La Trinité

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

SÉDIR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ENTRE toutes les images de Lui-même que l’Absolu a offertes aux hommes, la Trinité chrétienne est la plus vivante et aussi la plus haute. Croyez cela, en attendant que, quelque jour, j’essaie de disséquer, devant ceux d’entre vous qui s’intéressent à ces choses, les synthèses des brahmanes, des taoïstes, des kabbalistes ou des pythagoriciens.

Elles ne se ressemblent qu’en apparence. Chacune, vraie quant à sa propre fin, est un monde spécial et le centre d’un monde ; les termes de chacune sont vivants d’un mode propre de la vie créée, d’un reflet individuel de la vie absolue.

Contentons-nous de savoir que Dieu de qui tout provient, c’est le Père ; que Dieu, par qui tout subsiste, c’est le Fils ; que Dieu en qui tout s’harmonise, c’est l’Esprit.

Le Père, c’est la puissance, l’immutabilité, l’unité, la création.

Le Fils, c’est la sagesse, la beauté, le mouvement, la génération.

L’Esprit, c’est l’amour, la vérité, la concorde, la relation.

Or, une parenté mystérieuse existe entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu. Celui-ci joint, par une procession continue, les innombrables vouloirs simultanés de la Cause des causes qui est le Père aux innombrables phénomènes successifs de la vie universelle qui sont les actes du Fils.

L’esprit de l’homme joint, par une autre procession continue, l’âme éternelle, principe permanent de notre être, avec toutes les opérations du moi qui font notre vie personnelle. C’est sur lui d’abord que l’Esprit Saint descend ; c’est lui d’abord qui en reçoit le conseil et la consolation ; c’est pour lui que le Paraclet intercède et plaide, qu’Il accompagne le moi, l’instruit et l’encourage. De même que l’Esprit Saint est l’amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père, de même l’esprit de l’homme est le double amour de l’âme et du moi. De même que l’Esprit Saint, après Sa descente à la suite du Fils, remonte vers le Père, entraînant avec Soi le concert universel des créatures, de même l’esprit de l’homme, après avoir apporté au moi la lumière de l’âme, remporte à l’âme l’essence de tous les efforts du moi.

L’Esprit, la Liberté, la Vérité sont une même substance ; par elle seule peut croître au centre inconnaissable de l’être conscient le germe du libre arbitre que le Père lui confia dès l’origine. Par l’Esprit seul l’intellect peut saisir le vrai, ce sextuple rapport infiniment fugace des objets à percevoir avec les organes de perception et avec les milieux intermédiaires.

 

 

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Voilà pourquoi Jésus promet la béatitude aux pauvres en esprit ; eux seuls, parce qu’ils savent ne pas s’enorgueillir de leurs dons naturels, sont aptes aux plénitudes surnaturelles. Eux seuls, se tenant nus devant la Gloire, peuvent revêtir, comme autant de robes brillantes, les vertus inconcevables du Paraclet. Eux seuls, habitués aux ténèbres éclatantes de la foi, perçoivent sans altération les formes vraies des créatures. Seuls, les pauvres en esprit possèdent l’omniscience, l’omnipotence et la béatitude.

C’est par l’Esprit, messager fidèle du Père et du Fils, que notre intellect, assumé jusqu’à l’éternel présent, revoit le passé, pénètre le futur, et prophétise. C’est par l’Esprit que le disciple chasse les démons, guérit les malades, remet les péchés, détourne les catastrophes, entend le langage des créatures muettes et des invisibles et se fait comprendre d’elles. C’est par l’Esprit que se forme en nous la connaissance de Dieu et celle de Jésus. C’est l’Esprit qui fait jaillir la prière du roc dur de nos cœurs.

Il nous libère trois fois : par le savoir vivant, Il dissipe l’illusion multiforme du sensible ; en faisant exaucer nos prières, Il nous affranchit de l’illusion de la force ; en nous engendrant à l’Amour, Il brise les chaînes de la Loi. Sans l’Esprit, nous obéissons par la crainte de la Justice ou par l’appât de la récompense. Avec l’Esprit, nous obéissons par amour ; ou plutôt nous n’obéissons plus, nous sommes en Dieu, nous devançons Ses ordres, nous œuvrons dans l’ivresse pure de l’Unité.

L’Esprit Se communique par sept modes, disent les théologiens ; mais nul n’a défini ces dons ; sans doute parce que nul encore ne les a reçus intégralement. La sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété, la crainte de Dieu, ce ne sont encore pour notre cécité que des mots interchangeables ; les docteurs les expliquent comme ils peuvent. Il faut remercier de cette ignorance la bonté divine, car, si nous connaissions l’Esprit, nous pourrions L’offenser et nous serions perdus. Tout ce que je puis dire des semences surnaturelles, c’est que, déposées par Jésus dans cette Terre des Vivants dont nous ignorons jusqu’à l’existence au centre de nous-mêmes, elles y croissent silencieusement si notre mauvaise conduite ne les étouffe pas et elles nous mènent à une transformation générale de notre être, jusques et y compris notre corps. Leurs fruits, ce sont nos actes, quand Dieu seul vit en nous. Alors les lois naturelles se soumettent à nos prières, les voiles tombent et toute créature répond et obéit.

Je vous ai expliqué ailleurs comment les prodiges des vieux ésotérismes ne sont que les images artificielles des miracles christiques.

Représentons-nous le Père immuable au sein de Son éternité ; la descente prodigieuse du Fils à travers les zodiaques et les sphères innombrables, parmi les prosternements extasiés des anges et des dieux, parmi l’adoration des races inconnues, et la terreur des démons interdits. Puis le sillage subtil de l’Esprit à la suite du Fils, de plus en plus vaste et profond, à mesure que Jésus accepte des martyres nouveaux et qu’Il rend, sur de plus nombreuses terres, de plus affirmatifs témoignages.

Collectivement, l’effusion de l’Esprit reste progressive. Chez les êtres d’exception elle est soudaine et plénière ; la personne humaine en reçoit tout ce qu’elle peut contenir, une mesure débordante et surabondante, mais bien petite cependant au regard de ce qu’elle sera dans le Royaume. La Vierge, Zacharie, Élisabeth, le Baptiste, les apôtres, les disciples, des païens même en ont été « remplis » ; et, aux derniers jours, après les gigantesques bouleversements, le Consolateur visitera toute chair pour la préparer aux gloires de la régénération authentique ; et, par Son influence très secrète, les disciples visibles ou invisibles avec leurs collaborateurs auxiliaires s’agrégeront pour ne plus former qu’un seul corps et un seul esprit.

L’Esprit est le vivant ; si légèrement qu’Il passe sur un cœur, sur une chose, sur un corps social, Il y laisse un parfum durable ; Il continue d’y affluer et en envahit les alentours. Regardez, par exemple, notre vieille France ; si vous être trop jeunes pour avoir connu son ancien peuple, relisez Michelet, historien inexact, partial, visionnaire au dire de l’école moderne, mais français jusqu’aux moelles.

