LES

 

DÉLICES DE LA SAGESSE

 

SUR

 

L’AMOUR CONJUGAL

 

À la suite sont placées

 

LES VOLUPTÉS DE LA FOLIE

 

SUR

 

L’AMOUR SCORTATOIRE

 

PAR

 

EMMANUEL SWEDENBORG

 

traduit du latin

 

PAR J.-F.-E. LE BOYS DES GUAYS

 

Sur l’Édition princeps (Amsterdam, 1768),

 

DEUXIÈME ÉDITION

 

Revue par C. H.

 

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PARIS

 

LIBRAIRIE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM

 

12, RUE THOUIN, 12

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1887

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRÉLIMINAIRES

 

SUR

 

LES JOIES DU CIEL, ET SUR LES NOCES DANS LE CIEL.

 

 

1. « Je prévois que beaucoup de ceux qui liront ce qui va suivre, et les Mémorables placés à la suite des Chapitres, croiront que ce sont des inventions de l’imagination ; toutefois, j’affirme dans la vérité que ce ne sont pas des choses inventées, mais que ce sont des choses qui véritablement ont eu lieu et ont été vues, non pas vues dans un certain état du mental assoupi, mais dans un état de pleine veille ; car il a plu au Seigneur de Se manifester Lui-même à moi, et de m’envoyer pour enseigner les choses qui doivent appartenir à la Nouvelle Église, laquelle est entendue dans l’Apocalypse par la NOUVELLE JÉRUSALEM ; pour cette fin, il a ouvert les intérieurs de mon mental et de mon esprit ; par là il m’a été donné d’être dans le Monde Spirituel avec les Anges, et en même temps dans le Monde Naturel avec les Hommes, et cela maintenant depuis vingt-cinq ans. »

2. Un jour je vis sous le Ciel Oriental un Ange qui volait, ayant dans la main et à la bouche une trompette, et il en sonna vers le Septentrion, vers l’Occident et vers le Midi : il était vêtu d’une Chlamyde, qui par le vol flottait en arrière, et il était ceint d’une écharpe qui lançait comme de la flamme et de la lumière par les escarboucles et les saphirs ; il volait le corps penché, et descendait lentement vers la terre près de l’endroit où j’étais : dès qu’il eut touché la terre, se tenant droit sur ses pieds, il allait çà et là, et alors, m’ayant vu, il dirigea sa marche vers moi ; j’étais en esprit ; et, dans cet état, je me tenais sur une colline dans la Plage méridionale ; et quand il fut près de moi, je lui adressai la parole, en disant : « Qu’y a-t-il donc maintenant ? J’ai entendu le son de ta trompette, et je t’ai vu descendre à travers les airs. » L’Ange répondit : « J’ai été envoyé pour convoquer les plus célèbres en érudition, les plus perspicaces en génie, et les plus éminents en réputation de sagesse, qui, sortis des Royaumes du Monde Chrétien, sont sur toute l’étendue de cette terre, afin qu’ils s’assemblent sur cette Colline où tu es, et qu’ils déclarent du fond du cœur ce que dans le Monde ils ont pensé, compris et goûté au sujet de la JOIE CÉLESTE, et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE. Voici quel a été le motif de ma mission : quelques nouveaux venus du Monde, ayant été admis dans notre Société Céleste, qui est à l’Orient, ont rapporté que, dans tout le monde Chrétien, il n’y a pas même un seul homme qui sache ce que c’est que la Joie Céleste et la Félicité Éternelle, ni par conséquent ce que c’est que le Ciel. Mes frères et consociés en ont été extrêmement surpris, et ils m’ont dit : Descends, appelle et convoque les plus sages dans le Monde des esprits, où sont d’abord rassemblés tous les Mortels après leur sortie du Monde naturel, afin que, d’après ce qui sortira de la bouche d’un grand nombre de sages, nous soyons certains si c’est une vérité qu’il y ait chez les Chrétiens une telle obscurité ou une telle ignorance ténébreuse sur la vie future. Et il dit : « Attends un peu, et tu verras des Cohortes de sages qui se rendent ici ; le Seigneur préparera pour eux une Salle d’assemblée. » J’attendis ; et voici, après une demi-heure, je vis deux compagnies venant du Septentrion, deux de l’Occident, et deux du Midi, et à mesure qu’elles arrivaient, elles étaient introduites par l’Ange de la trompette dans la Salle préparée ; et là, elles prenaient les places qui leur étaient désignées selon les plages. Il y avait six Troupes ou Cohortes ; il en était venu de l’Orient une septième qui, à cause de sa lumière, n’était pas vue par les autres. Quand elles furent réunies, l’Ange exposa le motif de la convocation, et demanda que les Cohortes, selon leur rang, manifestassent leur sagesse sur le sujet de la JOIE CÉLESTE et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE ; et alors chaque Cohorte se forma en cercle, les faces tournées vers les faces, pour se rappeler ce sujet d’après les idées prises dans le Monde précédent, et maintenant l’examiner, et après examen et délibération déclarer son sentiment.

3. Après la délibération, la PREMIÈRE COHORTE, qui était du Septentrion, dit : « La Joie Céleste et la Félicité éternelle sont un avec la vie même du Ciel ; c’est pourquoi, quiconque entre dans le Ciel, entre quant à la vie dans les réjouissances du Ciel, absolument de même que celui qui entre dans une salle de noces, entre dans les réjouissances qui s’y font ; le Ciel, devant notre vue, n’est-il pas au-dessus de nous, ainsi dans un lieu ? et c’est là, et non ailleurs, qu’il y a bonheur sur bonheur, et voluptés sur voluptés ; l’homme est introduit dans ces délices quant à toute perception du mental, et quant à toute sensation du corps, d’après la plénitude des joies de ce lieu, quand il est introduit dans le Ciel : la félicité céleste, qui aussi est éternelle, n’est donc autre chose que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la Grâce Divine. » Après que la Première Cohorte eut ainsi parlé, la SECONDE du Septentrion tira de sa sagesse ce sentiment : « La Joie Céleste et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Réunions très joyeuses avec les Anges et des Conversations très-agréables avec eux, d’après lesquelles les visages toujours épanouis sont tenus dans l’allégresse, et toutes les bouches dans des ris gracieux excités par des paroles agréables et des propos joyeux ; et que pourraient être les joies célestes, sinon les variétés de ces plaisirs pendant l’éternité ? » La TROISIÈME COHORTE, qui était la Première des sages de la Plage occidentale, s’exprima ainsi d’après les pensées de ses affections : « Qu’est-ce que la Joie Céleste et la Félicité éternelle, sinon des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob, sur les tables desquels seront des Mets délicats et recherchés, et des Vins généreux et excellents ; et, après les repas, des Jeux et des Chœurs de jeunes vierges et de jeunes hommes dansant au son de symphonies et de flûtes, entrecoupés par des chants mélodieux de cantiques ; et enfin, le soir, des représentations théâtrales ; et, après ces représentations, de nouveau des repas, et ainsi chaque jour durant l’éternité. » Puis, la QUATRIÈME COHORTE, qui était la Seconde de la plage Occidentale, énonça son sentiment, en disant : « Nous, nous avons caressé plusieurs idées au sujet de la Joie Céleste et de la Félicité éternelle, et nous avons exploré diverses Joies et les avons comparées entre elles, et nous avons conclu que les Joies Célestes sont des Joies Paradisiaques ; le Ciel est-il autre chose qu’un Paradis, qui s’étend de l’Orient à l’Occident et du Midi au Septentrion, et où sont des arbres chargés de fruits et des fleurs délicieuses ? Au milieu de ces arbres et de ces fleurs est l’Arbre magnifique de la vie, autour duquel seront assis les bienheureux, se nourrissant de fruits d’une saveur délicate, et ornés de guirlandes de fleurs de l’odeur la plus suave ; ces arbres et ces fleurs sous l’influence d’un printemps perpétuel naissent et renaissent chaque jour avec une variété infinie ; et par cette naissance et cette floraison perpétuelles, et en même temps par cette température éternellement printanière, les esprits (animi) continuellement renouvelés ne peuvent qu’aspirer et respirer des Joies chaque jour nouvelles, et ainsi rentrer dans la fleur de l’âge, et par là dans l’état primitif, dans lequel Adam et son épouse ont été créés, et par conséquent être replacés dans leur Paradis, transféré de la terre au Ciel. » La CINQUIÈME COHORTE, qui était la Première des plus perspicaces en génie de la Plage méridionale, s’exprima ainsi : « Les Joies Célestes et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et par suite une magnificence plus que royale, et une splendeur au-dessus de tout éclat : que les Joies du Ciel, et la jouissance continuelle de ces joies, qui est la félicité éternelle, soient telles, c’est ce que nous avons vu clairement d’après ceux qui, dans le Monde précédent, ont joui de ces avantages ; et, en outre, en ce que les bienheureux dans le Ciel doivent régner avec le Seigneur, et être rois et princes, parce qu’ils sont fils de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, et en ce qu’ils seront assis sur des trônes, et que les Anges les serviront. Nous avons vu clairement la magnificence du Ciel, en ce que la Nouvelle Jérusalem, par laquelle est décrite la gloire du Ciel, aura des Portes dont chacune sera une Perle, et des Places d’or pur, et une Muraille dont le fondement sera de pierres précieuses ; que par conséquent quiconque a été reçu dans le Ciel a un Palais resplendissant d’or et de choses d’un grand prix, et que la Domination y passe successivement et en ordre de l’un à l’autre : et comme nous savons que dans de semblables choses il y a des joies innées et une félicité inhérente, et qu’elles sont d’irréfragables promesses de Dieu, nous n’avons pu tirer d’autre part l’état le plus heureux de la vie céleste. » Après cette Cohorte, la SIXIÈME, qui était la Seconde de la Plage Méridionale, éleva la voix, et dit : « La Joie du Ciel et la Félicité éternelle ne sont autre chose qu’une perpétuelle Glorification de Dieu, une fête qui dure éternellement, et un culte de grande béatitude avec chants et cris de joie ; et ainsi, une constante élévation du cœur vers Dieu, avec pleine confiance de l’acceptation des prières et des louanges pour cette divine munificence de béatitude. » Quelques-uns de cette Cohorte ajoutèrent que cette Glorification se fêta avec de magnifiques illuminations, de très suaves parfums, et de pompeuses processions, à la tête desquelles marchera, avec une grande Trompette, le souverain Pontife, suivi des Primats et Porte-masses, grands et petits, et derrière eux des Hommes portant des palmes, et des femmes ayant des statuettes d’or dans les mains.

4. La SEPTIÈME COHORTE, qui n’était pas vue par les autres à cause de sa lumière, était de l’Orient du Ciel ; elle se composait d’Anges de la même Société, de laquelle était l’Ange de la trompette : ayant appris dans leur Ciel que, dans le Monde Chrétien, il n’y avait pas même un seul homme qui sût ce que c’est que la Joie du Ciel et la Félicité éternelle, ces anges s’étaient dit entre eux : « Cela ne peut nullement être la vérité ; il est impossible qu’il y ait chez les Chrétiens une si grande obscurité, et un tel engourdissement des mentals ; descendons aussi nous-mêmes, et sachons si c’est la vérité ; et, si c’est la vérité, certainement c’est un prodige. » Alors ces Anges dirent à l’ange de la trompette : « Tu sais que tout homme qui a désiré le Ciel, et a pensé quelque chose de positif au sujet des joies du Ciel, est introduit après la mort dans les joies de son imagination ; et qu’après qu’il a appris par expérience quelles sont ces joies, c’est-à-dire qu’elles sont selon les vaines idées de son mental, et selon les délires de sa fantaisie, il en est détourné et est instruit ; c’est ce qui arrive dans le Monde des Esprits à la plupart de ceux qui, dans la vie précédente, ont médité sur le Ciel, et qui, d’après certaines idées arrêtées, au sujet des joies célestes, désirent les posséder. » Après avoir entendu ces paroles, l’Ange de la trompette dit aux six Cohortes de Sages du Monde Chrétien qu’il avait convoquées : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies, par conséquent dans le Ciel. »

5. Après qu’il eut prononcé ces mots, l’Ange marcha en avant ; et, d’abord, il fut suivi par la cohorte de ceux qui s’étaient persuadés que les Joies Célestes étaient seulement de très-joyeuses réunions et de très-agréables conversations : l’Ange les introduisit dans des Assemblées de la Plage Septentrionale, qui n’avaient pas eu, dans le monde précédent, d’autres notions au sujet des joies du ciel. Il y avait là une Maison spacieuse dans laquelle ceux qui étaient tels avaient été réunis ; cette Maison avait plus de cinquante chambres, distinguées selon les divers genres d’entretiens ; dans les unes on parlait de ce qu’on avait vu et entendu dans la place publique et dans les rues ; dans d’autres, on tenait divers propos aimables sur le beau sexe, en les entremêlant de facéties, multipliées au point de répandre les ris de la gaîté sur tous les visages de l’assemblée ; dans d’autres chambres, on s’occupait de Nouvelles des Cours, des Ministères, de l’État politique, des différentes choses qui avaient transpiré des Conseils secrets, et l’on faisait des raisonnements et des conjectures sur les évènements ; dans d’autres, on parlait de commerce ; dans d’autres, de littérature ; dans d’autres, de ce qui a rapport à la Prudence civile et à la Vie morale ; dans d’autres, des choses Ecclésiastiques et des Sectes ; et ainsi du reste : il me fut donné de faire une inspection dans cette maison, et je vis des gens qui couraient de chambres en chambres, cherchant des compagnies conformes à leur affection et par conséquent à leur joie ; et, dans les compagnies, j’en vis de trois espèces ; les uns haletants de parler, d’autres désireux de questionner, et d’autres avides d’entendre. Il y avait quatre portes à la Maison, une vers chaque plage, et je remarquai que plusieurs quittaient les compagnies, et se hâtaient pour sortir ; j’en suivis quelques-uns vers la porte Orientale, et j’en vis quelques autres assis d’un air triste près de cette porte ; et je m’approchai, et je leur demandai pourquoi ils étaient assis ainsi tristes ; et ils répondirent : « Les portes de cette Maison sont tenues fermées pour ceux qui veulent sortir ; et voici maintenant le troisième jour que nous y sommes entrés ; et que nous y avons vécu, conformément à notre désir, en compagnies et en conversations ; et ces entretiens continuels nous ont tellement fatigués, que nous pouvons à peine supporter d’en entendre le simple bourdonnement ; c’est pourquoi, poussés par l’ennui, nous nous sommes rendus vers cette porte, et nous avons frappé ; mais on nous a répondu : Les portes de cette Maison s’ouvrent, non pour ceux qui veulent sortir, mais pour ceux qui veulent entrer ; restez et jouissez des joies du Ciel. D’après ces réponses, nous avons conclu que nous resterons ici éternellement ; de ce moment la tristesse s’est emparée de nos mentals, et maintenant notre poitrine commence à se serrer, et l’anxiété à s’emparer de nous. » Alors l’Ange prit la parole, et leur dit : « Cet état est la mort de vos joies que vous avez cru être uniquement célestes, lorsque cependant elles ne sont que des accessoires des joies célestes. » Et ils dirent à l’Ange : « Qu’est-ce donc que la Joie Céleste ? » Et l’Ange répondit en peu de mots : « C’est le plaisir de faire quelque chose qui soit utile à soi-même et aux autres ; et le plaisir de l’usage tire de l’Amour son essence, et de la Sagesse son existence ; le plaisir de l’usage qui tient son origine de l’Amour par la Sagesse est l’âme et la vie de toutes les joies célestes. Il y a dans les Cieux de très-agréables Réunions, qui égayent les mentals des Anges, divertissent leurs mentals extérieurs (animi), réjouissent leurs cœurs, et récréent leurs corps ; mais ils n’en jouissent qu’après avoir fait des usages dans leurs fonctions et dans leurs œuvres ; par là il y a âme et vie dans toutes leurs allégresses et dans tous leurs amusements ; mais qu’on ôte cette âme ou cette vie, les joies accessoires cessent successivement d’être des joies, et deviennent d’abord indifférentes, ensuite comme rien, et enfin elles ne sont que tristesse et anxiété. » Après qu’il eut parlé ainsi, la porte s’ouvrit, et ceux qui étaient assis auprès sortirent précipitamment ; et ils s’enfuirent chez eux, chacun à sa fonction et à son ouvrage, et ils furent soulagés.

6. Ensuite l’Ange s’adressa à ceux qui s’étaient formé de la Joie du Ciel et de la Félicité éternelle cette idée, que c’étaient des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob ; et, après les repas, des Jeux et des Spectacles, et de nouveau des repas, et ainsi durant l’éternité ; et il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans les félicités de vos joies. » Et il les fit entrer, à travers un bois, dans une plaine couverte d’un plancher, sur laquelle avaient été placées des tables, quinze d’un côté, et quinze de l’autre ; et ils demandèrent : « Pourquoi tant de tables ? » et l’Ange répondit : « La première table est celle d’Abraham ; la seconde, celle d’Isaac ; la troisième, celle de Jacob ; et près de celles-ci sont en ordre les tables des douze Apôtres ; de l’autre côté sont autant de tables pour leurs Épouses, les trois premières sont celles de Sarah épouse d’Abraham, de Rébecca épouse d’Isaac, et de Léah et Rachel épouses de Jacob ; et les douze autres, celles des épouses des douze Apôtres. » Quelques instants après, toutes les Tables apparurent couvertes de mets, et les petits espaces, entre les plats, ornés de petites pyramides chargées de toutes espèces de sucreries. Ceux qui devaient prendre part à ce banquet étaient debout, autour des tables, dans l’attente d’en voir arriver les Présidents ; après quelques moments d’attente, on les vit entrer en ordre de marche depuis Abraham jusqu’au dernier des Apôtres ; et aussitôt chacun d’eux, s’approchant de sa table, s’y plaça à la tête sur un lit ; et, de là, ils dirent à ceux qui se tenaient debout alentour : « Prenez place aussi avec nous. » Et ils prirent place, les hommes avec ces Pères, et les femmes avec leurs Épouses ; et ils mangèrent et burent avec allégresse et avec vénération. Après le repas, ces Pères sortirent ; et alors commencèrent des jeux, des danses de jeunes filles et de jeunes hommes ; et, après les danses, des spectacles : les spectacles terminés, les assistants furent invités de nouveau à des Festins, mais avec ce règlement, que le premier jour ils mangeraient avec Abraham, le second avec Isaac, le troisième avec Jacob, le quatrième avec Pierre, le cinquième avec Jacques, le sixième avec Jean, le septième avec Paul, et avec les autres en suivant l’ordre jusqu’au quinzième jour, à partir duquel ils reprendraient de nouveau les festins dans le même ordre en variant les places, et ainsi durant l’éternité. Ensuite l’Ange convoqua les hommes de la Cohorte, et il leur dit : « Tous ceux que vous avez vus aux tables ont été dans une pensée imaginaire, semblable à la vôtre, sur les Joies du Ciel et sur la Félicité éternelle ; et afin qu’ils voient eux-mêmes les vanités de leurs idées, et qu’ils en soient détournés, de telles scènes de table ont été instituées, et ont été permises par le Seigneur. Les Présidents, que vous avez vus à la tête des tables, étaient des Vieillards jouant un rôle, la plupart d’extraction rustique, qui ayant beaucoup de barbe, et glorieux d’une certaine opulence au-dessus des autres, avaient eu la fantaisie qu’ils étaient ces anciens Pères. Mais suivez-moi par les chemins qui conduisent hors de cette enceinte. » Et ils le suivirent, et ils en virent cinquante à un endroit, et cinquante à un autre, qui s’étaient gorgés de nourriture au point d’en avoir des nausées, et désiraient retourner dans l’intérieur de leurs maisons, les uns à leurs emplois, d’autres à leur commerce, et d’autres à leur ouvrage ; mais un grand nombre étaient retenus par les gardes du bois, et interrogés sur les jours de leurs repas, s’ils avaient mangé aussi aux tables de Pierre et de Paul ; et on leur disait que s’ils sortaient auparavant, comme cela est contraire à la décence, ils en seraient couverts de honte. Mais la plupart répondaient : « Nous sommes rassasiés de nos joies, les mets nous sont devenus insipides, et notre goût est desséché, l’estomac les dédaigne, nous ne pouvons plus y toucher ; nous avons passé quelques jours et quelques nuits dans cette bombance, nous demandons instamment qu’on nous renvoie. » Et, ayant été renvoyés, ils s’enfuirent haletants et à course précipitée chacun chez soi. Après cela l’Ange appela les hommes de la Cohorte ; et, dans la route, voici ce qu’il leur enseigna sur le Ciel : « Dans le Ciel, de même que dans le Monde, il y a des Aliments et des Boissons, il y a des Festins et des Banquets ; et là, chez les Principaux, il y a des Tables sur lesquelles sont servis des mets délicats, des choses friandes et recherchées, par lesquelles les mentals extérieurs (animi) sont égayés et récréés ; il y a aussi des Jeux et des Spectacles ; il y a des Concerts et des Chants ; et tout cela dans la plus grande perfection ; ces choses sont aussi des joies pour les anges, mais non une félicité, celle-ci doit être dans les joies, et par suite provenir des joies ; la félicité dans les joies fait qu’elles sont des joies, elle les fertilise, et les soutient afin qu’elles ne deviennent ni communes ni fastidieuses ; et cette félicité, chacun la possède d’après l’usage dans sa fonction. Dans l’affection de la volonté de chaque Ange, il y a une certaine veine cachée, qui attire le mental à faire quelque chose, le mental par là se tranquillise et se satisfait ; cette satisfaction et cette tranquillité rendent l’état du mental susceptible de recevoir du Seigneur l’amour de l’usage ; de cette réception vient la Félicité céleste, qui est la vie de ces joies dont il a déjà été parlé. La nourriture céleste, dans son essence, n’est pas non plus autre chose que l’amour, la sagesse et l’usage ensemble, c’est-à-dire, l’usage par la sagesse d’après l’amour ; c’est pourquoi, dans le Ciel, il est donné à chacun une nourriture pour le corps selon l’usage qu’il fait, somptueuse à ceux qui sont dans un usage éminent, médiocre mais d’une saveur exquise à ceux qui sont dans un usage d’un degré moyen, et vile à ceux qui sont dans un usage vil, mais il n’en est point donné aux paresseux.

7. L’Ange appela ensuite auprès de lui la Cohorte des prétendus sages, qui avaient placé les Joies Célestes et d’après ces joies la Félicité éternelle, dans des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et dans une magnificence plus que royale et une splendeur au-dessus de tout éclat ; et cela, parce qu’il est dit dans la Parole qu’ils seront rois et princes, et qu’ils régneront avec le Christ éternellement et seront servis par les Anges, outre plusieurs autres choses ; l’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies. » Et il les introduisit dans un Portique composé de Colonnes et de Pyramides : sur le devant était un Porche peu élevé par lequel il y avait entrée dans le Portique ; c’est par ce porche qu’il les introduisit ; et voici, ils furent vus vingt d’un côté et vingt d’un autre, et ils attendaient. Et tout à coup apparut quelqu’un remplissant le rôle d’un Ange, et il leur dit : « Par ce Portique est le chemin qui conduit au Ciel ; restez un peu, et préparez-vous, parce que les plus grands d’entre vous vont devenir Rois, et les moindres seront Princes. » À ces mots, auprès de chaque Colonne apparut un Trône, et sur le trône une chlamyde de soie, et sur la chlamyde un sceptre et une couronne ; et auprès de chaque Pyramide apparut un Siège élevé de trois coudées au-dessus de terre, et sur le siège une chaîne en anneaux d’or, et des cordons de l’ordre équestre réunis par les bouts avec des petits cercles de diamants. Et alors on cria : « Allez, maintenant ; revêtez-vous, asseyez-vous et attendez. » Et à l’instant les Grands coururent aux trônes, et les Moindres aux sièges, et ils se revêtirent, et ils se placèrent : mais alors il apparut comme un brouillard s’élevant des enfers ; ceux qui étaient assis sur les trônes et sur les sièges l’ayant aspiré, leur face commença à devenir bouffie, leur cœur à se gonfler, et ils furent pleins de la confiance qu’ils étaient maintenant rois et princes ; ce brouillard était l’aure (atmosphère) de la fantaisie dont ils étaient inspirés : et tout à coup il accourut, comme venant du Ciel, des jeunes hommes ; et ils se placèrent deux derrière chaque trône, et un derrière chaque siège, pour servir ; et alors de temps en temps un héraut criait : « Vous êtes des rois et des princes ; attendez encore un peu, on prépare maintenant dans le Ciel vos cours ; vos courtisans vont bientôt venir avec vos gardes, et ils vous introduiront. » Ils attendaient et attendaient, au point que leurs esprits respiraient à peine et étaient excédés par leur désir. Après trois heures d’attente, le Ciel s’ouvrit au-dessus de leurs têtes, et des Anges abaissèrent leurs regards sur eux, et en eurent pitié ; ils leur dirent : « Pourquoi êtes-vous assis ainsi comme des fous, et agissez-vous comme des histrions ? On s’est moqué de vous ; et d’hommes on vous a changés en idoles ; et cela, parce que vous avez mis dans vos cœurs que vous régneriez avec le Christ comme des rois et des princes, et qu’alors vous seriez servis par les Anges. Est-ce que vous avez oublié ces paroles du Seigneur : Que celui qui veut être grand dans le Ciel devienne serviteur ? Apprenez donc ce qui est entendu par rois et princes, et par régner avec le Christ ; sachez que c’est être sage et faire des usages ; en effet, le Royaume du Christ, qui est le Ciel, est le Royaume des usages ; car le Seigneur aime tous les hommes, et par suite veut du bien à tous, et le bien est l’usage ; et comme le Seigneur fait les biens ou les usages médiatement par les Anges, et dans le Monde par les hommes, c’est pour cela qu’à ceux qui font fidèlement les usages il donne l’amour de l’usage, et la récompense de l’usage, qui est la béatitude interne, et celle-ci est la félicité éternelle. Il y a dans les cieux, comme dans les terres, des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, car il y a des gouvernements, et des formes de gouvernement, et par conséquent il y a de plus grands et de moindres pouvoirs, de plus grandes et de moindres dignités, et ceux qui sont dans le suprême degré des pouvoirs et des dignités ont des Palais et des Cours, qui surpassent en magnificence et en splendeur les palais et les cours des Empereurs et des Rois sur la terre, et ils sont entourés d’honneur et de gloire par le nombre des courtisans, des ministres et des gardes, et par les vêtements magnifiques de ceux-ci : mais ceux qui sont ainsi élevés au rang suprême sont choisis parmi ceux dont le cœur est pour le salut public, et dont les sens du corps sont seulement dans la grandeur de la magnificence à cause de l’obéissance : et puisqu’il est du salut public que chacun soit de quelque usage dans la société comme corps commun, et puisque tout usage vient du Seigneur, et est fait par les anges et par les hommes comme par eux-mêmes, il est évident que c’est là régner avec le Seigneur. » Après avoir entendu ces paroles prononcées du Ciel, ces prétendus rois et princes descendirent des trônes et des sièges, et jetèrent loin d’eux sceptres, couronnes et chlamydes ; et le brouillard dans lequel était l’atmosphère de la fantaisie s’éloigna d’eux, et ils furent enveloppés d’une nuée blanche où était l’atmosphère de la sagesse, qui rendit la santé à leurs mentals.

