux raisonnements qu’il offusque et étouffe la conviction que nous avons dans nous-mêmes que ce que nous convoitons, désirons et voulons faire est une chose défendue.

7. Ces prétextes et ces raisons par lesquelles il nous séduit, et nous nous séduisons nous-mêmes, ont toujours pour fondement et pour but notre plaisir sensuel, et notre orgueil et ambition, qui sont les racines de notre rébellion et du péché. C’est par là que nous nous séduisons nous-mêmes, et cherchons à nous persuader le contraire de ce que nous sommes suffisamment convaincus qui est la vérité, lorsque nous regardons Dieu seul ; mais dès que nous regardons le fruit défendu par notre convoitise, et que nous nous regardons nous-mêmes, aspirant à devenir grands, à posséder beaucoup de science en nous-mêmes, dès aussitôt que notre œil se détourne ainsi de Dieu, il est obscurci ; la lumière et conviction que nous avions, qui était claire et ne nous laissait aucun doute, cette lumière est obscurcie, nous la perdons, et sommes ainsi dès lors endormis et entraînés dans le mal à le commettre, et tellement étourdis que nous ne savons plus nous-mêmes que c’est le mal que nous commettons ; jusqu’à ce qu’étant commis, nous nous en apercevons trop tard, et qu’il a engendré la mort.

8. Voilà pourquoi notre Seigneur Jésus Christ nous dit : (Matth. 6, 22-23) Si ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé, mais si ton œil est mauvais, il sera ténébreux. Si notre intention, notre vue, est toujours uniquement fixée sur Dieu, n’ayant de but que de lui obéir et de lui plaire, en faisant sa volonté dans ce que nous faisons, sans mélange d’autre désir, quelque secret qu’il soit, alors notre œil est simple, et nous jouissons et sommes éclairés de la vraie lumière ; nous n’en avons aucun doute, et marchons sûrement et sans hésiter dans notre simplicité et candeur, n’ayant qu’une seule chose en vue qui est Dieu, et de lui obéir : mais aussitôt que, pour peu que ce soit, nous nous détournons de ce seul point de vue, qui est Dieu seul et sa volonté, pour nous courber sur nous-mêmes, regarder notre intérêt propre hors de Dieu, notre plaisir et convoitise ; que nous cherchons d’accommoder ensemble l’intérêt de Dieu et sa volonté avec notre propre volonté, propre intérêt et plaisir, dès lors nous perdons la lumière véritable 12, nous sommes obscurcis et entraînés dans le mal ; éblouis et séduits que nous sommes par la fausse apparence de vérité, et la fausse lumière que le serpent nous communique dans notre entendement obscurci ; en sorte que nous nous persuadons nous-mêmes qu’elle est la véritable lumière : tout cela ne vient que de ce que notre volonté et notre amour s’est en secret détourné de Dieu, et que nous nous sommes nous-mêmes substitués en sa place ; car Dieu doit être le seul et unique objet de notre amour : selon ce que notre Seigneur Jésus Christ nous dit (Matth. 22, 37) que c’est le grand Commandement d’aimer Dieu de tout son Cœur, de toute son âme, pensée, et force : cela n’exclut rien, tout l’homme entier lui appartient, il doit être tout à lui, point de partage, car il est seul aimable, seul digne d’être aimé.

9. Lorsqu’une tentation nous est présentée, nous nous défendons faiblement, et nous disons à nous-mêmes, mais faiblement, ce que nous sommes assez convaincus être notre devoir, comme Ève fit au serpent, mais ayant déjà conçu la convoitise au-dedans de nous pour ce que l’on nous présente, extérieurement ou intérieurement ; il est facile au serpent de nous surmonter, comme il arriva à Ève. Voulons-nous donc être à l’abri de toute tentation, voulons nous être garantis de tout mal, ne regardons que Dieu seul : dès que nous apercevons que le tentateur nous veut persuader ou entraîner à faire quelque chose que nous savons bien n’être pas selon la volonté de Dieu, fermons-lui la porte, ne lui donnons point entrée, n’écoutons point ses raisonnements plausibles ; soit qu’il se serve de quelque homme fin et artificieux, ou de notre propre Esprit, n’entrons point en raisonnement avec lui, mais tournons nos désirs, tout notre être, et notre œil vers Dieu ; regardons-le lui seul, en tournant le dos à tout le reste, et il nous garantira et soutiendra, protégera et surmontera en nous toute tentation ; et quand même nous sentons la tentation être si forte, que notre entendement en est tout obscurci, et que nous sommes pour lors incapables de distinguer si c’est la vérité ou le mensonge qui nous est proposé, si c’est bien ou mal ; si sans l’examiner par notre propre lumière, dont nous ne sommes pas capables pour lors, nous n’entrons en aucun examen, mais regardons Dieu seul, dans une volonté toujours déterminée uniquement de ne consentir ni accepter que lui seul et sa volonté, ne consentant à nul autre désir, quand-même nous en sentirions en nous-mêmes ; si nous demeurons dans cette disposition simple et unique, Dieu lui-même nous garantira, et fussions-nous sur le point de tomber, il mettra sa main sous nous et nous soutiendra, garantira, et relèvera.

10. Ce n’est donc pas pour notre dommage qu’il demande que nous ne mangions point de l’arbre de science de bien et de mal, qu’il veut qu’occupés uniquement de lui, nous n’ayons d’yeux que pour le regarder et l’aimer comme l’unique bien, et que nous ignorions le mal ; si nous restons dans son union, nous ignorons le mal et sommes dans le bien, dans l’innocence ; car en lui il n’y a point de mal et il n’y en peut entrer. À quoi bon et de quoi devait donc servir cette vaine science, ce funeste savoir, que le serpent propose à Ève de savoir discerner le bien et le mal ? À rien autre chose qu’à vouloir par là la tirer de l’Océan du souverain bien, dans lequel elle est plongée, pour l’entraîner comme lui dans l’abîme du mal qui est la propriété.

11. Car voulant être en lui-même le bien même, qui est Dieu seul, et se retirant de lui, hors de lui il tombe nécessairement dans tout mal ; car le mal n’est autre chose que la privation du bien, comme les ténèbres ne sont que la privation de la lumière : si je suis plongé dans la mer, je suis dans l’eau ; si j’en sors et m’en tire, je n’y suis plus submergé, et si la mer est mon élément naturel où j’ai ma vie, dès que je m’en tire, j’entre dans le mésaise, et enfin dans la mort, m’étant retiré de ce qui m’entretient la vie. C’est ce que font Adam et Ève : en désirant de savoir le bien et le mal, ils se retirent de Dieu, dans lequel ils vivaient et étaient comme submergés, ne sachant et ne voyant que lui, qui est tout bien, et ignorant toute autre chose ; ils veulent aussi voir et savoir le mal, et il faut pour cela qu’ils sortent du bien, qu’ils s’en retirent et entrent dans le mal, dont ils se trouvent aussitôt revêtus et enveloppés, comme dans un habit de mort, dont ils sont investis et dont aussitôt ils ont honte.

12. L’arbre de science de bien et de mal signifie aussi ici la loi, par laquelle est donnée la connaissance du mal, comme dit St Paul : (Rom. 3, 20) Par la loi est donnée la connaissance du péché, les yeux sont ouverts. Mais il faut pécher et entrer dans le péché, manger du fruit défendu, pour connaître ce que c’est que le péché : Adam, en désobéissant, pèche, il entre par sa désobéissance sous la loi, qui a prise sur lui parce qu’il est transgresseur. C’est l’arbre de science de bien et de mal dont il mange, et aussitôt ses yeux sont ouverts ; il voit qu’il est nu, qu’il a perdu le vêtement d’innocence, et est burlé et accusé par la loi dans sa conscience qui le condamne ; cela fait qu’il se cache et a honte de lui-même, n’ose plus se tenir dans la présence de son Créateur.

13. Cet état d’ignorance de soi-même et de la félicité dont Adam jouissait en Dieu peu avant sa chute entière est, à ce qu’il me semble, l’état de l’âme dans la foi obscure ; avant que le Seigneur fasse resplendir ses ténèbres et dissipe ses ombres sacrés par la levée de son beau soleil sur son horizon. Pendant ces ténèbres et tout le temps que Jésus-Christ ne se manifeste pas comme étant le nouvel homme qu’il recrée, tout le temps qu’il le fait demeurer caché dans le centre de l’âme, où il repose et croît jusqu’au temps prescrit, pendant tout ce temps, dis-je, l’on est comme ignorant le bonheur de son état ; l’on ignore le mal tant que l’on reste dans son état d’abandon et de délaissement à Dieu ; l’on vit et est dans le vrai bien, qui est cet abandon, mais on l’ignore, et tout le secret dans cet état consiste de ne se point regarder ; car l’on ne peut voir en soi ni du bien ni des vertus éclatantes, tout étant assez naturel sans extraordinaire ; on a-même beaucoup de faiblesses qui peinent, et cachent le bien ou le bon état où est l’âme à elle-même ; lequel bien consiste à être dans l’abandon et délaissement à Dieu, ce qui est assez : car de n’être plus à soi-même, mais à Dieu, comme son bien propre, qu’il prépare et travaille comme il lui plaît, sans qu’on puisse ou ose s’en mêler soi-même, n’est-ce pas là un heureux état ? dans lequel Dieu est occupé à reformer ou recréer le nouvel homme dans nous, qui est l’œuvre de toutes les œuvres la plus excellente ; mais comme il nous cache cette œuvre pour que nous ne gâtions et ne troublions pas son ouvrage, et qu’il veut que nous reposions et soyons tranquilles de nos œuvres, que nous gardions le repos du Seigneur, le temps nous paraît long dans cette ignorance et ces ténèbres apparents, le serpent nous tente comme Ève, nous incite à la curiosité, vient nous persuader qu’il ne faut pas vivre ainsi dans l’oisiveté et l’ignorance du bien et du mal, qu’il faut voir et connaître l’un et l’autre en nous, et pour cela nous regarder, travailler de nouveau par nos propres efforts à augmenter le bien en nous, et souvent nous nous laissons séduire et retirer de notre état par la belle apparence de ce qu’on nous présente ; les belles connaissances, dons et distinctions qu’ont les âmes, qui pourtant sont dans un état bien inférieur au nôtre et que nous avons passé il y a longtemps, nous tentent : la force et le Zèle avec lesquels ils pratiquent le bien et combattent le mal, et distinguent l’un de l’autre, nous font envie ; notre état de langueur au dehors, d’impuissance et d’ignorance de nous-même et de toutes choses, nous est à ennui et à dégoût ; il vient quelqu’une de ces âmes qui ne connaissent pas notre état et croient qu’il est mauvais, que c’est un état de langueur et de déchêt, nous invite à nous ranimer avec elle, à réveiller l’appétit de nos sens par les dévotions sensibles : et nous nous laissons persuader que ceux qui nous parlent ainsi ont raison, nous étendons notre main pour prendre le fruit défendu, nous rentrons dans notre propre activité sous la loi, nos yeux sont de nouveau ouverts ; lesquels l’amour Divin nous avait bandé, afin d’être lui-même notre Conducteur ; nous arrachons le bandeau qu’il nous avait mis, et voulons nous conduire nous-mêmes ; nous lui donnons ainsi congé, croyant être bien plus sûrs dans notre propre conduite et dans celle des autres hommes que dans la sienne, parce que nous ne la voyons pas et qu’il veut que nous marchions à l’aveugle ; et par là, nous sortons de la foi et de la confiance à sa conduite, nous nous reprenons nous-mêmes, après nous être donnés à cet amour Divin si fidèle ; et il nous arrive ce qui arriva à Adam : notre convoitise et notre orgueil reçoivent le châtiment qu’il subit, de voir sa nudité, d’être chassé du séjour heureux où l’innocence et l’ignorance du mal règne, en demeurant en Dieu, comme en son Paradis, qu’il est ; et il faut de nouveau travailler à la sueur de son visage, rentrer sous la malédiction de l’état de la loi, chassé de la présence de Dieu et privé avec justice de son commerce familier, que l’on a méprisé.

 

v. 3. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et ne le toucherez point, de peur que vous ne mouriez.

 

14. Ceci n’est point une punition que Dieu inflige à Adam, qu’au cas qu’il mange du fruit de cet arbre défendu il mourra ; c’est une suite nécessaire qui lui arrive, et la même chose que j’ai dit. Si nous nous retirons de l’union Divine et en sortons, laquelle union, oui Dieu étant lui-même notre élément, notre nourriture et vie, aussitôt que nous nous en retirons pour être à nous-mêmes indépendamment de lui, ce qu’Adam fait en mangeant le fruit défendu, la suite nécessaire de cela est la mort spirituelle, ou celle de son homme intérieur, de son Esprit ; comme une branche qui se sépare du tronc de l’arbre ne peut que sécher et mourir : comme notre Seigneur dit à ses Disciples, St Jean 15, 4 : Demeurez en moi ; comme le serment ne peut point de lui-même porter de fruit s’il ne demeure au cep, vous ne le pouvez aussi si vous ne demeurez en moi ; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire. Ainsi Adam et nous, tous ses descendants, ne pouvions que mourir à l’Esprit dès aussitôt que nous nous retirons de Dieu ; nous perdons la communication de la sève du cep qui donne la vie ; et n’en ayant point en nous et par nous-mêmes, n’ayant, dis-je, point cette vie Divine en nous-mêmes, nous y mourrons nécessairement ; c’est pour cela qu’il est dit : de peur que vous ne mourriez ; cela veut dire : gardez-vous de le faire, de peur que ce malheur ne vous en arrive, lequel suit nécessairement ; car en vous séparant de moi qui suis votre vie, et voulant subsister et être sages par vous-même, être des Dieux et connaître le bien et le mal indépendamment de moi et hors de moi, une si vaine prétention et entreprise ne peut qu’être suivie de la mort ; car hors de moi il n’y a point de vie.

15. Oui, mon Dieu, que pouvons-nous rencontrer hors de toi que la mort ? Tu es seul notre vie, notre nourriture, le pain et la viande (Jean 6, 48) qui nous entretient ; nous n’avons point de vie Divine en nous-mêmes ni par nous-mêmes ; ô Dieu, ramène-nous en toi, et nous la recouvrerons ! C’est ce que notre adorable Sauveur nous a mérité par sa mort ; il nous a suivis dans notre état de mort pour redonner la vie et recréer en nous son Image qui est l’homme Divin ; si nous retournons nos affections et tous nos désirs vers lui, nous humilions, renonçons à notre Orgueil propriétaire, il nous reçoit et reforme en nous son image ; nous mangeons ainsi (Jean 6, 51) sa chair et son sang ; c’est la vraie viande et le vrai breuvage pour nos âmes ; c’est cette chair et ce sang qui nous redonne la vie, et fait que nous rentrons ainsi dans l’union Divine ; de même que les aliments qui nourrissent notre corps se changent en notre substance, qui donne la vie à ce corps charnel, de même étant nourris du corps spirituel de Jésus Christ qu’il nous donne à manger, nous sommes rendus participants de son Esprit ; sa vie devient notre vie et nous change en sa nature Divine que nous avons perdue ; si nous tournons tous nos désirs, tout notre amour vers Dieu, lui ouvrons la bouche de nos âmes, il la remplit de lui-même et devient notre nourriture : car nous nous nourrissons de ce que nous aimons et désirons ; toute autre nourriture que Dieu même ne peut nous redonner la vie : (Jean 6, 57) Celui qui me mangera vivra de par moi, dit notre Sauveur. Voici donc l’antidote pour le poison que nous avons mangé, avec Adam notre premier Père, en mangeant de l’arbre de science de bien et de mal. Mangeons, prenons cette nourriture que Dieu nous offre dans notre Sauveur qui (1 Tim. 3, 16) est Dieu manifesté en chair ! Ouvrons-lui nos cœurs ! Donnons ou rendons-lui toutes nos affections, tout notre amour ! Embrassons le chemin d’humilité, d’abaissement, d’anéantissement, d’entier renoncement à nous-mêmes, à toute notre propriété ; et le recevant ainsi en nous, lui ouvrant la porte de notre cœur où il frappe, il chassera la vie étrangère du péché, de Satan, son image, qu’il a placé en nous, au lieu de celle de Jésus Christ ; il la détruira et nous guérira et purifiera par son sang (qui est la nourriture que nous prenons désormais) de tout le venin et l’impureté qui a pénétré et infecté toute notre être ; il nous redonnera la grâce de la vie de son Esprit, et nous délivrera de toute autre vie, il nous y fera mourir comme étant la vie du vieil homme !

 

 

 

CHAP. XVII.

 

Séduction d’Adam par Ève. Excellence de la présence de Dieu.

 

Ève, comme la partie inférieure d’Adam, se laisse séduire et séduit son mari : Renoncer à tout ; Contempler Dieu est une manière admirable de combattre : Dieu nous veut amener à son union : Il ouvre nos yeux par la loi : Nous cherchons à nous déguiser : Se mettre en la présence de Dieu, est un avantage infini : Cela mène à l’union de Dieu : Marie Madeleine.

 

v. 6. La femme, donc, voyant que le fruit de l’arbre était bon à manger et qu’il était agréable à la vue, et que cet arbre était désirable pour donner de la science, en prit du fruit et en mangea, et elle en donna aussi à son mari qui était avec elle.

 

1.

 

Dieu donc créa Ève de la côte d’Adam, pour lui être une compagnie conformément à ses désirs, et il la nomme hommesse, car elle a été prise de l’homme ; elle en a été séparée ; ce qui marque comment, ayant retiré son affection du plus pur amour de Dieu, il est par là dénué de sa force ; car les côtes marquent la force, laquelle lui est ôtée, et il se trouve assujetti à sa partie inférieure, qu’il dominait auparavant, parce qu’il lui a donné son amour et son affection de son libre choix et volonté, par lequel assujettissement où il s’est mis, elle a le pouvoir (cette partie inférieure représentée par Ève) d’entraîner Adam (qui représente la partie supérieure de l’âme) dans l’entière désobéissance.

2. Celle-ci, se laisse séduire par les sens ; l’arbre et son fruit est beau à voir et bon à manger : ces sens excitent sa convoitise, et cette convoitise l’entraîne à satisfaire ses désirs, la même convoitise de ses sens est excitée dans son Esprit par le désir de devenir comme Dieu, de savoir distinguer le bien et le mal ; voilà la cause de sa chute, où elle entraîne son mari.

3. Et c’est aussi toujours ce qui cause toutes nos chutes ; que nous écoutons nos sens et nos désirs, nous convoitons quelque chose pour nous ; et c’est aussi ce qui montre la nécessité du renoncement comme étant un antidote contre ce poison qui nous a été insinué et que nous avons hérité de nos premiers Pères. Il faut captiver tous nos désirs, les remettre à Dieu, y renoncer : il faut captiver tous nos plaisirs, ce que nos sens convoitent, nous en détourner, rendre tout cela à Dieu, et par ce renoncement et cette mort continuelle à toutes choses, nous retournons peu à peu dans la dépendance de Dieu, et recouvrons par là notre force et notre noblesse ; la noble partie de nous-même est tirée du tombeau où les sens l’ont enterrée et étouffée, je veux dire notre Esprit ; celui-ci reprend la vie et le domaine qui lui appartient, en rentrant dans la soumission à Dieu, auquel nous redonnons tout notre amour et nos affections que nous lui avions usurpé, et qui est le bien qui lui appartient.

4. Car c’est par ces mêmes sens qu’Ève est incitée et séduite à manger du fruit défendu et à en donner à son mari ; il était beau à vair et bon à manger. Ô qu’il est avantageux et nécessaire de détourner les yeux et de fermer les oreilles à ce qui leur est agréable, pour recueillir tous ses sens en Dieu, l’écouter lui seul, le regarder lui seul ! Si nous observions bien cette maxime, nous serions garantis de bien des chutes. Si aussitôt que nous apercevons que nos sens veulent se satisfaire en quelque chose, nous les en détournons pour nous retourner vers Dieu ; si nous pratiquons ce retour, même dans l’usage des créatures dont il nous donne la jouissance pour entretenir notre vie animale ; si en mangeant, buvant, nous reposant, travaillant, nous faisons notre œuvre principale de rester auprès de Dieu dans notre cœur, où il nous est présent, le malin n’aura pas occasion de nous séduire, parce que nous ne ferons point d’attention à sa suggestion ; occupés sans cesse de Dieu, comme de l’unique objet de notre amour, nous ne ferons pas attention à autre chose ; et tous nos ennemis, et toutes les tentations qu’ils nous présentent, seront surmontés sans combat : quelle excellente manière de combattre, de détourner ses yeux de ses ennemis, et de ne regarder que son Dieu seul ! Ce seul regard les met tous en fuite et étouffe la tentation dès sa naissance ; mais dès que nous nous arrêtons à écouter ce qu’on nous propose, et à regarder l’objet qui nous est présenté, dès lors nous sommes en danger de succomber, la convoitise ayant déjà entré dans notre cœur.

5. J’avoue qu’il paraît bien triste et pénible à l’homme naturel de le vouloir ainsi priver de toutes les satisfactions de la vie présente ; mais si nous considérons que cette vie présente n’est qu’un court espace de temps que Dieu nous donne pour faire pénitence, et est un court moyen par lequel nous pouvons parvenir à la vie Divine que nous avons perdue, si nous voulons embrasser le chemin du renoncement qui nous est proposé par Jésus Christ pour cela, nous prendrons ce chemin avec joie, embrasserons la croix avec courage et amour ; nous avons d’autant moins sujet de la craindre que notre expérience nous montre assez que quelque triste et rigide que soit la vie d’un vrai Chrétien, Dieu l’assaisonne de tant de grâces et de douceurs intérieures qu’il répand sur nous que, dans la plus grande misère extérieure, une telle âme éprise de son Dieu ne changerait pas son triste sort (triste selon l’apparence) avec la fortune d’un Empereur de tout le monde ; ce qui montre assez que Dieu ne veut pas affliger les siens, mais leur veut seulement ôter ce qui les empêche de devenir, même dès cette vie, souverainement heureux ; ce qui leur arrive infailliblement en rentrant dans le saint commerce avec Dieu, qu’il leur fait retrouver par le chemin du renoncement à l’amour du monde, des créatures et d’eux-mêmes : bonheur qui est renfermé et qu’ils retrouvent en redonnant leur cœur à Dieu seul ; dans cet amour ils rentrent dans son union et y retrouvent la félicité éternelle dès cette vie. Heureux, donc, sont ceux qui méprisent les vains plaisirs, honneurs, et richesses de ce monde, et qui redonnent toutes leurs affections à ce Dieu seul, pour l’amour duquel nous sommes créés, et qui seul peut nous procurer vrai plaisir et contentement continuel, sans interruption ni altération, lorsque nous sommes rentrés dans son union !

 

v. 7. Et les yeux de tous deux furent ouverts, et ils connurent qu’ils étaient nus, et ils cousirent ensemble des feuilles de figuier, et ils s’en firent des ceintures.

 

6. Voici donc le fruit ou l’effet de la convoitise, de la propre complaisance, de l’ambition, de l’orgueil, qui sont les composés de l’amour propre et du propre regard ; les yeux sont ouverts, mais qui voit-on ? Soi-même dont on a horreur et honte ; car n’y ayant de beauté qu’en Dieu, tout ce qui est regardé et vu hors de lui est horrible, et une chose qui nous fait honte, si nous la voyons dans la vérité et comme elle est en effet.

7. Ce fut un grand bonheur et une grande grâce que Dieu fit à Adam et à Ève dans leur chute d’ouvrir leurs yeux pour voir leur nudité honteuse ; car ce qui cause toute notre erreur est que nous sommes aveugles envers nous-mêmes ; nous nous couvrons de vêtements étrangers, nous avons des yeux de complaisance envers nous-mêmes, nous nous flattons ; et quelque horribles que nous soyons, l’amour propre, comme un verre trompeur au travers duquel nous nous regardons, nous fait paraître à nos propres yeux comme étant beaux, excellents, et méritant tout notre amour et toute notre complaisance ; et c’est là l’aveuglement que le péché nous a causé.

8. Adam, dès qu’il fut tombé, eut la grâce de Dieu dès le moment de sa chute ; dès qu’il eut commis le péché en mangeant du fruit défendu, il eut la grâce que ses yeux furent ouverts pour pouvoir voir l’état déplorable ou il est réduit par sa désobéissance : au lieu d’être devenu un Dieu, comme il se l’était imaginé, le voilà dépourvu et dénué de tout bien.

9. C’est ce qui confirme ce que j’ai avancé, que l’arbre de science de bien et de mal est la figure de la loi, qui nous fait voir notre état de péché, et nous démasque à nous-même. Dès que Dieu nous fait la grâce de nous mettre ou faire entrer dans l’état de pénitence, il frappe notre cœur par la foudre de la loi, et nous fait sentir et voir notre état corrompu, notre laideur et nudité dont nous avons grand honte. Mais que fait Adam et que faisons-nous avec lui ? Nous faisons des ceintures de feuilles de figuier pour couvrir notre honte. Cela marque comment nous tâchons de nous cacher notre nudité, notre mauvais état dépourvu de tout bien, par quelques belles feuilles dont nous nous couvrons ; nous voulons nous donner une apparence de beauté en ayant perdu la réalité ; cela signifie les bonnes œuvres que nous faisons dans l’état de la loi, desquelles nous nous couvrons pour apaiser les remords que la loi fait sentir à notre conscience ; nous faisons tous nos efforts pour nous donner, par ces bonnes œuvres que nous pratiquons, une belle forme de bonté ; nous croyons par là nous défaire de la laideur que nous voyons avoir, et recouvrer la première beauté.

10. Mais quoiqu’il soit fort bon que nous nous exercions en toutes sortes de vertus, et que notre conscience nous pousse à cela, lesquels mouvements nous devons suivre avec fidélité et Zèle, ceci étant et faisant la perfection de cet état ; néanmoins, dis-je, nous expérimentons bien que ce travail n’opère autre chose que de couvrir au dehors notre nudité, nous donner une belle apparence, mais ne change point notre cœur ; c’est un habit étranger que nous revêtons ; nous restons, dessous cet habit de vertu pratiquée par nous-mêmes, toujours tels que nous sommes : nus, dépourvus de tous biens, et plus nous exerçons le bien ou la vertu avec fidélité, plus notre conscience, qui sont nos yeux, sont ouverts et rendus clairs pour voir notre mauvais état, le fond de notre corruption. C’est aussi l’effet que doit produire ce travail, sous la loi, par laquelle la connaissance du péché nous est donnée. C’est l’effet qu’elle produit ; mais au commencement nous voulons nous cacher à cause de la honte que nous avons ; nous craignons de nous présenter devant Dieu, qui fait sentir qu’il est autour de nous.

 

v. 8. Alors ils ouïrent au vent du jour la voix de l’Éternel Dieu, qui se promenait par le jardin. Et Adam et sa femme se cachèrent de devant la face de l’Éternel Dieu, parmi les arbres du jardin.

 

11. C’est la bonté de Dieu, c’est sa présence qui fait connaître à Adam, par le ministère des Anges, qui sont les dispensateurs de la loi, qu’il est nu ; mais il est si honteux qu’il se cache, et si Dieu, par la même bonté qui lui a fait ouvrir les yeux pour voir l’état déplorable ou il est tombé, ne le poursuit pas encore plus outre, et ne le va pas chercher, il serait demeuré effarouché de Dieu et ne serait point retourné à lui, où il peut cependant uniquement trouver le remède à son mal.

12. Il se cacha parmi les arbres du jardin, entendant la Voix de Dieu. Il est si étourdi par sa chute qu’il croit se pouvoir cacher à celui qui voit toutes choses et a fait lui et toutes choses ; gardons-nous de faire cela ; c’est ce procédé qui rend nos chutes si fâcheuses et nos maux incurables, lorsque nous nous cachons de devant Dieu : si nous nous présentons devant sa face aussitôt que nous entendons sa voix, qui se fait entendre à notre conscience et nous reproche notre mal faire ; si, dis-je, nous nous jetons à ses pieds sans rien déguiser, mais avouant ingénument nos fautes sans nous excuser, ô que ce Dieu d’amour et plein de compassion et de bonté nous relèvera bientôt ; et nous donnera les moyens nécessaires pour notre guérison, qu’il nous offre en Jésus Christ, qui seul est notre médecin ; qui guérit tous nos maux si nous avons recours à lui et allons vers lui, car il nous appelle. Mais nous nous cachons, nous déguisons, et fuyons autant que nous pouvons la présence de notre Dieu, qui cherche avec tant d’amour à nous relever de nos chutes.

13. Nous entendons sa voix au vent du jour : cela signifie l’émotion que cause cette voix de notre conscience ; elle cause, comme fait le vent, une émotion, un ébranlement en nous ; nous tremblons à l’entente de cette voix que nous craignons, sentant bien que le jour qu’elle amène découvre notre mauvais état, le manifeste et le met en plein jour ; il ne laisse rien de caché, et cela nous fait trembler et frémir ; mais n’importe, il faut que cela soit, et c’est l’effet de la présence de Dieu ; elle manifeste tout le mal qui est en nous, elle n’en laisse rien de caché : laissons-le manifester, quelque douloureux, désagréable et pénible que nous soit cette vue. L’amour propre en veut crever, lequel veut toujours se couvrir et paraître beau ; ne l’écoutons pas, c’est lui qui nous porte à nous déguiser, à nous cacher ; efforçons-nous plutôt à nous tenir présents à Dieu, car hors de cette sainte présence, nous ne pouvons guérir de nos maux. C’est donc devant lui qu’il nous faut tenir, et ayant manifesté et découvert notre mal jusqu’au fond, il le guérira aussi ; hors de là il n’y a point de guérison.

14. Oh ! si nous savons pratiquer ceci, de nous présenter à Dieu dans quelque état que nous nous trouvons, sans nous en laisser détourner par quelque prétexte d’indignité que ce soit ; nous éprouverons bien l’avantage inconcevable que nous en recevrons, et que l’expérience seule peut faire comprendre ! Oui, le prix de cette pratique de se présenter sans cesse (et dans quelque état de misère que l’on se sente être) devant Dieu est inconcevable. Se livrer à lui à discrétion, se mettre devant lui pour subir tous ses arrêts sans s’excuser et sans capituler avec lui, mais se livrer à lui à discrétion ; ô que ceci est un secret d’amour que l’Amour Divin seul peut faire comprendre et qui nous réunit en peu de temps à Dieu, nous réconciliant à lui, nous fait de nouveau être ses enfants, bannissant toute crainte mercenaire !

15. Mon Dieu, que tu aimes cette audace et cette hardiesse causée par la plus profonde humilité, par l’amour le plus pur et la repentance la plus sincère et la plus solide ! C’est la pénitence et la repentance des enfants, qui n’est aussi comprise que d’eux ! C’est celle que Marie Madeleine pratiqua, encore toute couverte et toute pénétrée des souillures de ses paillardises ! Elle n’a point de honte ! Elle a l’effronterie d’embrasser les pieds du Seigneur, de les laver de ses larmes, de les essuyer de ses cheveux ! (Luc 7, 38.) Quelle familiarité ! Mais le Seigneur ne la repousse point ! Elle trouve là le bain où elle laisse toutes ses souillures ! Elle y perd la robe du péché, qui y est brûlée par le feu de l’Amour Divin, que son Sauveur, qui est l’amour même, allume dans son cœur ! Elle se relève absolue et toute perdue dans l’Amour Divin, qui a fait son bain ! Voilà le remède le plus salutaire à tous les maux, il guérit bien mieux que tous les travaux !

 

 

 

CHAP. XVIII.

 

Conduite de Dieu envers l’homme et de l’homme envers Dieu.

 

Dieu appelle le pécheur. Ne donne l’intelligence de l’Écriture Sainte qu’aux régénérés. Changement au corps d’Adam par la chute. Les sens séduisent la volonté. Il faut contempler Dieu et ne désirer que lui et sa volonté, et il nous gardera. Sans tentation nul n’arrive à l’union Divine. Quand on a manqué, il faut retourner à Dieu et confesser sincèrement. Si nous nous donnons tous entiers à lui, il nous pardonne nos péchés.

 

v. 9. Mais l’Éternel Dieu appela Adam et lui dit ; où es-tu ?

 

1. 

 

Voilà la bonté de Dieu et son amour qui se manifeste, il ne laisse point Adam dans son état de désobéissance, de rébellion et d’éloignement de lui ; il l’appelle : Où es-tu ?

2. Ce sont aussi les paroles qui frappent l’homme pécheur dans son état d’impénitence ; où es-tu ? lui dit Dieu : où erres-tu ? quel état est celui où tu es ? rempli d’effroi et de crainte ; l’homme est tout dans la perplexité, se voyant dans un état si déplorable : mais il faut nécessairement passer par là, voir toute l’étendue de la misère où l’on est, si nous voulons rentrer dans la grâce de Dieu : il faut connaître et sentir notre maladie, avant que de pouvoir en être guéri.

 

v. 10. Et il répondit : j’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai craint parce que j’étais nu, et je me suis caché.

v. 11. Et Dieu dit : qui t’a montré que tu étais nu ? n’as-tu pas mangé de l’arbre, duquel je t’avais défendu de manger ?

 

3. Il faut bien nécessairement qu’il fût arrivé un grand changement au corps d’Adam par sa désobéissance ; et que l’Écriture sainte ne nous marque pas toutes les circonstances de cette chute d’Adam ; Dieu ne l’ayant pas voulu, et s’étant réservé d’en révéler immédiatement quelques particularités à certaines âmes en divers temps, afin de faire voir que l’Écriture Sainte renferme des secrets inépuisables, et qu’il faut que ce soit le St Esprit qui les explique et les découvre à ceux-là seulement qui se laissent régénérer ; qui donnent lieu à cet Esprit de grâce de vivre en eux, d’y faire sa demeure ; et ce sont ceux-là qui meurent au péché pour revivre à Dieu, auxquels il fait la grâce de les éclairer de la lumière du St Esprit, par laquelle seule l’on peut entendre les Écritures.

4. Il faut bien, dis-je, qu’il se fît un grand changement dans Adam et dans toute sa nature, au moment de sa désobéissance : car avant cela, il n’était pas aveugle, bien loin de là, il voyait bien plus clair qu’après qu’il eut mangé de l’arbre défendu ; mais après cela il voit en lui ce qui n’y était pas avant sa chute ; il se voit dans un état dont il a honte. Son corps beau, transparent et luisant dont il était orné était et faisait encore une partie de sa gloire, il n’avait pas besoin de le couvrir, et ne pouvait en avoir honte ; mais par sa désobéissance, il est couvert dans un moment de ce corps obscur, pesant et honteux, que nous avons hérité de lui, et dans lequel nous naissons, et y sommes tout le temps de notre vie mortelle, chargé d’infirmité et de faiblesse, de mille misères et nécessités, qui nous rendent bien plus misérables et sujets à mille fois plus de besoins que les bêtes.

5. C’est le corps de péché dont il fut environné, et dont il a honte, comme nous aussi ; il est obligé de le couvrir à cause de sa laideur, et des membres honteux qui ont été produits comme le fruit qui est né de sa convoitise charnelle, du désir de s’unir avec son semblable.

6. C’est cette marque de notre chute que nous portons, et dont nous avons bien sujet d’avoir honte, puisqu’elle témoigne contre nous que nous avons retiré notre amour de Dieu ; qui nous voulait honorer de la grâce insigne de son union, et l’avons donné à la créature ; nous nous sommes séparés du légitime amant de nos âmes pour paillarder avec nous-mêmes ou avec notre semblable. Mais je renvoie le Lecteur aux Discours où j’ai déjà écrit sur cette matière 13.

 

v. 12. Et Adam répondit : La femme que tu m’as donnée pour être avec moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.

 

7. Ceci est assez clair selon le sens de la lettre, ainsi je ne m’y arrête pas. Mais selon le spirituel nous voyons, comme je l’ai déjà dit, qu’Adam représente la partie supérieure de notre âme, comme les mystiques la nomment, qui est la volonté, et Ève représente la partie inférieure, qui sont les sens, où les passions ont leur siège. Cette partie supérieure devant gouverner l’inférieure, nous voyons que dès qu’elle écoute celle-ci et la suit, elle est séduite ; l’inférieure se laissant émouvoir à la convoitise par les objets qui lui sont présentés, par ce qui paraît aux sens beau, bon, agréable, et qui les chatouille ; elle désire cela qui lui est présenté par le serpent, et entraîne la volonté dans l’accomplissement de sa convoitise.

8. Voilà pourquoi, le grand secret pour être à l’abri de toutes les séductions qui nous arrivent par les objets qui sont présentés à nos sens extérieurs, aussi bien qu’aux internes, c’est de ne pas écouter ni regarder ce qu’ils nous présentent pour nous entraîner à suivre leurs désirs, mais de retirer sans cesse notre volonté de tout cela, et de la tourner ou tenir toujours collée à Dieu, ne voulant que lui et n’adhérant qu’à lui : nos sens nous présentant quelque chose, quelque bonne et excellente qu’elle paraisse, mettons la chose présentée devant Dieu, donnons-la-lui, et s’il veut que nous en usions pour lui et selon son ordre, il nous inclinera alors à faire comme il lui plaira ; notre convoitise en sera bannie par cette offre entière à Dieu, par ce regard vers lui l’ayant mise à ses pieds comme sienne, et nous serons alors en état d’en user selon sa volonté s’il le veut : mais si c’est une tentation où l’on veut nous faire tomber, Dieu voyant notre intention sincère de ne vouloir rien ni de ne désirer rien que ce qu’il nous donne, voyant, dis-je, cette intention droite et unique, il nous garantira, il nous donnera une répugnance, un éloignement pour ce qui nous est présenté, et cette répugnance et éloignement nous doit suffire pour ne la pas accepter ni y consentir, mais plutôt nous en détourner et la regarder comme suspecte et dangereuse. Et si nous faisons cela du premier abord, et prenant bien garde à la disposition de notre fond, s’il accepte ou rejette à l’instant ce qui nous est présenté, ne nous précipitant pas, nous serons à l’abri de toute surprise ; et prenant du temps, sans écouter les réflexions et raisonnements plausibles, excités par l’objet qui nous est présenté, mais nous tenant immobiles et fixés en la présence de Dieu, sans admettre ni bonne ni mauvaise pensée ou inclination excitée par le dehors, demeurant ainsi dans la détermination de ne vouloir que Dieu seul et sa volonté, nous serons garantis des tentations les plus subtiles et qui nous veulent entraîner sous la plus belle apparence de bien, et la plus spirituelle qui se puisse.

9. C’est donc ainsi qu’il ne faut pas écouter la femme qui veut nous entraîner à la convoitise et à l’exécution de ce qu’elle désire ; car pour ce qui est d’être tenté ainsi en mille et mille manières, cela arrive à chacun de nous et est notre partage pendant le temps de cette vie mortelle ; car c’est le temps d’épreuve, dans lequel Dieu veut que nous soyons éprouvés et tentés en toutes sortes de manières : et quand même Dieu nous fait la grâce de nous convertir à lui et d’abhorrer le mal, de rentrer dans sa dépendance, de ne vouloir rien et ne désirer plus rien sinon l’accomplissement de sa sainte volonté en nous, renonçant à toute autre prétention ; si est-ce que pourtant depuis le temps de ce changement d’intention et de vue (qui est celui de notre conversion), il faut que nous soyons tentés en toutes sortes de manières et qu’il n’y ait tentation de quelque sorte que ce soit par laquelle nous ne soyons éprouvés, et qui ne nous soit présentée, pour voir si nous y voulons consentir et nous y laisser entraîner.

10. Dieu ne reçoit aucune âme en son union qu’auparavant elle n’ait ainsi été mise à l’épreuve de toutes sortes de manières, pour voir si elle demeurera ferme dans sa fidélité envers lui, à ne consentir en rien qu’à lui seul et sa volonté, auquel seul elle donne entrée en son cœur, n’admettant rien autre chose, ni plaisir ni désir d’aucune espèce que ce soit.

11. Mais si nous avons le malheur d’être surmontés par la tentation comme Adam, après nous être convertis à Dieu et avoir reçu tant de grâces de lui, ne faisons pas comme Adam, ne nous cachons pas de la présence de Dieu et ne nous excusons pas en jetant la faute sur un autre ; nous ne faisons par là que l’augmenter et rendre notre mal plus difficile à être guéri ; évitons tous les détours et échappades que l’amour propre cherche, et présentons nous humblement devant Dieu lorsqu’il nous appelle au-dedans de nous-mêmes, nous montre notre faute, et nous en reprend ; avouons-la ingénument et confessons que nous sommes plus coupables que nous-mêmes ne le pouvons comprendre ; et ce procédé nous mettra en disposition de recevoir facilement le remède que Dieu veut appliquer à notre mal, et nous faire rentrer en sa grâce : ce procédé enfantin et sincère fera que souvent, au lieu de châtier nos fautes, il nous caressera et nous donnera de vifs sentiments de son amour et de sa tendresse paternelle.

12. Ô mon Dieu, combien de fois ne m’as-tu pas puni de la sorte ! J’en suis encore tout confus et interdit, ne pouvant comprendre ta bonté infinie de vouloir caresser un pécheur, un rebelle, qui ne peut s’attendre que d’être accablé par les traits de ta justice ; qui les attend en se courbant pour recevoir tes coups auxquels il consent, reconnaissant qu’il les a bien mérités ! Tu le trompes dans son attente : au lieu des coups de colère et d’indignation qu’il attend, ce sont des traits d’amour, dont son cœur se sent transpercé, qui le font être de nouveau transporté d’amour et de reconnaissance envers toi, qui te venges d’une manière si contraire à son attente. C’est ainsi que tu fais par tes Divins attraits, envers l’homme enfantin, qui ne désire rien que ta seule gloire, qui ne regarde que toi, n’a d’intérêt que de te voir vengé à ses dépens, qui se range toujours de ton côté contre soi-même ; ô la joie extrême de se voir ainsi trompé par ce Dieu de bonté.

13. (Psau. 18, 26-27.) Envers celui qui est pur, intègre et bon, tu te montres bon, pur et intègre, mais envers le pervers, tu agis selon sa perversité. Celui qui agit envers toi sans déguisement, qui confesse tout selon la vérité dont tu le convaincs en sa conscience, envers celui-là tu te montres pur ; tu lui communiques ta pureté qui le nettoie et purifie de ses fautes, en sorte qu’elles sont effacées en un moment : mais envers le pervers, le tortu, qui se déguise, s’excuse et se veut justifier contre la conviction de sa conscience, qui le déclare être coupable ; envers celui-là, tu te fais sentir rigide, en l’accablant du poids de son iniquité.

14. C’est ce que David exprime encore au Ps. 32, 3-5. Quand je me suis tu, mes os se sont envieillis, jour et nuit ta main s’appesantissait sur moi, ma vigueur s’est changée en sécheresse d’Été Selah : je t’ai fait connaître mon péché et je n’ai point caché mon iniquité, j’ai dit : je confesserai mes transgressions à l’Éternel ; et tu as ôté la peine de mon péché : Selah. Voilà la vraie absolution que Dieu prononce au-dedans de nous, ôtant la peine et le poids d’une mauvaise conscience, qui nous accable aussi longtemps que nous ne lui avouons pas ingénument et sans déguisement toutes nos fautes en général, et en chaque cas particulier, en nous reconnaissant être criminels et coupables, nous présentant pour subir le châtiment qu’il lui plaira de nous infliger : dès lors que cela est fait sincèrement, il ôte la peine de nos péchés, nous fait sentir l’efficace de ces paroles : (Matt. 9, 2) Aie bon courage, mon fils, tes péchés te sont pardonnés. Une telle âme dans de pareilles dispositions est bien éloignée d’abuser de la grâce de Dieu et du traitement doux et plein d’amour qu’il lui fait éprouver ; elle est bien éloignée d’en vouloir abuser pour retourner à mal faire ; elle craint le péché plus que l’enfer, et les moindres infidélités, les plus légères fautes lui sont des péchés énormes à ses yeux, dont elle entre en frayeur. Ce traitement amoureux de son Dieu lui rend le péché plus affreux que les menaces de toutes les peines de l’enfer ne pourraient faire, car elle sert son Dieu par amour, et non par la crainte mercenaire et servile. L’amour est sa loi : car l’amour est son Roi.

 

v. 13. Et Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? Et la femme dit : Le serpent ma séduite, et j’en ai mangé.

 

15. L’un jette la faute sur l’autre, mais elle est sur les trois tous ensemble ; l’amour propre est le premier séducteur, figuré par le serpent, qui cherche la grandeur, l’excellence, et l’indépendance. La convoitise des sens, la volupté, est le second séducteur, figuré par Ève, et ces deux entraînent la volonté à consentir à leur désordre : laquelle volonté figurée par Adam était néanmoins libre, il n’était point forcé de se laisser entraîner à la séduction des autres, voilà pourquoi il faut que le châtiment soit commun.

16. Il y a un mystère dans ce que Dieu ne demande pas au serpent comme il a fait à Adam et Ève, pourquoi il a fait cela, c’est parce que le serpent était déjà déterminé de volonté à mal faire, s’étant déjà rebellé contre Dieu, savoir Satan, dont le serpent est ici la figure. Ainsi Dieu lui inflige simplement son châtiment.

 

 

 

CHAP. XIX.

 

Combat de la semence et de la femme contre le serpent.

 

Il faut que Dieu lui-même découvre tout. Jésus Christ et tous les vrais convertis brisent la tête du serpent. L’attrait profond dans le Centre est la semence de la femme, laquelle combat contre le serpent dans l’entendement, dans la raison, et dans les sens. Le Diable se défend longtemps dans la nature corrompue, jusques à ce qu’il soit entièrement jeté dehors. Ce que signifie manger la poussière, et ce que c’est.

 

v. 14. L’Éternel dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les animaux domestiques, et entre toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie.

v. 15. Et je mettrai de l’inimitié entre toi et la femme, entre ta semence et la semence de la femme. Cette semence te brisera la tête, et tu lui briseras le talon.

