Daniel Stern, Comtesse d’Agoult
(1806-1876)
Notice biographique extraite de :
Alphonse SÉCHÉ, Les Muses françaises.
Marie-Catherine-Sophie de Flavigny, comtesse d’Agoult, connue en littérature sous le nom de Daniel Stern, naquit le 1er janvier 1806 à Francfort-sur-le-Mein. Française par son père, d’une ancienne et très noble maison, elle était de sang allemand par sa mère, Marie Berthmann, fille d’un riche banquier de Francfort.
Elle vint en France peu après sa naissance et reçut une éducation des plus soignées, d’abord dans sa famille, puis, vers 16 ans, au Sacré-Cœur. Mais ses vrais maîtres, elle sut se les choisir elle-même : ce furent les livres, les livres sérieux auxquels elle avait pris goût de bonne heure.
À vingt ans on la maria au comte Charles d’Agoult, colonel de cavalerie et premier écuyer de Mme la Dauphine.
Très belle et d’esprit indépendant, peu soumise aux traditions de sa caste, étrangère par ses goûts et ses plus secrètes pensées au milieu dans lequel elle vivait, la comtesse d’Agoult finit, peu après la Révolution de 1830, par rompre tous les liens qui l’y attachaient.
Elle quitta la France en 1835 pour suivre Liszt en Italie. Elle revint à Paris en 1840, seule et désenchantée.
C’est à cette époque que nous voyons paraître pour la première fois son pseudonyme de Daniel Stern dans la Presse où elle débute par un roman, Hervé, et par des comptes rendus des salons de 1842 et 1843.
Daniel Stern s’est exercée avec succès dans l’histoire, la critique d’art, le roman, le théâtre, la philosophie, la poésie. Elle a touché aux plus graves questions de la morale et de la politique, marchant sur les traces de La Rochefoucauld et de Vauvenargues.
Barbey d’Aurevilly disait de Mme d’Agoult : « Ce n’est pas un bas bleu, c’est mieux que cela ou pis, c’est un pantalon bleu, le pantalon du blumérisme américain. » Mais ce n’est là qu’une de ces boutades où excellait Barbey. La vérité, c’est que Mme d’Agoult était une femme vraiment supérieure.
De 1860 à 1870, Mme d’Agoult eut à Paris un salon des plus suivis. Par son esprit, l’élévation de son caractère et l’étendue de sa culture, Mme d’Agoult avait su grouper autour d’elle les personnalités les plus considérables des arts, des lettres et de la politique. Sainte-Beuve, qui eut un goût très fort pour elle, l’appelait « la Corinne du quai Malaquais ».
Nous trouvons dans les Souvenirs d’Aphilis, ancien conseiller d’État, l’intéressante appréciation suivante, sur le salon de Mme d’Agoult :
« Avec Daniel Stern a disparu une chose rare et unique à Paris, un salon vraiment neutre, un terrain réservé, une sorte de lieu d’asile, où, pendant dix années, nous avons vu les opinions les plus divergentes se rencontrer sans se heurter, et cela grâce au tact infini de celle qui le présidait, à son art de manier les personnalités et de fondre les nuances. Je n’ai connu Mme la comtesse d’Agoult que lorsqu’elle avait atteint, suivant sa spirituelle expression, « l’âge d’homme ». C’était en 1859, après le mariage d'Émile Ollivier avec sa charmante fille Blandine, si prématurément enlevée trois ans plus tard. Rien, à cette époque, dans ses dehors, ne trahissait les orages qui avaient troublé son existence de femme... Rien non plus ne décelait en elle la femme auteur. Sa taille élevée et noble, son port un peu altier, les lignes pures de son visage, son front pensif surmonté d'une couronne de cheveux d’argent, tout imprimait à sa personne un air d'une gravité particulière... »
Quant aux poésies de Daniel Stern, elles sont en très petit nombre et ont été publiées à la suite d’une réédition des Esquisses Morales (Paris, 1880), faite après la mort de Daniel Stern, qui survint le 5 mars 1876.
Elle repose au Père-Lachaise ; son tombeau est un chef-d’œuvre de Chapu.