8. L’Ange revint ensuite à la Maison de l’assemblée des sages du Monde Chrétien, et il appela vers lui ceux qui s’étaient persuadés que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle étaient des délices paradisiaques ; il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans le Paradis, votre Ciel, afin que vous commenciez à jouir des béatitudes de votre félicité éternelle. » Et il les introduisit par une Porte élevée, construite avec un entrelacement de branches et de rejetons d’arbres précieux : quand ils furent entrés, il les conduisit par des détours de plage en plage ; c’était effectivement un Paradis dans la première entrée vers le Ciel, Paradis dans lequel sont envoyés ceux qui, dans le Monde, ont cru que le Ciel entier est un seul Paradis parce qu’il est appelé le Paradis, et qui ont imprimé en eux l’idée qu’après la mort il y a entière cessation de travail, et que ce repos consisterait uniquement à respirer des délices, à se promener sur des roses, à se délecter du jus le plus exquis des raisins, et à célébrer des fêtes par des festins ; et que cette vie ne peut exister que dans le Paradis Céleste. Conduits par l’Ange, ils voyaient une grande multitude tant de vieillards que de jeunes hommes et d’enfants, et aussi de femmes et de jeunes filles, trois par trois, et dix par dix, assis dans des bosquets de rosiers, tressant des guirlandes dont ils ornaient les têtes des vieillards, les bras des jeunes hommes, et par faisceaux les poitrines des enfants ; ailleurs, cueillant des fruits sur les arbres, et les portant dans des corbeilles à leurs compagnons ; ailleurs, exprimant dans des coupes le jus des raisins, des cerises et des groseilles, et le buvant avec réjouissance ; ailleurs, respirant les parfums exhalés par les fleurs, les fruits et les feuilles odoriférantes, et répandus de tous côtés ; ailleurs, chantant des odes mélodieuses dont ils charmaient les oreilles de ceux qui étaient présents ; ailleurs, assis près des fontaines, et des eaux qui jaillissaient en prenant diverses formes ; ailleurs, se promenant, causant et lançant de joyeux propos ; ailleurs, courant, jouant, dansant ici en mesure, là en rond ; ailleurs, se retirant dans des cabinets au milieu des jardins, pour s’y reposer sur des lits ; sans parler de plusieurs autres allégresses paradisiaques. Après qu’ils eurent vu tous ces groupes, l’Ange conduisit ses compagnons par des circuits çà et là, et enfin vers d’autres esprits qui étaient assis dans un très-beau bosquet de rosiers, entouré d’oliviers, d’orangers et de citronniers, et qui, la tête penchée et les mains sur les joues, gémissaient et répandaient des larmes ; ceux qui accompagnaient l’Ange leur adressèrent la parole, et dirent : « Pourquoi êtes-vous ainsi assis ? » Et ils répondirent : « Il y a maintenant sept jours que nous sommes venus dans ce Paradis ; quand nous sommes entrés, notre mental semblait être élevé dans le Ciel et plongé dans les intimes béatitudes de ses joies ; mais au bout de trois jours ces béatitudes commencèrent à diminuer et à s’effacer dans nos mentals, et à devenir insensibles, et par suite nulles ; et quand nos joies imaginaires se furent ainsi évanouies, nous avons craint la perte de tout l’agrément de notre vie, et nous sommes devenus, à l’égard de la félicité éternelle, incertains s’il y en a une ; et depuis ce moment nous avons erré par les allées et par les places, cherchant la porte par laquelle nous étions entrés ; mais nous avons erré en vain de circuits en circuits ; et nous avons interrogé ceux que nous rencontrions, et quelques-uns d’eux nous on dit : On ne trouve pas la porte, parce que ce jardin Paradisiaque est un vaste labyrinthe, qui est tel, que celui qui veut en sortir s’y enfonce davantage ; vous ne pouvez donc faire autrement que d’y rester éternellement ; vous êtes maintenant dans le milieu, où toutes les délices sont concentrées. » En outre, ils dirent à ceux qui accompagnaient l’Ange : « Voilà maintenant un jour et demi que nous restons assis, et comme nous sommes sans espoir de trouver une sortie, nous nous sommes replacés dans ce bosquet de rosiers, et nous voyons en abondance autour de nous des olives, des raisins, des oranges et des citrons, mais plus nous les regardons, plus se lasse la vue en voyant, l’odorat en odorant, et le goût en goûtant ; voilà la cause de la tristesse, des gémissements et des larmes, dans lesquels vous nous voyez. » L’Ange de la Cohorte, ayant entendu ces paroles, leur dit : « Ce Labyrinthe Paradisiaque est véritablement une entrée du Ciel, je connais une issue, et je vous ferai sortir. » À ces mots, ceux qui étaient assis se levèrent, et embrassèrent l’Ange, et ils le suivirent avec sa cohorte ; l’Ange leur apprit en chemin ce que c’est que la Joie Céleste et par suite la Félicité éternelle. « Ce ne sont pas des Délices paradisiaques externes, à moins qu’il n’y ait en même temps avec elles des Délices paradisiaques internes ; les délices paradisiaques externes sont seulement les délices des sens du corps, mais les délices paradisiaques internes sont les délices des affections de l’âme ; si celles-ci ne sont pas dans celles-là, il n’y a pas de vie céleste, parce qu’il n’y a pas d’âme dans les délices externes ; et tout délice sans son âme correspondante languit et s’engourdit par la continuité, et fatigue, plus que le travail, le mental extérieur (animus). Dans les Cieux, il y a partout des Jardins paradisiaques, et les Anges y trouvent aussi des joies, et autant ils y placent le délice de l’âme, autant ces joies sont pour eux des joies. » À ces mots, tous demandèrent ce que c’est que le délice de l’âme, et d’où il vient ; l’Ange répondit : « Le délice de l’âme vient de l’amour et de la sagesse procédant du Seigneur ; et comme c’est l’amour qui effectue, et qu’il effectue par la sagesse, c’est pour cela que le siège de l’un et de l’autre est dans l’effet, et l’effet est l’usage : ce délice influe du Seigneur dans l’âme, et descend par les supérieurs et par les inférieurs du mental dans tous les sens du corps, et il s’y complète ; de là la joie devient joie, et elle devient éternelle d’après l’Éternel de Qui elle procède. Vous avez vu des Jardins Paradisiaques, et je vous assure que là il n’y a pas la moindre chose, pas même la plus petite feuille, qui ne provienne du mariage de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; si donc l’homme est dans ce mariage, il est dans le Paradis Céleste, ainsi dans le Ciel. »

9. Ensuite l’Ange conducteur revint à la Maison vers ceux qui s’étaient fermement persuadés que la Joie Céleste et la Félicité éternelle sont une perpétuelle Glorification de Dieu, et une Fête qui dure toute l’éternité ; et cela, parce que dans le Monde ils avaient cru qu’alors ils verraient Dieu, et parce que la vie du Ciel d’après le culte de Dieu est appelée un Sabbath perpétuel. L’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans votre joie. » Et il les fit entrer dans une petite ville, au milieu de laquelle il y avait un Temple, et dont toutes les maisons étaient appelées demeures sacrées. Dans cette ville, ils virent une affluence d’esprits de tous les quartiers de la contrée environnante, et parmi eux un grand nombre de Prêtres qui recevaient les arrivants, les saluaient et, leur prenant les mains, les conduisaient aux portes du Temple, et de là dans quelques demeures sacrées autour du Temple, et les initiaient dans le culte continuel de Dieu, en disant : « Cette ville est le parvis qui mène au Ciel, et le Temple de cette ville est l’entrée pour le magnifique et très-vaste Temple, qui est dans le Ciel, où Dieu est glorifié durant l’éternité par les prières et les louanges des Anges : les ordonnances, ici et dans le Ciel, sont qu’il faut d’abord entrer dans le Temple, et y rester trois jours et trois nuits ; et qu’après cette initiation il faut entrer dans les maisons de cette ville, qui sont autant de demeures sanctifiées par nous, et passer de l’une dans l’autre ; et là, en communion avec ceux qui y sont rassemblés, prier, s’écrier à haute voix, et réciter des oraisons : ayez bien soin de ne penser en vous-mêmes et de ne dire avec vos consociés que des choses saintes, pieuses et religieuses. » L’Ange introduisit donc sa cohorte dans le Temple ; il était rempli par une foule très-serrée, composée de beaucoup de gens qui dans le Monde avaient été en grande dignité, et aussi de beaucoup de gens d’entre le menu peuple ; et des gardes avaient été placés aux portes, afin qu’il ne fût permis à personne de sortir avant d’y être resté trois jours ; et l’Ange dit : « Il y a maintenant deux jours que ceux-ci sont entrés ; examinez-les, et vous verrez comment ils glorifient Dieu. » Et ils les examinèrent, et ils les virent pour la plupart endormis, et ceux qui étaient éveillés ne cessant de bâiller ; quelques-uns ayant, par une continuelle élévation de leurs pensées vers Dieu sans aucun retour sur le corps, la face comme séparée de leur corps, car ils apparaissent ainsi à eux-mêmes et par suite aussi aux autres ; d’autres ayant les yeux égarés à force de les tourner continuellement en dessous ; en un mot, ayant tous le cœur serré et l’esprit abattu par l’ennui, et se détournant de la chaire, et criant : « Nos oreilles sont étourdies ; finissez les sermons, on n’entend plus un mot, et le son de vos voix nous devient fastidieux. » Et alors ils se levèrent, et ils coururent en masse aux portes, les enfoncèrent, et se jetèrent sur les gardes et les chassèrent. Les Prêtres, voyant cela, les suivirent et se mirent à côté d’eux, prêchant et prêchant, priant, soupirant, disant : « Célébrez la Fête, glorifiez Dieu, sanctifiez-vous ; dans ce parvis du Ciel, nous vous initierons à la Glorification éternelle de Dieu dans le magnifique et très-vaste Temple qui est dans le Ciel, et ainsi à la jouissance de la félicité éternelle. » Mais ces paroles, ils ne les comprenaient pas et ils les entendaient à peine, à cause de l’abattement du mental par la suspension et la cessation, pendant deux jours, de toute affaire domestique et publique. Toutefois, comme ils s’efforçaient d’échapper aux prêtres, les prêtres les prenaient par les bras, et aussi par les habits, les poussant vers les demeures sacrées où des sermons devaient être prêchés ; mais c’était en vain, et ils criaient : « Laissez-nous, nous sentons dans le corps comme une défaillance. » À cet instant, voici, il apparut quatre Hommes vêtus de blanc et avec des tiares ; l’un d’eux avait été Archevêque dans le Monde, et les trois autres y avaient été Évêques ; ils étaient devenus des Anges ; ils appelèrent les Prêtres ; et, leur adressant la parole, ils dirent : « Nous vous avons vus du Ciel avec ces brebis ; comment les paissez-vous ? Vous les paissez jusqu’à les rendre folles ; vous ne savez pas ce qui est entendu par la glorification de Dieu ; il est entendu porter des fruits de l’amour, c’est-à-dire, faire fidèlement, sincèrement et soigneusement l’œuvre de sa fonction, car cela appartient à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain, et cela est le lien de la société et le bien de la société ; par là Dieu est glorifié, et il l’est alors par le culte qu’on lui rend à des temps marqués ; n’avez-vous point lu ces paroles du Seigneur : En ceci EST GLORIFIÉ MON PÈRE, que du fruit beaucoup vous portiez, et que vous deveniez mes disciples ? – Jean, XV. 8. – Vous, Prêtres, vous pouvez être dans la glorification du Culte, parce que c’est votre fonction, et que vous y trouvez honneur, gloire et rémunération ; mais vous, néanmoins, vous ne pourriez pas être plus qu’eux dans cette glorification, si en même temps avec votre fonction il n’y avait pas honneur, gloire et rémunération. » Après avoir ainsi parlé, les Évêques ordonnèrent aux gardes de la porte de laisser chacun entrer et sortir ; il y a, en effet, une multitude d’hommes qui n’ont pu penser à une joie Céleste autre que le culte perpétuel de Dieu, parce qu’ils n’ont rien su de l’état du Ciel.

10. L’Ange, avec ceux qui l’avaient accompagné, revint ensuite à la salle d’assemblée, d’où les cohortes de Sages ne s’étaient pas encore retirées ; et là, il appela près de lui ceux qui croyaient que la joie céleste et la félicité éternelle ne sont que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la grâce Divine ; et qu’alors ceux qui sont admis ont la même joie que ceux qui, dans le Monde, entrent dans les cours des Rois les jours de réjouissances, ou qui invités à des noces entrent dans la salle de festin. L’Ange leur dit : « Demeurez ici un peu, et je vais sonner de la trompette, et ceux qui ont une grande réputation de sagesse dans les choses spirituelles de l’Église se rendront ici. » Après quelques heures il apparut neuf hommes, chacun couronné de laurier en signe de sa réputation ; l’Ange les introduisit dans la salle d’assemblée, où étaient présents tous ceux qui avaient été précédemment convoqués ; l’Ange, adressant en leur présence la parole aux neuf hommes couronnés de laurier, dit : « Je sais que, d’après votre vœu conforme à votre idée, il vous a été donné de monter dans le Ciel, et que vous êtes revenus sur cette terre inférieure ou sous-céleste, avec une entière connaissance de l’état du Ciel ; racontez donc comment vous a paru le Ciel. » Et ils répondirent l’un après l’autre ; et le PREMIER dit : « Mon idée sur le Ciel, depuis mon enfance jusqu’à la fin de ma vie dans le Monde, avait été que c’était le lieu de toutes les béatitudes, et de tous les agréments, plaisirs, charmes et voluptés, et que si j’y étais admis, je me trouverais entouré de l’atmosphère de ces félicités, et que je la respirerais à pleine poitrine, comme un fiancé lorsqu’il célèbre ses noces, et qu’il entre avec sa fiancée dans la couche nuptiale ; dans cette idée, je montai au Ciel, et je passai les premières gardes, et aussi les secondes, mais lorsque j’arrivai aux troisièmes, le chef des gardes m’adressa la parole et me dit : « Qui es-tu, ami ? » Et je répondis : « N’est-ce pas ici le Ciel ? J’y suis monté d’après le vœu de mon désir ; laisse-moi entrer, je te prie. » Et il me laissa entrer ; et je vis des Anges vêtus de blanc, et ils m’entouraient, et ils m’examinaient, et ils disaient tout bas : Voici un nouvel hôte qui n’a pas le vêtement du Ciel ; et moi, j’entendis ces paroles, et j’eus cette pensée : Il me semble qu’il en est de moi comme de celui dont le Seigneur dit qu’il était entré au festin des noces, sans un babil nuptial ; et je dis : Donnez-moi des vêtements du Ciel ; mais ils se mirent à rire ; et alors accourut un Ange de la Cour avec cet ordre : Mettez-le tout nu, chassez-le, et jetez ses habits après lui ; et je fus chassé ainsi. » Le SECOND en ordre dit : « Moi, j’ai cru, comme lui, que si j’étais seulement admis dans le Ciel, qui est au-dessus de ma tête, les joies m’environneraient et que j’en jouirais éternellement ; j’obtins aussi ce que j’avais désiré ; mais en me voyant les Anges s’enfuirent, et se dirent entre eux : Qu’est-ce que ce prodige ? Comment cet Oiseau de nuit est-il venu ici ? Et en effet je sentis un changement comme si je n’étais plus homme, quoique je ne fusse pas changé ; cela provenait chez moi de l’attraction de l’atmosphère céleste ; mais bientôt accourut un Ange de la Cour avec cet ordre, que deux serviteurs me fissent sortir et reprendre le chemin par lequel j’étais monté pour me ramener jusqu’à ma maison ; et, quand je fus à la maison, j’apparus aux autres et à moi-même comme homme. » Le TROISIÈME dit : « L’idée du Ciel était constamment pour moi une idée du lieu et non de l’amour ; c’est pourquoi, quand je vins dans ce monde, je désirai avec une vive ardeur le Ciel ; et je vis des esprits qui montaient, et je les suivis, et je fus admis, mais non au-delà de quelques pas ; or, quand je voulus réjouir mon mental (animus) de l’idée des joies et des béatitudes célestes, par la lumière du Ciel, qui était blanche comme la neige, et dont l’essence est dite être la sagesse, mon mental fut saisi de stupeur, et par suite mes yeux furent couverts d’obscurité, et je commençai à être insensé ; et bientôt, par la chaleur du Ciel, qui correspondait à la blancheur éclatante de cette lumière, et dont l’essence est dite être l’amour, mon cœur palpita, l’anxiété s’empara de moi, et j’étais tourmenté par une douleur intérieure, et je me jetai là par terre étendu sur le dos ; et, pendant que j’étais ainsi couché, un garde vint de la Cour avec l’ordre de me faire transporter doucement dans ma lumière et dans ma chaleur ; quand j’y fus rentré, mon esprit et mon cœur me revinrent. » Le QUATRIÈME dit : « Moi aussi, au sujet du Ciel, j’ai été dans l’idée du lieu et non dans l’idée de l’amour, et dès que je fus arrivé dans le Monde spirituel, je demandai aux sages s’il était permis de monter dans le Ciel ; ils me dirent que cela était permis à chacun, mais qu’il fallait prendre garde d’en être chassé ; cette réponse me fit rire, et je montai, croyant, moi comme les autres, que tous dans le Monde entier peuvent recevoir les joies du ciel dans leur plénitude : mais en effet dès que je fus entré je me trouvai presque sans vie, et ne pouvant supporter la douleur et le tourment que j’éprouvais dans la tête et dans le corps, je me jetai par terre, et me roulai comme un serpent approché du feu, et je rampai jusqu’à un précipice et m’y élançai ; et ensuite je fus relevé par ceux qui étaient en bas, et porté dans une hôtellerie, où la santé me fut rendue. Les CINQ AUTRES racontèrent aussi les choses étonnantes qui leur étaient arrivées, quand ils étaient montés dans le Ciel ; et ils comparaient les changements d’états de leur vie avec l’état des poissons enlevés des eaux dans l’air, et avec l’état des oiseaux dans l’éther ; et ils dirent qu’après ces dures épreuves ils n’avaient plus désiré le Ciel, mais seulement une vie conforme à celle de leurs semblables, en quelque lieu qu’ils fussent ; ils ajoutèrent : « Nous savons que dans le Monde des esprits, où nous sommes, tous sont d’abord préparés, les bons pour le Ciel, et les méchants pour l’Enfer ; et que, quand ils ont été préparés, ils voient des chemins ouverts pour eux vers les Sociétés de leurs semblables, avec qui ils doivent rester durant l’éternité ; et qu’alors ils entrent dans ces chemins avec plaisir, parce que ce sont les chemins de leur amour. Tous ceux de la première Convocation, entendant ces déclarations, avouèrent aussi qu’ils n’avaient pas eu non plus d’autre idée du Ciel que comme d’un lieu où l’on savoure à pleine bouche durant l’éternité des joies dont on est inondé. Ensuite l’Ange de la Trompette leur dit : « Vous voyez maintenant que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle n’appartiennent pas au lieu, mais qu’elles appartiennent à l’état de la vie de l’homme ; or, l’état de la vie céleste vient de l’amour et de la sagesse ; et comme l’usage est le contenant de l’un et de l’autre, l’état de la vie céleste vient de la conjonction de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; c’est la même chose, si l’on dit la Charité, la Foi et la bonne Œuvre, car la Charité est l’Amour, la Foi est la Vérité d’où procède la Sagesse, et la Bonne Œuvre est l’Usage : en outre, dans notre Monde Spirituel il y a des lieux comme dans le Monde naturel, autrement il n’y aurait pas d’habitations ni de demeures distinctes ; toutefois, cependant, le lieu n’y est pas un lieu, mais c’est l’apparence d’un lieu selon l’état de l’amour et de la sagesse, ou de la charité et de la foi. Quiconque devient ange porte intérieurement en soi son ciel, parce qu’il porte intérieurement en soi l’amour de son ciel ; car l’homme par création est en très-petit l’effigie, l’image et le type du grand Ciel ; la forme humaine n’est pas autre chose ; c’est pourquoi chacun vient dans la société du Ciel, dont il est la forme dans une effigie singulière ; c’est pour cela que, lorsqu’il entre dans cette société, il entre dans une forme correspondante à lui-même, ainsi il entre dans cette société comme de lui en lui, et il entre en lui comme d’elle en elle, et il tire la vie de cette société comme étant à lui, et il tire la sienne comme étant à cette société ; chaque société est comme un Commun, et les Anges y sont comme les parties similaires d’après lesquelles coexiste le Commun. Il résulte donc de là que ceux qui sont dans les maux et par suite dans les faux ont formé en eux une effigie de l’Enfer, et cette effigie est tourmentée dans le Ciel d’après l’influx et la violence de l’activité de l’opposé contre l’opposé, car l’amour infernal est opposé à l’amour céleste, et par suite les plaisirs de ces deux amours combattent l’un contre l’autre comme des ennemis, et se tuent quand ils se rencontrent.

11. Ces diverses épreuves étant terminées, il fut entendu du Ciel une voix, disant à l’Ange de la trompette : « Choisis-en deux d’entre tous ceux qui ont été convoqués, et introduis-les auprès de nous ; nous avons appris du Seigneur qu’il les préparera, afin que la chaleur et la lumière, ou l’amour et la sagesse de notre Ciel, ne leur nuisent en rien, pendant trois jours. » Et il en fut choisi dix, et ils suivirent l’Ange ; et, par un sentier incliné, ils montèrent sur une colline, et de là sur une Montagne, où était le Ciel de ces Anges, lequel leur avait d’abord apparu à une certaine distance comme une Étendue dans les nuées : et les portes s’ouvrirent pour eux ; et, après qu’ils eurent passé la troisième, l’Ange introducteur courut vers le Prince de cette Société ou de ce Ciel, et annonça leur arrivée ; et le Prince répondit : « Prends quelques-uns de ma garde, et annonce à ceux qui se présentent que leur arrivée m’est agréable, et introduis-les dans mon Avant-Cour, et donne à chacun sa chambre et son cabinet ; prends aussi quelques-uns de mes courtisans et de mes serviteurs pour leur rendre de bons offices, et les servir au moindre signe. » Et il fut fait ainsi. Mais, lorsqu’ils eurent été introduits par l’Ange, ils demandèrent s’il était permis d’aborder et de voir le Prince ; et l’Ange répondit : « Il est encore matin, et cela n’est pas permis avant midi ; tous, jusqu’à ce moment-là, sont à leurs fonctions et à leurs occupations ; mais vous avez été invités à dîner ; et alors vous serez assis à table avec notre Prince : en attendant, je vais vous introduire dans son Palais, où vous verrez des choses magnifiques et resplendissantes. »

12. Lorsqu’ils eurent éamenés près du Palais, ils en virent d’abord les dehors ; il était vaste, bâti en porphyre sur des fondements de jaspe, devant la porte six hautes colonnes de pierre lazuli, le toit en lames d’or, de hautes fenêtres d’un cristal extrêmement transparent, leurs embrasures aussi d’or. Ensuite ils furent introduits dans l’intérieur du Palais, et conduits d’appartements en appartements ; et ils virent des ornements d’une beauté ineffable ; sur les plafonds, des décors d’une ciselure inimitable ; près des murs, des tables d’argent damasquinées d’or, sur lesquelles étaient divers ustensiles en pierres précieuses et en perles fines dans des formes célestes ; et bien d’autres choses qu’aucun œil n’a vues sur la terre, et desquelles en conséquence personne n’a pu croire qu’elles fussent dans le Ciel. Comme la vue de ces objets magnifiques les jetait dans l’étonnement, l’Ange leur dit : « Ne soyez pas surpris ; les objets que vous avez vus ne sont ni faits ni fabriqués par la main des Anges, mais ils sont composés par l’Artisan de l’Univers, et donnés en présent à notre Prince ; c’est pourquoi ici l’Art architectonique est dans son art même, et de lui sont dérivés toutes les règles de cet art dans le Monde. » L’Ange ajouta : « Vous pourriez présumer que de telles choses charment nos yeux et les éblouissent au point de nous faire croire que ce sont là les joies de notre Ciel ; mais comme nous ne menons pas nos cœurs seulement en ces choses, car elles sont des accessoires pour les joies de nos cœurs, il en résulte qu’autant nous les contemplons comme des accessoires, et comme des œuvres de Dieu, autant nous contemplons en elles la Divine Toute-Puissance et la Divine Clémence. »

13. Ensuite l’Ange leur dit : « Il n’est pas encore Midi, venez avec moi dans le Jardin de notre Prince, il touche à ce Palais. » Et ils y allèrent, et dès l’entrée il leur dit : « Voici un Jardin plus magnifique que les autres jardins de cette Société Céleste. » Et ils répondirent : « Que dis-tu ? Ce n’est point ici un Jardin, nous ne voyons qu’un seul Arbre, et dans ses branches et à sa cime comme des fruits d’or et comme des feuilles d’argent, et leurs bords ornés d’émeraudes ; et sous cet Arbre des enfants avec leurs nourrices. » Alors l’Ange dit d’une voix inspirée : « Cet Arbre est dans le milieu du Jardin, et il est appelé par nous l’Arbre de notre Ciel, et par quelques-uns l’Arbre de la vie. Mais avancez, et approchez-vous, et vos yeux seront ouverts, et vous verrez le Jardin. » Et ils firent ainsi ; et leurs yeux furent ouverts, et ils voyaient des Arbres chargés de fruits savoureux, entourés de ceps avec leurs pampres, dont les extrémités se penchaient avec leurs fruits vers l’Arbre de la vie qui était au milieu. Ces arbres étaient plantés en une série continue, qui partait et se prolongeait en ronds ou tours continus comme ceux d’une hélice sans fin ; c’était une Hélice parfaite en arbres, dans laquelle les espèces suivaient les espèces sans interruption selon l’excellence des fruits : le commencement de la formation des tours était séparé de l’Arbre du milieu par un intervalle considérable, et l’intervalle brillait d’un éclat de lumière, par lequel les arbres du tour resplendissaient d’une splendeur successive et continuée depuis les premiers jusqu’aux derniers ; les premiers de ces arbres étaient les plus excellents de tous, abondamment chargés des meilleurs fruits ; ils étaient appelés arbres paradisiaques ; il n’en a été vu nulle part, parce qu’il n’y en a pas eu et qu’il ne pouvait pas y en avoir dans les terres du Monde naturel ; à la suite de ces arbres étaient des oliviers, après ceux-ci des ceps de vigne, puis les arbres odoriférants, et enfin ceux de bois de construction. Çà et là, dans cette Hélice en arbres ou dans cette série de tours, il y avait des Sièges, formés avec de jeunes branches d’arbres rapprochées et entrelacées par derrière, et enrichis et ornés de leurs fruits. Dans ce rond continu d’arbres, il y avait des portes qui ouvraient sur des parterres, d’où l’on passait dans des lieux de verdure distribués en bandes et en lits. Ceux qui accompagnaient l’Ange s’écriaient en voyant cela : « Voici le ciel en forme ! de quelque côté que nous tournions les yeux il influe quelque céleste paradisiaque, qui est ineffable. » L’Ange, entendant ces paroles, en ressentit de la joie, et il dit : « Tous les Jardins de notre Ciel sont des Formes représentatives ou Types des béatitudes célestes dans leurs origines ; et comme l’influx de ces béatitudes a élevé vos mentals, vous vous êtes écriés : Voici le Ciel en forme ! mais ceux qui ne reçoivent pas cet influx ne regardent pas ces objets paradisiaques autrement qu’ils ne regarderaient des objets champêtres ; et tous ceux-là reçoivent l’influx, qui sont dans l’amour de l’usage ; mais ceux-là ne le reçoivent pas qui sont dans l’amour de la gloire, et non d’après l’usage. Il leur expliqua ensuite et leur apprit ce que chaque objet de ce Jardin représentait et signifiait.

14. Tandis qu’ils recevaient ces instructions, il vint un messager de la part du Prince qui les invitait à manger le pain avec lui ; et en même temps deux gardes de la cour apportèrent des vêtements de fin lin, et ils dirent : « Revêtez-vous-en, parce que personne n’est admis à la table du Prince, à moins qu’il ne soit en vêtements du Ciel » ; et ils s’apprêtèrent, et ils accompagnèrent leur Ange, et ils furent introduits dans l’Hypèthre, cour de promenade du Palais, et ils attendirent le Prince ; et là, l’Ange les mit en relation avec des Grands et des Gouverneurs qui attendaient aussi le Prince : et voici, après une petite heure, les portes s’ouvrirent, et par une porte plus large du côté de l’Occident ils virent l’entrée du Prince avec l’ordre et la pompe d’un cortège. Devant lui marchaient les Conseillers assistants, après eux les Conseillers chambellans, et ensuite les Principaux de la cour ; au milieu de ceux-ci était le Prince, et après lui les courtisans de rangs divers, et enfin les gardes ; tous formaient un nombre de cent vingt. L’Ange se tenant debout devant les dix nouveaux venus, qui par leur vêtement paraissaient alors comme des commensaux, s’approcha avec eux du Prince, et les lui présenta respectueusement ; le Prince, sans ralentir sa marche, leur dit : « Venez avec moi au pain. » Et ils le suivirent dans la Salle à manger, et ils virent une Table magnifiquement servie, et au milieu de la table une haute Pyramide d’or avec cent plats creux en triple rang sur leur formes, contenant des pains sucrés et des gelées de vin doux avec d’autres choses délicates préparées avec le pain et le vin ; et du milieu de la Pyramide sortait comme une fontaine qui jaillissait avec un vin de nectar, et dont la veine se divisait au sommet de la Pyramide et remplissait les coupes. Aux côtés de cette haute Pyramide étaient différentes formes célestes en or, sur lesquelles étaient des plats et des assiettes couverts de toute sorte de mets : les formes célestes, sur lesquelles étaient les plats et les assiettes, étaient des formes de l’art d’après la sagesse, qui ne peuvent, dans le Monde, être tracées par aucun art, ni décrites par aucune expression : les plats et les assiettes étaient d’argent, ciselés en pareilles formes aux bords et dans le fond, avec leurs supports ; les coupes étaient de pierres précieuses transparentes : tel était l’appareil de la Table.

15. Or, voici quel était l’habillement du Prince et de ses Ministres. Le Prince était vêtu d’une Robe longue couleur de pourpre, parsemée d’étoiles brodées couleur d’argent ; sous la robe il portait une tunique de soie brillante couleur d’hyacinthe ; cette tunique était ouverte sur la poitrine, où l’on voyait la partie antérieure d’une sorte de ceinture avec l’Insigne de sa Société ; l’Insigne était une Aigle couvant ses petits à la cime d’un arbre ; il était d’un or brillant, entouré de diamants. Les Conseillers assistants n’étaient pas vêtus autrement, mais sans cet Insigne, au lieu duquel ils portaient des saphirs gravés qui pendaient à un collier d’or à leur cou. Les courtisans étaient en robe couleur brun-clair, sur lesquelles étaient brochées des fleurs autour de petits aiglons ; les tuniques sous ces robes étaient de soie couleur d’opale ; de même aussi les vêlements qui couvraient les cuisses et les jambes. Tel était leur Costume.

