Fleurs de la littérature à la Vierge de l’Assomption

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Arnolfo SANTELLI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN dépit de tant d’odes sataniques et de tant d’ignorance inconsciente, toutes ou presque toutes les intelligences marquantes de tous temps et de tous pays ont rendu hommage à la gloire du Messie Rédempteur.

À l’apothéose de sa digne Mère, se sont unis enfin même les négateurs les plus acerbes, à partir des nestoriens jusqu’aux monophysites. Les cœurs des poètes, d’ordinaire si vibrants, pouvaient-ils manquer de se sentir émus et inspirés, devant une Madone si extraordinaire ?

La vision de la Madone et de ses privilèges dans leur ensemble a toujours touché et enthousiasmé les lyres les plus diverses, au point que parmi les poètes marials, on voit parfois surgir, de temps en temps, des anglicans comme Chaucer, des puritains comme Milton, des bons viveurs comme Byron, des protestants comme Wordsworth, des paganisants comme Browning, des rationalistes comme Ruskin, des Méphisto heureux comme Goethe, des libertins comme Hugo.

Et le critique qui voudrait fouiller les biographes, panégyristes, homélistes, essayistes qui ont, formellement ou en passant, parlé de Notre-Dame de l’Assomption, devrait commencer au temps de la patristique avec S. Modeste et Hippolyte de Thèbes, S. Germain ou saint André de Crète, ou encore avec S. Jean Damascène ou S. Théodore le Studiste ; passer ensuite au Moyen Âge avec les scolastiques comme S. Albert le Grand et S. Bonaventure, ou avec les mystiques comme Ste Angèle de Foligno, s’arrêter au XIVe siècle avec la grande figure de S. Bernardin de Sienne, remonter jusqu’au XVe et XVIe siècle avec d’Agréda et Bossuet.

Enfin, il devrait arriver au XVIIe siècle et à nos temps, avec Catherine Emmerich, Newman, Montsabré, Willam, Scheeben, Campana, Casagrande, Portaluppi, Ravenne et Claudel, sans compter les auteurs de mariologie actuels.

Une armée en somme d’écrivains, et souvent très différents les uns des autres.

 

*     *     *

 

Mais si ces derniers sont les chantres de l’Assomption se servant de la prose, la doxologie de ceux qui l’ont chantée en vers n’est ni moins riche, ni moins considérable.

Parmi les poètes assomptionnistes anglo-saxons, on peut grouper ensemble sous un même drapeau beaucoup de poètes tant catholiques que non catholiques : Beaumont et Vaughan, Ken et Sewell, Longfellow et Southes, suivi de bardes catholiques de la stature d’un Richard Crashaw, d’un Aubrey de Vere, d’un G. M. Hopkins, d’un Charles Phillips et, le meilleur de tous, Francis Thompson, qui écrivit justement un poème sur l’Assomption :

 

        Mortels, quelle femme voyez-vous s’élever entre le soleil et la lune ?

        Est-ce toi qui monte au ciel, ou est-ce le ciel qui monte en Toi ?

 

Celui qui s’aventurerait dans le champ de la littérature française, allemande, et surtout espagnole n’en trouverait pas moins de beautés. Pour l’Espagne seulement, il suffirait en fait de jeter un coup d’œil sur le VIe volume des Estudios Marianos de la Société de Mariologie espagnole pour se trouver en face d’un ruissellement d’hymnes et de poèmes, à partir de ceux de Berceo à ceux d’Alphonse el Sabio ; en passant par ceux de Raymond Lulle jusqu’aux œuvres de Luis Garcia.

Si on passe ensuite à la poésie en l’honneur de Notre-Dame de l’Assomption chez les Italiens, on trouvera encore, sur ce thème céleste, que les concitoyens du Divin Poète qui a tellement exalté la Mère de Dieu et la Reine des cieux ont tout mis en œuvre pour ne pas rester en arrière.

Les premiers chantres de l’Assomption qui apparaissent dans la poésie italienne remontent à l’âge des latins. Nous en avons la preuve dans un vieux Codex du Mont Cassin. Ensuite, arrivent les Laudesi et les premières poésies en langue vulgaire. C’est toute une suite. Jacopone da Todi et l’humble frère Jean, le fier Fazio des Uberti et le sévère Antonio Beccari, les Jésuites du Bx Columbini et le mystique Bianco de Sienne.

