Le rêve chez les romantiques

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Christian SÉNÉCHAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand l’histoire sera enfin conçue comme celle de l’âme humaine (philosophie, arts, littérature, sciences, politique, état social, etc., n’étant que les manifestations périphériques et solidaires d’un esprit unique, en constante évolution), elle renoncera aux divisions chronologiques artificielles, et restituant aux générations leur rôle et leur importance, elle se posera des problèmes jusqu’ici négligés, et notamment celui du « progrès », de la transformation incessante des âmes. Ce seront les « tournants » qu’il lui faudra tenter d’expliquer, au lieu de se borner à les constater, sans du reste les définir 1.

Or, il y a dans la dernière décade du XVIIIesiècle un tel tournant, et la tâche de l’historien serait de dégager de la multitude des faits de toute espèce ce qui en est l’essence, et de déterminer les raisons et, si possible, la cause d’une telle métamorphose 2.

Nous nous bornerons ici à signaler ce qui est le trait le plus général de cette fin de siècle : l’individualisme. De la philosophie à la politique, de l’art à la religion et à l’action, nous sommes en face d’une immense insurrection du « moi ». De Fichte à Napoléon, de Schleiermacher à Beethoven ! Mais cette foi dans la toute-puissance du moi devait inciter une génération, ivre d’« idéalisme magique », à connaître tout ce « moi », pour en utiliser toutes les puissances. En face du monde extérieur que l’on veut conquérir, modeler, créer, du moins recréer par la science et la philosophie (la « Naturphilosophie » est une fusion et une confusion des deux !), on dresse le monde intérieur dans sa totalité. En face de la raison, de la « philosophie des lumières », de l’Aufklärung, on dresse tout ce qui dans l’homme n’est pas raison, lumière. En face de l’empire du jour, on dresse l’empire de la Nuit. La Nuit conquiert la poésie, la philosophie et la science : il suffit de citer les noms de Novalis, de Ritter 3 et de Schubert 4. C’est la moitié de la vie et de l’âme dont on entreprend l’exploration. Les romantiques appelleront ce monde obscur « die Nachtseite der Natur », le côté nocturne de la nature. Or, la nuit, c’est le somnambulisme, c’est le rêve 5. Le Rêve !

Ainsi le rêve entre définitivement dans la littérature. Il y entre, secondé par la science psychologique, parce qu’il apparaît comme « le moyen de révélations inaccessibles à la conscience en état de veille 6 ». Aussi convient-il, avant de préciser le rôle du rêve dans l’esthétique et le lyrisme romantique, de se rendre compte par l’examen du livre de G. H. Schubert : Die Symbolik des Traumes, de ce que représentait le rêve dans le milieu intellectuel de Jena, où se rencontraient philosophes et biologistes, médecins et occultistes, magnétiseurs et poètes.

 

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Selon G. H. Schubert, le rêve n’est que l’un des nombreux états où l’âme humaine, retrouvant l’unité perdue, entre en communication avec la nature entière, donc avec la divinité. Il n’est d’ailleurs que la forme inférieure de toute une série de manifestations psychiques, dont le pouvoir prophétique serait l’échelon suprême. L’esprit – depuis la simple faculté d’observation sensible jusqu’à l’entendement – est passif. Seule l’âme dans sa totalité, c’est-à-dire esprit et cœur unis dans l’amour, est créatrice, parce qu’elle participe alors à la puissance de la nature. La vie réelle est une révélation continue pour qui a gardé le secret de la langue de la nature. La poésie est l’un des moyens de réapprendre aux hommes le sens des symboles de la nature. Le poète est ainsi prophète. La vraie signification de la « confusion des langues » 7 est que l’humanité a perdu son unité en perdant la clé du mystère des choses. Or le rêve est un intermédiaire entre l’état de veille et la clairvoyance magnétique. Il est une forme commune, quotidienne, de cette reprise de contact avec le monde immense des forces de la nature créatrice. « Le rêve, le somnambulisme, l’enthousiasme et tous les états exaltés de notre nature créatrice d’images, écrit Schubert, nous conduisent dans de belles contrées inconnues, dans une nature nouvelle créée par nous, riche et sublime, dans un monde plein d’images et de figures. Mais ces créations ne sont qu’un pauvre écho du pouvoir primitif .... De toutes ces forces, que possédait l’âme agissant dans le système ganglionnaire, au lieu de cette langue divine dont les mots ont été les objets de la nature extérieure, dont le fond éternel a été Dieu et l’amour du cœur humain pour Lui, ne nous est resté qu’un son sans essence et sans corps, une parole impuissante, la voix et la langue banale des mots. » Ce n’est qu’un pauvre écho 8.