16. Les Conseillers assistants, les Conseillers chambellans et les Gouverneurs se tenaient debout autour de la Table, et sur l’ordre du Prince ils joignirent les mains, et prononcèrent en même temps à voix basse une louange votive au Seigneur ; et ensuite, à un signe du Prince, ils se mirent à table sur des lits ; et le Prince dit aux dix nouveaux venus : « Mettez-vous aussi à table, vous, avec moi ; voici, là sont vos places. » Et ils se mirent à table ; et des officiers de la cour, envoyés d’avance par le Prince pour les servir, se tenaient debout derrière eux ; et alors le Prince leur dit : « Prenez chacun une assiette de dessus leurs ronds, et ensuite chacun un plat-creux de la Pyramide. » Et ils les prirent ; et voici, aussitôt de nouvelles assiettes et de nouveaux plats-creux furent vus les remplaçant ; et leurs coupes étaient remplies du vin de la fontaine qui jaillissait de la grande Pyramide ; et ils mangèrent et burent. Quand on fut à demi-rassasié, le Prince adressa la Parole aux dix invités, et dit : « .l’ai appris que dans la terre, qui est sous ce Ciel, vous avez été convoqués pour faire connaître vos pensées sur les Joies du Giel, et sur la Félicité éternelle qu’elles procurent, et que vous les avez manifestées de diverses manières, chacun selon les plaisirs des sens de son corps. Mais, que sont les plaisirs des sens du corps sans les plaisirs de l’âme ? c’est l’âme qui fait qu’ils sont des plaisirs ; les plaisirs de l’âme sont en eux-mêmes des béatitudes non-perceptibles, mais elles deviennent de plus en plus perceptibles selon qu’elles descendent dans les pensées du mental, et par ces pensées dans les sensations du corps ; dans les pensées du mental, elles sont perçues comme bonheur, dans les sensations du corps comme agréments, et dans le corps même comme voluptés ; les unes et les autres prises ensembles constituent la félicité éternelle ; mais cette Félicité qui ne résulte que des dernières seules n’est pas éternelle, c’est une félicité temporaire qui finit et passe, et qui parfois devient infélicité. Vous avez maintenant vu que toutes vos joies aussi sont des joies du Ciel, et bien au-dessus de ce que vous avez jamais pu imaginer ; mais néanmoins ces joies n’affectent pas intérieurement nos mentals (animi). Il y a trois choses qui influent comme une seule du Seigneur dans nos âmes ; ces trois choses comme une seule, ou ce trine, sont l’amour, la sagesse et l’usage ; toutefois, l’amour et la sagesse n’existent que d’une manière idéale, lorsqu’ils ne sont que dans l’affection et dans la pensée du mental, mais dans l’usage ils existent en réalité, parce qu’ils sont en même temps dans l’acte et dans l’œuvre du corps ; et où ils existent en réalité, là aussi ils subsistent ; et puisque l’amour et la sagesse existent et subsistent dans l’usage, c’est l’usage qui nous affecte, et l’usage consiste à remplir fidèlement, sincèrement et soigneusement les œuvres de sa fonction ; l’amour de l’usage, et par suite l’application à l’usage, empêche le mental de se répandre çà et là, d’errer vaguement, et de se remplir de toutes les cupidités qui influent du corps et du monde par les sens avec de séduisants attraits, et par lesquelles les vrais de la Religion et les vrais de la Morale avec leurs biens sont dissipés à tous vents ; mais l’application du mental à l’usage contient et lie ensemble ces vrais, et dispose le mental en une forme susceptible de recevoir la sagesse d’après ces vrais ; et alors elle chasse sur les côtés les jouets et les amusements des faussetés et des vanités. Mais vous en apprendrez davantage sur ce sujet avec les sages de notre Société, que j’enverrai vers vous cette après-midi. » Le Prince, ayant ainsi parlé, se leva, et avec lui tous les convives, et il dit : « Paix ! » et il donna ordre à l’Ange, leur conducteur, de les ramener dans leurs appartements, et de leur rendre tous les honneurs de la civilité, et d’appeler aussi des hommes polis et affables pour les entretenir agréablement sur les différentes joies de cette société.

17. Quand ils furent rentrés, cet ordre fut exécuté ; et ceux qui avaient été appelés de la ville, pour les entretenir agréablement sur les différentes joies de la Société, arrivèrent ; et, après les saluts, ils eurent avec eux d’agréables conversations en se promenant : mais l’Ange leur conducteur dit : « Ces dix hommes ont été invités dans ce Ciel, pour en voir les Joies, et par suite recevoir une nouvelle idée de la Félicité éternelle ; racontez-leur donc, sur les joies de ce Ciel, quelque chose qui affecte les sens du corps ; ensuite viendront des Sages qui parleront de ce qui fait que ces joies procurent le bonheur et la félicité. » À ces mots, ceux qui avaient été appelés de la ville relatèrent les particularités suivantes : « 1o Il y a ici des jours de fête indiqués par le Prince, afin que les mentals (animi) se remettent de la fatigue que l’ardeur de l’émulation aurait causée à quelques-uns ; dans ces jours il y a dans les places publiques des Concerts d’harmonie musicale et des Chants, et hors de la ville des Jeux et des Spectacles ; alors dans les Places publiques sont élevés des Orchestres entourés de treillis formés avec des ceps entrelacés auxquels pendent des grappes de raisins ; au dedans des treillis sur trois rangs d’élévation sont assis les musiciens avec instruments à cordes, et avec instruments à vent, de son divers, haut et bas, fort et doux, et sur les côtés sont les Chanteurs et les Chanteuses, et ils récréent les citoyens par des airs et des chants très-agréables, en chœur et en solo, variés par intervalles quant aux espèces ; cela dure ces jours de fête depuis le matin jusqu’à midi, et continue l’après-midi jusqu’au soir. 2o En outre, chaque matin, des maisons qui entourent les Places on entend des Chants très-suaves de vierges et de jeunes filles ; toute la ville en retentit ; c’est une seule affection de l’amour spirituel qui est chantée chaque matin, c’est-à-dire, qui résonne par les modifications du son de la voix ou par les modulations ; et cette affection dans le chant est perçue comme si c’était l’affection elle-même ; elle influe dans les âmes de ceux qui l’entendent et excite ces âmes à la correspondance ; tel est le chant céleste ; les chanteuses disent que le son de leur chant semble s’inspirer et s’animer de l’intérieur, et s’exalter agréablement selon qu’il est reçu par ceux qui l’entendent. Ce chant fini, les fenêtres des maisons de la Place, et en même temps celles des maisons des rues, sont fermées, et les portes aussi ; et alors toute la ville est dans le silence, et nulle part on n’entend de bruit, et l’on n’y voit personne aller çà et là ; tous alors sont occupés à remplir les fonctions de leur état. 3o Mais à midi les portes sont ouvertes ; et l’après-midi, en quelques endroits, les fenêtres le sont aussi ; et on regarde les jeux des enfants des deux sexes dans les rues, sous la direction de leurs nourrices et de leurs maîtres assis sous les portiques des maisons. 4o Aux côtés de la ville, à ses extrémités, il y a différents jeux de jeunes garçons et d’adolescents, jeux de courses, jeux de balle, jeux de raquettes, exercices publics entre les jeunes garçons, à savoir, qui sera le plus prompt, et qui sera le plus lent, à parler, à agir et à percevoir, et pour les plus prompts quelques feuilles de laurier en prix ; outre plusieurs autres jeux propres à exciter les aptitudes cachées dans les enfants. 5o De plus, hors de la ville, sur des théâtres il y a des spectacles de comédiens qui représentent divers traits d’honnêteté et de vertu de la vie morale ; parmi eux il y a aussi des histrions à cause des relations. » Et l’un des dix demanda ce que signifiaient ces mots : À cause des relations ; et ils répondirent : « Aucune vertu ne peut être présentée d’une manière frappante avec ce qu’elle a d’honnête et de beau, que par des relatifs depuis leurs maxima jusqu’à leurs minima ; les histrions représentent leurs minima jusqu’à ce qu’ils deviennent nuls ; mais il leur a été défendu par une loi de présenter, si ce n’est d’une manière figurée et comme de loin, quelque chose de l’opposé, qui est appelé déshonnête et indécent : si cela a été défendu, c’est parce que rien d’honnête et de bon d’une vertu quelconque ne passe par des progressions successives au déshonnête et au mauvais, mais va seulement à ses minima jusqu’à ce que cela périsse, et quand cela périt l’opposé commence ; c’est pourquoi le Ciel, où tout est honnête et bon, n’a rien de commun avec l’Enfer, où tout est déshonnête et mauvais. »

18. Pendant cette conversation un serviteur accourut et annonça que huit Sages se présentaient par ordre du Prince, et voulaient entrer ; à cette nouvelle l’Ange sortit, et il les reçut et les introduisit ; et aussitôt les Sages, après les formules de bienséance et de politesse, parlèrent d’abord des commencements et des accroissements de la sagesse, auxquels ils entremêlèrent diverses choses sur sa durée, en disant que chez les anges la sagesse n’a point de fin et ne discontinue pas mais qu’elle croît et augmente durant l’éternité. Ces explications ayant été données, l’Ange de la Cohorte leur dit : « Notre prince leur a parlé, à table, du siège de la sagesse, et leur a dit qu’il est dans l’usage ; entretenez-les aussi, je vous prie, sur ce sujet. » Et ils dirent : « L’homme, d’abord créé, fut imbu de la sagesse et de l’amour de la sagesse, non pour lui-même, mais pour en faire communication aux autres d’après lui ; par suite, il a été gravé dans la sagesse des sages que qui que ce soit ne doit être sage ni vivre pour soi, à moins que ce ne soit en même temps pour les autres ; de là la Société, qui autrement n’existerait point ; vivre pour les autres, c’est faire des usages ; les usages sont les liens de la société ; il y a autant de ces liens qu’il y a de bons usages, et le nombre des usages est infini ; il y a les usages spirituels qui appartiennent à l’amour envers Dieu et à l’amour à l’égard du prochain ; il y a les usages moraux et civils qui appartiennent à l’amour de la société et de la cité dans lesquelles est l’homme, et à l’amour des compagnons et des citoyens avec lesquels il demeure ; il y al les usages naturels qui appartiennent à l’amour du monde et de ses besoins ; et il y a les usages corporels qui appartiennent à l’amour de sa propre conservation à cause des usages supérieurs. Tous ces usages ont été gravés en l’homme, et se suivent en ordre, l’un après l’autre, et quand ils sont ensemble, l’un est dans l’autre : ceux qui sont dans les premiers usages, c’est-à-dire, dans les usages spirituels, sont aussi dans les usages qui suivent, et ceux-là sont sages ; mais ceux qui ne sont pas dans les premiers, et qui néanmoins sont dans les seconds, et de là dans les suivants, ne sont pas sages de même, mais seulement d’après la moralité et la civilité externes, ils apparaissent comme s’ils l’étaient ; ceux qui ne sont ni dans les premiers ni dans les seconds, mais qui sont dans les troisièmes et dans les quatrièmes, ne sont rien moins que sages, car ce sont des satans ; en effet, ils aiment seulement le monde, et d’après le monde ils s’aiment eux-mêmes ; mais ceux qui ne sont que dans les quatrièmes sont de tous les moins sages, car ce sont des diables, parce qu’ils vivent pour eux seuls, et que s’ils vivent pour les autres, c’est uniquement à cause d’eux-mêmes. En outre, chaque amour a son plaisir, car l’amour vit par le plaisir, et le plaisir de l’amour des usages est un plaisir céleste, lequel entre dans les plaisirs qui suivent en ordre, et les exalte selon l’ordre de succession et les rend éternels. » Ensuite ils firent l’énumération des Délices célestes qui procèdent de l’amour de l’usage, et ils dirent qu’il y en a des myriades de myriades, et que ceux qui entrent dans le Ciel entrent dans ces délices : et, de plus, ils passèrent avec eux le reste du jour jusqu’au soir à traiter de l’amour de l’usage par de sages conversations.

19. Mais vers le soir vint un courrier vêtu de toile vers les dix nouveaux venus qui accompagnaient l’Ange, et il les invita à des Noces qui devaient se célébrer le lendemain ; et les nouveaux venus se réjouirent beaucoup de ce qu’ils allaient voir aussi des noces dans le Ciel. Ensuite, ils furent conduits chez un Conseiller assistant, et ils soupèrent avec lui, et après le souper, ils rentrèrent, et se séparant ils se retirèrent, chacun dans son appartement, et dormirent jusqu’au matin ; et alors, s’étant réveillés, ils entendirent le Chant des vierges et des jeunes filles, qui partait des maisons autour de la Place publique dont il a déjà été parlé ; on chantait alors l’affection de l’amour conjugal ; profondément affectés et émus par la suavité de ce chant, ils percevaient insinué dans leurs joies un charme délicieux qui les élevait et les renouvelait. Quand il en fut temps, l’Ange leur dit : « Préparez-vous, prenez les vêtements du Ciel que notre prince vous a envoyés. Et ils se vêtirent ; et voici, les vêtements resplendissaient comme d’une lumière enflammée ; et ils demandèrent à l’Ange d’où cela provenait ; il répondit : « Cela vient de ce que vous allez assister à des noces ; chez nous alors les vêtements resplendissent et deviennent nuptiaux. »

20. Ensuite l’Ange les conduisit à la Maison des noces, et le portier ouvrit la porte ; et à peine étaient-ils sur le seuil qu’ils furent reçus et salués par un Ange que le Fiancé avait envoyé, et ils furent introduits et conduits à des sièges désignés pour eux ; et peu après ils furent invités à entrer dans la Salle qui précédait la Chambre nuptiale ; ils y virent au milieu une Table sur laquelle avait été posé un magnifique Chandelier composé de sept branches et de sept lampes d’or, et aux murs étaient suspendus des lustres d’argent, qui étant allumés firent paraître l’atmosphère comme d’or ; et ils virent aux côtés du Chandelier deux Tables sur lesquelles des Pains avaient été placés sur trois rangs ; et, dans les quatre angles de la Salle, des Tables sur lesquelles étaient des Coupes de cristal. Pendant qu’ils examinaient cette distribution, voici, la porte d’un appartement joignant la chambre nuptiale s’ouvrit, et ils en virent sortir six Vierges, et après elles le Fiancé et la Fiancée se tenant par la main, et se dirigeant vers un Siège élevé, qui avait été placé vis-à-vis du Chandelier, et sur lequel ils s’assirent, le Fiancé à gauche et la Fiancée à sa droite, et les six Vierges se placèrent à côté du siège près de la Fiancée. Le Fiancé était vêtu d’un Manteau de pourpre éclatante, et d’une Tunique de lin fin resplendissant, avec un Éphod sur lequel était une plaque d’or entourée de diamants ; et sur cette plaque était gravé un Aiglon, insigne nuptial de cette société du Ciel ; et la tête du Fiancé était couverte d’une tiare. La Fiancée était vêtue d’une Chlamyde d’écarlate, sous laquelle elle portait une robe brodée, allant du cou aux pieds ; elle avait au-dessous de la poitrine une ceinture d’or, et sur la tête une couronne d’or garnie de rubis. Quand ils furent assis, le Fiancé se tourna vers la Fiancée, et lui mit au doigt un anneau d’or, et il tira des bracelets et un collier de perles, et il mit les bracelets au poignet de la Fiancée, et le collier autour de son cou, et il lui dit : « Reçois ces gages. » Et lorsqu’elle les eut reçus, il lui donna un baiser, et il dit : « Maintenant tu es à moi. » Et il l’appela son Épouse. Aussitôt les invités s’écrièrent : « Qu’il y ait Bénédiction ! » Ces paroles furent prononcées par chacun en particulier, et ensuite par tous ensemble ; un Ange envoyé par le Prince pour le représenter les prononça aussi ; et en ce moment cette Salle, qui précédait la chambre nuptiale, fut remplie d’une fumée aromatique, ce qui était un signe de la bénédiction venant du Ciel : et alors des officiers de service prirent les Pains sur les deux tables près du Chandelier, et les Coupes alors remplies de vin sur les tables des angles, et ils donnèrent à chaque invité son pain et sa coupe ; et on mangea et on but. Ensuite le Mari et son Épouse se levèrent ; les six vierges tenant à la main des lampes d’argent, alors allumées, les suivirent jusqu’au seuil de la porte, et les Époux entrèrent dans la Chambre nuptiale ; et la Porte en fut fermée.

21. L’Ange conducteur parla ensuite de ses dix compagnons aux invités ; il leur dit que par ordre il les avait introduits, et leur avait fait voir la magnificence du Palais du Prince, et les choses admirables qu’il renfermait ; qu’ils avaient mangé avec le Prince à sa table ; qu’ils s’étaient ensuite entretenus avec les Sages de la société ; et il les pria de leur permettre de lier aussi conversation avec eux ; et ils y consentirent, et ils conversèrent ; et un sage d’entre les hommes des noces leur dit : « Comprenez-vous ce que signifient les choses que vous avez vues ? » Ils répondirent qu’ils les comprenaient peu ; et alors ils lui firent cette question : « Pourquoi le Fiancé, maintenant Mari, avait-il un tel vêtement ? » Il répondit : « Parce que le Fiancé, maintenant Mari, représentait le Seigneur, et que la Fiancée, maintenant Épouse, représentait l’Église, par la raison que les Noces dans le Ciel représentent le Mariage du Seigneur avec l’Église ; de là vient qu’il avait sur sa tête une Tiare, et qu’il était revêtu d’un manteau, d’une tunique et d’un Éphod, comme Abaron ; et que la Fiancée, maintenant Épouse, avait sur la tête une Couronne, et qu’elle était vêtue d’une Chlamyde comme une Reine ; mais demain ils seront vêtus autrement, parce que et cette Représentation n’est que pour aujourd’hui. » Ils lui firent encore cette question : « Puisque Lui, représentait le Seigneur, et Elle, l’Église ; pourquoi Elle se tenait-elle à la droite de Lui ? » Le Sage répondit : « Parce qu’il y a deux choses qui font le Mariage du Seigneur et de l’Église, l’Amour et la Sagesse ; or, le Seigneur est l’Amour, et l’Église est la Sagesse, et la Sagesse est à la droite de l’Amour, car l’homme de l’Église est sage comme par lui-même, et selon qu’il est sage, il reçoit du Seigneur l’amour ; la droite aussi signifie la puissance, et l’amour a la puissance par la sagesse : mais, ainsi qu’il vient d’être dit, après les noces, la représentation est changée, car alors le Mari représente la Sagesse, et l’épouse représente l’Amour de la sagesse du mari ; cependant cet Amour n’est pas l’amour antérieur, mais c’est un amour secondaire, qui vient du Seigneur chez l’épouse par la Sagesse du mari ; l’amour du Seigneur, qui est l’amour antérieur, est l’amour d’être sage chez le mari, c’est pourquoi après les noces, tous deux ensemble, le mari et son épouse représentent l’Église. » Ils firent encore cette question : « Pourquoi vous, Hommes, n’étiez-vous pas à côté du Fiancé, maintenant Mari, comme les dix Vierges étaient à côté de la Fiancée, maintenant Épouse ? » Le sage répondit : « C’est parce que nous, aujourd’hui, nous sommes comptés parmi les vierges, et que le nombre dix signifie tous et le complet. » Mais ils dirent : « Qu’entends-tu par là ? » Il répondit : « Les Vierges signifient l’Église, et l’Église est de l’un et de l’autre sexe ; c’est pourquoi nous aussi, quant à l’Église, nous sommes des Vierges ; qu’il en soit ainsi, on le voit par ces paroles dans l’Apocalypse : Ce sont ceux qui avec les hommes ne se sont point souillés, car VIERGES ils sont ; et ils suivent l’Agneau partout où il va.XIV. 4. – Et comme les Vierges signifient l’Église, voilà pourquoi le Seigneur a comparé l’Église à dix VIERGES invitées à des noces. – Matth. XXV. 1 et suiv. ; – et comme l’Église est signifiée par Israël, par Sion et par Jérusalem, voilà pourquoi il est dit si souvent dans la Parole, VIERGE ET FILLE D’ISRAËL, DE SION ET DE JÉRUSALEM ; le Seigneur décrit aussi son Mariage avec l’Église par ces paroles dans David : LA REINE SE TIENT À SA DROITE dans l’or excellent d’Ophir ; de tissus d’or est son vêtement ; en BRODERIES elle sera amenée au Roi ; LES VIERGES APRÈS ELLE ses amies, viendront dans le palais du Roi. » – Ps. XLV, 10 à 16. – Ensuite ils dirent : « N’est-il pas convenable qu’un Prêtre soit présent, et remplisse un ministère dans ces cérémonies ? » Le sage répondit : « Cela est concevable dans les terres, mais non dans les cieux, à cause de la représentation du Seigneur Lui-Même et de l’Église ; dans les terres on ne sait pas cela ; mais néanmoins chez nous un Prêtre célèbre les Fiançailles, et il entend, reçoit, confirme et consacre le Consentement ; le Consentement est l’essentiel du mariage, et les autres choses qui suivent en sont les formels. »

22. Après cela, l’Ange conducteur s’approcha des dix Vierges, et leur parla aussi de ceux qui l’accompagnaient, et il leur demanda de daigner les admettre en leur compagnie ; et elles s’avancèrent, mais quand elles furent près d’eux, elles se retirèrent brusquement et rentrèrent dans l’appartement des femmes, où étaient aussi des vierges leurs amies. L’Ange conducteur, ayant vu ce mouvement brusque, les suivit, et leur demanda pourquoi elles s’étalent retirées si promptement sans parler avec eux ; et elles répondirent : « Nous n’avons pas pu approcher. » Et il leur dit : « Pourquoi cela ? » Et elles répondirent : « Nous ne le savons pas, mais nous avons perçu quelque chose qui nous a repoussées et nous a fait retourner ; qu’ils nous le pardonnent. » Et l’Ange revint vers ses compagnons, et leur rapporta la réponse ; et il ajouta : « J’augure qu’il n’y a pas en vous l’amour chaste du sexe ; dans le Ciel nous aimons les vierges pour leur beauté et pour l’élégance de leurs mœurs, et nous les aimons beaucoup, mais chastement. » Ceci fit sourire ses compagnons, et ils dirent : « Tu augures bien ; qui peut voir de près de telles beautés et ne pas avoir quelques désirs ? »

23. Après cet entretien amical, tous les invités aux noces se retirèrent, et aussi ces dix hommes avec leur Ange ; la soirée était avancée, et ils allèrent se coucher. Au point du jour, ils entendirent une Proclamation : AUJOURD’HUI LE SABBATH ; et ils se levèrent, et ils demandèrent à l’Ange ce que c’était ; et il répondit : « C’est pour le Culte de Dieu ; ce culte revient à des temps marqués, et est publié par des Prêtres ; il est célébré dans nos Temples, et dure environ deux heures ; c’est pourquoi, si vous le désirez, venez avec moi, et je vous introduirai. » Et ils se préparèrent, et ils accompagnèrent l’Ange, et ils entrèrent ; et voici, le Temple était vaste, pouvant contenir environ trois mille personnes, demi-circulaire, les bancs ou sièges continus rangés selon la forme du Temple en demi-cercle, et les derniers plus élevés que les premiers ; la chaire devant les sièges, un peu retirée en arrière du centre ; la porte derrière la chaire à gauche. Les dix Hommes nouveaux venus entrèrent avec l’Ange leur conducteur, et l’Ange leur indiqua les places où ils devaient s’asseoir, en leur disant : « Quiconque entre dans le Temple connaît sa place ; il la connaît d’après l’insite, et il ne peut s’asseoir ailleurs : s’il se place ailleurs, il n’entend rien, et ne perçoit rien ; et même il trouble l’ordre, et l’ordre étant troublé le Prêtre n’est pas inspiré. »

24. Quand on fut assemblé, le Prêtre monta dans la chaire, et prononça un discours plein de l’esprit de sagesse ; ce discours traitait de la sainteté de l’Écriture Sainte, et de la conjonction du Seigneur avec l’un et l’autre Monde, le Spirituel et le Naturel, par cette Écriture ; dans l’illustration où il était, il convainquit pleinement que ce Saint Livre a été dicté par Jéhovah le Seigneur, et que par conséquent il est Lui-Même dans ce Livre, au point que Lui-Même y est la Sagesse ; mais que la Sagesse, qui est le Seigneur Lui-Même dans ce Livre, reste cachée sous le sens de la lettre, et ne se manifeste qu’à ceux qui sont dans les vrais de la doctrine et en même temps dans les biens de la vie, et ainsi qui sont dans le Seigneur et en qui est le Seigneur ; à ce discours il joignit une prière votive, et il descendit. Pendant que les auditeurs sortaient, l’Ange pria le Prêtre de dire quelques paroles de paix à ses dix compagnons ; et celui-ci s’approcha d’eux, et ils s’entretinrent ensemble pendant une demi-heure ; et il leur parla de la Divine Trinité, leur disant qu’elle est dans Jésus-Christ, en qui toute la Plénitude de la Divinité habite corporellement, selon la déclaration de l’Apôtre Paul ; et ensuite il leur parla de l’Union de la Charité et de la Foi ; mais il dit : « l’Union de la Charité et de la Vérité », parce que la Foi est la Vérité.

25. Après l’avoir remercié, ils retournèrent chez eux ; et là l’Ange leur dit : « C’est aujourd’hui le troisième jour depuis que vous êtes montés dans la société de ce Ciel, et vous avez été préparés par le Seigneur pour rester ici trois jours, il est donc temps que nous nous séparions ; ainsi ôtez les vêtements qui vous ont été envoyés par le Prince, et reprenez les vôtres. » Et quand ils les eurent repris, ils furent inspirés du désir de se retirer, et ils se retirèrent et descendirent, accompagnés de l’Ange, jusqu’au lieu de l’assemblée ; et là, ils rendirent grâce au Seigneur de ce qu’il avait daigné les rendre heureux, en leur faisant connaître, et par suite comprendre, ce que c’est que les Joies Célestes et ce que c’est que la Félicité éternelle.

26. « De nouveau j’affirme dans la vérité, que ces choses ont eu lieu et ont été dites, comme il vient d’être rapporté ; les premières, dans le Monde des Esprits, qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer, et celles qui les suivent, dans la Société du Ciel, à laquelle appartenait l’Ange de la trompette, qui servait de conducteur. Qui aurait su dans le Monde Chrétien quelque chose sur LE CIEL, et sur les Joies et la Félicité qui y sont, dont la science est aussi la science du salut, s’il n’avait plu au Seigneur d’ouvrir à quelqu’un la Vue de son esprit, et de le lui montrer et enseigner ? Que des choses semblables existent dans le Monde spirituel, cela est bien évident d’après celles qui ont été vues et entendues par l’Apôtre Jean, lesquelles ont été décrites dans l’Apocalypse ; ainsi, il a vu le FILS DE L’HOMME au milieu des sept Chandeliers, un Tabernacle, un Temple, une Arche, un Autel dans le Ciel ; un Livre scellé de sept sceaux, ce livre ouvert et des Chevaux qui en sortaient ; quatre Animaux autour d’un Trône ; douze mille Élus de chaque Tribu ; des Sauterelles qui montaient de l’abîme ; un Dragon et son combat contre Michel ; une Femme qui enfanta un Fils mâle, et qui s’enfuit dans le désert à cause du Dragon ; deux Bêtes montant, l’une de la mer, l’autre de la terre ; une Femme assise sur une Bête écarlate ; le Dragon jeté dans un étang de feu et de soufre ; un Cheval blanc, et un grand Souper ; un Nouveau Ciel et une Nouvelle Terre, et la Sainte Jérusalem descendant du Ciel, décrite quant à ses portes, à sa muraille et aux fondements de sa muraille ; puis, un Fleuve d’eau de la vie, et des Arbres de vie qui portaient du fruit chaque mois ; outre plusieurs choses qui toutes ont été vues par Jean, et vues pendant qu’il était, quand à son esprit, dans le Monde spirituel et dans le Ciel ; outre celles qui ont été vues par les APÔTRES après la résurrection du Seigneur, et celles qui ont été vues ensuite par PIERRE, – Act. Apôt. XI ; – puis, celles qui ont été vues et entendues par PAUL. Outre celles qui ont été vues par les PROPHÈTES ; par exemple, ÉZÉCHIEL a vu quatre Animaux, qui étaient des Chérubins, – Chap. I et X ; – un Nouveau Temple et une Nouvelle Terre, et un Ange qui les mesurait, – Chap. XL à XLVIII ; – il a été transporté à Jérusalem, et il y a vu des abominations ; et il a été aussi transporté dans la Chaldée, dans la captivité, – chap. VIII et XI. – La même chose est arrivée à Zacharie ; il a vu un Homme à cheval entre des myrtes, – I. 8, et suiv. ; – il a vu quatre Cornes, et ensuite un Homme avec un cordeau de mesure à la main, III. 1, et suiv. ; – il a vu un Chandelier et deux oliviers, – IV. 1, et suiv. ; – il a vu un Rouleau qui volait et un Éphod, – V. 1, 6 ; – il a vu quatre Chars sortant entre deux montagnes, et des Chevaux, VI. 1. et suiv. – Il en est de même de DANIEL ; il a vu quatre Bêtes montant de la mer, – VII. 1, et suiv. ; – puis, les combats d’un Bélier et d’un Bouc, – VIII. 1, et suiv. ; – il a vu l’Ange Gabriel, et il a eu avec lui un long entretien. – IX. – Le serviteur d’Élisée a vu des Chariots et des Chevaux de feu autour d’Élisée, et il les a vus lorsque ses yeux eurent été ouverts. – II Rois, VI, 17. – D’après ces exemples, et plusieurs autres qui sont dans la Parole, il est constant que les choses qui existent dans le Monde spirituel ont apparu à plusieurs avant et après l’avènement du Seigneur ; qu’y a-t-il donc d’étonnant qu’elles apparaissent encore à présent que l’Église commence, ou que la Nouvelle Jérusalem descend du Seigneur par le Ciel ? »

 

 

 

DES MARIAGES DANS LE CIEL.

 

 

27. Que dans les Cieux il y ait des Mariages, c’est ce qui ne peut entrer dans la foi de ceux qui s’imaginent que l’Homme après la mort est une Âme ou un Esprit, et ne conçoivent une âme ou un esprit que comme un éther ou souffle léger ; qui s’imaginent aussi que l’homme ne vivra homme qu’après le jour du jugement dernier ; et qui, en général, ne savent rien du Monde spirituel, dans lequel sont les Anges et les Esprits, ainsi où sont les Cieux et les Enfers : et comme ce Monde a été inconnu, et qu’on a complètement ignoré que les Anges du Ciel sont Hommes dans une forme parfaite, et pareillement les Esprits Infernaux, mais dans une forme imparfaite, c’est pour cela qu’il n’a pu être révélé aucune chose sur les Mariages dans le Monde spirituel ; en effet, on aurait dit : « Comment une âme peut-elle être conjointe avec une âme, ou un souffle avec un souffle, comme un époux avec une épouse sur la terre ? » Sans parler de plusieurs autres objections, qui, du moment qu’elles seraient faites, enlèveraient et dissiperaient la croyance aux Mariages dans l’autre vie. Mais maintenant que plusieurs choses ont été révélées sur ce Monde, et qu’il a aussi été décrit tel qu’il est, ce qui a été fait dans le Traité du CIEL ET DE L’ENFER, et aussi dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, l’assertion qu’il y a là des Mariages peut être confirmée, même devant la raison, par les propositions suivantes : I. L’Homme vit Homme après la mort. II. Alors le Mâle est Mâle, et la Femelle est Femelle. III. L’Amour de chacun lui reste après la mort. IV. Et principalement l’Amour du sexe ; et, chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels, l’Amour conjugal. V. Ces choses sont pleinement confirmées par démonstration oculaire. VI. Par conséquent il y a des Mariages dans les Cieux. VII. Les Noces Spirituelles sont entendues par ces paroles du Seigneur, qu’après la résurrection l’on n’est point donné en mariage. Ces propositions vont être maintenant expliquées dans leur ordre.