 

1.

 

Ô Mystère de mon Dieu, qui te comprendra sinon celui auquel tu te manifestes ! Car tout ce que tu ne révèles pas toi-même, ô Seigneur ! demeure bien caché. C’est ainsi qu’il faut que la gloire et l’honneur te reste toujours en toutes choses ; que nous reconnaissions que nous ne sommes que ténèbres, erreur, et ignorance ; et que nous n’entendons rien, même des paroles que tu as fait prononcer par tes anges comme tes ministres, si tu n’en donnes l’intelligence par ton saint Esprit.

2. Il est assez connu que par la semence de la femme l’on entend notre Seigneur Jésus Christ, né de la Vierge Marie, lequel a brisé et brise sans cesse la tête du serpent ancien le Diable. Mais, dans un sens intérieur, il n’est pas moins véritable, et cela est ainsi en chacun de nous : tous ceux à qui Dieu fait la grâce de se convertir à lui expérimentent que la semence de la femme brise la tête du serpent.

3. J’ai dit que la femme, dans ce sens intérieur et spirituel, signifie notre partie basse ; ou pour m’expliquer selon que j’ai déjà fait, elle représente notre âme, que j’ai nommée l’homme astral. C’est cet homme-là, ou cette partie de l’homme composée des astres, qui est la femme ; qui s’est laissée séduire par le serpent, et, comme je l’ai aussi déjà dit, le centre 14 ou fond de l’âme est la matrice ou le germe du nouvel homme qui doit être reformé en nous ; cet homme est Jésus Christ, qui, comme dit St Paul (Gal. 4, 19), doit être reformé en nous.

4. C’est donc là la semence de la femme et l’Enfant qu’elle doit enfanter, lequel brise la tête du serpent : ce Centre de l’âme est cette partie qui a été conservée dans l’âme d’Adam dans sa chute ; laquelle est capable de recevoir de nouveau la semence Divine, pour la renaissance du nouvel homme ou de l’homme Divin, qui a été ôté d’Adam dans sa chute, et duquel la privation lui a causé la mort.

5. C’est donc de ce Centre de notre âme que la semence Divine qui y est reçue brise la tête du serpent ; ce serpent a aussi son siège dans l’âme, mais dans la partie basse ou dans les sens et dans la raison ou l’entendement, où les pensées et raisonnements se forment : et ce serpent lui-même est la figure de l’amour propre. La semence de la femme, l’instinct Divin dans le Centre de l’âme, lui brise la tête, lui ôte toute sa force.

6. Si nous apprenons à connaître et à suivre cet instinct, cet attrait profond du Centre brisera la tête à toutes les machinations de l’amour propre ; anéantira toutes ses ruses, les découvrira, si nous suivons cet attrait, qui incline doucement et profondément notre volonté ; nous serons garantis de toutes les séductions de ce serpent de l’amour propre, et il anéantira tous les beaux raisonnements qu’il suggère dans notre entendement pour nous séduire.

7. Ceci est d’une importance infinie, et si nous étions fidèles à suivre cet instinct Divin qui est en nous, nous avancerions très vite dans la régénération ; car autant que nous le suivons et lui donnons lieu, autant croît-il et prend vie en nous, jusqu’à ce que Christ soit formé en nous, duquel instinct Divin il naît. Mais autant que nous étouffons cet instinct, en ne l’écoutant et ne le suivant pas, autant l’empêchons-nous de prendre vie.

8. Le serpent, qui a son siège dans notre tête, combat sans cesse de toutes ses forces contre cet instinct, qui est la semence de la femme, et s’oppose à ce qu’il prenne vie et croisse en nous ; il y a inimitié et guerre continuelle entr’eux ; nous expérimentons cela, que la raison, les réflexions, l’inclination de nos sens, tout cela s’oppose à ce à quoi l’attrait du Centre nous incline, et s’efforce à l’étouffer.

9. Mais soyons fidèles à suivre cet attrait secret, et nous expérimenterons bien qu’enfin ce nouvel homme ayant pris vie, il brisera la tête du serpent ; il écrasera et tuera entièrement l’amour propre en nous ; et Jésus Christ le nouvel homme demeurera vainqueur, et maître absolu dans toute notre âme ; ayant exterminé le serpent, l’ayant vaincu, il dominera aussi sur les sens, sur notre entendement, et sur toutes les facultés de notre âme.

10. Mais cela n’est pas si tôt fait ; et quels rudes combats n’y a-t-il pas à soutenir avant que le dragon soit entièrement jeté hors ? C’est beaucoup lorsqu’il est jeté hors du Ciel de notre âme, que la volonté est déterminée de ne le plus loger, qu’elle écoute et suit uniquement l’attrait ou l’instinct Divin du Centre ; (Apoc. 12) qu’il est jeté en bas, dans les sens et l’entendement, où il fait à la vérité bien du ravage : mais n’importe, laissons-le faire autant de bruit, et exciter autant de rébellion dans cette partie basse, qui est la terre, qu’il plaît à Dieu de le permettre ! Demeurons cois et fermes, unis de volonté à Dieu dans notre Centre, où il a sa demeure ; et tous ces vacarmes excités dans nos sens et dans notre imagination ne nous nuiront pas ; ils ne feront que briser le talon de la femme, cela veut dire mortifier notre nature corrompue, la briser, l’humilier, en sorte qu’elle perdra peu à peu toute sa force et sa vie, par ces combats et tentations, que nous éprouvons de la part du serpent et de l’amour propre qui est d’accord avec le Diable, car ils agissent de concert ensemble, elle sera brisée et mise en poudre.

11. C’est dans et sur cette poudre que le serpent rampe tous les jours de sa vie : tant que l’amour propre est en vie, étant rejeté du Ciel de notre âme, il habite opère et casse dans et sur cette poudre de notre nature corrompue ; c’est où il se nourrit, c’est là où il fait sa demeure, et où il fait ses derniers efforts, mais qui ne nous font pas grand mal, jusqu’à ce qu’il soit enfin entièrement exterminé et tué totalement.

12. Voilà les merveilles de mon Dieu, et comment la malédiction même qui est prononcée contre le serpent sert de moyen dans la main de Dieu pour rétablir son Règne en nous et ramener l’homme tout entier sous l’obéissance et dépendance de son Dieu, dont il s’est soustrait par sa désobéissance.

13. Tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. Ceci marque aussi le caractère des hommes qui se laissent conduire et gouverner par l’amour propre et le propre intérêt : l’amour propre se nourrit de la poudre de la terre, toutes les vues et le but de tout ce que font les hommes (qui sont déchus de l’amour Divin et se laissent gouverner par l’amour propre) n’est que la terre ; leur intérêt temporel est ce de quoi ils se nourrissent, ils rampent toujours dans la poussière : ce qui regarde la terre, ses avantages, ses grandeurs, ses richesses et voluptés, est ce qui fait l’objet de leurs désirs et de leur recherche, c’est proprement ce qui leur tient à cœur ; et pour tout le reste, ils n’y pensent et ne s’y appliquent qu’en passant ; c’est ce que leur conduite et toutes leurs actions marquent assez, quoiqu’ils veuillent souvent persuader du contraire ; leurs actions démentent leurs paroles et montrent assez que ce qui est solide et réel chez eux est l’affection aux choses de la terre, et que les choses spirituelles dont ils parlent, et dont ils veulent faire croire qu’ils sont amateurs, ne sont qu’en idée et spéculation.

14. Et lorsque ces personnes propriétaires se tournent du côté du spirituel, l’on voit aussi que toutes leurs vues sont leur propre intérêt qu’elles y cherchent, de même que de s’élever ; elles sont elles-mêmes leur but, et tout se doit rapporter à elles : cela aussi est ramper dans la poussière et s’en nourrir ; car rien de moindre que Dieu ne doit nous occuper ; sa seule gloire, son honneur, son amour pur doit être notre but et le motif de toutes nos actions et de notre conduite.

 

 

 

CHAP. XX.

 

Fécondité spirituelle. Misère de la naissance charnelle.

 

Douleur infligée à l’enfantement charnel. De la génération dans l’état d’innocence, exemple de la Ste Vierge Marie. Quand nous recouvrons notre noblesse et fécondité. Fécondité des Anges. Misère de la naissance charnelle. Impudicité abominable d’aujourd’hui. Les Enfants de la résurrection vivent en pureté. Ruse des femmes. En quoi consiste le Centre de l’âme. Les régénérés enfantent des Enfants spirituels à Jésus Christ.

 

v. 16. Et il dit à la femme : J’augmenterai beaucoup ton travail et ta grossesse, tu enfanteras en travail tes Enfants. Tes Désirs se rapporteront à ton mari, et il dominera sur toi.

 

1.

 

Tous les Châtiments et peines que Dieu semble imposer ne sont autre chose et n’ont d’autre but que de ramener sa Créature dans l’ordre Divin, dans lequel il l’a créée ; ce ne sont que des moyens dont il se sert pour cela.

2. Ici Dieu inflige à la femme d’enfanter avec douleur : la convoitise ayant porté l’homme à désirer de s’unir charnellement avec son semblable, il faut que ce plaisir charnel soit suivi de double amertume et douleur, afin qu’il sente la peine qui suit toujours le faux plaisir que l’homme cherche dans la créature ; qu’il soit par là convaincu de sa folie et de son erreur : car pour ce qui est du vrai plaisir, des délices que Dieu avait destinées à l’homme dans son commerce et son union dont il le voulait honorer, pour celui-là, il n’aurait été suivi d’aucune douleur ni d’aucune peine.

3. L’homme aurait produit son semblable par l’embrasement et l’union la plus pure, dans l’amour de son Dieu, qu’il aurait allumé dans son cœur ; et ce chaste et saint amour tout spirituel et Divin aurait suffi pour produire dans l’homme son semblable, sans union charnelle avec aucune créature ; et cette production aurait été enfantée dans les mêmes joies et délices qu’elle aurait été conçue.

4. Nous avons un Exemple de cela, et une preuve de cette vérité, dans la naissance de notre Seigneur Jésus Christ ; outre les autres merveilles de cette naissance qui sont connues, Dieu a voulu y manifester comment l’homme dans son état d’innocence aurait produit son semblable. Il est né d’une vierge très pure, sans aucune coopération de l’homme ; il a été conçu du St Esprit ; cette Sainte Vierge sa mère l’a conçu du Saint Esprit dans la chaste union Divine, dans laquelle son cœur a été embrasé de l’amour Divin ; elle a enfanté cet Enfant-Dieu sans douleur, enflammée du même amour.

5. Voilà comment Dieu nous a montré dans l’exemple de la Ste Vierge et de son Divin Enfant Jésus l’honneur qu’il voulait faire à l’homme de s’unir à lui, et comment il voulait le rendre fécond. Jésus Christ est le Nouvel Adam, c’est en sa personne que Dieu nous montre comment il veut rétablir l’homme dans son premier état d’innocence, par le même Jésus Christ Dieu et homme, qui est notre frère aîné et qui veut de nouveau nous rendre semblables à lui en nous faisant être de nouvelles Créatures.

6. Dès que ce grand ouvrage sera achevé en nous et que ce corps grossier qui est la production du péché sera détruit, dès lors nous serons remis dans notre première noblesse ; et lorsque notre âme sera revêtue de son corps glorieux, tel qu’Adam l’avait avant sa chute, nous recouvrerons la grâce d’être féconds de cette manière toute Divine.

7. C’est ce que notre Seigneur Jésus Christ veut signifier lorsqu’il dit (Marc 12, 25) que quand ils seront ressuscités des morts, ils ne prendront point à femme et on ne leur donnera point de femmes en mariage, mais ils seront comme les anges qui sont aux Cieux. Lesquels assurément ne sont pourtant pas stériles, mais très féconds, et se multiplient abondamment, tous enflammés qu’ils sont dans l’amour de Dieu duquel ils sont les enfants, comme nous les devenons aussi de nouveau en étant relevés de notre chute.

8. Mais pour continuer ma matière, je dis qu’Ève, par la douleur et la misère qui lui est infligée dans sa grossesse et son enfantement, témoigne, avec toute les femmes qui sont nées d’elle, combien est grande la chute qu’elles ont faite en tombant dans la concupiscence : car certainement, il n’y a rien dans le monde qui soit plus accompagné de misères, d’envies honteuses, d’accidents funestes, d’ordures, et de toutes sortes de maux, que les suites de ces voluptés charnelles, et tout ce qui accompagne la conception et la naissance de l’homme, dans l’état misérable dans lequel il entre dans ce monde ; en sorte qu’aucune bête n’est sujette à tant d’accidents, de misères, et de maux que lui ; ce qui témoigne assez combien cette chute dans la chair a été désagréable à Dieu, et a désuni l’homme de lui.

9. En effet, Dieu étant le légitime Époux, ayant voulu honorer l’homme de cette grâce, pouvait-il être autrement sinon qu’un si honteux adultère fut suivi de tant de maux ? Lesquels s’augmentent de plus en plus, d’autant plus que les hommes se laissent dominer par cet Esprit de paillardise et d’adultère dont ils n’ont plus de honte, mais s’y livrent avec une licence infâme.

10. Les Enfants de la résurrection ne sont pas ainsi ; mais cherchent dès cette vie avec grand désir de rentrer dans la première innocence, de recouvrer la chasteté, la pureté dans laquelle Dieu créa l’homme ; ils redonnent tout leur amour à leur Dieu, et tâchent à se sanctifier et à se purifier (2 Cor. 7, 1) de toute souillure de chair et d’Esprit, afin d’être rendus dignes d’être réunis à leur légitime Époux Jésus Christ, lequel est reformé en eux, et les fait être dès cette vie Enfants de la résurrection ; car tous ceux dans lesquels Jésus Christ est reformé et naît, ce qui est être ressuscité avec Jésus Christ, tous ceux-là sont Enfants de la résurrection dès cette vie, l’exemple nous en est montré très vivement, et au naturel dans la Sainte Vierge Marie ; sa pureté, sa chasteté, son innocence, son néant l’a fait être Mère de notre très adorable Sauveur. C’est ainsi que nous devenons aussi tous sa mère si nous faisons sa volonté ; qui est que nous nous abandonnions à lui sans réserve, afin qu’il puisse opérer en nous l’ouvrage de notre rédemption, en détruisant le péché en nous, et nous faisant être de nouvelles Créatures.

11. Tes désirs se rapporteront à ceux de ton mari, et il dominera sur toi. Dieu ne veut autre chose par là sinon que la femme rentre dans l’ordre Divin : il a créé la partie inférieure de l’âme pour être soumise à la supérieure, qui est l’Esprit ; l’âme a voulu renverser cet ordre et dominer sur l’Esprit ; il faut qu’elle rentre dans cette subordination : et cela est ainsi en tous ceux qui sont régénérés. Pour les autres, cette partie basse demeure la maîtresse, et les hommes s’en laissent dominer ; aussi bien que des femmes en effet, quoique selon l’ordre naturel cela ne doive pas être ainsi : elles savent bien par leur ruse et leurs artifices engager les hommes à faire leurs volontés, comme Ève fit envers Adam ; et cela sera ainsi aussi longtemps que les hommes resteront dans cet état de corruption ; et ce qu’un des Gardes du Roi Darius a soutenu se trouvera toujours véritable : (3 Esdras 3, 12) que les femmes sont les plus fortes.

12. Elles le sont en effet dans un sens spirituel ; et cette partie de l’homme qui a été séparée de lui par la chute a la puissance, la force, et la capacité de concevoir et d’être la mère du nouvel homme ; c’est le Centre de l’âme, dans lequel la nouvelle Créature est reformée, où l’homme Divin reprend vie et croît, jusqu’à ce qu’il soit en âge d’être manifesté.

13. Et les âmes qui sont parvenues à cette grâce ont aussi l’avantage d’enfanter des âmes à Jésus Christ leur Époux. St. Paul en était honoré, selon qu’il le déclare ; il dit : (Gal. 4, 19) Mes petits Enfants, pour lesquels enfanter je suis de nouveau en travail, jusqu’à ce que Christ soit formé dans vous ; ceux-là donc, que Dieu honore de cette grâce dès cette vie, de devenir de nouveau des Épouses de Jésus Christ, ne sont point infructueux ni stériles, mais reçoivent le don de la fécondité ; et cette grâce est la récompense que Dieu leur donne pour le renoncement à tous les plaisirs charnels et sensuels : mais ils éprouvent néanmoins que cette fécondité dont ils sont honorés n’est pas sans souffrance et travail, non plus que dans la naissance des Enfants naturels ; et ils sont rendus participants des souffrances de notre Seigneur Jésus Christ, auquel il en a coûté la vie et tant de peines pour nous racheter et recréer de nouveau.

 

 

 

CHAP. XXI.

 

État actif. Passage dans la foi obscure.

 

L’attrait du fond intérieur pousse à accomplir la volonté de Dieu. La convoitise attire la malédiction sur la terre. Les souffrances portent l’homme à l’obéissance de Dieu. Méditation dans l’état actif. Suivre le correcteur intérieur. Travail de l’état actif apporte des épines et des chardons, et manifeste la malice de la nature, et par ceci même nous mourrons et sommes réduits en poudre. La poudre ne résiste pas à l’opération Divine. Du Centre de l’âme. Habits et Peaux signifie notre corps grossier. Il est mis des bornes à l’activité. Passage de l’état actif dans la foi obscure.

 

v. 17. Puis il dit à Adam : Parce que tu as obéi à la parole de ta femme et que tu as mangé de l’arbre duquel je t’avais commandé en disant : tu n’en mangeras point, la terre sera maudite à cause de toi : tu en mangeras les fruits en travail, tous les jours de ta vie.

v. 18. Et elle te produira des épines et des chardons, et tu mangeras l’herbe des champs.

 

1.

 

Ceci,entendu dans un sens intérieur, marque d’où vient toute la séduction. C’est de ce que la volonté de l’âme obéit et se laisse entraîner à la parole de la partie inférieure de l’âme et des sens, au lieu d’adhérer seulement au Centre de l’âme, qui doit incliner la volonté, et auquel seul elle doit adhérer, comme à la partie supérieure, et dont l’inférieure doit dépendre.

2. Prenons bien garde à cela, et nous laissons conduire par ce Centre ou fond de l’âme, qui incline notre volonté, sans écouter les sens et le raisonnement ; et nous éprouverons que ce centre nous inclinera toujours à obéir à Dieu, à faire sa volonté avec simplicité, comme il le demande ; et qu’au contraire, dès que nous écoutons les sens et la raison, dès lors ils nous font mille clauses, exceptions, et explications sur ce que Dieu demande de nous, et qu’il veut que nous recevions et acceptions en obéissance enfantine ; lequel procédé nous éclaire toujours davantage, afin de pouvoir connaître clairement ce que Dieu demande de nous ; au lieu que consultant les sens et la raison, nous sommes obscurcis et embrouillés par l’artifice de celle-ci et par la convoitise de ceux-là, et nous trouvons incapables de discerner le vrai du faux. Mais cela vient de ce que notre convoitise a déjà entraîné notre volonté à désirer que les choses soient comme nous le voudrions bien, et dès que cela est ainsi, nous nous persuadons facilement le contraire de la vérité, et sommes ainsi entraînés par la convoitise de nos sens et par notre orgueil à accomplir les désirs de la chair, nous laissant ainsi séduire.

3. La terre sera maudite à cause de toi. Nous voyons qu’Adam ayant convoité la terre et ce qu’elle a produit, cette convoitise attire la malédiction sur cette terre ; c’est ainsi que nous attirons la malédiction, par notre convoitise, sur tout ce que nous aimons et désirons hors de Dieu ; nous entraînons cette créature, qui fait l’objet de notre convoitise, avec nous dans la malédiction, parce que nous nous en rendons propriétaires illégitimes ; et qu’ainsi nous la dérobons à son légitime Maître qui est Dieu, lequel est seul bon ; et que pouvons-nous, avec ce que nous prenons ainsi en notre possession, que de tomber dans toutes sortes de maux et de misère, nous séparant du seul et unique bien qui est Dieu ?

4. C’est pour cela que notre Sauveur dit : Demeurez en moi, car hors de moi vous ne pouvez rien faire. C’est là tout ce que nous avons à faire ; demeurons en Dieu, unis à lui seul de volonté et d’amour, et nous serons unis au cep et porterons beaucoup de fruit, étant nourris du vrai suc de la vie : mais hors de là nous ne pouvons trouver nécessairement que malédiction et mort, nous étant séparés de l’unique source de tout bien, et hors duquel il n’y en peut avoir.

5. C’est là la cause que la malédiction s’est toujours augmentée dans le monde et dans toutes les créatures ; c’est que la convoitise des hommes a toujours augmenté, ils se sont toujours davantage éloignés de Dieu ; lui ont soustrait leur amour, et l’ont donné et le donnent aux créatures et à eux-mêmes ; et c’est ce qui augmente toujours davantage les maux qui subjuguent le genre humain, jusqu’à ce qu’ils soient entièrement détruits : car les hommes ne se servent point de la malédiction qui est répandue dans le monde pour le but que Dieu s’est proposé en la permettant.

6. Tu en mangeras en travail tous les jours de ta vie. Le but de Dieu, en permettant que tout ce que l’homme fait soit assaisonné de peine, de travail et d’ennui, que la terre lui produise des épines et des chardons, est que par ces misères il soit comme forcé à retirer son amour et ses désirs de la terre pour les rendre à son Dieu, ne goûtant que fiel et qu’absinthe dans tout ce qu’il veut faire être l’objet de ses délices dans ce monde corrompu. Mais l’homme est si aveuglé et si perverti qu’il n’en fait pas cet usage, mais veut, malgré son expérience continuelle de ce que je viens de dire, le faire servir à ses plaisirs, et se satisfaire dans le peu de bien que Dieu par sa grande miséricorde a encore laissé de reste et a conservé dans les créatures dont il faut qu’il use pour l’entretien et conservation de cette vie mortelle ; et plus cette perversité et renversement augmente, plus la malédiction augmente aussi.

 

v. 19. Tu mangeras le pain à la sueur de ton visage, jusqu’à ce que tu retournes en la terre d’où tu as été pris, car tu es poudre et tu retourneras en poudre.

 

Ceci a un sens admirable pour le spirituel. J’ai déjà dit qu’Adam par sa chute tombe sous le pédagogue de la loi, où il faut qu’il travaille et mange son pain spirituel, aussi bien que le temporel, à la sueur de son visage : ce pain spirituel, la nourriture de l’âme dans ce premier état de conversion, est ce que l’on nomme l’oraison de méditation, dans l’état actif ; où il faut que l’on emploie toutes les forces de son âme à travailler par un retour pénible à retrouver Dieu, en se retournant continuellement vers lui par les exercices de Dévotion, lecture, méditation, prières vocales ; et dans ses occupations, l’on doit tâcher de conserver la présence de Dieu et le recueillement vers lui, en tout son travail ; c’est à quoi l’on est attiré intérieurement, et ce que l’on doit pratiquer avec beaucoup de fidélité ; l’on a un correcteur fidèle dans soi-même, qui reprend en tout ce qu’on ne fait pas bien, qui combat impitoyablement la nature corrompue et la poursuit dans tous ses retranchements ; dans les plus petites choses que nous avons à faire, ce correcteur trouve à reprendre, et plus nous sommes fidèles à lui correspondre, plus il nous reprend fidèlement.

8. Nous ne recueillons dans cet état, au lieu des fruits salutaires auxquels nous nous attendons et des vertus que nous nous efforçons à pratiquer de toutes nos forces dans l’espérance que le travail sera suivi du changement de notre cœur et de nos inclinations, la perversité duquel nous expérimentons de plus en plus ; au lieu de cela il ne nous revient de tout notre travail que des épines et des chardons, qui nous piquent et déchirent sensiblement, par l’expérience douloureuse que nous faisons que, malgré tout ce saint travail auquel nous nous sommes dévoués, au lieu qu’il fasse changer notre nature corrompue et la renouvelle, cette nature se fait toujours sentir plus mauvaise et est plus maligne ; jusqu’à ce qu’enfin nous soyons réduits à la mort à nous-mêmes, que (Rom. 7, 10) tués par le commandement, nous mourions du désespoir de pouvoir surmonter les ennemis que nous avons combattus et dont souvent nous avons cru être les vainqueurs ; nous nous en sentons terrassés et sommes obligés de nous écrier comme St Paul : (Rom. 7, 24) Las ! misérable que je suis ! qui me délivrera du corps de cette mort ?

9. Mais c’est le moyen dont Dieu se sert pour nous faire rentrer dans la poudre, dont nous avons été pris. Car tu es poudre, et tu retourneras en poudre. Nous sommes pris du néant, il faut de nécessité y rentrer ; cela veut dire, dans ce sens ici, que si Dieu doit recréer en nous son image, nous faire être de nouvel les créatures par Jésus Christ, il faut de notre côté que nous rentrions dans l’état passif, dans lequel le néant ou la poudre était que Dieu prit pour en former l’homme. Cette poudre ne résistait point à son opération sur elle ; mais aussi elle n’y aidait ni coopérait point, pour aider à la création de l’homme, elle était dans un état passif : c’est cet état que Dieu veut de nous pour qu’il puisse recréer en nous l’homme nouveau : nous ne devons point lui résister, mais consentir à ce qu’il fasse son ouvrage, le laisser faire, et c’est là notre consentement qu’il y demande ; mais il ne veut pas que nous y mettions la main, il ne souffre pas que nous nous en mêlions, car nous ne ferions que gâter son ouvrage.

10. Cet adorable Sauveur nous prend dans sa conduite et veut opérer cet excellent ouvrage de la régénération en nous, lorsque nous sommes accablés du poids de notre corruption et de l’expérience que nous avons faite de l’impossibilité de pouvoir nous en affranchir par nos propres efforts et par notre travail, quoique secondés de la grâce qui nous montre et fait sentir cette corruption : alors, désespérant à tout aide et secours, hormis à celui qu’il nous offre en nous tendant les bras pour que nous nous abandonnions à lui sans réserve et à discrétion, il nous fait éprouver ce que dit St Paul : (Rom. 8, 3) Ce qui était impossible à la loi, à cause qu’elle était faible en la chair, Dieu a envoyé son fils en forme de chair de péché, et par le péché a condamné le péché en la chair, 4, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous, etc. Quelle est cette justice de la loi qui s’accomplit en nous ? C’est de nous tuer. Car elle est l’exécuteur : lorsqu’elle nous a convaincus par notre expérience qu’il n’y a que péché et sujet de condamnation en nous, ayant anéanti toute propre justice sur laquelle nous puissions nous appuyer, en sorte qu’elle nous oblige à confesser que nous sommes (Rom. 7, 14) vendus au péché, elle nous tue et anéantit, nous fait retourner en poudre ; et c’est de cette poudre qu’alors notre Seigneur Jésus Christ crée le nouvel homme et nous relève de la chute d’Adam et de la nôtre ; mais personne ne peut et ne doit s’attribuer cette renaissance que celui qui a expérimenté auparavant en foi, selon qu’il est montré ici, que le commandement l’a tué 15 et l’a réduit en poudre (Rom. 7, 10).

 

v. 20. Et Adam appela sa femme Ève : parce qu’elle a été la mère de tous les vivants.

 

11.Cela est véritable selon la nature, et l’est aussi selon la grâce : Ève, dans le sens marqué ci-devant, est l’âme ; et le Centre de l’âme est la Mère ou Matrice ou est recréé l’homme nouveau et Divin, qui est seul, à proprement parler, l’homme vivant, qui a la véritable vie Divine en soi, hors de laquelle toute autre vie n’est qu’une ombre de vie et est une véritable mort. C’est donc l’ordre de Dieu que cet homme Divin soit recréé en nous dans le Centre de l’âme, qui est la mère de tous hommes vivant en Dieu.

 

v. 21. L’Éternel Dieu fit des robes de peau à Adam et à sa femme et les en vêtit.

 

12. Ceci marque encore que ce corps grossier n’est autre que ces robes de peau dont ils furent revêtus par Dieu après leur chute ; car pour des habits, si ce n’eut été autre chose, Adam et sa femme étaient assez habiles pour s’en faire eux-mêmes, mais il est dit que Dieu les en revêtit.

 

v. 22. Et l’Éternel Dieu dit : Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, sachant le bien et le mal, mais maintenant il faut prendre garde qu’il n’avance sa main et ne prenne aussi de l’arbre de vie, et qu’il n’en mange et ne vive à toujours.

 

Dans l’état sous l’économie de la loi, qui est celui où Adam est désormais, l’on a la connaissance du bien et du mal, mais c’est cette connaissance funeste qui donne la mort (dans l’impuissance où l’on est de faire le vrai bien que l’on connaît et d’éviter le mal qui est aussi manifesté par la loi, comme St Paul s’en plaint, Rom. 7). Cette connaissance du bien et du mal ne convenait qu’à Dieu, et non à Adam, et l’ayant acquise, au lieu de le rendre semblable à Dieu, elle le fait être le plus misérable de toutes les créatures : mais comme son aveuglement aurait été si grand qu’il aurait cru pouvoir se relever de sa chute, et recouvrer par ses propres efforts son premier état d’innocence et se remettre dans le bien par son travail sous la loi où il se trouve, en croyant y recouvrer la vie, Dieu, par sa grande miséricorde, le prévient en cela et lui interdit le pouvoir de manger de cet arbre de vie ; c’est-à-dire de pouvoir rester en vie dans la force de son activité à toujours ; il met des limites à ces forces actives, afin qu’ayant duré le temps qu’il a destiné pour que l’homme qui s’est converti à lui soit exercé en elles, ses forces défaillent puis après ; et l’homme éprouvant cette défaillance est mis par là dans la nécessité de mourir, comme il a été dit. Tous ceux qui ont passé par cet état auront éprouvé qu’en effet ils ne savent et ne croient pas autrement sinon qu’ils vivront à toujours, qu’ils parviendront à la vie de l’Esprit, à l’entière régénération, dans et par cet état actif sous la loi, mais leur expérience les convainc à la suite du contraire.

 

v. 23. Et l’Éternel Dieu le mit hors du jardin d’Héden, pour labourer la terre, de laquelle il avait été pris.

v. 24. Ainsi il chassa l’homme et mit des Chérubins vers l’orient du jardin d’Héden, avec une lame d’Épée, qui se tournait çà et là, pour garder le chemin de l’arbre de vie.

 

14. Car il éprouve que Dieu le fait chasser hors du paradis, dans lequel est l’arbre de vie, aussi bien que l’arbre de science de bien et de mal : quoique le travail actif soit pénible, néanmoins il a aussi bien de la douceur et de l’agrément, surtout pendant un temps et jusqu’à son déclin ; les vertus que l’on exerce avec force, le combat et le renoncement que l’on pratique avec vigueur contre soi-même, quoique mortifiant pour la chair à cause de l’austérité que l’on pratique, ont pourtant quelque chose de si délicat pour l’âme que ce sont comme autant d’arbres, fruits et de fleurs agréables du jardin d’Héden, qui sont très beaux et très délicieux pour l’âme, et dans lesquels elle se complaît et resterait toujours volontiers si Dieu ne l’en faisait chasser en la déroutant entièrement et lui ôtant toutes ses forces.

15. C’est un Chérubin avec une Épée flamboyante qui la chasse de ce Paradis ; il lui donne la connaissance du défaut de son état qu’il faut qu’elle abandonne ; et ce glaive flamboyant dont il se sert est le feu du pur amour de Dieu dont il lui donne la connaissance et dont il embrase son cœur ; cet amour allume en elle la lumière de la foi, qui la porte secrètement par son fond ou Centre à se confier en Dieu seul, à s’abandonner à lui sans réserve, afin qu’il fasse désormais tout seul son œuvre en elle. Ce feu, cette foi la soutient, malgré tout le sujet de désespoir qu’elle a en regardant l’état déplorable où elle se trouve réduite, qui est des plus tristes et difficiles à comprendre à quiconque ne l’a pas expérimenté, et par lequel il faut pourtant passer si le pur amour de Dieu doit pénétrer nos cœurs et, par son feu Divin, consumer notre vieil homme et créer un homme nouveau.

16. Dans cet état ici, nous perdons l’effet que le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal avait produit en nous ; nous rentrons dans les ténèbres que l’état de la foi obscure produit : l’accès à l’arbre de vie nous est interdit, et la terre dont nous avons été pris, est labourée, déchirée, et renversée douloureusement, par la longue expérience et souffrance que nous cause notre corruption ; cependant c’est dans cette terre qu’est semé le nouvel homme qui se manifeste en son temps.

 

 

 

CHAP. XXII.

 

Réponse de l’auteur touchant des Demandes.

 

L’Auteur remet à Dieu de répondre aux demandes qu’on lui fait, il ne veut rien voir ni savoir qu’en Dieu, il écrit sans Réflexion, il se perd en Dieu. De la disposition intérieure de l’Auteur lorsqu’il écrit.

 

1.

 

Vous me faites bien des curieuses demandes, mon très cher ami, et je ne sais qu’y répondre. C’est à Dieu à le faire, si sa volonté est que l’on y satisfasse et que ces choses soient manifestées dans ces derniers temps pour sa seule gloire, en ne regardant que lui seul. Je mettrai sur le papier sans réflexion ce qui me viendra en écrivant ; car je ne puis en faire aucune, ni désirer de savoir ces choses, ni de ne les pas savoir ; elles sont toutes à Dieu, et je n’y prends aucune part : qu’il soit loué, adoré, et aimé seul. C’est là tout mon désir, et mon unique occupation est lui seul, et d’oublier tout le reste ; de ne m’arrêter pas un moment à quoi que ce soit ; car j’estime les connaissances les plus sublimes comme un rien, et ne devoir pas m’arrêter un moment ni attirer mes complaisances ; Dieu seul doit les avoir, et je ne puis les donner à rien d’autre ; hors de lui tout est vanité et amusement !

2. J’agis simplement avec vous, parce que Dieu nous a unis, et n’ai aucune réserve : je réponds à vos demandes dans cette simplicité ; mais au reste je ne prétends point vous persuader que ce que j’écris est vrai, et surtout les particularités que je marque ne doivent point être rendues publiques, mais rester entre nous, et rendues et remises à Dieu, seul auteur et Créateur de toutes choses, auquel soit honneur et gloire dans tous les siècles, Amen !

3. Ô notre Dieu et Seigneur amiable ! Combien ton nom est grand et admirable, par tout ce val terrestre et spacieux, que ta bonté élève sur les Cieux ! Oui, mon grand et bon Dieu, tes œuvres sont merveilleuses ; mais je ne désire de les regarder qu’en toi et par ta lumière : éloigne de moi toute autre clarté, car je n’en veux point ! Elle n’est qu’illusion et mensonge. Toi, mon Dieu, es seul la vérité ! Je ne veux regarder que toi mon Dieu et mon tout, et c’est en toi seul qu’il me faut voir ce que tu veux que je voie et écrive, ce que je te remets aussitôt qu’il est sur le papier, pour ne m’en plus occuper ni le regarder, mais toi seul à qui je le rends, et m’occupe de vous, mon cher Époux, en vous ! Je m’enfonce dans votre demeure ténébreuse qui m’est mille fois plus agréable que toute la lumière ensemble.

 

Car c’est vous

Dans votre tout

Sans distinction

Ni Division

Surpassant mes idées

Et ma compréhension ;

Je me perds en vous,

Mon cher Époux !

Là je suis à l’abri

Et très bien garanti

En sûreté

D’être trompé ;

Vous êtes ma Citadelle

Et ma rondelle

Inaccessible ;

Je suis tranquille

Dans votre sein

Et dans mon rien,

C’est là ma place

Par votre grâce,

Où je t’honore,

Sans fin t’adore

Comme mon Dieu,

Dans ce bas lieu.

 

4. Commençons donc à rendre raison à vos demandes dans notre Enfance. C’est le Divin Enfant qui le peut faire, je veux me taire et l’adorer, m’occupant à l’aimer : faites de même, ma joie extrême est d’être à vous, mon cher Époux.

 

 

 

CHAP. XXIII.

 

Explication des sept Tonnerres.

 

La voix du Seigneur est le Tonnerre, qui jette par terre tout ce qui est élevé. Elle a son opération après qu’on a rempli l’état actif. Il faut que Dieu règne seul. Il faut s’abandonner à Dieu. Ce que la voix profère ? Ce qui arrive dans la nuit obscure quand on est dans l’impossibilité d’opérer et qu’il faut demeurer simplement dans l’abandon en suivant l’attrait profond ; de ceci résulte la nouvelle naissance, dans laquelle Jésus Christ vit dans l’âme, et découvre et manifeste les mystères Divins. Les saints Mystiques n’en osaient pas écrire clairement. La régénération est l’œuvre la plus admirable de Dieu.

 

Le 10 Mars 1735.

 

1.

 

Consacrez-vous mes veilles, consacrez-vous mes jours, mon cher Époux, dans le silence, dans l’abstinence, dans le repos. C’est mon partage, dans ce pèlerinage, où je suis étranger. Je ne veux rien que d’être solitaire en votre présence, d’être inconnu de toute créature, de vivre en vous, Divin Époux ! d’être seul avec vous, d’opérer par vous, ou plutôt vous-même dans tous les cœurs, pour vous les gagner en conversion pure, par votre amour ; point de mercenaires, qu’ils en soient bannis, cela est contraire à la loi d’amour, vous méritez d’être seul aimé et adoré en vous et pour vous, mon Divin Époux.

 

Réponse sur la Demande des sept Tonnerres.

Apocalypse 10. Ce qu’ils signifient.

 

2. Comment serais-je assez hardi que de vouloir savoir ce que les sept tonnerres ont proféré ? Je proteste devant vous, mon Céleste Époux, que je ne veux rien savoir, ni rien voir, qu’en vous, Divin Époux ; pour votre gloire, et pour manifester ce que vous voulez aux hommes pour les porter à votre amour, à se quitter eux-mêmes, à vous adorer, à se confier en vous, à s’abandonner sans plus résister à vos saints attraits, c’est là mes souhaits.

3. (Ps. 29.) Votre voix, Seigneur, brise les Cèdres du Liban : c’est un tonnerre qui renverse et extermine tout, car tu ne peux rien souffrir que toi-même. Céleste voix ! tout ce qui est haut, fort, élevé comme les Cèdres du Liban, vous le brisez, vous l’abattez, mon Dieu, et voulez vous élever et établir seulement sur les ruines ! C’est donc votre voix qui renverse et extermine tout : c’est cette voix qui, quoiqu’une en elle-même, se multiplie selon l’opération qu’elle entreprend de faire sur les sens 16 et puissances de l’homme ; et est ainsi dans le nombre de sept, se rapportant aux cinq sens, à l’entendement et à la volonté : il faut que cette voix opère sur eux comme sept tonnerres, et les renverse et détruise, si cette voix, cette parole Éternelle, ce verbe Dieu veut s’établir, créer de nouveau, et être la seule vie de ces puissances et régir ses sens, les diriger et en être maître absolu.

4. Avant que ces tonnerres fassent entendre leurs voix, pour les abattre et les détruire dans leur vielle constitution, dans leur ancienne vie, il ne se peut que l’homme soit renouvelé ; il faut que cette voix puissante les abatte et les détruise ; leur élévation est haute, forte, grande ; car l’homme en lui-même ne connaît point d’autre force que celle qui lui revient de ces nobles facultés de son âme. Ce sont elles qui le régissent et gouvernent sagement à son avis. C’est par elle qu’il veut tout comprendre et connaître, mêmes les choses Divines : lorsqu’il agit le plus saintement et pieusement, il les emploie à chercher de comprendre ce qui est marqué de Dieu et des devoirs qu’il demande de nous, dans les saintes Écritures, s’appliquant à les mettre en pratique, et cela est fort bon et louable ; l’homme qui en use ainsi en droiture et sincérité sera honoré et gratifié d’une plus grande abondance de grâce ; cette conduite est aussi fort approuvée de tout le monde pieux.

5. Mais cela n’étant que ce qui est dans le pouvoir et capacité de l’homme, et étant (malgré tous ses efforts et continuelles recherches, pour faire le bien et le sanctifier) infecté de la propriété maligne qui est la source du péché, cette propriété envenime comme un poison subtil toutes ces bonnes et saintes actions qu’il fait ; elle élève même de plus en plus cet homme en lui-même, sous la plus belle forme extérieure d’un homme vertueux, sage et pieux, bien réglé dans tous ses sens et opérations de ses puissances ; il fait l’admiration de tous ceux qui le regardent et est comme un Cèdre, ou comme plusieurs hauts Cèdres sur le mont Liban, qui signifie l’Esprit humain et tout son Empire, ou il Règne en grand Roi dans ce monde.

6. Mais quelque beaux, admirables et utiles que soient ces hauts Cèdres ; quelque nécessaire qu’ils paraissent dans l’exercice des vertus qu’ils pratiquent avec tant d’éclat, il faut qu’ils soient renversés de fond en comble pour que Dieu seul établisse son règne et sa vie en nous, pour qu’il soit seul grand et régnant ; car il a juré que personne ne sera que lui seul : (Exod. 3, 14) Je suis celui qui suis, il veut être seul sans compagnon : (Ésaïe 42, 8) Il ne donne point sa gloire à un autre, ni ne souffre qu’on la partage avec lui ; il faut donc qu’afin qu’il règne et vive seul en nous, il renverse et brise ces hauts et beaux Cèdres.

7. Que fait donc cette voix puissante, ces tonnerres, que profèrent-ils ? En vérité il serait pris pour des impiétés des sages : la seule expérience des âmes qui sont à Dieu, et auxquelles il fait expérimenter cette admirable conduite, peut les convaincre de la vérité, de la droiture, et de la sainteté de ses voies cachées et secrètes et qu’il ne manifeste, et dans lesquelles il ne peut conduire que les Enfants, qui s’abandonnent à l’aveugle en pleine confiance à sa bonne et fidèle conduite ; mais qu’ils ne peuvent reconnaître comme telle et être de lui que lorsqu’il a à peu près emmené son œuvre à sa perfection, que lorsqu’il leur ouvre les yeux pour leur faire voir le chemin par lequel il les a conduits, pendant tout lequel il leur a bandé les yeux afin qu’ils ne vissent point les chemins étroits et dangereux, bordés de précipices, par lesquels il les a menés ; car s’il ne leur avait pas bandé les yeux, ils seraient morts d’effroi, la tête leur serait tournée, ils seraient en effet tombés dans les précipices, par-dessus lesquels, sans qu’ils le sachent, la main de l’amour qui les conduit les porte sûrement et sans danger.

8. Voilà pourquoi cette voie est si sûre, de s’abandonner entre les mains de Dieu ; toute la science dans le chemin de cette foi et voie obscure est de ne se regarder jamais, ni le lieu où l’on est. Si St Pierre allant vers Jésus Christ sur les eaux mutinées et agitées par le vent n’avait regardé que Jésus et s’était seulement laissé occuper du désir de l’attrait qui le faisait aller vers lui, les ondes lui auraient servi de terre ferme ; mais détournant ses yeux de ce Divin objet pour se regarder, et voyant le danger où il est, la crainte le saisit, et il enfonce, le doute et le manque de foi le fait enfoncer.

9. Qu’est-ce donc que cette voix puissante profère pour renverser ces Cèdres orgueilleux ? La parole Éternelle terrasse la volonté en telle sorte, la mortifie et détourne de tout ce qui n’est pas Dieu seul, qu’elle ne peut plus s’incliner vers aucune vertu ni exercice pieux : toutes ces choses bonnes et saintes, qui faisaient sa vie et sa nourriture avec grande délectation pour ses sens, lui sont ôtées, elle ne veut que Dieu seul, toutes ces choses lui paraissent des empêchements dans le cours rapide où elle est, sans le savoir, pour parvenir à son union.

10. Mais quelle extravagance ! Vous n’y pensez pas, ô âme ! Vous êtes séduite et dans le chemin de l’égarement ! Ces choses mêmes que vous abandonnez, pour lesquelles vous n’avez plus d’inclination, sont le chemin qui vous conduit à Dieu ! Il les a commandées, et c’est en vous étudiant à accomplir ses commandements que vous parviendrez à son union ! Toute l’Écriture sainte témoigne de cela ! Le Sauveur ne dit-il pas lui-même : (St Jean, Chap. 15) Si vous m’aimez, gardez mes commandements ! etc. Toutes les Épîtres sont pleines d’admonitions pour l’accomplissement de ces préceptes, et vous les abandonnez pour, dites-vous, courir à Dieu ! Vous errez assurément ! Cela n’en est point là le chemin ! C’est un faux attrait et un faux repos où vous vous laissez aller ! Et qu’est-ce que ce Dieu vers qui vous allez ? Donnez-nous-en une idée, afin que nous comprenions et puissions concevoir une idée de votre conduite.

11. La pauvre âme répond : je ne puis point vous satisfaire, ni moi-même : je ne puis rendre raison à mon propre Esprit, qui me forme mille objections pour me convaincre de mon égarement : je n’ai rien pour m’appuyer et m’assurer que je suis dans un bon chemin qui me conduit avec rapidité, mais en obscurité, à l’union Divine, qu’une paix profonde dans le fond de mon cœur, qui me donne une assurance, non dans ma raison ni mes sens, que c’est Dieu qui me conduit ainsi, qu’il est mon guide, que sa fidélité ne permettra jamais que je m’égare, dans la conviction où je suis que ce n’est pas moi mais lui-même qui me conduit ; ceci, à la vérité, est sans distinction ni assurance que mon propre esprit, ma raison, mon entendement puisse comprendre, et vous en donner une idée claire que je n’ai point moi-même ; car je suis si fort étranger et me sens si séparé moi-même de ces parties de mon âme, que je n’ose ni ne puis m’engager en aucun raisonnement avec elles ; et non seulement cela, mais trouvant ma condamnation en tout ce qui peut tomber sous ma compréhension, je me trouve attiré à abandonner toutes les lectures saintes et pieuses qui m’ont servi de consolation et d’appui jusqu’à présent, même celle de l’Écriture sainte, et n’ai de repos et de tranquillité que dans l’abandon total de moi-même à discrétion entre les mains de Dieu, pour qu’il me damne selon l’arrêt que je trouve pour cela en moi-même, au moins dans les parties mentionnées de mon âme ; je me livre à lui pour cela et pour tout ce qu’il lui plaira ; je me trouve dans une espèce d’impuissance volontaire pour agir autrement.