Nous étions autrefois profondément chrétiens. Il y a beaucoup plus de christianisme vrai chez Villon, chez Bayle, chez les encyclopédistes que chez les membres de l’actuelle Action Française. Le statut du peuple de France était pondéré, patient, économe, content de son sort ; où est l’ouvrier d’aujourd’hui qui chante en allant à l’usine ? Les salaires étaient ridiculement bas ; on élevait tout de même des enfants. Il n’y avait ni le bar, ni le café-concert, ni le grand magasin ; on aimait son travail ; l’idée du sabotage ne serait pas entrée dans la tête de ces travailleurs ; gâcher des outils, gâcher des matières premières leur aurait semblé folie pure ; leur ouvrage, c’était leur honneur.

De cet honneur-là naissaient leur bon sens et leur finesse, leur courtoisie et leur franc parler, leur respect de la femme, du vieillard, de l’enfant, leur vénération du foyer. Leur vie entière, le métier, le labour, le repas, le baptême et le catéchisme, les accordailles et les funérailles, la fête du lieu et le train-train des voisinages, tout était tradition, legs, enseignement sans phrases, tout français, tout christique : des Français, fils de la Celtide, de la Gaule et de Rome ; des chrétiens, fils du Fils du Charpentier.

Tout cela, c’était l’œuvre de l’Esprit, œuvre interrompue depuis le milieu du XIXe siècle, mais que nos petits-fils verront renaître.

 

 

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Ces gages de notre béatitude et de notre liberté futures, le Christ nous les donne doucement, avec une tendresse précautionneuse ; Son Esprit nous environne de mille manières ; Il Se cache, pour ne pas nous éblouir, derrière les fantômes phosphorescents de la Science, de l’Art ou de la Pensée dont la splendeur n’est toutefois que la fumeuse aurore des matins magnifiques sur les collines éternelles.

Il y a bien l’éclairement progressif dans tous les modes de la vie terrestre dû à la force évolutive donnée aux êtres dès leur création. Mais chacun ne peut dépasser sa limite ; et puis, on se trompe si souvent. Si l’inflexible Justice régnait seule, on serait obligé à d’interminables retours, en vue de reprendre les travaux mal finis, de retrouver la bonne voie, de réparer nos déprédations. Mais Jésus et Sa Mère et l’Esprit interviennent, avec leurs miséricordes sur-créaturelles, divines, extraordinaires, gratuites, infiniment riches, précises et variées.

Quand le Consolateur S’empare d’un homme et le sacre héraut de l’Intelligence ou ambassadeur du Beau, cela se nomme le génie. Quand il trouve un cœur tout brûlant du désir de Dieu, Il le désaltère à la source éternelle et cela se nomme la sainteté. Le saint et le génial respirent les mêmes souffles ; ils se les assimilent différemment.

L’un et l’autre sont inclassables, inattendus, illogiques et les fruits essentiels de leurs efforts, imprévisibles. Et, si le Verbe total S’incarna dans le sein de la Vierge « par l’opération de l’Esprit », les étincelles ultérieures et fragmentaires de ce Verbe se sont depuis incarnées, s’incarnent et s’incarneront toujours par autant d’opérations spéciales du même Esprit divin.

Tels sont les principaux témoignages que rend l’Esprit. Le Fils témoigne du Père ; l’Esprit témoigne du Fils ; l’eau et le sang témoignent de l’Esprit. L’eau, c’est toute cette immense Nature que le Verbe a construite ; c’est aussi la Vierge-Mère. Le sang, c’est la souffrance universelle qui se prosterne en hommage-lige aux pieds du seul Martyr innocent. Et le concert de ces témoignages réciproques organise, le long de la durée, l’harmonie où se résoudront au dernier jour les clameurs enfin concordantes des mondes et de leurs habitants.

 

 

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Essaierons-nous de réduire ces immenses perspectives à nos petites utilités quotidiennes ? La prière seule en offre le moyen.

C’est le Paraclet qui implore en nous « par des soupirs ineffables » ; c’est Lui l’adorateur secret par qui monte la pure oraison ; silencieuse, encore que notre voix l’accompagne ; spontanée, encore que nous forcions le moi de se mettre à genoux ; libre, encore que la douleur nous contraigne ; toute belle, encore que nous soyons laids. Comment dire l’arcane de la prière ? Et, le pouvant, devrais-je le dévoiler ?

L’adoration en esprit, c’est le libre prosternement de l’Amour ; l’adoration en vérité, c’est la ferveur de nos fatigues ; notre cœur aride, notre bouche balbutiante, nos mains lasses, voilà l’or et l’encens et la myrrhe que l’enfant Jésus, couché dans l’étable du moi, accepte avec un sourire et qu’Il présente au Père.

Les rites restent des symboles, s’ils ne sont nourris par les œuvres et animés par l’Amour. Seuls, ce pain et ce vin mystiques communiquent leur vigueur aux liturgies et les rendent capables d’emporter notre âme jusqu’au seuil de la Gloire. L’usage des sacrements, lorsqu’il a lieu sans l’effort ascétique, sans l’obéissance au devoir, est un triple péché : péché de paresse, péché d’hypocrisie, péché de profanation. C’est le galvaudage du secours divin ; et quelles foules ne se sont pas rendues coupables de ces indignes et illusoires expédients ?

Entre les diverses religions, le christianisme ; entre les religions chrétiennes, le catholicisme sont les plus complètes et les plus saines. Toutefois, il faut avouer qu’aucune Église n’est ce qu’elle devrait être. La grecque est malade d’apathie ; la protestante se stérilise par l’abus de l’exégèse et du libre examen ; quant à la catholique, sainte Hildegarde, saint Bernard, sainte Catherine de Sienne, saint Vincent de Paul, le curé d’Ars, combien d’autres encore ont pleuré sur ses fautes ; les dévotions parasites l’envahissent de plus en plus ; le virus de la propagande et du succès l’empoisonne ; et que pourrais-je dire encore ?...

Mais il vaut mieux me souvenir du très patient Jardinier qui ne brise point le roseau demi rompu. Laissons les polémiques, les controverses et les apologies. Jésus n’a besoin ni de conférenciers ni de professeurs ; c’est des apôtres qu’Il cherche, des ouvriers dans Sa vigne. Exprimons notre vérité, vivons-la surtout ; dans la mesure où nous la ferons identique à la Vérité, elle se défendra toute seule et elle triomphera.

Si nous apercevons chez nos interlocuteurs une préférence, une simple tendance même vers une forme religieuse, cela signifie qu’elle leur sera meilleure que l’austère religion de l’esprit ; encore que la religion de l’esprit ne paraît aride qu’à ceux qui n’y entrent point. Il faut donc guider les gens vers ce qui leur semble bon ; il faut leur expliquer le culte qu’ils désirent et faire qu’ils y découvrent Dieu. Surtout il faut leur faire comprendre que, dans le spirituel non plus, on ne peut pas courir deux lièvres à la fois. Pour bénéficier d’une lumière, il faut entrer corps et âme dans la phalange qu’elle éclaire. Impossible d’être à la fois catholique et protestant, catholique et spirite, catholique et théosophe. Il faut choisir. Si l’on se décide pour le catholicisme, il faut accepter tout ce que l’Église commande et renoncer à tout ce qu’elle défend ; sinon l’on perd le bénéfice des deux ou trois collectifs spirituels dont on espérait un profit.