28. I. L’Homme vit Homme après la mort. Que l’homme vive homme après la mort, jusqu’à présent dans le Monde on l’a ignoré, par les raisons dont il vient d’être parlé ; et, ce qui est étonnant, on l’a même ignoré dans le Monde Chrétien, où il y a la Parole, et par conséquent illustration au sujet de la Vie éternelle, et où le Seigneur Lui-Même enseigne que « tous les morts ressuscitent, et que Dieu n’est point Dieu de morts mais de vivants ». – Matth. XXII. 31, 32. Luc, XX. 37, 38. – De plus, quant aux affections et aux pensées de son mental, l’homme est au milieu des anges et des esprits, et leur a été tellement consocié, qu’il ne peut en être séparé, sans mourir à l’instant. Et il est encore plus étonnant qu’on ignore cela, quand cependant tout homme, qui est décédé depuis la première création, est allé et va après son décès vers les siens, ou, comme il est dit dans la Parole, a été et est recueilli vers les siens : et, en outre, l’homme a une perception commune, qui est la même chose que l’influx du Ciel dans les intérieurs de son mental, d’après laquelle il perçoit intérieurement en lui-même les vrais, et pour ainsi dire les voit, principalement ce vrai que l’homme vit après la mort, heureux s’il a bien vécu, et malheureux s’il a mal vécu. En effet, qui est-ce qui ne pense pas ainsi, pour peu qu’il élève le mental au-dessus du corps et de la pensée la plus proche des sens du corps, ce qui arrive lorsqu’il est intérieurement dans le Culte Divin, et lorsqu’il est étendu moribond sur son lit et attend le dernier moment ; pareillement lorsqu’il entend parler de ceux qui sont morts et de leur sort ? J’ai raconté sur ceux-ci des milliers de choses ; par exemple, j’ai dit à certaines personnes quel était le sort de leurs frères, de leurs conjoints, de leurs amis ; j’ai aussi écrit sur le sort des Anglais, des Hollandais, des Catholiques Romains, des Juifs, des Gentils, et pareillement sur le sort de Luther, de Calvin et de Mélanchton ; et jusqu’à présent je n’ai jamais entendu personne me dire : « Comment peuvent-ils avoir un tel sort, puisqu’ils ne sont pas encore sortis de leurs tombeaux, le jugement dernier n’ayant pas encore été fait ? Est-ce que, pendant ce temps, ils ne sont pas, eux, des âmes qui sont des souffles, et dans un Quelque part, ou un On ne sait où (in quodam Pu seu Ubi) ? » Je n’ai encore entendu personne me tenir ce langage ; de là j’ai pu conclure que chacun en soi-même perçoit qu’il vit homme après la mort. Quelle est la personne qui, ayant aimé son conjoint et ses enfants, ne dit pas en elle-même, quand ils meurent ou sont morts, – si elle est dans une pensée élevée au-dessus des sensuels du corps, – qu’ils sont dans la main de Dieu, qu’elle les reverra après sa mort, – et qu’elle sera de nouveau unie à eux dans une vie d’amour et de joie ?

29. Qui est-ce qui, d’après la raison, ne peut voir, – s’il veut voir, – que l’homme après la mort n’est point un Souffle, duquel on ne se fait pas d’idée, sinon que comme d’une vapeur, ou d’un air et d’un éther, et que cela est ou contient en soi l’âme de l’homme, laquelle désire et attend la conjonction avec son corps, afin de pouvoir jouir des sens et des agréments des sens, comme précédemment dans le Monde ? Qui est-ce qui ne peut voir que, s’il en était ainsi de l’homme après la mort, son état serait plus vil que celui des poissons, des oiseaux et des animaux de la terre, dont les âmes ne vivent point, et par conséquent ne sont point dans une pareille anxiété de désir et d’attente ? Si l’homme après la mort était un tel Souffle, et ainsi une vapeur, alors ou il voltigerait dans l’univers, ou selon certaines traditions il serait réservé dans un Quelque part (in Pu), ou avec les Pères dans les limbes jusqu’au Jugement dernier. Qui est-ce qui ne peut, d’après la raison, en conclure que ceux qui ont vécu dès la première création, qu’on croit avoir eu lieu il y a six mille ans, seraient encore dans un semblable état inquiet, et progressivement plus inquiet, parce que toute attente provenant d’un désir produit l’inquiétude, et l’augmente d’un temps à un autre temps ; que par conséquent ceux-là, ou voltigeraient encore dans l’univers, ou seraient encore tenus renfermés dans le Quelque Part (in Pu), et ainsi dans une extrême misère ; pareillement Adam et son Épouse ; pareillement Abraham, Isaac et Jacob ; et pareillement tous les autres depuis ce temps ? Il suit de là qu’il n’y aurait rien de plus déplorable que de naître homme. Mais c’est tout le contraire, il a été pourvu par le Seigneur, qui est Jéhovah de toute éternité, et le Créateur de l’univers, à ce que l’état de l’homme, qui se conjoint avec Lui par la vie selon Ses préceptes, soit après la mort plus heureux et plus prospère qu’avant la mort dans le Monde, et cet état est plus heureux et plus prospère, parce qu’alors l’homme est spirituel, et que l’homme spirituel sent et perçoit le plaisir spirituel, qui est bien supérieur au plaisir naturel, car il le surpasse des milliers de fois.

30. Que les Anges et les Esprits soient hommes, cela peut être évident d’après ceux qui furent vus par Abraham, Guidéon, Daniel et les Prophètes, principalement par Jean quand il écrivit l’Apocalypse, et aussi par les Femmes au Sépulcre du Seigneur ; bien plus, le Seigneur Lui-Même après la résurrection se fit voir par les Disciples. S’ils furent vus, c’est parce qu’alors les yeux de l’esprit de ceux qui les virent avaient été ouverts ; et quand ils sont ouverts, les Anges apparaissent dans leur forme, qui est la forme humaine ; mais quand les yeux de l’esprit sont fermés, c’est-à-dire, voilés par la vue des yeux qui tirent du Monde matériel tout ce qui leur appartient, les Anges n’apparaissent point.

31. Toutefois, il faut qu’on sache que l’homme après la mort n’est pas homme naturel, mais est homme spirituel, et que néanmoins il lui semble qu’il est absolument semblable, et tellement semblable, qu’il ne peut faire autrement que de croire qu’il est encore dans le Monde naturel ; car il a un corps semblable, une face semblable, un langage semblable et des sens semblables, parce qu’il a une affection semblable et une pensée semblable, ou une volonté semblable et un entendement semblable : il est vrai qu’en actualité il n’est pas semblable, parce qu’il est spirituel, et par suite homme intérieur ; mais la différence ne se manifeste pas à lui, parce qu’il ne peut pas comparer son état avec son précédent état naturel, car il a été dépouillé de celui-ci, et il est dans celui-là ; c’est pourquoi, j’ai très-souvent entendu les Esprits dire qu’ils ne savent autre chose sinon qu’ils sont dans le Monde précédent, avec cette seule différence qu’ils ne voient plus ceux qu’ils ont laissés dans ce Monde, mais qu’ils voient ceux qui sont sortis de ce Monde ou qui sont morts ; or, s’ils voient alors ceux-ci et non ceux-là, c’est parce qu’ils ne sont pas hommes naturels, mais hommes spirituels ou substantiels, et que l’homme spirituel ou substantiel voit l’homme spirituel ou substantiel, comme l’homme naturel ou matériel voit l’homme naturel ou matériel, mais non vice versa, à cause de la différence entre le substantiel et le matériel, qui est comme la différence entre l’antérieur et le postérieur ; or, l’antérieur, étant en lui-même plus pur, ne peut pas apparaître au postérieur qui est en lui-même plus grossier, et le postérieur, étant en lui-même plus grossier, ne peut pas non plus apparaître à l’antérieur qui est en lui-même plus pur ; par conséquent l’Ange ne peut pas apparaître à l’homme de ce Monde, ni l’homme de ce Monde à l’Ange. Si l’homme après la mort est homme spirituel ou substantiel, c’est parce que cet homme spirituel était intérieurement caché dans l’homme naturel ou matériel ; celui-ci était pour lui comme un vêtement, ou comme une enveloppe, laquelle étant déposée, l’homme spirituel ou substantiel sort ainsi plus pur, intérieur et plus parfait. Que l’homme spirituel soit néanmoins un homme parfait, quoiqu’il ne soit pas visible pour l’homme naturel, c’est ce qui a été clairement manifesté par le Seigneur, quand il fut vu par les Apôtres après la résurrection, en ce qu’il apparut et peu après n’apparut point, et cependant il était homme semblable à Lui-Même quand il fut vu et quand il ne fut plus vu ; les Apôtres dirent aussi que, quand ils Le virent, leurs yeux avaient été ouverts.

32. II. Alors le Mâle est Mâle, et la Femelle est Femelle. Puisque l’homme vit homme après la mort, et que l’homme (homo) est mâle et femelle, et qu’autre chose est le masculin et autre chose le féminin, et tellement autre chose que l’un ne peut être changé en l’autre, il s’ensuit qu’après la mort le mâle vit mâle, et la femelle vit femelle, l’un et l’autre, homme spirituel. Il est dit que le masculin ne peut être changé en féminin, ni le féminin en masculin, et que c’est pour cela qu’après la mort le mâle est mâle, et que la femelle est femelle ; mais comme on ignore en quoi consiste essentiellement le masculin, et en quoi consiste essentiellement le féminin, cela va par conséquent être dit ici en peu de mots : La différence consiste essentiellement en ce que l’intime dans le Mâle est l’Amour, et que son voile est la Sagesse, ou, ce qui est la même chose, en ce que l’intime est l’Amour voilé par la Sagesse ; et en ce que l’intime dans la Femelle est cette Sagesse du mâle, et que son voile est l’Amour qui en provient ; mais cet Amour-ci est l’Amour féminin, et est donné par le Seigneur à l’épouse au moyen de la sagesse du mari ; mais l’Amour précédent est l’Amour masculin, et c’est l’amour de devenir sage, et il est donné par le Seigneur au mari selon la réception de la sagesse ; de là vient que le Mâle est la Sagesse de l’amour, et que la Femelle est l’Amour de cette sagesse ; c’est pourquoi par création il a été insité en l’un et en l’autre un Amour de conjonction en un ; mais il en sera dit davantage sur ce sujet dans la suite. Que le féminin vienne du masculin, ou que la Femme ait été prise de l’Homme, on le voit par ces paroles dans la Genèse : « Jéhovah Dieu prit une des Côtes de l’Homme, et il ferma la chair à sa place, et il édifia en Femme la Côte qu’il prit de l’homme, et il l’amena vers l’homme ; et l’homme dit : Celle-ci est Os de mes os, et Chair de ma chair ; à cause de cela elle sera appelée Ischah, parce que de l’Homme elle a été prise. » II. 21, 22, 23 ; – il sera dit ailleurs ce que signifie la Côte, et ce que signifie la Chair.

33. De cette formation primitive il résulte que le Mâle naît Intellectuel, et que la Femelle naît Volontaire ; ou, ce qui est la même chose, que le Mâle naît pour l’affection de savoir, de comprendre et de devenir sage, et que la Femelle naît pour l’amour de se conjoindre avec cette affection dans le Mâle. Et comme les Intérieurs forment à leur ressemblance les Extérieurs, et que la forme masculine est la forme de l’Entendement, et la forme féminine la forme de l’Amour de cet entendement, de là vient que le Mâle a une face, un son de voix et un corps qui sont autres que ceux de la Femelle, à savoir, une face plus dure, un son de voix plus rude et un corps plus fort, et en outre un menton barbu, en général une forme moins belle que celle de la femelle ; ils diffèrent aussi par les gestes et par les mœurs ; en un mot, il n’y a rien de semblable, mais néanmoins il y a le conjonctif dans chaque chose ; bien plus, le masculin dans le mâle est masculin dans chaque partie et même dans la plus petite partie de son corps, et aussi dans chaque idée de sa pensée, et dans chaque parcelle de son affection ; pareillement le féminin dans la femelle ; et comme par conséquent l’un ne peut être changé en l’autre, il s’ensuit qu’après la mort le mâle est mâle, et que la femelle est femelle.

34. III. L’Amour de chacun lui reste après la mort. L’homme sait que l’Amour existe, mais il ignore ce que c’est que l’Amour ; que l’amour existe, il le sait d’après le langage commun, par exemple, en ce qu’on dit : Un tel m’aime ; le Roi aime ses sujets, et les sujets aiment leur Roi ; le mari aime son épouse, et la mère ses enfants, et réciproquement ; et aussi : Tel ou tel aime la pairie, les concitoyens, le prochain : de même pour les choses, abstraction faite de la personne ; par exemple : Il aime telle ou telle chose. Mais, quoique dans le langage il soit si universellement question de l’Amour, toujours est-il qu’il est à peine quelqu’un qui sache ce que c’est que l’Amour ; quand l’homme médite sur l’amour, comme il ne peut alors s’en former aucune idée de la pensée, ni par conséquent le présenter dans la lumière de l’entendement, par cette raison que l’amour appartient non pas à la lumière, mais à la chaleur, il dit ou que ce n’est rien, ou que c’est seulement quelque chose qui influe de la vue, de l’ouïe, du toucher et de la fréquentation, et ainsi émeut ; il ignore absolument que c’est sa vie même, non-seulement la vie commune de tout son corps, et la vie commune de toutes ses pensées, mais même la vie de tous les singuliers du corps et des pensées : c’est ce que peut percevoir le sage, quand on dit : « Si tu éloignes l’affection qui appartient à l’amour, peux-tu penser quelque chose, et peux-tu faire quelque chose ? La pensée, la parole et l’action ne se refroidissent-elles pas selon que se refroidit l’affection qui appartient à l’amour, et ne s’échauffent-elles pas selon que cette affection s’échauffe ? » L’Amour est donc la Chaleur de la vie de l’homme, ou sa chaleur vitale ; la chaleur du sang, et aussi sa couleur rouge, ne viennent pas d’autre part ; le Feu du Soleil Angélique, qui est pur Amour, produit ces effets.

35. Que chacun ait son amour, ou un amour distinct de l’amour d’un autre, c’est-à-dire, qu’il n’y ait pas dans un homme un amour semblable à celui qui est dans un autre, on peut le voir par la variété infinie des faces ; les faces sont les types des amours ; on sait, en effet, que les faces changent et varient selon les affections de l’amour ; les désirs, qui appartiennent à l’amour, puis ses joies et ses douleurs, se manifestent aussi sur les faces ; de là, il est évident que l’homme est son amour, et même la forme de son amour. Mais il faut qu’on sache que l’homme intérieur, qui est le même que son esprit qui vit après la mort, est la forme de son amour, et non pareillement l’homme extérieur dans le Monde, parce que celui-ci dès l’enfance a appris à cacher les désirs de son amour, et même à feindre et à montrer d’autres désirs que les siens.

36. Si l’Amour de chacun reste chez lui après la mort, c’est parce que l’Amour est la vie de l’homme, comme il vient d’être dit, No 34, et que par suite il est l’homme lui-même. L’homme aussi est sa Pensée, par conséquent son Intelligence et sa Sagesse, mais celles-ci font un avec son Amour ; car c’est d’après son Amour et selon son Amour que l’homme pense, et que même il parle et agit s’il est dans le libre ; de là on peut voir que l’Amour est l’Être ou l’essence de la vie de l’homme, et que la Pensée est l’Exister ou l’existence de sa vie d’après l’être ou l’essence ; c’est pourquoi le langage et l’action, qui découlent de la Pensée, découlent non pas de la pensée, mais de l’Amour par la pensée : d’après de nombreuses expériences il m’a été donné de savoir que l’homme après la mort n’est pas sa Pensée, mais qu’il est son Affection et par suite sa pensée, ou qu’il est son Amour et par suite son intelligence ; puis aussi, que l’homme après la mort dépouille tout ce qui ne concorde pas avec son Amour, et que même successivement il revêt la face, le son de voix, le langage, les gestes et les mœurs de l’amour de sa vie : de là vient que le Ciel tout entier a été mis en ordre selon toutes les variétés des affections de l’Amour du bien, et l’Enfer tout entier selon toutes les affections de l’amour du mal.

37. IV. Et principalement l’Amour du sexe ; et, chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels, l’Amour conjugal. Que l’Amour du sexe chez l’homme reste après la mort, c’est parce qu’alors le mâle est mâle et la femelle est femelle, et que le masculin chez le mâle est masculin dans le tout et dans chaque partie, pareillement le féminin dans la femelle, et qu’il y a le conjonctif dans chaque chose, et même dans les très-singuliers de chaque chose qui leur appartient ; or, comme ce conjonctif y a été mis par création, et que par suite il y est perpétuellement, il s’ensuit que l’un désire la conjonction avec l’autre et y aspire ; l’Amour, considéré en lui-même, n’est autre chose qu’un désir et par suite un effort pour la conjonction, et l’amour conjugal, pour la conjonction en un ; car l’homme mâle et l’homme femelle ont créés de telle sorte, que de deux ils peuvent devenir comme un seul homme, ou une seule chair ; et quand ils deviennent un, alors pris ensemble ils sont l’Homme dans sa plénitude ; mais sans cette conjonction, ils sont deux, l’un et l’autre étant comme un homme divisé ou une moitié d’homme. Maintenant, comme ce conjonctif est caché intimement dans chaque chose du mâle et dans chaque chose de la femelle, et que la faculté et le désir pour la conjonction en un est dans chaque chose, il s’ensuit que l’Amour mutuel et réciproque du sexe reste chez les hommes après la mort.

38. Il est dit l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, parce que l’Amour du sexe est autre que l’Amour conjugal ; l’Amour du sexe est chez l’homme Naturel, mais l’Amour conjugal est chez l’homme Spirituel ; l’homme naturel aime et désire seulement les conjonctions externes, et les voluptés du corps qui en proviennent ; mais l’homme spirituel aime et désire la conjonction interne, et les jouissances de l’esprit qui en proviennent, et il perçoit qu’elles sont accordées avec une seule épouse, avec laquelle il peut être perpétuellement de plus en plus conjoint en un ; et, d’autant qu’il est ainsi conjoint, il perçoit ses jouissances s’élever dans un semblable degré, et devoir être constantes pour l’éternité ; mais l’homme naturel ne pense pas à cela. C’est donc pour cela qu’il est dit que l’Amour conjugal, après la mort, reste chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels.

39. V. Ces choses sont pleinement confirmées par démonstration oculaire. Que l’Homme vive homme après la mort, et qu’alors le Mâle soit mâle et la Femelle femelle, et que l’amour de chacun lui reste, et principalement l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, c’est ce que jusqu’ici je me suis empressé de confirmer par des choses qui appartiennent à l’entendement, et qui sont appelées rationnelles ; mais comme l’homme, dès l’enfance, a reçu de ses parents et de ses maîtres, et ensuite des érudits et des prêtres, la croyance qu’après la mort il ne vivra homme qu’après le jour du jugement dernier, qui est attendu depuis maintenant six mille ans, et comme plusieurs ont mis cette croyance au nombre des choses qui doivent être reçues par la foi et non par l’entendement, il était devenu nécessaire que ces mêmes propositions fussent confirmées aussi par des preuves oculaires ; autrement, l’homme qui croit seulement aux sens, pourrait dire d’après la foi inculquée : « Si les hommes vivaient hommes après la mort, je les verrais et je les entendrais ; qui est descendu du Ciel, et qui est monté de l’Enfer, et nous en a informés ? » Cependant, comme il n’a pu et ne peut se faire qu’un Ange du Ciel descende, ou qu’un esprit de l’Enfer monte, et parle à un homme, excepté à ceux dont les intérieurs du mental ou de l’esprit ont été ouverts par le Seigneur, et cela ne peut être fait pleinement que chez ceux qui ont été préparés par le Seigneur pour recevoir les choses appartenant à la sagesse spirituelle, il a par conséquent plu au Seigneur de me préparer ainsi, afin que l’état du Ciel et de l’Enfer, et l’état de la vie des hommes après la mort, ne restassent pas inconnus, ni assoupis dans l’ignorance, ni enfin ensevelis dans la négation. Toutefois, les preuves oculaires sur ces sujets ne peuvent pas, en raison de leur grand nombre, être rapportées ici ; mais elles l’ont été dans le Traité DU CIEL ET DE L’ENFER ; et ensuite dans LA CONTINUATION SUR LE MONDE SPIRITUEL ; et plus lard dans L’APOCALYPSE RÉVÉLÉE ; et elles le seront spécialement ici, au sujet des Mariages, dans les MÉMORABLES, qui sont à la suite des Paragraphes ou Chapitres de cet Ouvrage.

40. VI. Par conséquent il y a des Mariages dans le Ciel. Cette proposition, ayant été confirmée par la Raison et en même temps par l’Expérience, n’a pas besoin d’une démonstration ultérieure.

41. VII. Les noces Spirituelles sont entendues par ces paroles du Seigneur, qu’après la résurrection l’on n’est point donné en mariage. Dans les évangélistes on lit ces paroles : « Quelques-uns des Sadducéens, qui soutiennent qu’il n’y a point de résurrection, interrogèrent Jésus, en disant : Maître, Moïse a écrit que si le frère de quelqu’un meurt ayant une épouse, et que sans enfants il meure, son père prendra l’épouse, et suscitera semence à son frère. Il y avait sept frères, qui prirent l’un après l’autre l’épouse ; mais ils moururent sans enfants, puis la femme aussi : en la résurrection, donc, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse ? Mais, répondant, Jésus leur dit : Les fils de ce siècle font des noces et sont donnés en mariage ; mais ceux qui seront jugés dignes d’obtenir l’autre siècle, et la résurrection d’entre les morts, ne feront point de noces ni ne seront donnés en mariage ; car ils ne peuvent plus mourir, parce que pareils aux anges ils sont, et que fils de Dieu ils sont, étant fils de la résurrection. Or, que les morts ressuscitent, Moïse même l’a montré près du buisson, puisqu’il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ; or, il n’est point Dieu de morts, mais de vivants, car tous par lui vivent. » – Luc, XX. 27 à 38. Matth. XXII. 22 à 31. Marc, XII. 18 à 27. – Il y a deux choses que le Seigneur a enseignées par ces paroles ; la première, que l’homme ressuscite après la mort ; et la seconde, qu’on n’est point donné en mariage dans le Ciel. Que l’homme ressuscite après la mort, il l’a enseigné par ces paroles : que Dieu n’est point Dieu de morts mais de vivants ; et qu’Abraham, Isaac et Jacob vivent ; et en outre dans la Parabole sur le Riche en enfer, et sur Lazare au Ciel, – Luc. XVI. 22 à 31. – Secondement, qu’on n’est point donné en mariage dans le Ciel, il l’enseigne par ces paroles, que ceux qui sont jugés dignes d’obtenir l’autre siècle ne font point de noces, et ne sont point donnés en mariage. Qu’ici il ne soit pas entendu d’autres Noces que les Noces spirituelles, cela est bien évident par les paroles qui suivent immédiatement, à savoir, qu’ils ne peuvent plus mourir, parce qu’ils sont pareils aux anges, et qu’ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection ; par les Noces spirituelles il est entendu la conjonction avec le Seigneur, et celle-ci se fait dans les terres, et quand elle a été faite dans les terres, elle a aussi été faite dans les Cieux, c’est pourquoi dans les Cieux il n’est pas fait de noces une seconde fois et on n’est pas donné en mariage ; cela est aussi entendu par ces paroles : « Les fils de ce siècle font des noces et sont donnés en mariage ; mais ceux qui seront jugés dignes d’obtenir l’autre siècle ne feront point de noces ni ne seront donnés en mariage. » Ceux-ci aussi sont appelés par le Seigneur « Fils des Noces », – Matth. IX. 15. Marc, II. 19 ; – et dans la présente circonstance, « Anges, fils de Dieu, et fils de la résurrection ». Que faire des noces, ce soit être conjoint au Seigneur, et qu’entrer aux noces, ce soit être reçu dans le Ciel par le Seigneur, cela est évident par ces passages ; « Semblable est le Royaume des Cieux à un Homme Roi, qui fit des Noces pour son Fils ; et il envoya des serviteurs, et il invita aux Noces. » – Matth. XXII. 1 à 14. – « Semblable est le Royaume des Cieux à dix Vierges, qui sortirent à la rencontre du Fiancé ; les cinq qui étaient prêtes entrèrent aux Noces. » – Math. XXV. 1, et suiv. ; – que le Seigneur ait parlé ici de Lui-Même, cela est évident par le Vers. 13, où il est dit : « Veillez, parce que vous ne savez pas le jour ni l’heure, où le Fils de l’homme viendra. » Puis aussi, d’après l’Apocalypse : « Il est venu le temps des Noces de l’Agneau, et son Épouse s’est parée. Heureux ceux qui au Souper des Noces de l’Agneau ont été appelés ! »XIX. 7, 9. – Qu’il y ait un entendement spirituel dans toutes et dans chacune des choses que le Seigneur a prononcées, cela a été pleinement montré dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, publiée à Amsterdam, en 1763.

 

 

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42. À ce qui précède j’ajouterai DEUX MÉMORABLES du MONDE SPIRITUEL. PREMIER MÉMORABLE : Un matin je portai mes regards vers le Ciel, et je vis au-dessus de moi trois Étendues, l’une au-dessus de l’autre ; et voici, la première Étendue, qui était le plus près, s’ouvrit ; et peu après, la Seconde qui était plus haut ; et enfin la Troisième, qui était le plus haut ; et d’après l’illustration qui en provint, je perçus que sur la première Étendue étaient les Anges dont se compose le premier ou dernier Ciel ; sur la seconde Étendue, les Anges dont se compose le second Ciel ou Ciel moyen ; et sur la troisième Étendue, les Anges dont se compose le troisième Ciel ou Ciel suprême. Je me demandai d’abord avec étonnement : « Qu’est-ce que cela, et pourquoi cela ? » Et bientôt, il fut entendu du Ciel une voix comme d’une trompette, disant : « Nous avons perçu, et maintenant nous voyons que tu médites sur l’AMOUR CONJUGAL ; et nous savons que dans les terres il n’y a encore personne qui sache ce que c’est que l’Amour vraiment Conjugal dans son origine, et dans son essence ; et cependant il est important qu’on le sache ; c’est pourquoi il a plu au Seigneur d’ouvrir pour toi les Cieux, afin que dans les intérieurs de ton mental influent la lumière qui illustre, et par suite la perception : chez nous, dans les Cieux, surtout dans le Troisième, nos délices célestes viennent principalement de l’Amour Conjugal ; nous allons donc, d’après la permission qui nous a été donnée, envoyer vers toi un Couple d’époux afin que tu voies. » Et voici, à l’instant il apparut un Char descendant du Ciel suprême ou troisième Ciel ; dans ce char on voyait un seul Ange ; mais comme il approchait, on y en vit deux : de loin, le char brillait devant mes yeux comme un diamant, et il était attelé de deux jeunes chevaux blancs comme la neige ; et ceux qui étaient assis dans le char tenaient dans leurs mains deux tourterelles, et ils me crièrent : « Veux-tu que nous approchions plus près ; mais alors prends garde que l’éclat qui provient de notre Ciel, d’où nous descendons, et qui est de flamme, ne pénètre intérieurement ; par son influx sont illustrées, il est vrai, les idées supérieures de ton entendement, qui en elles-mêmes sont célestes, mais ces idées sont ineffables pour le Monde dans lequel tu es ; reçois donc rationnellement les choses que tu vas entendre, et expose-les de cette manière à l’entendement. » Et je répondis : « Je prendrai garde, venez plus près. » Et ils vinrent ; et voici, c’était un Mari et son Épouse ; et ils dirent : « Nous sommes Époux ; depuis le premier Âge, qui est appelé par vous Siècle d’Or, nous avons vécu heureux dans le Ciel, et toujours dans la même fleur de l’âge, où tu nous vois aujourd’hui. » Je les regardai attentivement l’un et l’autre, parce que je perçus qu’ils représentaient l’Amour Conjugal dans sa vie et dans sa parure ; dans sa vie, par leurs faces ; et dans sa parure, par leurs vêtements ; car tous les Anges sont des affections de l’amour dans une forme humaine ; l’affection dominante brille elle-même par leurs faces, et des vêlements leurs sont dispensés d’après l’affection et selon l’affection ; aussi est-il dit dans le Ciel que chacun est vêtu par son Affection. Le Mari paraissait d’un âge tenant le milieu entre l’adolescence et la jeunesse ; de ses yeux éclatait une lumière scintillante dérivée de la sagesse de l’amour ; par cette lumière sa face était intimement comme rayonnante, et par le rayonnement qui en provenait la peau à sa surface extrême était comme étincelante, de sorte que toute sa face était une beauté resplendissante : il était vêtu d’une robe longue, et par dessus il avait un vêtement de couleur hyacinthe, serré par une ceinture d’or, sur laquelle il y avait trois pierres précieuses, deux saphirs sur les côtés, et une escarboucle au milieu ; ses bas étaient d’un lin resplendissant, entremêlé de fils d’argent, et sa chaussure était de velours : telle était la Forme représentative de l’Amour Conjugal chez le Mari. Mais chez l’Épouse, voici ce qu’elle était : sa face fut vue par moi, et elle ne fut pas vue ; elle fut vue comme la beauté même, et elle ne fut pas vue parce que cette beauté était inexprimable ; car il y avait dans sa face la splendeur d’une lumière enflammée, telle qu’est la lumière pour les Anges dans le troisième Ciel ; et cette lumière rendit ma vue trouble ; c’est pourquoi je demeurai pour ainsi dire stupéfait : elle, s’en étant aperçue, me parla, en disant : « Que vois-tu ? » Je répondis : « Je ne vois que l’Amour Conjugal, et sa forme ; mais je vois, et je ne vois pas. » À ces mots elle se détourna obliquement de son mari ; et alors je pus la regarder plus attentivement ; ses yeux brillaient de la lumière de son Ciel, laquelle, ainsi qu’il vient d’être dit, est enflammée et provient de l’amour de la sagesse ; car dans ce Ciel les Épouses aiment les Maris d’après leur sagesse et dans leur sagesse, et les Maris aiment les Épouses d’après cet amour et dans cet amour envers eux, et ainsi ils sont unis ; de là venait sa beauté, qui était telle, qu’aucun peintre ne pourrait l’imiter ni la présenter dans sa forme, car il n’y aurait rien de si brillant, dans son coloris, et rien de si beau ne pourrait être exprimé par son art : ses cheveux étaient décemment arrangés selon la correspondance avec sa beauté, et des fleurs y étaient placées en diadèmes : elle avait un collier d’escarboucles, d’où pendait un assemblage de roses en chrysolithes ; et ses bracelets étaient de perles : elle était vêtue d’une robe écarlate, et sous cette robe sa poitrine était couverte d’un vêlement pourpre attaché sur le devant par des agrafes de rubis : mais, ce qui me surprenait, c’est que les couleurs variaient selon l’aspect vers le mari ; et aussi selon cet aspect elles brillaient tantôt plus, tantôt moins ; plus, dans un aspect mutuel ; et moins, dans un aspect oblique. Après que j’eus vu ces choses, ils me parlèrent de nouveau ; et quand le Mari parlait, c’était en même temps comme d’après l’épouse, et quand l’Épouse parlait, c’était en même temps comme d’après le mari, car telle était l’union des mentals, d’où coulent les paroles ; et alors j’entendis aussi le son de l’Amour Conjugal, en ce qu’il était intérieurement simultané, et procédait aussi des délices de l’état de paix et d’innocence. Enfin, ils dirent : « Nous sommes rappelés, nous allons partir. » Et à l’instant ils apparurent de nouveau portés dans un char, comme précédemment ; et ils furent portés par un chemin pavé à travers des parterres émaillés de fleurs, dont les planches contenaient des oliviers et des arbres chargés d’oranges ; et quand ils furent près de leur Ciel, au-devant d’eux vinrent des vierges, et elles les reçurent, et les introduisirent.