12. Et pour ce Dieu vers lequel l’attrait de mon cœur est si fort, je ne puis non plus vous en donner d’idée ; il est un rien à ma compréhension, car je ne puis me former de lui aucune image, il surpasse tout ce que je pourrais m’en figurer ; mais mon amour envers lui, qui m’incline à m’abandonner à lui, devient d’autant plus fort que les ténèbres de mon propre Esprit ou de mon entendement s’augmentent et me rendent incapable de le comprendre : je demeure donc ainsi dénué de tout, et n’ai rien pour soutien que l’attrait ou l’instinct qui m’attire sans cesse à m’enfoncer ou à me laisser engloutir à cet être immense et inconnu à moi-même qui me donne du dégoût et de l’aliénation pour toute autre chose, quelque bonne et quelque sainte et nécessaire qu’elle me paraisse à moi-même et aux autres.

13. C’est ainsi que la voix du premier tonnerre terrasse ma volonté et la perd, l’anéantit à tout ou envers tout ce qui peut être compris par mon entendement ; qui est tout de même terrassé et anéanti, quant à ses opérations, par la seconde opération de ce même tonnerre, qui lui ravit tout ce en quoi il peut opérer : tous mes sens intérieurs et extérieurs souffrent la même douloureuse opération ; et toute nourriture et satisfaction, aussi bien dans les choses naturelles que surnaturelles, leur est arrachée par l’instinct de mon fond ; en sorte que, privé de tout, du bon et du mauvais, sentant un éloignement pour tout commerce avec les créatures bonnes et mauvaises, pour toute société et communion avec qui que ce soit, je ne puis me considérer, lorsque je me regarde, que comme un excommunié et rejeté, ou qui se rejette et excommunie lui-même hors de la communion et société des hommes, et de l’Église ou des saints.

14. Voilà ce que profère ou prononce la Voix de l’Éternel, qui brise ainsi les Cèdres du Liban, fait véritablement mourir l’homme à soi-même, le remet dans son néant, afin qu’il puisse être créé de nouveau par la même Voix, Jésus Christ la Parole Éternelle : c’est ce mystère des voies et opérations secrètes de Dieu que l’on expérimente et qui ne peuvent être comprises des autres personnes : elles en prendraient le récit pour des erreurs et des blasphèmes ; mais ces voies admirables se terminent toutes à ce que Dieu même devient tout en nous, le principe de notre vie et de toutes nos opérations.

15. Ce qui est la grande œuvre qu’il a entrepris de faire en plusieurs cœurs dans ces derniers temps, qu’il veut rétablir son règne d’une manière singulière dans les hommes, qu’il veut posséder plus intimement que jamais ; et c’est pour cela qu’il se les prépare aussi d’une manière plus intime, et qu’il faut qu’il anéantisse bien plus profondément tout leur propre être, par des moyens d’autant plus admirables qu’ils sont douloureux, étranges, et incompréhensibles à l’esprit humain.

16. Car c’est dans le plus obscur de cette profonde nuit et de ce délaissement et abandon des propres puissances de l’âme et de toutes les créatures que (Sap. 18, 14-15) à minuit, il envoie sa parole et crée de nouveau ; qu’il renouvelle merveilleusement cette pauvre créature, la prend pour son Épouse, la vivifie de sa vie même : il fait ainsi évanouir tous ses ennuis et ses soucis, et les change en une paix et contentement parfait ; il lui ouvre de nouveau l’entendement, lui donne quand il lui plaît le sens de l’Écriture sainte par son Esprit, qui lui en donne la vraie explication, comme et quand il lui plaît, mais rien en propre ; elle est et vit dans une dépendance absolue de son Divin Époux, (Apoc. 3, 7) qui ouvre son cœur et son entendement, et que nul ne ferme ; qui ferme la met dans l’ignorance et dans la nudité ; et que nul n’ouvre, et cette âme demeure ainsi abandonnée entre ses mains, paisible, tranquille, et contente : car Dieu est tout et cela lui suffit. À lui seul soient louange, gloire et honneur, dans toute l’Éternité ! Il lui fait connaître la communion intime où il la met avec lui-même, et tous les saints anges et bienheureux : il lui donne quand il lui plaît des connaissances très particulières de leurs états et des Divins mystères, tout autrement qu’elle n’aurait jamais pu concevoir en elle-même. Heureux échange de l’homme en Dieu, dès ce bas lieu !

17. Je ne m’étonne pas que les saints mystiques n’aient parlé souvent qu’avec des mots couverts, des voies secrètes de Dieu envers les âmes qu’il a prises en son opération : en vérité, elles sont si éloignées de la pensée des hommes, qu’ils ne les peuvent comprendre et ne feraient que les blasphémer : par exemple, Mad. Guyon 17, sur cet endroit des sept Tonnerres, n’ose l’expliquer ouvertement ; et je crois que c’est pourtant le sens qu’elle en a eu ; mais comme l’on est si fort séparé par cette voix puissante, aussi bien de tout culte extérieur de la religion que de toute pratique particulière, et que la lecture de l’Écriture sainte même est interdite ; que l’on est mis dans un état à l’extérieur qui n’aurait pu être que condamné d’impiété si elle l’avait déclaré ; que des libertins en auraient pu abuser : elle n’a pas eu la permission de le manifester, comme aussi en d’autres endroits, elle fait assez entendre qu’elle n’ose dire tout ce que Dieu lui fait connaître ; aussi nul ne le peut comprendre que celui qui l’expérimente.

18. L’on dira peut-être : je m’attendais à une toute autre explication des sept tonnerres, à quelque chose d’extraordinaire et de merveilleux ! Je réponds qu’ils ne peuvent proférer rien de plus grand ni de plus admirable que la manifestation de Jésus Christ en nous : rien opérer de plus que l’extermination de tout le vieil homme, pour qu’il vive et établisse son Règne en nous en Maître absolu : et cela s’accomplissant par cette Parole Éternelle en chacun de nous ; alors le Règne de Dieu sera manifesté. Quelle joie d’entendre et de voir l’effet de ces paroles ! Voici le Tabernacle de Dieu avec, oui, dans les hommes, et il habitera avec eux (Apoc. 21, 3), ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera leur Dieu avec eux !

19. Voilà pourquoi il est dit à St Jean (10, 47) de ne point écrire ce que les sept tonnerres ont proféré mais de le cacheter. C’est pour ceux qui l’expérimentent, pour ceux-là l’ange jure qu’il n’y aura plus de temps : ces âmes dans lesquelles se passent ces choses, pour elles il n’y a plus de temps : elles n’en ont plus et n’y sont plus ; plus de vicissitude ni de changement pour elles, puisqu’elles sont dans le moment éternel, vivent par Dieu et en Dieu, lorsque le septième ange sonne de la trompette et achève et consomme le mystère de Dieu, qui est Christ en nous, en achevant de ressusciter et de mettre l’homme entier avec ses puissances et tous ses sens dans la nouvelle vie Divine, alors ce mystère que Dieu a révélé à ses serviteurs les Prophètes est accompli et consommé : alors ce que les sept tonnerres ont proféré et opéré en eux leur est manifesté, c’est la vie de Jésus Christ qui s’est insinuée et établie en eux : en sorte que ces âmes sont possédées de lui d’une manière d’autant plus naturelle et simple qu’elle est Divine et sans mélange d’aucune propriété (Ps. 104, 30). Ô Dieu, crée ainsi de nouveau un chacun de nous, et la face de la terre sera bientôt renouvelée !

Amen, Jésus !

 

 

 

CHAP. XXIV.

 

Des Étoiles et Planètes.

De l’Esprit des Inspirés.

 

Les Étoiles fixes sont les demeures des Esprits bienheureux. Royaume de la Sainte Vierge Marie. Les Planètes sont les demeures des âmes dans la purification. De quelques-unes en particulier. Ces âmes ont beaucoup à souffrir. De leur office. Lettre, comment Dieu se révèle par des Chérubins, Séraphins et autres Anges, et comment ils opèrent dans l’Auteur sans discontinuation d’union en foi obscure. Comme aussi dans St Jean et Esdras. L’Esprit des inspirés sont des âmes de l’autre vie qui sont dans la purification. Celles-ci gardent leur volonté libre, et opèrent sur d’autres en propriété.

 

1.

 

Ô Dieu, que tes œuvres sont admirables, tu les as toutes sagement faites, la terre est pleine de ta gratuité !(Ps. 104, 24.) Tu as fait toutes choses avec ordre, poids et mesure, et ta Sagesse se manifeste en toutes tes œuvres. Mon Dieu, nous vivons dans tes merveilles, et en faisons une des principales ; mais nos yeux sont fermés, nous sommes aveuglés par le péché ; ramène-nous, Seigneur, et fais luire la clarté de ta face sur nous, et nous serons délivrés et guéris de notre aveuglement, nous verrons clair en toutes tes merveilles, et en serons ravis de joie et d’admiration !

2. Mon Dieu ! donnez-moi une obéissance parfaite, un cœur enfantin, un œil simple qui ne regarde que vous, mon cher Époux ! L’on me demande, qu’ayant avancé que les Étoiles fixes sont les demeures des Esprits bien heureux, je dois dire quels sont les habitants de nos Planètes. Avant que d’en écrire, je dirai qu’il m’a aussi été montré que les sept Étoiles que nous nommons le Char sont les demeures de la bienheureuse Vierge Marie. Les Palais Royaux qui lui ont été assignés, ayant sept fois plus de gloire qu’aucune créature, tous ses sens et tout son Être ayant été consacré à Dieu dès cette vie, dans cette chair mortelle d’une manière très singulière.

3. Mon Dieu, que votre majesté est grande et admirable ! J’avoue que j’en suis si pénétré dans le moment que j’écris ceci, que je ne puis qu’être interdit et adorer en silence avec étonnement, admiration et amour, notre Grand Dieu. Quelle gloire pour une créature ! Ô gueuserie de tous les palais royaux, de toute la majesté, et grandeur de ce monde ! Loin de nous ! Allons à la crèche adorer le Roi des Rois dans son anéantissement, suivons-l’y en méprisant grandeurs, richesses et honneurs, plaisirs et commodités, comme sa mère ; ô qu’elle en a été bien récompensée.

 

Sept fois au double de gloire

Pour la mémoire

De son anéantissement,

Elle nous encourage à la suivre,

Et à ne vivre

Que de Dieu,

Dans ce bas lieu.

 

4. Pour les Planètes, je crois que ce sont les lieux où les âmes imparfaites qui sortent de ce monde achèvent leur purification ; savoir les âmes qui meurent en état de grâce et de soumission, de donation à Dieu ; mais, n’étant pas régénérées, Dieu leur a préparé ces lieux, pour achever l’œuvre qui n’a pu être que commencée ici. Ainsi chaque âme, selon le péché ou l’inclination vicieuse qui l’aura le plus dominé, trouvera un lieu conforme à ce en quoi elle s’est comme empreinte ; l’avaricieux en Saturne, le luxurieux en Vénus, le colère en Mars, le vain et volage en Mercure, le changeant, incertain, douteux, etc., dans la Lune. Les Esprits qui ont ces qualités habitent ces lieux, et les Démons y ont beaucoup de pouvoir, selon qu’il leur est permis de Dieu de tourmenter ces âmes, qui y sont punies là par les mêmes choses qui ont ici-bas fait leur plaisir, lequel est changé en douleur bien amère, et plus sensible qu’on ne saurait exprimer ; douleur bien comparée à un feu très subtil et pénétrant qui les ronge et les pénètre ; mais feu qui est de la nature de leurs âmes, comme le feu matériel l’est de notre corps, et y a ainsi prise pour s’y faire sentir.

5. Comme donc le péché est condamné ici par le sentiment du péché en la chair, et fait ici la purification du péché, étant le moyen et l’économie de notre purification qu’il a plu à Dieu de choisir, ainsi de même en est-il de ces âmes ; elles souffrent le vif sentiment de la convoitise où elles ont fait aller leurs affections.

6. Comme, donc, après la chute de l’homme, Dieu l’a banni dans la prison de ce corps dans ce monde pour s’y laisser renouveler et rétablir de sa chute, afin de rentrer après cela dans son premier état d’union avec Dieu par la même bonté et amour de ce bon Dieu, il a ordonné ces demeures, les Planètes, pour ceux qui sont dépouillés de ce corps mortel avant d’être revêtus de Jésus Christ, l’homme nouveau ou spirituel, afin que cette œuvre de la régénération y soit achevée, mais d’une manière infiniment plus douloureuse et plus difficile qu’elle n’aurait été ici, où c’est un jeu, pour ainsi dire, en comparaison de ce que ces âmes ont là à souffrir.

7. Ces Planètes conviennent à être la demeure des âmes imparfaites, de même que ce monde ou cette terre convient de sa nature pour être la demeure de nos corps grossiers, étant de même nature et en étant pris : de même l’âme, que j’ai nommée l’homme astral pour la mieux distinguer de l’esprit, est prise ou formée de ces astres ; ainsi, n’étant plus enfermée dans ce corps, mais rompant cette prison par la mort, elle rejoint ou trouve naturellement dans ces astres le lieu de sa demeure, comme le lieu d’où elle est prise, jusqu’à sa parfaite purification, où elle se réunit à Dieu.

8. Les habitants de ces Planètes sont d’une diversité infinie, selon le degré de pureté ou d’impureté où les âmes se trouvent ; de même que les hommes dans ce monde, il y en a qui sont fort proches de la désappropriation, et ainsi de l’entière pureté ; celles-là souffrent peu, et aident les autres inférieures, y ont leurs offices et appels, comme en cette vie ; il y en a qui sont encore fort impures et propriétaires, qui souffrent davantage : d’autres qui ont des propriétés spirituelles, dont elles ont grand peine de se laisser purifier, même de croire qu’elles aient besoin de purification ; ce sont celles-là qui font bien du remue-ménage par leur activité propriétaire et y entraînent bien des âmes dans ce monde où nous vivons, qui se laissent à leurs opérations, les croyant Divines.

 

*     *     *

 

La matière dont on vient de traiter, qui regarde les âmes actives, qui sont dans la purification sur la terre, étant une chose de fort grande importance dans ces temps ici qui sont si dangereux, et diverses petites sectes ayant par plusieurs choses extraordinaires donné jusques ici beaucoup à penser, l’on fait part au Lecteur d’une Lettre de l’Auteur par laquelle il pourra juger aussi bien des opérations des bons Anges que des autres impressions mélangées des âmes qui sont dans la purification ; sur ce sujet lisez les chapitres suivants, qui traitent des Planètes et de la purification après la mort, comme aussi le 4, 6 et 9. Voyez aussi le Traité du même Auteur sur l’Esprit de l’Inspiration d’aujourd’hui.

 

 

Lettre de l’Auteur

dans laquelle il répond à la demande

 

1. Quel est l’office des Anges dans les inspirations extraordinaires ?

2. Ce que l’on doit croire de l’Esprit des Inspirés connus dans ce siècle ?

 

Mon très cher Frère en Jésus Christ.

 

9. J’ai reçu avec plaisir les questions que vous me faites, et j’y répons volontiers pour éclaircir la matière. Il est à remarquer, en ce que j’ai écrit, que les pensées sont de deux sortes ; celles qui viennent du fond de l’âme et celles qui sont reçues du dehors dans l’entendement. Il est encore nécessaire de dire que lorsque l’âme se trouve dans l’union avec Dieu dans son fond, toutes les inspirations qui lui sont communiquées en clarté, et qui partent de ce fond, doivent être regardées comme immédiates, comme elles le sont aussi en effet 18. Cependant l’on ne veut pas dire qu’elles ne se fassent pas par le moyen d’un Ange qui est donné à l’homme. Car la Parole Éternelle est Esprit et se révèle à notre Esprit. Ceux-ci communiquent ensemble d’une façon spirituelle purement en Esprit, mais non distinctement à la manière perceptible de l’entendement ou des sens extérieurs et intérieurs. Mais cette lumière que nous recevons dans notre entendement, comme aussi ce feu sensible par lequel notre cœur est échauffé et enflammé d’une manière sensible, tout cela se fait par le moyen d’un Ange que Dieu nous a donné. Ainsi donc, lorsque nous sommes poussés par un mouvement provenant du fond de l’âme, cela est immédiatement de Dieu, mais la clarté et la sensibilité qui se manifestent dans les Puissances de l’âme se fait par le moyen de ces Esprits heureux.

10. C’est pourquoi, lorsqu’il me vient un penchant de savoir quelque chose, je ne recherche pas cette chose par mon entendement ; au contraire je m’en détourne tout à fait, en m’enfonçant et me cachant dans le fond de l’âme, dans l’être indistinct de Dieu ; et alors c’est de ce fond, lorsqu’il plaît à Dieu que la connaissance ou la clarté de la chose se lève. Ceci est tout le contraire de ce que l’on fait ordinairement dans la recherche d’une chose ; car, par cet enfoncement de tout moi-même dans ce fond, je me détourne entièrement de la chose que je désire de savoir, comme aussi de tout autre désir de connaître quelque chose ; je me détourne de toute créature et de moi-même vers l’obscurité, et je m’y cache tout entièrement.

11. Les connaissances qui sont communiquées à l’entendement se font par les Chérubins. L’ardeur et le feu sensible de l’amour qui se fait sentir dans le cœur est communiqué par les Séraphins. Mais ces opérations se font de telle manière dans l’union avec Dieu (avec lequel et dans lequel le fond de l’âme aussi bien que ces Esprits bienheureux sont unis, et sur lesquels le St Esprit a une puissance entière, duquel ils dépendent et par le mouvement duquel ils se laissent uniquement diriger), qu’on les tient toutes ensemble pour des opérations immédiates ou des mouvements du Saint Esprit.

12. Mais cette vue distincte, ou cette connaissance claire et cette distinction, n’est pas donnée à un chacun ; et cela n’est pas nécessaire ; c’est un don gratuit : car Dieu prend son bon plaisir à le révéler, et il joue en son amour comme il lui plaît. Ceci s’accorde avec ce que dit Mad. J. Leade, que chaque homme a trois Anges que Dieu lui a ordonnés ; et je comprends que ce sont ceux-ci : un Séraphin, qui proprement a ses opérations dans le cœur, comme cela s’accorde à sa nature et ses propriétés, en communiquant au cœur les feux et les flammes de l’amour de Dieu ; un Chérubin, qui opère sur l’entendement et lui communique les connaissances en l’illuminant : et un troisième Ange, qui opère sur les sens intérieurs. À l’égard des écrits qui regardent simplement ou pour la plupart des connaissances distinctes, il me semble que c’est le cher Chérubin qui opère le plus, mais que là où l’embrasement du cœur est le principal qui conduit la plume, c’est le Séraphin qui a le premier rang. Cependant ils sont toujours ensemble. Ainsi, comme la matière de laquelle il a été fait mention en dernier lieu regarde le pur amour de Dieu, j’ai fait mention du Séraphin. C’est ce que je peux dire pour le présent.

13. Je ne saurais rendre distincte l’assurance que j’ai de toutes ces choses ; car elle n’est pas de nature à pouvoir tomber dans la compréhension : elle est en Dieu, ou dans le Centre duquel j’ai parlé, et il faut qu’elle y demeure. C’est pourquoi je ne désire pas de persuader personne par mes paroles de la vérité des choses que j’écris, et je veux aussi demeurer caché et inconnu. Un chacun qui les lit doit en recevoir la vérité en lui-même ; et celui qui n’a pas cette persuasion ne doit pas acquiescer par mon Autorité, quand même j’en aurais quelqu’une. La vérité veut se légitimer par elle-même dans les cœurs, sans secours humain : toutes les autres autorités ou acquiescements ne sont pas bonnes. À Dieu seul soit l’honneur, la gloire et l’adoration, à présent et dans toutes les Éternités, Amen !

14. Comme les Opérations desquelles je viens de parler procèdent du Centre de l’âme, elles sont presque toutes comme entièrement naturelles, et comme si elles venaient de l’homme même ; sans avoir rien d’extraordinaire ni de particulier : et c’est pour cela qu’elles n’ont ou qu’elles ne donnent pas une assurance aussi distincte pour qu’elle puisse être comprise par les puissances de l’âme. La simplicité, la mortification de la raison, une foi enfantine et abandon à Dieu, la paix intérieure, et la sérénité est ce que je puis exprimer de cet état. Au contraire, ce qui est donné médiatement est versé du dehors dans les puissances de l’âme et a quelque chose de plus distinct, et est reçu comme ayant quelque chose qui vient d’ailleurs ; cela cause plus d’émotion et de mouvement dans les mêmes puissances et les sens.

15. Lorsque j’écris quelque chose, que pour la plupart du temps je n’apprends moi-même qu’en l’écrivant, il me semble, dès que je l’ai écrit, que je l’ai toujours su, et cela ne me paraît être en aucune façon quelque chose de nouveau ou d’étranger ; je pense souvent : un Enfant ne saurait-il pas ce qui se passe dans la maison de son cher Père, ou comment cette maison est faite et ordonnée ?

 

Prenez en bonne part ma franchise et mon ouverture de cœur. C’est le jeu amoureux de la sagesse, faites de ceci ce qu’il vous plaira.

 

16. À mon réveil, ce matin. Il faut que j’ajoute encore ici, que cette connaissance du Séraphin et du Chérubin ne m’occupe en aucune manière, avec ces Esprits saints et bienheureux, comme s’ils étaient hors de Dieu ; et ainsi ils ne font aucune séparation ou entre-deux, mais je demeure dans l’unité, dans la foi obscure. Je ne pense pas à ces Esprits bienheureux sinon lorsque je suis porté à m’en ressouvenir comme à une chose accessoire. Je crois que cela m’a été montré distinctement à cause de mon incrédulité. Car comme cette façon d’écrire, comme il faut que je le fasse, se fait si naturellement et sans mouvement extraordinaire de l’Esprit, cela m’a fait beaucoup de peine, surtout dans le commencement : et fort souvent il me venait un scrupule si ce penchant à écrire ne viendrait pas de mon propre Esprit ; et ainsi ceci m’a fortifié dans la foi et confiance en Dieu.

17. Cela cependant n’empêche pas que le mouvement ne puisse venir du Saint Esprit, comme il paraît en ce que l’Apôtre St Jean a aussi été enseigné par un Ange dans toutes les choses qui sont écrites dans l’Apocalypse ; lesquelles il lui montrait comme il le témoigne ; quoique celui-ci fut de tous les chers Apôtres celui qui était le plus étroitement et immédiatement uni au Divin Sauveur 19, de même le Prophète Esdras.

18. Que ceci soit dit sans m’égaler à eux, comme n’étant qu’un chétif rien et un pécheur. Mais l’Agneau nous a lavés par son sang. À lui seul soit la louange, la gloire, et les Actions de grâces, à présent et dans toutes les Éternités des Éternités ! Amen : Halleluja !

 

Suit la réponse à la seconde Demande.

 

19. À l’égard de l’Esprit des Inspirés d’aujourd’hui, je réponds dans la même simplicité et sans réflexion comme sur les autres demandes : je tiens que ce sont des opérations des âmes qui sont dans la purification et qui se trouvent encore dans leur propriété dans un état mélangé. Ils peuvent opérer dans l’âme des personnes qui ne sont pas encore arrivées à l’unité du Centre, desquelles le fond de l’âme n’est pas encore ouvert. Ils opèrent par le dehors dans les sens intérieurs ou dans les puissances de l’âme ; si vous lisez ce que j’ai écrit des âmes qui se trouvent dans la purification après cette vie, vous verrez facilement quelles sortes d’Esprits j’entends. Ils veulent édifier le Règne de Jésus Christ par leurs propres mouvement et opération ; comme des personnes dans ces temps ici y sont encore si fortement occupées dans leur propre Esprit en bonne intention.

20. Quand je dis que je tiens que l’Esprit qui pousse les Inspirés à parler est un Esprit qui est dans le lieu de la purification, j’entends que lorsque l’âme abandonne son Corps par la mort corporelle, lorsque non seulement elle n’est pas consommée, mais que même elle n’a pas encore appris à se ranger dans les voies de la purification et qu’elle est ainsi encore dans sa propre activité, la mort ne change point son état, parce que je crois que Dieu laisse à l’âme, après la mort, sa libre volonté de même qu’elle l’a ici durant la vie.

Autant donc qu’un tel Esprit a été pendant cette vie dans une forte activité et un Zèle propriétaire, ne s’étant pas voulu laisser conduire par l’Esprit intérieur de Dieu, hors de cette activité des sens dans la mortification de leurs opérations, par laquelle il serait arrivé à une purification et une connaissance plus profonde de lui-même, il arrive qu’il continue son activité après la mort ; dans une bonne intention pour la gloire de Dieu et pour édifier son Règne, comme il a fait ici ; jusqu’à ce qu’enfin il se laisse mieux aviser, et c’est de cette sorte d’Esprits dont je parle. Il me semble que l’opération de Dieu pour la purification des âmes est toujours la même, et son économie uniforme dans cette vie et dans l’autre : seulement, après cette vie, elle est infiniment plus difficile. Mais la liberté reste toujours la même, et une âme peut aussi bien, dans l’autre monde, s’arracher par les tentations du Diable hors de l’état de purification et retourner dans ses voies de la propriété, et arrêter sa consommation, que cela arrive ici aux hommes ; qui, par des raisons apparentes, ne veulent pas se ranger ni souffrir passivement l’opération purifiante de Dieu, parce qu’elle ne leur plaît pas, en ce qu’elle va directement contre leur compréhension et lui est contraire. De cette manière, ces Esprits peuvent après la mort continuer leur manière de faire, s’ils trouvent des personnes auxquelles ils s’adressent qui veulent recevoir leurs impressions qui se font dans les puissances inférieures de l’âme.

 

Le 8 Juin 1735.

 

 

*     *     *

 

1.

 

L’on pourrait me faire une objection à l’égard de ce que j’ai écrit de l’Esprit de l’Inspiration, et dire : D’où vient donc que cet Esprit fait parler d’une façon si spirituelle les personnes qu’il pousse et qu’il parle lui-même ainsi ; car il leur communique de tels enseignements qui ont pour but de conduire les âmes au repos intérieur ; ce qui est entièrement conforme à ce que les plus approuvés d’entre les mystiques ont fait dans leurs Écrits, et qu’ainsi les esprits qui opèrent ceci ne sont point de ceux qui ne sont pas encore arrivés eux-mêmes au repos ?

2. Je réponds à cela que cette objection n’est d’aucun poids : tous ces Esprits (au moins plusieurs, car ils sont forts divers, d’où provient aussi la différence dans ce qu’ils prononcent, et que les inspirés ne sont pas d’accord entr’eux), tous ces Esprits, dis-je, ont une connaissance des voies intérieures, mais ils n’en possèdent pas la réalité. Ils ne possèdent cette connaissance qu’en eux-mêmes et dans leur propriété : tout comme il y a aussi des personnes, et j’en connais, qui écrivent et parlent aussi profondément de la Théologie mystique ou des voies de Dieu, et des opérations de son Esprit dans les âmes, que les vrais Théologiens mystiques l’ont fait, qui ont écrit ce que Dieu leur a fait expérimenter ; et cela de telle sorte que l’on dirait qu’il faut que ces autres personnes possèdent réellement ce qu’elles disent et écrivent. Cependant, lorsqu’une autre âme qui est dans l’expérience connaît ces personnes, elle peut facilement discerner qu’elles ne possèdent en aucune manière l’essence ou la réalité des choses desquelles elles parlent et écrivent, et qu’elles n’ont toutes ces grandes connaissances que spéculativement : elles reçoivent dans leur propre Esprit la vérité de ces voies Divines, elles s’en font une image : elles parlent de la mort et du renoncement au propre Esprit et aux propres opérations ; mais quoiqu’elles exhortent à cela, si est-ce qu’elles vivent pourtant encore tout entières en elles-mêmes, et tout ce qu’elles font est leur propre ouvrage. Cela vient de ce qu’elles retiennent en injustice la vérité qu’elles reconnaissent (Rom. 1, 18). Cela veut dire, elles reçoivent toutes les admirables vérités de la vie intérieure, dans la capacité de leur propre esprit et de leur entendement éclairé d’une lumière astrale, et se servent ainsi de ces vérités par leur propre Esprit d’une façon active ; parce qu’elles croient que ce sont des talents qui leur sont confiés et avec lesquels elles doivent trafiquer. Mais quoique ces Personnes aient une bonne intention, si est-ce qu’il leur manque pourtant le principal, à savoir la mort à elles-mêmes et le renoncement entier à leur propre Esprit, dont elles font une idole, quoiqu’elles parlent et écrivent fort bien de cette mort. Car cette mort et ce renoncement intérieur (auquel l’esprit de Dieu les conduirait infailliblement si elles ne lui résistaient pas) leur manque, sans lequel elles n’arriveront jamais à la réalité des choses qu’elles prêchent et qu’elles approuvent ; et ainsi elles ne parviendront jamais à l’état de pouvoir enseigner par l’opération de l’Esprit de Dieu ; puisque cet Esprit ne les possédera jamais et ne saurait être le principe de leur opérer tant qu’elles ne se laissent pas conduire elles-mêmes dans la mort et le renoncement qu’elles approuvent, et qu’elles prêchent aux autres sans le posséder elles-mêmes.

3. Les Esprits desquels nous venons de parler et par lesquels les Inspirés se laissent pousser font de même : se trouvant, quoique séparés du corps, dans le même état que ces personnes dont nous venons de parler, les opérations de ces âmes séparées du corps sont aussi les mêmes : et elles se font accroire qu’elles possèdent la réalité des choses, qu’elles n’ont cependant qu’en idée ou en figure. Ces Esprits se font, de même que ces autres personnes, une forme et une image des états dont la vérité et la réalité consiste à perdre toute forme et toute image que l’on a en soi-même. Ils prêchent le néant, le vide, et le dépouillement intérieur, et cependant ils prennent toutes ces vérités en eux-mêmes ou dans leur propriété ; ils s’en remplissent, ils s’en font une image, et s’en revêtent.

4. Aussitôt que Dieu fait annoncer une vérité par ses véritables Envoyés, qui sont poussés à cela par son Esprit, lesquelles vérités Dieu leur a données en réalité, par l’expérience qu’il leur en a fait faire par la mort et le renoncement, par lesquelles il les a conduits, sans quoi aussi aucune vérité ni état ne saurait avoir de réalité ; aussitôt, dis-je, que l’on rend témoignage de la vérité de quelqu’un de ces états, ces Esprits qui se trouvent travaillant dans leur propre activité les prennent en eux-mêmes ou dans leur propriété, ils s’en font une idée ou image, et en font un négoce, ils la prêchent, et veulent qu’elle soit reçue et adorée.

5. Ceci est la raison que ces temps ici, à l’égard de la séduction, sont très dangereux ; parce que l’ennemi se sert des vérités les plus profondes, ou que plutôt il se sert de la figure ou image de ces vérités, pour empêcher les âmes d’entrer dans la réalité de ces vérités ; à savoir dans la véritable mort et le renoncement à eux-mêmes et à leur propre Esprit, sans lequel le Règne de Dieu ne s’établira jamais dans les âmes : car c’est là justement ce que l’ennemi craint qu’il n’arrive ; pouvant bien souffrir tout le reste, quelque belle apparence qu’il ait, s’en servant aussi avec beaucoup de succès, pour empêcher que ce Règne de Dieu n’arrive et que les âmes n’apprennent à laisser opérer en eux l’Esprit de Dieu, lequel travaille avec tant de soin à nous conduire à la véritable mort et renoncement de nous-mêmes et de notre propre Esprit, comme aussi à la destruction de la propriété la plus profonde dans les choses spirituelles, où cette propriété est la plus dangereuse.

6. Ainsi c’est cette mort mystique dans toute l’étendue de l’opération de l’Esprit de Dieu en nous dans laquelle on doit se conduire par cet Esprit ; de laquelle mort mystique toutes les excellentes âmes (savoir les vrais mystiques) ont donné dans leurs écrits tant d’excellents témoignages qui sont tous conformes. Elle est aussi d’une nécessité absolue, et le seul moyen par lequel le Royaume de Dieu s’établira. Voulons-nous donc ainsi travailler avec Dieu, afin que ce Règne s’édifie, ô mourons donc ! mourons, mourons !

7. Ces Esprits par lesquels les Inspirés se laissent conduire ne témoignent pas seulement par paroles des vérités de la vie intérieure, ils en donnent encore le goût et le sentiment, et font que l’on goûte dans les sens intérieurs cette paix et ce repos duquel ils parlent. Mais c’est aussi justement par ce goût et ce sentiment que plusieurs sont trompés : parce qu’ils croient que ce repos goûté est la réalité de la paix de Dieu, qui est opérée par son Esprit ; quoique ce ne soit qu’une paix et un repos superficiels qui est goûté dans les sens intérieurs (qu’ils croient être le véritable intérieur), dans lesquels sens internes tous les Esprits de cet ordre ont entrée, et où ils peuvent répandre et communiquer leurs opérations savoureuses. Mais pour ce qui regarde le véritable intérieur, ou le Centre de l’âme, ils en sont fort éloignés, car ce Centre est le lieu où les opérations immédiates de l’Esprit de Dieu se font dans cet intérieur, et où ces autres esprits n’ont aucun accès.

8. Une des plus grandes difficultés qui paraît ici est comment il peut être possible que des âmes qui cherchent Dieu en sincérité puissent être possédées de pareils esprits et que ceux-ci aient tant de pouvoir sur elles ? Mais si l’on considère que ces esprits ne sont pas de mauvais esprits, la chose ne paraîtra pas si difficile. Car ces esprits ne cherchent nullement à avoir accès auprès des méchants ou des personnes qui ne cherchent point Dieu ou qui n’ont encore aucun commencement de conversion, lesquelles ils laissent et ne cherchent point à se communiquer à elles. Mais, au contraire, ils cherchent les âmes de bonne volonté, qui aussi donnent entrée à ces esprits, parce qu’elles croient que ce sont des Esprits qui leur aident à aller à Dieu, qui est ce qu’elles cherchent et désirent, et qu’aussi ce sont des moyens pour trouver Dieu. Mais lorsque l’on considère combien nous sommes éloignés de Dieu, l’on ne peut pas s’étonner qu’on se laisse gagner par des Esprits qui ont une si belle apparence et qui véritablement ont quelque chose de bon, quoique ce bon soit beaucoup mêlé de propriété, aussi bien dans les âmes qui se communiquent que dans celles qui reçoivent leurs communications.

9. Ainsi donc, les âmes qui ne s’attachent pas uniquement à Dieu, qui n’ont pas l’attrait intérieur pour outrepasser toutes choses, mêmes les extraordinaires et tout le créé, afin d’aller à Dieu seul, qui est celui qui les attire ; ces âmes-là, dis-je, qui n’ont pas cet attrait ou qui, l’ayant, ne le suivent pas, mais se laissent gagner à la belle apparence extérieure par des dons extraordinaires, par le merveilleux, et par ce qui tombe dans les sens, l’on ne doit pas s’étonner que de telles âmes se laissent gagner par de pareils Esprits.

10. Cependant l’on n’est nullement dans l’intention de se déclarer par ces écrits contre ces âmes-là, non en aucune façon : on leur laisse volontiers le bon qu’elles possèdent selon leur degré et l’on n’en veut à personne. Mais comme l’on a été interrogé sur cette matière, l’on s’est cru obligé d’y répondre franchement et sans crainte, selon la connaissance qui en a été donnée. Au reste, il est libre à un chacun d’y prendre ce qui lui convient.

11. Ce qui a été bon pour un temps n’est pas pour cela bon pour un autre ; et ce qui a servi d’un moyen pour éviter le mal manifeste ne sert plus lorsqu’il s’agit d’aller plus avant dans les voies de l’Esprit, dans lesquelles Dieu nous veut faire avancer, en nous préparant afin de pouvoir arriver à son union. Alors il ne faut se laisser arrêter par aucune chose quelle que ce puisse être : et puisque les moyens les plus saints et les plus purs nous deviennent nuisibles, lorsque l’Esprit de Dieu nous invite à abandonner les sens afin de trouver l’Esprit, combien moins doit-on ne se pas laisser arrêter par ce qui est encore si impur (quoiqu’il y ait quelque chose de bon) et rempli de propriété, et qui, étant de cette nature, nous doit être d’autant plus suspect qu’il veut se caractériser et être regardé comme s’il était l’Esprit de Dieu-même.

 

*     *     *

 

12. Dans le moment je reçois votre Lettre, avec l’objection à l’égard de ce que Mad. Guyon a écrit des Inspirés. Il me semble tout présentement que la difficulté peut être levée de cette façon 20. Elle dit que c’est une invention du Démon. Cela est vrai, parce que le Diable se sert de ces âmes afin d’empêcher l’établissement du Règne de Dieu. Mais comment s’en sert-il ? Il se sert de la propriété avec laquelle ils sont attachés à leur propre esprit et à laquelle ils ne veulent pas renoncer. La Propriété est donc l’instrument duquel Satan se sert de la manière la plus avantageuse. Cette propriété avec laquelle ces âmes sont attachées à elles-mêmes fait qu’elles sont séduites par le Diable sous l’apparence du bien, lequel bien n’en a que l’apparence sans la réalité ; et avec cela le Diable les occupe dans leur propre activité, dans laquelle elles veulent travailler afin d’établir le Règne de Dieu. Mais elles sont trompées et séduites, cependant elles ne trompent et ne séduisent pas de propos délibéré, et c’est ce que Mad. Guyon dit de même ; qu’elles sont trompées par le Démon, comme nous le voyons ici qu’il trompe et séduit. Il se sert des personnes qui possèdent quelque bien et qui n’ont aucun mauvais but, mais qui au contraire croient, sous l’apparence du bien, de servir Dieu. Mais ce sont ceux-là mêmes dont Satan se sert sous la belle apparence de la vérité afin d’en séduire d’autres aussi bien qu’eux-mêmes, et d’empêcher l’établissement de la vérité réelle, qui est l’Esprit de Jésus Christ en nous. Et cela se fait ainsi parce que le Diable fait accroire à ces Personnes qu’elles ont beaucoup de Zèle pour la vérité et qu’elles ne font autre chose que de travailler de toutes leurs forces à l’établissement de la vérité et à son avancement ; c’est de quoi nous avons ici un exemple.

 

 

 

CHAP. XXV.

 

De la Lune, de la Purification, etc.

 

La Lune est aqueuse. Les autres Planètes sont de feu. Dans la Lune s’achève la première purification après la mort, qui est représentée par le Baptême d’eau. Dans les autres Planètes la deuxième purification, ce qui a été représenté par le Baptême de feu. Les âmes y sont portées par un Ange. Les mérites de Jésus Christ s’étendent dans ce monde et dans l’autre.

 

Le 24 Novembre 1735.

 

1.

 

La Lune est de toute une autre nature que les autres Planètes, car elle a du rapport à l’eau, et les autres au feu. Cependant elles sont d’une matière beaucoup plus subtile que le feu et l’eau que nous connaissons.

2. La Lune est le lieu où les âmes qui meurent avant d’avoir achevé la première purification, ou bien la première conversion, ont leur demeure, laquelle purification est représentée par le Baptême de l’eau : ainsi les âmes qui se sont converties du péché à la grâce dans cette vie, et n’ont pas achevé cette première conversion ou purification, le Seigneur Jésus leur a ordonné la Lune pour être le lieu où cette purification doit se consommer, la Lune étant le lieu qui leur convient, où elle se doit parachever ; et de là, elles sont emmenées par les Anges dans les autres Planètes, où la seconde purification se fait, qui est le second Baptême de feu que notre Seigneur a ordonné, nous l’ayant mérité et acquis par son sang dans cette vie, et ne l’ayant pas moins mérité et acquis pour les âmes auxquelles les mérites de son sang n’ont pas eu leur entier effet dans cette vie, dont elles sont sorties avant leur entière purification : à ces âmes il a ordonné ces demeures, qui sont les diverses dont il dit : (Jean 14, 2) Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père, je vais vous y préparer lieu.

3. Ainsi est l’ordre admirable de notre Grand Dieu : il a pourvu pour toutes les âmes qui sortent de cette vie avant d’avoir achevé leur sanctification, selon le degré dans lequel elles se trouvent ; il leur a préparé les demeures convenables à leur état, où elles sont reçues et y achèvent leur sanctification.

4. Tout cela est opéré et nous est mérité par le sang de Jésus Christ, sans lequel nous n’aurions jamais reçu ces grâces ; ce sont ces mérites qui sont d’un prix infini et s’étendent sur tous les hommes et sur toutes les âmes qui l’acceptent, et qui ne cessent point d’opérer sur elles, soit dans cette vie soit dans l’autre, après qu’elles ont quitté ce corps mortel ; jusques à ce que ce sang aie purifié notre âme entièrement de tout le venin dont elle a été infectée par le péché.

 

 

 

CHAP. XXVI.

 

De l’état des âmes après la mort et de leurs apparitions.

 

En quoi consiste la purification après la mort. Des apparitions et tentations des âmes après la mort. La cause et des exemples. Nécessité de s’abandonner à Dieu en toute épreuve. Les âmes gardent leur volonté libre après la mort, et tous les Esprits l’ont aussi. L’on est puni par les mêmes choses dans lesquelles on a eu ses plaisirs.

 

1.

 

La nature des souffrances des âmes dans les lieux de leur purification est telle, selon que je le comprends, à proportion comme elle est ici dans cette vie, quoiqu’infiniment plus sensible ; car outre l’attrait de Dieu où l’âme tend et l’obstacle invincible de son état d’impureté qui empêche cette union (comme Mad. Guyon, sainte Catherine de Gènes l’ont écrit dans leur traité du Purgatoire), je crois que de même ici Dieu se sert de la peine du péché, du sentiment du péché, pour condamner le péché en la chair, selon St Paul (Rom. 8, 3), en sorte qu’un colérique, voluptueux, etc., lorsqu’il s’est converti à Dieu et a pris la résolution de renoncer à toutes ses passions corrompues, alors quand Dieu veut l’en purifier foncièrement et qu’il s’est assez abandonné à lui pour souffrir cette opération purifiante, il arrive qu’il est tourmenté, harassé et mortifié jusqu’au comble par le sentiment de ses passions qu’il a aimées et auxquelles il s’est ci-devant abandonné avec plaisir et complaisance : elles deviennent ses bourreaux qui le tourmentent pendant longtemps et lui font crier avec St Paul : Je fais le mal que je ne veux pas, las ! misérable que je suis, qui me délivrera, etc. (Rom. 7, 19-24.)

2. Il faut beaucoup de résolution et de courage pour s’abandonner à cette opération, si terrible et si longue et ennuyeuse. Vous savez, ô mon Dieu, combien d’années il a fallu que je boive mes ordures à longs traits ; quelque dégoûtante et puante que soit cette nourriture, il faut qu’elle empoisonne et fasse crever le vieil homme. Ô Dieu, que vous êtes admirable en vos voies, qui les peut pénétrer et comprendre, on s’en fait toujours de fausses idées ; l’expérience seule nous en instruit comme il faut !

3. Je dis donc que je crois qu’il faut que les âmes dans la purification soient purifiées par les mêmes moyens et qu’elles éprouvent les mêmes choses : les Démons se joignent à leur nature corrompue pour les tourmenter, selon la purification qui leur convient ; cela est d’une diversité infinie, de même qu’ici, dans cette vie, les moyens et épreuves dont Dieu se sert pour purifier les âmes qui lui sont abandonnées sont très divers.

4. Je crois aussi qu’elles ne sont pas si absolument impuissantes de se reprendre par leur libre volonté qu’elles ne le puissent faire et se retirer pour un temps de leur état ; mais cela ne fait qu’augmenter leur supplice, comme il arrive aussi ici. Je crois que les Diables et mauvais esprits emploient leur pouvoir et artifice pour les tenter et persuader à le faire ; et que c’est ce qui fait que l’effectuant envers plusieurs, ces âmes, étant hors de leur abandon à la Justice Divine, rôdent et cherchent d’autres secours, même auprès des vivants ; que c’est ce qui cause la plupart des apparitions des âmes, qui se font sentir et connaître lorsqu’elles reviennent. Elles cherchent du secours et errent hors de l’ordre de Dieu, tentent les hommes, les veulent attirer dans leur état sous bons prétextes, fausses lumières, faux états ; sans parler des mauvais Esprits qui rôdent dans ce monde et font tout le mal qui leur est permis.

5. Il est connu qu’il y en a aussi qui ont pour punition pendant un temps d’être en un lieu dans ce monde, et cela par la raison qu’ils y ont satisfait leurs passions et idolâtré leur plaisir ; c’est leur punition : selon ce qui en est écrit ci-devant, ce qui a fait le plaisir et la satisfaction fait puis après le supplice, comme on en a plusieurs exemples ; entre autres d’un homme de bien qui, après sa mort, apparut à sa fille qui était aussi une personne pieuse, et, entre autres choses, après lui avoir parlé de son état, il se mit à pâlir et trembler, et à être fort angoissé, lui dit que l’heure était venue où il devait aller demeurer quelque temps dans son sépulcre auprès de son corps puant et corrompu ; ce qui lui arrivait tous les jours, parce que, pendant sa vie, il avait encore eu de la complaisance et attachement pour son corps.