La génération romantique dont G. H. Schubert se fait l’interprète, cesse donc de voir dans le rêve une sorte d’activité psychique ralentie, de jeu gratuit à demi inconscient. Sans prétendre faire du rêve l’égal de l’extase ou de la prophétie, elle lui restitue cependant son vrai rang. « La nature, écrit Schubert, est l’original du monde des rêves. » Dans leur désir de réentendre ce qu’ils appellent « le langage originel et spontané de l’âme humaine », les romantiques ne négligent rien de ce qui peut leur faire retrouver des voies oubliées. À plus d’une reprise, Schubert assimile la langue de la poésie à celle du rêve, tandis que la nature est pour lui « eine verkörperte Traumwelt », un monde de rêve ayant pris corps, « un somnambule qui parlerait en rêve ».

Dès lors le terme de « Einfühlung » – une création romantique 9 – reprend toute sa vertu première. Si la majeure partie des poètes n’est composée que d’épigones, c’est que ce qui fut d’abord croyance profonde est devenu recette courante : lyrisme est synonyme d’anthropomorphisme, tandis qu’il doit être expression de la nature chez l’homme, à travers l’homme. Il ne s’agit pas d’un acte arbitraire, mais – ainsi que le dit Schubert – d’un instinct analogue à celui de l’hirondelle, capable de clairvoyance prophétique 10. « Der Dichter ein Seher » : le poète un voyant ! Bien loin de se substituer à l’objet, le Poète communique avec lui : il rétablit en quelque sorte la circulation du sang – de l’âme – de l’univers. Schubert va même plus loin 11 : « L’homme était autrefois dans un rapport incomparablement plus actif avec la nature qu’aujourd’hui, et de même que la nature était un langage, un acte d’amour du divin pour l’homme, de même celui-ci en retour était capable de faire de la nature une voix de son amour... Encore aujourd’hui cette faculté de connaissance prouve sa force créatrice, du moins à l’état d’ombre, par le monde d’images du rêve, et parvient encore dans certains cas à exprimer ce monde d’une manière supérieure et vraiment profonde. » En même temps qu’un rêveur, le poète est donc un être agissant.

 

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Il est un vers du poème liminaire de la seconde partie de « Heinrich von Ofterdingen » qui mériterait de servir d’épigraphe à l’œuvre entière de Novalis :

 

      Die Welt wird Traum, der Traum wird Welt 12

 

On conçoit que le germaniste français E. Spenlé ait pu, d’après le roman de Novalis, reconstituer une « esthétique du rêve ». Le rêve, pour le disciple de Fichte et l’adepte de Ritter et de Mesmer, était dans la vie humaine l’état où se montrait le mieux le pouvoir créateur du moi libéré des contraintes de la réalité : alors l’imagination règne librement, tissant à son gré les fils, voilant ou développant, et se perdant enfin dans une vapeur magique 13. Tandis que le père de Heinrich, représentant de la tendance rationaliste, déclare que : Träume sind Schäume 14, que le temps est révolu, des révélations du monde surnaturel, Heinrich von Ofterdingen pense que le rêve le plus confus, même s’il ne doit pas être regardé comme d’origine divine, est « une déchirure significative dans le mystérieux rideau dont les mille plis tombent au fond de nous ». Du moins le rêve est-il une sauvegarde contre la régularité et la banalité de la vie, une libre récréation de l’imagination contrainte, où celle-ci jette pêle-mêle les images de la vie et interrompt les graves préoccupations de l’adulte par un joyeux jeu d’enfants. « Sans les rêves, ajoute Heinrich, nous vieillirions certainement plus vite. » D’où le rôle capital des rêves dans la vie de Heinrich von Ofterdingen ; d’où les troublants pressentiments de l’avenir que comportent les rêves ; d’où la révélation dans le rêve initial du roman de ce symbole de l’aspiration nostalgique – la fleur bleue – dont la réalité ne fera qu’offrir les innombrables objets. La vie n’a pour fin que de confirmer le rêve : « chaque rencontre, chaque entretien, établit entre l’âme du héros et l’univers environnant un lien nouveau, ou plutôt lui révèle une région encore ignorée de sa propre âme, car l’univers qui le porte n’est en dernière analyse que la partie de lui-même qu’il ignore encore. À mesure que s’éveille et s’épure en lui son aspiration nostalgique, sa personnalité s’universalise et le monde du même coup se transforme à ses yeux, « s’intériorise » pour ainsi dire en lui », bref, devient rêve. Et Solger 15 pouvait définir le roman de Novalis une sorte d’absorption de la vie terrestre, de la vie réelle dans le monde de la poésie, c’est-à-dire du rêve, « le déchirement du voile sous lequel la réalité terrestre et finie dérobe l’Infini 16 ».