43. Après cela, il m’apparut un Ange de ce Ciel, tenant à la main un rouleau de parchemin qu’il développait, en disant : « J’ai vu que tu médites sur l’Amour conjugal ; ce parchemin contient sur cet amour des arcanes de la sagesse, non encore dévoilés dans le Monde ; ils vont être dévoilés maintenant, parce qu’il est important qu’ils le soient ; ces arcanes sont dans notre Ciel plus que dans les autres Cieux, parce que nous sommes, nous, dans le mariage de l’amour et de la Sagesse : mais je prédis qu’il n’y en aura pas d’autres qui s’approprieront cet Amour, que ceux qui sont reçus par le Seigneur dans la nouvelle Église, qui est la Nouvelle Jérusalem. » Après avoir prononcé ces paroles, l’Ange laissa tomber le Parchemin déroulé, qu’un certain Esprit Angélique reçut et plaça sur une Table dans une chambre qu’il ferma aussitôt ; et il me tendit la clef, et dit : « Écris. »

44. SECOND MÉMORABLE : Un jour je vis trois Esprits novices de notre Monde, qui allaient çà et là, examinaient et s’informaient ; ils étaient dans l’admiration de ce qu’ils vivaient hommes absolument comme auparavant, et de ce qu’ils voyaient des objets semblables à ceux qu’ils avaient vus auparavant ; car ils savaient qu’ils étaient sortis du Monde précédent ou naturel, et que là ils avaient cru qu’ils ne vivraient hommes qu’après le jour du Jugement dernier, lorsqu’ils seraient revêtus de la chair et des os renfermés dans les tombeaux ; afin donc qu’il ne leur restât aucun doute qu’ils fussent véritablement hommes, parfois ils s’examinaient et se touchaient eux et les autres, et ils palpaient les objets ; et, par des milliers de preuves, ils se confirmaient qu’ils étaient maintenant hommes, comme dans le Monde précédent, outre qu’ils se voyaient mutuellement dans une lumière plus claire, et voyaient les objets dans une plus grande splendeur, et ainsi plus parfaitement. Alors deux Esprits Angéliques les rencontrèrent par aventure, et les arrêtèrent, en disant : « D’où êtes-vous ? » Ils répondirent : « Nous sommes sortis d’un Monde, et de nouveau nous vivons dans un Monde, ainsi nous sommes passés d’un Monde dans un autre Monde ; cela maintenant nous étonne. » Et alors les trois Novices interrogèrent les deux Esprits Angéliques sur le Ciel ; et comme deux des trois Novices étaient des jeunes gens, et que de leurs yeux étincelait comme un petit feu de convoitise pour le sexe, les Esprits Angéliques dirent : « Vous avez peut-être vu des femmes ? » Et ils répondirent : « Nous en avons vu. » Et comme ils interrogeaient ces Esprits sur le Ciel, ils leur dirent : « Dans le Ciel tous les objets sont magnifiques et resplendissants, et tels que l’œil n’en avait jamais vu ; et là, il y a des vierges et des jeunes hommes, les vierges d’une telle beauté, qu’elles peuvent être appelées des Beautés dans leur forme, et les jeunes hommes d’une telle moralité, qu’ils peuvent être appelés des Moralités dans leur forme ; et les Beautés des vierges et les Moralités des jeunes hommes se correspondent comme des formes mutuelles et assorties l’une pour l’autre. » Et les deux Novices demandèrent si dans le Ciel les formes humaines sont en tout semblables à celles qui sont dans le Monde naturel ; et il leur fut répondu : « Elles sont en tout semblables ; il n’a rien été ôté à l’homme, ni rien à la femme ; en un mot, l’homme est homme, et la femme est femme, dans toute la perfection de la forme dans laquelle ils ont été créés ; éloignez-vous, si vous voulez, et examinez si chez vous il vous manque la moindre chose pour que vous soyez homme comme auparavant. » Les Novices dirent encore : « Nous avons entendu dire dans le Monde, d’où nous sommes sortis, que dans le Ciel on n’est point donné en mariage, parce qu’on est Ange ; est-ce que de la sorte il y a l’Amour du sexe ? » Et les Esprits Angéliques répondirent : « Votre amour du sexe n’y est pas ; mais il y a l’amour angélique du sexe, amour qui est chaste, et exempt de tout attrait libidineux. » Les Novices répliquèrent : « S’il y a un amour du sexe sans aucun attrait, qu’est-ce alors que l’amour du sexe ? » Et comme ils pensaient à cet amour, ils gémirent et dirent : « Oh ! que la joie du Ciel est sèche ! Quel jeune homme dès lors peut désirer le Ciel ? Un tel amour n’est-il pas stérile et dénué de vie ? » Les Esprits Angéliques, souriant à ces propos, répliquèrent : « L’Amour Angélique du sexe, ou tel qu’il est dans le Ciel, est néanmoins plein de délices intimes ; c’est la plus agréable expansion de toutes les choses du mental, et par suite la plus agréable expansion de toutes celles de la poitrine ; et au-dedans de la poitrine, c’est comme si le cœur jouait avec le poumon, jeu d’où résultent une respiration, un ton de voix et un langage, qui font que les liaisons entre les sexes, ou entre les jeunes hommes et les vierges, sont les suavités célestes mêmes, lesquelles sont pures. Tous les Novices, qui montent dans le Ciel, sont examinés quant à leur chasteté ; car ils sont introduits dans la Compagnie de Vierges, les Beautés du Ciel, qui perçoivent par le ton de voix, par le langage, par la face, par les yeux, par le geste et par la sphère qui émane d’eux, quels ils sont quant à l’amour du sexe ; si cet amour n’est pas chaste, elles s’enfuient et annoncent à leurs compagnes qu’elles ont vu des satyres ou des priapes ; et même ces nouveaux venus changent de formes, et aux yeux des Anges ils apparaissent couverts de poil, et quant aux pieds comme des veaux ou des léopards, et peu après ils sont chassés, afin que là ils ne souillent pas l’atmosphère par leur désir libidineux. » Les deux Novices, ayant entendu cette explication, dirent de nouveau : « Ainsi dans le Ciel, il n’y a aucun amour du sexe ; qu’est-ce que l’amour chaste du sexe, sinon un amour privé de l’essence de sa vie ? Les liaisons de jeunes hommes et de vierges n’y sont-elles pas des joies insipides ? Nous ne sommes ni des pierres ni des souches, mais nous sommes des perceptions et des affections de la vie. » À ces mots, les deux Esprits Angéliques indignés répondirent : « Vous ne savez nullement ce que c’est que l’amour chaste du sexe, parce que vous n’êtes pas encore chastes ; cet amour est le délice même du mental, et par conséquent du cœur, et non en même temps de la chair sous le cœur ; la chasteté angélique, qui est commune à l’un et à l’autre sexe, empêche cet amour de passer au delà de la cloison du cœur, mais en dedans et au-dessus de cette cloison la moralité du jeune homme se délecte, avec la beauté de la vierge, des délices de l’amour chaste du sexe, délices qui sont intérieures et trop remplies de charmes pour qu’elles puissent être décrites par des paroles. Toutefois, cet amour du sexe est chez les Anges, parce que chez eux il y a seulement l’Amour conjugal, et que cet amour ne peut pas exister en même temps avec l’amour inchaste du sexe ; l’amour vraiment conjugal est un amour chaste, et n’a rien de commun avec un amour inchaste ; il existe seulement avec une personne du sexe à l’exclusion de toutes les autres, car c’est un amour de l’esprit et par suite un amour du corps, et non un amour du corps et par suite un amour de l’esprit, c’est-à-dire, non un amour qui infeste l’esprit. » Les deux jeunes novices, ayant entendu ces choses, se réjouirent et dirent : « Toujours est-il que là il y a un amour du sexe ; quelle autre chose serait l’amour conjugal ? » Mais les Esprits Angéliques leur répondirent : « Pensez plus profondément, examinez bien la chose, et vous percevrez que votre amour du sexe est un amour extraconjugal, et que l’amour conjugal est absolument autre, celui-ci étant distinct de celui-là, comme le froment l’est de la paille, ou plutôt comme l’humain l’est du bestial. Si vous demandez aux femmes dans le Ciel ce que c’est que l’amour extraconjugal, je vous assure qu’elles répondront : Qu’est-ce que cela ? que dites-vous ? comment de votre bouche peul-il sortir un tel mot qui blesse à ce point les oreilles ? comment un amour qui n’a pas été créé peut-il être produit dans l’homme ? Si alors vous leur demandez ce que c’est que l’Amour vraiment conjugal, je sais qu’elles vous répondront que ce n’est point l’amour du sexe, mais que c’est l’amour d’une seule personne du sexe, amour qui n’existe que lorsqu’un jeune homme voyant une vierge qui lui a été destinée par le Seigneur, et la vierge voyant le jeune homme, ils sentent de part et d’autre le conjugal s’embraser dans leurs cœurs, et perçoivent, lui, qu’elle est sienne, et elle, qu’il est sien ; car l’amour va au-devant de l’amour, et se fait connaître, et il conjoint aussitôt les âmes, et ensuite les mentals, et de là il entre dans les poitrines, et après les noces plus loin, et ainsi devient plein l’amour qui de jour en jour augmente en conjonction, au point qu’ils ne sont plus deux mais qu’ils sont comme un. Je sais aussi qu’elles jureront qu’elles ne connaissent pas d’autre amour du sexe ; car elles disent : Comment peut-il y avoir un amour du sexe, à moins qu’il ne tende ainsi à une mutuelle rencontre, et ne soit réciproque, afin d’aspirer à une union éternelle, qui consiste en ce que deux soient une seule chair ? » À cette explication les Esprits Angéliques ajoutèrent : « Dans le Ciel on ne sait nullement ce que c’est que la Scortation, ni qu’elle existe, ni qu’elle peut exister ; les Anges sentent un froid glacial dans tout le corps pour un amour inchaste ou extraconjugal, et vice versa ils sentent de la chaleur dans tout le corps par l’amour chaste ou conjugal ; là, chez les hommes, tous les nerfs se détendent à la vue d’une prostituée, et se tendent à la vue de l’Épouse. » Les trois Novices ; après avoir entendu ces nouvelles explications, demandèrent si l’Amour conjugal entre époux dans les Cieux était semblable à l’Amour conjugal dans les terres ; et les deux Esprits angéliques répondirent : « Il est absolument semblable » ; et comme ils perçurent qu’ils voulaient savoir si les dernières délices y étaient semblables, ils dirent qu’elles étaient absolument semblables, mais beaucoup plus délectables, parce que la perception et la sensation angéliques sont beaucoup plus exquises que la perception et la sensation humaines ; puis, ils ajoutèrent : « Qu’est-ce que la vie de cet amour, si elle ne provient de la veine de la puissance ? Celle-ci manquant, est-ce que cet amour ne manque pas et ne devient pas froid ? Cette vigueur n’est-elle pas la mesure même et le degré même, et la base même de cet amour ? N’en est-elle pas le commencement, l’affermissement et le complément ? C’est une loi universelle, que les premiers existent, subsistent et persistent par les derniers ; de même aussi cet Amour ; si donc il n’y avait pas les dernières délices, l’amour conjugal n’aurait aucun délice. » Alors les Novices demandèrent si des dernières délices de cet amour il y naissait des enfants ; et s’il n’en naissait point, de quel usage elles pouvaient être. Les Esprits Angéliques répondirent qu’il en naissait des enfants spirituels, mais non des enfants naturels. Et ils demandèrent ce que c’était que des enfants spirituels ; et eux répondirent : « Deux époux par les dernières délices sont davantage unis dans le mariage du bien et du vrai, et le mariage du bien et du vrai est le mariage de l’amour et de la sagesse ; or l’amour et la sagesse sont les enfants qui naissent de ce Mariage ; et comme le mari y est la sagesse, et l’épouse l’amour de cette sagesse, et que tous deux aussi sont spirituels, c’est pour cela qu’il ne peut y être conçu et engendré que des enfants spirituels ; de là vient que les Anges, après les délices, ne deviennent pas tristes, comme quelques hommes dans les terres, mais sont joyeux ; et cela résulte d’un continuel influx de nouvelles forces après les précédentes, lesquelles servent à leur rénovation et en même temps à leur illustration ; car tous ceux qui vont au Ciel reviennent dans le printemps de leur jeunesse, et dans les forces de cet âge, et ils y demeurent éternellement. » Après avoir entendu cela, les trois Novices dirent : « Ne lit-on pas dans la Parole que dans le Ciel il n’y a point de noces, parce qu’on y est Ange ? » À cette question les Esprits Angéliques répondirent : « Portez vos regards vers le Ciel, et vous recevrez une réponse. » Et ils demandèrent pourquoi ils porteraient leurs regards vers le Ciel. Ils dirent : « Parce que de là nous viennent toutes les interprétations de la Parole ; la Parole est entièrement spirituelle ; et les Anges, étant spirituels, en enseigneront l’entendement spirituel. » Et peu de temps après, le Ciel s’ouvrit au-dessus de leur tête, et deux Anges se présentèrent à leur vue, et dirent : « Il y a des Noces dans les Cieux comme dans les terres, mais non pour d’autres là que pour ceux qui sont dans le Mariage du bien et du vrai, et d’autres que ceux-là ne sont point Anges ; c’est pourquoi là il est entendu des Noces spirituelles, qui concernent le mariage du bien et du vrai : celles-ci (à savoir, les noces spirituelles) ont lieu dans les terres, et non après le trépas, ainsi non dans les Cieux ; comme il est dit des cinq vierges insensées, invitées aussi aux noces, qu’elles ne purent entrer, parce qu’il n’y avait point eu chez elles mariage du bien et du vrai, car elles n’avaient point d’huile, mais seulement des lampes ; par l’huile il est entendu le bien, et par les lampes le vrai ; et être donné en mariage c’est entrer dans le Ciel, où est le mariage du bien et du vrai. » Les trois Novices, ayant entendu ces paroles, furent ravis de joie ; et pleins du désir du Ciel et de l’espoir des noces célestes, ils dirent : « Nous nous appliquerons à la moralité et à la décence de la vie, afin que nos vœux soient accomplis. »

 

 

 

DE L’ÉTAT DES ÉPOUX APRÈS LA MORT.

 

 

45. Qu’il y ait des Mariages dans les Cieux, c’est ce qui vient d’être montré ; ici maintenant, il faut examiner si l’alliance conjugale contractée dans le Monde doit, après la mort, demeurer et être stable, ou non ; comme ceci est une question non de jugement, mais d’expérience, et comme j’ai acquis cette expérience par une consociation avec les Anges et les Esprits, je vais traiter ce point, mais cependant de manière que la raison aussi y donne son assentiment : il est même au nombre des vœux et des désirs des époux de savoir cela ; car les maris qui ont aimé leurs épouses, veulent savoir, lorsqu’elles sont mortes, si leur sort est heureux, pareillement les épouses qui ont aimé leurs maris ; ils veulent aussi savoir s’ils se rencontrent encore. Plusieurs époux désirent même savoir d’avance si après la mort ils seront séparés, ou s’ils vivront ensemble ; ceux dont les caractères (animi) ne concordent pas s’ils seront séparés, et ceux dont les caractères concordent, s’ils vivront ensemble ; comme la connaissance de ces choses est vivement désirée, elle va être donnée, ce qui aura lieu dans l’ordre suivant : I. L’Amour du sexe reste chez chaque homme après la mort, tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-à-dire, dans sa volonté intérieure et dans sa pensée intérieure. II. L’Amour conjugal pareillement. III. Les deux Époux ordinairement après la mort se rencontrent, se reconnaissent, de nouveau se consocient, et pendant quelques temps vivent ensemble, ce qui a lieu dans le Premier État ; ainsi tant qu’ils sont dans les externes comme dans le Monde. IV. Mais successivement, a mesure qu’ils dépouillent les externes, et qu’ils entrent dans leurs internes, ils perçoivent dans quel amour et dans quelle inclination ils ont été mutuellement l’un à l’égard de l’autre, et par suite s’ils peuvent vivre ensemble, ou non. V. S’ils peuvent vivre ensemble, ils restent époux ; mais s’ils ne le peuvent pas, ils se séparent ; parfois le Mari d’avec l’Épouse, parfois l’Épouse d’avec le Mari, et parfois mutuellement l’un d’avec l’autre. VI. Et alors il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable. VII. Les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, mais plus agréables et plus heureuses, toutefois sans prolification ; au lieu de celle-ci, ils ont une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse. VIII. C’est là ce qui arrive à ceux qui vont au Ciel ; mais il en est autrement pour ceux qui vont en Enfer. Suit maintenant l’Explication, par laquelle ces Articles sont illustrés et confirmés.

46. I. L’Amour du sexe reste chez chaque homme, après la mort, tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-dire dans sa volonté intérieure et dans sa pensée intérieure. Tout Amour suit l’homme après la mort, parce qu’il est l’Être de sa vie ; et l’Amour régnant, qui est le chef de tous les autres, reste chez l’homme pour l’éternité, et avec cet amour en même temps les amours subordonnés ; s’ils restent, c’est parce que l’Amour appartient proprement à l’esprit de l’homme, et appartient au corps d’après l’esprit, et que l’homme après la mort devient esprit, et ainsi porte avec lui son amour ; et puisque l’Amour est l’Être de la vie de l’homme, il est évident que telle a été la vie de l’homme dans le Monde, tel devient son sort après la mort. Quant à ce qui concerne l’Amour du sexe, il est l’amour universel de tous, car il est, de création, implanté dans l’âme même de l’homme, de laquelle est dérivée l’essence de l’homme tout entier, et cela pour la propagation du genre humain ; que ce soit cet amour qui reste principalement, c’est parce que, après la mort, l’homme est homme, et la femme est femme ; et parce qu’il n’y a rien dans l’âme, dans le mental et dans le corps, qui ne soit masculin dans le mâle, et féminin dans la femelle ; et ces deux ont été créés de telle sorte, qu’ils sont dans un continuel effort pour la conjonction, et même pour la conjonction afin de devenir un ; cet effort est l’Amour du sexe, qui précède l’Amour conjugal : or, comme l’inclination conjonctive est gravée dans toutes et dans chacune des choses du mâle et de la femelle, il s’ensuit que cette inclination ne peut être ni effacée ni mourir avec le corps.

47. Si l’Amour du sexe reste tel qu’intérieurement il a été dans le Monde, c’est parce que chez tout homme il y a un Interne et un Externe, qui tous deux sont aussi appelés homme Interne et homme Externe, et que par suite il y a une volonté interne et une volonté externe, une pensée interne et une pensée externe ; l’homme laisse son Externe, et retient son Interne, quand il meurt ; car les Externes appartiennent proprement à son corps, et les Internes appartiennent proprement à son esprit ; puis donc que l’homme est son Amour, et que l’Amour réside dans son esprit, il s’ensuit que l’Amour du sexe reste chez lui après la mort, tel qu’intérieurement il a été chez lui ; par exemple, si cet Amour intérieurement a été conjugal ou chaste, il reste après la mort conjugal et chaste ; mais si intérieurement il a été scortatoire, il reste aussi tel après la mort. Mais il faut qu’on sache que l’Amour du sexe n’est pas chez l’un tel qu’il est chez l’autre, les différences en sont infinies : mais toujours est-il que tel il est dans l’esprit de chacun, tel il y reste.

48. II. L’Amour conjugal pareillement reste chez l’homme tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-à-dire, dans la volonté intérieure et dans la pensée intérieure. Comme autre est l’Amour du sexe, et autre l’Amour conjugal, c’est pour cela qu’ils sont nommés l’un et l’autre, et qu’il est dit que celui-ci reste aussi, après la mort, tel qu’il a été chez l’homme dans son homme Interne, quand il vivait dans le Monde : mais comme peu de personnes connaissent la distinction entre l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, je vais pour cela même en dire quelque chose au commencement de ce Traité. L’Amour du sexe est l’amour pour plusieurs et avec plusieurs du Sexe, mais l’Amour Conjugal est l’amour seulement pour une et avec une du Sexe ; or, l’Amour pour plusieurs et avec plusieurs est un Amour naturel, car il est commun avec les bêtes et les oiseaux, et ces animaux sont naturels ; mais l’Amour Conjugal est un Amour spirituel, et il est particulier et propre aux hommes, parce que les hommes ont été créés et par conséquent naissent pour devenir spirituels ; autant donc l’homme devient spirituel, autant il se dépouille de l’Amour du sexe, et se revêt de l’Amour conjugal. Dans le commencement du mariage l’Amour du sexe se présente comme conjoint à l’Amour conjugal, mais dans la progression du mariage ils sont séparés, et alors chez ceux qui sont spirituels l’Amour du sexe est détruit et l’Amour conjugal est insinué ; mais chez ceux qui sont naturels, le contraire arrive. D’après ce qui vient d’être dit, il est évident que l’Amour du Sexe, étant un amour avec plusieurs et en soi naturel et même animal, est impur et inchaste, et qu’étant vague et illimité, il est scortatoire ; mais il en est tout autrement de l’Amour conjugal. Que l’Amour conjugal soit spirituel, et proprement humain, on le verra clairement par la suite.

47 (bis). III. Les deux Époux ordinairement après la mort se rencontrent, se reconnaissent, de nouveau se consocient, et pendant quelque temps vivent ensemble, ce qui a lieu dans le Premier État ; ainsi, tant qu’ils sont dans les externes comme dans le Monde. Il y a deux États que l’homme subit après la mort, l’état Externe et l’état Interne ; il vient d’abord dans son état externe, et plus lard dans son état interne ; et pendant l’état externe, le mari et l’épouse, si l’un et l’autre sont morts, se rencontrent, se reconnaissent ; et, s’ils ont vécu d’accord dans le Monde, ils se consocient, et pendant quelque temps vivent ensemble ; et tandis qu’ils sont dans cet état, l’un ne connaît pas l’inclination de l’autre à son égard, parce que cette inclination se cache dans les internes ; mais plus tard, quand ils viennent dans leur état interne, l’inclination se manifeste ; si elle est concordante et sympathique, ils continuent la vie conjugale ; mais si elle est discordante et antipathique, ils rompent le mariage. Si un Homme a eu plusieurs épouses, il se conjoint avec elles par ordre, tandis qu’il est dans l’état externe ; mais quand il entre dans l’état interne, dans lequel il perçoit les inclinations de l’amour telles qu’elles sont, alors ou il adopte l’une des épouses, ou il les abandonne toutes ; car dans le Monde spirituel, de même que dans le Monde naturel, il n’est permis à aucun Chrétien d’avoir plusieurs épouses, parce que cela souille et profane la religion ; la même chose a lieu pour une Femme qui a eu plusieurs maris ; mais néanmoins les femmes ne s’adjoignent point à leurs maris, seulement elles se présentent, et les maris se les adjoignent. Qu’on sache que les Maris connaissent rarement leurs épouses, mais que les Épouses connaissent fort bien les maris ; et cela, parce que les femmes ont une perception intérieure de l’amour, et que les hommes en ont seulement une perception extérieure.

48 (bis). IV. Mais successivement, à mesure qu’lis dépouillent les externes, et qu’ils entrent dans leur internes, ils perçoivent dans quel amour et dans quelle inclination ils ont été mutuellement l’un à l’égard de l’autre, et par suite s’ils peuvent vivre ensemble, ou non. Ceci n’a pas besoin d’être expliqué davantage, car c’est une conséquence de ce qui a été montré dans l’Article précédent ; il suffira d’illustrer ici comment l’homme après la mort dépouille les externes et revêt les internes : Chacun après la mort est d’abord introduit dans un Monde, qui est appelé Monde des esprits, et qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer ; et là est préparé le bon pour le Ciel, et le méchant pour l’Enfer : la préparation y a pour fin que l’Interne et l’Externe concordent et fassent un, et qu’ils ne soient pas discordants et ne fassent pas deux ; dans le Monde naturel ils font deux, et ils ne font un que chez ceux qui sont sincères de cœur : qu’ils fassent deux, cela est évident par les fourbes et les astucieux, principalement par les hypocrites, les flatteurs, les dissimulés et les menteurs ; mais, dans le Monde spirituel, il n’est pas permis d’avoir ainsi le mental divisé ; celui qui a été méchant dans les internes sera méchant aussi dans les externes ; de même pour le bon dans les internes, il sera bon aussi dans les externes ; car tout homme après la mort devient ce qu’il a été intérieurement, et non tel qu’il a été extérieurement : c’est pour cette fin que l’homme est alors mis alternativement dans son Externe et dans son Interne ; et chaque homme, lorsqu’il est dans son Externe, est sage, c’est-à-dire, veut paraître sage, même le méchant ; mais celui-ci dans son interne est insensé ; il peut pendant ces vicissitudes voir ses folies, et s’en repentir ; mais s’il ne s’en est pas repenti dans le Monde, il ne le peut pas plus lard, car il aime ses folies, et veut rester en elles ; c’est pourquoi, il pousse aussi son Externe à être pareillement fou ; ainsi son Interne et son Externe deviennent un ; et quand cela a été effectué, il a été préparé pour l’Enfer. Mais le contraire arrive au bon : Comme celui-ci dans le Monde a porté ses regards vers Dieu et s’est repenti, il a été plus sage dans l’interne que dans l’externe ; parfois aussi dans l’externe il a été entraîné à la folie par les attraits et par les vanités du monde, c’est pourquoi son Externe est mis d’accord avec son Interne qui, ainsi qu’il a été dit, est sage ; et, quand cela a été effectué, il a été préparé pour le Ciel. Par là il a été illustré comment l’homme après la mort se dépouille de l’Externe et se revêt de l’Interne.

49. V. S’ils peuvent vivre ensemble, ils restent époux ; mais s’ils ne le peuvent pas, ils se séparent ; parfois le Mari d’avec l’Épouse, parfois l’Épouse d’avec le Mari, parfois mutuellement l’un d’avec l’autre. S’il se fait des séparations après la mort, c’est parce que les conjonctions qui se font dans les terres se font rarement par quelque perception interne de l’amour, mais elles ont lieu par une perception externe qui cache l’interne ; la perception externe de l’amour a sa cause et son origine dans des choses qui appartiennent à l’Amour du Monde et du Corps ; celles de l’Amour du monde sont principalement les richesses et les possessions, et celles de l’Amour du corps sont les dignités et les honneurs ; et, en outre, ce sont aussi divers attraits qui séduisent, comme la beauté et une feinte décence de mœurs, quelquefois même le manque de chasteté ; et, de plus, les Mariages se contractent dans les limites de la région, de la ville ou du bourg où les parties sont nées, et où elles habitent ; et là il n’y a qu’un choix restreint et limité aux familles que l’ont connaît, et qui sont dans une semblable condition d’existence ; de là vient que les Mariages contractés dans le Monde sont ordinairement externes, et non en même temps internes, lorsque cependant la Conjonction interne, qui est celle des Âmes, constitue le Mariage même ; et cette conjonction n’est pas perceptible avant que l’homme ait dépouillé l’Externe et revêtu l’Interne, ce qui se fait après la mort ; c’est donc pour cela qu’alors se font les séparations, et ensuite de nouvelles conjonctions entre ceux qui sont semblables et homogènes, à moins qu’il n’ait été pourvu à celles-ci dans les terres, ce qui a lieu pour ceux qui dès la jeunesse ont aimé, ont désiré et ont demandé au Seigneur une alliance légitime et aimable, avec une seule personne du sexe, et qui méprisent et dédaignent les vagues caprices d’amour.