6. Je crois donc qu’il y a trois sortes d’Esprits qui reviennent dans ce monde après la mort de leurs corps : ceux des damnés, qui y sont dans un état tout à fait méchant, qui rôdent et se tiennent dans les lieux où ils ont commis leurs crimes, par la permission de Dieu : ils y sont et font le mal qu’ils peuvent, souffrent déjà des peines insupportables et sont furieux : de cette espèce il s’en manifeste visiblement. Comme il est arrivé depuis peu (ce qu’un ministre homme de bien a écrit du lieu où il est actuellement ministre), qu’un homme qu’il avait lui-même baptisé, ayant mené une vie mauvaise et impie, s’est précipité dans un puits, après y avoir auparavant jeté son chien, et s’y est noyé. Ceci est arrivé dans le Palatinat, où les troupes françaises qui étaient dans ce lieu-là, ayant une sentinelle proche de ce puits (quelque temps après la mort de cet homme, dont on en avait tiré le Corps et l’avait enterré dans un autre lieu), la sentinelle vit, de nuit, la figure d’un homme sur ce puits ; ayant crié verda ! et n’ayant point reçu de réponse, elle tira dessus sans effet, s’avança l’épée à la main vers cet homme qui disparut : ceci fit grand bruit dans le village, et l’on a vu plusieurs fois cet homme sur ce puits.

7. La seconde sorte d’Esprits sont ceux qui rôdent, étant dans l’état de purification d’où ils se veulent tirer par d’autres moyens que de s’abandonner à la Divine Justice ; ils cherchent du secours auprès des personnes qui craignent Dieu, et se tirent pendant tout ce temps-là hors de l’ordre Divin : de cette espèce il s’en est fait sentir un à moi-même très distinctement, lequel ne revient plus, l’ayant renvoyé à Jésus Christ son Sauveur et Rémunérateur. Ceux-ci ne sont pas de mauvais Esprits, mais ils sont dans leur propriété et ne veulent pas se soumettre à l’ordre Divin en souffrant volontairement les peines qui leur sont imposées ; comme font dans cette vie les bonnes âmes que Dieu met dans la foi obscure et dans les épreuves et peines de purification qui l’accompagnent ; qui ne veulent pas s’y soumettre et cherchent inutilement d’autres secours que de s’abandonner à Dieu et de souffrir en patience et résignation ce qui les peine : manque de cela, ils sont hors de l’ordre Divin, allongent leurs peines, les augmentent et rendent leur purification plus douloureuse et difficile.

8. La 3me espèce d’Esprits ou plutôt d’âmes qui reviennent sont ceux dont j’ai écrit dans le premier exemple que j’ai allégué, d’un Père qui est apparu à sa fille.

9. Ceci suffira, à ce qu’il me semble, pour donner quelque idée de la nécessité de s’abandonner à Dieu dans cette vie, et de laisser libre cours au feu de sa Divine Justice, ou de son amour pur, qui ne souffre que Dieu seul, pour consumer toute dissemblance en nous, quelque douloureuses, ennuyeuses et longues que soient les peines dans les creusets des épreuves où nous nous trouvons ; lorsque notre volonté demeure ferme et déterminée d’être à lui sans réserve, d’avoir patience, de nous supporter nous-mêmes avec toute notre misère et la puanteur de notre corruption, sans chercher de faux-fuyants que de nous abandonner toujours de nouveau à Dieu, ne chercher point d’autre remède pour notre mal que dans cet abandon, le renouvelant autant que nous pouvons ; tout autre remède que nous cherchons et prenons par nous-même, sous quelque apparence de bon prétexte que ce soit, est infiniment nuisible et inutile ; il faudra toujours y revenir, dans ce monde ou dans l’autre.

10. Il me semble qu’il m’est fort clair que l’état des âmes dans cette vie et après la mort est égal, selon les moyens et la dispensation Divine pour les ramener à lui, et que leur libre volonté a toujours lieu, même à l’égard des Diables ; car qu’est-ce qui les ramènera un jour, sinon lorsqu’enfin leurs volontés rebelles se soumettront à Dieu ? Dès lors leur état changera d’un état de damnation dans un état de purification. Ainsi les damnés, de même que les hommes impénitents dans ce monde dès qu’ils se convertissent, en se retournant à Dieu, leur état change de damnation en celui de purification ; la conduite de Dieu est uniforme en tout, partout, en tout temps, et en tout lieu. Gloire soit à mon Dieu !

11. Passons plus outre : c’en est assez ! Disons seulement encore un mot pour montrer l’harmonie et l’uniformité de la conduite de Dieu. Car ce que j’ai écrit ci-devant des planètes et de leur opération sur les sens de l’homme est très véritable. C’est par l’influence maligne de chacune d’elles que l’homme est incité et enflammé aux vices conformes à leur nature : et c’est dans ces planètes qu’après sa mort, il est purifié par le feu du sentiment douloureux des mêmes passions qui l’ont dominé dans cette vie, qu’il est, dis-je, purifié des mêmes passions et impuretés. Ainsi le poison sert toujours de médecine entre les mains de mon Dieu, lorsque la volonté de l’homme se soumet à lui.

 

 

 

CHAP. XXVII.

 

De la purification après la mort.

 

La Rédemption de Jésus Christ a son effet dans ce monde, et dans l’autre par la purification après la mort, où la libre volonté demeure. La purification en cette vie est plus facile. Pourquoi ? La grandeur des souffrances après la mort. D’où ces tourments proviennent. Payer la dernière pite. Grandes souffrances dans la nuit obscure. Peu d’hommes y persévèrent. Les âmes dans la purification après la mort cherchent d’opérer sur les âmes de bonne volonté en ce monde (de quoi il a été parlé dans le 24me chapitre au sujet des Inspirés, comme aussi dans le chap. 26) à cause de leur activité qu’ils gardent. La régénération est la seule grande œuvre qui est de prix auprès de Dieu. Première conversion et première purification. La seconde conversion et seconde purification. Dans les planètes se fait la seconde purification. De quelle manière là et dans ce monde les âmes sont soutenues de Dieu ? Les âmes dans la 2de purification n’apparaissent pas comme des fantômes en ce monde. Les passions ne sont entièrement détruites que par la seconde purification. Qui sont ceux qui y vont ?

 

Le 10 Juin 1735.

 

1.

 

Saint Pierre dit (Ire Ép. 3, 19) quenotre Seigneur Jésus Christ a été par son Esprit prêcher aux Esprits qui sont en prison, qui ont été autrefois désobéissants, lorsque la patience de Dieu attendait du temps de Noé. Qu’est-ce que cela signifie, sinon que ces Esprits étaient dans un lieu où ils pouvaient encore devenir obéissants et accepter la repentance ou le retour et soumission à Dieu qui leur est prêché et offert par l’Esprit de Jésus Christ ? Ceci certes marque bien clairement que notre grand Dieu ne borne pas ses grâces et sa miséricorde, son amour et sa compassion envers les hommes, au court temps qu’ils vivent dans ce corps mortel ; car si cela n’était pas ainsi, pourquoi et à quel but est-ce que notre adorable Sauveur aurait été prêcher à ces Esprits qui avaient été rebelles autrefois du temps de Noé ? Car c’est assurément pour les tirer de l’état de leur désobéissance qu’il leur prêche, pour leur offrir sa grâce, s’ils veulent s’amender et rentrer sous l’obéissance qu’ils doivent à leur Dieu. Ainsi nous voyons par là que notre adorable Sauveur ne borne pas sa charité à sauver et ramener les hommes à la repentance seulement pendant le court espace de cette vie mortelle, mais que la même charité pour eux l’engage à les poursuivre après le sortir de ce monde, dans les prisons ou lieux où ils sont bannis par leur désobéissance, afin de les ramener encore à l’obéissance.

2. Voilà un passage qui nous donne ouverture à découvrir quelque chose des secrets de notre grand Dieu dans l’économie qu’il tient envers les hommes après la mort. Selon l’état dans lequel ils se trouvent au sortir de ce monde, il leur a réservé des lieux où ils sont en prison ; s’ils meurent dans un état d’impénitence et de désobéissance ou rébellion à Dieu, ils sont dans la souffrance dans ces lieux.

3. C’est à quoi se rapporte l’article du symbole qui dit que notre Seigneur est descendu aux Enfers ; il se rapporte, dis-je, à ce passage de St Pierre que nous alléguons. Notre Seigneur dit aussi dans l’Évangile : (Matth. 5, 25-26) Tu ne sortiras point de là jusqu’à ce que tu aies payé le dernier quadrin, savoir de la prison où tu auras été mis pour n’avoir pas fait paix avec ta partie adverse.

4. Nous avons déjà écrit des lieux de purification où il plaît à Dieu de reléguer les âmes au sortir de cette vie, lorsqu’elles sont encore dans un état impur et ne peuvent pas encore être unies à Dieu : ce que je me propose ici est seulement de montrer que ces âmes, dans quelque état qu’elles soient, ont et conservent, comme dans cette vie, la volonté libre de se convertir à Dieu et de rentrer sous son obéissance, ce qui me paraît clair par ce passage de St Pierre ; car où l’on prêche et admoneste à l’obéissance, cela suppose nécessairement que ceux à qui l’on prêche ont la capacité en eux de suivre et d’accepter ce qu’on leur propose.

5. Notre Seigneur Jésus Christ a prêché la repentance et l’amendement ; il a invité les hommes à se convertir étant dans cette vie mortelle. Il savait bien que ces mêmes hommes étaient en état d’accepter ce qu’il leur proposait, s’ils le voulaient faire ; sans quoi, à quoi bon leur prêcher ? Il ne fait rien en vain ou inutilement ! C’est son amour qui l’a porté à nous annoncer et présenter la grâce de Dieu, si nous voulons l’accepter et rentrer sous son obéissance et dépendance : c’est le même amour qui le porte à annoncer et présenter la même grâce aux Esprits rebelles ; ils la peuvent accepter s’ils le veulent.

6. L’économie de notre Dieu est toute uniforme, aussi bien dans sa conduite envers les hommes dans le temps de cette vie qu’après cette vie ; avec cette différence que le retour à Dieu est beaucoup plus difficile, l’on peut dire à l’infini, et plus douloureux et pénible qu’il ne l’est dans cette vie. Cela vient de ce que notre âme n’est plus fixée dans ce corps mortel comme dans une étroite prison, pleine d’infirmités et de misère, qui arrête l’agilité inconcevable de notre âme, son inconstance et volubilité, qui se manifeste assez par la diversité et la multitude de pensées que nous avons continuellement et qui ne se peuvent arrêter. Les misères auxquelles notre corps est sujet mortifient et fixent notre âme, qui y est attachée et emprisonnée, la met dans la disposition la plus convenable à être mortifiée et humiliée.

7. Il est bien vrai qu’après la séparation de l’âme de son corps elle est aussi reléguée dans d’autres prisons, mais non pas de l’espèce dont est celle de ce corps mortel ; elles n’ont pas le même effet sur l’âme : l’état de l’âme y est bien plus souffrant, étant nue et sans corps, elle est infiniment plus sensible à la privation ou séparation de Dieu, qui est seul notre souverain bien, et son union et jouissance faisant seule notre félicité et nous rendant heureux ; mais elle sent aussi au plus vif le tourment des passions qui l’ont dominée dans cette vie et qu’elle ne peut plus satisfaire par l’organe de ce corps ; ce corps amortissait et étourdissait la douleur que cause l’opération de la purification, qui s’opère par l’esprit de Dieu dans l’âme dans cette vie ; laquelle opération est bien adoucie par l’occupation de l’âme dans les choses de ce monde, qui l’occupent par l’entremise des sens qui font diversion.

8. Mais quel état déplorable et douloureux d’une âme privée de tout ce qui occupe dans cette vie : du travail, du boire, manger, dormir, converser, etc., et qui manque d’avoir la possession du seul objet qui est capable de la contenter, savoir celle de Dieu, dont elle est privée ! N’y eut-il que cela à souffrir, ce serait bien assez ; c’est de quoi on se peut facilement faire une idée en considérant l’état d’un homme dans cette vie, qui serait privé de toutes ces choses, et n’aurait rien en soi qui pût l’en dédommager et le contenter, qui néanmoins ne pût mourir, mais vivrait toujours dans cet état, agité continuellement des désirs de satisfaire ses appétits et de posséder les choses auxquelles il a pris son plaisir, sans se pouvoir désoccuper de ces choses auxquelles il a passé son temps, et être dans l’impuissance de le pouvoir faire davantage : quel rongement et quelle misère cela n’est-il pas ?

9. Peut-on bien comprendre cette souffrance dans ces douleurs extrêmes, et la conviction où est cette pauvre âme, que toute son inquiétude et les mouvements qu’elle se donne pour la calmer, toute l’agitation où elle est pour tâcher d’adoucir un peu cette souffrance, expérimentant que tout ce qu’elle peut entreprendre ne sert qu’à l’augmenter ? Elle est bien contrainte de se laisser passivement à l’opération de Dieu, à souffrir patiemment ses peines extrêmes sans se mouvoir, et de laisser opérer ce feu qui la ronge et la consume, sans y résister ni chercher d’échappade.

10. Car que veut-elle faire ? Quoique libre, sa liberté ne lui sert de rien qu’à augmenter sa peine, qui n’est pas une peine ou souffrance qui lui est infligée ou à laquelle elle est condamnée, qui lui est appliquée au dehors ; c’est l’état naturel où elle se trouve dans l’incapacité où elle est de jouir de Dieu, à cause de son état informe ; et dans l’impuissance où elle est de satisfaire ses passions par les organes du corps dont elle est séparée, et dans la privation des objets qui la satisfaisaient dans cette vie. C’est là ce qui cause son tourment ; si elle s’y abandonne et le souffre patiemment, ce feu consume peu à peu sa dissemblance, son impureté ; et enfin elle se trouve en état de s’unir avec son Dieu, et la souffrance cesse, trouvant en lui l’objet qui la contente et la remet dans la paix.

11. Mais, en vérité, qui est-ce qui peut décrire cet état terrible ! Oh, si les hommes savaient ce qu’ils négligent en ne profitant pas du temps que Dieu leur donne pour se convertir à lui dans cette vie, ils en mourraient d’effroi ! Car quoiqu’ils meurent dans un état de grâce, cela veut dire dans une sincère résolution de se soumettre à Dieu, dans une volonté déterminée à le faire, à se convertir à lui, quelles peines n’auront-ils pas à souffrir avant de parvenir à sa réunion ? Et quand même nous mourons, étant déjà dans le chemin du retour à lui, nous n’en serons pas exempts : car il faut payer la dernière pite, l’on ne sortira point de la prison qu’on n’ait restitué à Dieu tout ce qu’on a ravi ; que la propriété ne soit consumée et détruite entièrement par ce feu dévorant (qui n’est autre que l’instinct et l’attrait qui est dans l’essence de l’âme pour s’unir à Dieu), et l’impuissance où elle est (et où étant convertie à Dieu avant sa séparation du corps elle est volontairement) de chercher et de trouver aucun contentement ou soulagement en rien autre que Dieu.

12. Faisons-le donc ici et abstenons-nous volontairement de tout amour, plaisir et contentement hors de Dieu et de la soumission à sa volonté ; et nos souffrances, dans cet exercice de la privation ou renoncement d’affection à tout ce qui n’est pas Dieu, seront bien légères et peu de chose, en comparaison de ce que nous aurons à souffrir au sortir de ce monde si nous avons négligé de le faire.

13. Mon Dieu, imprime dans nos cœurs ces vérités, afin que nous ne nous laissions pas arrêter davantage à mettre en exécution ce à quoi ton bon Esprit nous invite sans cesse dans cette vie ; savoir, de renoncer à toutes choses et à nous-mêmes pour n’adhérer qu’à toi seul ; à nous abandonner et délaisser totalement entre tes mains pour souffrir sans résistance tout ce que l’opération de ta Divine présence cause à notre âme impure et toute pénétrée de la corruption du péché ; cette souffrance ne fait que consumer cette impureté et corruption, il faut s’en laisser ronger avec courage ; sans quoi nous ne faisons qu’augmenter et allonger nos peines, comme il arrive à ces pauvres âmes dans cet état de purification dont nous parlons.

14. Car il est certain, selon ce que Dieu m’en fait connaître, que la libre volonté leur reste et qu’elles ont le pouvoir, si elles le veulent faire, de se remuer, tracasser, s’inquiéter, et chercher par mille sortes d’agitations à s’affranchir de la peine et souffrance terrible ou leur état les met ; mais par tout cela elles ne le diminuent point, mais l’augmentent. Le plus tranquillement et paisiblement qu’elles le portent, moins elles aigrissent leurs souffrances ; tout comme un homme pénétré de douleur et d’inquiétude dans une véhémente maladie, plus il se tourmente, agite, se remue, plus il aigrit son mal et irrite sa douleur ; et plus il la souffre avec patience, tranquillité et résignation, plus elle est supportable ; cependant il a toujours la liberté de faire l’un ou l’autre, au moins aussi longtemps qu’il est en son bon sens : il en est de même de l’âme souffrante ; si elle s’abandonne et se délaisse pour souffrir en entière passiveté la peine et le tourment qui la ronge, ce tourment lui devient plus supportable et fait plutôt son effet, la met en situation de recevoir aussi l’assistance Divine qui lui est donnée dans son état de souffrance par le Ministère des Anges ; comme nous en avons un exemple en la personne de notre très adorable Sauveur, (Luc 22, 23) qui fut fortifié par un Ange dans son agonie au jardin.

15. Il en est ici de même dans cette vie, à l’égard des souffrances extérieures et intérieures qui nous arrivent par la dispensation Divine ; plus nous nous y comportons avec soumission, résignation et abandon à Dieu, duquel nous les prenons, plus éprouvons-nous le secours qu’il nous donne, de toutes sortes de manières et par toutes sortes de moyens, pour les pouvoir supporter avec courage et patience, et ils font d’autant plus promptement l’effet que Dieu se propose ; car ce sont des moyens dont il se sert pour nous purifier et nous rendre capables de parvenir à l’union Divine. Ainsi, ne les craignons pas, mais acceptons-les avec courage et résignation lorsque Dieu les envoie.

16. Mais comme les souffrances qui sont les plus difficiles et pénibles à supporter sont celles que Dieu cause par sa contemplation Divine, qui n’est autre chose que sa présence immédiate, qui regarde ou contemple l’âme ; comme le Soleil, lorsqu’il darde ses rayons qui sont concentrés sur un objet, il le brûle, le consume, allume le bois et le change en feu : ainsi en est-il de l’âme que Dieu veut purifier entièrement, il la contemple de même ; et c’est ce qui lui cause une souffrance extrême, parce que cette souffrance est d’une toute autre espèce qu’elle ne s’en est fait l’idée : toutes les autres souffrances lui seraient un rafraîchissement et un appui au prix de celle-ci ; parce que cette contemplation Divine la découvre à elle-même si laide, si épouvantable, qu’elle en entre en effroi ; elle la met dans une si grande impuissance de s’aider elle-même pour se faire paraître meilleure qu’elle ne se voit être ; elle se trouve dans une si grande impuissance de faire le bien, n’en ayant pas même la volonté ou le désir (je veux dire de pratiquer des bonnes œuvres au dehors par son activité comme elle faisait auparavant dans le genre de vie charitable et vertueux qu’elle pratiquait avec tant de plaisir et de satisfaction pour elle et pour les autres), qu’elle ne peut plus s’appliquer ainsi à ces exercices, mais n’a d’instinct secret dans son fond que de se laisser ainsi dévorer et consumer par les rayons de ce Soleil, qui l’a pénétré de ses rayons brûlants : mais comme elle ne comprend pas, alors cela, c’est ce qui lui cause une grande peine : ceci est pourtant le vrai feu qui purifie l’âme entièrement, auquel elle a tant de peine de s’abandonner et à rester immobile dans son état oisif, inutile, infructueux et si pénible, aussi bien que de subir la condamnation qu’elle se prononce à elle-même.

17. Manque de courage à porter cet état, la plupart retournent en arrière, se reprennent, rentrent dans leur propre faire et activité, et retardent ainsi leur purification, recommencent à travailler en bonnes choses le mieux qu’ils peuvent et demeurent toujours en eux-mêmes, perdent même la lumière d’un état plus parfait, n’ayant pas voulu, manque de courage, de foi et d’abandon, se laisser dévorer à cette opération douloureuse, dans cet état pénible, à quoi cependant l’instinct dans leur fond les inclinait ; ils ont prêté l’oreille aux réflexions, aux propres regards sur eux-mêmes, et sur leur état.

18. Je crois qu’il en arrive de même aux âmes dans la purification après cette vie, et que l’économie Divine est toujours la même, uniforme envers les âmes à l’égard des moyens pour les ramener à son union ; et qu’ainsi les âmes qui meurent dans l’état de leur activité et n’ont pas ici commencé à entrer dans l’état de la foi obscure où l’on se délaisse ou laisse passivement à l’opération de Dieu ; que ces âmes, dis-je, si elles ne veulent pas se laisser mettre par l’opération de Dieu dans cet état de souffrance passive, elles continuent leur travail actif ; et comme elles ne peuvent plus le faire par l’organe de leur corps, dont elles sont séparées, elles ont le pouvoir, par la permission de Dieu, d’opérer dans d’autres hommes, de leur inspirer leurs désirs, les inviter à servir d’instruments à faire le travail auquel elles se voudraient employer.

19. Cela donne du soulagement à ces âmes, lorsqu’elles rencontrent des personnes qui leur donnent ainsi entrée et suivent leurs suggestions ; et elles travaillent ainsi par leur moyen dans ce monde, font choses grandes, extraordinaires, et de grand éclat ; se font admirer de ceux qui ne connaissent rien de meilleur ; opérant ainsi sous le masque et apparence du bien ; tout de même que ceux qui, par plusieurs bonnes œuvres qu’ils pratiquent au dehors, se font un appui de ces œuvres sur lesquelles ils se reposent ; veulent par là apaiser leur conscience et se persuader eux-mêmes qu’ils sont en bon état ; travaillent et font beaucoup de choses pour la gloire de Dieu et pour le bien du prochain ; quoique s’ils veulent écouter ce que dit leur fond, ils connaîtront bien qu’ils font ces choses pour se flatter et étouffer la voix muette de ce fond, qui leur reproche qu’ils ne veulent pas s’abandonner à Dieu pour souffrir passivement son opération douloureuse, qui, les dépouillant de tous ces habits étrangers dont ils le couvrent pour paraître beaux, leur montre leur laideur, les veut pénétrer de son feu, qui consumerait leur impureté et les changerait en sa nature.

20. Opération douloureuse qu’il faut nécessairement supporter si nous voulons être changés et renouvelés, devenir de nouvelles créatures à l’Image de Dieu, qui est ainsi rétabli en nous, et qui est la seule et grande œuvre que Dieu désire de faire envers et en un chacun de nous ; toute autre œuvre n’est rien et n’est contée pour rien devant Dieu en comparaison de celle-ci, c’est celle à laquelle il travaille sans cesse.

 

 

*     *     *

 

Le 18 Juin 1735.

 

21. Il me fut montré que, comme il y a deux sortes de conversions, il y a aussi deux sortes de purifications : la première conversion est du péché à la grâce, et la seconde de l’extérieur à l’intérieur ; de même donc que celui qui se convertit de sa mauvaise vie, de ses péchés grossiers à Dieu, pour mener une vie sage, vertueuse et chrétienne, on dit qu’il est converti ; sa volonté se détourne des habitudes criminelles qu’il a pratiquées dans sa vie passée, pour se tourner du côté de la vertu, qu’il tâche d’exercer : de même aussi celui qui, à l’heure de la mort, se convertit de sa vie criminelle, meurt dans un sincère repentir et résolution d’abandonner le crime s’il avait encore du temps à vivre ; un tel est reçu dans la première purification, et dans la plus forte et la plus longue. Et celui qui a déjà pendant plusieurs années mis en pratique cette résolution qu’il a prise de se convertir, et a déjà fait des progrès dans cette première conversion, a combattu vigoureusement contre l’habitude du mal qu’il avait contractée et a pratiqué le bien avec zèle, selon la connaissance qu’il en a, mourant dans ce travail, il est aussi reçu dans les lieux de cette première purification.

22. Si l’on me demande quels sont ces lieux, j’y ai déjà répondu ailleurs ; je dirai seulement que les âmes qui meurent dans l’état de la première conversion ont leurs lieux de purification dans ce monde ici pour un certain temps 21, ce qui fait qu’elles apparaissent souvent aux hommes vivants, et qu’elles opèrent en eux, comme il a été dit 22 ; celles-ci sont plus en état de se reprendre et de sortir de l’ordre Divin dans l’état de purification où elles sont ; parce qu’elles ne sont pas encore si solidement converties ou soumises sans réserve à cet ordre Divin que celles qui ont dans cette vie commencé ou sont entrées dans la seconde conversion ; savoir qui sont passées de l’extérieur à l’intérieur, qui ont commencé à quitter les sens pour entrer dans l’Esprit, ou dans le fond de l’âme.

23. Celles-ci, en sortant de ce monde, sont reçues dans les Planètes, où elles achèvent leur purification ; elles sont trop éprises de l’amour Divin, qui les retient dans son ordre, pour pouvoir ou vouloir sortir de l’état souffrant où elles se trouvent, pour se reprendre elles-mêmes et ne pas y rester inviolablement jusqu’à ce que leur purification soit achevée : elles le pourraient bien en vertu de leur libre volonté ; mais l’amour Divin a trop pris possession d’elles pour qu’elles puissent vouloir se soustraire à son opération quelque douloureuse qu’elle soit.

24. De même que dans cette vie : lorsque Dieu par l’opération de son amour a gagné une âme à un tel point qu’il puisse la mettre dans les ténèbres de la foi obscure et dans la purification qu’il y opère, il est rare qu’ayant mené l’âme jusques là et l’y ayant conduite tout à fait, cette âme puisse retourner en arrière, se reprendre et rentrer dans sa propre conduite. Car Dieu s’assure, pour ainsi dire, de l’âme, avant de la faire entrer tout de bon ou entièrement dans cet état pénible ; il en fait souvent l’essai auparavant par reprise, la mettant pour un court espace de temps dans ce feu de purification et dans l’obscurité, et puis lui rendant la lumière, et ainsi l’accoutume à se laisser passivement à lui, se soumettant ainsi et captivant sa libre volonté, qu’elle lui laisse enfin entièrement, et se met hors d’état de s’en servir davantage, l’âme l’ayant tant de fois remise à son Dieu, Dieu se sert enfin en Maître absolu de cette donation et ne laisse plus l’âme libre de se reprendre ; mais c’est sans la forcer autrement que par les attraits de son amour, qui l’ont rendue sa captive volontairement.

25. Ces âmes donc qui meurent dans cet état de la seconde conversion, où elles sont entrées dès cette vie, ne reviennent point dans ce monde ; elles n’y paraissent point comme des fantômes ; elles n’y rôdent point dans leur propre activité, dont elles sont dépourvues ; et toutes celles qui le font ne sont point de cet état, mais du premier, de celles qui sont mortes dans l’état actif, ou de la première conversion ; celles-ci ont une purification plus grossière qu’elles souffrent, et leur peines s’y rapportent ; les secondes sont pénétrées d’un feu plus subtil, plus foncier et pénétrant, comme il en a déjà été écrit.

26. Si l’on m’objecte que j’ai placé les âmes qui sont encore dans leurs passions, et ainsi dans un état fort impur, qui apparemment est celui de l’âme dans la première conversion, que je les ai placées, comme étant le lieu de leur purification, dans les Planètes ; je réponds qu’aucune passion n’est foncièrement déracinée que par la seconde purification ou l’état de la nuit obscure ; et quoique dans celui de la première conversion, les passions paraissent souvent être fort amorties, et que l’âme soit ou paraisse en être bien nettoyée au dehors, les racines en subsistent pourtant dans toute leur vigueur au-dedans, et poussent bientôt leur fruit au dehors, si elles ne sont brûlées par le feu de la seconde purification ; et c’est ce qui s’opère dans cette vie par l’état de la nuit obscure des sens et de l’Esprit, comme le bienheureux Jean de la Croix 23 le décrit ; et dans l’autre vie, la même opération se fait dans les Planètes : ainsi les âmes qui ont achevé ici leur première purification sont transmises à la mort ou séparation de leur corps dans les Planètes pour y passer par la seconde purification.

 

 

 

CHAP. XXVIII.

 

Gog et Magog. Ce qu’ils signifient.

 

Gog et Magog sont les Diables et les damnés. Explication mystique, comment ils environnent le camp des Saints, ou le Centre de l’âme peu avant que Jésus Christ se révèle à elle.

 

Réponse sur la Demande :

 

Ce que signifie Gog et Magog et ce que sera le Règne de Mille ans de Jésus Christ sur la terre ? Apoc. 20.

 

1.

 

Gog et Magog(Apoc. 20, 8) sont les Diables et tous les Esprits malins, et les damnés ; Gog sont les Diables, et Magog les hommes damnés : ceux-ci sont d’accord pour faire la guerre aux serviteurs de Dieu, et environnent le camp des Saints. Ce camp, cette Citadelle, ce lieu fort, n’est autre que le Centre de l’âme ; tous les Esprits malins peuvent bien l’entourer, lorsque Dieu le permet, mais ils ne peuvent y trouver entrée ; car c’est la Citadelle où notre Dieu habite, où nul autre que lui n’a entrée ; heureux celui qui est conduit en ce lieu et auquel il est ouvert pour y faire sa demeure.

2. Je crois que chaque âme expérimentera ce qui est écrit de Gog et de Magog ; qu’après avoir vécu un long temps sous le doux Empire de Jésus Christ dans une paix parfaite, tous ses ennemis ayant été surmontés et chassés par Jésus Christ, elle ayant été affranchie de leur domination, de leurs atteintes et assauts, délivrée, quant à l’intérieur, de la corruption d’Adam, à laquelle ils avaient prise, ou qui était ce qui leur donnait encore le pouvoir de la pouvoir assaillir ; cette corruption étant chassée, ils sont chassés avec elle, le dragon est chassé du ciel de l’âme, et l’amour pur de Dieu la possède ; le dragon est lié pour cette âme pendant longtemps : il se peut, dis-je, que pour consommer cette âme, et achever entièrement sa perte en Dieu, il permet qu’avant la fin de sa vie mortelle, elle soit ainsi assaillie par les esprits malins et souffre leurs attaques, figurées par ce qui est dit ici de Gog et Magog : que ses ennemis la remplissent d’effroi dans sa partie basse ou sensitive, et que ce soit la dernière épreuve qu’elle a à passer pour après cette attaque, dont Dieu la délivre immédiatement ; sans qu’elle y contribue autrement que de demeurer immobile et inébranlable dans la situation où elle est d’abandon à Dieu en pure passiveté : elle est par cette dernière épreuve confirmée pour toujours dans l’union Divine, qui est consommée par là ; et tous les ennemis sont détruits et chassés pour elle, lesquels ne pourront plus désormais l’atteindre en aucune sorte, sa partie inférieure ou sensitive non plus que le Centre.

3. Pour l’éclaircissement de ce passage et du Règne de mille ans selon le général de l’Église, quand et comment ceci aura son accomplissement à l’extérieur, je ne puis en rien écrire, car il ne m’en est rien manifesté.

 

*     *     *

 

4. Je crois qu’il y a un temps où les âmes, après avoir passé par les états de purification nécessaire pour parvenir à l’union Divine, après cela, dis-je, elles restent pour quelque temps, quoiqu’il soit court, dans un état où elles ne souffrent point, mais où elles ne jouissent pas non plus de Dieu d’une manière distincte, et où elles ne savent pas encore l’état bienheureux auquel Dieu les a préparées ; tout leur est encore indistinct, et elles ne peuvent savoir ce qui leur est destiné ; seulement elles se trouvent en paix et contentes ; elles se sentent délivrées des souffrances et peines de leur état précédent dont elles viennent de sortir, et attendent tranquillement et en paix ce qu’il plaira à Dieu de faire d’elles, sans prétentions ni attente distincte : il leur suffit d’être ainsi paisibles dans l’abandon à Dieu et dans son ordre Divin. Je crois qu’il en arrive de même aux âmes qui sont purifiées après la mort ; et que selon qu’il a été écrit des lieux de leur purification, après l’avoir achevée, elles se trouvent dans l’état prescrit pour un temps.

 

 

 

CHAP. XXIX.

 

Résurrection, nouvelle Jérusalem, mont de Sion.

 

Le Corps glorieux se repose dans la poussière jusques à la Résurrection. Les Damnés auront un corps effroyable et ténébreux. Des Étoiles Fixes. De la Résurrection de nos corps dans la gloire. La nouvelle Jérusalem est la résidence de Jésus Christ sur la terre renouvelée, et la montagne de Sion qui est le Soleil, dans la région des Étoiles.

 

Réponse à la Demande :

 

Qu’est-ce que la Résurrection de nos Corps ?

 

1.

 

Je comprends qu’à la mort corporelle le corps naturel que nous avons pourrit dans le tombeau, et que le corps élémentaire et glorieux, tel qu’Adam le reçut de Dieu, qui a été montré à Mad. Bourignon, y reste aussi et s’y repose, et n’est point rejoint à l’âme ou à l’homme Astral et à l’Esprit qu’au jour de la résurrection ; à la réserve de quelques saints favorisés, comme de ceux qui ressuscitèrent avec N. S. Jésus Christ, et furent vus des Apôtres. (Matth. 27, 52-53.) Ceci regarde les Saints ou les bons.

2. Pour ce qui regarde les damnés, ils ressusciteront aussi, mais avec un corps plus subtil à la vérité que n’est le corps naturel, mais d’autant plus effroyable et ténébreux ; leur subtilité ne servira qu’à les rendre plus sensibles à tous les maux qui les tourmenteront, puisque l’assemblage de toute la corruption et du venin que le péché a répandu en toute la nature sera concentré dans l’abîme et causera le tourment de ces âmes misérables.

 

*     *     *

 

3. Lorsque j’ai dit que les Saints et les Anges ont leur demeure dans les étoiles fixes, ceci regarde et s’entend de leurs âmes, composées et prises des Astres, conformes à leur nature. Car pour leur Esprit, ils n’ont point de lieu matériel, n’étant pas matériels mais purs Esprits comme Dieu est de sa nature et ainsi nullement sujet à un lieu particulier, ne pouvant occuper de place matérielle ; ainsi s’entend-il aussi de notre Seigneur Jésus Christ, la place que je dis qu’il occupe parmi ces Esprits bienheureux 24 est selon son âme humaine, par laquelle il a voulu se faire semblable à nous.

4. Quant au corps élémentaire, tous les hommes l’ont et le garderont éternellement ; il est comme couvert (je parle du corps glorieux, tel que Dieu l’a créé, et dont ce corps grossier que nous voyons n’est que la couverture) par ce corps grossier, et je crois qu’il repose dans le sépulcre jusqu’à la résurrection. Ce corps grossier est comme le grain semé, d’où germe et ressuscite le corps glorieux, ce que St Paul dit aussi aux Corinthiens (1 Cor. 15).

5. Ainsi les saints qui meurent, prennent, après avoir été purifiés, la place que Dieu leur a assignée : l’âme dans sa demeure Astrale, et l’Esprit en Dieu : mais pour leur corps glorieux, ils n’en seront revêtus qu’à la résurrection des morts. Ils reposent dans la poussière jusqu’à ce temps-là et alors il leur sera réuni et aura avec eux sa demeure selon sa qualité sur la terre, qui est aussi renouvelée, de même que leur corps, et ils y vivront avec Jésus Christ qui y régnera aussi dans son corps glorieux.

6. Ceci fait l’homme entier, composé de corps, d’âme et d’esprit ; aucune de ces parties ne sera plus mortelle : cela n’amoindrira en aucune manière la gloire de leur âme, mais la rendra parfaite, chaque partie ayant sa félicité entière selon sa nature.

7. La nouvelle Jérusalem sera la ville capitale de cette terre renouvelée, la résidence de notre Roi.

8. (Ps. 2, 6.) La montagne de Sion, est la résidence du Seigneur dans la Région Astrale, où tous les Anges et âmes bienheureuses adorent le Seigneur notre Grand Dieu, qui soit bénit éternellement, Amen !

9. En écrivant ceci, il m’est manifesté que le lieu de la montagne de Sion est le soleil, où est aussi la mer de verre mêlée de feu dont fait mention l’Apocalypse, Chap. 15, 2.

 

 

 

CHAP. XXX.

 

Le lieu du Paradis.

 

Que le Paradis terrestre et glorieux est renfermé dans cette terre grossière. La grossièreté est provenue du péché. La terre, et nos corps, et les créatures, en seront affranchies par le feu. Lorsque Dieu a affranchi de la corruption, l’on est actuellement dans le Paradis terrestre, tout de même que les trépassés bienheureux avant que d’arriver dans le Paradis céleste.

 

Réponse à la demande :

 

Où est le Paradis ?

 

1.

 

Lorsque Dieu créa l’homme, il le mit dans le Paradis terrestre. Ce Paradis terrestre, n’était autre, à ce que je crois, que la terre glorieuse, telle qu’elle a été créée de Dieu avant la chute d’Adam, et où il le plaça dans le lieu le plus excellent et le plus beau : son corps était lumineux et transparent, et infiniment plus subtil et plus beau que cette terre dont il avait été formé de Dieu ; c’est aussi cette même terre que nous habitons et qui a été enveloppée, pour ainsi dire, et couverte de cette masse grossière, obscure et pesante que nous voyons, et sur laquelle nous habitons.

2. Cela a été causé par le péché ; de la même manière que le corps glorieux d’Adam fut aussi couvert, dès sa chute, de ce corps grossier, obscur et très sensible à toutes les douleurs, duquel corps nous sommes revêtus : mais de même que quoique nous ne voyons que le corps que nous avons, nous ne laissons pas d’avoir dans et sous cette couverture le corps transparent, lumineux et glorieux, tel que Dieu le créa à Adam, lequel y est comme renfermé et invisible à nos yeux charnels et grossiers : de même aussi le Paradis, la terre transparente et lumineuse comme un cristal, est renfermée dans cette terre grossière.

3. Ceci est la captivité où le péché a réduit toutes les Créatures. C’est pourquoi St Paul dit : (Rom. 8) Toutes les Créatures soupirent, gémissent, sont en travail, et au 19 : Toutes les Créatures attendent avec grand désir la manifestation des enfants de Dieu. Elles sont sujettes à la vanité, et à la corruption, avec espérance d’en être délivrées pour participer à la gloire des enfants de Dieu. C’est donc la délivrance de cette corruption et grossièreté que nous voyons qu’elles attendent, comme nous attendons aussi la délivrance de nos Corps, selon le même St Paul.

4. C’est alors que le nouveau Ciel et la nouvelle terre reparaîtra, lorsque la corruption en sera bannie et consumée par le feu selon St Pierre (2 Pier. 3). Et l’Apocalypse, c’est cette nouvelle terre, qui est et subsiste, qui est le Paradis ; et il n’est pas nécessaire de sortir de sa place pour y entrer ; lorsque Dieu délivre de la corruption, on y est déjà. C’est là le Paradis terrestre, où pour le général tous les enfants de Dieu se trouveront, lorsqu’en effet le temps sera venu que Dieu consumera ce monde grossier par le feu, qui ne peut consumer que ce qui est grossier, matériel et corruptible, comme est ce que nous voyons et pouvons voir par nos yeux charnels.

5. C’est donc cette nouvelle terre qui est le Paradis ; il est ouvert et manifesté à toute âme qui, par le dépouillement de ce corps ou par la mort corporelle, est dans un état assez pur pour être en même temps séparée de tout ce que le venin du péché lui avait fait contracter.

6. C’est ce Paradis qu’est la demeure des âmes bienheureuses, qui ne sont pourtant pas encore admises à être reçues dans le Paradis Céleste qui est le troisième Ciel (2 Cor. 12, 2) où St Paul fut ravi ; ce troisième Ciel est la demeure des Saints et des Anges bienheureux, des armées ou Légions Célestes qui sont dans ce Ciel des Étoiles fixes, dont j’ai écrit, demeures magnifiques, et dont la gloire et la grandeur surpasse tout ce que nous pouvons nous imaginer, figurer et comprendre !

 

 

 

CHAP. XXXI.

 

Des Royaumes célestes, du Péché originel, de l’Enfer.

 

De l’Orion. De la Poussinière, de la Planète Jupiter. L’Enfer est au centre de la Terre. Jésus Christ a prêché aux mauvais Esprits. Autour de la poussinière sont les Royaumes des Apôtres. Ceux qui ont atteint la régénération sont Rois, les autres leurs sujets. Le Royaume de Marie Madeleine. Grande fécondité des Esprits bienheureux. Les Diables ont perdu leur fécondité. Péché Originel. Rétablissement. Enfer. Étang de feu. Signification mystique de la Lune.

 

1.

 

La demeure de l’Archange St Michel est l’Orion, et celle de l’humanité de notre Seigneur Jésus Christ la Poussinière (Job 38, 31). Voilà les palais magnifiques, transparents et éclatants de lumière, dont Dieu honore et récompense ceux qui ont méprisé les grandeurs, commodités, et voluptés de ce monde ; qui ont suivi Jésus Christ dans la pauvreté et le renoncement à toutes choses ; ceux-là luiront comme les Étoiles à toujours (Dan. 12, 2).

2. Nous voyons par là un faible crayon de ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment, qu’œil n’a point vu, ni oreille ouïe (1 Cor. 2, 9), combien grande est la gloire et la magnificence que Dieu donnera aux saints, qui n’auront point eu honte de Christ ici-bas. Car qui décrira la grandeur et magnificence de ces demeures Royales ? Certainement elles surpassent infiniment tout ce qu’on en peut concevoir. Et la grandeur, que l’on sait ou conjecture qu’a une seule Étoile, peut donner à penser, la gloire, la magnificence qu’elle peut contenir, étant selon plusieurs sept fois plus grande que la terre.

3. Ce n’est donc pas sans raison que les Anciens, dans l’Apocalypse, comparaissent avec leurs couronnes devant l’Agneau, et disent, en se prosternant, à celui qui nous a aimés et lavés, et nous a faits Rois et Sacrificateurs, etc. (Apoc. 4 et 5.) C’est en effet qu’ils sont Rois : leurs demeures sont assez grandes pour contenir de grands Empires et des grandes multitudes de sujets. Ô gloire et magnificence de mon Dieu, l’on se perd dans votre grandeur !

 

*     *     *

 

4. L’on me demande dans quel lieu est l’Enfer matériel ? Auparavant je dis ce que j’ai oublié, que la Planète Jupiter est le lieu où les âmes d’un Esprit fort pénétrant, ambitieux, généreux, grands Esprits, comme l’on les nomme, sont purifiés.

5. L’Enfer est, selon qu’il m’est donné à connaître, au centre de la terre. Il est dit que notre Seigneur Jésus Christ est descendu aux lieux les plus bas de la terre. (Éphés. 4, 9.) Et dans la confession de foi : Il est descendu aux Enfers ; cette descente est dans cet endroit, et notre Seigneur a même Évangélisé aux Démons, leur a prêché par cette descente la repentance ; et c’est là ce qui causera leur conversion un jour, car sa parole ne retourne pas sans effet (Ésa. 55, 11), et quoiqu’elle ne produise pas son effet d’abord et soit longtemps rejetée de l’homme ou des Esprits par la liberté qu’ils ont, qui doit se soumettre volontairement, si est-ce que ce ne sera pas pour toujours qu’elle sera rejetée, et enfin ils seront par la longueur de leur souffrance réduits à la nécessité volontaire de se soumettre à leur Dieu et Roi, et alors la descente de notre Seigneur Jésus Christ aux Enfers aura son effet, tout sera soumis à Dieu et à son Christ. Notre Seigneur a donc Évangélisé à toute créature sans exception, comme aussi St Pierre le marque qu’il l’a fait aux Esprits qui étaient en prison (1 Pier. 3, 19). Et c’est un sceau et assurance qu’ils seront convertis.

 

*     *     *

 

6. Ô St Apôtre, avec combien de raison avez-vous dit que l’œil n’a point vu, ni l’oreille ouïe, et n’est point monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment(1 Cor. 2, 9). Qu’avez-vous vu étant ravi au troisième Ciel ? Il ne vous a pas été permis d’en dire autre chose, sinon que vous avez entendu des choses inénarrables, qu’il n’est pas possible d’exprimer (2 Cor. 12, 4). Mon Dieu ! il ne m’est pas (sans comparaison de moi avec l’Apôtre), il ne m’est pas non plus possible d’exprimer la gloire, la majesté et la grandeur des choses que vous imprimez dans mon Esprit et lui faites connaître.

7. Notre Seigneur dit à ses Apôtres qu’ils seront assis sur des Trônes et jugeront les douze lignées d’Israël (Matth. 19, 28). Voilà des Rois qui ont leur demeure autour de celle du Roi des Rois : ce sont les Étoiles qui sont à l’entour de la Poussinière à laquelle le Sauveur se compare (Matth. 23, 37). Voilà les demeures dont il parle disant il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père (Jean 14, 2). Là, il y a assez de place dans tous ces vastes Royaumes innombrables pour les Enfants d’Abraham ; nés selon l’Esprit, Enfants de sa foi, abandon, confiance, obéissance, et amour pur, dont Dieu lui dit que sa postérité serait comme le sablon de la mer et les Étoiles qu’on ne peut compter (Gen. 22, 17).

8. Mais remarquons que ceux-là seuls seront Rois et Possesseurs de ces demeures qui auront ici renoncé à tout et seront parvenus à la régénération ; ce sont les premiers nés, ceux-là seuls dans lesquels, dans cette vie, le vieil homme sera mort et Jésus Christ vivant, en sorte qu’ils n’auront point besoin de passer par aucune purification après la mort corporelle, ceux-là seront Rois. Les autres qui peu à peu sortent des demeures, des lieux où ils ont été purifiés, seront leurs sujets et demeureront dans leurs Royaumes, auront part à leur félicité sous de si doux Empires.