On s’explique du même coup la prédilection romantique pour le conte – das Märchen, – celui-ci n’étant somme toute que le récit d’évènements où « l’imagination régnerait librement », comme dans le rêve, où se réalise ce que veut la foi :

 

      Und was man glaubt, es sei geschehn 17 !

 

Mais il n’est peut-être pas dans toute l’œuvre de Novalis de page plus révélatrice que celle où Heinrich visite les grottes avec le vieux mineur et les marchands : « La soirée était sereine et chaude. La lune brillait d’un doux éclat au-dessus des collines et faisait s’élever des rêves étranges chez toutes les créatures, Le soleil lui-même était comme un rêve au-dessus du monde de rêve replié sur lui-même .... Dans l’âme de Heinrich se reflétait la légende du soir. Il lui semblait que le monde était en lui, épanoui, et lui montrait, comme à un hôte ami, tous ses trésors et ses grâces cachées. » Et tout le conte de Klingsor n’est-il pas tout simplement un rêve ?

 

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Mais ce qui fut chez un Novalis doctrine consciente autant que nécessité intime, devient chez Eichendorff la forme de vie la plus naturelle, la plus spontanée. Avec le dernier chevalier du romantisme, le besoin profond d’une génération (devenu mode chez certains) retrouve le charme de la naïveté primitive. En arrachant le poète silésien aux sortilèges du pays natal, la vie devait faire du rêve le seul remède à une nostalgie essentielle, le seul refuge loin d’une réalité hostile.

Sans doute serait-il fastidieux de réunir ici tous les vers de Eichendorff où se rencontrent des expressions telles que : Et je suis là comme en rêve... Tout est pour moi comme en rêve... Mon cor de chasse résonnait comme un rêve… Mais de pareilles citations, quand elles se chiffrent par centaines, ne sont-elles pas significatives ? L’attitude mentale du rêve se confond avec celle du souvenir, quand celui-ci est obsédant et donne l’illusion de la réalité ! Il fallait pour cela que la jeunesse dans le château et les forêts de Lubowidz restât pour l’homme, la vie durant, comme un paradis d’allégresse, vers lequel l’âme du poète ne devait jamais cesser de se tourner, pour y revivre parmi les arbres et les compagnons aimés.

Mais l’état de rêve est aussi pour Eichendorff l’état d’inspiration, et c’est « comme en rêve, à demi conscient, qu’il sent d’éternelles sources de chansons lui baigner confusément le cœur de leurs ondes merveilleuses ». Et ainsi la nature extérieure lui apparaîtra-t-elle comme poursuivant un rêve pareil au sien. C’est sous cette forme atténuée et ralentie que le poète sent sa propre vie se prolonger dans le bruissement des arbres, les souffles de l’espace, les paroles de la nuit, les glissements des nuages, les chants des oiseaux, les vagues murmures de la terre, la rumeur des sources et des rivières, la lumière des étoiles, et jusqu’aux regards des fleurs et du ciel. Le hiatus est aboli, qui sépare l’homme du reste de la création. Le calme enivrement du rêve rend naturel chez Eichendorff ce qui peut paraître arbitraire chez un visuel habitué à de nets contours. Tel poème : Aubade, est fait tout entier de l’éveil des choses et des êtres, encore à demi plongés dans les rêves de la nuit. Le poète voit même dans ces rêves où communient les cimes, les sources et les hommes, le mystère que nulle parole ne saurait exprimer : seul le rossignol, éveillé par les reflets errants des éclairs qui se jouent dans les feuillages, annonce

 

      Ce que tous ils songent :

      Ce bruissement dans les arbres,

      Et l’homme en de sombres rêves.