50. VI. Alors il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable. La raison de cela, c’est qu’il ne peut être reçu dans le Ciel, pour y rester, d’autres Époux que ceux qui ont été intérieurement unis, ou qui peuvent être unis comme en un ; car là, deux Époux sont appelés non pas deux Anges, mais un Ange ; ce qui est entendu par les paroles du Seigneur, qu’ils ne sont plus deux, mais une seule chair. S’il n’est point reçu d’autres Époux dans le Ciel, c’est parce que d’autres ne peuvent pas y cohabiter, c’est-à-dire, être ensemble dans une même maison, dans une même chambre et dans un même lit ; en effet, tous ceux qui sont dans les Cieux ont été consociés selon les affinités et les proximités de l’amour, et ont des habitations selon ces affinités et ces proximités ; car dans le Monde spirituel il n’y a point d’espaces, mais il y a des apparences d’espaces, et celles-ci sont selon les états de la vie des habitants, et les états de la vie sont selon les états de l’amour ; c’est pourquoi nul ne peut y demeurer que dans sa maison, à laquelle il a été pourvu pour lui, et qui lui a été désignée, selon la qualité de son amour ; s’il demeure ailleurs, il a la poitrine oppressée, et il respire avec peine ; deux ne peuvent habiter ensemble dans une même maison, à moins qu’ils ne soient des ressemblances ; et des Époux ne le peuvent nullement, à moins qu’ils ne soient des inclinations mutuelles ; s’ils sont des inclinations externes et non en même temps internes, la maison même ou le lieu même les sépare, les rejette et les chasse : c’est à cause de cela que, pour ceux qui, après la préparation, sont introduits dans le Ciel, il est pourvu à un Mariage avec un conjoint dont l’âme incline à l’union avec celle de l’autre, au point qu’ils veuillent être non pas deux vies, mais une seule vie : c’est pour cette raison qu’après la séparation il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable.

51. VII. Les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, mais plus agréables et plus heureuses, toutefois sans prolification ; au lieu de celle-ci, ils ont une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse. Si les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, c’est parce qu’après la mort le mâle est mâle, et la femelle est femelle, et que l’inclination à la conjonction a été insitée dans l’un et dans l’autre par création ; et cette inclination chez l’homme appartient à son esprit et par suite à son corps ; c’est pourquoi après la mort, quand l’homme devient esprit, la même inclination mutuelle reste, et elle ne peut exister sans de semblables communications ; car l’homme est homme comme auparavant, et il ne manque rien au mâle, ni rien à la femelle ; quant à la forme, ils sont semblables à eux-mêmes, pareillement quant aux affections et aux pensées ; que peut-il dès lors en résulter, sinon qu’il y a de semblables communications ; et que, comme l’Amour conjugal est chaste, pur et saint, les communications sont même complètes ? Mais, sur ce sujet, on peut voir de plus grands détails dans le MÉMORABLE No 44. Si les Communications sont alors plus agréables et plus heureuses, c’est parce que cet Amour, quand il devient l’Amour de l’esprit, devient intérieur et plus pur, et par suite plus perceptible, et que tout plaisir s’accroît selon la perception, et s’accroît jusqu’au point que sa béatitude est discernée dans son plaisir.

52. Si les Mariages dans les Cieux sont sans prolification, mais qu’au lieu de celle-ci il y ait une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse, c’est parce que chez ceux qui sont dans le Monde spirituel, il manque le troisième (principe) qui est le naturel, et que ce troisième est le contenant des spirituels ; or les spirituels sans leur contenant n’ont pas la consistance, comme l’ont les choses qui sont procréées dans le Monde naturel : et les spirituels, considérés en eux-mêmes, se réfèrent à l’Amour et à la Sagesse ; c’est pourquoi l’amour et la sagesse sont les choses qui naissent des mariages des habitants des Cieux. Il est dit que l’amour et la sagesse naissent, parce que l’amour conjugal perfectionne l’Ange, car il s’unit à son conjoint, d’où il résulte qu’il devient homme de plus en plus, car, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, deux Époux dans le Ciel ne sont pas deux mais un seul Ange ; c’est pourquoi par l’union conjugale ils se remplissent de l’humain, qui consiste à vouloir devenir sage, et à aimer ce qui appartient à la sagesse.

53. VIII. C’est là ce qui arrive à ceux qui vont au Ciel ; mais il en est autrement pour ceux qui vont en Enfer. Qu’après la mort il soit donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable, et que ceux-ci jouissent de communications agréables et heureuses, mais sans autre prolification qu’une prolification spirituelle, cela doit être entendu de ceux qui sont reçus dans le Ciel et deviennent Anges ; la raison en est que ceux-ci sont spirituels, et que les mariages en eux-mêmes sont spirituels, et par suite saints. Mais ceux qui vont en Enfer sont tous naturels, et les mariages purement naturels ne sont point des mariages, mais sont des conjonctions qui viennent d’une passion inchaste. Dans la suite, lorsqu’il sera traité du chaste et de l’inchaste, et plus loin lorsqu’il s’agira de l’Amour scortatoire, il sera dit quelles sont ces conjonctions.

54. À ce qui a été rapporté jusqu’ici sur l’état des époux après la mort, il faut ajouter les détails suivants : 1. Tous les Époux qui sont purement naturels sont séparés après la mort ; et cela, parce que chez eux l’amour du mariage est froid, et que l’amour de l’adultère est chaud ; néanmoins, après la séparation, parfois ils se consocient comme époux avec d’autres, mais peu de temps après ils s’éloignent mutuellement l’un de l’autre, ce qui souvent est répété plusieurs fois ; et enfin l’homme s’attache à quelque prostituée, et la femme à quelque adultère, ce qui s’effectue dans un bagne infernal, dont il a été parlé dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 153, p. X, où la promiscuité est interdite à l’un et à l’autre sous peine de châtiment. 2. Les Époux dont l’un est spirituel et l’autre naturel sont séparés aussi après la mort, et il est donné au Spirituel un conjoint convenable, mais le Naturel est relégué dans des lieux de débauche vers ses semblables. 3. Quant à ceux qui dans le Monde ont vécu célibataires, et ont entièrement éloigné du mariage leur mental, s’ils sont spirituels, ils restent célibataires, mais s’ils sont naturels, ils deviennent scortateurs. Il en est autrement de ceux qui dans leur Célibat ont désiré le mariage, et, à plus forte raison, de ceux qui l’ont sollicité sans succès ; s’ils sont spirituels, il est pourvu pour eux à des Mariages heureux, mais non pas avant qu’ils soient dans le Ciel. 4. Ceux qui dans le Monde ont été renfermés dans des monastères, tant hommes que femmes, ceux-là après avoir mené une vie monacale, qui continue quelque temps après la mort, sont dégagés et délivrés, et ils jouissent de la pleine liberté de leurs désirs, soit qu’ils veulent vivre époux ou non ; s’ils veulent vivre époux, ils le deviennent ; s’ils ne le veulent pas, ils sont transportés vers les célibataires sur le côté du Ciel ; mais ceux qui ont brûlé du feu de désirs défendus sont précipités. 5. Si les Célibataires sont sur le côté du Ciel, c’est parce que la sphère d’un célibat perpétuel infeste la sphère de l’amour conjugal, qui est la sphère même du Ciel ; la sphère de l’amour conjugal est la sphère même du Ciel, parce qu’elle descend du Mariage céleste du Seigneur et de l’Église.

 

 

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55. À ce qui précède j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour il fut entendu du Ciel une très suave mélodie ; c’étaient des épouses avec des vierges qui y chantaient ensemble un cantique ; la suavité du chant était comme l’affection de quelque amour qui flue harmonieusement ; les chants célestes ne sont que des affections sonores, ou des affections exprimées et modifiées par des sons ; car de même que les pensées sont exprimées par des paroles, de même les affections le sont par des chants ; par la mesure et le flux de la modulation, les Anges perçoivent le sujet de l’affection. Il y avait alors beaucoup d’Esprits autour de moi, et quelques-uns d’eux dirent qu’ils entendaient cette très suave mélodie, et que c’était la mélodie de quelque aimable affection, dont ils ne connaissaient pas le sujet ; c’est pourquoi ils firent diverses conjectures, mais en vain. Les uns conjecturaient que ce chant exprimait l’affection d’un fiancé et d’une fiancée quand il y a promesse de mariage ; d’autres, qu’il exprimait l’affection du fiancé et de la fiancée à la solennité des noces ; et d’autres, qu’il exprimait le primitif amour du mari et de l’épouse. Mais alors au milieu d’eux apparut un Ange venu du Ciel, et il leur dit qu’on chantait l’Amour chaste du sexe ; mais ceux qui l’entouraient demandèrent ce que c’était que l’Amour chaste du sexe ; et l’Ange dit : « C’est l’amour d’un homme pour une vierge ou pour une épouse belle de forme et décente de mœurs, sans aucune idée de lasciveté, et réciproquement l’amour qu’une vierge ou une épouse éprouve pour un homme. » Après avoir parlé ainsi, l’Ange disparut. Le chant continuait, et alors, comme ils connaissaient le sujet de l’affection qu’il exprimait, ils l’entendaient avec beaucoup de variété, chacun selon l’état de son amour ; ceux qui regardaient les femmes chastement entendaient ce chant comme symphonique et suave ; mais ceux qui regardaient les femmes inchastement l’entendaient comme sans harmonie et triste ; et ceux qui regardaient les femmes avec dédain l’entendaient comme discordant et rauque. Mais tout à coup la Plaine sur laquelle ils se tenaient fut changée en un Théâtre, et une voix fut entendue : « DISCUTEZ CET AMOUR. » Et aussitôt se présentèrent des Esprits de diverses sociétés, et au milieu d’eux quelques Anges vêtus de blanc ; et ceux-ci, prenant la parole, dirent : « Nous, dans ce Monde spirituel, nous avons fait des recherches sur toutes les espèces d’amour, non-seulement sur l’amour de l’homme à l’égard de l’homme, et de la femme à l’égard de la femme, et sur l’amour réciproque du mari et de l’épouse, mais aussi sur l’amour de l’homme à l’égard des femmes, et de la femme à l’égard des hommes ; et il nous a été donné de parcourir les sociétés et d’examiner, et nous n’avons encore trouvé le commun amour chaste du sexe que chez ceux qui d’après l’amour vraiment conjugal sont dans une continuelle puissance, et ceux-ci sont dans les Cieux suprêmes : et il nous a aussi été donné de percevoir l’influx de cet amour dans les affections de nos cœurs, et nous avons senti que par la suavité il surpassait tout autre amour, excepté l’amour de deux époux dont les cœurs sont un : mais nous demandons que vous discutiez cet amour, parce que, à vos yeux, il est nouveau et inconnu ; et comme cet amour est l’aménité même, par nous dans le Ciel il est appelé la céleste suavité. » Lors donc qu’ils discutèrent, ceux qui n’avaient pas pu penser à la chasteté au sujet des mariages furent les premiers à parler, et ils dirent : « Qui est-ce qui, en voyant une vierge ou une épouse belle et aimable, peut réprimer et purifier de convoitise les idées de sa pensée, au point d’aimer la beauté, et cependant de ne point vouloir la savourer entièrement, si cela est permis ? Qui peut changer la convoitise innée en chaque homme en une telle chasteté, ainsi en quelque chose qui n’est point lui, et cependant aimer ? L’amour du sexe, lorsque par les yeux il entre dans les pensées, peut-il s’arrêter au visage d’une femme ? Ne descend-il pas à l’instant dans la poitrine, et au-delà ? Les Anges ont parlé de choses vaines en disant que cet amour est chaste, et que cependant il est le plus suave de tous, et qu’il existe uniquement chez les maris qui sont dans l’amour vraiment conjugal et par suite dans une très-grande puissance avec leurs épouses. Ceux-ci, quand ils voient de belles femmes, peuvent-ils, plus que les autres, tenir en haut et comme suspendre les idées de leur pensée, afin de les empêcher de descendre et d’aller vers ce qui constitue cet amour ? » Après eux parlèrent ceux qui étaient dans le froid et dans le chaud, dans le froid pour leurs épouses, et dans le chaud pour le sexe, et ils dirent : « Qu’est-ce que l’amour chaste du sexe ? N’y a-t-il pas contradiction à joindre la chasteté à l’amour du sexe ? Qu’est-ce qu’un sujet avec un adjectif contradictoire, sinon une chose à qui l’on ôte son attribut, une chose qui n’est rien ? Comment l’amour chaste du sexe peut-il être le plus suave de tous les amours, quand la chasteté le prive de sa suavité ? Vous savez tous où réside la suavité de cet amour, quand donc l’idée de conjonction avec cela est bannie, où est et d’où vient alors la suavité ? » À ce moment quelques-uns les interrompirent, et dirent : « Nous, nous avons été avec les plus belles femmes, et nous ne les avons pas convoitées ; nous donc, nous savons ce que c’est que l’amour chaste du sexe. » Mais leur consociés, qui connaissaient leur lasciveté, répondirent : « Vous, alors, vous étiez dans un état de dégoût pour le sexe par impuissance, et cela n’est point l’amour chaste du sexe, mais c’est le dernier état de l’amour inchaste. » En entendant ces propos, les Anges indignés demandèrent que ceux qui se tenaient à la droite ou au midi parlassent ; et ceux-ci dirent : « Il y a l’amour entre homme et homme, et aussi entre femme et femme, et il y a l’amour de l’homme pour la femme, et l’amour de la femme pour l’homme ; ces trois amours par paires diffèrent absolument entre eux ; l’amour entre homme et homme est comme l’amour entre entendement et entendement, car l’homme a été créé et par suite naît pour devenir entendement ; l’amour entre femme et femme est comme l’amour entre affection et affection de l’entendement des hommes, car la femme a été créée et naît pour devenir amour de l’entendement de l’homme : ces amours-ci, à savoir, entre homme et homme, et aussi entre femme et femme ne pénètrent point profondément dans les poitrines, mais ils se tiennent dehors, et se touchent seulement, ainsi ils ne conjoignent pas les deux intérieurement ; c’est pourquoi aussi deux hommes par des raisonnements et des raisonnements combattent entre eux comme deux athlètes ; et deux femmes quelquefois par des convoitises et des convoitises combattent entre elles avec leurs poings comme deux lutteurs. Mais l’amour entre l’homme et la femme est l’amour entre l’entendement et l’affection de l’entendement, et cet amour pénètre profondément et conjoint ; et cette conjonction est cet amour ; mais la conjonction des mentals et non en même temps des corps, ou l’effort pour cette conjonction seule est l’amour spirituel, et par suite l’amour chaste ; et cet amour existe seulement chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, et par suite dans une éminente puissance, parce que ceux-ci, à cause de la chasteté, n’admettent pas l’influx de l’amour provenant du corps d’une autre femme que leur épouse ; et comme ils sont dans une suréminente puissance, ils ne peuvent qu’aimer le sexe, et en même temps avoir en aversion ce qui est inchaste ; de là leur vient l’amour chaste du sexe, amour qui, considéré en lui-même, est une amitié intérieure spirituelle tirant sa suavité d’une puissance éminente, mais chaste ; ils ont une puissance éminente d’après l’abdication totale de la scortation, et cette puissance est chaste, parce que l’épouse seule est aimée. Maintenant, comme cet amour chez eux ne participe pas de la chair, mais seulement de l’esprit, il est chaste ; et comme la beauté de la femme, d’après l’inclination insitée, entre en même temps dans le mental, cet amour est suave. » À ces mots, plusieurs des assistants mirent leurs mains sur leurs oreilles, en disant : « Ces paroles blessent nos oreilles, et les choses que vous avez prononcées sont pour nous des riens. » C’étaient des esprits non chastes : et alors ce chant du Ciel fut de nouveau entendu, et en ce moment il était plus suave que précédemment ; mais il était si discordant aux oreilles des Esprits non chastes, qu’en raison de cette bruyante discordance ils se précipitèrent hors du Théâtre et s’enfuirent ; il ne resta qu’un petit nombre d’Esprits qui, d’après la sagesse, aimaient la chasteté conjugale.

56. SECOND MÉMORABLE : Un jour, dans le Monde spirituel, conversant avec des Anges, je fus inspiré d’une délicieuse volupté de Voir le TEMPLE DE LA SAGESSE, que j’avais déjà vu une fois, et je les interrogeai au sujet du chemin qui y conduit ; ils me dirent : « Suis la lumière, et tu le trouveras. » Et je dis : « Qu’est-ce que cela ? Suis la lumière ! », ils dirent : « Notre lumière devient de plus en plus éclatante, à mesure que l’on approche de ce Temple, suis donc la lumière selon l’accroissement de son éclat, car notre Lumière procède du Seigneur comme Soleil, et par suite, considérée en elle-même, elle est la Sagesse. » Alors, accompagné de deux Anges, je dirigeai ma marche selon l’accroissement de l’éclat de la lumière, et je montai par un sentier escarpé jusqu’au sommet d’une Colline, qui était dans la Plage méridionale ; et là, il y avait une Porte magnifique ; et le garde, ayant vu les anges avec moi, l’ouvrit ; et voici, nous vîmes un Portique de palmiers et de lauriers, vers lequel nous dirigeâmes nos pas ; le Portique allait en tournant et se terminait en un jardin, au milieu duquel était le TEMPLE DE LA SAGESSE. Là, quand je portai mes regards autour de moi, je vis de petits Édifices, ressemblant au Temple, dans lesquels étaient des Sages ; nous nous approchâmes de l’un de ces édifices, et à l’entrée nous parlâmes à celui qui l’habitait, et nous lui exposâmes la cause de notre venue, et de quelle manière nous étions arrivés ; et il nous dit : « Soyez les bienvenus, entrez, asseyez-vous, et consocions-nous par des discours de sagesse. » Je vis que l’Édifice, en dedans, était divisé en deux, et cependant il était un ; il était divisé en deux par une cloison transparente, mais il apparaissait comme un d’après la transparence de la cloison, qui était comme d’un cristal très-pur ; je demandai pourquoi cela était ainsi ; il me dit : « Je ne suis pas seul, mon épouse est avec moi ; et nous, nous sommes deux, cependant nous ne sommes pas deux mais une seule chair. » Mais je répliquai : « Je sais que tu es un sage ; et qu’est-ce que le sage ou la sagesse a de commun avec la femme ? » À ces mots, notre hôte, saisi d’une sorte d’indignation, changea de figure, et il étendit la main ; et voici, il se présenta aussitôt d’autres sages des édifices voisins, auxquels il dit en souriant : « Notre étranger me dit ici, en me questionnant : Qu’est-ce que le sage ou la sagesse a de commun avec la femme ? » Ils rirent tous de cette demande, et ils dirent : « Qu’est-ce que le sage ou la sagesse sans la femme, ou sans l’amour ? L’épouse est l’amour de la sagesse du sage. » Mais notre hôte dit : « Consocions-nous maintenant par quelque conversation sur la sagesse ; parlons des causes, et d’abord de la cause de la Beauté du sexe féminin. » Et alors ils parlèrent en ordre, et le premier donna pour cause que les femmes ont été créées par le Seigneur affections de la sagesse des hommes, et que l’affection de la sagesse est la Beauté même. Le second donna pour cause que la femme a été créée par le Seigneur au moyeu de la sagesse de l’homme, puisqu’elle l’a été d’après l’homme, et que par suite elle est la forme de la sagesse, forme inspirée par l’affection de l’amour ; et que, comme l’affection de l’amour est la vie même, la femme est la vie de la sagesse, tandis que le mâle est la sagesse ; et la vie de la sagesse est la Beauté même. Un troisième donna pour cause que les femmes ont reçu en don la perception des délices de l’amour conjugal, et que, comme tout leurs corps est l’organe de cette perception, il ne peut pas se faire que l’habitation des délices de l’amour conjugal avec sa perception ne soit pas la Beauté. Un quatrième donna pour cause que le Seigneur avait tiré de l’homme la beauté et l’élégance de la vie, et les avait fait passer dans la femme, et que par conséquent, sans la réunion avec sa beauté et son élégance dans la femme, l’homme est farouche, âpre, sec, et non-aimable, et n’est sage que pour lui seul, et celui-là est insensé ; mais que, quand l’homme est uni avec sa beauté et son élégance de la vie dans l’épouse, il devient agréable, gracieux, vif et aimable, et par conséquent sage. Un cinquième donna pour cause que les femmes ont été créées Beautés non pour elles-mêmes, mais pour les hommes, afin que les hommes, durs par eux-mêmes, s’adoucissent ; que leurs mentals (animi), sévères par eux-mêmes, s’amollissent ; et que leurs cœurs, froids par eux-mêmes, s’échauffent ; et les hommes deviennent tels, quand ils deviennent une seule chair avec leurs épouses. Un sixième donna pour cause que par le Seigneur l’Univers a été créé ouvrage très-parfait, mais qu’en lui il n’a été créé rien de plus parfait que la femme belle de figure et décente de mœurs, afin que l’homme rende grâces au Seigneur pour cette munificence, et lui prouve sa reconnaissance par la réception de la sagesse qui procède de Lui. » Après que ces raisons et plusieurs autres semblables eurent été données, l’Épouse apparut au travers de la cloison de cristal, et elle dit au Mari : « Parle, je t’en prie. » Et pendant qu’il parlait, dans le discours était perçue la vie de la sagesse procédant de l’Épouse, car son amour était dans le son du langage ; ainsi cette vérité fut prouvée par l’expérience. À près cela, nous visitâmes le Temple de la sagesse, et aussi les lieux paradisiaques qui l’environnaient ; et, remplis des joies que nous y avions ressenties, nous nous en allâmes, et nous passâmes à travers le Portique jusqu’à la porte, et nous descendîmes par le chemin par lequel nous étions montés.

 

 

 

DE L’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL.

 

 

51. L’Amour conjugal est d’une variété infinie ; il n’est pas chez l’un tel qu’il est chez un autre ; il paraît, à la vérité, semblable chez plusieurs, mais il paraît ainsi devant le jugement du corps, et l’homme discerne peu de semblables choses d’après ce jugement, parce qu’il est grossier et émoussé ; par le jugement du corps il est entendu le jugement du mental d’après les sens externes : mais devant ceux qui voient d’après le jugement de l’esprit, les différences se manifestent, et plus distinctement devant ceux qui peuvent élever plus haut la vue de ce jugement, ce qui se fait en le soustrayant aux sens, et en l’élevant dans une lumière supérieure ; ceux-ci enfin peuvent se confirmer par l’entendement, et ainsi voir que l’Amour conjugal n’est pas chez l’un tel qu’il est chez un autre. Mais cependant qui que ce soit ne peut voir les variétés infinies de cet Amour dans quelque lumière de l’entendement même élevé, à moins que d’abord il ne sache quel est cet Amour dans son essence même et dans son intégrité, ainsi quel il était quand il fut mis par Dieu dans l’homme en même temps que la vie ; si cet état, qui fut son état le plus parfait, n’est pas connu, toutes les recherches pour en découvrir les différences sont vaines ; car il n’y a aucun point solide, d’où les différences soient déduites comme d’un principe, ni auquel elles se réfèrent comme à un but, et puissent par conséquent se manifester avec vérité et non avec fausseté. C’est pour cette raison qu’ici nous allons commencer par décrire cet Amour dans son essence réelle ; et comme il y était, quand il fut infusé par Dieu dans l’homme en même temps que la vie, nous commencerons à le décrire tel qu’il a été dans son état primitif ; et parce que dans cet état il était vraiment conjugal, ce Paragraphe a pour titre : DE L’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL ; mais cette description sera faite dans cet ordre. I. Il y a un Amour vraiment conjugal, qui aujourd’hui est si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe. II. L’origine de cet Amour vient du Mariage du bien et du vrai. III. Il y a correspondance de cet Amour avec le Mariage du Seigneur et de l’Église. IV. Cet Amour, considéré d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui par le Seigneur est chez les anges du Ciel, et chez les hommes de l’Église. V. Il est même l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. VI. Dans cet amour ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, depuis les premières jusqu’aux dernières. VII. Mais dans cet amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui aiment les vrais de l’Église et en pratiquent les Biens. VIII. Cet Amour a été l’Amour des amours chez les Anciens, qui ont vécu dans les siècles d’or, d’argent et d’airain ; mais dans la suite il s’est successivement effacé. L’explication de ces Articles va suivre.

58. I. Il y a un Amour vraiment conjugal, qui aujourd’hui est si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe. Qu’il y ait un Amour conjugal, tel qu’il est décrit dans ce qui suit, on peut même le reconnaître par le premier état de cet amour, quand il s’insinue et entre dans le cœur d’un jeune homme et dans celui d’une jeune fille, ainsi chez ceux qui commencent à aimer une seule personne du sexe, et à désirer l’obtenir en mariage, et plus encore au temps des fiançailles, quand il est prolongé, et qu’il approche des noces, et enfin pendant les noces, et dans les premiers jours qui les suivent ; qui est-ce qui alors ne reconnaît pas et ne convient pas que cet Amour est l’amour fondamental de tous les amours ; et aussi, qu’en lui ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices depuis les premières jusqu’aux dernières ? Et qui est-ce qui ne sait pas qu’après ce temps délicieux, ces allégresses passent et s’effacent successivement, jusqu’au point que les époux les sentent à peine ? Si alors, de même qu’auparavant, on leur dit que cet Amour est l’amour fondamental de tous les amours, et qu’en lui ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, ils n’en conviennent pas et ne le reconnaissent pas ; et ils diront peut-être que ce sont des contes, ou des subtilités mystiques au-dessus de leur portée. D’après cela, il est évident que le primitif amour du mariage imite l’Amour vraiment conjugal, et le présente à la vue dans une sorte d’image ; cela a lieu, parce qu’alors a été rejeté l’amour du sexe, qui est inchaste, et qu’à sa place reste implanté l’amour d’une seule personne du sexe, lequel est l’amour vraiment conjugal et chaste ; qui est-ce qui alors ne regarde pas les autres femmes d’un œil indifférent, et son unique bien-aimée, d’un œil amoureux ?

59. Que, cependant, l’Amour vraiment conjugal soit si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine s’il existe, c’est parce que l’état de délices avant les noces est changé après elles en un état d’indifférence provenant de l’insensibilité ; les causes de ce changement d’état sont en trop grand nombre pour qu’elles puissent être rapportées ici ; mais elles le seront dans la suite, lorsque les causes des froideurs, des séparations et des divorces seront dévoilées dans leur ordre ; d’après ces causes on verra que, chez la plupart aujourd’hui, cette image de l’amour conjugal, et avec elle la connaissance de cet amour, ont été tellement détruites, qu’on ne sait pas quel est cet amour, et qu’on sait à peine qu’il existe. Il est connu que tout homme, quand il naît, est purement corporel et que de corporel il devient naturel de plus en plus intérieur, et ainsi rationnel, et enfin spirituel. Si cela a lieu progressivement, c’est parce que le corporel est comme un humus, dans lequel les naturels, les rationnels et les spirituels sont semés en leur ordre ; ainsi l’homme devient de plus en plus homme : il arrive presque la même chose quand il se marie ; l’homme alors devient plus pleinement homme, parce qu’il est conjoint à une compagne avec laquelle il constitue un seul homme ; mais cela se fait en une sorte d’image dans le premier état, dont il vient d’être parlé ; pareillement alors il commence par le corporel, et s’avance vers le naturel, mais quant à la vie conjugale, et par suite quant à la conjonction en un ; ceux qui alors aiment les corporels-naturels, et seulement les rationnels qui en proviennent, ne peuvent pas être unis à leur conjoint comme en un, si ce n’est quant à ces externes ; et lorsque les externes manquent, les internes sont envahis par un froid qui chasse les plaisirs de cet amour aussi bien du mental que du corps, et ensuite aussi bien du corps que du mental ; et cela, jusqu’à ce qu’il ne reste rien de la réminiscence du primitif état de leur mariage, ni par conséquent aucune connaissance de cet état. Or, comme cela arrive aujourd’hui chez la plupart, il est évident qu’on ne sait pas quel est l’amour vraiment conjugal, et qu’on sait à peine qu’il existe. Il en est tout autrement pour ceux qui sont spirituels ; pour eux le premier état est une initiation à des félicités perpétuelles, qui s’accroissent par degrés, selon que le spirituel-rationnel du mental et d’après lui le naturel-sensuel du corps de l’un, se conjoignent et s’unissent avec ceux de l’autre ; mais ceux-ci sont rares.

60. II. L’origine de cet Amour vient du Mariage du Bien et du Vrai. Tout homme intelligent reconnaît que toutes choses dans l’univers se réfèrent au bien et au vrai, parce que cela est un vrai universel ; on ne peut pas non plus ne pas reconnaître que dans toutes et dans chacune des choses de l’univers le bien est conjoint au vrai, et le vrai au bien, parce que cela aussi est un vrai universel qui est lié avec l’autre. Si toutes choses dans l’univers se réfèrent au bien et au vrai, et si le bien est conjoint au vrai, et le vrai au bien, c’est parce que l’un et l’autre procèdent du Seigneur, et procèdent de Lui comme un. Les deux choses qui procèdent du Seigneur sont l’Amour et la Sagesse, parce que ces deux sont le Seigneur, ainsi d’après Lui ; et toutes les choses qui appartiennent à l’amour sont appelées biens, et toutes celles qui appartiennent à la sagesse sont appelées vrais ; et puisque de Lui comme Créateur procèdent l’Amour et la Sagesse, il s’ensuit que ces deux sont dans les choses créées. Cela peut-être illustré par la Chaleur et la Lumière, qui procèdent du Soleil ; toutes les choses de la Terre en proviennent, car elles germent selon leur présence et selon leur conjonction ; or, la Chaleur naturelle correspond à la Chaleur spirituelle, qui est l’Amour, et la Lumière naturelle correspond à la Lumière spirituelle, qui est la Sagesse.