9. Marie Madeleine, qui a tant aimé, a pour partage l’Étoile du matin, et pour sujets des âmes éprises et purifiées par l’amour Divin, c’est son Caractère particulier.

10. Voilà de vastes places et demeures, pour tant de mille millions innombrables de créatures, d’Esprits de toutes espèces dont le nombre est incompréhensible, que notre Grand Dieu a créés à sa gloire et à son honneur ; car quel nombre de créatures notre Dieu n’a-t-il pas créées ? Considérons seulement le nombre des hommes qui sont nés et morts dans ce monde depuis sa création. Ce qui n’en est que la moindre partie ; car qu’est-ce que le nombre des Anges et Esprits bienheureux ? qui certainement ne sont et n’ont point été infructueux et stériles depuis leur création, mais se sont augmentés et produisent leurs semblables enflammés de l’amour de Dieu, en son union.

11. Chacunes ont leur caractère particulier, comme par exemple : j’ai dit que la sainte Marie Madeleine avait l’Étoile du matin pour sa demeure, elle y règne ; son amour était si véhément que, d’une grande paillarde et débauchée, elle fut tout d’un coup changée en une grande Sainte ; l’objet de son amour ayant été changé, d’abominable, impur et criminel, en saint, pur et Divin, de même les âmes d’un tel caractère lui sont unies et sont de ses sujets ; ce sont là les Hiérarchies saintes et Célestes.

12. Pour revenir à leur fécondité, c’est l’avantage que Lucifer et les Anges qui sont tombés avec lui ont perdu ; ils sont devenus stériles et incapables de produire en eux-mêmes par l’union Divine, dont ils se sont séparés comme de leur mari ; ils se dédommagent dans les hommes, dans lesquels ils ont trouvé entrée par la chute, ayant été chassés de leurs demeures et domiciles, où ils auraient fructifié et seraient multipliés comme font les autres Anges et Esprits bienheureux.

13. Ils ont, par la convoitise dans laquelle ils ont entraîné l’homme de son consentement, trouvé entrée en lui. Car ils ont entrée en l’homme et se mélangent en tout ce qu’il convoite ; où il donne son amour et son affection soit à lui-même, par l’amour propre, soit à quelqu’autre créature son semblable, ou moindre que lui, là, le mauvais Esprit a entrée et s’y mélange, y répand la semence du serpent ancien ; voilà d’où vient que notre Seigneur dit aux Pharisiens votre Père est le Diable (Jean 8, 44).

14. Voilà ce qui me découvre le secret du péché originel, sur lequel je n’ai point encore rien vu qui m’ait satisfait, sur l’état déplorable corrompu et plein de misère où l’homme naît dans ce monde : Adam détourne son amour et sa complaisance de Dieu, comme de son unique Époux, et convoite d’être uni à une créature semblable à lui. Voilà déjà sa chute ; aussitôt le Diable a entrée en lui et augmente et enflamme cette convoitise : c’est dans cet état de convoitise et d’amour tourné vers la créature sa semblable, en laquelle il s’aime soi-même (ce qui ne convient qu’à Dieu), que tout homme est conçu, et ainsi Satan s’unit à cette conception, qui ne peut être qu’impure, comme le St Roi Prophète le reconnaît : Je suis conçu en péché et échauffé en iniquité (Ps. 58, 51). Ainsi tout homme qui naît de cette semence impure et mélangée, empoisonnée par le mauvais Esprit, ne peut qu’être dans l’état déplorable de corruption et incliné si malheureusement au mal, comme nous naissons tous naturellement : car le serpent corrompt par son venin ce fruit dès sa semence, y ayant trouvé entrée par la convoitise de l’homme.

15. Voilà pourquoi il n’y a rien de si perverti et abominable que l’inclination de l’homme à cet égard ; et c’est aussi d’où Dieu retire et donne un penchant contraire à l’âme qui se convertit véritablement à lui, lui donnant une inclination pour la chasteté et la continence. C’est ce que l’exemple de notre Seigneur Jésus Christ, des Apôtres et de tous les premiers Chrétiens solitaires vérifie.

16. C’est donc envers les pauvres hommes que les Diables ou les Anges tombés se dédommagent de leur stérilité, et où ils se font une postérité nombreuse, mais qu’ils ne peuvent garder et qui périt en tout homme qui se convertit à Dieu et se laisse régénérer ou renaît de nouveau par Jésus Christ, qui est venu détruire les œuvres du Diable(1 Jean 3, 8).

17. Et quelle consolation qu’il ne gardera pas un de ces pauvres hommes qui sont à présent ses esclaves et ses enfants par le péché, qui font ses œuvres et forment son empire dans ce monde, où il semble qu’il règne en souverain, l’iniquité étant partout sur le trône ! Mais attends un peu, son règne sera détruit, toute iniquité anéantie, et tu seras poursuivi jusqu’au cœur de ton Règne ; tu ne garderas pas un seul de ces hommes dont tu t’es rendu le Père et le tyran par usurpation, ton Règne sera détruit par Jésus Christ, qui régnera éternellement, Amen ! 25

 

*     *     *

 

18. Il y a une grande différence de l’Enfer et de l’Étang de feu et de soufre, où il est dit que la mort et l’enfer furent jetés (Apoc. 20, 14) après que le dernier Jugement fut fait : l’Enfer est le lieu propre aux Diables dès à présent, où ils ne sont pas tellement enfermés qu’ils n’en sortent pour rôder parmi les hommes et dans les airs. C’est leur demeure infernale, au lieu des glorieuses et magnifiques qu’ils ont quittées ; ils y ont encore quelque soulagement dans leur tourment : mais après le Jugement, tout le venin, le mal répandu par toute la terre, les airs et planètes, en sera ôté, tout étant remis dans sa première pureté, et avec beaucoup de surcroît, de même que l’homme ; et tout le mal sera rassemblé en un, et sera l’Étang de feu et de soufre, où les mauvais Esprits, qui jusques là ne se sont pas soumis à Dieu, auront leur prison, d’où ils ne pourront plus sortir pour nuire à aucune créature ni pour les séduire ; ceci fera augmenter à l’infini leurs peines et tourments, qui seront infiniment plus grands qu’auparavant.

 

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91. Il est remarquable que Dieu créa la Lune pour dominer sur la nuit : prenant la Lune pour l’ouïe, comme il a été dit, en sens spirituel ; l’attention à Dieu, qui est l’ouïe, est ce qui domine sur la nuit : c’est à quoi l’âme se doit tenir, pendant les ténèbres de la foi, où elle est toute en obscurité, sans avoir de lumière distincte. Si elle reste dans son attention intérieure, ayant l’oreille tournée vers Dieu seul, elle sera toujours en sûreté et à l’abri de toute tromperie. Ainsi c’est le luminaire qui domine et éclaire l’âme dans la nuit obscure de la foi.

 

 

 

CHAP. XXXII.

 

Du mont Sion et du giron d’Abraham, etc.

 

De la demeure sur la montagne de Sion, laquelle est dans le soleil. Jupiter est le lieu où les gens d’esprit et orgueilleux ont leur purification. Saturne est pour les ambitieux et les avaricieux. Lazare et l’homme riche. Le sein d’Abraham est un lieu de rafraîchissement. Les Anciens Patriarches, y ont été reçus. Le brigand aussi. Les bienheureux sont préparés. De la louange de Dieu en Sion. Des Séraphins, Chérubins, etc. De leurs Hiérarchies et demeures célestes. Du degré de béatitude des âmes bienheureuses. Tous les Esprits bienheureux s’assemblent dans le soleil. De la félicité de l’homme. Il faut se renoncer et se laisser purifier. Des Saints Patriarches et de leur passage à la montagne de Sion. De l’assemblée des Esprits bienheureux à Sion, etc. Ils sont transportés du sein d’Abraham en d’autres Royaumes. De leur subordination. De leurs Royaumes dans les Étoiles. Le soleil ne consume que l’amour. Envers les purs il est tempéré et bienfaisant. Contemplation de Dieu à l’égard des âmes pures et impures. La séparation de Dieu est l’Enfer.

 

Le 3 Avril 1735.

 

1.

 

Saint Paul dit : Vous êtes venus à la montagne de Sion, à la Cité du Dieu vivant(Hébr. 12, 22). Quelle est la montagne de Sion, mon très cher amour ? David dit au Ps. 15 comment il faut être pour habiter cette montagne : qu’il faut posséder la parfaite innocence enfantine, comme il la décrit ; être dans la vérité, qui est Dieu, la proférer ainsi qu’elle est en son cœur. Et ne point donner son argent à usure, ce qui marque être libre du propre intérêt et n’avoir rien de propre ; celui-là, dit-il, qui fait ces choses ne sera jamais ébranlé, il habite la montagne de l’Éternel, ou la montagne de Sion. Car c’est la même chose.

2. Il dit aussi dans un autre Psaume : Ceux qui se confienten l’Éternel sont comme la montagne de Sion, qui ne peut être ébranlée (Ps. 125). Celui-là donc qui se confie entièrement au Seigneur habite la montagne de Sion : car cette confiance est la véritable foi, qui est le fruit de l’amour pur de Dieu, lequel opère l’entière désappropriation et fait qu’on se quitte soi-même, qu’on ne sait plus et ne regarde plus que Dieu, ce qui fait la parfaite innocence) ; un tel est parvenu à cette demeure inébranlable ; il ne peut être plus atteint par tout ce qui cause altération ou changement. Dieu est notre haute retraite et force, dit aussi David (Ps. 18). C’est le lieu fort et la retraite où il faut demeurer et où aucun ennemi n’a atteinte, c’est Dieu même : l’expérience le prouve ; accablé de mille soucis et de soins rongeants, de mille craintes et ennuis, de peines et de tentations, regardez Dieu, et vous détournez de tout le reste, comme ne vous regardant point, comme vous étant étranger ; et voyez si en détournant ainsi votre volonté de tout ce qui n’est pas Dieu, vos peines, vos soins, vos tentations ne perdront pas toutes leurs forces, et vous vous trouverez en sa face comme dans une haute forteresse, dans laquelle aucun des ennemis qui vous poursuivent ne peuvent entrer. Que Dieu se lève et ses Ennemis seront dispersés, ils fuiront de devant sa face (Ps. 68). C’est donc là la montagne de Sion qui ne peut être ébranlée. Lorsque Dieu nous en donne l’entrée et nous découvre ce mystère, nous l’éprouvons ; et lorsqu’il établit notre demeure stable sur cette montagne sainte, nous en rendons témoignage.

3. Pour l’extérieur il est certain que la montagne de Sion, dans un sens matériel, n’est autre part que dans le soleil : son immobilité, sa clarté, sa chaleur qui éclaire, meut et rend fécond toutes les autres créatures, le montre assez. Il est dit aussi au Psau. 19, 6, selon la vulgate 26 : Dieu a mis sa Tente dans le soleil. C’est donc là, sur la montagne de Sion, que Jésus Christ Homme-Dieu, selon son humanité, a établi sa demeure. C’est aussi dans le même soleil qu’est la Ville glorieuse, la Jérusalem Céleste, pleine de Majesté et de clarté : ville qu’on ne peut mieux décrire matériellement qu’elle l’est dans l’Apocalypse de St Jean.

4. Dieu est environné de lumière comme d’un vêtement (Ps. 104, 2), ce qui marque encore que sa demeure est le soleil. Et quelle pureté parfaite ne doivent pas avoir atteint ceux qui y demeurent avec lui ! Rien d’impur ni de souillé n’y peut entrer ! Notre Dieu est un feu consumant (Apoc. 21, Hébr. 12). Il faut que toute impureté soit consumée avant d’y avoir accès : cette purification se fait, comme je l’ai écrit, dans les autres demeures des Planètes, lorsque les âmes ne l’ont pas achevée dans cette vie.

5. Les Satellites de Saturne et de Jupiter sont, aussi bien que leurs Planètes, des demeures de purification, selon les diverses Espèces dont les âmes en ont besoin : Jupiter est principalement pour ceux que l’on nomme gens d’esprit, qui ont eu pour Dieu ou ont idolâtré à leurs connaissances, à leur lumières naturelles, à leur savoir, ce qui enfle, rend fort suffisant en soi-même : combien de sortes et de degrés de telles âmes n’y a-t-il pas ? Saturne est pour les avares et ambitieux, qui veulent tout engloutir et avoir pour eux, tout posséder en propre. Ô Merveilles admirables de mon Dieu !

 

Le 18 Mai 1735.

 

6. Le Giron ou le sein d’Abraham est le lieu bienheureux où il a été reçu en sortant de ce monde ; il faut bien croire qu’étant le Père des croyants, et ayant donné des marques d’une foi si éminente et d’une confiance et abandon à Dieu si parfait, Dieu lui a aussi destiné un héritage bien excellent ! Car lui ayant fait la promesse de lui donner et à sa postérité la terre de Canaan, et y ayant été cependant comme étranger pendant toute sa vie, combien merveilleux et glorieux a été le Royaume où il a été établi dans les cieux ! C’est donc ce Royaume qui est nommé son Giron.

7. Où est donc et quel est ce Royaume ? Je n’en sais rien, répondrai-je à mon cher Époux, vous savez bien que je proteste contre tout désir de rien savoir et de rien vouloir : car c’est l’arbre défendu qui a fait tomber notre premier Père ; je n’ai donc garde de désirer choses curieuses, il me suffit que vous savez tout, mon cher amour, l’ignorance et la dépendance sont le lieu de ma résidence : je m’y trouve bien et à l’abri de tout souci, je vous rends l’honneur qui vous est dû, mon Seigneur ! Car c’est votre science qui doit être révérée et adorée ; pour moi je reste dans mon rien : néanmoins comme on me demande où est ce lieu de gloire et d’honneur où notre père Abraham est établi pour y régner et consoler les affligés qui ont souffert dans cette vie la pauvreté et la douleur, le mépris, la langueur, comme le pauvre Lazare gisant à la porte du riche, (Luc 16), qui étant mort fut transporté par les Anges au sein d’Abraham, selon le récit de notre très adorable Sauveur ; remarquez bien ces circonstances.

8. Il est emporté par les Anges au tra vers des airs de cet Univers, dans la région céleste pour y être reçu et admis dans l’heureux pays de gloire, où les oppressés sont consolés. Ce lieu n’est autre que le Soleil, lieu sans pareil ; il est près de la montagne de Sion ; le rendez-vous des bienheureux, où ils sont consolés et honorés, pour le mépris, pour les ennuis de cette vie ; ils y sont rafraîchis et admis à la table où Abraham, Isaac et Jacob sont, dont parle notre Sauveur. Le grand honneur ! La grande gloire ! Ceci est vérité ! L’on le peut croire en sûreté. Car c’est là le Palais de gloire où sont admis les oppressés ; ils y sont consolés : lieu incomparable, très aimable et très beau, tout transparent, et tout luisant ! N’en demandez pas autre chose : il ne m’est pas permis d’en plus parler ! Ce sont des secrets qui sont réservés ; quand il plaira à Dieu, nous en traiterons dans un autre lieu.

9. Lieu de gloire admirable ! qui te comprendra, qui t’admirera comme il appartient ! Oserais-je bien en écrire ou en parler, si mon amour, si mon Époux ne le voulait, pour la gloire de son nom ? Ô Seigneur de Sion ! donnez des yeux pour voir vos merveilles, qui sont sans pareilles ! Ceux que nous avons ne peuvent atteindre, n’osent regarder l’éclatante clarté de ce lieu de gloire. Il faut changer d’habit, en revêtir un autre tout nouveau, tout resplendissant, et tout reluisant pour pouvoir considérer ce lieu et sa beauté, sa vastitude immense.

10. Ce Giron est un vallon dans le Royaume de Sion, où sont à l’ombre les oppressés ; ils y sont rafraîchis et admis en sortant des tribulations de ce monde, comme le pauvre Lazare : ils y reposent comme dans un sein, y jouissent d’un air tranquille et paisible, c’est là où ils attendent d’être admis plus haut, à la montagne de Sion, séjour de gloire où réside notre Dieu !

11. Ce vallon dont je parle est habité des bienheureux dedans ces lieux. Les anciens Patriarches y ont resté longtemps, avant d’être admis plus haut à la contemplation du Dieu de Sion. Nous le voyons d’ici, si nous y prenons garde : il y a dans le Soleil un lieu qui fait ombre, qui n’est pas si clair et luisant que le reste de ce grand globe. Ô Dieu tout Puissant, toutes tes merveilles sont grandes et sans pareilles ! Que nous te louions, que nous t’adorions, avec les saints habitants de ces lieux pacifiques et magnifiques ! Je veux t’adorer ! Je te veux louer sans cesser, mon Dieu, en tout temps, en tout lieu, ravi de ta gloire, de ta majesté, et de ta bonté ! Qu’est-ce que de l’homme, que tu l’environnes de tant de clarté ! Que tu lui manifestes tes merveilles sans pareilles, des lieux où seront reçus tes Élus !

12. Ce lieu est le même où notre Sauveur dit au bon brigand qu’il serait aujourd’hui avec lui en Paradis (Luc. 23, 43). Là, les saints sont préparés à être envoyés dans les autres lieux qui leur sont destinés ; car il ne faut pas croire qu’ils soient fixés pour toujours dans le même ; leur gloire augmente, et ainsi ils changent de gloire en gloire, selon qu’il plaît à notre Dieu de la partager et distribuer à un chacun, selon l’état et le degré qu’ils ont passé ; c’est là les diversités et les beautés des grandeurs magnifiques des lieux célestes ; l’ordre et le partage, l’héritage des saints, que Dieu a promis ; et ceux-là y seront admis qui auront ici, sans aucun souci de ces biens terriens, renoncé à tout, sans désirer rien du partage des mondains : ceux-ci auront, au lieu des douceurs, des honneurs, des biens de ce monde, auxquels ils ont idolâtrés et encensés, ils auront pauvreté, mépris et douleur, comme nous le voyons au mauvais riche, qui désire d’avoir une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue brûlée des feux obscurs qui le consument.

 

Le 11 Mai 1735.

 

13. Ô Dieu ! louange t’attend en silence en Sion (Ps. 65). C’est en ce lieu Divin où la louange du Seigneur la plus parfaite s’annonce : et comment s’annonce-t-elle ? En silence : c’est là la louange la plus parfaite, parce qu’elle est la plus conforme à la grandeur, la gloire, la majesté infinie de notre Dieu, qui surpasse à l’infini tout ce qu’aucun langage, soit des hommes soit des Anges, en peut exprimer. C’est pour cela que pour adorer et louer notre grand Dieu comme il faut, il faut se taire, accablé, et comme perdu et englouti dans l’océan immense de sa grandeur et de sa Majesté glorieuse, à laquelle rien ne peut atteindre à l’infini. Quelle gloire et grandeur ne se manifeste-t-il pas en Sion, la ville de notre Grand Roi ! Là les Chérubins, les Séraphins, et toutes les Légions d’Anges et d’Esprits bienheureux l’adorent et le révèrent par un respectueux silence : ils sont trop pénétrés de la grandeur Majestueuse du Roi des Rois, qu’ils contemplent en ce lieu, pour pouvoir s’occuper d’autre chose que de le regarder et contempler avec admiration, étant tous pénétrés de sa beauté et de sa Majesté, dont il leur est toujours plus découvert dans ce silence admirable ! Faisons de même, ô mon âme, dans et dès cette vie ! Tu expérimentes bien combien d’avantages te revient de rester dans un respectueux silence en la présence de ton Dieu. Quelle gloire, quelle amour, quel feu Divin ne sort pas de cette présence Majestueuse qui te pénètre ! Ô puisses-tu être entièrement consumé par le feu pur qui sort de cette Majesté glorieuse ! Ce sont tous mes désirs, afin que la créature et tout son propre être soit anéanti entièrement, et qu’il n’y ait plus que Dieu seul dans ce lieu ! Tous autres lieux ont leur adoration et leur louange, qui leur est conforme et qui est très agréable à notre Dieu, qui veut être honoré et loué en diverses manières, selon l’état, le degré et la capacité de chaque créature... Tout ceci se rapporte aux différents lieux et demeures, dans les tabernacles éternels, et selon leurs habitants.

14. Mon Dieu, que ta gloire est grande ! Et comment est-ce qu’un pauvre vermisseau comme je suis, enfermé dans une noire prison, ose parler de tes grandeurs éclatantes ! Seigneur, que les hommes t’adorent et te révèrent, qu’ils soient incités à t’aimer et à chercher à te connaître ; à abandonner la terre et l’ordure pour apprendre à connaître leur Créateur et l’excellence de la vocation à laquelle ils sont appelés, aussi bien que la Noblesse de leur création ! C’est tout ce que je désire, qu’ils apprennent à t’aimer, ô mon Dieu, comme tu en es digne !

15. C’est donc là la plus haute et la plus digne manière de louer le Seigneur, celle que pratiquent les habitants de Sion : tous occupés à contempler sa beauté et ses perfections merveilleuses, à s’en laisser pénétrer, ils en deviennent si fort enflammés qu’ils ne sont que feu et que flammes, brasiers ardents ; ils ne font que recevoir les rayons ardents de ce Soleil Divin, de Dieu même, sans rien faire de leur côté que d’y demeurer exposés tranquillement ; et ces feux ardents tombent comme des charbons vifs sur les autres ordres d’Anges et d’Esprits bienheureux, d’un degré inférieur, qui habitent des contrées plus basses ou inférieures : et ce premier ordre est comparé aux habitants du lieu très saint, ou au centre de l’âme dans l’homme, dans lequel Dieu même a sa demeure, et où tout l’Esprit de l’homme, ou l’homme Divin, n’est occupé qu’à contempler, à adorer en silence, à recevoir les rayons, les impressions, et les ardeurs de ce Soleil Divin.

16. Qui peut comprendre et admirer comme il convient ta beauté, ô mon Dieu ! Seigneur, tu ravis en admiration ceux dont tu en découvres un petit rayon hors de Sion ! Fais répandre ces feux sur ceux qui occupés à distinguer et à admirer en détail les beautés et bontés dont tu les environnes et enrichis, les annonces aux sens, en leur parlant pour leur faire comprendre, comment sans se défendre il faut céder à ta beauté, à ta bonté, s’en laisser pénétrer ; sans cesse t’adorer, quitter les faux attraits qui les amusent et les arrêtent, et les empêchent de s’élever à toi, ô Divin Roi.

 

Le 12 Mai 1735.

 

17. C’est donc là le premier ordre ou Hiérarchie qui habite la plus haute Région dedans Sion, la Séraphique, qui brûle d’amour dans ce séjour. La seconde région inférieure, ou qui suit celle-ci, est habitée par les Chérubins de gloire, qui contemplent et pénètrent tous les mystères, tous les secrets d’une manière distincte ; la beauté en détail de notre Divin Roi ; ils sont les Héros de sa gloire, qui en comprennent et en pénètrent sans cesse plus profondément l’immensité, la profondeur, la hauteur et la largeur. Comme la première Hiérarchie se rapporte, en ce qui lui est propre, au Centre de l’âme et à ce que Dieu opère immédiatement dans cette partie de l’homme qui est toute Divine, de même ce second ordre se rapporte à ce qui est opéré dans les puissances de l’âme, dans l’entendement et la mémoire, où la Hiérarchie des Chérubins a son ministère, étant par leur moyen que nous recevons dans l’entendement la connaissance distincte des choses Divines ; ceci se rapporte ainsi au second état d’oraison en illustration et connaissance des secrets profonds qu’il plaît à Dieu de découvrir.

18. C’est donc cette région plus basse que Sion, entr’elle et le Giron d’Abraham, plus élevée que celle-ci, qui est peuplée par ces Anges puissants et par les Esprits bienheureux de même Hiérarchie qu’eux ; ils s’écoulent et se communiquent à la troisième Hiérarchie qui leur est inférieure, laquelle habite le Giron d’Abraham et se rapporte à l’opération que reçoivent les sens par les puissances : voyez, je vous prie, comment l’homme est un rassemblage de toute la gloire, l’excellence et la beauté de toutes les créatures Angéliques et terrestres que Dieu a créés. Ce troisième ordre se rapporte à l’état d’oraison inférieur aux deux précédents ; où les goûts sensibles, les visions, les paroles entendues distinctement etc., où ces douceurs, dis-je, sont reçues dans les sens intérieurs.

19. Les âmes qui meurent dans ces différents degrés d’oraison, y étant perfectionnées et purifiées de toute propriété, sont reçues dans ces différentes régions bienheureuses après leur purification ; si non achevée au sortir de cette vie, elle se parachève dans l’autre ; mais elles restent dans le degré qu’elles ont ici, quoiqu’elles y soient perfectionnées : au lieu qu’ici en cette vie, elles peuvent monter d’un état inférieur au plus haut, selon que Dieu les achemine intérieurement. St Paul dit : Nous sommes transformés de gloire en gloire (2 Cor. 3, 18) ou élevés d’une gloire à l’autre ; nous y sommes transformés ; car cette gloire ou l’état où Dieu nous met change tout notre être, le rend plus excellent, plus spirituel plus Divin qu’il n’était dans l’état précédent. Ô maison de notre très cher Père, est-il permis à un mortel de te parcourir et de ne pas mourir !

20. Ici donc, je veux dire dans le Soleil, est, pour ainsi dire, la résidence ou le Royaume où la cour de notre Divin Roi se tient ; où les Hiérarchies Angéliques de tous les ordres se rassemblent dans ces vastes régions avec les Esprits bienheureux ; où ils adorent et rendent hommage à notre grand Dieu, chacun selon son degré de gloire et selon la faculté de son être ; ils s’y rassemblent, dis-je, et de là sont partagés dans les autres demeures célestes dans les Étoiles, qui sont innombrables.

21. Les saints Anges des Hiérarchies inférieures aux deux premières sont de cinq ordres, ou sont cinq Hiérarchies qui ont leur caractère chacune en particulier, qui se rapporte aux cinq sens de l’homme et se communiquent à lui d’une manière aussi excellente et délectable qu’elle est admirable.

22. Jugez donc un peu, je vous prie, de la félicité et béatitude de l’homme, dans lequel est rassemblé tout ce qui fait la félicité et qui prédomine dans chaque ordre des Anges. Il participe au feu pur de l’amour de Dieu, dont son cœur est embrasé ; du feu de cet amour, dont les Séraphins brûlent sans cesse, en la présence du Seigneur qui les en pénètre. Il participe à la lumière éclatante et à la majesté et force dont les Chérubins de gloire sont revêtus, qui éclaire et illumine leur entendement de tous les secrets, beautés et merveilles de Dieu lui-même, et de toutes ses œuvres ; et ses sens sont pénétrés du doux sentiment des voluptés Divines, de l’harmonie des divins concerts, et de la vue admirable des œuvres merveilleuses de ces lieux célestes : et ainsi l’homme entier est comblé de félicité et de gloire dans cet état, dans ces lieux bienheureux.

23. Qu’est-ce donc que le peu de souffrance et de renoncement que notre Seigneur Jésus Christ nous propose dans cette courte vie ; puisqu’elles produisent un poids d’une gloire excellemment excellente, quand nous ne regardons point aux choses visibles, mais aux invisibles ? (2 Cor. 4, 17.) Les souffrances du temps présent ne sont point à comparer à la gloire qui doit être révélée en nous (Rom. 8, 18). St Paul en avait eu la vue et l’avant-goût dans ses ravissements, c’est pour cela qu’il en parle d’une manière si majestueuse.

24. Ce n’est donc point pour nous tyranniser et pour ne pas vouloir que nous jouissions des satisfactions et plaisirs des créatures dans ce monde que notre Seigneur Jésus Christ nous propose une vie renoncée ; mais c’est pour nous préparer à jouir éternellement des plaisirs et félicités éternelles, en nous guérissant de nos maladies et nous rétablissant dans l’état où il nous a créés ; c’est, dis-je, que le temps court de cette vie temporelle est celui qu’il nous donne pour faire pénitence de notre chute et rébellion contre notre Créateur, temps pendant lequel il veut nous en guérir.

25. Notre affaire donc dans cette vie est d’être comme des malades qui se mettent entre les mains d’un médecin très habile et qui les guérira infailliblement si ces malades veulent suivre ses ordonnances, le régime de vie qu’il leur prescrit, et prendre les remèdes qu’il leur donne. C’est ce que fait notre adorable et charitable Sauveur ; il nous veut guérir infailliblement de nos maux, de notre maladie désespérée et incurable à tout autre qu’à lui. Mais il faut absolument que nous nous donnions à lui, suivions ses ordonnances, le régime de vie qu’il nous prescrit, l’abstinence des plaisirs mondains, des convoitises charnelles ; que nous détournions notre amour des créatures auxquelles nous l’avons donné, et à nous-même surtout ; nous ayant nous-même fait être notre but, l’idole que nous adorons : au lieu d’aimer Dieu de tout notre cœur, toute notre âme, entendement et force, c’est nous-même que nous aimons. Ainsi, il faut changer de maxime et d’affection, rendre ceci à Dieu auquel il appartient. C’est ce que notre Seigneur Jésus Christ nous veut apprendre, et changer notre cœur perverti et corrompu, le créer de nouveau, si nous voulons venir à lui qui nous appelle, et ne pas nous amuser à des choses de néant, dans le temps de cette vie, qui est si cher et qui nous est donné de Dieu pour une affaire de si grande importance, étant celle qui est la plus considérable de toutes. C’est l’œuvre de notre rédemption, de notre régénération, ou renaissance ; sans laquelle notre Sauveur nous assure que nous n’entrerons point au Royaume des Cieux (Jean 3, 3) et n’aurons point ainsi de part à la félicité, dont j’ai écrit ici quelque peu de chose, selon la petite mesure de lumière qu’il a plu à Dieu de me communiquer pour cela.

26. Les Anciens Sts Patriarches n’ont pas été reçus au sein d’Abraham après leur entière purification pour rester pour toujours dans ce lieu de repos, pour y être fixés ; mais seulement en attendant la venue de notre Seigneur Jésus Christ en chair, lequel, après ses souffrances, les a admis et emmenés triomphant au mont de Sion ; il les a admis à la contemplation Divine dans ce lieu de Triomphe. Car c’est seulement après la mort de notre Seigneur Jésus Christ qu’ils ont été admis à cette gloire, qu’il leur a acquise par son abaissement, ses souffrances et sa mort : les anciens Patriarches ont donc seulement reposé dans ce lieu bienheureux en attendant la venue du Seigneur, qui devait les admettre à un plus haut degré de félicité et de gloire.

27. Les âmes qui habitent ces lieux ne sont pas privées pour cela de la vue du Dieu de Sion. Notre Divin Sauveur se manifeste à elles, les visite, comme aussi toutes les autres demeures des bienheureux, et ils sont aussi admis de temps à autre à monter à la montagne de Sion, mais non pas à y habiter toujours. C’est une communication continuelle des bienheureux, des visites célestes qu’ils se rendent, les inférieurs aux supérieurs, et de ceux-ci aux autres ; comme nous participons déjà dans ce monde à cette félicité, étant visités en esprit par notre Seigneur Jésus Christ (encore que nous ne l’ayons pas encore revêtu par état), par les Anges et bienheureux Esprits d’un très haut ordre ; et nous sommes réciproquement admis et transportés dans leur demeures célestes et glorieuses en Esprit. Sans cela, comment en pourrions-nous parler ? Mon Seigneur et mon Dieu ! Gloire, louange, et adoration continuelle te soit rendue éternellement, Amen !

28. Les âmes du degré d’oraison dont on a écrit, qui sont reçues au Giron d’Abraham, sont aussi transmises en d’autres Royaumes célestes, dans les Étoiles qui sont du même degré de gloire de ce lieu ; car ces degrés sont fort divers, aussi bien que les degrés des âmes de même Hiérarchie, savoir selon la supériorité ou subordination qu’il y a entre elles. L’ordre que l’on tient dans ce monde dans tous les états parmi les hommes est la figure de l’ordre admirable qui se trouve entre les Anges, Saints et Esprits bienheureux, dont notre Seigneur Jésus Christ est le Roi souverain.

29. Ces Anges puissants, ces Esprits bienheureux d’un si haut degré, ont aussi leurs Royaumes particuliers dans les Étoiles, sous l’Empire de notre Seigneur Jésus Christ, auquel ils sont subordonnés, et se rendent de temps à autre au mont Sion pour lui rendre hommage.

30. L’on pourrait objecter, touchant ce que j’ai écrit du Soleil et des Planètes, que le Soleil est un globe de feu qui brûle et consumerait dans un moment tout ce qui en approcherait de trop près ; comment donc il pourrait y avoir des habitants dans le Soleil même ?

31. Je réponds que le Soleil est un globe tout de clarté, de lumière et d’une chaleur douce, tempérée, et très agréable en lui-même : mais la raison pourquoi il nous semble brûlant, et qu’il l’est en effet à notre égard, cela vient de notre impureté et grossièreté : lorsque le Soleil rencontre et que ses rayons dardent sur un corps impur et grossier, il est brûlant et consumant à l’égard de ce corps : nous voyons par l’expérience qu’il ne consume que l’impureté ; sa qualité est de purifier le sujet sur lequel il agit : lorsqu’il luit, il purifie l’air grossier ; mais s’il a tant agi sur un sujet qu’il en ait consumé et séparé tout ce qui est grossier, il ne le brûlera plus et n’en consumera plus rien ; ce sujet restera dans le Soleil même fort tranquillement et avec agrément, comme étant devenu conforme au Soleil même et capable de s’unir à lui.

32. Il en est du Soleil et de sa chaleur comme de notre feu ; le feu brûle tout ce à quoi il s’attache ; il consume tout le grossier et l’humide de ce qu’il entreprend ou de ce que l’on y jette ; mais il laisse le subtil, ce qui en fait l’esprit ou le sel, cela se conserve dans le feu, et l’on se sert du feu pour tirer cet esprit des matières, comme par exemple on se sert du feu pour purifier l’or et tous les métaux ; l’or se noircit et s’agite dans le feu tant qu’il a du mélange, mais aussitôt que ce mélange grossier est consumé, l’on voit l’or beau, transparent et très pur et tranquille dans le feu ; il n’est plus agité, mais il semble s’y reposer avec agréement. Ainsi en est-il de toutes choses.

33. Ainsi les habitants du Soleil, n’étant pas d’une matière grossière comme nos corps le sont, mais très purs, très subtils, très transparents, et nettoyés de toute cette masse grossière dont cet univers que nous voyons à présent de nos yeux charnels est composé, il n’a ni brûlement ni incommodité pour eux. Il n’est à leur égard que lumière, chaleur tempérée et agréable, qui réjouit et rafraîchit : notre air grossier qui environne nos corps, et notre terre qui l’est encore davantage, rend le Soleil âpre, brûlant, incommode, intempéré, parce que ses rayons s’attachent à cette impureté grossière qu’il rencontre et qu’il veut purifier, car c’est son propre de purifier toutes choses.

34. Il en est de même dans le spirituel : le Soleil a été regardé de tout temps comme représentant la Divinité. C’est l’image où elle s’est peinte avec le plus de Majesté et de beauté dans la nature. Les âmes saintes qui redeviennent la demeure de Dieu (qui a refait de leur cœur son temple, qui est le lieu où Dieu habite et où il s’unit à elles), ces âmes témoignent toutes par leur expérience, qu’aussi longtemps que ce Soleil de justice a rencontré en elles de l’impureté, qui est la propriété ou la racine de la vie du vieil homme, aussi longtemps cette contemplation ou regard de Dieu dans leur intérieur, dans lequel il darde ses rayons, leur a été douloureux, brûlant, affligeant, et à tel point qu’il a fallu que ce Soleil de justice cesse de les contempler ainsi pour leur donner relâche de cette purification douloureuse, qu’elles n’auraient pu supporter de suite, quoique son opération ne fut autre que de consumer leur impureté et de les rendre assez pures pour que ce Soleil de justice pût s’unir à elles, les ayant changé en sa nature, et dès que cela est, cette contemplation de Dieu envers l’âme change de nature et ne produit plus à l’âme ni douleur ni inquiétude, mais une paix, une félicité parfaite ; en un mot, l’âme trouve dans cette contemplation la Vie Éternelle et bienheureuse dans son commencement : Dieu est son élément dans lequel elle vit et est à son aise, plus heureuse que tout ce qu’elle pourrait en exprimer. Hors de cette demeure en Dieu, qui l’a reçue en lui, où elle vit, hors de là, dis-je, elle serait dans un enfer véritable, puisqu’alors elle expérimente fort bien que l’enfer est d’être séparé de Dieu.

 

 

 

CHAP. XXXIII.

 

Les sept Royaumes Célestes de la Sainte Vierge.

 

Les sept Étoiles du char sont les 7 Royaumes célestes de la Ste Vierge Marie. Grande sainteté et félicité dans ces Royaumes. Dans le premier sont les Saintes Vierges. Dans le 2me Royaume il y a grande lumière et clarté pour les âmes contemplatives. Le 3me est pour ceux qui se sont bien renoncés. Le 4me pour ceux qui ont méprisé la grandeur et l’honneur. Le 5me pour ceux qui ont vécu dans une entière désappropriation. Le 6me est à ceux qui ont surpassé les autres dans l’amour Divin. Dans le 7me Royaume, tous les mystères Divins seront compris.

 

     Le 26 Avril 1735.

 

1.

 

Nous avons dit que la Ste Vierge Marie a hérité dans les Cieux ou reçu pour partage (pour la pauvreté et l’anéantissement où elle a vécu dans ce monde) sept Royaumes célestes, qui sont les sept Étoiles dont on a fait mention et que l’on nomme le Char, dont elle est Reine : sa portion a été sept fois plus grande que celle des autres saints, parce que son anéantissement et sa petitesse, sa bassesse dans ce monde, a été sept fois plus grande que celle d’aucun d’eux.

2. Voyons à présent un peu quels sont les habitants de ces Royaumes bienheureux, quelle est leur gloire, leur pureté et sainteté. Ô Saint Paul ! c’est bien avec raison que tu t’écries : Ce sont ces choses qu’œil n’a point vues ni oreille ouïes, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, ce que Dieu prépare à ceux qui l’aiment(1 Cor. 2, 9). Et qu’étant ravi au troisième Ciel, tu as ouï des choses inénarrables et glorieuses qu’il n’est pas possible à l’homme d’exprimer (2 Cor. 12, 4). Il est vrai, mon Seigneur et mon Dieu ! Il n’est ni possible ni permis, si ce n’est lorsqu’il te plaît d’en manifester quelque chose, pour la gloire de ton saint nom, pour encourager les hommes, par la glorieuse espérance des biens à venir qui leur sont représentés, d’une manière qui leur est en quelque sorte compréhensible ; c’est, dis-je, pour les encourager à souffrir les misères de ce monde avec patience et résignation ; à se laisser priver volontairement des plaisirs, aises et satisfactions de cette vie misérable ; à charger et porter leur croix volontairement dans l’espérance des biens à venir. Car la bonté de Dieu s’accommode à la faiblesse humaine, qui aime la récompense ; ceci est à la vérité contraire à l’amour désintéressé que nous devons à Dieu, et ceux qu’il honore de son amour pur n’ont pas besoin de voir l’excellence des biens à venir pour se courber sous le joug de Jésus Christ : l’amour pour lui, dont il a embrasé leur cœur, leur suffit pour courir après lui de toutes leurs forces, aussi bien sur le calvaire que sur le Tabor : mais tous n’en sont pas là et n’y parviennent pas tout d’un coup, mais peu à peu, de degré en degré.

3. Dieu veut aussi accomplir ses promesses dans ces derniers temps, et manifester sa gloire, sa grandeur, ses secrets bien plus ouvertement et clairement qu’il n’a encore fait. C’est son bon plaisir, son amour qui le porte à, cela, il faut le laisser faire et se taire, l’adorer, et révérer. Ô mon Dieu, accomplis donc toutes tes volontés, et fais la grâce à cette chétive main, dont tu te sers pour écrire ce que tu veux, de te suivre sans résistance ; et puis fais ce qu’il te plaira, mon Dieu, mon Roi !

4. Le premier Royaume, ou la première Étoile qui est sous la Domination de la Sainte Vierge Marie, est habité par les âmes saintes dont le principal caractère est la virginité et l’innocence. Ce sont ces âmes saintes dont il est dit dans l’Apocalypse (Ch. 14, 4) qu’ils n’ont point touché de femmes, car ils sont vierges. Ô Sainteté de mon Dieu, qu’il te plaît, qu’il t’est agréable de t’imprimer dans tes pauvres créatures et de les rendre saintes et pures, comme tu es Saint et pur, sans qu’elles se mélangent, sinon avec toi, très saint Époux ! C’est avec toi, mon Dieu, que ces saintes âmes ont commerce jour et nuit ! t’adorant et te louant sans cesse, dans les chants de Triomphe et de gloire qu’elles font retentir à ton honneur, ô mon Sauveur ! Plus elles ont été cachées, muettes et inconnues dans ce monde, et plus font-elles éclater leurs voix et retentir leurs chants magnifiques dans l’Éternité ! Ô que bienheureux sont ceux qui, pour l’amour de Jésus Christ, aiment à vivre inconnus dans ce monde, dans une vie cachée et abjecte, dans la séparation, retirés de toutes les créatures, pour donner d’autant plus tout leur amour et toutes leurs affections purement à leur Sauveur ! Il est lui-même tout leur soutien, il les console, il les désole, ils sont contents même en mourant, tous délaissés et abîmés dans son amour dès ce séjour.

5. Mon Dieu, que de multitudes de millions d’âmes composent les habitants de ce Royaume céleste ! remplis de gloire et de Majesté, qui dans ce monde ont toute leur vie été inconnus presque à tout le reste des hommes, dans le mépris et la pauvreté ! Oh, en vérité, la vie la plus Divine et la plus pure est celle qui est la plus cachée dans ce monde, et sera la plus glorieuse et la plus éclatante dans l’Éternité. Adorer et aimer est la seule occupation des Enfants de Sion. Règne de mon Dieu, manifeste-toi aux humains ! Qu’ils apprennent à t’aimer, à t’adorer, à mépriser ce qui n’est rien ; pour admirer tes biens ils n’ont de cesse ni jour ni nuit, car il n’y en a point, ils t’adorent sans fin : faisons de même, nous aurons part à leur bonheur, à leur grandeur, qui s’acquiert par la petitesse, par la bassesse, si méprisable, mais délectable à un grand cœur qui chérit son Sauveur.

6. La Sainte Humanité de notre Seigneur Jésus Christ honore souvent ce Royaume très Saint de sa présence glorieuse, et réjouit par cette présence Majestueuse et adorable ses habitants bienheureux. Il est le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs (Apoc. 19, 16), principalement de ces Royaumes célestes où tout lui est soumis et jouit sous sa domination souveraine d’un bonheur sans pareil, d’une paix éternelle. Mon Dieu ne quitterons-nous pas bientôt les traces de ce monde terrestre, où tout est en trouble, guerre et division, pour jouir de la paix dans ces lieux admirables que votre doux gouvernement produit dès ici-bas dedans les cœurs de ceux qui se soumettent à tes lois ! Ô loi du renoncement à toutes choses et à soi-même, prêché dans l’Évangile, que tu es doux et agréable à quiconque veut t’embrasser sans hésiter ni balancer, croire à son Dieu et le suivre sans réfléchir ; c’est tout ce qu’il faut pour rendre heureux et pour être habitant dès à présent du Royaume de paix qui fleurit sous le doux Empire des Saints martyres, qui ont pour conducteur, pour Roi, pour leur Seigneur, Jésus Christ le Sauveur, et la Sainte Marie, qu’il y a établie pour y régner, y commander, sous ses auspices. Ô Chérubin, que de Majesté, de Grandeur, et de gloire, me fais-tu entrevoir de ma prison où je suis renfermé : fais-le connaître aux cœurs qui le peuvent comprendre ; tout le reste est en vain, ce ne sont que paroles qui sont frivoles, n’atteignent pas aux saints appas dont est environné la Majesté qui réside en ces lieux et ne se peut comprendre ni entendre des sens humains ; ils sont trop grossiers pour y atteindre ; celui-là le connaîtra qui y entrera par la porte étroite et tout nu, revêtu d’innocence et de pureté, ayant à tout renoncé.

7. Le second Royaume céleste de notre Bienheureuse Vierge Marie a pour caractère particulier la clarté et la splendeur ; tout y est lumière éclatante à tous égards ; Lumière sept fois plus resplendissante que celle du Soleil que nous voyons, pour ce qui est de matériel ou d’astral 27, et est lumière toute entière pour l’Esprit ; car Dieu s’y manifeste sans voile et tout à découvert, comme il est en lui-même, les âmes bienheureuses qui habitent ce saint Royaume en étant capables. C’est ce que l’Apôtre St Paul dit : Alors nous le connaîtrons comme nous avons été connus de lui, à découvert (2 Cor. 3, 18) : tout y est clair et sans voile. C’est là où l’on contemple comme il faut, et que la lumière découvre par elle-même, dans ces bienheureux, d’un abîme de merveille dans l’autre, la gloire et la grandeur, la beauté de notre Dieu, qui se peint et se manifeste dans ces âmes bienheureuses à son plaisir, comme dans autant de miroirs bien épurés. Comme, sans comparaison, un beau miroir qui reçoit les rayons du beau Soleil, qui s’y peint à merveilles, y darde ses rayons ; il s’y exprime autant qu’il peut dans cette glace, selon l’espace qui s’y rencontre ; il remplit toute celle qui y est de sa lumière, de sa chaleur, pour s’y complaire ; il y darde ses rayons, il y imprime sa forme à proportion de l’espace de cette glace. Ainsi dit Saint Paul : Nous tous qui contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur à face découverte, sommes transformés en la même image de gloire en gloire (2 Cor. 3, 18). Oui, certainement ; comment est-ce que les bienheureux ne seraient pas transformés et changés ainsi en Dieu par cette contemplation admirable et continuelle, avec la proportion qui reste toujours entre Dieu et la créature ! Mais la portion de gloire et de clarté et majesté qui est communiquée à chacun de ces bienheureux est assez grande pour qu’on s’écrie dans l’admiration que cause la vue que l’on en a en Esprit : J’ai dit vous êtes Dieux ! (Ps. 82 ; Jean 10, 34.) En Dieu ils voient réciproquement eux-mêmes et toutes choses comme dans le miroir immense dans lequel ils sont et vivent. Et ainsi ils regardent ou contemplent Dieu sans cesse, et Dieu les regarde réciproquement.

