Harlette Hayem-Gregh

(1881-?)

Notice biographique extraite de :

Alphonse SÉCHÉ, Les Muses françaises.

Mme Fernand Gregh, née Harlette Hayem, est Parisienne; elle naquit au mois d’octobre 1881. Mme Gregh a signé divers articles de critique du pseudonyme d’Henry Chalgrain, sous lequel son mari avait débuté à dix-huit ans. Ses premiers vers, – ses premiers vers publiés mais non pas les premiers écrits – parurent en décembre 1905, dans La Revue de Paris.

Puisqu’elle n’avait rien édité avant son mariage, il était naturel qu’elle signe son premier livre de son nom de femme, cependant, prenant exemple sur tant d’autres écrivains féminins, elle aurait pu joindre son prénom au nom de son mari. Or, pas du tout, l’auteur de Jeunesse a préféré signer son livre : Madame Fernand Gregh. Il y a, à mon sens, toute une profession de foi dans le choix de cette signature, tout un idéal social et moral qui s’affirme. Dès l’abord, et avant même d’avoir ouvert le livre, il m’a semblé reconnaître là la modestie et l’effacement volontaire de la femme aimante, aimée et heureuse qui oublie sa personnalité le plus qu’elle peut pour se fondre mieux dans la personnalité plus forte de l’homme auquel elle a voué sa vie; il m’a semblé qu’il y avait, dans cet effacement, comme un désir de faire savoir qu’on ne regrette rien d’un passé encore proche, que jamais on ne tourne la tête avec mélancolie vers la gracieuse et insouciante jeune fille qui respirait les fleurs avec délices, courait dans le clair matin… portant en elle tout un essaim de rêves merveilleux.

La lecture du recueil de Mme Fernand Gregh n’a rien changé de ce premier sentiment. Ces poèmes, graves et familiers à la fois, nous révèlent une âme exempte de tout romanesque et même de tout romantisme, une âme sensible, charitable et heureuse sans débordement lyrique. Le bonheur, Mme Gregh le trouve tout autour d’elle, dans sa maison, dans les livres, dans la nature, dans elle-même; elle le trouve dans son dévouement maternel, dans l’affection profonde qu’elle porte à son mari.

« Ce qui m’a frappé, d’abord, en Mme Fernand Gregh, – écrit Auguste Dorchain, – c’est que, très artiste, l’art ne lui semble point, pourtant, devoir passer avant la vie : la vie vaut par elle-même; la bien vivre vaut mieux encore que la bien chanter; au-dessus de la gloire, il y a l’amour. »

Oui. Cependant, Mme Fernand Gregh n’a rien d’une grande amoureuse : elle est pleine d’une infinie tendresse, mais elle est sans passion. Si elle veut aimer et qu’on l’aime, c’est qu’elle sait que rien n’égale l’amour dans la vie… dans la vie d’une femme surtout ! Des Hélène Picard, des Jeanne Catulle-Mendès, des Burnat-Provins, des Valentine de Saint-Point, sont plus amantes encore que femmes; l’auteur de Jeunesse, elle, est plus femme qu’amante, c’est-à-dire qu’elle est avant tout l’épouse, celle qui se dévoue et tire toute sa joie de son dévouement et de sa confiance en l’homme qu’elle a choisi :

Pour les femmes encor, la suprême victoire,

Est de trouver la vie à qui se dévouer !

C’était déjà là son idéal, alors qu’elle était jeune fille, que son âme inhabitée était avide d’amour et qu’elle interrogeait son cœur.

Elle disait :

..........................................................Je ne réclame

Que de me blottir toute en un seul cœur humain !

Et, lorsqu’elle eut réalisé son cher et tendre vœu, il y eut tant de calme joie en son âme, qu’elle fut sans désir devant la vie. Connaissant tout le prix de son bonheur, et peut-être pour en jour davantage, elle recueillit sa pensée, ses yeux prirent une expression plus grave, elle aima la méditation. Alors elle entendit chanter la Muse.

Le don de poésie lui était venu avant l’amour, mais l’amour en fit plus abondante la source, en lui révélant tout son cœur. Et comme elle eut toujours le goût très moderne de la nature, cet amour des choses, elle l’associa à ses sentiments les plus intimes, faisant de tout cela de la beauté, trouvant dans tout cela son bonheur. Marcel Ballot dit très justement à son propos : « Sa personnalité, toujours à demi voilée, s’estompe, se disperse en un rayonnement sans cesse élargi; et, pour ce cœur très féminin, riche d’enthousiasmes ou de compassions, la vie intime, ou amoureuse, ou familiale tient étroitement à celle de la Nature et de l’Humanité. Fraternisant avec la souffrance et la beauté universelles, il ne sera troublé que par l’angoisse de la course à la mort, par l'effroi de l’irrémédiable isolement et du perpétuel devenir auxquels nous sommes condamnés. »

Les vers de Mme Fernand Gregh, où l’influence heureuse de l’auteur de la Maison de l’Enfance se retrouve ici et là, sont quelque peu parnassiens par la forme, mais ils joignent à la plastique des mots et des images une émotion personnelle très moderne. Le sens descriptif de Mme Gregh est évident, elle voit la nature et la vie d’une façon objective; cependant, par un retour brusque de pensée, elle ramène toujours à elle ses sensations et, souvent, elle tire de ce rapprochement, du parallélisme des choses et de ses sentiments, une philosophie infiniment douce et compatissante.

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Notice biographique extraite de :

Gérard WALCH, Poètes nouveaux, Delagrave, 1924.

Mme Harlette Fernand Gregh, femme du poète, née le 6 octobre 1882 à Paris, est fille d’Armand Hayem, lui-même écrivain, auteur de Don Juan, du Don Juanisme, du Mariage, du Principe des Nationalités, etc., ami de Gobineau et de Barbey d’Aurevilly. Son prénom d’Harlette lui fut donné par ce dernier. Elle épousa Fernand Gregh le 23 mars 1903.

Comme tous les vrais poètes, Harlette Gregh a le sens profond de l’existence. Sa poésie est une poésie de sentiment et de sincérité. Elle traduit fidèlement la vie qui est en elle; sa franchise ne nous laisse rien ignorer de sa pensée et de son coeur. Aussi son livre Jeunesse offre-t-il tout l’intérêt d’un journal intime : une jeune femme heureuse, « possédant tout le bonheur qu’on peut avoir », note ses impressions à mesure qu’elles se produisent, alors que rien n’est venu altérer leur première fraîcheur. Une âme s’y dévoile qui se veut digne d’être aimée et estimée, une âme tendre, attristée par ses méditations, mais « sans chagrin », docile à la vie, harmonieuse et grave de cette gravité douce que confère aux élus le souvenir des luttes quotidiennes.

Harlette Gregh a collaboré à la Revue des Poètes, aux Lettres, au Mouvement, à la Revue de Paris, etc.