61. Que l’Amour conjugal procède du Mariage du bien et du vrai, c’est ce qui sera démontré dans la Section suivante ou Paragraphe suivant ; il n’en est fait mention ici que pour faire voir que cet Amour est céleste, spirituel et saint, parce qu’il est d’une origine céleste, spirituelle et sainte. Afin qu’on voie que l’origine de l’amour conjugal vient du Mariage du bien et du vrai, il importe d’en parler ici succinctement : Il vient d’être dit que dans toutes et dans chacune des choses créées il y a la conjonction du bien et du vrai ; or, il n’y a pas conjonction à moins qu’elle ne soit réciproque, car la conjonction d’une part, et non réciproquement de l’autre, se dissout d’elle-même ; lors donc qu’il y a conjonction du bien et du vrai, et que cette conjonction est réciproque, il en résulte qu’il y a le vrai du bien ou le vrai d’après le bien, et qu’il y a le bien du vrai ou le bien d’après le vrai ; que le vrai du bien ou le vrai d’après le Bien soit dans le Mâle, et qu’il soit le Masculin même, et que le bien du vrai ou le bien d’après le vrai soit dans la Femelle, et qu’il soit le Féminin même, puis aussi, qu’il y ait une union conjugale entre ces deux, on le verra dans la Section qui va suivre ; ceci est rapporté ici, afin qu’on en ait quelque idée préliminaire.

62. III. Il y a correspondance de cet Amour avec le Mariage du Seigneur et de l’Église ; c’est-à-dire que, de même que le Seigneur aime l’Église et veut que l’Église l’aime, de même le mari et l’Épouse s’aiment mutuellement ; qu’entre cet amour et ce mariage il y ait une correspondance, on le sait dans le Monde Chrétien, mais quelle est cette correspondance, on ne le sait pas encore, c’est pourquoi elle sera expliquée plus loin dans un Paragraphe spécial : ici, il en est fait mention, afin qu’on voie que l’Amour conjugal est céleste, spirituel et saint, parce qu’il correspond au Mariage céleste, spirituel et saint du Seigneur et de l’Église. Cette correspondance est aussi une conséquence de ce que l’amour conjugal tire son origine du Mariage du bien et du vrai, origine dont il a été traité dans l’Article précédent, parce que le Mariage du bien et du vrai est l’Église chez l’homme ; car le Mariage du bien et du vrai est la même chose que le Mariage de la charité et de la foi, puisque le bien appartient à la charité et le vrai à la foi ; que ce Mariage fasse l’Église, on ne peut pas ne pas le reconnaître, parce que c’est un vrai universel, et que tout vrai universel est reconnu aussitôt qu’il est entendu, ce qui résulte de l’influx du Seigneur et en même temps de la confirmation du Ciel. Maintenant, puisque l’Église appartient au Seigneur parce qu’elle vient du Seigneur, et puisque l’Amour conjugal correspond au Mariage du Seigneur et de l’Église, il s’ensuit que cet Amour vient du Seigneur.

63. Mais comment par le Seigneur est formée l’Église chez deux époux, et comment au moyen de l’Église est formé l’amour conjugal, cela sera illustré dans le Paragraphe dont il vient d’être parlé : ici, il est seulement observé que l’Église est formée par le Seigneur chez le Mari, et au moyen du Mari chez l’Épouse, et qu’après qu’elle a été formée chez l’un et chez l’autre, l’Église est complète, car alors il se fait une complète conjonction du bien et du vrai, et la conjonction du bien et du vrai est l’Église. Que l’inclination conjonctive, qui est l’Amour conjugal, soit dans un même degré que la conjonction du bien et du vrai, qui est l’Église, cela va être confirmé en série par des arguments démonstratifs dans ce qui suit.

64. IV. Cet Amour, d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui par le Seigneur est chez les anges du Ciel et chez les hommes de l’Église. Que l’Amour conjugal, d’après son origine, qui est le Mariage du bien et du vrai, soit tel, c’est ce qui vient d’être confirmé ci-dessus en peu de mots, mais là seulement par avance ; il a, de la même manière, été confirmé que cet Amour est tel d’après sa correspondance avec le Mariage du Seigneur et de l’Église : ces deux Mariages, dont descend comme un rejeton l’Amour conjugal, sont les saintetés elles-mêmes ; c’est pourquoi, si d’après son Auteur, qui est le Seigneur, cet amour est reçu, il découle du Seigneur une sainteté, qui continuellement le décante et le purifie ; si alors dans la volonté de l’homme il y a un désir et un effort pour cet amour, il devient plus net et plus pur de jour en jour à perpétuité. L’Amour conjugal est appelé céleste et spirituel, parce qu’il est chez les Anges des cieux ; il est céleste, chez les Anges du Ciel suprême, parce que ces Anges sont appelés célestes ; et spirituel, chez les Anges au-dessous de ce ciel, parce que ces Anges sont appelés spirituels ; ces Anges sont ainsi appelés, parce que les Anges célestes sont des Amours et par suite des Sagesses, et que les Anges spirituels sont des Sagesses et par suite des Amours ; semblable est leur conjugal. Maintenant, puisque l’Amour conjugal est chez les Anges des cieux, tant supérieurs qu’inférieurs, comme il a aussi été montré dans le Premier Paragraphe sur les Mariages dans le Ciel, on voit que cet Amour est saint et pur. Si cet Amour, considéré dans son essence d’après sa dérivation, est saint et pur plus que tout autre amour chez les anges et chez les hommes, c’est parce qu’il est comme la tête des autres amours. Quant à la suprématie de cet amour, il en sera dit quelque chose dans l’Article qui va suivre.

65. V. Il est même l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. Que l’Amour conjugal, considéré dans son essence, soit l’Amour fondamental de tous les amours du Ciel et de l’Église, c’est parce que son origine vient du Mariage du bien et du vrai, et que de ce Mariage procèdent tous les amours qui font le Ciel et l’Église chez l’homme ; le bien de ce mariage constitue l’amour, et son vrai constitue la sagesse ; et quand l’amour s’approche de la sagesse, ou se conjoint avec elle, l’amour alors devient amour ; et quand réciproquement la sagesse s’approche de l’amour et se conjoint avec lui, la sagesse alors devient sagesse. L’Amour vraiment conjugal n’est pas autre chose que la conjonction de l’amour et de la sagesse ; deux Époux entre qui ou en qui il y a cet amour en sont l’effigie et la forme ; dans les Cieux, où les faces des anges sont les types réels des affections de leur amour, tous aussi sont des ressemblances de l’amour conjugal, car il est en eux dans le commun et dans toute partie, comme il a été déjà montré ; maintenant, puisque deux Époux sont cet Amour en effigie et en forme, il s’ensuit que tout amour, qui procède de la forme de l’amour même, en est une ressemblance ; c’est pourquoi si l’Amour conjugal est céleste et spirituel, les amours aussi, qui en procèdent, sont célestes et spirituels ; l’Amour conjugal est donc comme un père, et tous les autres amours sont comme une lignée ; de là vient que des Mariages des Anges dans les Cieux sont engendrées des lignées spirituelles, qui sont celles de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai ; au sujet du cette génération, voir ci-dessus, No 51.

66. La même chose est évidemment manifestée par la création des hommes pour cet amour, et par leur formation ensuite d’après cet amour : le Mâle a été créé pour qu’il devienne sagesse d’après l’Amour d’être sage, et la Femelle a été créée pour qu’elle devienne l’Amour du mâle d’après sa sagesse, ainsi selon la sagesse en lui ; de là il est évident que deux Époux sont les formes mêmes et les effigies mêmes du mariage de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai. Il est important qu’on sache qu’il n’y a point de bien ni de vrai qui ne soit dans une substance comme dans son sujet ; les biens et les vrais abstraits n’existent point, car ils ne sont nulle part, puisqu’ils n’ont point de siège ; et même ils ne peuvent pas non plus apparaître comme volant ; ce sont donc seulement des entités (entia), à l’égard desquelles la raison semble penser abstractivement, mais ne le peut cependant, à moins de les supposer dans des sujets ; car toute idée de l’homme, même sublimée, est substantielle, c’est-à-dire, attachée à des substances : de plus, il faut qu’on sache qu’il n’y a point de substance à moins qu’il n’y ait une forme ; une substance non-formée n’est pas non plus quelque chose, parce qu’il ne peut pas en être dit quelque chose, et qu’un sujet sans prédicats est aussi une entité qui n’a aucune existence dans la raison (ens nullius rationis). Ces considérations philosophiques ont été ajoutées afin que de cette manière on puisse aussi voir que deux Époux, qui sont dans l’amour vraiment conjugal, sont en actualité des formes du Mariage du bien et du vrai, ou de l’amour et de la sagesse.

67. Comme les amours naturels découlent des amours spirituels, et que les amours spirituels découlent des amours célestes, c’est pour cela qu’il est dit que l’Amour conjugal est l’amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. Les amours naturels se réfèrent aux amours de soi et du monde ; mais les amours spirituels se réfèrent à l’amour à l’égard du prochain, et les amours célestes à l’amour envers le Seigneur ; et comme telles sont les relations des amours, on voit clairement dans quel ordre ils se suivent, et dans quel ordre ils sont chez l’homme ; quand ils sont dans cet ordre, alors les amours naturels vivent d’après les amours spirituels, et les spirituels d’après les célestes, et tous dans cet ordre vivent par le Seigneur, dont ils procèdent.

68. VI. Dans cet amour ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, depuis les premières jusqu’aux dernières. Tous les plaisirs, quels qu’ils soient, qui sont sentis par l’homme, appartiennent à son amour ; par eux l’amour se manifeste, et même existe et vit ; que les plaisirs s’exaltent au même degré que s’exalte l’amour, et aussi selon que les affections qui surviennent touchent de plus près l’amour régnant, cela est notoire. Maintenant, puisque l’amour conjugal est l’amour fondamental de tous les bons amours, et qu’il a été inscrit dans les très-singuliers de l’homme, comme il a été montré ci-dessus, il s’ensuit que les plaisirs de cet amour surpassent les plaisirs de tous les amours, et qu’il donne aussi du plaisir aux autres amours selon sa présence et sa conjonction avec eux ; car il donne de l’expansion aux intimes du mental et en même temps aux intimes du corps, à mesure que la veine délicieuse de sa source y coule et les ouvre. Que dans cet amour aient été rassemblés tous les plaisirs depuis les premiers jusqu’aux derniers, c’est à cause de l’excellence de son usage en comparaison de tous les autres ; son usage est la propagation du genre humain, et par suite celle du Ciel Angélique ; et comme cet usage a été la fin des fins de la création, il s’ensuit que toutes les béatitudes, toutes les douceurs, tous les plaisirs, tous les charmes et toutes les voluptés, qui avaient pu être rassemblés dans l’homme par le Seigneur Créateur, ont été rassemblés dans cet amour. Que les plaisirs suivent l’usage, et soient dans l’homme selon l’amour de l’usage, cela est évident d’après les plaisirs des cinq Sens, la Vue, l’Ouïe, l’Odorat, le Goût et le Toucher ; chacun de ces sens a ses plaisirs avec des variations selon ses usages particuliers ; à combien plus forte raison le Sens de l’amour conjugal, dont l’Usage est le complexe de tous les autres usages.

69. Je sais qu’il en est peu qui reconnaîtront que dans l’Amour conjugal ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices depuis les premières jusqu’aux dernières ; et cela, parce que l’amour vraiment conjugal, dans lequel elles ont été rassemblées, est aujourd’hui si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe, selon ce qui a été expliqué et confirmé ci-dessus, Nos 58, 59, car ces joies et ces délices n’existent pas dans un amour conjugal autre que l’amour conjugal réel ; et comme celui-ci est si rare dans les terres, il est impossible de décrire ses félicités suréminentes autrement que d’après la bouche des Anges, parce qu’ils sont, eux, dans cet amour. Ils m’ont dit que ses délices intimes, qui appartiennent à l’âme, dans laquelle influe d’abord le conjugal de l’amour et de la sagesse ou du bien et du vrai procédant du Seigneur, sont non-perceptibles et par suite ineffables parce qu’elles sont en même temps les délices de la paix et de l’innocence ; mais que dans leur descente ces mêmes délices deviennent de plus en plus perceptibles, dans les supérieurs du mental comme béatitudes, dans les inférieurs du mental comme félicités, dans la poitrine comme plaisirs qui en dérivent, et que de la poitrine elles se répandent dans toutes et dans chacune des parties du corps, et enfin s’unissent dans les derniers en délice de délices ; de plus, les anges en ont raconté des merveilles, en ajoutant que les variétés de ces délices dans les âmes des Époux, et d’après leurs âmes dans leurs mentals, et d’après leurs mentals dans leurs poitrines, sont infinies, et aussi éternelles ; et qu’elles sont exaltées chez les maris selon la sagesse ; et cela, parce qu’ils vivent éternellement dans la fleur de leur âge, et parce qu’ils n’ont pas de plus grand bonheur que de devenir de plus en plus sages. Mais quant à plusieurs autres détails sortis de la bouche des Anges au sujet de ces délices, on les verra dans les MÉMORABLES, principalement dans ceux qui vont suivre à la fin de quelques Chapitres.

10. VII. Mais dans cet amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui aiment les vrais de l’Église et en pratiquent les biens. Si dans cet amour ne viennent que ceux qui s’adressent au Seigneur, c’est parce que les Mariages Monogamiques, qui sont ceux d’un seul mari avec une seule épouse, correspondent au Mariage du Seigneur et de l’Église, et que leur origine vient du Mariage du bien et du vrai, voir ci-dessus, Nos 60 et 62. Que de cette origine, et de cette correspondance, il s’ensuive que l’Amour vraiment conjugal vient du Seigneur, et est chez ceux qui s’adressent directement à Lui, cela ne peut être pleinement confirmé, à moins qu’il ne soit traité en particulier de ces deux arcanes ; ce qui sera fait dans les deux Chapitres qui suivent immédiatement celui-ci ; l’un sur l’origine de l’Amour conjugal d’après le Mariage du bien et du vrai ; et l’autre sur le Mariage du Seigneur et de l’Église, et sur sa correspondance : que de là il résulte que l’Amour conjugal est l’homme selon l’état de l’Église chez lui, c’est aussi ce qu’on verra dans ces Chapitres.

71. Si dans l’Amour vraiment conjugal ne peuvent être que ceux qui le reçoivent du Seigneur, c’est-à-dire, qui s’adressent directement à Lui, et vivent par Lui la vie de l’Église, c’est parce que cet Amour, considéré d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui existe chez les anges du Ciel, et chez les hommes de l’Église, comme ci-dessus, No 64 ; et ces attributs de l’amour vraiment conjugal ne peuvent exister que chez ceux qui ont été conjoints au Seigneur, et consociés par Lui aux anges du Ciel ; car ceux-là fuient les amours extraconjugaux, c’est-à-dire, les conjonctions avec d’autres que leur propre épouse ou leur propre mari, comme ils fuiraient les pertes de l’Âme et les étangs de l’enfer ; et autant les époux fuient ces conjonctions, même quant aux désirs libidineux de la volonté et par suite aux intentions, autant cet amour est purifié chez eux, et devient successivement spirituel, d’abord pendant qu’ils vivent dans les terres, et ensuite dans le Ciel : aucun amour ne peut jamais devenir pur chez les hommes, ni chez les anges, ainsi cet amour ne le peut pas non plus ; mais comme l’intention, qui appartient à la volonté, est principalement considérée par le Seigneur, c’est pour cela que, autant l’homme est dans cette intention et y persévère, autant il est initié dans la pureté et dans la sainteté de cet amour, et y fait successivement des progrès. Si dans l’Amour conjugal spirituel ne peuvent être que ceux qui sont tels par le Seigneur, c’est parce que le Ciel est dans cet amour, et que l’homme naturel, chez qui cet amour ne tire que de la chair son charme, ne peut approcher du Ciel, ni d’aucun ange, ni même d’aucun homme en qui il y a cet Amour, car c’est l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, voir ci-dessus, Nos 65, 66, 67. Qu’il en soit ainsi, c’est ce qui m’a été confirmé par l’expérience : Dans le Monde spirituel, j’ai vu des génies, qui étaient préparés pour l’enfer, s’approcher d’un Ange qui était dans des délices avec son épouse ; à mesure qu’ils approchaient, étant à une certaine distance, ils devinrent comme des furies ; et ils cherchèrent pour asiles des cavernes et des fosses, dans lesquelles ils se jetèrent. Que les mauvais esprits aiment l’homogène de leur affection, quelqu’immonde qu’il soit, et aient de l’aversion pour les esprits du Ciel, comme pour leur hétérogène parce que cet hétérogène est pur, on peut le conclure de ce qui à été rapporté dans les PRÉLIMINAIRES, No 10.

72. Si dans cet Amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui aiment les vrais de l’Église, et en pratiquent les biens, c’est parce que les autres ne sont pas reçus par le Seigneur ; car ceux-là sont en conjonction avec le Seigneur, et par conséquent peuvent être tenus par Lui dans cet Amour. Il y a deux choses qui font l’Église et par suite le Ciel chez l’homme, le Vrai de la foi et le Bien de la vie ; le Vrai de la foi fait la présence du Seigneur, et le Bien de la vie selon les vrais de la foi fait la conjonction avec Lui, et ainsi l’Église et le Ciel. Si le Vrai de la foi fait la présence, c’est parce qu’il appartient à la lumière, la Lumière spirituelle n’est pas autre chose ; si le Bien de la vie fait la conjonction, c’est parce qu’il appartient à la chaleur, la Chaleur spirituelle n’est pas non plus autre chose, car elle est l’amour, et le bien de la vie appartient à l’amour ; or, l’on sait que toute lumière, même celle de l’hiver, fait la présence, et que la chaleur unie à la lumière fait la conjonction ; car les jardins et les parterres apparaissent quelle que soit la lumière, mais ne fleurissent et ne fructifient que quand la chaleur se conjoint à la lumière. De là résulte clairement cette conclusion, que par le Seigneur sont gratifiés de l’amour vraiment conjugal, non pas ceux qui savent seulement les vrais de l’Église, mais ceux qui les savent et en pratiquent les biens.

73. VIII. Cet Amour a été l’Amour des amours chez les Anciens, qui ont vécu dans les siècles d’or, d’argent et d’airain. Que l’Amour conjugal chez les Très-Anciens et chez les Anciens, qui ont vécu dans ces premiers Siècles ainsi nommés, ait été l’Amour des amours, on ne peut pas le savoir d’après l’Histoire, parce qu’il n’existe point d’écrits d’eux, et que ceux qui existent sont d’Auteurs qui vivaient après ces Siècles ; car ceux-ci font mention d’eux, et décrivent aussi la pureté et l’intégrité de leur vie, et pareillement le déclin successif de cette pureté et de cette intégrité, tel qu’est celui de l’Or jusqu’au Fer : mais le dernier Siècle ou Âge de Fer, qui a commencé au temps de ces Écrivains, peut être connu en partie par les Histoires de la vie de quelques Rois, de quelques Juges, et de quelques Sages qui, en Grèce et ailleurs, furent appelés Sophi : que ce Siècle cependant ne durerait pas comme dure en soi-même le fer, mais qu’il deviendrait comme le fer mêlé avec l’argile, lesquels n’ont point de cohérence, c’est ce qui est prédit par Daniel, – II. 43. – Maintenant, comme les Siècles qui tirent leurs noms de l’or, de l’argent et de l’airain étaient passés avant les temps dont les écrits nous restent, et qu’ainsi il est impossible d’acquérir dans les terres une connaissance des Mariages des hommes de ces siècles, il a plu au Seigneur de me donner cette connaissance par un chemin spirituel, en me conduisant vers les Cieux où sont leurs domiciles, afin que j’apprisse de leur propre bouche quels avaient été chez eux les Mariages, quand ils vivaient dans leur Siècle ; car tous, quels qu’ils soient, qui depuis la Création sont sortis du Monde naturel, sont dans le Monde spirituel, et tous y sont tels qu’ils ont été quant à leurs amours, et y demeurent éternellement. Comme ces particularités sont dignes d’être connues et relatées, et qu’elles confirment la sainteté des mariages, je vais les donner au public telles qu’elles m’ont été montrées en esprit dans l’état de veille, et rappelées ensuite à ma mémoire par un Ange, et ainsi décrites : et comme ce sont des relations du Monde spirituel, telles que celles qui sont placées à la fin des Chapitres, j’ai désiré les diviser en six MÉMORABLES selon les Progressions des Âges.

 

 

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74. « Ces SIX MÉMORABLES du Monde spirituel sur l’Amour Conjugal révèlent quel a été cet Amour dans les Premiers Âges, et quel il a été après ces âges, et quel il est aujourd’hui. Par là on voit que cet Amour s’est successivement retiré de sa sainteté et de sa pureté, jusqu’au point de devenir scortatoire ; mais que cependant il y a espoir qu’il sera ramené à sa primitive ou ancienne Sainteté. »

75. PREMIER MÉMORABLE : Un jour que je méditais sur l’Amour Conjugal, mon mental fut saisi du désir de savoir quel avait été cet Amour chez ceux qui ont vécu dans le SIÈCLE D’OR, et quel il avait été ensuite chez ceux qui ont vécu dans les Siècles suivants, appelés Siècles d’ARGENT, d’AIRAIN et de FER : et comme je savais que tous ceux qui ont bien vécu dans ces Siècles sont dans les Cieux, je priai le Seigneur pour qu’il me fût permis de m’entretenir et de m’instruire avec eux : et voici, un Ange se présenta à moi, et me dit : « Je suis envoyé par le Seigneur pour te servir de guide et de compagnon de voyage ; et d’abord, je te conduirai et t’accompagnerai chez ceux qui ont vécu dans le Premier Âge ou Premier Siècle, qui est appelé Siècle d’Or » : et il dit : « Le chemin qui conduit vers eux est escarpé ; il passe par une forêt épaisse que personne ne peut traverser sans le secours d’un guide donné par le Seigneur. » J’étais en esprit, et je me préparai au voyage, et nous tournâmes le visage vers l’Orient, et en avançant je vis une Montagne dont la hauteur allait au-delà de la région des nuées. Nous traversâmes un grand désert, et nous parvînmes à une Forêt formée de différentes espèces d’arbres, dont l’épaisseur produisait une grande obscurité ; c’était la Forêt dont l’Ange avait parlé, mais elle était coupée par plusieurs sentiers étroits ; et l’Ange me dit que c’étaient autant de labyrinthes d’erreurs, et que si le voyageur n’a les yeux ouverts par le Seigneur, et s’il ne voit des Oliviers entourés de branches de vigne, et ne porte ses pas d’Olivier en Olivier, il va se jeter dans les Tartares qui sont aux environs sur les côtés : cette Forêt est ainsi disposée dans le but de défendre le passage ; car nulle autre Nation que celle du Premier Âge n’habite sur cette Montagne. Lorsque nous fûmes entrés dans la Forêt, nos yeux furent ouverts, et nous vîmes çà et là des Oliviers entourés de ceps, d’où pendaient des grappes de raisin d’une couleur d’azur, et les Oliviers par leur disposition formaient des courbes continues ; aussi fîmes-nous des détours et des détours en suivant leur direction ; et enfin nous vîmes un Bocage formé de Cèdres élevés, et sur leurs rameaux quelques Aigles. À cette vue, l’Ange dit : « Maintenant, nous sommes dans la Montagne, non loin de son Sommet. » Et nous continuâmes de marcher ; et voici, après le Bocage une Plaine d’une étendue circulaire, où paissaient des Agneaux et de jeunes Brebis, qui étaient des Formes représentatives de l’état d’innocence et de paix des Habitants de la Montagne. Nous traversâmes cette Plaine ; et voici, des Tabernacles et des Tabernacles, au nombre de plusieurs milliers, s’offrirent à nos regards, en avant et sur les côtés, autant que la vue pouvait s’étendre ; et l’Ange dit : « Maintenant, nous sommes dans le Camp ; là est l’Armée du Seigneur Jéhovah ; c’est ainsi qu’ils se nomment, eux et leurs habitations ; lorsqu’ils étaient dans le Monde, ces Très-Anciens habitaient dans des Tabernacles ; c’est pour cela aussi qu’ils y habitent maintenant ; mais poursuivons notre chemin vers le Midi, où sont les plus sages d’entre eux, afin de rencontrer quelqu’un avec qui nous nous entretiendrons. » En marchant, je vis au loin trois petits garçons et trois petites filles, qui étaient assis à la porte d’une Tente ; mais les uns et les autres, quand nous nous fûmes approchés, furent vus comme hommes et femmes d’une stature moyenne ; et l’Ange dit : « Tous les habitants de cette Montagne apparaissent de loin comme des Enfants, parce qu’ils sont dans un état d’innocence, et que l’Enfance est l’apparence de l’innocence. » Dès que ces Hommes nous virent, ils accoururent et dirent : « D’où êtes-vous ? et comment êtes-vous venus ici ? Vos faces ne sont pas des faces de notre Montagne. » Mais l’Ange répondit, et raconta comment l’entrée par la Forêt nous avait été permise, et pourquoi nous étions venus. Après avoir entendu cette explication, l’un des trois Hommes nous invita à entrer dans son Tabernacle, et il nous y introduisit : l’Homme était vêtu d’un manteau de couleur d’hyacinthe et d’une tunique de laine blanche, et son Épouse était vêtue d’une robe de pourpre, et par dessous une tunique de fin lin, brodée à l’aiguille, lui couvrait la poitrine : et comme il y avait dans ma pensée le désir de connaître les Mariages des Très-Anciens, je regardais alternativement le Mari et l’Épouse ; et j’aperçus, pour ainsi dire, l’unité de leurs âmes sur leurs faces, et je dis : « Vous deux, vous êtes un. » Et l’Homme répondit : « Nous sommes un ; sa vie est en moi, et la mienne est en elle ; nous sommes deux Corps, mais une seule Âme ; l’union entre nous est comme celle qui existe dans la Poitrine entre les deux tentes qu’on nomme le Cœur et le Poumon ; elle est mon Cœur, et moi je suis son Poumon ; mais comme par le Cœur nous entendons ici l’Amour, et par le Poumon la Sagesse, elle est l’Amour de ma sagesse, et moi je suis la Sagesse de son amour ; c’est pourquoi par le dehors son amour voile ma sagesse, et par le dedans ma sagesse est dans son amour ; c’est de là que l’unité de nos Âmes se montre sur nos faces, ainsi que tu l’as dit. » Et alors, je lui fis cette question : « Si telle est l’union, est-ce que tu peux contempler une autre Femme que la tienne ? » Et il répondit : « Je le peux ; mais comme mon Épouse a été unie à mon Âme, nous la contemplons tous deux ensemble, et alors rien de libidineux ne peut pénétrer ; car lorsque je regarde les épouses des autres, je les regarde par mon Épouse, que j’aime uniquement ; et, parce qu’elle a la perception de toutes mes inclinations, elle dirige, comme intermédiaire, mes pensées ; elle détourne tout ce qui est discordant, et introduit en même temps du froid et de l’horreur pour tout ce qui est inchaste ; c’est pour cela qu’ici il nous est aussi impossible de regarder l’épouse d’un autre avec un désir libidineux, qu’il est impossible, des ténèbres du Tartare, de regarder la lumière de notre Ciel ; aussi n’existe-t-il chez nous aucune idée de la pensée, ni à plus forte raison aucune expression du langage, pour les attraits d’un amour libidineux. » Il ne put pas prononcer le mol scortation, parce que la chasteté de leur Ciel s’y opposait. Alors l’Ange qui me servait de guide me dit : « Tu comprends maintenant que le langage des Anges de ce Ciel est le langage de la sagesse, car ils parlent d’après les causes. » Après cela, je portai mes regards autour de moi, et je vis leur Tabernacle comme couvert d’or, et je demandai d’où venait cela. Il répondit : « Cela vient d’une lumière enflammée qui brille comme l’or, et qui éclaire de ses rayons et frappe légèrement les pavillons de notre Tabernacle, lorsque nous nous entretenons de l’Amour Conjugal ; car la Chaleur de notre Soleil, qui dans son essence est l’Amour, se met alors à nu, et teint de sa couleur d’or la lumière, qui dans son essence est la Sagesse ; et cela a lieu, parce que l’Amour conjugal, dans son origine, est le Jeu de la Sagesse et de l’Amour ; car l’Homme est né pour être sagesse, et la Femme pour être amour de la sagesse de l’homme : de là viennent les délices de ce jeu, dans l’Amour conjugal et d’après cet Amour, entre nous et nos épouses. Nous, ici, nous avons vu clairement, depuis des milliers d’années, que ces délices, quant à leur abondance, à leur degré et à leur vertu, augmentent et s’élèvent en raison du culte que nous rendons au Seigneur Jéhovah, et qui influe cette céleste union ou ce céleste Mariage, qui est celui de l’Amour et de la Sagesse. » Après qu’il eut ainsi parlé, je vis une grande lumière sur la colline dans la partie du milieu entre les Tabernacles ; et je m’informai d’où venait cette lumière. Il dit : « C’est du Sanctuaire du Tabernacle de notre Culte. » Et je demandai s’il était permis d’approcher ; et il dit : « Cela est permis. » Et je m’approchai, et je vis un Tabernacle tout à fait semblable, en dehors et en dedans, à la description du Tabernacle qui fut construit dans le désert pour les fils d’Israël, et dont la forme avait été montrée à Moïse sur le Mont Sinaï. – Exod. XXV. 40 ; XXVI. 30. – Et je demandai ce qu’il y avait dans l’intérieur de ce sanctuaire, qui produisait une si grande lumière. Et il répondit : « C’est une Table sur laquelle il y a cette inscription : ALLIANCE ENTRE JÉHOVAH ET LES CIEUX. » Il n’en dit pas davantage. Et comme alors nous nous disposions à nous retirer, je lui fis cette question : « Quelques-uns de vous, lorsque vous étiez dans le Monde naturel, ont-ils vécu avec plus d’une Épouse ? » Il répondit : « Aucun, que je sache : car nous n’avons pas pu penser à plusieurs ; ceux qui y avaient pensé nous avaient dit que sur-le-champ les béatitudes célestes de leurs âmes s’étaient retirées des intimes aux extrêmes de leur corps jusqu’aux ongles, et avec elles en même temps tout ce qu’il y a de louable dans la virilité ; ceux-là, dès qu’on en avait la perception, étaient expulsés de nos terres. » Après avoir prononcé ces mots, le mari courut à son Tabernacle, et il revint avec une Grenade qui contenait en abondance des graines d’or ; et il me la donna, et je l’emportai ; c’était pour moi un signe que nous avions été avec ceux qui ont vécu dans le Siècle d’or. Et alors, après le salut de paix, nous nous retirâmes, et nous revînmes à la maison.