Faut-il mentionner l’Alighieri, aussi éternel que son thème, éternel aussi dans l’emportement lyrique de son IIIe Cantique :

 

        Regarde les cercles, jusqu’au plus éloigné,

        Jusqu’à ce que tu y voies la Reine assise,

        À laquelle tout ce royaume est dévotement soumis.

 

Non moins enflammé à dire la gloire de Celle dont la grandeur ne pourra jamais être chantée d’une façon adéquate par personne, Pétrarque laisser éclater son admiration : « Vierge belle ! De soleil vêtue ! » Boccace ne voudrait le céder en rien, tellement que pour célébrer la Vierge, il arrive à nettoyer son style pas toujours propre. La même ferveur d’inspiration dans ce plébiscite marial se révèle chez Pulci, Poliziano, Bembo et Vittoria Colonna, Bernardino Rota. Devant l’Assomption, n’y a-t-il pas jusqu’à la lyre irritée de Savonarole qui prend des accents délicats et bienheureux.

Nous arrivons ainsi à Menzini qui chante :

 

        Vierge belle, aujourd’hui pour Toi

        Apparaît le Capitole éternel.

        Et la grandeur de ton Fils,

        Fixant serein sur toi son œil,

        Asperge d’immortalité ton corps mortel.

 

Voici Chiabrera qui, comme le précédent, en pleine reviviscence de foi en l’Immaculée, et devant les multiples saints du XVIe siècle, s’écrie à la façon de son temps :

 

        Et qui pourra jamais dire

        De combien de milices était orné le camp,

        Lorsque, heureuse, Marie s’avançait

        Dans le grand empire éternel ?

 

Le XVIIe siècle, le siècle des fameuses lumières qui obscurcissaient plus les intelligences qu’elles ne les éclairaient, ne pouvait naturellement donner à l’Italie beaucoup de fruits spirituels, et pour ce qui regarde l’Assomption, seuls G. B. Cotta et quelques autres touchèrent le thème. Dans la ferme contre-offensive catholique déchaînée par la grande âme de Manzoni, et jusqu’à la définition du dogme de l’Immaculée Conception, l’inspiration assomptionniste renaît et resplendit de nouveau.

Ici, en effet, entre le groupe des romantiques et celui des réalistes, comme guidé par le grand Auteur des Hymnes, résonne le chœur du préraphaéliste Rosetti, du souffrant Pellico, de l’épigone manzonien Borghi, qui parle ainsi :

 

        Et puis, là où se rassemble

        Le peuple ressuscité,

        Tu t’es réveillée, ô Divine,

        Dans le sein de l’Impassible...

 

Et du didactique Arici, du non candide Belli, et enfin du satanique Carducci.

Et pendant que même Fogazzaro salue Notre-Dame de l’Assomption :

 

        Mère des cieux,

        Suave Reine,

        Pleine de grâce,

 

Graf la voit monter au ciel « sans tache », dans « la splendeur de la lumière incréée » parmi les bienheureux « éternellement bienheureuse ».

Puis sur le monde aveuglé s’abat la plaie la plus infernale que l’Ennemi de l’homme pouvait concevoir pour le genre humain : le matérialisme qui vide le monde de tout ce qui est transcendant, le réduit à un être privé de lumière de pensée et à un animal dépourvu de sens moral. Et dans les cris assourdissants de cet ignoble festin d’automates et de singes, pendant que la poésie se retire à l’ombre, les strophes qui veulent exalter la Mère de ce Dieu que le monde nie comme l’assassin nie son témoin, se font de plus en plus terre à terre et sans inspiration.

Cependant, même de nos jours, les voix autorisées ne manquent pas. Citons Barbieri, Calcara, par exemple. Ou encore Novaro, Manacorda, et Fabio Gualdo qui, sur l’Assomption, nous a trouvé ce joyau authentique :

 

        Les cieux avaient besoin de ton sourire,

        Les cieux n’étaient pas cieux sans Toi.

 

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Le Dogme de l’Assomption, solennellement défini par Pie XII aux derniers jours de la grande ferveur jubilaire, rallumera-t-il le grand feu de foi mariale qui un jour fit la sagesse et la gloire de nos bardes, sur toutes les terres ? Nous le souhaitons.

 

 

 

Arnolfo SANTELLI.

 

Paru dans la revue Marie

en mars-avril 1951.

 

 

 

 

 

 

 

 

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