 

Le rêve est ainsi l’état de trouble ensorcelant où les sentiments éternels, que le jour trop cru effraie, sortent de leur retraite, pour s’épanouir au sein des vastes et calmes espaces et se mêler au rêve de l’univers. Né du charme du souvenir et de la contemplation de la nature, il se fond avec le mystère que le poète sent dans les liens qui le rattachent au passé et aux choses, et qui confère au moindre des poèmes de Eichendorff un accent religieux d’une exquise douceur et aussi d’une profondeur émouvante en sa simplicité.

 

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Tous les poètes romantiques mériteraient à coup sûr d’être ainsi étudiés. Même en nous limitant au rêve proprement dit, la moisson serait abondante à travers les champs de Tieck et de Brentano, de Heine et de Lenau, de Hoffmann et de Kleist. N’est-il pas significatif que Heine, en ses premiers chants, n’ait fait que conter ses rêves : chacun des « Traumbilder » est l’évocation d’un songe d’amour, mais le « Lyrisches Intermezzo » et le « Heimkehr », les cycles de « Nordsee » et le « Harzreise » ne seront pas moins riches en débuts authentiquement romantiques : Im Traum... en rêve...

Ainsi s’explique-t-on aisément, après une telle orgie de rêve, la longue et profonde réaction du réalisme au XIXesiècle, où la France allait prendre Ia tête du mouvement, et entraîner à sa suite l’Europe, jusqu’à ce qu’elle-même, avec le symbolisme et tous ses rejetons 18, s’efforce de retrouver son équilibre par une oscillation contraire au sein des puissances de rêve. Le « Tel qu’en songe » d’Henri de Régnier répond (à sa manière, certes, avec ses nuances « fin de siècle ») au vers de Novalis :

 

      Le monde devient songe...

 

Mais si le romantisme s’était révélé vite insuffisant, surtout à une époque où la science allait vraiment régner sur les esprits, du moins avait-il contribué (et précisément parce que la poésie elle-même s’était nourrie à la fin du XVIIIesiècle des conquêtes et des intuitions de certains domaines de la science : magnétisme, géologie, biologie, etc.) à ouvrir tout un monde aux investigations de l’esprit scientifique. Le réalisme psychologique aura bénéficié, tiré parti de ce que le romantisme a considéré comme la seule réalité, le monde extérieur n’étant que le révélateur des intuitions du rêve avant d’être magiquement transformé par elles. Ainsi la vision du monde romantique – vision irréaliste au premier chef – aura-t-elle corrigé, en l’enrichissant et la complétant, celle de l’ère réaliste. L’avenir fera la synthèse, où est la vérité. Il reste troublant de penser que l’Allemagne aura eu besoin, pour surmonter sa crise spirituelle d’après-guerre, de recourir à la même cure de rêve, c’est-à-dire : d’illusion, qu’il y a cent ans. Mais c’est l’un des réconforts de l’étude du passé de nous rappeler les oscillations inévitables de l’âme des peuples, et de nous faire croire aux revanches des forces spirituelles un temps refoulées, mais qui ne peuvent mourir. Le moi fichtéen transporté dans la nation peut bien s’enivrer de rêve et se croire tout-puissant : il lui faudra un jour, s’il ne veut pas dépérir, non seulement se nourrir de toute la réalité (ethnique, sociale, morale, religieuse), mais de « la force du monde ». Ainsi notre esquisse d’enquête sur le rêve en littérature nous fait-elle déboucher sur le torrent de la vie et entrevoir le sens où s’écoule, malgré les écueils et les défilés, le flot de la civilisation qui nous emporte dans les remous de son cours éternel.

 

 

 

Christian SÉNÉCHAL.

 

Paru dans les Cahiers du Sud en 1937.

 

 

 

 

 

 

 



1 Il existe un livre où s’ébauche une telle synthèse de l’évolution de l’âme, c’est celui de Julius Wiegand : Deutsche Geistesgeschichte, mais il se limite à l’Allemagne et à l’inventaire des changements.