Mais, je le répète, la pire erreur d’un trop grand nombre de chrétiens, c’est de se croire tels parce qu’ils vont régulièrement à la messe, sans quitter leurs médisances, leurs avarices, leurs ruses, leurs duretés pour les petits, leurs vanités, leurs arrivismes. L’Église est assez grande et assez belle pour que ses fils puissent entendre quelques critiques sans l’aimer moins. Or, si elle déclare indispensables la prière et l’usage des sacrements, redit-elle avec une force suffisante que ne pas se donner de peine, oublier les malheureux, remplacer cette paresse par des stations aux offices, c’est une hypocrisie ? Demander à Dieu une heureuse fortune sans vouloir prendre la peine nécessaire, ne serait-ce pas Lui imposer de Se faire complice de notre fainéantise ? Aide-toi, le Ciel t’aidera.

Entre l’incrédule qui s’exténuerait à secourir les autres et à vivre en honnête homme et le dévot scrupuleux qui resterait dans un égoïsme confortable ou dans une orgueilleuse dureté, c’est l’incrédule le plus chrétien des deux ; car Jésus a surtout prêché l’action et par l’action. Les œuvres sont indispensables ; la foi toute seule ne sert que comme préparatrice ; l’Évangile proclame à chaque page l’indispensable nécessité des actes. Votre devoir est de la redire, surtout pas vos exemples.

Quant à ceux qui n’éprouvent pas le besoin des rites, le Christ ne les condamnera point, pourvu qu’ils accomplissent le précepte de la charité, qu’ils ne se jugent pas supérieurs aux pratiquants, qu’ils travaillent uniquement pour le Ciel. Si telle est votre opinion, ayez la sagesse de ne pas éloigner des liturgies d’autres qui les aiment et qui en reçoivent d’utiles secours. Ayez de plus une ardeur double à servir Dieu, et pour ce que Lui doit tout chrétien et pour ce que vous Lui devez en plus, à cause de votre titre d’amis de Son Fils. C’est un titre lourd à porter que celui-là, surtout si l’on songe que Jésus le confère souvent par anticipation ; une terrible responsabilité vous échoit ; vous vous trouvez sur une plateforme d’où vos actes et vos sentiments retentissent bien plus loin que vous ne le soupçonnez. Vous rayonnez sans le vouloir, par le seul fait que vous appartenez à Jésus. Ne cherchez pas à devenir conscients de cette influence ; n’appliquez votre énergie qu’à la seule tâche de vous rendre tout à fait dociles aux préparations que le Maître pourra vous faire subir. Nous sommes par nature des animaux tour à tour féroces et rampants ; il faut nous dompter ; c’est le seul travail que Dieu nous demande, ou plutôt il l’exige ; et, si nous ne nous y appliquons pas de bon gré, Il a mille moyens de nous y contraindre.

Cette tyrannie et cette violence sur soi-même sont nécessaires pour devenir des disciples. Un disciple doit tout comprendre, tout excuser, tout accepter, se plier à tout. Il garde le droit de se taire quant à sa vie intérieure : « Mon secret est à moi », disait sainte Thérèse. Mais il prend soin de ne jamais scandaliser ces âmes innocentes, si précieuses à la Vierge, qui ne séparent point la religion de ses formes cultuelles, qui n’aperçoivent pas le vrai visage d’un si grand nombre de pieux discours et qui ne comprennent pas que Dieu puisse nous entendre par-dessus la tête des prêtres.

Le disciple se conforme strictement à la maxime : « Ne jugez pas. » Il s’interdit toute critique ; il doit même s’interdire le sentiment inexprimé du blâme. Qu’il obéisse comme son Maître à toutes les lois, à toutes les coutumes ; pour se dompter à fond, pour obéir, pour surpasser l’obéissance. De même qu’il se soumet aux lois civiles, il assiste à la messe, il fait baptiser ses enfants, pour ne pas scandaliser, pour « ne pas éteindre le lumignon qui fume encore » ; peut-être que la très humble prière de ce disciple, coulée au moule rigide du rit, le réanimera et lui redonnera la jeune ardeur qui l’exaltait autrefois. Car rien ne disparaît de cette terre, pas un être, pas une idée, pas une institution, qu’après avoir parcouru toute sa carrière, qu’après avoir lassé la patience de la Justice et la tendre ingéniosité de la Miséricorde.

Ainsi donc, encore que vous ne puissiez pas ne pas voir les sophistications possibles des maximes du Christ, ne blâmez jamais les prêtres. La plupart sont écrasés sous la charge énorme du sacerdoce. L’Adversaire dresse contre eux ses batteries les plus puissantes et tend sous leurs pas ses pièges les plus subtils ; ils portent une effrayante responsabilité ; ne les jugez pas ; admirez plutôt le zèle de quelques-uns d’entre eux et, si vous ne croyez pas que leur ministère vous soit utile, comprenez au moins que votre zèle doit dépasser le leur, et mesurez si seulement il l’égale.

Il est facile de dire : la messe, la confession, c’est pour les gens extérieurs, qui ne savent pas joindre Dieu sans intermédiaire. Oui, sans doute ; mais vous, est-ce que vous le joignez, ce Dieu, cependant si près de vous ? Ah ! devenons humbles ; l’orgueil transsude par tous nos pores ; jetons-nous dans les précipices intérieurs de l’humilité ; il faut se sentir bien petit, bien nu, bien misérable pour que le Consolateur descende.

Donc, si l’on vous parle de l’Église, des prêtres, des dévotions, bornez-vous à redire les trois principes sur lesquels tous les théologiens tombent d’accord et que Jésus a proclamés : croire, aider les autres, prier. Redites que Jésus nous aime, que Son unique désir est de gagner notre amour, que cette béatitude est offerte à tous. Portez le fardeau des faibles, réchauffez les tièdes, rétablissez partout l’harmonie, évitez toute parole d’où puisse naître la méfiance. Votre tâche n’est pas de faire travailler, mais de travailler pour les autres, comme Jésus fait pour vous et pour tous.

Les durs reproches qu’Il n’épargna point aux prêtres de Son temps, Il pourrait les redire, hélas ! encore aujourd’hui. Mais vous n’êtes que Ses disciples, de tout petits disciples ; vous ne savez même pas l’alphabet du Livre de Vie. Ce n’est pas votre affaire que la critique. Tournez vos blâmes contre vous-mêmes. Sondez votre néant. Le bien que vous faites, ce n’est pas vous, c’est Jésus qui l’accomplit par vous. Les luttes les plus âpres contre nos vices, les débats les plus désespérés contre nos égoïsmes ne sont pas plus que le cri lancé vers Dieu par notre bon vouloir. Regardez les saints et tous ceux qui ravivèrent de leur propre substance la flamme mourante du mystique flambeau ; ce furent des hommes d’une volonté formidable ; et tous se sont crus des ignorants et des impuissants.