8. Mon Dieu, est-il possible que tu veuilles que j’écrive de ces choses ! En vérité, c’est ton amour qui m’engage à le faire pour t’obéir sans résister ni me regarder ; car si j’osais le faire, je gâterais ton affaire ; sous prétexte d’indignité, je me retirerais de la souplesse, de l’obéissance et du délaissement et oubli de moi-même dans lequel tu veux que j’écrive et que je vive en toutes choses : je veux donc m’abandonner et m’oublier, ne regarder que toi, mon Dieu, mon Roi !

9. Cette double contemplation réciproque de Dieu et des bienheureux n’est autre que la consommation de celle qui se fait dans cette vie mortelle, entre Dieu et les âmes qu’il en a rendu capables. Et, en vérité, il n’est pas nécessaire d’être séparé de ce corps pour en expérimenter quelque chose : elle est couverte des ombres de la foi, mais n’est pas moins réelle et véritable, et elle est la récompense et la suite de l’état ténébreux par lequel il plaît à Dieu de faire passer les âmes pour les préparer et purifier, en sorte qu’elles soient mises en état de pouvoir recevoir cette grâce. C’est ce que Dieu donne à la suite de cet état si pénible à supporter.

10. L’âme qui marche à la suite de notre divin Sauveur est mise par lui en un tel état de confiance et d’amour qu’elle lui demeure toujours abandonnée, soumise et délaissée à tout son Divin vouloir, ce que l’attrait de son amour opère en son cœur, quoique privée de toute lumière et de toute connaissance, aussi bien à l’égard de son propre état qu’à l’égard des choses Divines ; se trouvant dans des ténèbres très épaisses, son entendement étant dans l’obscurité, et sa volonté dans l’impuissance de souhaiter, selon son fond, de vouloir être dans un autre état ; elle reste contente, dans l’abandon et confiance en Dieu ; et consent de demeurer pour toujours dans cet état pénible et fâcheux, sans désirer ni s’efforcer d’en sortir par elle-même ou par ses efforts ; mais elle demeure comme les morts éternels : chargée avec cela des tentations qui accompagnent d’ordinaire cet état : et si elle le soutient, sans attendre ni chercher d’autres secours que l’abandon à Dieu et à sa volonté pour cette vie et pour l’éternité, la vérité des paroles de notre Seigneur Jésus Christ s’accomplira infailliblement en elle, lorsqu’il dit : Celui qui aura perdu maison, femme, enfant, ou champ, pour l’amour de moi, en recevra dès cette vie cent fois autant, et la vie éternelle au siècle à venir... (Matth. 19, 29.)

11. Oui, en vérité, mon Sauveur, tes paroles s’accomplissent aussi en ce point ; car celui qui se quitte soi-même, comme sa maison propre, en foi à ton attrait, qui le chasse ou l’attire hors de lui-même, sans savoir ni voir pour ce temps-là d’autre demeure qui lui soit préparée, sans le voir, dis-je, distinctement, quoiqu’il sent bien réellement qu’il est chassé hors de chez lui, séparé de sa femme, de sa partie sensitive, ou de la partie basse de son âme, où se forment les idées, conceptions, raisonnements, et tout ce qui est sensible et aperçu, dont il est séparé et n’en peut faire usage comme auparavant, pour par elle ou avec elle engendrer ses enfants, qui sont ses productions ou ses fruits : si, dis-je, il se laisse persécuter par les ennemis intérieurs, à qui Dieu donne le pouvoir de le faire, et chasser ainsi et se séparer de ces choses qui lui sont si chères, et demeure dans cet état de veuvage et de privation de ses biens, dans la stérilité de son Esprit naturel, dénué de toutes ses connaissances, autant de temps qu’il plaira à Dieu, sans désirer de sortir de cet état, alors Dieu viendra lorsqu’il s’y attend le moins, et bien à la minuit (Sap. 18, 14), au temps des ténèbres les plus obscurs, et le mettra en plein jour, fera resplendir ses ténèbres, et lui rendra au centuple dès cette vie ce qui lui a été ravi et qu’il a renoncé volontairement, quant au fond de sa volonté, malgré toutes les résistances de la part de la nature et de la raison dirigée par l’amour propre.

12. Ces âmes-là seront rendues participantes de la lumière Céleste et Divine, de la Contemplation parfaite en son commencement, dès cette vie ; et auront sa consumation dans la vie éternelle, selon ce que j’en ai écrit ici, qui n’est qu’un faible crayon de la chose même ; qui surpasse en sa grandeur, beauté, clarté, magnificence et gloire, tout ce que l’on pourrait s’en imaginer dans cette vie mortelle, qui n’est qu’une prison ténébreuse.

13. Le troisième Royaume céleste est celui où les âmes qui ont suivi Jésus Christ ici-bas, dans sa vie renoncée à toutes les satisfactions de leurs appétits en toutes manières, aussi bien à l’égard de la gourmandise et friandise, pour les délicatesses et délectations que les hommes cherchent dans le boire et manger en se rendant les esclaves de leur bouche ; mais aussi qui ont renoncé à toutes les convoitises pour toutes les choses de la terre, ne voulant en aucune manière user des choses les plus permises que pour la nécessité de l’entretien de cette vie, selon qu’il plaît à Dieu de leur en dispenser leur portion : non en y cherchant leur plaisir et satisfaction, mais en détournant sans cesse leur volonté du plaisir et de la satisfaction qui se rencontre dans l’usage que l’on fait des créatures, pour la donner continuellement à Dieu, l’unique objet de leurs désirs et de leur amour. Ce sont les Nazariens du Seigneur, qui seul est leur portion. Ceux-là, dis-je, qui se sont sevrés de toutes ces satisfactions dans l’usage des choses nécessaires pour l’entretien de cette vie, auront pour partage et pour héritage d’habiter dans toute l’éternité le Royaume de gloire, où ils seront rassasiés des biens de la maison de Dieu ; c’est l’avant-goût de ces délices et des saintes voluptés dont on jouit dans ce lieu qui fait dire au saint Roi David : (Ps. 84, 5 ; Ps. 36, 9 ; Ps. 63, 6 ; Ps. 23, 5) Oh ! que bienheureux est celui qui habite en ta maison pour t’y louer continuellement. Ils seront rassasiés des biens de ta maison et du saint lieu de ton Palais. Mon âme est rassasiée comme de moelle et de graisse. Ma coupe est comble.

14. Oh ! en vérité, si nous pouvions comprendre quel poids immense de gloire, d’honneur, et de félicité, suivra le peu de souffrance et la petite privation à laquelle nous aurons bien voulu nous soumettre pour l’amour de Dieu, en obéissant aux préceptes de notre Seigneur Jésus Christ, en embrassant sa vie renoncée, nous n’aurions pas besoin qu’on nous exhorte à cela ; mais plutôt qu’on retienne l’ardeur avec laquelle nous nous y jetterions à corps perdu, avec trop de Zèle. Les âmes qui au moins se font quelque effort pour se combattre dans leurs désirs sensuels, quoiqu’encore faiblement, expérimenteront bien, si leur volonté est sincère et leur désir véritable, de vouloir renoncer aux créatures et aux satisfactions qu’elles y trouvent. Elles éprouveront bien combien puissante sera la grâce que Dieu leur communiquera pour poursuivre dans leur bonne résolution et dans le désir sincère où elles sont d’avoir désormais tout leur plaisir et satisfaction dans la soumission à la volonté de Dieu, qui seul veut être leur trésor et faire leur bonheur.

15. Mais les gourmandises et friandises pour les choses spirituelles sont encore autant à éviter et à renoncer, à quiconque veut entrer dans ce séjour de gloire ; puisqu’elles sont plus dangereuses que les grossières, dont nous avons parlé, pour quiconque veut entrer dans la pauvreté d’Esprit que notre Seigneur recommande, et pour lesquels il dit que le Royaume de Dieu est à eux (Matth. 5, 3). Certes, quiconque aura aussi renoncé à toutes les voluptés spirituelles, à tous les goûts et sentiments très délicats qui se rencontrent dans les dévotions sensibles, celui-là aura pour héritage le Royaume céleste, et il en aura l’avant-goût et la possession dès cette vie, s’il persévère à demeurer volontairement dans l’état pauvre et dénué où il est réduit à la suite du Sauveur, et en l’imitant il éprouvera, dis-je, la vérité de ces paroles : Bienheureux sont les pauvres d’Esprit, car le Royaume des Cieux est à eux (Matth. 5, 3).

16. Ces âmes ne désirent donc de se rassasier que de Dieu ; c’est lui qui fait le seul objet après lequel elles ont faim et soif ; toute autre nourriture leur est à dégoût, elles ne désirent de posséder autre chose et aiment mieux dans cette vie être privées de tout, demeurer dans la pauvreté et l’indigence à tous égards, que de posséder autre chose que Dieu ; elles aiment mieux avoir faim et avoir soif, et mourir même, que d’être rassasiées d’autres aliments que du pain céleste, qui est Jésus Christ même. Que bienheureux sont ceux qui ont pris cette résolution ; oh ! que de richesses et de rassasiement suivront dans peu la disette et la faim qu’on a souffertes pour un peu de temps !

17. Le quatrième Royaume céleste est pour ceux qui ont dans ce monde méprisé les honneurs et les grandeurs, qui font l’objet des ambitieux ; et ont choisi à la suite de notre Divin Sauveur le mépris et la bassesse, un état abject comme il a aimé, l’ayant choisi dans ce monde pour lui et ayant voulu naître d’une mère du même état, qui a aussi aimé la bassesse et une vie obscure plus que toute autre créature ; elle a reçu aussi en échange l’honneur d’être Reine du Royaume céleste, où éclate la gloire, la grandeur, la magnificence de notre Dieu ; où il prend son plaisir de l’étaler d’une manière qui ne peut être ni comprise ni décrite par le langage humain.

18. Le Cinquième Royaume céleste est habité des âmes qui, à l’exemple de la Ste Marie, ont reçu toutes les grâces de Dieu dans une entière désappropriation ; elles ne les ont reçues que comme des canaux par où ces grâces ont passé ; ne les ont point retenues en propriété pour se les approprier ou en user selon leur volonté, mais les ont laissé couler comme une eau très pure, pour abreuver ceux vers lesquels Dieu les a conduites. La Ste Marie n’a rien gardé pour elle de toute l’abondance des grâces qu’elle a reçues ; mais elle n’a été que le canal par où elles ont passé et se sont répandues dans d’autres cœurs, pour les enflammer du pur amour de Dieu, dont elle a été et est si pénétrée ; et quoique tout cela se soit passé en secret quant au dehors et selon ce qui frappe les sens, d’autant plus efficace et réel a-t-il été et est ; et s’opère-t-il au dedans des cœurs qui sont gagnés et convertis à Dieu, sans savoir par quel moyen ni comment. Cette libéralité de la Ste Vierge, de laisser ainsi couler les grâces qu’elle reçoit pour le salut des hommes, et de ne vouloir rien garder pour elle, a été récompensée de ce cinquième Royaume céleste, qui est de sa possession ; et les âmes qui sont dans la même désappropriation sont les habitants de ce lieu.

19. Quels torrents de grâces, de feu et flammes très purs de l’amour de Dieu ne se répandent pas de ce lieu sur les humains, pour les embraser de ce même amour ; ce sont autant de Séraphins que ces âmes saintes ! Enflammez-nous, consumez-nous, afin que nous devenions tous de feu pour notre Dieu ! Faisons comme eux ! Laissons couler les ruisseaux dont la grâce nous désaltère, et ne gardons rien pour nous, mais que tout soit rendu à notre Divin Époux ! Recevons sans résistance et rendons de même, pour gagner des cœurs à notre Vainqueur ! Il accomplit la vérité de ces paroles : Qui croit en moi, il coulera de ses entrailles des sources d’eaux saillantes en Vie Éternelle (Jean 7, 38). Ceci est l’opposé de l’avarice, et la vraie libéralité, que Dieu opère en tous ceux dont il s’est rendu vainqueur, leur ayant ravi leur cœur ; ils auront la récompense de posséder Dieu même et tous ses biens sans nulle fin.

20. Ceux qui courent après lui se laissent attirer par l’odeur de ses parfums, dont ils sont tous pénétrés (Cant. 1, 34). Transportés d’amour, ils surpassent toute autre chose, sans s’y arrêter et sans y penser, ne veulent que lui qui les attire ; ils s’oublient sans cesse, avec allégresse, pour courir vers lui sans nul autre appui.

Ce sont les habitants du sixième Royaume céleste ; ils ont, comme la Sainte Marie, été charmés de leur bien-aimé, ils ont méprisé tout le reste pour courir après lui, ils ont dans cette course quitté, abandonné et eux-mêmes et toutes choses, et sont ravis et passés dans celui qui les attire avec tant de force et d’attraits heureux, qui les suit sans écouter ni réflexion ni raison que celle de l’amour, qui fait qu’on s’abandonne et tout propre intérêt pour suivre sans arrêt cet amour Dieu, qui est seul dans ce lieu ; ils ne vivent que de lui et pour lui ; surpassant tout, ils s’abandonnent, n’ont ni soin ni souci d’aucune chose ; l’abandon et l’amour fait leur séjour, vivants de foi sans autre loi ; Dieu prend soin d’eux, parce qu’il est leur pain et tout leur bien. Les biens de cette vie ne font point leur envie, ils n’en ont point non plus les soins ni les chagrins. Dieu seul est leur trésor dans et après la mort ; vivons ainsi sans autre soin ni souci que d’être à Dieu dans ce bas lieu : et nous habiterons le séjour admirable et très aimable où la Ste Marie fut établie pour être Reine, pour l’abjection extrême dans laquelle elle a vécu, n’ayant voulu laisser répandre ses désirs, ni ses soupirs, qu’après son fils qui l’a transmis dans ce séjour de gloire : nous en célébrons la mémoire pour nous encourager à tout abandonner pour suivre Jésus Christ, comme il nous l’a prescrit : suivons ses saints attraits, il veut nous combler de bienfaits dès cette vie ; n’ayons d’envie que de l’aimer, de l’adorer, suivre ses pas jusqu’au trépas.

21. La septième demeure Céleste a été donnée à la Ste Vierge Marie, où se manifestent et s’entendent tous les secrets du Tout Puissant, pour n’avoir rien voulu savoir ni rien voir des beautés de ce monde, qu’elle a méprisée, et s’est accoutumée au silence, à n’écouter que son bon Dieu en tout temps, en tout lieu, lui prêtant seul l’oreille, pour apprendre ses merveilles et n’écouter rien autre chose, les mépriser, s’en détourner. C’est ainsi que l’amour attire ses Saints Martyrs qui ne veulent rien avoir, ni rien savoir, ni ne rien voir que leur bien-aimé, dont leur cœur est navré, mourant à toute curiosité à savoir ce qui se passe, à voir toutes les beautés des Cités de ce monde ; Dieu les enfonce dans l’obscurité, dans l’ignorance, pour puis après les établir dans la lumière seule et première, qui est lui-même, ô joie extrême ! Excusez mes transports, ils sont sans nuls efforts ; c’est l’amour qui me mène et qui m’enlève, je ne puis résister, ne veux non plus le faire ; il faut le laisser faire ; tout mon désir, tout mon plaisir est de vous entraîner avec moi dans le sein de mon Roi ; là nous nous entendrons et très unis le bénirons de ses merveilles, qui sont sans pareilles et sont seules dignes de notre attention et d’y faire réflexion, pour n’avoir plus à cœur que de suivre notre Sauveur. Il nous attirera, il nous enlèvera, il brisera nos chaînes, qui nous tiennent attachés à ce monde, aux Créatures et à nous-mêmes ; il nous en rendra libres pour être ses esclaves qu’il veut faire régner sans différer. J’avoue qu’en écrivant ceci je suis ravi et ne puis que chanter la gloire et la grandeur de notre Dieu, qui veut rendre participantes de tant de grandeur et de gloire, de béatitude éternelle, nous autres créatures qui ne sommes que des riens, et encore rebelles ; bannis et mets fin à nos rebellions, Dieu de Sion ; fais-toi des cœurs soumis, que le feu de ton pur amour parcoure toute la terre et s’empare de tous les cœurs, qu’ils soient épris et embrasés, oui, terrassés, pour te rendre gloire et honneur, en se courbant sous ton Empire, fais-les être tes Saints Martyrs, qu’ils meurent en eux-mêmes pour ne vivre qu’en toi, leur vrai et légitime Roy.

22. Tu répands des Royaumes Célestes, tes Divins feux sur nous : ici sont les joueurs de harpes, rendant gloire et honneur à Dieu notre Sauveur, par leurs hymnes sacrés ; ils sont poussés à rendre gloire, célébrant la mémoire des grands bienfaits et des hauts faits de notre Dieu ; ils parcourent tous les Empires ; leurs plaisirs, leurs réjouissances c’est de... taisons-nous et cessons, nous ternissons leur gloire en voulant en parler dans un langage si grossier. Suivons-les dans la bassesse, dans le renoncement, dans la souffrance qui nous est donnée en partage par la sage Providence, sans résistance, et nous y parviendrons et verrons toutes ces merveilles dont je ne fais que bégayer pour vous encourager, mes très chers frères, à bien mourir, pour vivre en Dieu dès ce bas lieu.

 

*     *     *

 

23. Lorsqu’il est dit que la lumière des Royaumes de la Ste Vierge Marie est 7 fois plus resplendissante que la lumière du Soleil que nous voyons, cela s’entend de cette lumière du Soleil telle que nous la voyons dans ce corps mortel ; laquelle lumière ne nous éclaire pas à beaucoup près comme elle est en elle-même, mais seulement selon la capacité que nous avons dans ce corps mortel et obscur pour la supporter, cette lumière s’accommodant à l’obscurité ou à la clarté obscure de nos yeux charnels ; laquelle clarté peut bien être nommée ténèbres à l’égard de la clarté que le Soleil a en lui-même : il est d’ailleurs environné, ou bien notre terre est environnée d’un air extrêmement grossier dans lequel nous vivons, lequel est comme un voile épais au travers duquel les rayons passent avant de venir jusques à nos yeux et sont ainsi affaiblis. Ainsi la clarté du Soleil, comme elle est en lui-même, surpasse sans doute celle des Étoiles, qui sont les Royaumes Célestes de la Ste Vierge, aussi bien que celle de toutes les autres.

 

 

 

CHAP. XXXIV.

 

De l’Orion. St Michel. La Poussinière. St Jean.

 

L’Arch-Ange Michaël : Prince de la Hiérarchie Séraphique à l’Orion pour son Royaume. Il combat pour le pur amour de Dieu, contre la propriété. La Poussinière est un Royaume de Jésus Christ pour sa nature humaine. Il y a mis St Jean en sa place. Les Royaumes des Saints Apôtres. L’amour compatissant en découle.

 

1.

 

Je veux chanter et toujours annoncer la gloire de mon Dieu, en tout temps, en tout lieu ; c’est pour lui que je suis, c’est pour lui que je vis ; rien ne me regarde, rien ne me touche que la gloire et l’honneur de mon Sauveur. Il est mon Roi, il me soumet dessous sa loi, qui est celle de l’amour ; je lui fais ma cour sans cesse, dans l’allégresse ; dans les tourments également, je suis à lui, il me suffit.

2. Que ta majesté est grande, ô mon Dieu, et ta bonté admirable, de te vouloir manifester aux hommes avec tant de clarté. Tu veux montrer que ton amour pour eux est sans borne, tu leur déploies tous tes trésors et ne veux rien garder que tu ne leur communiques, te donnant toi-même à eux, ô mon Dieu ; comment ne leur donneras-tu pas, ne leur manifesterais-tu pas toutes les choses qui sont moindres que toi ! Tu dis, mon adorable Sauveur : Celui qui m’aime je me déclarerai à lui (Jean 14, 21) ; si donc tu te veux manifester, toi qui es le Roi, le Seigneur et le Créateur de toutes choses, à tes pauvres Enfants, leur célerais-tu la gloire de la maison Céleste, où tu nous as dit qu’il y a plusieurs demeures ? (Jean 14, 2.)

3. Veux-tu décrire celles du grand Prince Michaël l’Arch-Ange, patron du pur amour ? Il est le mien aussi, par ta merci. Car je ne veux savoir que toi, mon Seigneur et mon Roi ! Il ne souffre point d’impureté ni de propriété dans le Royaume que tu lui as soumis, où tu l’as établi sur la Hiérarchie des Anges bienheureux qui habitent ces lieux ; c’est l’Orion qui est ce lieu charmant et transparent. C’est là où règne le pur amour, il y a établi son séjour ; séjour de gloire, c’est la victoire, qu’il remporta sur Lucifer ; il le précipita dedans l’Enfer ; ce grand Héros ne souffre rien que Dieu dedans ce lieu. Il en est trop jaloux, tout le met en courroux qui ne veut s’accorder à cette loi de notre Roi ; qu’il soit tout et nous rien, c’est là l’unique bien que nous devons chercher pour le trouver. Il ne manquera pas, suivons ses pas, il est le bon Berger, suivons-le donc sans murmurer. Renonçons à notre raison, il nous mènera en Sion, nous découvrira ses secrets et ses Arrêts ; il nous fera part de tout, suivons-le jusqu’au bout.

4. L’Orion est donc la grande Étoile ou le Royaume où le grand Prince Michael l’Arch-Ange règne sur la Hiérarchie ou Légion d’Anges qui lui est soumise. Est-il permis d’en écrire quelque chose du lieu de cette noire prison ? Mon Dieu, tu le sais, je suis un néant devant toi, dont il faut que tu disposes ; je n’ai rien à te prescrire, rien à désirer, tu es mon tout, il me suffit, et ma portion est d’être à tes pieds humilié !

5. Que je suive tes attraits, c’est là tous mes souhaits, car je ne sais rien, et ne demande rien que de t’adorer et t’aimer sans cesse, c’est là ma portion, ô Dieu de Sion. Guide ma main ! Je reste dans mon rien et ne demande de rien savoir ni de rien voir : sans nul souci j’écris ainsi ce que tu me dictes toi-même, ô bien suprême ! Car tu es ma portion, Dieu de Sion ; que je vive en toi, ô mon bon Roi ! N’est-il pas bientôt temps de commencer à déchiffrer le caractère et le mystère de tes secrets, de tes arrêts ? C’est le devoir que tu me mets dessus, sans nul abus. Je le veux faire, dans ta lumière qui me conduit, me réjouit ; je ne suis rien, c’est là mon bien. Si je suis trompé, Seigneur, j’y consens de tout mon cœur ! Car je ne suis que vanité et que méchanceté, tromperie et mensonge ; vous seul êtes la vérité même, ô Dieu suprême ! Il faut imposer silence à mon arrogance, à ma curiosité, et à ma vanité. Précipite-la aussi, toi qui ne peux souffrir que la petitesse, le silence, l’humilité, ennemi de la vanité ; je me mets de ton parti et m’accuse moi-même, ne veux, ô bien suprême ! que la vengeance de ce moi pour toi, mon Divin Roi. Point d’excuse ! elle abuse : se soumettre et confesser, c’est à quoi je ne veux manquer. Car je veux t’honorer ainsi, sans autre soin ni nul souci que me remettre à ta merci.

6. Les Anges de gloire chantent la victoire de notre Dieu dans ce haut lieu ! Leurs hymnes retentissent et s’accordent très bien, Dieu en est le lien ; rien ne les intéresse, Dieu seul est leur adresse, Dieu seul est leur désir, Dieu seul fait leurs plaisirs ; c’est pour lui qu’ils combattent et qu’ils arrachent tout autre soutien, Dieu seul est leur bien ; n’admettons rien d’autre ! ne cherchons rien autre !

7. Ô Cieux, éjouissez-vous, et toi, terre, égaye-toi de ce que les Héros de notre Dieu ont la victoire ! Ils triomphent ! Ô Divin Arch-Ange, qui pourra réciter ta pureté, ta jalousie, ton Zèle, pour combattre et défendre la gloire de mon Dieu, qui veut régner partout, en tout temps, en tout lieu ; tous ceux qui combattent pour l’amour pur contre eux-mêmes, contre toute impureté et mélange dans l’amour que nous devons à Dieu, sont de ta Légion, sont habitants de ton Royaume : notre chère Mad. Guyon 28 est une de tes sujettes ; elle a subi l’arrêt que l’amour pur prononce, qui n’admet Rien que Dieu. C’est là notre devise, il nous a délivrés de tout mélange, de toute impureté ; règne dans tous les cœurs, amour Divin, sans fin !

 

     Le 23 juin 1735.

 

8. Quel est le Prince Michaël, quel est le St Ange Gabriel ! Ce sont les Hérauts de mon Dieu, qui annoncent ses merveilles, sa gloire non pareille ! Je ne puisqu’admirer, que m’humilier, adorer, dans la vue des grandeurs de mon Dieu, elles sont sans pareille ! Mon Dieu, quand est-ce que le temps viendra qu’on te reconnaîtra ici comme notre grand Roy, que tu régneras seul sans partage ? Que tous les Cœurs te seront soumis et transmis hors d’eux-mêmes ? Oh ! le bonheur extrême de ne plus savoir que toi, mon cher Roi. Que tout s’évanouisse ! et que tout disparaisse devant ta face ! Ta seule grâce fait mon bonheur, me restaure le cœur. Seigneur, déclare tes merveilles pour te rendre soumis tous tes Ennemis ! Qu’ils lèchent la poussière, que l’Arch-Ange Michael les terrasse, les rende captifs et à toi soumis ! C’est là son office, c’est là son service, d’établir ton amour dans tous les cœurs, pour te les captiver et en triompher. C’est le feu pur de ton amour qui consume tout autre chose, c’est lui qui cause l’embrasement, qui ne laisse rien du tout subsister ; ô saint feu, qui ne se jettera dans ton brasier ! Celui qui t’aime, ô Bien suprême, ne peut s’en empêcher, sans balancer ! Car il ne veut que toi ; tout le moi lui est en horreur, il le rejette. Je m’unis donc à vous, Anges Célestes, et ne veux rien recevoir, rien avoir, rien savoir que mon Dieu seul ! C’est celui que j’adore, c’est lui seul que j’honore, sa gloire est mon bonheur, tout le reste m’est étranger, tout autre intérêt m’accable et m’est à charge : Dieu ! Dieu ! Rien que Dieu, dès ce bas lieu !

9. La Poussinière est le Royaume que notre très cher et adorable Sauveur Jésus Christ s’est choisi entre les Royaumes des saints et parmi eux, pour l’humanité abjecte de notre Corps mortel, qu’il a revêtu. C’est là où il manifeste son amour compatissant pour les pauvres créatures, qu’il cherche à rassembler sous ses ailes bénignes, comme il se compare lui-même à une Poule, qui rassemble ses poussins sous ses ailes (Matth. 23, 37).

10. C’est donc là où il manifeste son amour compatissant envers ceux qui veulent se laisser attendrir et se soumettre, pénétrés de son amour, à son joug doux et bénin. C’est dans ce Royaume Céleste qu’il a établi, pour régner en sa place, le disciple bien-aimé St Jean,favorisé sur tous les autres par la familiarité avec laquelle il s’est communiqué à lui et l’a honoré de son union, l’a reçu dans son parentage intime, lui ayant donné le soin de recevoir sa Ste Mère chez lui.

11. Ceci est donc le Royaume d’amour et de compassion, c’est le caractère principal des habitants de ce Royaume Céleste : c’est là où les secrets inépuisables et incompréhensibles de l’amour de Dieu compatissant envers les hommes sont manifestés, où ces abîmes sont ouverts pour les contempler avec admiration et se perdre dans l’inépuisable trésor de la charité de Dieu, qui l’a porté à ramener les hommes, à les racheter, et à sauver tous ceux qui veulent recevoir le secours que notre Charitable Sauveur leur présente pour les tirer de l’abîme de péché et d’égarement où les hommes sont tombés.

12. C’est de ce Royaume que les compassions de Dieu sont encore présentées aux hommes, d’où elles découlent des saints habitants de ces lieux dans les cœurs des humains pour les amollir ; les invitant par l’onction de la grâce, qu’ils sentent bien toucher leurs cœurs endurcis, à se laisser amollir et pénétrer de cette huile sacrée, pour se rendre à l’amour et aux Compassions de Dieu qui leur sont présentées pour les tirer du chemin de perdition où ils sont engagés et les emmener au chemin du salut.

13. Les autres Sts Apôtres ont leurs Royaumes Célestes à l’entour de celui-ci, et concourent au même service, comme ils ont fait étant dans ce monde ; leur travail se continue, et c’est par leur ministère que notre très adorable Roi et Sauveur Jésus Christ fera la conquête de tous les cœurs ; car quoique leur ministère ait cessé extérieurement avec leur vie, il s’est continué et se continue en esprit avec d’autant plus d’efficace et de vertu : Gloire soit à Dieu aux Cieux très hauts, en terre paix envers les hommes de bonne volonté. Halleluja : Amen ! (Luc 2, 14.)

 

 

 

CHAP. XXXV.

 

De St Paul l’Hermite.

 

De St Paul l’Hermite. Excellence de la vie solitaire dans la contemplation de Dieu. Elle n’est pas oisive, mais féconde. Comme on voit en St Paul et en la Ste Marie. Telles âmes font beaucoup de bien à l’Église. Le Royaume de St Paul est la Planète Saturne.

 

Le 11 Août 1735.

 

1.

 

Le Caractère de St Paul, premier Hermite, est tout Divin ; il est un Séraphin, personne n’a mené une vie plus obscure et inconnue que lui, ayant vécu 98 ans dans le désert, sans avoir vu personne jusqu’à sa mort, où il fut manifesté à St Antoine, qui l’alla voir et en fut témoin, lequel a rapporté son histoire.

2. Ce saint homme a passé toute sa vie dans la contemplation ; il n’a pratiqué autre bonnes œuvres au dehors, et cependant il a été enrichi abondamment de toutes bonnes œuvres ; la vie contemplative étant la plus féconde, car la contemplation de Dieu l’est infiniment. Une âme qui est exposée sans cesse devant son Dieu est comme une terre bien préparée qui est exposée aux rayons du Soleil, laquelle il rend très féconde : ou comme un olivier planté dans une bonne terre, lequel produit son fruit et son huile ; il est exposé au Soleil qui l’échauffe et le rend fertile par sa chaleur, il ne fait autre action que de demeurer immobile, exposé aux rayons de ce Soleil.

3. C’est ainsi qu’une âme que Dieu appelle à l’oraison de contemplation n’est pas inutile, comme l’on pourrait le croire dans sa vie solitaire et retirée hors du tracas et des occupations de ce monde ; elle demeure exposée en la présence de son Dieu, toute passive : elle se laisse pénétrer de ses rayons Divins ; Dieu prend son plaisir à la pénétrer, et elle devient fertile et très féconde dans cette union Divine, dont elle est honorée et favorisée ; c’est à ces âmes qu’on peut appliquer ce passage : Réjouis-toi, stérile qui n’a point enfanté, car la délaissée a plus d’enfants que celle qui avait un mari. Le Seigneur ton Dieu est ton Époux (Ésaïe 54, 1).

4. Ces âmes paraissent délaissées au dehors, leur attrait intérieur les retire de toute la multiplicité des occupations de bonnes choses au dehors, aussi bien que de toute activité et multiplicité d’actes au-dedans, pour rester passivement exposées devant Dieu, et c’est dans cette Oraison de silence et de cessation de leur propre faire que Dieu opère en elles des œuvres admirables, qu’il les rend fécondes, et qu’ainsi elles font un bien infini à l’Église.

5. Comme aussi la Ste Vierge Marie a fait dans sa vie cachée, ayant été honorée d’être la mère de notre Sauveur dans sa virginité et pureté : ainsi aussi ces âmes pures, qui ne s’occupent que de Dieu, sont honorées de la grâce de produire JésusChrist dans les âmes, elles sont les Épouses de Jésus Christ.

6. Ç’a été la vocation particulière de St Paul l’Hermite et de ses semblables ; Dieu l’a mis en exemple pour faire connaître que ceux qu’il appelle à une vie cachée ne sont rien moins qu’oisifs et inutiles au monde, quoiqu’ils paraissent tels au dehors : Dieu opère en eux des œuvres admirables de toutes sortes pour le bien et la conversion des hommes ; œuvres qui ne sont connues que de Dieu seul et de ceux auxquels il lui plaît de le manifester. Ainsi ces âmes ne sont ni libertines ni fainéantes ; Dieu les occupe dans leur quiétude, et elles ne sont retirées du commerce du monde et ne s’abstiennent des bonnes œuvres de Marthe que pour être selon la vocation que Dieu leur donne, avec d’autant plus de loisir sans interruption, avec Marie aux pieds de Jésus, se privant pour cela volontairement de toutes les satisfactions, amusements et distractions de cette vie, pour vaquer à Dieu seul. Ceux qui emmèneront plusieurs à justice luiront comme les étoiles (Daniel 12, 3).

7. Il me fut montré que St Paul l’Hermite a pour Royaume la Planète que l’on nomme Saturne, dont il est le Roi.

St Jérôme nous a donné par écrit l’Histoire de St Paul de Thèbes ou l’Hermite, dont on trouve l’histoire dans les Vies des Sts Anachorètes ou des Sts Pères des déserts. L’on en a une Édition de M. d’Andilly ; et en Latin, Vita Patrum Rosvveydii, et plusieurs autres éditions en diverses langues (en Allemand par Gottfried Arnold).

 

 

 

CHAP. XXXVI.

 

Création du monde.

Production de la matière.

 

De la Création du monde, du Chaos, des éléments, de la matière, des Planètes, de la terre, et du corps de l’homme. Par la chute d’Adam le Diable a été mis hors de sa prison. Jésus Christ héritera le monde. Du Soleil, de la Lune. Dans la Lune est la première purification. Une partie de la matière a été maintenue dans la pureté par Jésus Christ. Du sang de Jésus Christ. Ce qui est resté de grossier dans la première création cause le jour et de la nuit.

 

Le 24 Nov. 1735.

 

1.

 

Comme il est souvent parlé dans ces écrits des Étoiles et des Planètes, de leur influence et du pouvoir qu’elles ont sur les hommes, opérant dans leurs facultés, il est nécessaire, pour éclaircir davantage cette matière, de prendre les choses de plus haut, et c’est ce que nous ferons ici, selon qu’il plaira au Saint Esprit de nous le communiquer.

2. Où étais-tu quand je fondais la terre ? Si tu as de l’intelligence, dis-le-moi (Job 38, 4). Ô mon Dieu, mon amour, tu le sais ! C’est toi seul qui connais sa profondeur de tes œuvres, et tes secrets ne sont que pour ceux auxquels il te plaît de les manifester ! Pour moi je proteste de mon ignorance, et mon néant est le lieu de ma demeure ; à toi seul soit l’honneur et la gloire, dans toute l’éternité, Amen !

3. Quand les Étoiles du matin se réjouissaient ensemble et que les enfants de Dieu chantaient en triomphe ? Ceci marque, comme il a été dit, la victoire que l’Arch-Ange Michael avec les bons Anges remportèrent sur Lucifer et ses Anges, qui après leur rébellion furent précipités du Ciel ; ils furent chassés de leur demeure et formèrent dans leur chute le Chaos matériel, duquel après cela Dieu créa le monde. C’est donc ici proprement l’origine de ce monde : Lucifer et ses Anges avaient pour leur demeure, comme les autres Esprits bienheureux, les Étoiles fixes, nommées ici Étoiles du matin, parce qu’elles furent créées au matin du jour Éternel, dont nous adorons l’origine, sans nous enhardir d’en écrire. Oui, mon Dieu, que nous adorions tes merveilles, avec la vénération requise à ta grandeur et à ta majesté très Sainte et glorieuse ! C’est mon grand plaisir de rester dans l’ignorance de tout ce qu’il ne te plaît pas de me manifester. Car tu sais, Seigneur, que je déteste tout esprit de curiosité et que je n’écris ceci que pour ne pas résister à l’attrait que j’ai de l’écrire pour la gloire de ton nom, sans autre intention ni prétention.

4. Lucifer, étant précipité hors de la lumière spirituelle et Divine où était sa demeure, tombe nécessairement dans les ténèbres, et c’est la privation de cette lumière qui forme ces ténèbres : Lucifer forme aussi la matière, déchéant de la spiritualité ; et c’est cette matière confuse, mélangée du feu, de l’eau, terre, et air matériel, qui compose le Chaos. Dieu ne veut pas laisser cela ainsi, et sépare le feu, dont il fait la lumière matérielle, l’eau, dont il fait l’air grossier, et la terre, mais non pas si grossière et aussi ténébreuse comme elle est à présent.

5. Il forme de ces matières les Planètes, et la terre qu’il destine pour y placer l’homme, qui est la créature qu’il veut créer pour sa gloire, pour réparer et remplacer les trônes des Anges déchus : il veut faire servir cette même matière du Chaos, qui a été produite par la chute de Lucifer, à sa gloire, à son honneur : il veut créer l’homme, dont la moindre partie, savoir le corps, soit formé de cette matière, et ramener tout à sa gloire.

6. Il crée aussi de cette matière du feu les Planètes, et donne à Lucifer et à ses Anges le centre de la terre, qui est l’abîme, pour sa demeure.

7. Il purifie donc cette matière des Éléments et en bannit l’impureté et les ténèbres, la grossièreté et la confusion de Satan, et les met dans l’ordre, dans la clarté et beauté admirable, dans laquelle au commencement Dieu créa les Cieux et la terre.

8. Il crée l’homme, de la quintessence de cette matière la plus subtile, quant à sa partie matérielle, afin d’être une créature d’une noblesse toute singulière et pour faire honte à Satan et à ses Anges en voyant comment Dieu tire sa gloire de leur rébellion ; et y fait servir la matière que leur chute a produite, qu’il rend, par la séparation et purification qu’il en fait, d’une beauté et bonté admirable.

9. Mais comme l’homme devait être d’une beauté et qualité toute singulière et admirable, Dieu veut qu’il soit aussi mis à l’épreuve et soit tenté pour être confirmé (par la persévérance dans la tentation) dans la grâce et union Divine, l’obéissance et dépendance à son Créateur, auquel il doit adhérer de franche volonté.

10. C’est pour cela que Dieu donne pouvoir à Satan de le tenter, et au cas qu’il ne persiste pas et se laisse entraîner dans la chute, il donne pouvoir à Satan de se répandre de nouveau sur la terre et dans les autres corps formés de la matière ; il a pouvoir de traverser les airs et a accès dans les Planètes, hormis dans le Soleil : mais il lui est surtout donné pouvoir, par la chute de l’homme, de corrompre cette terre, où l’homme doit habiter, de la rendre pesante, obscure, grossière, froide et ingrate, comme elle est à présent, et le corps de l’homme est aussi rendu obscur et infirme par la même chute.

11. Satan et tous les mauvais Esprits ont donc été mis hors de leur prison par la chute de l’homme ; et ont obtenu le pouvoir de rôder dans la matière des Éléments, dont le corps de l’homme, les Planètes et la terre ont été formés ; mais ils n’ont pas reçu plein pouvoir d’y faire selon que leur malignité les y pousse ; et ils n’ont de pouvoir qu’autant que la libre volonté de l’homme le leur donne, par la permission de Dieu. Et comme la corruption se répand toujours davantage parmi les hommes, parce qu’ils boivent de plus en plus le péché comme l’eau, de là vient la puissance que Satan a sur eux et sur le monde matériel, car il n’en a qu’autant que les hommes lui en donnent ; nous vivons donc environnés des Diables et de tous les mauvais Esprits, mais les bons sont aussi autour de nous.

12. Et notre Seigneur Jésus Christ, qui est le premier né d’Adam et est son fils, qui a persévéré dans l’innocence et n’a point eu de part à sa chute, a obtenu grâce pour l’homme, il a conservé le pouvoir dans le monde, il y travaille pour y rétablir son Empire, car il héritera le monde ou les nations (Ps. 2) et le remettra dans sa première pureté, et en chassera Satan.

13. C’est donc en vertu de l’humanité de notre Seigneur Jésus Christ, et par le droit qu’il a sur les hommes et sur le monde (dont il est l’héritier même selon la nature, étant le premier né d’Adam), que le bien ou le bon qu’il y a dans le monde et dans l’homme a été conservé, et que Satan n’a pas eu le pouvoir de pervertir entièrement toutes choses ; et c’est par ce droit qu’a notre Sauveur, comme étant notre frère aîné, qu’il ramène toutes choses à soi (Coll. 1, 16) sous l’obéissance de son Père qui est Dieu, et il ne cessera point d’exercer son pouvoir et sa force et toute-puissance, qui lui est donnée au Ciel et en la terre (Matth. 28, 18), jusqu’à ce que cette grande œuvre du rétablissement de toutes choses soit parachevée, et que Satan soit rebanni et renfermé dans l’abîme, au Centre de la terre, avec toute la malédiction ou le venin qu’il a répandu dans le monde ; lequel en sera retiré et dont le monde sera purifié dès que les hommes auront de nouveau soumis leur volonté à Dieu, étant rentrés sous sa dépendance.

14. Dieu donc créa le Soleil matériel pour dominer sur le jour matériel, et la Lune pour dominer sur la nuit. Notre Seigneur Jésus Christ établit donc son trône dans le Soleil, et fait par cet astre admirable resplendir la lumière des ténèbres de Satan. Cet astre éclaire la matière ou le monde matériel ; il luit sur la terre, et comme (quoique la terre fut dans la création transparente et très belle) il se faisait pourtant dans les airs une espèce de nuit, selon le cours des astres, lorsque le Soleil ne luisait pas sur la terre, la Lune domine sur cette nuit et l’éclaire, elle fait luire par réverbération la lumière qu’elle reçoit du Soleil, qui luit sur elle comme sur une eau très claire. Car la Lune est le rassemblage des eaux, mais elles sont subtiles et tout autres que l’eau de notre terre grossière.

15. Elle domine sur la nuit aussi, en ce qu’elle surmonte les ténèbres dans lesquels les âmes sont, dans leur état naturel, avant que la première purification soit achevée ; c’est dans cet astre qu’elle s’achève, et elle domine et surmonte ainsi les ténèbres ou la nuit du péché, dans laquelle l’âme est, avant d’avoir parachevé cette première conversion.

16. Notre Seigneur Jésus Christ ayant pris dans sa nature humaine une portion de la matière ou de tous les Éléments, c’est par cette portion qu’il a conservée en sa pureté qu’il purifie la matière toute entière. C’est la teinture qui purifie toute la matière, laquelle a été de nouveau corrompue par Satan dans la chute de l’homme. Voilà comment aussi son sang nous purifie et nous sanctifie entièrement par l’application qui nous en est faite.

17. Lorsqu’il est dit : Dieu créa aussi les Étoiles (Gen. 1, 16), ce sont les Planètes dont il est parlé ici : car pour les Étoiles fixes nommées Étoiles matinières, elles étaient déjà créées. C’est donc en dépit de Lucifer que le monde, qui consiste dans la terre, le Soleil, la Lune, et les autres Planètes, a été créé de la matière purifiée et subtile des Éléments ; laquelle matière fut purifiée et séparée du venin de Lucifer par la Parole Éternelle, qui est Jésus Christ, à la création du monde, dont Moïse a commencé à écrire. Cette matière est devenue plus grossière et plus corrompue et envenimée par la chute de l’homme qu’elle n’était auparavant ; car l’homme, en ayant été formé selon son corps et en ayant été établi Seigneur et maître, il la corrompt et la rend plus grossière, par sa chute, qu’elle n’était avant la création du monde ou du temps du chaos, après la chute de Lucifer.

18. Il m’est donné à connaître que quoiqu’Adam ait été créé dans un état glorieux, que son corps fut transparent et lumineux, cependant ayant été pris de la terre ou matière que Dieu avait auparavant purifiée, cette matière avait pourtant encore gardé quelque grossièreté, que le corps d’Adam avait aussi : cette grossièreté aurait été aussi purifiée, après qu’Adam eut été confirmé dans le bien, s’il avait persévéré dans la dépendance de Dieu ; néanmoins cette purification se fera encore à la fin du monde, après que la première purification, qui se fera à la première résurrection, sera faite, comme il est marqué à la fin du livre de l’Apocalypse ; et le désir de Dieu de mettre l’homme dans un état glorieux et très pur aura son accomplissement. Cette grossièreté subtile est représentée par la longue robe dont notre Seigneur est vêtu lorsqu’il se manifeste à St Jean (Apoc. 1, 23).

19. C’est ce reste de grossièreté qui causait l’alternative du jour et de la nuit avant la chute d’Adam et la création du Soleil pour dominer sur le jour, et celle de la Lune pour dominer sur la nuit.

 

 

 

CHAP. XXXVII.

 

Colère de Dieu. Mérites de Jésus Christ. Communication Divine.

 

Le feu de la colère a été allumé par la chute de Lucifer dans la matière subtile des astres. S’apaise par Jésus Christ et ses mérites. La rédemption non par nos propres forces, mais par les mérites de Jésus Christ, qui retiennent le feu de la colère et l’éteignent.  Jésus Christ a porté la colère de Dieu et y a plongé son humanité. Comment il a derechef planté la source de vie dans la matière subtile des astres. Souffrances de Jésus Christ. Des Communications de Dieu médiates et immédiates.

 

Le 21 Février 1736.

 

Exode, Chap. 32, 10.Or maintenant laisse-moi, et ma colère s’allumera contre eux et je les consumerai.