2  La clé psychologique du phénomène de l’évolution se trouve dans le chapitre du Welterlebnis de R. M. Holzapfel : Kaumbewusstsein (p. 1-138).

3  Ritter, l’ami de Novalis, est l’un des ancêtres de nos surréalistes. Dans ses « Fragments » (1810), il raconte qu’il était la proie d’un démon qui l’obligeait à écrire en marge de ses manuscrits les plus burlesques inventions, rappelant l’écriture automatique des spirites.

4  Il s’agit de Gotthilf Heinrich Schubert, le « Naturphilosoph », l’auteur de « Die Symbolik des Traumes, Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft », etc.

5  Le dédoublement, l’extase, l’épilepsie et la démence sont les formes complémentaires ou morbides.

6  Cf. F. Walzel (Deutsche Romantik, I, p. 1-26, II, p. 74-80).

7  D’où le titre de l’un des chapitres de G. H. Schubert : Von einer babylonischen Sprachenverwirrung (De la confusion des langues de Babel).

8  Il ne sera pas sans intérêt, me semble-t-il, de rapporter ici une curieuse rencontre de faits. Le soir même où, venant enfin, après deux mois d’attente, de recevoir de la bibliothèque de Strasbourg le livre de Schubert sur le « Symbolisme du Rêve », j’assistais – porteur du précieux volume – au cours de M. Marcel Jousse sur le « Style oral palestinien », il se trouva que l’anthropologiste étudiait non seulement le symbolisme du rêve chez les Juifs, mais encore les moyens pour retrouver derrière « l’écho » gréco-latin des livres saints le Verbe primitif, manifestation laryngo-buccale de la « geste » corporelle, du drame musculaire.

9  Le snobisme contemporain n’a pas manqué de s’emparer de ce mot étranger pour jouer au connaisseur, et en désignant par là le phénomène banal qui consiste à prêter des sentiments aux choses, à la nature. Victor Basch a vigoureusement rappelé l’originalité de l’Einfühlung lors d’une récente soutenance de thèse.

10  Cf. Die Symbolik des Traumes, p. 241.

11  Et comme ces vues rétrospectives n’ont de réelle valeur que si elles nous permettent de mieux comprendre et juger le temps présent, nous indiquerons en passant quel profit nos contemporains pourraient tirer d’une connaissance – autre que superficielle ou universitaire – du romantisme allemand et des problèmes qu’il posa. C’est une sorte d’axiome aujourd’hui que le poète ne doit être que poète, le savant savant, l’artiste artiste, le philosophe philosophe, etc.

Les associations corporatives veulent ne point faire de politique. L’action est considérée comme un péril, etc., etc. Or l’homme n’est homme, c’est-à-dire productif, que s’il est total, que dans la mesure où il se rapproche d’un idéal synthétique.

12  « Le monde devient rêve, le rêve devient monde. » Tout le poème serait à citer : il est certes l’un des plus riches en formules caractéristiques de ce qui fut dessein et nostalgie romantique.

13  Cf. le même poème : Astralis, fils de Henri et de Mathilde.

14  Litt. : Rêves sont écumes ; songes ne sont que mensonges.

15  Le philosophe Solger, dont Maurice Boucher vient d’étudier la philosophie du point de vue romantique, dans sa thèse de doctorat.

16  Cf. dans le Goethe de F. Gundolf (dans l’original, et non pas dans la traduction française, totalement inintelligible par suite de milliers d’énormes contre-sens !) ce passage : « Le moyen du rêve, si cher aux Romantiques, pour abolir les limites humaines, Goethe ne l’a pas aimé, parce qu’il lui importait précisément de reconnaître ces limites et que le rêve en voulant être à la fois ici et là, trouble la vue » (p. 283).

17 Et que ce que l’on croit s’accomplisse !

18 Très ingénieusement, M. Bouvier a démontré cette filiation du symbolisme et de toutes ces écoles qui finiront, dans l’exaspération de la guerre mondiale – où le moi ayant perdu toute foi dans le réel se réfugie en lui-même – par se fondre dans le dadaïsme et le surréalisme, formes suprêmes et souvent morbides d’un romantisme vieux de l’expérience d’un siècle.