Fermez vos yeux au Mal ; ne les ouvrez qu’au Bien, emplissez-les des splendeurs du Beau ; loin de vous mettre à l’affût des critiques, recherchez des noblesses pour les admirer ; si mesquin que soit le monde, elles ne manquent pas. Que votre intelligence, votre sensibilité, votre amour accueillent tout ce qui s’offre ; mais pesez tout à la balance de l’Esprit.

Le Maître du champ laisse croître ensemble l’ivraie et le bon grain ; ce n’est pas l’homme qui moissonne ; c’est d’autres êtres. Ne vous occupez que d’aider le froment à bien mûrir. Comme le Père donne à tous Sa vie, Son soleil, Sa joie, donnez aussi à tous ce qu’ils vous demandent essentiellement à travers leurs demandes apparentes ; je veux dire le secours fraternel et l’affectueuse exhortation vers les certitudes ineffables que vous avez reçues.

 

 

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Pour recevoir la semence imperceptible de l’Éternité, plus précieuse que tous les soleils, la chair et la nature doivent être labourées jusque dans leurs entrailles. Il faut que l’homme subisse dans l’ignorance le soc de la douleur. Parce que l’ignorance engendre la foi ; et la foi, c’est quelque chose de si extraordinaire que nul docteur n’a encore su en donner l’idée. Disons, si vous voulez, que c’est la force par laquelle le Père ordonne que le monde soit. C’est, en nous, la vertu du Père, comme l’amour est la vertu du Fils, l’espérance, la vertu de l’Esprit, et l’humilité, la vertu de la Vierge.

Quels êtres prodigieux nous serons quand un peu de foi vivra en nous ! Tout nous sera possible sur la terre ; nous serons ses dieux, mais nous ne le saurons pas, et l’ignorance bienfaisante sera là encore pour nous sauver du satanique orgueil.

Ce monde, le genre humain, la nature, c’est la matière première, une et triple, d’un immense grand œuvre, dont le Fils est l’alchimiste et l’Esprit, le feu secret. Cette matière inerte, impure et lourde, se complaît dans sa grossièreté ; elle ne veut pas devenir radieuse. Toutefois, son Alchimiste l’aime pour la subtile essence qui s’y cache ; Il la voudrait splendide ; Il voudrait qu’elle se prête à Ses desseins ; elle Lui résiste ; elle ne veut que son propre croupissement ; et son obstination la condamne à souffrir, parce qu’il faut qu’elle évolue. Or son Maître, qui la prend en pitié, S’ingénie à la rendre ductile.

Mais plus elle s’endurcit, plus Il l’aime, et désire la sauver malgré elle. Il invente un expédient admirable ; Il descend vers elle. Il lui infuse Sa propre lumière vitale, Il S’y incorpore secrètement, sans qu’elle le sache, et Il S’offre aux dévorations lentes de ce Feu purificateur qu’Il a Lui-même allumé. Ainsi le Christ a le droit de dire : « Je suis venu mettre le feu sur la terre ! Ah ! que je voudrais qu’il fût déjà allumé ! »

Essayons d’apercevoir le mécanisme mystérieux de ces transmutations.

 

 

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Ce Verbe, consubstantiel à l’Esprit, égal à l’Esprit, de même nature que Lui, est cependant Son maître, puisqu’Il nous donne la promesse : « Je vous enverrai le Consolateur. » D’autre part, l’Esprit obéira-t-Il puisqu’« Il souffle où Il veut » ? Voilà un premier antagonisme.

Ensuite, le Verbe, qui est le maître de l’Esprit, Se fait volontairement Sa victime, puisqu’Il Se sacrifie par amour et que l’amour en Dieu, c’est l’Esprit.

Enfin le maître et le serviteur, la victime et le sacrificateur s’unissent en secret, dans la collaboration la plus intime, pour forcer le genre humain de prendre la voie du salut.

Contemplons les illogismes étonnants du Père qui veut voir les brebis revenir au bercail de leur plein gré. Jésus, qui est le Père sous Sa forme de Pasteur, descend jusqu’ici-bas, chargé de tous les trésors divins et naturels, Se dépouille de tout, donne tout à tous ; Il lègue aux hommes jusqu’à Sa Mère ; déjà martyrisé sur la croix universelle des quatre souffles de l’Esprit, Il en arrive à la croix du Golgotha. Lorsqu’Il implorait Son Père dans le silence nocturne des montagnes galiléennes, l’ombre de Ses bras levés préfigurait l’arbre cruciforme auquel l’Amour devait bientôt Le suspendre. C’est pour les hommes seulement que l’Esprit S’intitule Consolateur. Pour Dieu, l’Esprit, qui est la Gloire, combat la Justice, qui est le Christ, juste Juge. L’Amour, qui est l’Esprit, combat la Sagesse, qui est le Verbe formateur du monde. Et, cependant, ces Deux ne sont qu’un, et les Trois encore ne sont que le même Être unique préexistant à tout, indépendant de tout, mais par compassion infusé en tout.

Ainsi, les personnes divines agissent dans le monde selon des modes déconcertants pour notre logique. L’argile ne comprend pas dans quel but les doigts du potier la façonnent. Essayons d’être une argile intelligente.

 

 

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Pendant la descente du Verbe à travers les mondes jusqu’au Puits de l’Abîme, les vagues de l’Esprit s’allongent à la suite, afin que partout le Christ puisse dire : « Mon Père et moi nous sommes un. » À chaque détour de cette Voie mystérieuse que le Verbe fraie en même temps qu’Il la suit et qui est Lui-même, le sillage de l’Esprit chasse sur toute une large zone ; de sorte que, si bas que le Sauveur descende, le Consolateur descend encore plus bas. Et la Vierge éternelle, atmosphère et substance du Royaume, accompagne son Fils, le Verbe, et son invisible époux, l’Esprit.

Or, considérez que ces voyages, ces descentes, ces explorations, qui paraîtraient des vagabondages capricieux si nous pouvions en suivre les détours, produisent d’immenses bouleversements, agrandissent la Création, reculent les bornes primitives du monde, et reconstruisent pour le dernier jour et la dernière sentence un Univers très dissemblable à l’univers originel. Souvenez-vous que tout ce que font les Personnes divines devient, dans tous les univers, sur toutes les terres, sur cette terre, chez toute créature, un fait tangible, physique, sensible à nos sens charnels. Que l’on sonde ensuite l’abaissement infini, la noire obscurité, les angoisses innombrables dont fut tramée l’existence terrestre de la Vierge ; que l’on prête l’oreille aux clameurs de haine dont la foule salue le passage des messagers de Lumière ; ne devez-vous pas vous attendre à subir les mêmes pâtiments ? Ne devez-vous pas vous résoudre, pour accomplir l’obscurité de votre nuit, à tout endurer sans rien y comprendre ? Ne faut-il pas se faire si petit intérieurement et si misérable que chacun puisse vous piétiner, sans presque même s’en apercevoir ?