 

1.

 

Ce passage, dit-on, marque manifestementqu’il y a de la colère en Dieu et que cette colère émue par sa justice doit être apaisée ou réconciliée avec ceux qui en ont été la cause : cela semble incontestable par ce passage et par plusieurs autres de l’Écriture sainte qui traitent de la colère de Dieu !

2. Pour y répondre et montrer, comme l’on a avancé, qu’il n’y a point de colère de Dieu (car Dieu est charité, ou bien amour, 1 Jean 4, 8), il faut savoir 29 que la loi a été donnée par les Anges (Act. 7, 53, Gal. 3, 19, Hébr. 2, 2), quoiqu’il soit dit ici que Dieu parla ainsi à Moïse. C’est donc dans l’économie de la loi qu’est la colère, car maudit est quiconque n’est permanent en toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi (Deut. 27, 26). Cette loi prononce ses anathèmes contre les transgresseurs, mais elle est donnée non immédiatement par Dieu même, mais par les Anges.

3. Les Anges se communiquent aux hommes par leur corps Astral, comme on l’a dit ailleurs 30. Ce corps est composé des Astres, de même que notre corps Astral ou bien ce que nous nommons notre âme ; c’est dans ces Astres que le bien et le mal subsistent ensemble et qu’est allumé le feu de la colère, qui combat sans cesse contre le mal. Ce corps Astral est matériel, composé de la matière la plus subtile de l’univers, et si subtile qu’elle est censée spirituelle par rapport à notre corps élémentaire.

4. C’est donc dans cette matière subtile que subsiste la colère, et non en Dieu : Lucifer, étant tombé, l’a enflammée et en est la cause, et c’est par sa chute que cette colère a été manifestée, qu’elle brûle et se fait sentir vivement à la conscience par ses remords. Ceci se fait par le Ministère des Anges, qui ont dans leur âme ou dans leur corps Astral cette qualité qui résiste au mal, et qui se fait sentir à l’âme aussi longtemps qu’elle est sous l’économie de la loi ; et c’est ce sentiment brûlant que l’on nomme la colère de Dieu, laquelle doit être apaisée dans l’âme qui en est peinée et bourrelée.

5. Mais comment est-elle apaisée ou bien satisfaite ? C’est par le mérite de Jésus Christ ; qui comme une eau salutaire vient dans l’âme, la rafraîchit, désaltère, et éteint ce feu brûlant de la colère, qui se fait sentir à l’âme sous l’économie de la loi. Mais comment ce mérite est-il appliqué à l’âme ? C’est en ce que Jésus Christ incline cette âme à se donner à lui ou à embrasser ses mérites, savoir le mérite qu’il s’est acquis d’être notre Rédempteur ; l’âme s’abandonnant à Jésus Christ qui s’offre à elle et l’attire secrètement, et qui la prend pour sienne, il éteint en elle ce feu de la colère (que l’on nomme de Dieu) et lui fait sentir, au lieu de ce brûlement, le doux rafraîchissement de la réconciliation avec Dieu.

6. Cette réconciliation n’est autre chose que la cessation des remords et du sentiment de la colère marquée, parce que ce qui la causait est ôté. Et qu’est-ce qui la causait ? C’est la séparation de la volonté de l’âme d’avec la volonté de Dieu ; séparation causée par l’état de rébellion contre Dieu, dans lequel nous sommes tous naturellement, ou dans l’état de notre nature, dans lequel nous naissons ; nous ne pouvons nous tirer de cet état par nos propres efforts ni par notre force.

7. Voilà pourquoi, quelque travail que nous fassions dans l’état dans lequel nous sommes sous la loi, nous ne pouvons apaiser notre conscience ; et plus assidus nous sommes à tâcher de la satisfaire, plus elle nous demande ; ainsi nous sommes toujours sujets à la colère et malédiction de la loi que nous sentons, jusqu’à ce que, harassés, las, et ayant usé nos forces à tâcher de satisfaire à ce que la loi nous demande dans notre conscience, nous allions à Christ, ou qu’il nous prenne sous sa conduite et opère en nous ce qui était impossible à la loi (Rom. 8, 3) et apaise par ses mérites le sentiment de ce que l’on nomme la colère de Dieu, et satisfait à sa justice en nous, laquelle requiert que la rébellion de notre volonté soit ôtée et que cette volonté se soumette et se réunisse à la volonté de Dieu, ce qui ne peut être fait que par Jésus Christ, lequel est notre Médiateur ; car quoique nous voulions être délivrés de cette volonté rebelle, nous ne pouvons nous en affranchir, et expérimentons cette rébellion en nous et cette opposition à Dieu, cette désunion d’avec sa volonté, tout le temps que nous sommes à nous-mêmes, sous l’économie de la loi.

8. C’est donc Jésus Christ qui satisfait à la justice de Dieu en nous ; il satisfait à cette justice qui demande que notre volonté rebelle cesse et qu’elle se réunisse à la volonté de Dieu et se soumette à lui ; et c’est ce que fait Jésus Christ en nous ; c’est l’œuvre qu’il opère. C’est ainsi qu’il est le Médiateur entre Dieu et les hommes ; sans quoi le feu de la colère, qui est allumée par Satan dans les Astres et dans nos Ames, nous consumerait, brûlerait tout le grossier matériel, et brûlerait aussi nos âmes, sans les consumer, comme elle brûle les Démons et toutes les âmes damnées.

9. Et de ce que cela n’arrive pas encore dans ce monde visible, c’est parce que Dieu, par son Amour, suspend et arrête le cours de ce feu dévorant pour donner du temps aux hommes, les invitant à la repentance ; ce feu est aussi arrêté par les mérites de Jésus Christ, qui ayant pris un corps semblable au nôtre, de cette matière grossière, arrête ce feu de la colère de Dieu en le tempérant, afin que nous ne soyons pas tous consumés.

10. Voilà comment ses mérites sont d’un prix infini ; ils suspendent la malédiction afin qu’elle ne subjugue pas tout d’un coup tout le genre humain, et ils ramènent les hommes à la repentance : tout sera rétabli et ramené dans la soumission à Dieu par ces mérites ; jusqu’au temps prescrit, où cette suspension de la colère prendra fin et que son feu consumera tout ce monde grossier. C’est donc toujours notre Seigneur Jésus Christ qui arrête le cours du feu de cette colère, comme il le fait aussi dans cet endroit ici ; figurant son emploi de Médiateur dans la personne de Moïse qui intercède et retient ce feu qui aurait consumé tout ce Peuple devenu idolâtre.

11. Qu’est-ce donc que la colère de Dieu, que notre Seigneur Jésus Christ a portée, autre que ce feu allumé par la séparation ou chute des hommes et des Anges ; dans lequel feu Jésus Christ s’est précipité, en ayant pris l’humanité afin d’adoucir ce feu et faire qu’il puisse être apaisé et éteint. Il s’est, dis-je, précipité dans cette matière grossière dans laquelle ce feu brûle, afin que par cette teinture salutaire (laquelle teinture est son sang) cette matière puisse, par ce sang, être délivrée de ce feu de la colère et que les Esprits qui y sont captivés soient rendus capables d’être ramenés et réunis à la source de lumière et de vie, de paix et de douceur, qui est Dieu.

12. Et c’est cette précipitation de l’humanité de Jésus Christ, unie à sa Divinité (et soutenue par elle qui est Dieu même dans son Essence), qui a causé sa souffrance terrible, qui a été si grande qu’elle aurait anéanti mille mondes, et n’a pu être portée et vaincue que par Dieu même dans l’humanité ; cet ouvrage était impossible à tout autre qu’à Dieu ; tout autre aurait été aussitôt englouti par ce feu infernal.

13. Et sans cet abaissement ou précipitation de Jésus Christ dans l’humanité, ou dans la matière, il n’y avait aucun moyen que les hommes ni les Anges fussent jamais délivrés et tirés de ce feu infernal dans lequel ils sont tombés.

14. C’est donc le sentiment terrible de ce feu dans lequel Jésus Christ s’est plongé qui a causé sa souffrance ; lequel feu a été produit par la séparation de Dieu ; comme lorsqu’on quitte la lumière et s’en sépare, l’on tombe dans les ténèbres, et les ténèbres ne sont autre chose que la privation de la lumière et ce qui les produit. Ainsi Jésus Christ s’est précipité dans les ténèbres dans lesquels nous sommes captivés, pour nous prendre par la main, nous en tirer et ramener à la lumière qui est Dieu, sans quoi nous y serions demeurés éternellement captivés.

15. Voilà donc ce que Jésus Christ fait pour nous, et comment il apaise la colère de Dieu et satisfait à sa justice : car Dieu ne peut, étant un Être pur et saint, recevoir en soi, ou donner accès pour être réunie à soi, la créature tombée dans la matière impure, qui brûle dans le feu de la colère : Jésus Christ prend donc à soi une partie de cette matière, qui est son humanité, laquelle il précipite, après l’avoir nettoyée et sanctifiée ; il fait dissoudre cette humanité, la jetant dans le feu de la colère, lequel feu la dissout ; et c’est là sa souffrance : il fait hacher sa chair et répandre son sang, et en fait la teinture qui se répand dans toute la matière et la sanctifie ; savoir tous ceux qui le veulent recevoir ; et c’est ainsi qu’il est pour eux la viande et le breuvage qui donne la vie. Car si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous (Jean 6, 53).

 

Remarque de l’Auteur.

 

16. Ce que l’on nomme communication médiate de Dieu est celle qui se fait par le Ministère des Anges ; cette communication des Anges à notre âme se fait par leur âme, qui est de même nature que la nôtre : j’ai nommé cette âme le corps Astral, parce qu’elle est faite d’une matière, quoique très subtile : et je l’ai nommée ainsi pour la distinguer de l’Esprit, lequel est purement spirituel, et que j’ai nommé l’homme Divin, pour le distinguer de l’âme. C’est à cet Esprit que Dieu se communique immédiatement, étant de même nature que lui : il est tout séparé et de toute autre nature que l’homme Astral ou l’âme, composée de la quintessence des Astres, comme le corps terrestre l’est de la quintessence des Éléments. Les communications qui se font d’Esprit à Esprit (l’Esprit étant pris comme je le pose ici), ces communications-là sont censées être immédiates de Dieu, parce qu’il n’y a que les âmes (soit des Anges ou des hommes) qui sont entièrement purifiées et rentrées dans l’union Divine qui les puissent donner, elles sont purement spirituelles et ne peuvent être reçues que par l’Esprit, qui seul en est capable, et non l’âme ou l’homme Astral.

17. Ainsi les Communications immédiates de Dieu se font à la vérité aussi par l’office des Anges. Mais la différence entre les communications immédiates et médiates de Dieu consiste en ceci que les communications immédiates de Dieu se font par l’Esprit des Anges ou des Esprits bienheureux à notre Esprit, et ainsi d’Esprit à Esprit ; mais que les communications médiates de Dieu se font par l’âme des Anges à notre âme ; l’Âme de l’Ange se communique à la nôtre par l’entendement et les sens, en paroles et images, en visions et représentations, et par des Révélations, et choses pareilles. Et ceci s’opère par l’âme d’un Ange dans les puissances et dans les sens intérieurs de notre âme.

 

 

 

CHAP. XXXVIII.

 

De la création des Cieux, de la terre et des Étoiles.

 

De la Création des Cieux, de la terre, et des Étoiles fixes : des Planètes et Anges. L’Abîme est la prison des Diables. Leur déchaînement par la chute d’Adam. Jusques où va leur puissance. De la première et seconde purification. L’homme dans l’état passif ne peut pas facilement pécher.

 

Le 28 Février 1736.

 

1.

 

Dieu ayant voulu créer des Êtres d’une matière lumineuse et très subtile, il créa auparavant les Cieux que St Paul nomme le troisième Ciel (2. Cor. 12), où sont placées les Étoiles fixes qui sont innombrables : ces Étoiles fixes sont celles qui sont nommées, en Job 38, 7, Étoiles matinières ; ce sont autant des mondes et des Soleils lumineux, éclatants et resplendissants, que notre grand Dieu a créés, et qui sont les demeures Magnifiques qu’il créa pour les millions d’Anges, qu’il créa aussi puis après : il fit leur corps Astral de la quintessence de ces Étoiles, ou de ces mondes Célestes et lumineux, et c’est ce qu’on nomme l’âme.

2. Ce sont de ces Domiciles dont Lucifer et ses Anges ont été chassés après leur rébellion. Ils ont, dis-je, été précipités et chassés de ce Ciel Magnifique dans l’abîme de ténèbres qui fut produit par leur chute et leur fut donné pour demeure et prison, au lieu des mondes lumineux de clarté qu’ils avaient habités ; cet abîme (Gen. 1, 2) sur la face de laquelle les ténèbres étaient est le centre de la terre.

3. Les Cieux et la terre que Dieu créa au commencement, comme Moïse le rapporte (Gen. 1, 1), sont donc ce qu’il illumina, sépara, et éclaira de ce Chaos, de cet abîme, produit par la chute de Lucifer. C’est cette matière grossière et ténébreuse que Dieu purifia et sépara, et il en fit le monde terrestre, la terre et les Cieux dont Moïse parle ici. Ces Cieux ici mentionnés ne sont pas le troisième Ciel dont on a parlé ici, ou l’étendue immense où sont les mondes lumineux des Étoiles fixes, car ils étaient déjà créés. Mais ce sont les Cieux inférieurs ou l’Étendue, où sont les Planètes, lesquelles Planètes (aussi bien celles qui sont connues que celles qui ne le sont pas) sont les Étoiles qui furent créées de Dieu, marquées en Gen. 1, 16 : Il fit aussi les Étoiles. C’est donc ici le Ciel et la terre que Dieu créa au commencement, et qu’il tira du Chaos.

4. Dieu sépara donc la lumière d’avec les ténèbres ; il créa la terre toute lumineuse, glorieuse et transparente aussi bien que les Astres : mais il renferma les ténèbres et la matière grossière et ténébreuse dans l’abîme, et cet abîme est le lieu où St Jude dit (v. 6) que Dieu a réservé sous l’obscurité dans des liens éternels les Anges qui ont abandonné leur propre demeure.

5. C’est de cette prison que Satan eut la permission de Dieu de sortir pour tenter Adam ; et, l’ayant fait tomber, il eut par sa chute de nouveau le pouvoir de répandre son venin, son feu infernal et ses ténèbres dans la terre, et d’en infecter les Astres, parce que tout cela était soumis à l’homme et que Dieu l’avait créé pour être son domaine. Ainsi la terre fut maudite à cause de l’homme, devint grossière et ténébreuse, aussi bien que son corps terrestre : et par sa chute Satan et tous les mauvais esprits ont eu du soulagement, et ont été mis au large de leur étroite prison, ayant reçu le pouvoir de rôder sur la terre et dans les Astres, d’où ils étaient bannis sans la chute de l’homme.

6. Mais après le renouvellement de la terre, après le dernier Jugement, Satan et tous ses Anges, et les damnés avec eux, seront renfermés de nouveau dans leur prison, avec tout le venin et la malédiction qu’il a répandu sur la terre et dans les Astres, et ils seront remis dans une entière pureté qui surpassera la première.

7. L’on m’objecte que Jacob Böhme a écrit que Satan n’a pouvoir de rôder plus loin que jusqu’à la Lune ?

Je réponds que cela se doit entendre du pouvoir qu’il a de faire du mal et de tenter, et de l’accès qu’il a sur l’homme impénitent ou qui est encore dans la première conversion et ne l’a pas encore parachevée ; car ce monde, la terre, est le lieu de la demeure de l’homme et des âmes qui ne sont pas encore converties et de celles qui sont dans l’état de la première conversion ; cet état se parachève, pour les hommes qui meurent dans cet état de la première conversion, il atteint sa perfection dans la Lune, qui est la Planète destinée de Dieu pour être la demeure des âmes de cet état, et Satan a pouvoir de les tenter selon leur état jusques là.

8. Mais, ayant achevé l’état de cette première conversion et entrant dans l’état de la seconde conversion, ou de la purification foncière des plus subtiles impuretés et propriétés, alors le diable n’a plus d’accès ni de pouvoir de tenter ces âmes, comme il le pouvait faire dans l’état précédent, d’une manière grossière et puissante, puisqu’elle entraîne souvent la volonté de l’homme qui est encore dans cet état et le fait ainsi pécher ; c’est là l’accès et le pouvoir qui lui est ôté : celui qui lui reste, et par lequel il a accès à l’âme et la poursuit jusques dans l’état de la seconde conversion ou purification foncière (l’âme étant dans cet état dans cette vie), est de l’exercer et de la faire souffrir, en lui faisant sentir vivement les épreuves et tentations qu’il lui est permis de susciter à l’âme ; mais elle n’y consent pas, et ce n’est qu’une matière ou cause de souffrance pour elle, et un moyen de purification dont Dieu se sert.

9. C’est ainsi que le Diable a aussi accès aux âmes sorties de ce monde et qui sont dans cet état de purification dans les Planètes ; qui sont les lieux choisis de Dieu pour que les âmes y achèvent cette seconde purification : Satan n’a d’accès dans ces Astres que pour faire souffrir et exercer ces âmes ; et les maux et tentations qu’il leur y fait souffrir ne sont que des moyens dont Dieu se sert pour avancer et achever leur purification ; mais il ne leur peut nuire, ainsi il n’y est employé, non plus que ses Anges, que comme des exécuteurs de la volonté de Dieu pour avancer l’ouvrage de Dieu, qui est la purification entière de ces âmes, afin qu’étant achevées, elles puissent être réunies à Dieu.

10. Ainsi il est vrai que la Région où Satan peut nuire véritablement, roder et entraîner les hommes dans le mal par sa ruse et ses artifices, en y attirant leur volonté et consentement, cette région, dis-je, ne s’étend que jusqu’à la Lune ; puisque même l’état des âmes de la Lune est déjà passif, car la fin ou consommation de la première purification est le commencement ou entrée dans la seconde ; et ainsi Satan n’a pas non plus de pouvoir sur ces âmes-là, qui ne lui donnent plus leur volonté pour pécher.

11. L’on pourrait encore demander si les âmes entrées dans l’état de la seconde conversion ou purification ne peuvent donc plus pécher ? Je réponds qu’avant que Dieu les y fasse entrer, il s’empare tellement de leur volonté, qu’elles lui ont donnée et ont renouvelé si souvent le don qu’elles lui en ont fait, qu’il en prend possession entière, d’une manière ce pendant qui n’exclut pas la libre volonté, qui demeure toujours à l’âme, à prendre la chose à la rigueur ; mais il lui serait comme impossible de reprendre en propre cette volonté libre, dont elle a fait un don librement à Dieu ; ainsi, si elle péchait véritablement, il faudrait qu’elle révoquât librement, cela veut dire, de franche volonté, ce don qu’elle a renouvelé et réitéré si souvent à Dieu ; ce qui est bien difficile et la ferait entrer dans un enfer ou souffrance intolérable.

12. Si elle pèche, c’est une marque qu’elle n’était pas encore véritablement dans cet état de la seconde purification ; car la peine la plus sensible et la souffrance la plus aiguë pour l’âme qui est véritablement dans cet état de purification est la crainte qu’elle a de pécher, que le sentiment du péché qu’elle éprouve en elle lui donne ; ce sentiment est sa plus grande croix, et qui lui est d’autant plus affligeante qu’il lui paraît souvent consentir au sentiment du péché qu’elle éprouve, malgré elle, par la révolte de la chair et du sang, et de toutes ses passions, qu’elle croyait amorties.

 

 

 

CHAP. XXXIX.

 

Des Étoiles fixes, Planètes, états purifiants.

 

Merveilles de Dieu. Les Étoiles fixes. Chute de Lucifer. Du chaos. Création du monde et de l’homme. De son temps d’épreuve. Jésus Christ né d’Adam, et dans son abaissement, de la Ste Vierge Marie. Rétablissement de l’homme. Les lieux de purification, qui sont les Planètes. Des Planètes Jupiter, Mars et Mercure. Des Satellites de Saturne. Du rétablissement de toutes choses.

 

 Le 1er Mars 1736.

 

Au nom de Dieu !

 

Psau. 8, 1. Éternel notre Seigneur, que ton nom est magnifique par toute la terre, vu que tu as mis ta Majesté au-dessus des Cieux ! De la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent tu as fondé ta force.

 

1.

 

Oui, Seigneur, tu te plais de faire éclater et de manifester ta louange, ta Majesté et ta grandeur suprême par les petits enfants qui tètent à la mamelle de ta sagesse, la Sophie ; c’est des plus faibles, ignorants et vides d’eux-mêmes, qui sentent leur incapacité, qu’il te plaît de te servir pour cela ; afin que toute la gloire t’en demeure à toi seul, et que nulle chair, nulle sagesse humaine, ne se glorifie (1 Cor. 1, 29).

2. Mon Dieu, quelle grandeur immense ne m’as-tu pas fait entrevoir cette nuit ! J’en suis tout pénétré, j’en suis absorbé, et voudrais en écrire quelque chose, mais la chose est trop haute pour moi, qui suis moindre qu’un ciron, que le plus petit ver qui se trouve dans la nature ; je ne veux pas dire à l’égard de toi, mon Dieu, qui es incompréhensible dans ton immensité et grandeur, mais en comparaison des œuvres que tu as faites, des créatures que tu as formées, dont tu m’as donné quelque petite vue : cette vue seule de tes œuvres admirables, quoique très petite à l’égard de ce que sont tes ouvrages, m’anéantit tellement qu’il me semble n’être rien du tout en leur comparaison. Ô ver ! Ô atome ! Ô rien ! Quelle merveille, que tu oses parler et écrire des merveilles de ton Dieu ! Quelle plus grande merveille encore, que ce Dieu tout-puissant veuille se familiariser avec ce ver et ce rien ; non seulement lui découvrir quelque petite chose de ses œuvres admirables, mais bien plus, se manifester lui-même, autant et selon que ce petit ver et cet atome en est capable ! Non seulement cela : mais que Dieu, ce Monarque suprême, veut s’unir à ce rien, prend cette chétive créature pour être son Épouse, s’abaisse ainsi ! Ô Dieu ! c’est là la merveille des merveilles, à laquelle grâce on n’aurait osé penser, bien moins y prétendre, si tu ne l’avais dit, si tu ne l’avais offert, et si tu ne l’avais fait ! Hé bien, mon Dieu, puisque tu le veux ainsi, et que tu t’abaisses jusqu’à notre néant pour nous élever en toi, ainsi soit-il ! Qu’il nous soit fait selon votre parole (Luc 1, 38). Consentons et restons dans notre néant ! Admirons l’abaissement de notre Dieu, qui est tout autant à admirer que sa hautesse et sa grandeur, et laissons-lui plein pouvoir sur nous d’agir et de régner sur nous, en nous, en Maître et Souverain absolu ! C’est la gloire, l’honneur, et l’hommage qu’il demande que nous lui rendions ; qu’il n’y ait donc plus de méchants sur la terre, et que toute iniquité cesse, et ait la bouche fermée (Ps. 104, 35 ; Ps. 107, 42), que toute rébellion de la créature contre son Créateur prenne fin ! Oui, Amen ! Mon Dieu, fais-le pour la gloire de ton Saint et grand nom : Amen !

3. Je veux bégayer quelque petite chose de tes œuvres, comme un petit enfant, mon Dieu ! et ne pourrais prendre la hardiesse de le faire si tu ne le voulais, Seigneur ; pour ton honneur, conduis la plume : sans cela je ne ferai qu’errer et m’égarer, tu es mon conducteur et mon Sauveur.

4. Je voyais cette nuit ces millions innombrables d’Étoiles fixes dont la voûte des Cieux est ornée et qui sont autant de globes de lumière dont la grandeur des plus petites surpasse sept fois celle de notre terre. Ces Étoiles sont donc chacune des grands et vastes mondes éclatants de lumière aussi resplendissante que celle du Soleil, et que l’éloignement fait paraître si petites à notre vue corporelle, faible et bornée. Ces mondes lumineux et éclatants, dont le nombre est si grand, sont la demeure des Anges bienheureux que Dieu a créés selon leur Hiérarchies : Anges qui sont les habitants de ces mondes, pleins de gloire : Anges, dont le nombre est innombrable, s’étant multipliés d’une manière Angélique, enflammés de l’amour de Dieu leur Créateur, depuis qu’ils ont été créés. Quels espaces infinis ! Quelle grandeur ! Quels Empires !

5. Ce sont là les mondes qui nous sont aussi destinés pour en habiter dans la place de Lucifer et de ses Anges, qui en ont été bannis ; plusieurs âmes bienheureuses y ont déjà pris leurs places, ayant atteint la pureté requise pour y pouvoir subsister sans être consumées ; car l’impureté n’en peut approcher, il faut passer par bien des feux avant de pouvoir être reçu dedans ces lieux.

6. Notre terre avec les Planètes me fut montrée comme étant un petit espace, en comparaison de l’espace immense où tous ces vastes globes célestes, ces mondes, les Étoiles fixes sont placés. Cette région des Planètes est une région basse, grossière et impure, en comparaison de celle des Étoiles fixes. C’est ici, savoir dans notre terre, où Lucifer fut précipité après sa chute avec ses Anges. C’est par sa chute, Dieu l’ayant chassé de sa présence, que fut allumé le feu de la colère dans lequel il brûle, feu obscur produit par la privation de la lumière douce et bienfaisante, dans une tempérance parfaite, qui pénètre les Anges bienheureux, et dans laquelle ils vivent et habitent ; dont la quintessence fait leur être au corps matériel, si l’on peut nommer matière ce qui est infiniment plus subtil que la lumière la plus pure qui peut être vue de nos yeux.

7. Cette matière subtile est celle dont nos âmes sont formées. Elle est lumière et vie, et ne peut être vue ni comprise par nos sens grossiers ; cette âme a, comme aussi les Anges l’ont, ses sens et facultés comme notre corps les a, mais selon sa qualité.

8. Dieu ayant précipité Lucifer et ses Anges par le Ministère du grand Prince, l’Arch-Ange Michael, le Chaos se forma et fut la demeure obscure, ténébreuse et grossière dans laquelle ils furent relégués comme dans une prison infernale. Cependant Dieu voulut tirer encore la lumière de ces ténèbres affreux, et l’ordre de cette confusion. Ainsi il créa ce monde et en sépara les ténèbres, les bannit dans le Centre de la terre, où il relégua le Diable et ses Anges, comme dans une prison plus étroite ; il purifia cette matière grossière produite par la chute de Satan, en forma le monde et les Astres ou Planètes ; il créa l’homme de la quintessence de cette matière grossière, savoir, quant à son Corps ; il lui donna une âme Angélique, et unit ainsi la matière grossière, l’ayant séparée et purifiée, avec la matière subtile ; il créa l’homme, dis-je, une créature encore plus noble et plus merveilleuse que les Anges.

9. Mais voulant donner à l’homme la qualité la plus noble, savoir une volonté libre afin qu’il fût un être libre et aimât son Dieu de libre choix et de franche volonté, et non en esclave et nécessairement, cette liberté lui donnant une espèce d’égalité d’être avec son Dieu, par laquelle égalité, selon sa proportion, il devait et doit être uni à son Dieu par le lien conjugal ; il fallait, dis-je, que cette liberté ou libre choix fut mis à l’épreuve, comme celle des Anges l’avait aussi été ; afin qu’après ce temps d’épreuve, l’homme, ayant persisté dans le choix de demeurer dans l’amour et la dépendance de Dieu son Créateur, fût confirmé après cela dans cet amour de dépendance. C’est pour cela qu’Adam fut éprouvé dans le Paradis terrestre, et n’ayant pas persisté il tomba dans l’état déplorable de corruption et de péché dans lequel nous naissons tous dans ce monde pervers.

10. Toute l’économie de Dieu et sa conduite envers l’homme est donc de le ramener à l’état glorieux dans lequel il l’a créé, et à le remettre avec surcroît dans cet état auquel il l’a destiné. C’est pour opérer cette grande œuvre que Dieu s’est fait homme, ayant premièrement pris à soi un corps, étant né Dieu-Homme d’Adam le premier homme, lorsqu’il était dans son état d’innocence, avant que la convoitise animale et charnelle et l’orgueil de Lucifer l’ait séduit ; Jésus Christ, qui n’est autre que Dieu manifesté en chair (1 Tim. 3, 6), naquit de lui et s’est ainsi uni à la nature humaine et est devenu notre frère.

11. C’est un avantage que les Anges n’ont pas, car quoiqu’ils aient un corps Angélique que nous nommons l’âme, laquelle âme Dieu a aussi pris à soi en se faisant homme, ils n’ont pas l’avantage que Jésus Christ Dieu et homme soit né d’un d’eux. C’est ce qui fait le grand amour de Dieu envers les hommes, de ce qu’il est devenu leur frère, et la cause qu’Adam dans sa chute n’est pas tombé d’une manière si terrible et si difficile à être relevé qu’a fait Lucifer et ses Anges : Jésus Christ était déjà né de lui, et ce premier né l’a soutenu et aidé dans sa chute, afin qu’il pût en être relevé, et en a aussi relevé Adam, l’ayant ramené dans la dépendance et soumission à Dieu, de laquelle il s’était soustrait ; il rentre en grâce en se soumettant, et quoique par sa désobéissance il a donné entrée à Satan de le pénétrer de son venin et qu’il soit par là tombé dans la misère dans laquelle nous sommes naturellement, si est-ce que cette même misère sert de remède dans la main de Dieu par Jésus Christ pour nous guérir de notre mal, dès aussitôt que notre volonté cesse d’être rebelle à Dieu et par la conversion se remet sous son obéissance et dépendance ; dès lors notre frère aîné Jésus Christ, étant de même nature que nous, rentre en nous et, comme une teinture sacrée, nous purifie peu à peu par la vertu de son sang de toute notre corruption, et chasse tout le venin qui s’est glissé et mélangé dans tout notre être.

12. C’est pour faire cela qu’il a pris aussi le corps d’humiliation que nous portons de la Ste Vierge Marie, et a été tenté en toutes choses comme nous (Hébr. 4, 15) mais n’a jamais péché ; et est mort comme un pécheur, quoiqu’il fut innocent. C’est donc là son œuvre, notre rédemption, laquelle il opère en nous dès que nous donnons entrée à son Esprit de grâce et voulons bien renoncer à la propriété qui est la racine de notre mal, de vouloir dépendre de nous-mêmes, être à nous et nous avoir pour but en toutes choses ; faisant ainsi notre Dieu, ou plutôt notre idole de nous-mêmes, et voulant prendre notre plaisir et volupté en nous-mêmes et dans les créatures. Ainsi nous nous aimons souverainement, au lieu d’aimer Dieu seul aimable, et, nous séparant de cet amour de Dieu seul qui nous unit à lui, nous tombons en nous-mêmes hors de Dieu, et par conséquent nous tombons en tout le mal, qui n’est autre chose que la privation ou séparation de tout le bien et du seul bien qui est Dieu. C’est donc en cela proprement que consiste notre chute, et tout le mal qui en suit n’est que les fruits de cet arbre ; lesquels il produit en abondance, et nous les mangeons, nous nous en nourrissons et nous mourons : ce sont les plaisirs et toutes les convoitises charnelles, toutes les passions déréglées, qui ont d’autres objets que Dieu, duquel nous sommes ainsi séparés et étrangers de lui.

13. C’est donc vers lui et en lui que Jésus Christ nous veut ramener, et tout l’ouvrage de notre solide conversion dépend de lui laisser opérer son œuvre en nous, qui n’est autre que de détruire les œuvres du Diable en nous, nous délivrer de l’Empire qu’il s’est acquis en s’étant glissé dans notre être. C’est donc pour le chasser hors de nous et nous purifier de tout le venin dont il nous a pénétré et infecté que Jésus Christ vient en nous et nous purifie ; recrée en nous par la semence de sa vie le nouvel homme et fait mourir le vieil homme qui est la production de Satan.

14. Tous les états de purification par lesquels il faut passer dans cette vie avant de rentrer dans l’union Divine sont donc ce que Jésus Christ opère par la vertu de son sang ; les tentations que nous éprouvons sont le combat qui se fait entre Jésus Christ et Bélial ; celui-ci fait tous ses efforts pour retenir l’homme qu’il a conquis et qui est accoutumé à vivre sous son Empire par l’habitude qu’il a contractée ; il se déguise en mille sortes de manières pour séduire l’homme et empêcher sous milles prétextes et belles apparences qu’il ne s’abandonne à Dieu et lui soumette sa volonté ; et s’il l’a fait, de l’engager à s’en retirer, à se reprendre lui-même, à ne pas souffrir les opérations purifiantes et douloureuses de l’Esprit de Jésus Christ, de sortir de son abandon à sa conduite, qu’il cherche de lui rendre suspecte par mille artifices, puisqu’il sait bien que s’il le laisse à l’opération de l’Esprit de Jésus Christ en lui, il perdra bientôt sa conquête, puisque Jésus Christ est l’homme qui est plus fort que lui et lui ravit ce qu’il possédait (Luc 11, 22). Et que tout autre chose que l’homme fît, quelque apparence de bien qu’eût tout ce qu’il pourrait entreprendre, il ne pourrait jamais se dégager de son Empire : Jésus Christ seul est celui qui nous en peut affranchir.

15. Ce sont donc au travers des Régions où les Diables ont accès que le Fils de Dieu nous conduit, dans le chemin du retour à Dieu qu’il nous mène ; qui sont les états de purification qu’il faut porter dans tout le chemin de la foi obscure ; nuit obscure et douloureuse par laquelle il faut passer, et pendant tout le temps de laquelle nous savons peu ce que Jésus Christ opère en nous, comme il dit à St Pierre : Tu ne sais pas ce que je fais à présent, mais tu le sauras après ceci (Jean13, 7). Il le nettoyait, et c’est ce qu’il faut que nous souffrions et le laissions faire ; il nous conduit dans le chemin de cette purification, au travers de toutes les Régions et lieux de purification par lesquels il faut que les âmes passent et y souffrent beaucoup au sortir de cette vie, si cet ouvrage de la régénération n’a pas été opéré en elles dans cette vie ici. Ouvrage qui s’achève en peu d’âmes, manque de foi, de confiance et d’abandon total à Dieu, et parce que ce chemin par lequel Jésus Christ nous mène pour y parvenir est si fort opposé à nos vues, idées et raisonnements, qui y contrarient sans cesse : car il faut suivre aveuglément la lumière de la foi, qui est bien lumière dans le fond de notre âme ou dedans notre centre, où se fait cette œuvre de Dieu ; mais elle est Ténèbre pour notre raison qui n’y peut rien comprendre, et pour notre entendement qui n’y voit rien que perte et veut nous intimider par mille faux raisonnements et vues trompeuses sous belle apparence, lesquelles le Diable nous suggère, ayant accès dans ces facultés. C’est pour cela qu’il faut croire sans voir (Hébr. 11, 1) et suivre ou se laisser plutôt entraîner à l’attrait du Centre (sans raisonner ni se regarder) en foi et confiance enfantine à Dieu, et abandon à discrétion entre ses mains ; car bienheureux sont ceux qui n’ont point vu et qui ont cru (Jean 20, 19).

16. Mais ceux-là qui se laisseront ainsi conduire et purifier entièrement, et rétablir ou recréer en eux le nouvel homme, ayant persévéré jusqu’à la fin à se laisser à Dieu à discrétion sans savoir à quoi aboutira leurs souffrances , ceux-là expérimenteront, lorsqu’il plaira à Dieu de tirer le rideau de la foi obscure, comme de l’appartement ténébreux dans lequel ils étaient retenus pour y être purifiés ; ils expérimenteront, dis-je, par la manifestation du Royaume de Dieu en eux, quel ouvrage merveilleux Dieu a fait, les ayant recréés à son image, leurs ayant donné de vivre désormais de la vie et par la vie de son Esprit, et les ayant affranchis de leur vie propre et pécheresse ; il leur manifestera Jésus Christ lui-même, qu’il est et vit désormais en eux, non en image et idée formée dans leur imagination, mais en réalité ; il se manifestera à eux et les fera être comme lui en proportion.

17. Il montre aussi les lieux de purification qu’il a fait passer à l’âme ; il le montre non pas à toutes les âmes, mais à celles à qui il lui plaît ; ces lieux sont les Planètes, où les âmes sont admises qui sortent de ce monde avant que l’œuvre de la régénération soit achevée en elles. Ce sont les demeures destinées de Dieu à cela, comme l’on en a déjà écrit.

18. Elles sont donc aussi des Royaumes Célestes et des mondes, comme les Étoiles fixes, habités des Esprits bienheureux qui sont consommés dans la pureté et perfection qu’ils ont atteinte, où ils ont été remis par Jésus Christ, mais dans un état moins glorieux que celui des Esprits bienheureux dont les Étoiles fixes sont peuplées : il leur reste encore quelque chose de la matière à être purifié, de même qu’il y en a à purifier à ces Planètes quoique lumineuses : les âmes, dis-je, y ont les lieux de leur entière purification, où elles y sont assistées par le Ministère des Anges et des âmes bienheureuses, qu’il plaît à Dieu d’employer à cela et qui sont la plupart dans ces lieux ; où elles ne souffrent point, mais y jouissent d’une très grande gloire et félicité parfaite, et y servent les âmes qui en ont besoin, selon l’emploi auquel Dieu les destine.

19. L’Apôtre St Paul est de ce nombre, ayant reçu l’Empire de la Planète de Jupiter ou il règne, pour récompense des travaux et souffrances qu’il a eues dans ce monde ici en annonçant l’Évangile. Ce grand Apôtre et vase d’élection dans la main de Dieu a été bien récompensé de toutes ses peines et de la mort sanglante qu’il a soufferte sous l’Empire du plus grand des tyrans, Néron ; il possède à présent un bien plus vaste Empire que son bourreau ne faisait alors, et c’est bien avec raison qu’il dit : J’estime que les souffrances du temps présent ne sont point à comparer à la gloire qui doit être révélée en nous (Rom. 8, 18) ; il possède les choses inénarrables et glorieuses en réalité qui lui furent manifestées lorsqu’il fut dans le ravissement dont il fait mention (2 Cor. 12). Ce que possèdent les plus grands Monarques de ce monde, les plus vastes empires, ne sont que gueuseries et un peu de boue en comparaison de ce monde lumineux vaste et glorieux que ce grand Apôtre domine ; ceci ne sont point des rêveries, c’est vérité.

20. Quiconque suivra Jésus Christ en foi et chargera sur soi sa croix sans murmurer ni raisonner, l’expérimentera ; Dieu lui manifestera et lui fera part de ses biens qui sont inépuisables, dont la grandeur, la beauté, et l’immensité est inexplicable. Croyons ! Croyons ! Mourons ! Mourons à tout, et surtout à nous-mêmes, à notre raison téméraire, pour nous soumettre à la foi de Christ ! Comme St Paul, ce grand Esprit, cet homme sage, savant et docte, ce Pharisien a fait, estimant toute chose être dommage (Phil. 3, 8). Oui, tout son savoir, son grand Esprit et génie, comme de l’ordure pour gagner Jésus Christ et être fou pour l’amour de lui (1 Cor. 4, 10). Voyez ! Voyez comment il est bien récompensé et comme, ayant renoncé à sa propre sagesse, à sa compréhension, il a hérité le grand Empire où le grand génie et l’Esprit fleurit, où il est purifié de toute impureté, où il est éclairé de l’Esprit de la grâce et dégagé de toute illusion et de lueur trompeuse, de la séduction et fausseté que le serpent y a versé par son artifice et sa malice, nous ayant enchanté par la fausse clarté dont il éclaire notre entendement sous belle apparence, et a mis la raison sur le trône, cette grande Idole qui règne à présent partout entre les hommes graves et sages à leurs propres yeux ! St Paul dit : Votre sagesse n’est que folie ! (1 Cor. 1.) Venez l’apprendre aux pieds de Jésus mon Sauveur, qui m’en a convaincu aussi, m’ayant terrassé et dépouillé de toute ma sagesse ! (Act. 9.) Elle n’est que folie, chimère, et vanité ! J’en suis témoin et l’ai expérimenté ! Ce n’est qu’en mourant à son propre esprit qu’on devient capable de la vraie sagesse, qui nous paraît simple et méprisable tant que nous sommes en nous-mêmes ; car c’est par la sortie de nous-mêmes, par cette mort, qu’on trouve ce trésor !

21. Ne craignons donc pas de perdre en renonçant à nos propres idées, à nos compréhensions et conceptions ! Nous gagnons tout ! Dieu devient lui-même notre sagesse, nous met dans la vérité, bannit la fausseté de notre esprit, et nous conduit lui-même ! Quel bonheur ! Quelle grâce d’être déchargé du soin de soi pour être à Dieu ! Il est lui-même notre raison, notre conduite, sans artifice, et sans appréhension : nous nous laissons à lui ! La foi est notre unique appui inébranlable, inaltérable, car nous fiant à lui, rien ne nous manque, ni force ni sagesse, ni allégresse ; tout se trouve au moment qu’il faut lorsqu’on en a besoin, sans autre soin que de rester attaché à son Dieu avec repos et confiance, dans l’oubliance de tout ce qui n’est pas lui : cela bannit tout soin et tout souci, nous rend tranquilles, toujours paisibles, nous donne un Esprit serein, sans fin. C’est à quoi St Paul nous invite : Soyez toujours joyeux, dit-il, priez sans cesse (1 Thess. 5, 16-17). Ne soyez en souci de rien(Phil. 4, 6). Voilà notre leçon ! suivons ses pas, il nous l’a enseigné, l’a pratiqué, est élevé en gloire, nous le serons aussi, après avoir un peu souffert, nous être renoncés et bien quittés, Amen, Jésus ! Apprenez-nous à nous quitter nous-mêmes, à vous suivre sans raisonner et sans douter !

22. Le premier Martyr de Jésus Christ, St Étienne, est celui qui a pour son Empire la Planète Mars ; son Zèle fut couronné et récompensé par ce Royaume lumineux, où il règne et a sous son Empire les âmes qui ont souffert le martyre comme lui, dans les premiers temps, où le témoignage de Jésus Christ a été scellé par tant de sang.

23. Mercure est l’héritage et possession de la Ste âme A. Bourignon. Elle a été fidèle à déclarer la vérité que Dieu lui avait confié ! Ceux-là seuls y seront admis qui se seront soumis à la parole de vérité sans disputer, auront captivé leur raison sans distinction, pour suivre la parole de la foi, qui nous enseigne le renoncement totalement.

 

Pour ce qui regarde Jacob Böhme, il est aussi dans la Planète Mercure, comme notre bien aimée A. Bourignon.

 

24. Il est certain que les Satellites de la Planète Saturne sont les demeures que Dieu a préparées pour y recevoir les enfants qui sont morts avant l’âge de discernement ; dans ces demeures, ils sont enseignés par les Anges, qui sont destinés à cela, comme il en a été écrit ci-dessus.

25. Après le dernier jugement, lequel sera tenu après le Règne de mille ans ici-bas sur la terre, les damnés après leur conversion feront leurs demeures sur cette terre ici et, à mesure qu’ils se seront soumis à Dieu, ils seront mis en liberté hors de leur prison : mais pour les élus, les trônes leur seront partagés, savoir les Royaumes Célestes, desquels Lucifer et ses Légions ont été précipités en bas et déchassés. Les premiers nés seront établis dans ces magnifiques demeures, afin d’y régner comme Rois, et ils auront pour sujets les autres hommes qui sont rachetés ; à savoir ceux qui sont morts dans la première conversion, après qu’ils seront sortis de leur purification. Ceci m’a été donné à connaître, que Lucifer avec ses Légions, qui par leur rébellion sont tombés jusques dans l’abîme de l’enfer, quand ils seront humiliés et après qu’ils seront purifiés et qu’ils seront rentrés dans l’ordre de Dieu, je dis qu’alors ils auront pour partage et pour leurs demeures cette terre, en la place de ces Royaumes Célestes desquels ils ont été chassés.

 

 

 

CHAP. XL.

 

Des Anges, des Esprits, des deux Témoins.

 

Des Opérations et ministère des Anges. Leurs Apparitions, ou celles des autres Esprits. Des Anges gardiens et leurs offices. La vérité et le pur amour sont les deux témoins. Autres figures de l’Apocalypse. Opération intérieure de l’Esprit de Dieu par les régénérés. Des faux Prophètes. Conduite enfantine des âmes de ce temps.

 

Le 9 Octobre 1736.

 

1.

 

L’Histoire de la délivrance de l’Apôtre St Pierre hors de la prison (Act. 12) est très remarquable et nous montre d’une manière très particulière le soin que Dieu a des hommes, et surtout de ceux qui lui appartiennent ; comment il les garantit, les garde et les délivre des dangers où ils sont exposés, lorsqu’il lui plaît, par le ministère des Saints Anges.

2. La délivrance de cet Apôtre par l’Ange fort et puissant qui ouvre les portes de sa prison et le délie de ses chaînes est un miracle éclatant et insigne que Dieu fit alors en faveur de son Église, pour donner aux disciples un exemple qui fortifiât puissamment leur foi et leur confiance en Dieu ; leur faisant voir que leurs ennemis n’avaient aucun pouvoir sur eux, quelque puissants qu’ils fussent, qu’autant que Dieu leur en donnait pour leur bien ; que hors de là pas un de leur cheveux ne pourrait tomber, selon la promesse de notre Sauveur (Matt. 10, 30).

3. Quoiqu’il ne plaise pas à Dieu de délivrer ainsi à présent les siens des dangers, lorsqu’ils y sont exposés, d’une manière si éclatante et extraordinaire, il est pourtant très véritable que les Anges du Seigneur se campent à l’entour de ceux qui le craignent pour les garantir (Ps. 91, 11-12) et qu’il donne charge à ses Anges pour les garder, afin que leur pied ne heurte à quelque pierre 31. Tant d’autres endroits de l’Écriture Sainte témoignent de cette vérité et en assurent les fidèles ; et quoique nous ne les voyons pas des yeux grossiers de notre corps, cela n’empêche pas qu’ils ne soient autour de nous.