Ces hommes cruels, ces chrétiens mauvais, ces juifs entêtés, c’est eux qui ont voulu le martyre du Verbe ; ils sont les aveugles instruments de l’Esprit ; ils sont la croix ignominieuse ; ils sont l’arbre du salut ; ils sont l’ombre de l’Esprit sur la ténèbre de l’enfer.

Ils continuent la clameur férocement ironique : « Si tu es Dieu, descends donc de ta croix ! » Or, Jésus ne peut en descendre que s’ils se convertissent ; et eux ont juré de ne se convertir que s’Il en descendait. Quelle ressource reste-t-il au Sauveur de les sauver ? Sinon de S’anéantir encore davantage, de plonger entièrement dans la boue de leurs cœurs, d’y effectuer, avec les ruses admirables de l’Amour, les curages et les curetages nécessaires, en leur laissant croire que c’est eux qui se purifient.

Tout ce travail, c’est proprement l’œuvre de l’Esprit.

 

 

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Vous donc qui aimez Jésus, qui L’aimez pour Lui-même et non pour les trésors dont Il ouvre l’accès, devenez les bons serviteurs de ce cruel Esprit d’Amour ; aidez-Le à sauver les hommes malgré eux, à les forcer d’entrer. C’est Lui le rapide trappeur, le vagabond chasseur d’âmes, le chien ardent du grand Berger qui harcèle sans répit le troupeau en déroute, les boucs indociles et les paresseuses brebis. C’est Lui, le Fou dont personne ne devine les trames, et qui, au dernier jour, poussera les sages, à travers le brouillard effroyable de la confusion universelle, vers les portes d’or de la Jérusalem promise, terrestre en même temps que divine.

Soyez aussi les chiens du Bon Pasteur ; la fatigue, les courses haletantes et les coups de bâton des mauvais fermiers, voilà votre lot ; courez de par le monde, inconnus, méconnus, boueux, éreintés, affamés, en haillons ; tout cela n’est rien ; ce qui importe, c’est qu’au dernier soir vous ameniez, bien en ordre, le troupeau tout complet qui vous fut confié.

Apprenez ce dur travail en gardant d’abord les défauts et les désirs qui dévastent notre esprit. Soyez les pauvres en esprit, soyez les pauvres de l’Esprit. Faut-il dire que la pauvreté volontaire, déjà si difficile, est un luxe en ce qui nous concerne ? Se rendre pauvre de son plein et propre gré, c’est relativement faisable. Il y a aussi la misère stérile du révolté. Mais lorsque nos bras se tendent malgré nous vers l’or, quand notre sensibilité brûle d’une ardeur consumante vers les joies de l’art, lorsque notre intelligence s’enfièvre de la soif du savoir, et que le Pauvre perpétuel nous offre de partager Sa vie, nous invite à Son indigence terrible, nous impose Sa misère, alors la lutte la plus douloureuse commence entre le moi voulant s’enrichir et s’agrandir, et l’esprit, qui connaît le trésor enfoui sous la mystique pauvreté.

Ainsi, le moi charnel se révolte d’abord contre sa Dame ; puis il l’accepte et la recherche même ; enfin le Tentateur arrive et lui inocule à nouveau toutes les convoitises, des plus basses aux plus nobles, cependant que les anges élèvent un mur infranchissable entre l’homme et ses désirs. Cela, c’est la terrible épreuve sur la montagne, qu’il nous faudra tous subir.

 

 

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Telle est l’œuvre divine qui s’élabore ; ses témoins mystérieux sont là, tels que saint Jean les nomme : l’eau, l’esprit, le sang. L’eau, tout l’immense amas de matière que transforment la science de l’ingénieur et la fatigue de l’ouvrier. L’esprit, toute la fiévreuse recherche de l’intelligence, tous les raffinements de l’esthétique. Le sang, toute la souffrance humaine, toutes les blessures, toutes les larmes. Que les labeurs du prolétariat soient exploités par l’industrie et par la finance internationales ; que le dilettantisme, le scepticisme, le lucre hypocrite prostituent la pure soif du savoir ou le noble enthousiasme de l’artiste ; que d’effroyables ambitions aient déclenché les indicibles martyres des champs de bataille ; il n’en reste pas moins çà et là des travailleurs honnêtes, des savants intègres, des artistes sincères ; mais c’est le sang qui, par l’héroïsme innombrable des serviteurs du Ciel, rend surtout un témoignage définitif du caractère divin des causes inconnaissables et des buts mystérieux des actuels cataclysmes. Comme aux premiers siècles les chrétiens persécutés firent pour leur Maître, les fils de France rendirent à leur Mère la vie qu’ils avaient reçue d’elle, en lui assurant, par la spontanéité de leur sacrifice, l’avenir le plus magnifique et le plus certain.

Voilà l’action de l’Esprit dans le domaine du réel.

Regardons-Le opérer dans le spéculatif.

Remarquez la tendance que montrent, depuis la fin du XVIIe siècle, les différentes activités pensantes, à des empiétements réciproques.

La science, dès qu’elle dépasse l’enregistrement des phénomènes naturels, et l’expérience, dès qu’elle invente des hypothèses, mettent en œuvre l’imagination et l’intuition, et entrent dans la métaphysique.

Simultanément, la philosophie, d’abord exercice de la pensée rationnelle, quand elle arrive à conclure dans le sens d’un absolu, indifférent, impassible et immobile, doute de la vérité de ce concept, et découvre un absolu mobile, esthétique, pathétique, tel que le décrivent William James, Boutroux et Bergson.

En même temps l’art, qui a codifié sa théorie et mis pour sa technique la science à contribution, se systématise et perd son caractère propre d’« allusion à la vie ».

Et enfin la religion, ou plutôt la théologie, s’applique de plus en plus à démontrer, avec l’aide de la science et de la métaphysique, l’exactitude de ses dogmes, la vérité de ses mystères et la valeur de ses rites.

L’esprit latin, amoureux d’ordre et de clarté, désavoue ces débordements ; ils sont toutefois l’effervescence annonciatrice de modes nouveaux pour apprendre, pour sentir et pour penser. L’Esprit opère au sein de cette masse bouillonnante ; personne ne discerne Son travail ; et même, lorsque plus tard paraîtront au grand jour les édifices merveilleux d’une science, d’une philosophie ou d’une esthétique nouvelles, on ne recherchera pas davantage quel Architecte les construisit.

Au surplus, aucune forme créée n’est imperméable au Consolateur. Simple comme la colombe, rusé comme le serpent, Il S’introduit partout ; Il guette les hommes, Il les saisit à l’improviste, Il les mène, Il les entraîne, Il en adopte çà et là et, s’Il ne trouve pas sur place l’ouvrier dont Il a besoin, Il va le chercher jusqu’au fond des zodiaques. Il S’installe chez Ses élus, les fait parler, prédire, prier, leur soumet les lois de la distance, de la pesanteur, de la physiologie ; Il les sonde, les justifie, les purifie jusque dans leurs racines ; Il dévoile les arcanes célestes, contredit la Justice sans léser personne, chasse les démons, et peut-être les éclaire-t-Il et les prépare-t-Il au salut ? Sa sapience n’est-elle point une folie pour les plus sages d’entre nous ?

Car l’esprit, dans Ses rapports avec les créatures, est proprement la force multiforme que les théologiens appellent la grâce. L’homme peut bien, par une conduite honnête, se ménager çà et là dans les univers des havres de repos, des paradis temporaires. Mais il lui reste impossible d’entrer dans l’éternel Paradis, dans le Royaume de Dieu ; car aucune créature ne peut vivre dans l’Incréé, à moins que l’Incréé ne la reprenne et ne la réorganise de fond en comble. Ceci, c’est la régénération christique, la seconde naissance, le baptême de l’Esprit.

 

 

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Quand on désire le Ciel de toute son ardeur, de toutes ses forces et par-dessus toutes choses, Jésus vient à notre rencontre. L’Esprit L’accompagne, nous obombre, nous baigne et commence les purifications mystiques. Toutefois, Son mode reste insaisissable à nos examens les plus attentifs. Nous désirons, en effet, la Lumière et la Liberté ; mais il faut que la Lumière et la Liberté viennent, dissipent elles-mêmes nos ténèbres et brisent nos chaînes, puisque nous n’avons de ces figures divines qu’une connaissance toute intuitive et presque inconsciente. C’est pourquoi les chemins de l’Esprit nous demeurent imprévisibles, inattendus, déconcertants ; notre logique à nous est celle de la servitude où nous languissons.

La septuple influence du Consolateur en l’homme pénètre au plus profond de la conscience ordinaire, au travers, par-dessous et par-dessus ; elle rayonne au dehors avec une telle subtile spontanéité que ceux dont le front porte l’une ou l’autre de ces couronnes ne le « savent » même pas.

Ou on ne les a point reçues, et alors on n’en peut rien dire ; ou, si on les possède, il est impossible d’en parler, parce que personne ne comprendrait.

Ces splendeurs s’équivalent en vertu effective et en dignité ; elles ne descendent que sur les serviteurs du Père, sur les amis, sur les très rares soldats du Christ, chef de l’Armée de la Lumière.

Leur sagesse déjoue toute intrigue des Ténèbres, et discerne la solution juste de tout conflit.

Leur intelligence est d’adapter les choses divines aux horizons terrestres.

Leur don de conseil, c’est de dire à toute créature, à l’homme, au démon, au dieu comme au caillou, la parole opportune, et de leur présenter la lumière assimilable.

Leur force, c’est d’être faibles, sans armes, sans autorité, sans apparence, sans argent, sans amis.

Leur don de science, c’est de voir à l’instant la vérité sur toute chose.

Leur piété, c’est que les moindres mouvements dans leur corps et dans leur esprit, leurs silences comme leurs paroles, leurs repos et leurs fatigues, sont des prières perpétuelles, que les anges se transmettent de mains en mains jusqu’à la chambre du Trésor dans la Maison sempiternelle.

Leur crainte de Dieu n’est pas notre crainte, c’est de l’amour. Dieu les obsède, Dieu les possède ; ils ne peuvent plus penser qu’à Dieu, ils ne peuvent plus aimer qu’en Dieu ; Ils ne peuvent plus faire un geste que par Dieu.

Mais personne n’aperçoit ces choses ; tout au plus, quelque prodige çà et là ouvre les yeux à de rares chercheurs. Ces esclaves de l’Esprit, encore que tout semblables à la foule, en apparence, sont la fontaine fermée, le jardin clos, la tour inviolable que raconte le Roi-Mage. Cependant tout le monde peut se désaltérer à leur amphore, cueillir les fruits de leur sapience, se réfugier dans leurs bras. Ce sont les plus ouverts des êtres parce qu’ils ne refusent jamais à personne ; ce sont les plus fermés des êtres, parce que le Mystère éternel qui habite en eux les fait indéchiffrables.

 

 

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Souvenez-vous de ces choses lorsque, précipités de fatigues écrasantes en effroyables périls, il vous semblera n’être plus que de misérables feuilles tourbillonnantes aux vents de la détresse. Que vos courages ne se laissent pas surprendre. Vous saurez que telle est l’opération de l’Esprit. Vous saurez que c’est cela, le chemin de la Foi.

Il ne s’agit plus ici d’admettre tels concepts sur Dieu, sur l’homme et sur l’univers. La vraie Foi, vous l’aurez lorsqu’aucune affre physique ou morale n’effleurera seulement plus votre confiance, lorsque tout vous apparaîtra comme un bonheur, lorsque tout revêtira une même gravité, lorsque vos yeux découvriront sous les plus basses laideurs le visage divin qui les transfigure, quand l’impossible fuira devant votre sérénité, lorsqu’enfin votre seul aspect donnera la force aux craintifs et l’inquiétude divine aux présomptueuses sécurités des sceptiques.

Vous porterez ces couronnes, vous serez de tels thaumaturges, si, oubliant toutes ces merveilles, vous ne pensez plus qu’à secourir le camarade qui défaille, et à tenir vous-mêmes jusqu’à la fin. Et si je vous montre, de temps à autre, les éblouissantes perspectives de la divine existence terrestre du soldat de Dieu, c’est pour que vous donniez en plus de vos fatigues, par surcroît, par impossible, avec le petit reste d’énergie qu’on trouve encore lorsqu’on se croit épuisé ; pour que vous tiriez du fond de votre être la dernière renonciation, le suprême dénuement, l’abandon final ; pour que vous gagniez le pur mérite, la fleur de la bonne volonté ; pour que, sachant combien le Père vous aime, comment le Fils vous accompagne, avec quelle tendresse l’Esprit et la Vierge vous consolent et travaillent avec vous, vous trouviez la force de leur dire : « Je sais que vous m’aimez, je sais que vous êtes avec moi ; mais aimez-moi un peu moins et aimez un peu plus celui-là qui ne sait pas encore ; quittez-moi un peu, et allez plutôt avec celui-là qui se croit abandonné. Je n’en travaillerai pas moins de bon cœur, je vous le promets ; je ne geindrai pas, et je garderai sur mon visage le même air de bonheur dont votre présence le pare en ce moment. »

 

 

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Le Christ est Dieu. Engendré par Son Père de toute éternité, non pas créé comme tous les autres êtres tirés du Néant, Il est la conscience et la connaissance que ce Père prend de Lui-même, depuis toujours et jusqu’à jamais. Il est dans l’éternité un avec Son Père quoique distinct de Lui. Il est dans le temps un encore avec Son Père et encore distinct de Lui, par suite Verbe et Fils unique ici-bas comme là-haut. Il vit simultanément au sein de l’éternité comme au sein de la durée antérieure, de la durée ultérieure et de l’infinitésimal présent. Au Ciel et sur la Terre – sur toutes les terres, dans tous les cieux –, dans l’infini comme dans nos espaces, Il demeure identique, total des forces surnaturelles, quintessence de tout le naturel, possédant la nature divine intégrale et la perfection de la nature humaine.