4 Nous ne voyons pas non plus nos propres Esprits vitaux, ni notre propre âme, qui est d’une nature Angélique et semblable à eux ; cependant notre âme ne laisse pas d’être, et nos esprits vitaux animent notre corps ; notre âme pense, raisonne, et fait toutes les fonctions que nous sentons bien, elle a sa force magique, sa volonté fait agir et meut notre corps, elle fait sa vie et sa force, sans quoi il est une masse de chair grossière, sans mouvement et sans vie ; c’est donc l’âme qui lui donne sa vie et sa force ; ainsi ce qui est la vie et la force est invisible à nos yeux corporels et ne peut être vu que lorsqu’il plaît à Dieu d’ouvrir les yeux d’une manière non ordinaire, comme il fit au serviteur d’Élisée (2 Rois 6, 17) et qu’il est arrivé et arrive encore, quelques fois, à ceux à qui Dieu ouvre ainsi les yeux, pour voir des Anges et autres Esprits, qui ne sont pas revêtus de corps grossier comme nous le sommes dans cette vie mortelle.

5. Non seulement il plaît à Dieu d’ouvrir les yeux pour voir des Anges, mais il arrive aussi, selon que divers exemples le certifient, que l’on voit soit d’autres personnes qui sont mortes depuis longtemps ou bien depuis peu, ou bien aussi des personnes vivantes qui sont cependant absentes.

6. Ce que les disciples assemblés se disent les uns aux autres, au rapport que Rhode leur fait que St Pierre était à la porte, marque assez que cela était une chose connue et qui s’était passée parmi les Juifs. Ils disent : C’est son Ange. Cela marque assez, ou bien qu’ils savaient bien que chaque homme a ses Anges ou son Ange gardien, qui lorsqu’il se rend visible à nos yeux, a la parfaite ressemblance de la personne qu’il garde, ou bien que c’était l’âme même de St Pierre qui se présentait à la porte et qu’ils nomment son Ange parce qu’elle est de même nature que les Anges ou que leur corps astral.

7. Il est très certain comme il est bien vrai que nous ne voyons ni les Anges, ni Dieu même, ni notre Seigneur Jésus Christ ; cependant Dieu remplit toutes choses et n’est absent nulle part ; les Anges sont aussi autour de nous et aussi les âmes de plusieurs personnes mortes, ou qui ont quitté ce corps mortel ; aussi bien les bons que les mauvais : et tout l’univers est rempli de ces esprits ; plusieurs y sont par l’ordre Divin pour conserver et garder les hommes par la puissance qui leur est départie de Dieu : ce sont eux qui garantissent de ruine totale tout le genre humain, qui serait submergé en un moment par la méchanceté et malice des Démons et par la perversité des hommes méchants, si Dieu par une bonté infinie ne suspendait pas les fléaux de malédiction et ne mettait pas un arrêt à la contagion de malice qui ferait périr tout le monde si les bons Anges forts et puissants ne soutenaient pas le monde et ne faisaient pas couler le bien ou la bénédiction dans toutes choses, pour adoucir et tempérer le mal.

8. Lorsqu’il plaît à Dieu d’opérer efficacement pour le bien des hommes, les inviter à la repentance, leur communiquer nouvelles grâces et nouvelles lumières, pour leur donner de nouveaux et de plus puissants moyens de salut, il le fait non seulement par des hommes vivant dans ce monde, qu’il doue de son Esprit (comme il y en a eu toujours de tous temps, quelque rares qu’ils soient, en qui Jésus Christ vit et règne ), mais il le fait aussi efficacement, d’une manière invisible et cachée aux sens grossiers de nos corps, et d’autant plus efficacement dans l’intérieur de ceux qui veulent faire attention à ce qui se passe en eux et aux pensées qui leur viennent pour les admonester, enseigner exhorter au bien par les mouvements de leur conscience : tout cela se passe en secret et s’opère par les bons Anges et autres Esprits ; l’on en voit bien quelques effets au dehors, mais ce n’est que la moindre partie de ce qui se passe dans l’intérieur des âmes.

9. Les Anges et autres Esprits bienheureux ont donc leur ministère et sont occupés en faveur des hommes pour les emmener au salut, selon qu’il plaît à Dieu de leur en donner l’emploi ; et je crois que souvent il est parlé et prédit dans l’Écriture sainte de ces choses, surtout dans l’Apocalypse de St Jean, où il est tant rapporté des Anges et de ce qu’ils font sur la terre.

10. Des deux témoins (Apoc. 11) qui y feront des prodiges et autres faits, l’on entend qu’ils se montreront visiblement à nos yeux en forme corporelle et grossière ; pour moi je ne le crois pas ; mais bien que véritablement ils opèrent spirituellement et très réellement, dans le temps prescrit de Dieu, les choses dont il est parlé. Je crois aussi que des hommes vivant encore dans ce monde sont rendus participants de leur esprit, qui est l’Esprit de Dieu, et témoignent extérieurement des choses qu’il plaît à Dieu de leur inspirer, selon le besoin présent des hommes. Mais que ceux qui ont la plus grande plénitude de cet Esprit, ces grands Héros qui opèrent universellement selon l’ordre de Dieu, chacun selon leur temps prescrit, demeurent cachés à nos yeux et ne paraissent que par les effets ; de même que notre âme ne se voit pas par les yeux de notre corps et ne laisse pas de nous animer et mouvoir, elle ne laisse pas de nous régir, d’opérer, et d’être le principe de notre vie.

11. Par exemple, lorsqu’il est écrit des deux Témoins, Apoc. 11, plusieurs croient que ce seront deux personnes particulières qui viendront sur la terre et feront visiblement les signes qui sont rapportés ; plusieurs conjecturent que ce seront des anciens Prophètes qui ressusciteront. Je laisse cela pour ce qu’il est, le temps l’apprendra ; pour moi je crois que ce sont l’Esprit de la vérité et du pur amour de Dieu qui sont ces deux Témoins : et que Dieu donnera charge, ou l’a déjà donné, à deux Héros, puissants Anges ou Esprits bienheureux, auxquels il a donné en grande mesure de cet Esprit de vérité et de son pur amour, lesquels le répandent dans les cœurs des hommes qui leur veulent donner entrée ; ce qui se fera abondamment dans plusieurs cœurs dans tout le monde dans ces derniers temps ; en sorte que cet Esprit de vérité et du pur amour de Dieu sera plus connu parmi les hommes qu’il n’a encore été jusqu’à présent.

12. C’est ce qui se manifeste déjà par les témoignages que Dieu en fait rendre extérieurement par les écrits de ceux qu’il lui plaît d’animer de cet Esprit de vérité et du pur amour. Ce sont là ces deux Témoins qui reprennent vie en se manifestant parmi les hommes, cet Esprit intérieur, ce Saint Esprit, se faisant connaître plus qu’il ne l’a encore été ; après avoir été comme tué et inconnu parmi les hommes, il sera encore plus manifesté, à la grande gloire de Dieu.

13. C’est donc l’Esprit et la force Divine dont il plaît à Dieu de douer tel ou tel Ange et Esprit bienheureux, et plusieurs d’entr’eux, qui répandent cet Esprit et vertu parmi les hommes ; c’est, dis-je, ces vertus Divines, comme la vérité et le pur amour, qui sont représentés sous l’emblème de personnes particulières, comme elles le sont ici sous le nom des deux Témoins de Dieu.

14. Tout de même sont représentées dans l’Apocalypse les vertus infernales ou diaboliques de méchanceté et de malice sous l’emblème de bêtes de diverses sortes. Le Diable l’est sous l’emblème d’un dragon ; son Règne, sous l’emblème d’une ville nommée Babylone, de même que l’Église de Dieu y est représentée sous l’emblème d’une femme, aussi bien que l’âme fidèle Épouse de Jésus Christ. Dans le temps qu’il plaît à Dieu de manifester ses vertus Divines plus efficacement, soit en général parmi les hommes, ou en l’âme en particulier, il est dit que ces Témoins ou ces Anges feront telles et telles actions, et domineront comme ils le font en effet par leur vertu ; mais non pas en revêtant un corps grossier et visible à nos yeux comme le nôtre pour pouvoir se présenter à notre vue, ce qui n’est pas nécessaire.

15. Les hommes de ces temps ici qui donneront le plus d’entrée à l’Esprit de Dieu, à cet Esprit de vérité et qui établit le pur amour dans le cœur afin qu’il vive et règne en eux en maître absolu, ces hommes-là seront extérieurement les organes par lesquelles il plaira à Dieu de manifester ces deux Témoins aux hommes, en ce que selon qu’ils y seront poussés de l’Esprit de Dieu et que sa providence leur en fournira les occasions, ils témoigneront de la vérité de Dieu par leurs paroles et par leurs écrits. Ils témoigneront, dis-je, que Dieu seul est vérité et que tout homme est menteur, que les opérations de son Esprit Saint dans les âmes, et le domaine souverain de cet Esprit Saint dans les cœurs, est vérité.

16. C’est l’Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, et que notre Seigneur Jésus Christ promet d’envoyer à ses Disciples(Jean 14, 7). Car ce que cet Esprit Saint opère et parle seul et purement est uniquement vérité, et nous transmet dans la vérité ; il produit aussi seul le pur amour de Dieu dans nos cœurs, et en bannit tout mélange d’amour propre, de propre intérêt, et de ce qui est mensonge et indigne de Dieu, et qui ne peut subsister dans une âme où Dieu veut faire sa demeure et y établir son Règne permanent.

17. Ceux qui se laissent ainsi purifier foncièrement de toute propriété sont les Témoins de la vérité et de l’amour de Dieu : car aussi longtemps que la propriété a encore quelque place dans une âme, quelque petite place qu’elle occupe dans un cœur, aussi longtemps cette âme n’est pas encore dans la vérité, elle a encore un mélange de mensonge chez elle, qui empêche que le pur amour de Dieu n’y règne : et l’âme n’est mise dans la vérité que par l’entier bannissement de l’amour propre, qui est l’Esprit de mensonge et d’amour impur de la créature.

18. Rien ne nous est donc nécessaire que d’ouvrir notre cœur à Dieu, de nous laisser passivement aux opérations purifiantes de son Esprit Saint en nous, à apprendre à ne lui résister pas, mais à coopérer à cette opération selon que notre état le requiert ; afin qu’il parvienne à son but, qui est toujours et, envers tous, de purifier notre âme, en sorte qu’elle puisse être rendue capable d’être réunie à Dieu comme à son principe ; ce qui est le but pour lequel elle a été créée, celui de la rédemption de Jésus Christ, et en quoi l’ouvrage de cette rédemption consiste.

19. C’est donc là où nous devons tourner toute notre attention, à céder à l’opération de l’Esprit de Jésus Christ en nous, à la connaître pour la suivre. C’est ce que cet Esprit Saint nous enseignera lui-même au dedans si nous avons une volonté pure de nous renoncer nous-mêmes en tout point, ce qui doit toujours être posé pour fondement si nous voulons avancer dans la voie de la solide piété ; et si nous sommes fidèles en cela, le Règne de Dieu viendra assurément en nous, il deviendra maître et souverain dans notre âme et c’est là la félicité souveraine.

20. L’âme à qui Dieu fait la grâce de l’emmener là ne sort pas dans les sens ou au dehors pour y chercher ou attendre le Règne de Dieu, s’en faisant une idée charnelle et telle qu’il n’arrivera jamais : elle expérimente la vérité des paroles de notre Seigneur Jésus Christ : Le Règne de Dieu ne viendra point avec éclat ou apparence, l’on ne dira point il est ici ou il est là ; car, voici, le Règne de Dieu est au dedans de vous (Luc 17, 20-21). C’est où Dieu le lui a fait trouver et qui suffit pour contenter ses espérances, qui s’y trouvent accomplies.

21. Elle expérimente aussi que les opérations de l’Esprit de Dieu en elle, pour l’avancement de son Règne dans les autres âmes, sont autant douces, spirituelles, séparées des sens et de ce que le propre esprit peut atteindre et comprendre qu’elles ont de réalité, d’efficace et de vertu pour opérer le vrai avancement du Règne de Dieu dans les cœurs qui l’y veulent laisser établir ; quoique ces opérations de l’esprit de Dieu soient fort secrètes et cachées à l’homme extérieur et ne soient guère vues au dehors, elles apprennent par leur expérience la vérité de ce qui est écrit ici, que Dieu n’opère pas ces grandes œuvres et merveilles pour le salut et conversion du genre humain par des hommes de prodiges qu’il fait reparaître dans ce monde après qu’il y a longtemps que ces saints hommes l’ont quitté et ont dévêtu ce corps visible de corruption, ou bien par d’autres miracles éclatants ; car notre Seigneur dit : Quand bien l’un des morts ressusciterait, ils ne croiront point s’ils ne croient Moïse et les Prophètes (Luc 16). Ce sont leurs écrits et leur Esprit intérieur qui se fait sentir dans la conscience de chaque homme.

22. C’est donc par l’opération de ces Esprits puissants que Dieu opère ses grandes œuvres, d’une manière cachée aux sens grossiers et à la raison. Ce que l’âme expérimente en son particulier lui est un témoignage de l’économie de l’Esprit universel de Dieu pour le général des hommes, et convainc assez par l’expérience de ce que l’on voit qui se passe parmi les hommes, que les plus grandes merveilles de Dieu pour le salut des hommes s’opèrent en secret et ne sont vues ni connues, sinon d’un petit nombre auquel Dieu le manifeste en leur ouvrant les yeux de l’Esprit.

23. Notre Seigneur Jésus Christ dit : Il s’élèvera de faux Christs et de faux Prophètes qui feront des choses si merveilleuses et si prodigieuses que s’il était possible, les Élus même en seraient séduits. Voilà, je vous l’ai dit par avance, etc. (Matth. 24, 24-25.) Voilà un avertissement de notre Seigneur bien remarquable pour nous ; selon cela, si quelque homme merveilleux et extraordinaire paraissait qui vient faire de grands miracles jusqu’à faire tomber du feu du Ciel, comme il est dit (Apoc. 13, 13.), l’on aurait grande raison, suivant l’avertissement de notre Sauveur, de se défier d’un tel homme, quelque belle apparence de sainteté qu’il eût extérieurement, et quoi qu’il se dise être un grand Prophète ou le Christ même et voulût certifier sa mission par des miracles éclatants ; l’on aurait, dis-je, très grande raison d’être sur ses gardes envers de tels hommes extraordinaires, puisque notre Seigneur en avertit si positivement et donne pour marque de la fausseté de leurs missions les miracles éclatants qu’ils feront.

24. Ceci certifie ce que j’ai avancé que les miracles et prodiges, qu’il est dit dans l’Apocalypse que feront les deux Témoins, ne sont pas des miracles extérieurs et vus par nos yeux charnels, ni compris par nos sens grossiers ; puisque si cela était, il y aurait de la contradiction entre ce dont notre Seigneur nous avertit de nous garder, qui est justement des miracles que feraient les deux Témoins, s’ils étaient deux hommes extraordinaires qui fissent extérieurement les miracles mentionnés ; et en ce cas les Élus seraient fort embarrassés s’ils devaient croire à ces deux hommes extraordinaires à cause des miracles qu’ils feraient, puisque l’avertissement de notre Seigneur est si positif que l’on doit s’en garder.

25. Ce n’est donc point de cette manière que Dieu veut confondre le mensonge ; mais bien par la vertu efficace de son Saint Esprit, qui opérera puissamment dans les cœurs des hommes de bonne volonté ; et plus cet Esprit de vérité s’établira dans les cœurs des hommes qui lui donneront entrée, plus le mensonge sera découvert et tombera de lui-même ; car où le Soleil se lève et éclaire de sa lumière, là les ténèbres se dissipent et s’évanouissent d’eux-mêmes.

26. Les manières merveilleuses, et qui frappent sensiblement les sens, comme sont celles dont plusieurs attendent que Dieu se manifeste dans ces derniers temps, sont peu conformes à la manière dont il plaît à Dieu d’opérer et de conduire les âmes dans ce temps ici du règne du St Esprit, et à la conduite enfantine qu’il tient envers ses enfants, auxquels Jésus Christ se manifeste dans son état enfance, parce qu’il désire qu’ils deviennent eux-mêmes enfants ; les dispositions qu’il demande d’eux et que son Saint Esprit met à tâche d’imprimer dans leurs cœurs étant celles de petits enfants, en simplicité, faiblesse en eux-mêmes, ignorance, humilité et abandon entre les mains de leur Sauveur, duquel ils laissent préparer et purifier leurs âmes par la vertu de son sang ; les épreuves que ce Divin Sauveur leur envoie par sa providence pour les exercer dans le renoncement à eux-mêmes et à toutes choses ne sont point des épreuves qui leur arrivent par des choses extraordinaires et de grand éclat ; mais la sagesse de Dieu se sert des plus petites choses et circonstances qui leur arrivent chaque jour par providence, et il n’y a pas la plus petite circonstance de cet état que la sagesse de Dieu n’emploie merveilleusement pour le but qu’elle s’est proposée envers cette âme qui s’est remise à sa conduite afin de l’avancer dans la mort à elle-même et de la mortifier en tout point, comme il est convenable pour son état.

27. C’est ainsi qu’il plaît à l’Esprit de Dieu de cacher sa conduite très efficace pour l’avancement des âmes sous la couverture des choses les plus communes et les plus simples et ordinaires ; afin que la raison hautaine et le propre esprit superbe de l’homme ne la connaisse pas et n’y comprenne rien ; afin qu’elle soit seulement manifestée aux cœurs Enfantins qui, renonçant et mourant continuellement à leur propre esprit et compréhension, vivent de foi, d’abandon et de confiance en Dieu, ne cherchent et ne désirent et ne s’étudient que de vivre et de marcher continuellement sous les yeux et en la présence de leur cher Père Céleste avec amour et confiance ; sachant que quoiqu’il soit caché à leurs sens et sentiment grossier, il est plus proche et plus présent à eux qu’ils ne le sont à eux-mêmes. Vérité qu’ils expérimentent en toutes choses, sous l’ombre de la foi, mille fois plus réellement et efficacement qu’ils ne pourraient faire par tout ce qui frappe les sens le plus sensiblement, comme sont les miracles éclatants, qui pourraient être fort trompeurs, comme on l’a dit : mais la manifestation de Jésus Christ en réalité et vérité, dans le fond de notre âme, qui se manifeste à notre Esprit, ne peut être sujette à tromperie et est l’adoration dont notre Seigneur Jésus Christ dit : Les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité, car ce sont de tels adorateurs que l’Esprit de grâce veut se faire à présent (Jean 4, 23) qu’il se prépare en tous lieux, les détachant de tout ce qui touche les sens, en les dégageant de tout ce qui est grossier et matériel pour leur apprendre ce qui est Esprit, réalité et vérité ; et où la pureté, simplicité, et Unité Divine est sans aucun mélange du sensuel ou de ce qui est reçu dans les sens, et est par conséquent hors de leur atteinte et de la séduction et tromperie de tout ce qui y peut avoir accès.

 

 

 

CHAP. XLI.

 

Règne de l’Enfance de Jésus Christ.

 

Le Règne de l’Enfance de Jésus Christ est maintenant. De l’état actif. Il y faut être fidèle si on veut avancer plus loin. Dieu nous fait passer dans l’état passif si nous nous quittons nous-même. De la prière de silence. Comme on y peut arriver aussi bien qu’à l’état passif. De la pauvreté d’Esprit.

 

1.

 

C’est à présent que le Divin Enfant Jésus veut s’établir une sainte famille pour l’honorer et le louer dans son état d’Enfant, et pour contrecarrer la fausse prudence et sagesse de ce monde pervers, qui règne par tout l’univers : ce temps heureux est enfin venu, ayant été très longtemps attendu ; plusieurs l’ont vu de loin, embrasés de l’amour Divin, mais à présent il se manifestera et s’étendra par tout le monde, sa famille sera féconde.

2. Ces enfants n’ont pour caractère qu’innocence et simplicité : la pureté est leur partage, pour n’aimer que Dieu seul, qui est leur héritage ; ils n’adhèrent qu’a lui, ce Dieu d’amour est leur unique appui : la dépendance, l’obéissance à ses vouloirs Divins fait leurs destins : ils ne désirent autre chose, vivant sans prétention, sans affection pour tout cela qui n’est pas Dieu, dès ce bas lieu ! Car il a tout charmé leur cœur et l’a rempli de son ardeur, en ayant banni la malice et l’artifice, toute fraude et impureté, tout cela est changé en pure charité. Point de raisonnements ni mécontentements ne sont connus de ces enfants simples, qui ne savent rien qu’obéir et se soumettre à bien pâtir avec contentement et agrément : car ils ne connaissent d’autre bien que de rester soumis au saint Amour Divin ! Ils n’ont point de propriété ni aucune volonté : l’intérêt propre est banni de chez eux et leur est odieux : ils n’y osent penser ! Ils ont appris à abhorrer toute hauteur, toute grandeur ; ils en ont un grand éloignement, la petitesse étant leur élément.

3. Ils ne soupçonnent rien, ne pensent point au lendemain, vivant toujours sans souci, à la merci de la Divine Providence, dans leur enfance. Aimer leur Dieu et l’adorer sans fin et sans interruption est leur leçon, vivant toujours en sa présence, en tout temps en tout lieu. C’est là le service de Dieu qui leur est le plus familier, qu’ils savent le mieux pratiquer, étant simple et très enfantin, dérivant de l’amour Divin ! Car ce que l’on aime, on l’adore, l’on s’en occupe, et l’on ignore tout ce qui ne s’accorde pas à l’objet qui par ses appas nous a charmés et dont le cœur est possédé.

4. La présomption, et propre suffisance, ni complaisance, n’est point connue de ces enfants, qui aiment fort la dépendance et de ne se fier pas à soi, d’être libre du propre esprit, de n’avoir point d’attachement à son propre jugement, mais de dépendre en tout point des vouloirs de l’amour Divin sans raisonner ni s’obstiner, mais être bien pliable, doux, tranquille, et amiable.

5. Ce sont là quelques petits traits des enfants que Jésus a faits sur son modèle, et comme il veut présentement manifester l’état d’enfant qu’il a si fort aimé et estimé, disant : Si vous n’êtes changés ainsi et ne devenez comme des enfants, vous n’entrerez point au Royaume des Cieux (Matth. 18, 3).

6. Parcourons un peu les Caractères et les dispositions, les états d’oraison de ces Enfants, ou bien de ceux qui veulent bien devenir tels, en réalité, sans mentir ; et nous verrons que ce n’est pas chimère, une spéculation vide de réalité, une image qu’on se forme, que cet état de l’enfance de Jésus dont on parle, et des états d’oraison qui l’accompagnent ou par lesquelles il faut passer afin d’y arriver.

7. Il n’y a point d’état d’oraison qui, afin qu’il puisse être en réalité dans une âme, ne doive être accompagné du renoncement. Car prier c’est aimer, et aimer l’objet qu’on adore ou bien qu’on prie ; toute autre oraison qui n’est pas accompagnée d’amour n’est que moquerie et tromperie : ainsi c’est inutilement qu’on se flatte faussement de passer d’un état d’oraison à un autre plus élevé autrement qu’en avançant dans le renoncement ; car ce n’est qu’à mesure qu’on se renonce qu’on avance dans ces états réellement, qu’on y est mis de Dieu par état permanent, cet état étant la disposition où l’âme est mise ; c’est une qualité qui lui est donnée, qui lui devient naturelle, et qu’elle n’avait pas auparavant ; c’est sa nature qui est changée, et c’est ainsi que, passant d’un degré à un autre et d’un état dans l’autre, d’homme elle devient enfant (Jean 3, 3).

8. Commençons donc par l’homme fait, qui veut prier et se convertir à Dieu ; car pour bien prier, il faut que le cœur soit de la partie ; ainsi nous laissons ceux qui n’ont pas envie de donner leur cœur à Dieu, ni par conséquent de se renoncer. Il serait inutile de leur apprendre à prier, au moins à cette école ici, où l’on ne veut admettre que les cœurs sincères, qui sérieusement veulent embrasser le renoncement : ceux-ci commencent à prier par méditer et raisonner dans leur oraison, ils prient vocalement et se servent de formulaires pour enflammer leurs désirs, exciter leurs soupirs et se fortifier dans la bonne résolution de se convertir à Dieu tout de bon ; ils s’exercent dans la vertu et renoncent pas à pas aux choses d’ici-bas pour s’élever à Dieu, par la grâce qui leur est communiquée pour cela ; et à mesure qu’ils détachent leur cœur et leurs affections des choses de la terre, ils avancent dans l’oraison de méditation plus multipliée et plus simple : s’ils marchent vitement dans ce renoncement des biens et des honneurs temporels, des plaisirs de ce monde, et de ce qui y est attaché, ils se perfectionnent ainsi dans l’oraison de méditation ; s’exercent très utilement dans leurs pratiques et exercices, chacun selon qu’il le trouve le mieux, en public et en particulier ; cela est bon, on ne veut point leur rien ôter de tout cela ; tant qu’ils trouvent leur nourriture et leur pâture dans la multiplicité de leur opération, il faut les y laisser et les encourager à être bien fidèles, à se renoncer sans quartier, selon leur connaissance.

9. Si ce renoncement n’est pas parfait et que leur cœur reste partagé entre Dieu et le monde, ayant bien d’autres prétentions que d’apprendre bien la leçon de notre très Divin Sauveur qu’il donne à ses Disciples, qui est le renoncement entier à eux-mêmes et à toute choses, c’est inutilement qu’on voudrait leur apprendre à prier d’une manière plus spirituelle, de cesser d’opérer par leur entendement ; ils n’y entreront pas, et à moins qu’ils ne prennent la résolution de se donner à Dieu tout de bon, renonçant de volonté à toutes choses, ils ne peuvent entrer en réalité dans l’oraison passive ; car afin que l’esprit de Dieu puisse prendre la place du nôtre opérer et prier en nous, qui est ce que signifie l’oraison passive, il faut lui laisser prendre place en se quittant soi-même, ce qui est un renoncement bien plus profond et poussé plus avant que n’est celui qui nous fait renoncer et abandonner les créatures qui sont hors de nous.

10. Ainsi c’est chimère que de croire pouvoir avancer dans les états d’oraison dont parlent les Mystiques, sinon à mesure qu’on se laisse attirer par l’esprit de la grâce, qui opère en nous dans le renoncement à nous-mêmes et à toutes choses ; et quand même on aurait appris par cœur tous ces états, ayant lu et croyant comprendre tous les Mystiques, l’on ne peut en rien savoir comme il faut, ni se mettre dans ces états d’oraison passive : car cela ne dépend nullement du vouloir de la créature, c’est l’esprit de Dieu qui y conduit et y achemine l’âme, à mesure qu’elle se renonce elle-même ; cela marche de même pas et ne peut être séparé ; qui le sépare n’a qu’une image sans vie ni réalité de ces états, s’il s’imagine de les posséder.

11. Ainsi je pose pour fondement de l’oraison intérieure le vrai renoncement, sans quoi point d’état d’oraison : ce n’est qu’illusion ! Ceux-là qui veulent ainsi rester partagés entre Dieu et le monde, leurs plaisirs, leurs attachements, ne satisfaisant pas à ce que leur conscience leur montre bien qu’ils doivent renoncer, ceux-là ne peuvent avancer ; et comme il a déjà été dit, les états dont on écrit de l’oraison intérieure ne sont pas pour eux.

12. Mais ceux-là qui sont véritablement résolus de renoncer à toutes choses et à eux-mêmes sont disposés à avancer dans ce chemin et à y faire du progrès : aussi longtemps qu’ils sont dans l’état de leur activité, ils y doivent satisfaire ; et le renoncement extérieur qu’ils pratiquent selon l’admonition de leur conscience demande aussi un état d’oraison active, multipliée, et méditée, plus ou moins ; ce qu’on leur enseigne, et où l’on veut les acheminer, c’est à se simplifier et se laisser avancer dans le renoncement intérieur, selon que l’Esprit de Dieu les y attire ; on veut leur montrer à ne pas résister à ses attraits, mais à y céder ; parce que l’âme ignorante dans les voies de l’Esprit de Dieu dans l’intérieur lui résiste souvent, ne voulant pas abandonner ce à quoi elle est accoutumée, croyant faire mal de laisser son état précédent et craignant de reculer au lieu d’avancer.

13. Car c’est l’Esprit de Dieu qui doit conduire seul les âmes et les enseigner dans le chemin de l’oraison ; on ne fait que témoigner de la réalité et vérité des états dans lesquels cet Esprit Saint conduit en secret, afin que l’âme s’y laisse mener sans crainte et ne lui résiste pas par ignorance ; c’est là tout ce que Dieu veut et le but qu’il a en faisant écrire de ces états qui témoignent des routes que son Esprit tient dans les âmes qui se laissent posséder de lui en se quittant elles-mêmes.

14. Car pour celles qui ne le font pas et se veulent garder, celles-là doivent opérer et ne peuvent faire autrement : elles n’ont point de goût pour ce renoncement et ne comprennent point cette oraison. Car ce n’est qu’à mesure qu’on se quitte soi-même que cesse notre opération dans l’oraison ; autant que l’on se quitte, l’on cesse d’opérer, et autant qu’on se quitte, Dieu nous prend : s’étant un peu quitté ou bien d’un quart, Dieu prend et remplit ce quart, et notre oraison est opérée d’un quart passivement et par l’Esprit de Dieu, et de trois quarts de notre opération : si nous nous quittons davantage, comme l’opération de l’Esprit de Dieu en nous tend toujours là, il prend la place que nous quittons, et ainsi peu à peu nous simplifie dans l’oraison, qu’il opère lui-même ; si nous nous sommes quittés de la moitié, notre oraison est à moitié active et à moitié passive, et ainsi plus simplifiée qu’auparavant ; nous nous sommes renoncés à moitié, car autant que l’on se renonce, autant se quitte-t-on : c’est la même chose, l’on s’abandonne pour se laisser à Dieu.

15. Et ainsi s’avance le renoncement, jusqu’à ce qu’il soit entier et que nous nous soyons quittés tout à fait ; alors c’est Dieu qui vit, règne et opère seul en nous, lui ayant cédé la place : alors notre oraison est toute passive, c’est son Esprit seul qui prie en nous. Car nous ne savons pas comment il faut prier, dit St Paul (Rom. 8, 26).

16. Ceci est la véritable oraison de silence, car la créature se tait et Dieu parle ; mais comme son parler est spirituel et non sensitif et corporel, grossier comme le nôtre, il semble à notre manière de voir et de concevoir que son parler et opérer dans l’âme soit un silence et une oisiveté, parce que nos sens ne le comprennent pas et ne l’entendent pas ; car à mesure que l’esprit Divin prend possession de l’âme, à mesure il simplifie son état d’oraison, tendant à la rendre toujours plus spirituelle, la dégager des sens et de la compréhension propre ; de vocale, méditée et raisonnée, elle devient une oraison qui est plus affective ; l’abondance de paroles cesse, l’on est attiré à parler peu et à entremêler ces paroles ou aspirations de silence ; l’on parle, non tant de bouche que du cœur, les paroles deviennent plus intérieures qu’extérieures, enfin elles cessent et se changent en soupirs, en affections, en approche de Dieu, auquel on se présente intimement, on le regarde, se tenant prosterné de cœur devant lui, l’on le regarde des yeux de son Esprit en foi, l’on est ainsi, dans un silence respectueux : enfin les désirs et les soupirs cessent, l’on demeure passif et attentif, abandonné à ses Divins vouloirs, souffrant la sécheresse et les ténèbres devant ses yeux ; recevant les douceurs et les lumières également, sans vouloir ni avoir que ce qu’il lui plaît de donner, n’osant rien demander, ne reconnaissant pas soi-même sa disposition, restant dans l’abandon, dans les langueurs comme dans les ardeurs ; l’égalité donne tranquillité et élargit le cœur : restant ainsi disposé, l’on devient enfant en se perdant.

17. Tous ces États différents sont bons et opérés par l’esprit Divin ; ils ont réalité et vérité, et il faut s’y laisser ; l’âme y trouve l’onction, la nourriture, elle y trouve la pâture qui convient à son état et qui y est conforme et lui est propre pour ce temps, elle n’en demande point d’autre.

18. Elle déchoit ainsi peu à peu à ses propres forces et à son propre faire, devenant faible en elle-même de plus en plus ; petite et incapable de toute opération, simple, innocente, et dépendante. Cela sont les dispositions qui la font devenir enfant, vivant de foi et d’abandon, de confiance envers son Dieu, auquel elle adhère sans cesse.

19. L’on voit par tout ce que j’ai dit que les états d’oraison ne sont que les effets de l’état du renoncement et leur avancement ; plus il est avancé, plus l’état d’oraison est continué et devient peu à peu continuel, car il unit l’âme à son Dieu : ainsi l’on ne peut abuser de ces états, et si l’on le fait, c’est une ombre, une chimère de cet état, qu’on s’est formé, qui n’est nullement l’état même. C’est ainsi que les hommes mal intentionnés abusent de toutes choses, cela n’empêche pas la vérité et la réalité de l’opération de l’Esprit de Jésus Christ dans tous les cœurs sincères, à laquelle il faut s’abandonner et se laisser ou se renoncer. C’est de cela que l’on veut témoigner.

20. C’est ainsi, que les anciens Peres des déserts posaient pour fondement des états d’oraison le vrai renoncement : car lorsqu’ils s’étaient retirés dans ces déserts, ayant abandonné le monde et toutes choses pour vaquer à Dieu seul, vivant dans le renoncement, ils commençaient à pratiquer l’oraison par la méditation, mais non multipliée ; ils tendaient à simplifier et à mortifier l’activité de l’âme dans ses opérations, coopérant ainsi avec l’opération de l’Esprit intérieur Divin ; le plus tôt qu’ils pouvaient faire mourir l’âme à son opération propre, c’était leurs désirs ; ils donnaient à leurs Disciples une simple prière à répéter sans cesse nuit et jour pour les lasser et les simplifier : Mon Dieu, venez à mon aide (Ps. 70, 2). C’est ce qu’ils devaient répéter, afin qu’en étant fatigués ils fussent conduits au silence, à renoncer à leur opération, pour recevoir l’onction du Saint Esprit Divin, le laisser opérer sans fin et sans interruption. C’était là leur vraie intention, et reste aussi la nôtre ; n’ayant d’autre désir sinon que Dieu règne dans tous les cœurs, qu’on apprenne à souffrir sa sainte opération sans contradiction, que l’on renonce à sa hauteur, à sa propre opinion et à sa prétendue raison pour devenir simple et petit enfant de la famille du Saint Enfant Jésus ; Amen, Jésus !

21. Il n’y a donc rien de si simple et de si enfantin que ces États d’oraison intérieure et passive, puisqu’ils acheminent l’âme à la simplicité et unité, à l’enfance parfaite, et il ne faut afin d’y parvenir que vouloir apprendre à mourir, à se renoncer soi-même, selon l’instinct Divin, qu’il met au cœur, dans notre intérieur ; mourir au propre esprit, à ses raisonnements, à ses volontés et appétits dans les choses spirituelles, c’est là toute la science, et l’âme qui y est conduite n’a qu’à le laisser à son poids ou à l’inclination qui lui est donnée, étant vide de désirs, pour un état ou bien pour l’autre ; l’Esprit de Dieu l’incline et lui donne du goût et un penchant, un attrait pour l’état d’oraison où il la veut conduire ; elle s’y sent inclinée comme tout naturellement, et au contraire elle sent du dégoût et être lasse de la manière d’oraison que Dieu veut qu’elle abandonne ; elle lui devient insipide et sans onction, elle n’y trouve plus sa nourriture, elle en est sevrée, ce qui édifiait et la recueillait la dissipe et la trouble, la met dans un mésaise lorsqu’elle s’y veut forcer ; elle doit s’abandonner et suivre son attrait.

22. Y a-t-il rien de plus simple, de plus enfantin, de plus facile ! Il ne faut qu’aimer et vouloir se quitter ou renoncer ! C’est là le travail d’un enfant simple et innocent, qu’il nous faut devenir pour rentrer au Royaume des Cieux, qui est en nous (Matth. 8, 3 ; Luc 17, 21). Il n’y a, dans le procédé de l’âme que Dieu conduit dans ces états, rien de haut ni de sublime. Le premier état d’oraison, de méditation et d’action de la créature en multiplicité est bien plus haut, plus élevé, plus difficile à être pratiqué par les simples ; mais les suivants sont pour les enfants, ils y sont les plus propres, n’ayant pas de besoin de raisonner ; il y suffit de bien aimer, comme un petit enfant, tendrement, bien docile et flexible : c’est là tout le secret.

23. Notre Seigneur Jésus Christ dit : Bienheureux sont les pauvres d’Esprit, car le Royaume de Dieu est à eux (Matth. 5, 3). C’est à cette pauvreté que conduit l’Esprit de  Dieu intérieurement l’âme qui veut bien s’y laisser conduire, c’est là son opération ; il la dépouille premièrement de ses biens temporels, des créatures, de ses grossières passions par l’état de méditation ; et puis s’en étant laissée appauvrir, cet Esprit Divin la rend peu à peu plus intérieure, et lui prend les richesses de son esprit et de son raisonnement : à mesure qu’elle devient pauvre, à mesure devient son oraison simple, et dégagée de son opération, à laquelle elle défaille en perdant ses richesses propres, jusqu’à ce point de devenir enfant, qui est l’état de pauvreté dont, dit notre Seigneur, qu’à tels est le Royaume des Cieux (Matth. 18, 3) et aux pauvres d’Esprit : ce qui est la même chose ; il les met en un même rang, leur donnant à tous deux le Royaume des Cieux.

 

 

 

TABLE

 

des Sommaires des chapitres du

Traité sur la Genèse et le supplément.

 

Dans les chapitres

 

I jusqu’au X est l’explication du premier chapitre de la Genèse.

XI-XV. Est expliqué le second chap.

XVI-XXI. Le troisième chap. de la Genèse.

XXII. Réponse de l’Auteur, touchant les demandes suivantes.

XXIII. Explication des sept tonnerres.

XXIV. Des Étoiles, planètes et de l’esprit des inspirés.

XXV. De la Lune.

XXVI. De l’état des âmes après la mort.

XXVII. De la purification après la mort.

XXVIII. De Gog et Magog.

XXIX. De la résurrection des corps, nouvelle Jérusalem et mont Sion.

XXX. Du Paradis.

XXXI. Des Royaumes célestes.

XXXII. Du mont Sion, et du Giron d’Abraham.

XXXIII. Sept Royaumes célestes de la Sainte Vierge Marie.

XXXIV. De l’Orion et de la Poussinière.

XXXV. De St. Paul l’Hermite et de la contemplation.

XXXVI. De la Création du monde et des planètes.

XXXVII. De la Colère de Dieu et des mérites de Jésus Christ.

XXXVIII. De la Création des Cieux, de la terre et des Étoiles fixes.

XXXIX. Des Étoiles fixes, planètes, états purifiants.

XL. Opérations et ministère des Anges ; des deux Témoins.

XLI. Du Règne de l’enfance de Jésus Christ, et des divers états d’Oraison.

 

 



1Voyez nouveaux Discours ou Témoignage d’un Enfant 1re partie Supplément 3me Discours.

2Qui n’est dans cet état plus corrompue mais éclairée de la lumière de la grâce selon son degré.

3Voyez Nouveaux Discours, la 1ère et 2de Partie, et les Explications sur l’Épître aux Romains et sur l’Apocalypse, etc.

4La preuve de cela, c’est qu’ils disentChrist est ici, ou là, dans le désert, ou dans la Chambre, et que par là, ils tirent toujours les hommes hors d’eux-mêmes, dans l’extérieur, et ne veulent point entendre parler du fond de l’âme, qui est le véritable intérieur, et que même quelques-uns souffrent des très mauvais livres dans leurs sociétés ou petite secte, tandis qu’ils méprisent et défendent les Écrits Excellents de Mad. Guyon et d’autres qui mènent à l’intérieur, afin de détourner les âmes de leur fond intérieur ; mais Jésus Christ dit : ne sortez point : c’est-à-dire que nous ne devons pas sortir de ce fond intérieur, qui est le vrai Sanctuaire où Dieu habite et où nous l’adorons en Esprit et en vérité, mais plutôt nous y enfoncer et y demeurer, puisque c’est la véritable forteresse.

5Des Astres c.-à.-d. ceux qui se laissent gouverner par l’Esprit Astral.

6Mad. Guyon, Ier Discours, Sp. 38. 11. 12. Ce discours tout entier est très excellent.

7« L’Auteur écrit de cette matière dans une lettre du 1er Déc. 1734 comme il suit : Si les Enfants de Dieu doivent un jour être rassemblés extérieurement sur cette terre, je crois que ce sera à Jérusalem, que notre Seigneur nomme la ville du grand Roi. Voyez Mad. Guyon (Réflexion et Explication sur le Nouveau Testament, Tom. 8. Page 161.), où elle parle des deux Témoins. Jésus Christ y a été crucifié en ignominie ; pour réparer ces injures, il y sera glorifié. Il me semble que cela s’accorde aussi fort bien avec l’intérieur. Le lieu très saint est nommé la Jérusalem céleste, la ville de paix immuable où Dieu habite.

« Mad. Guyon écrit dans le lieu cité par l’Auteur ce qui suit, Jérusalem la Ville Sainte, tenue depuis tant d’années par les infidèles, il viendra un temps où vous verrez dans votre enceinte les Enfants du Seigneur. Jérusalem, Jérusalem, tu seras la ville florissante de la maison de mon Dieu ! La bête détruit et tue pour un temps ce témoignage de la vérité ; mais cela ne durera pas longtemps. »

8Il est dit dans le Ps. 74 que Dieu a brisé la tête du Léviathan, et des baleines dans le désert, c’est dans le désert de la foi obscure qu’il fait cela, brisant la tête à ce monstre, qui signifie l’amour propre, et le propre intérêt.

9Voyez Nouveau Discours, Ire Part. Disc. 10 et 11.

10C’est Mad. Guyon.

11Qu’Adam avait les 2 natures en soi de mâle et de femelle avant la 1re chute, c’est une chose pleinement prouvée, par Jacob Böhme, Mad. Bourignon, Pierre Poiret, et cela par des preuves évidentes. Lisez Pierre Poiret dans son Œconomie Divine 3e partie chap. 12, comme aussi ses Posthuma dans lesquelles cette vérité est suffisamment prouvée. Voyez aussi les Nouveaux Discours de cet ici Auteur : 1re Partie, Supplém., Disc. 4.

12Sur cette matière et comment l’on doit connaître la volonté de Dieu, vous pouvez lire le Discours 26 de la 2e partie des Nouveaux Discours.

13Lisez Nouveaux Discours ou Témoignage d’un Enfant. 1re partie du supplém., 4e Discours, de même le chap. 15 et le 20.

14Voyez le Chap. 4 et 9. De même nouveaux Discours, 1re Part., Disc. 10 et 11.

15Il est vrai que c’est le péché qui tue mais c’est la loi qui prononce la sentence, laquelle en quelque sorte est le juge qui condamne le Pécheur. Remarque de l’Auteur. Cette matière, depuis le 7e num. jusqu’au 10e, est traitée au long dans l’excellente Explication sur l’Épître aux Romains.

16L’entendement, la volonté, et la mémoire sont ordinairement nommés par les saints mystiques les puissances de l’âme. Lisez Jean de la Croix dans la pratique de l’amour et 32. dans la montée de Carmel dans le 2e Livre, Chap. 6. Lisez aussi les œuvres de Mons. Bertot, 1er Vol., pages 412-419.

17Voyez Mad. Guyon dans ses Réflexions et Explications sur le Nouveau Testament, Tome 8, 147, 148.

18Des Inspirations et Communications de Dieu et des Esprits bons et mauvais. Voyez Chap. 6 et Chap. 37, § 16, 17.

19Voyez l’Explication sur l’Apocalypse de ce même Auteur, Chap. 1, 1.

20VoyezLettres de Mad. Guyon IV. Volume. Lettr. 145. Voyez aussi Let. 106, 124, 125, et les Œuvres Spirituels de Mons. Bertot, IVe Volume, auquel Livre se trouvent encor quelques Lettres de Mad. Guyon, dont la 8e est écrite touchant les Inspirés.

21Ceci est dit à dessein par l’Auteur, disant pour un certain temps, parce que la première purification s’achève dans la Lune selon le contenu du 25e Chap.

22Vide Num. 18, 19, comme aussi le Chap. 24 et 26.

23Jean de la Croix dans son traité de la nuit obscure de l’âme.

24Voyez touchant ceci dans les Chap. suivants.

25Voyez sur cette Matière, Nouv. Discours supplément à la fin du 4e Discours et dans le chap. 20.

26Vulgata Psau. 18, 6. In sole posuit Tabernaculum suum, et ipse tanquam sponsus procedens de Thalamo suo.

27Voyez la Note de l’Auteur sur la fin de ce même Chapitre.

28L’Auteur parle de Mad. Guyon, laquelle a possédé le pur amour de Dieu dans un degré éminent pendant sa vie temporelle ; ses excellents écrits en rendent un témoignage incontestable.

29Voyez nouveaux Discours 2. Partie Discours 12.

30Voyez la Remarque à la fin de ce Chap. et le Chap. 4, § 29. Chap. 24, § 9, etc.

31Hébr. 1, 14. Dan. 3, 28. Chap. 6, 22. Chap. 10, 3, 21, 22, 23. Chap. 12, 1. Matth. 18, 10. Act. 5, 19. Chap. 27, 23. Jude, 9. Le Livre de Tobie 12. Ps. 103, 20. 2 Rois 6, 17. Gen. 32, 12.

 

 

 

 

 

 

 

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