Le Christ est, par-delà le Créé, indépendant et libre de toute loi. En même temps, Il S’abîme au plus profond de cette Nature qu’Il a formée, et Se soumet à toutes ces lois qu’Il a édictées. Sa personne rassemble tous les incompatibles : pur esprit et chair parfaite, engendré par l’Éternel et né d’une femme, Dieu et homme, tout-puissant et esclave, bienheureux dispensateur de toutes les béatitudes et martyr de toutes les douleurs, donateur de la vie et soumis à la mort, le Christ dépasse l’imagination et cependant sait Se rapetisser tellement que Ses serviteurs osent Lui parler sans crainte.

Un seul demeurera invisible à jamais : le Père. Mais Il Se rend perceptible à notre intelligence par Son Verbe, Constructeur de toute la création ; Il se rend sensible à notre affectivité par Son Fils, Sauveur de cette création ; Il Se rend même quelquefois visible à nos yeux par Son Christ Jésus, notre Maître et notre Ami.

Le Père et le Fils sont un ; cette unité se nomme l’Esprit. Cependant le Fils provient du Père, et l’Esprit S’exhale des relations du Père avec le Fils ; Il est ce souffle qui vibre au seul commandement du Verbe, et c’est par Lui que les humains, porteurs d’une étincelle de la Lumière incréée, reçoivent les vertus divines qu’on nomme les grâces, parce qu’elles sont gratuites. Le prophète Isaïe en énumère sept principales, et l’Église adopta dès l’origine cette synthèse. Mais les serviteurs qui reçurent la totalité de ces dons se trouvent si peu nombreux, dans la phalange des théologiens comme dans celle des mystiques, la pensée comme la langue humaines sont si pauvres, que l’on se contente d’explications assez vagues et parfois divergentes sur ce sujet difficile.

Toutefois, il me semble qu’on pourrait imaginer ceci.

Le don de sagesse et celui d’intelligence descendraient sur nos facultés mentales et les mettraient à même de discerner, dans tous les domaines spéculatifs et pratiques, la vérité selon Dieu, et d’appliquer cette notion réelle à chaque besoin de la vie.

Le don de conseil et celui de force descendraient sur nos facultés animiques, et nous pourrions consoler, secourir, guérir, comme font les saints et les thaumaturges.

Le don de science et celui de piété descendraient sur nos facultés physiques, nous enseignant à instiller la Lumière éternelle dans tous nos travaux matériels, et nous rendant capables d’élever jusqu’à Dieu, par la prière vraie, toutes les créatures et toutes les formes de la vie terrestre.

Enfin, le don de crainte de Dieu viendrait parfaire et stabiliser notre humilité en nous procurant la connaissance expérimentale de la distance infinie qui sépare la splendeur du Père de notre néant constitutionnel. Car sans l’humilité, sans une notion permanente de la présence divine, le Ciel ne peut pas S’ouvrir à nous, Jésus ne peut pas nous prendre, l’Esprit ne peut pas nous régénérer.

Tout cela ressemble un peu à du catéchisme, sans doute. Mais à la théologie la plus savante je préfère ces énoncés tout simples, enfantins, et que tant de catholiques un peu instruits déclarent volontiers n’être bons que pour les ignorants. Dans le monde de l’intelligence aussi les extrêmes se touchent ; et la seule manière de décrire les réalités éternelles, avec la déformation la moindre, c’est de les exprimer de façon qu’elles entrent dans le cœur des humbles que Jésus a aimés entre tous les hommes.

 

 

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Du Père dépend le bien ; du Fils, le vrai ; de l’Esprit, le beau.

Du Père vient la foi ; du Fils, l’espérance ; de l’Esprit, la charité.

Dans le Fils, forme sensible de l’Être inconnaissable, c’est le commandement du Père qui trace la voie ; c’est Lui-même, Verbe venu en corps, qui prononce la vérité ; c’est l’Esprit qui exhale la vie.

Voilà les premières impressions de notre intelligence quand elle essaie de se tourner vers Dieu. Mais comment parler de l’Esprit, puisqu’Il passe à travers les systèmes mentaux les plus cohésifs, puisqu’Il échappe aux efforts des plus sublimes contemplatifs ? Personne n’a pensé ou parlé de Lui que par lourdes images ; les symboles hiératiques pourraient seuls nous subtiliser jusqu’à Lui, si Lui-même daignait S’arrêter sur nous. Mais qui entend les symboles, sauf les génies de l’Art ? Et l’Art est pourtant le breuvage le plus efficace pour spiritualiser nos contemporains.

La notion du Beau fut d’abord métaphysique ; nos ancêtres pieux la firent plus tard sentimentale et psychologique ; et les savants d’aujourd’hui n’y voient plus qu’une sensation ou un instinct. Or, tout cela est vrai, puisque l’homme, construit à l’image de Dieu, est essentiellement une unité organique où tout s’enchevêtre, se correspond, résonne et réagit réciproquement. Celui-là seul reconnaîtra les symboles dont la pensée, la sensitivité et la sensibilité vibreront en harmonie.

Attribuer au Saint-Esprit la couleur de l’azur firmamentaire ou à la Vierge la viridité des eaux marines, ne m’apprend rien que si je pressens l’âme secrète de la couleur bleue ou de la couleur verte ; or, parmi les plus grands peintres, y en a-t-il seulement trois qui aient deviné ce langage ineffable des couleurs ? Il existe cependant ; les traditions d’herméneutique et de liturgie le prouvent. Ainsi la robe de Jésus est bleue, quand Il enseigne et qu’Il initie ; elle est rouge, quand Il guérit et qu’Il enlève les âmes au Ciel. Aux premiers siècles, où l’on n’avait pas oublié quelles relations permanentes unissent la Vierge et l’Esprit, on donnait toujours à la première une robe bleue. Le moyen âge intuitif et candide attribua, parmi les objets, la flamme à l’Esprit, et, parmi les animaux, la colombe, la plus douce des créatures ailées.

Par contre, la liturgie impose au prêtre un vêtement rouge pour la Pentecôte et les offices analogues. En effet, l’Esprit joue un double rôle de circumincession ; ou bien, essentiellement actif, positif et perturbateur, Il féconde les eaux primitives, Il parcourt en tout sens l’univers, pénétrant toute chair pour la crucifier, la guérir et la régénérer ; ou bien, uni mystérieusement à la substance diaphane de la Vierge céleste, Il S’écoule en ces sources d’eaux vives, en ces fontaines de la Vie éternelle où l’âme se désaltère et dont le Christ nous lave pour le baptême définitif.

Notons ici que toutes les traditions ecclésiastiques se refusent formellement à représenter l’Esprit Saint sous une figure humaine. Voici pourquoi.

Lorsque du Père inaccessible l’Esprit court vers le Fils exilé volontaire jusqu’aux confins de la Création, Il Se nomme la Vie. Lorsque, du Fils, esclave volontaire enchaîné aux plus sombres cachots, l’Esprit remonte à plein essor vers le Père, Il se nomme l’Amour. Lorsque cet Esprit harmonise les contraires, illumine, enflamme et console, Il Se nomme la Beauté. Or, la Vie, l’Amour, la Beauté sont partout ; multiforme, mobile, insaisissable, libre enfin excellemment, l’Esprit n’a pas à S’incarner ; Il pénètre toute chair et toute matière, des plus obscures aux plus radiantes, mais ne Se laisse emprisonner par aucune puisqu’Il est le grand Libérateur.

J’ai osé dire ce qu’Il est encore : le perpétuel bourreau du Christ. Ce qui pousse le Christ à l’esclavage et au martyre, n’est-ce pas l’Amour ? Nos crimes et nos endurcissements qui torturent le Christ, ne naissent-ils pas aux déserts et aux marécages où nous jettent les tourbillons de l’Esprit ? Si nous vainquons, ne sera-ce pas par le Christ, accouru à notre secours ? Si nous succombons, ne sera-ce pas par le Christ, encore notre Sauveur ? Drames extraordinaires où notre liberté reste toujours totalement responsable, qu’elle aille vers la Lumière ou qu’elle aille vers le feu ; catastrophes où l’Amour, jeté hors de soi par la violence de son élan, fait les gestes de la haine, puis retombe dans l’Amour encore, de plus en plus ardent, profond et calme. Ainsi Jésus, en haut maître de l’Esprit, Se fait, en bas, esclave de l’Esprit ; ainsi les gestes du Père éclatent en fulgurations sur les ténèbres de notre ignorance essentielle.

Mais Jésus esclave reste le Maître ; S’Il n’était pas là au moment où le terrible courrier de Dieu Se précipite sur les mondes et sur les peuples, tout sombrerait aux abîmes primitifs. La haine des ennemis de Jésus sert les desseins providentiels ; l’infinité de l’offense ainsi évitée, l’infinité de l’expiation disparaît. Aussi l’humble jeune fille à qui l’ange révèle le grand mystère ne se trouble-t-elle point. Imitons-la dans les surprises moins graves que chaque jour nous apporte ; et, comme elle, regardons toujours au plus haut ; les cimes nous communiqueront leur puissante tranquillité.

L’Esprit, courant sur les marais, en bouscule les vapeurs fétides, en irrite les immondes habitants ; splendeur, Il pourchasse les ténèbres ; beauté, Il rend l’horrible plus monstrueux ; amour et ferveur, Il excite la colère ou provoque l’indifférence. Il est la terrible croix aux bras infinis où pend le salut du monde ; Il aiguillonne les foules pécheresses et leur infuse l’intelligence qu’elles déforment en vue de martyriser l’Amour ; c’est de Lui, le Véridique, que tirent leurs forces tous ces mensonges, l’argent, la gloire, le pouvoir, au moyen desquels nous nous cachons le Christ les uns aux autres ; afin que l’humanité, ayant chu jusqu’à l’extrême nadir où la Mort est déjà toute-puissante, rejaillisse vers l’extrême zénith où meurt cette Mort pour une existence multipliée sans mesure.

C’est l’Esprit qui affole, bouleverse et ravage notre esprit jusqu’à ce qu’en jaillisse la vraie prière, jusqu’à ce que toutes nos fibres sachent crier vers la Miséricorde. L’apôtre Paul, le juif intransigeant, le disciple de Gamaliel, savait bien quel cavalier fouaillait son peuple depuis Moïse, lorsqu’il écrivait aux Romains, cet autre peuple au col raide : « Le Christ ne nous sauve qu’en espérance. » Jésus, en effet, nous apporte la plus belle espérance ; mais c’est à nous à évoquer, à incarner, à devenir l’Amour, c’est à nous à recevoir l’Esprit que Jésus nous laisse après Sa visite. Le Guérisseur ne vient que pour les malades et Son médicament, c’est l’Esprit ; à notre intelligence Il administre la vérité ; à notre cœur Il restitue la pureté ; à notre corps même Il rend la santé. Nous quittons la vérité, la pureté, la beauté antérieures pour rejoindre, à travers les erreurs, les prostitutions et les maladies, une beauté, une pureté, une vérité ultérieures, également éternelles, mais inédites et inconcevables, même aux anges. La vie éternelle, qui est la vie de Dieu, se renouvelle sans arrêt, tandis que l’existence temporelle ne peut que se transformer. Les nœuds de ces transformations se nomment les morts ; mais, comme la multitude infinie des renouvellements éternels s’ordonne avec une vitesse infinie, comme ces innombrables naissances s’organisent selon l’harmonie parfaite, le mouvement absolu apparaît à nos philosophes comme immobilité, indifférence et immutabilité.

L’Esprit donc nous prend et nous retourne de fond en comble ; Il met au dehors ce qui était en dedans, et hausse jusqu’au cerveau les cellules qui supportaient tout le poids du corps et la fatigue de la marche. Ainsi se refait dans l’être une virginité mystérieuse. Cette nouvelle naissance ne porte ses fruits que chez quelques très rares âmes, parmi lesquelles Marie tient la première place. Elle fut jugée digne de devenir corporellement la mère de Dieu parce que sa virginité spirituelle fut d’abord parfaite. Aucune vertu physique n’est viable que si, née de l’interne, elle ne procède d’une vertu morale. La continence ne vaut rien si la chasteté ne l’engendre.

Admirons donc, en nous prosternant, ce concert ineffable de miracles qui ne se contrarient que pour se multiplier, qui ne semblent se combattre que pour mieux se rejoindre et ne s’évanouissent que pour renaître en merveilles plus splendides encore et plus adorables. Regardons Jésus qui S’exile des palais éternels, faisant figure d’enfant prodigue, et l’Esprit qui L’accompagne comme une ombre translucide, comme un serviteur fidèle et, à la fois, comme Son conducteur impitoyable. Imitons Jésus. Imitons Sa Mère, rose qui se ferme aux souffles de la terre, vase clos à tous les parfums d’ici-bas, être totalement vierge, qui ne reçut jamais rien que par les anges les plus secrets.

Vous aussi, vous apprendrez à vous garder pour la visitation divine ; vous n’ouvrirez vos cœurs qu’aux inspirations de l’Amour et aux ferveurs de la Charité ; l’humilité vous donnera sa force pour tous les fardeaux. Et, vous penchant, comme Marie, sur les besognes vulgaires et sur les visages ingrats, vos mains, vos regards et vos paroles leur verseront l’Esprit régénérateur qui les transfigurera en chefs-d’œuvre précieux et en visages de clarté.

 

 

SÉDIR, L’enfance du Christ,

Bibliothèque des Amitiés Spirituelles.

 

 

 

 

 

 

 

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