76. SECOND MÉMORABLE : Le lendemain, le même Ange vint à moi, et dit : « Veux-tu que je te conduise et accompagne chez les Peuples qui ont vécu dans l’ÂGE ou le SIÈCLE D’ARGENT, afin que nous les entendions parler sur ce qui concerne les Mariages de leur temps » ; et il ajouta qu’on ne peut également pénétrer chez eux que sous les auspices du Seigneur. J’étais en esprit, comme la veille, et je suivis mon guide. Et d’abord nous arrivâmes à une colline sur les limites de l’Orient et du Midi ; et, tandis que nous étions sur son penchant, il me montra une grande étendue de terre ; et nous vîmes au loin une éminence comme pleine de montagnes, entre laquelle et la colline où nous nous trouvions était une vallée, et après elle une plaine, et à partir de cette plaine une pente qui s’élevait lentement. Nous descendîmes de la Colline pour traverser la vallée, et nous vîmes sur les côtés, çà et là, des sculptures en bois et en pierre qui représentaient des figures d’hommes et de diverses espèces de bêtes, d’oiseaux et de poissons ; et je demandai à l’Ange : « Que voyons-nous là ? sont-ce des Idoles ? » Et il répondit : « Point du tout ; ce sont des configurations représentatives de diverses vertus morales et de diverses vérités spirituelles ; la Science des Correspondances a existé chez les peuples de cet âge ; et comme tout homme, toute bête, tout oiseau, tout poisson, correspond à quelque qualité, il en résulte que chacune de ces sculptures représente quelque spécialité de vertu ou de vérité ; et que plusieurs ensemble représentent la Vertu elle-même ou la Vérité elle-même dans quelque forme commune étendue ; ce sont ces représentations qui, en Égypte, ont été appelées Hiéroglyphes. » Nous traversâmes la Vallée, et quand nous fûmes entrés dans la Plaine, voici, nous vîmes des Chevaux et des Chars ; des Chevaux diversement caparaçonnés et bridés, et des Chars de différentes formes, figurant les uns des Aigles, d’autres des Baleines, et d’autres des Cerfs avec leur bois, et des Licornes, et à la suite aussi quelques Chariots, et des Écuries tout autour sur les côtés. Mais lorsque nous approchâmes, Chevaux et Chars disparurent, et à leur place nous vîmes des Hommes, par couples, qui se promenaient, s’entretenaient et raisonnaient ; et l’Ange me dit : « Ces formes de Chevaux, de Chars et d’Écuries qu’on voit de loin sont les apparences de l’intelligence rationnelle des hommes de cet Âge ; car d’après la correspondance le Cheval signifie l’entendement du vrai, le Char la doctrine du vrai, et les Écuries les instructions ; tu sais que dans ce monde tout apparaît selon les correspondances. » Mais nous passâmes outre, et nous montâmes par une longue pente, et enfin nous vîmes une Ville dans laquelle nous entrâmes ; et en parcourant les rues et les places, nous en examinâmes les maisons ; c’étaient autant de palais construits en marbre ; au-devant étaient des degrés d’albâtre ; et, de chaque côté des degrés, des colonnes de jaspe : nous vîmes aussi des Temples construits en pierres précieuses de couleur de Saphir et de Lazuli ; et l’Ange me dit : « Leurs maisons sont de Pierres, parce que les Pierres signifient les vérités naturelles, et les Pierres précieuses les vérités spirituelles ; et tous ceux qui vécurent dans l’Age d’Argent avaient l’intelligence par les vérités spirituelles et de là par les vérités naturelles ; l’Argent a aussi une semblable signification. » En visitant la ville, nous vîmes çà et là des personnes réunies par couples ; et comme c’étaient des maris et des épouses, nous nous attendions à être invités dans quelque endroit ; et tandis que nous passions, ayant cette pensée, deux d’entre eux nous appelèrent dans une maison ; et nous montâmes, et nous entrâmes ; et l’Ange, parlant pour moi, leur exposa le motif de notre arrivée dans ce Ciel : « C’est, dit-il, le désir d’être instruit sur les mariages des Anciens, dont vous faites ici partie. » Et ils répondirent : « Nous avons appartenu aux Peuples de l’Asie ; et l’étude de notre âge a été l’étude des vérités, par lesquelles nous avons acquis l’intelligence ; cette étude avait été celle de notre âme et de notre mental ; mais l’étude des sens de nos corps avait consisté dans les Représentations des vérités sous des formes, et la Science des Correspondances conjoignit les sensuels de nos corps avec les perceptions de nos mentals, et nous procura l’intelligence. » Après avoir entendu ces choses, l’Ange les pria de nous donner quelques détails sur leurs Mariages ; et le Mari dit : « Il y a Correspondance entre le Mariage Spirituel, qui est celui du vrai avec le bien, et le Mariage Naturel, qui est celui d’un homme avec une seule épouse ; et comme nous nous sommes appliqués à l’élude des Correspondances, nous avons vu que l’Église, avec ses vrais et ses biens, ne peut jamais exister que chez ceux qui vivent dans l’amour vraiment conjugal avec une seule épouse ; car le Mariage du bien et du vrai est l’Église chez l’homme ; aussi nous tous, qui sommes ici, nous disons que le Mari est le Vrai et que l’Épouse est le Bien de ce vrai, et que le bien ne peut aimer d’autre vrai que le sien, ni le vrai rendre amour pour amour à d’autre bien qu’au sien ; s’il en était autrement, le Mariage interne, qui fait l’Église, serait détruit, et deviendrait un Mariage seulement externe, auquel correspond l’idolâtrie et non l’Église ; c’est pourquoi le Mariage avec une seule épouse, nous le nommons Sacrimonie, mais s’il se faisait chez nous avec plusieurs, nous le nommerions Sacrilège. » Après qu’il eut parlé, nous fûmes introduits dans la pièce qui précède la chambre à coucher ; il y avait sur les murs plusieurs dessins faits avec art, et de petites images qui semblaient être fondues en argent ; et je demandai ce que signifiaient ces choses. Ils dirent : « Ce sont des peintures et des formes représentatives de plusieurs qualités, attributs et plaisirs qui appartiennent à l’amour conjugal ; celles-ci représentent l’unité des âmes, celles-là la conjonction des mentals ; ces autres-ci la concorde des cœurs, ces autres-là les délices qui en procèdent. » En continuant notre examen, nous vîmes sur la muraille une espèce d’Iris composée de trois couleurs, de Pourpre, d’Hyacinthe et de Blanc, et nous remarquâmes que la couleur pourpre traversait l’hyacinthe et teignait le blanc d’une couleur d’azur, et que cette couleur refluait par l’hyacinthe dans le pourpre, et l’élevait, pour ainsi dire, à l’éclat de la flamme. Et le Mari me dit : « Comprends-tu cela ? » Et je répondis : « Instruis-moi. » Et il dit : « La couleur pourpre, par sa correspondance, signifie l’Amour Conjugal de l’épouse ; la couleur blanche, l’Intelligence du mari ; la couleur hyacinthe, le commencement de l’amour conjugal dans la perception du mari d’après l’épouse, et la couleur azur dont la couleur blanche avait été teinte, l’amour conjugal alors dans le mari ; cette couleur qui refluait par l’hyacinthe dans le pourpre, et l’élevait pour ainsi dire à l’éclat de la flamme, signifie l’amour conjugal du mari refluant sur l’épouse. De telles choses sont représentées sur ces murailles, lorsque, par la méditation sur l’Amour conjugal, sur son union mutuelle, successive et simultanée, nous considérons avec des yeux attentifs les iris qui y ont peintes. » Je dis à ce sujet : « Ces choses sont aujourd’hui plus que mystiques ; car ce s’ont des apparences représentatives des arcanes de l’amour conjugal d’un seul homme avec une seule épouse. » Et il répondit : « Elles sont ainsi, mais pour nous, ici, elles ne sont point des arcanes, ni par conséquent des choses mystiques. » Lorsqu’il eut ainsi parlé, il apparut de loin un Char traîné par de jeunes chevaux blancs. À cette vue, l’Ange dit : « Ce char est pour nous un signe que nous devons nous retirer. » Alors, comme nous descendions les degrés, notre hôte nous donna une Grappe de raisin blanc adhérente aux feuilles du cep ; et voici, les Feuilles devinrent d’argent ; et nous les emportâmes comme un signe que nous nous étions entretenus avec les Peuples du Siècle d’Argent.

77. TROISIÈME MÉMORABLE : Le jour suivant, l’Ange qui m’avait conduit et accompagné vint encore, et me dit : « Prépare-toi, et allons vers les Habitants Célestes dans l’Occident ; ils font partie des hommes qui ont vécu dans le troisième ÂGE ou SIÈCLE D’AIRAIN ; leurs habitations sont depuis le Midi sur l’Occident jusqu’au Septentrion, mais non dans le Septentrion. » Et, m’étant préparé, je le suivis, et nous entrâmes dans leur Ciel par le côté méridional ; et là, il y avait un magnifique Bois de palmiers et de lauriers : nous le traversâmes, et alors dans les confins mêmes de l’Occident nous vîmes des Géants d’une hauteur double de la taille ordinaire de l’homme ; ceux-ci nous firent cette question : « Qui vous a introduits par ce bois ? » L’Ange dit : « Le Dieu du Ciel. » Et ils répondirent : « Nous, nous sommes des Gardiens pour le Ciel antique Occidental ; quant à vous, passez. » Et nous passâmes, et de leur poste d’observation nous vîmes une Montagne élevée jusqu’aux nues ; et, entre nous dans ce lieu et cette montagne, nombre de villages entourés de jardins, de bocages et de champs ; et nous allâmes à travers ces villages jusqu’à la montagne, et nous montâmes ; et voici, son Sommet était, non pas un sommet ordinaire, mais une Plaine, et sur elle une Ville étendue et spacieuse ; et toutes les Maisons de la ville étaient construites en bois d’arbres résineux, et les toits en planches ; et je demandai pourquoi les maisons y étaient de bois ; l’Ange répondit : « Parce que le Bois signifie le Bien naturel, et que les hommes du troisième Âge de la terre étaient dans ce Bien ; et comme le Cuivre ou l’Airain signifie aussi le Bien naturel, c’est pour cela que le Siècle dans lequel ils ont vécu a été nommé par les anciens le Siècle d’Airain : il y a aussi ici des Édifices sacrés construits en Bois d’olivier, et au milieu il y a le Sanctuaire, où est déposée dans une Arche la Parole donnée aux habitants de l’Asie avant la Parole Israélite ; les Livres Historiques de cette Parole sont appelés les GUERRES DE JÉHOVAH, et les Livres Prophétiques, les ÉNONCÉS ; les uns et les autres sont cités par Moïse, – Nomb. XXI. 14, 15, et 27 à 30 ; – cette Parole aujourd’hui est perdue dans les Royaumes de l’Asie, et conservée seulement dans la Grande Tartarie. » Et alors l’Ange me conduisit à l’un de ces Édifices sacrés, et nous en examinâmes l’intérieur, et au milieu nous vîmes ce Sanctuaire, tout entier dans une lumière très-brillante ; et l’Ange dit : « Cette lumière est produite par cette Ancienne Parole Asiatique, car dans les Cieux tout Divin Vrai brille. » En sortant de l’Édifice sacré, nous apprîmes qu’on avait annoncé dans la Ville que deux étrangers y étaient arrivés, et qu’il fallait examiner d’où ils venaient, et quelle affaire les amenait ; et de la Cour de justice accourut un garde, et il nous manda devant les juges ; et à la demande d’où nous étions, et quelle affaire nous amenait, nous répondîmes : « Nous avons traversé le Bois de palmiers, et aussi les Domiciles des Géants qui sont les Gardiens de votre Ciel, et ensuite la Région des villages ; vous pouvez conclure de là que ce n’est pas de nous-mêmes, mais que c’est de par le Dieu du Ciel, que nous sommes parvenus ici ; et l’affaire pour laquelle nous sommes venus, c’est d’être instruits, au sujet de vos Mariages, s’ils sont Monogamiques ou Polygamiques. » Et ils répondirent : « Quoi ! Polygamiques ! de tels mariages ne sont-ils pas scortatoires ? » Et alors cette Assemblée judiciaire députa un homme intelligent pour nous instruire dans sa maison sur ce sujet ; et dans sa maison celui-ci s’adjoignit son Épouse, et il nous parla en ces termes : « Nous avons conservé chez nous sur les Mariages les Préceptes des hommes des premiers Âges, ou des Très-Anciens, qui dans le Monde ont été dans l’Amour vraiment conjugal, et par suite plus que tous les autres dans la Vertu et la puissance de cet amour, et qui maintenant, dans leur Ciel qui est dans l’Orient, sont dans l’état le plus heureux ; nous sommes, nous, leur Postérité ; et eux, comme Pères, nous ont donné, à nous, comme fils, des Règles de vie, parmi lesquelles il y a, sur les Mariages, celles-ci : « Fils, si vous voulez aimer Dieu et le prochain, et si vous voulez devenir sages, et être heureux pour l’éternité, nous vous conseillons de vivre Monogames ; si vous abandonnez ce Précepte, tout Amour céleste s’éloignera de vous, et avec lui la Sagesse interne, et vous serez exterminés. » Nous avons obéi, comme fils, à ce Précepte de nos Pères, et nous en avons perçu la vérité, qui est que, autant quelqu’un aime une seule épouse, autant il devient céleste et interne ; et que, autant quelqu’un n’aime pas une épouse seule, autant il devint naturel et externe ; et celui-ci n’aime que lui et les images de son mental, et c’est un insensé et un fou. De là il résulte que tous, dans ce Ciel, nous sommes Monogames ; et parce que nous sommes tels, toutes les limites de notre Ciel sont gardées contre les Polygames, les Adultères et les Scortateurs ; si des Polygames y pénètrent, ils sont jetés dans les Ténèbres du septentrion ; si des Adultères, ils sont jetés dans les Feux de l’occident ; et si des Scortateurs, ils sont jetés dans les Lumières chimériques du midi. » À ces mots, je demandai ce qu’il entendait par les ténèbres du septentrion, les feux de l’occident, et les lumières chimériques du midi ; il répondit que les Ténèbres du septentrion sont les stupidités du mental, et les ignorances des vérités ; que les Feux de l’occident sont les amours du mal ; et que les Lumières chimériques du midi sont les falsifications du vrai, lesquelles sont des scortations spirituelles. Après cela, il nous dit : « Suivez-moi à notre Cabinet d’antiques. » Et nous le suivîmes ; et il nous montra que les Écritures des Très-Anciens étaient sur des Tables de bois et de pierre, et plus tard sur des Tablettes de bois polies ; et que le second Âge avait consigné ses écritures sur des Feuilles de parchemin, et il nous présenta une Feuille sur laquelle étaient les Règles des hommes du premier Âge, transcrites de leurs tables de pierre, et parmi lesquelles il y avait aussi le précepte sur les Mariages. Après que nous eûmes vu ces choses mémorables de l’Antiquité même et plusieurs autres, l’Ange dit : « Maintenant il est temps de nous en aller. » Et alors notre hôte alla dans le Jardin, et prit d’un Arbre quelques rameaux, et il les lia en un faisceau et nous les donna, en disant : « Ces rameaux sont d’un Arbre natif de notre Ciel ou propre à notre Ciel, et son suc a une odeur balsamique. » Nous emportâmes ce faisceau, et nous descendîmes par un chemin près de l’Orient, qui n’était pas gardé ; et voici, les rameaux se changèrent en un Airain brillant, et leurs extrémités supérieures en or ; c’était un signe que nous avions été chez une nation du Troisième Âge, qui est nommé Siècle de Cuivre ou d’Airain.

78. QUATRIÈME MÉMORABLE : Deux jours après, l’Ange me parla de nouveau, en disant : « Achevons la Période des Âges ; il nous reste le dernier Âge, qui tient son nom du FER. Le peuple de cet Âge demeure dans le Septentrion sur le côté de l’Occident en dedans ou en largeur ; tous ceux-là sont des anciens habitants de l’Asie, qui possédaient l’Ancienne Parole, et en avaient tiré leur culte ; par conséquent avant l’avènement de notre Seigneur dans le Monde : cela est évident d’après les Écrits des Anciens, dans lesquels ces Temps sont ainsi nommés : ces mêmes Âges sont entendus par la statue que Nébuchadnessar vit en songe, « dont la Tête était d’Or ; la Poitrine et les Bras, d’Argent ; le Ventre et les Cuisses, d’Airain ; les Jambes, de Fer ; et les Pieds, de Fer et aussi d’Argile. » – Dan. II. 32, 33. – L’Ange me rapporta ces particularités dans le chemin, qui était raccourci et anticipé par les changements d’états introduits dans nos mentals selon les génies des habitants au milieu desquels nous passions ; car les espaces et par suite les distances, dans le Monde spirituel, sont des apparences selon les états des mentals. Quand nous levâmes les yeux, voici, nous étions dans une Forêt de hêtres, de châtaigniers et de chênes ; et quand nous regardâmes autour de nous, nous y vîmes des Ours à gauche, et des Léopards à droite ; comme je m’en étonnais, l’Ange dit : « Ce ne sont ni des ours ni des léopards, mais ce sont des hommes qui gardent ces Habitants du Septentrion ; ils saisissent par l’odorat les sphères de vie de ceux qui passent, et ils s’élancent contre tous ceux qui sont Spirituels, parce que les Habitants sont Naturels ; ceux qui lisent seulement la Parole, et n’y puisent rien de la doctrine, apparaissent de loin comme des Ours, et ceux qui par suite confirment des faux apparaissent comme des Léopards. » Mais eux, nous ayant vus, se détournèrent, et nous passâmes. Après la Forêt se présentèrent des Bruyères, et ensuite des Champs de gazon divisés par planches et bordés de buis : après ces champs, la terre s’abaissait obliquement dans une vallée, où il y avait des villes et des villes ; nous passâmes au-delà de quelques-unes, et nous entrâmes dans une grande : les rues en étaient irrégulières ; les maisons pareillement ; celles-ci étaient construites en briques entremêlées de solives, et couvertes d’un enduit ; dans les Places publiques il y avait des Temples en pierre calcaire taillée, dont la construction inférieure était sous terre, et la construction supérieure au-dessus de terre ; nous descendîmes dans l’un de ces temples par trois degrés, et nous vîmes tout autour vers les murailles des Idoles de diverses formes, et la foule qui les adorait à genoux ; au milieu était le Chœur, d’où s’offrait à la vue la tête du Dieu tutélaire de cette ville. En sortant, l’Ange me dit que chez les Anciens, qui avaient vécu dans le siècle d’Argent, dont il a été parlé ci-dessus, ces Idoles avaient été les images représentatives de Vérités spirituelles et de Vertus morales ; et que, quand la Science des correspondances eut été effacée de la mémoire et éteinte, ces images devinrent d’abord des objets du culte, et furent ensuite adorées comme des Déités ; de là les Idolâtries. Comme nous étions hors du Temple, nous examinâmes les hommes et leurs habillements ; ils avaient la face comme d’acier, couleur grisâtre ; et ils étalent habillés comme des comédiens, ayant autour des reins des mantelets qui pendaient d’une tunique serrée à la poitrine, et sur la tête ils portaient des bonnets frisés de marins. Mais l’Ange dit : « C’est assez ; instruisons-nous des Mariages des peuples de cet Âge. » Et nous entrâmes dans la maison d’un Magnat, qui avait sur la tête un bonnet en forme de tour ; il nous reçut poliment, et dit : « Entrez, et nous causerons. » Nous entrâmes dans le Vestibule, et là nous nous assîmes ; et je lui fis des questions sur les Mariages de cette ville et de la contrée ; et il dit : « Nous, nous vivons non pas avec une seule épouse, mais les uns avec deux ou trois, et les autres avec un plus grand nombre ; et cela, parce que la variété, l’obéissance et l’honneur, comme marque de Majesté, nous réjouissent ; et nous les obtenons de nos épouses, quand nous en avons plusieurs ; avec une seule nous n’aurions pas le plaisir de la variété, mais l’ennui de l’identité ; ni l’agrément d’être obéis, mais le désagrément de l’égalité ; ni le charme de la domination et de l’honneur qui en résulte, mais le tourment des querelles pour la supériorité : et qu’est-ce que la femme ? ne naît-elle pas pour être soumise à la volonté de l’homme ; et aussi pour servir et non pour dominer ? Ici donc, chaque Mari dans sa maison jouit comme d’une majesté royale ; cela, étant conforme à notre amour, fait aussi le bonheur de notre vie. » Mais je lui fis cette question : « Où est alors l’amour conjugal, qui de deux âmes en fait une, et qui conjoint les mentals et rend l’homme heureux ? Cet Amour ne peut être divisé ; s’il est divisé, il devient une ardeur qui fait effervescence et passe. À cela il répliqua : « Je ne comprends pas ce que tu dis ; est-il autre chose qui rende l’homme heureux, que l’émulation des épouses pour l’honneur de la prééminence auprès de leur Mari ? » Après avoir prononcé ces mots, l’homme entra dans l’Appartement des femmes, et ouvrit les deux battants de la porte ; mais il en sortit une exhalaison libidineuse qui avait une odeur de fange ; cela provenait de l’amour polygamique, qui est connubial et en même temps scortatoire ; c’est pourquoi je me levai, et je fermai les battants de la porte. Ensuite je dis : « Comment pouvez-vous subsister sur cette terre, puisque vous n’avez aucun amour vraiment conjugal, et aussi puisque vous adorez des idoles ? » Il répondit : « Quant à l’Amour connubial, nous avons pour nos épouses une jalousie si violente, que nous ne permettons à qui que ce soit d’entrer dans nos maisons plus avant que le vestibule, et puisqu’il y a jalousie, il y a aussi amour ; quant aux Idoles, nous ne les adorons pas ; mais nous ne pouvons penser au Dieu de l’Univers que par des images offertes à nos yeux, car nous ne pouvons élever nos pensées au-dessus des sensuels du corps, ni au sujet de Dieu au-dessus des choses visibles. » Alors je fis encore une question : « Vos idoles ne sont-elles pas de diverses formes ? comment peuvent-elles présenter à la vue un seul Dieu ? » Il répondit : « Cela est un mystère pour nous ; il y a de caché dans chaque forme quelque chose du culte de Dieu. » Et je dis : « Vous, vous êtes purement sensuels-corporels ; vous n’avez ni l’amour de Dieu, ni un amour de la femme, qui tienne quelque chose du spirituel ; et ces amours forment ensemble l’homme, et de sensuel le font céleste. » Quand j’eus dit cela, il apparut à travers la porte comme un éclair ; et je demandai : « Qu’est-ce que cela ? » Il dit : « Un tel éclair est pour nous un signe qu’il va arriver de l’Orient un Ancien, qui nous enseigne, au sujet de Dieu, qu’il est Un, le Seul Tout-Puissant, qui est le Premier et le Dernier ; il nous avertit aussi de ne point adorer les idoles, mais seulement de les regarder comme des images représentatives des vertus procédant d’un seul Dieu, lesquelles forment ensemble son culte ; cet Ancien est notre Ange, que nous révérons, et auquel nous obéissons ; il vient à nous, et nous redresse, quand nous tombons dans un ténébreux culte de Dieu d’après la fantaisie concernant les images. » Après avoir entendu ces choses, nous sortîmes de la maison et de la ville ; et, dans le chemin, d’après ce que nous avions vu dans les Cieux, nous tirâmes des conclusions sur le Cercle et la Progression de l’Amour Conjugal ; sur le Cercle, qu’il avait passé de l’Orient au Midi, du Midi à l’Occident, et de là au Septentrion ; sur la Progression, qu’il avait décliné selon la Circulation, à savoir, que dans l’Orient il avait été céleste, dans le Midi, spirituel ; dans l’Occident, naturel ; et dans le Septentrion, sensuel ; et aussi, qu’il avait décliné au même degré que l’amour et le culte de Dieu. De là il fut en outre conclu que cet Amour dans le Premier Âge avait été comme l’Or, dans le Second comme l’Argent, dans le Troisième comme l’Airain, et dans le Quatrième comme le Fer, et qu’enfin il avait cessé : et alors l’Ange, mon guide et mon compagnon, dit : « Cependant je conçois l’espoir que cet Amour sera ressuscité par le Dieu du Ciel, qui est le Seigneur, parce qu’il peut être ressuscité. »

79. CINQUIÈME MÉMORABLE. L’Ange qui avait été mon guide et mon compagnon chez les Anciens qui ont vécu dans les quatre Siècles, d’Or, d’Argent, d’Airain et de Fer, vint de nouveau et me dit : « Veux-tu voir quel a été, et quel est encore, le Siècle qui a succédé à ces quatre Siècles anciens ? Suis-moi, et tu verras. Ce sont ceux sur qui Daniel a prophétisé en ces termes : « Il s’élèvera un Royaume, après ces quatre, dans lequel le Fer sera mêlé avec l’Argile de potier ; ils se mêleront par semence d’homme, mais ils n’auront point de cohérence l’un avec l’autre, de même que le fer ne se mêle point avec l’argile. » – Daniel, II. 44, 42, 43. – Et il dit : « Par la semence d’homme par laquelle le fer sera mêlé avec l’argile, sans cependant avoir de cohérence, il est entendu le vrai de la Parole falsifié. » Après qu’il eut dit ces paroles, je le suivis ; et, dans le chemin, il me rapporta ces particularités : « Ceux-ci habitent dans les confins entre le Midi et l’Occident, mais à une grande distance derrière ceux qui ont vécu dans les quatre Âges précédents, et aussi à une plus grande profondeur. » Et nous nous avançâmes par le Midi vers la région qui touche à l’Occident ; et nous traversâmes une Forêt effroyable ; car il y avait là des Étangs, d’où des Crocodiles levaient leurs têtes, et dirigeaient sur nous leurs vastes gueules armées de dents ; et, entre les étangs, il y avait des Chiens terribles, dont quelques-uns avaient trois têtes comme Cerbère, d’autres deux têtes ; tous nous regardaient avec une horrible gueule et les yeux menaçants pendant que nous passions. Nous entrâmes dans la contrée Occidentale de cette région, et nous vîmes des Dragons et des Léopards, tels qu’ils sont décrits dans l’Apocalypse, – XII. 3 ; XIII. 2 ; – et l’Ange me dit : « Toutes ces bêtes féroces que tu as vues ne sont pas des bêtes féroces ; mais ce sont des correspondances et ainsi des formes représentatives des cupidités dans lesquelles sont les Habitants que nous allons visiter ; les cupidités elles-mêmes sont représentées par ces horribles chiens ; leurs fourberies et leurs astuces, par les crocodiles ; leurs faussetés et leurs inclinations dépravées pour les choses qui appartiennent à leur culte, par les dragons et par les léopards ; mais les Habitants représentés ici demeurent non pas immédiatement après la Forêt, mais au-delà d’un grand Désert, qui est intermédiaire, afin qu’ils soient pleinement éloignés et séparés des Habitants des Âges précédents ; car ils leur sont absolument étrangers, ou ils en diffèrent totalement : ils ont, il est vrai, la tête au-dessus de la poitrine, la poitrine au-dessus des lombes, et les lombes au-dessus des pieds, comme les hommes des premiers âges, cependant dans leur tête il n’y a aucune chose d’or, dans leur poitrine aucune chose d’argent, dans les lombes aucune chose d’airain, et même dans les pieds aucune chose de fer pur ; mais dans leur tête il y a du fer mêlé d’argile, dans leur poitrine du fer et de l’argile mêlés d’airain, dans leurs lombes du fer et de l’argile mêlés d’argent, et dans leurs pieds du fer et de l’argile mêlés d’or ; par ce renversement, d’hommes ils ont été changés en sculptures d’hommes, dans lesquelles il n’y a intérieurement rien de cohérent ; car ce qui était le suprême est devenu l’infime, ainsi ce qui était la tête est devenu le talon, et vice versa ; ils nous apparaissent du Ciel semblables à des histrions qui se posent sur les coudes le corps renversé, et marchent ; ou, comme des bêtes qui se couchent sur le dos et lèvent les pieds en l’air, et de leur tête, qu’ils enfouissent en terre, regardent le ciel. » Nous traversâmes la forêt, et nous entrâmes dans le Désert, qui n’était pas moins effrayant ; il consistait en des monceaux de pierres, entrecoupés de fosses, d’où s’élançaient des hydres et des vipères, et d’où partaient des serpents volants ; tout ce désert allait continuellement en s’abaissant ; et nous, nous descendîmes par une longue pente, et enfin nous vînmes dans une Vallée habitée par le peuple de cette région et de cet âge : il y avait çà et là des bulles qui apparurent enfin se rapprocher, et se joindre ensemble dans la forme d’une ville ; nous y entrâmes et voici, les maisons étaient construites de branches d’arbres brûlées tout autour, et jointes ensemble avec du limon ; elles étaient couvertes d’ardoises noires ; les rues étaient irrégulières, tout étroites au commencement, mais s’élargissant en avançant, et spacieuses à la fin, où étaient des places publiques ; de là, autant de rues, autant de places publiques. Pendant que nous entrions dans la ville, il se fît d’épaisses ténèbres, parce que le ciel n’apparaissait pas ; c’est pourquoi nous regardâmes en haut, et la lumière nous fut donnée, et nous vîmes ; et alors je demandai à ceux que je rencontrai : « Est-ce que vous pouvez voir, puisque le ciel au-dessus de vous n’apparaît pas ? » Et ils répondirent : « Quelle question nous fais-tu là ? Nous voyons clairement, nous marchons en pleine lumière. » L’Ange, ayant entendu cette réponse, me dit : « Les ténèbres sont pour eux la lumière, et la lumière est pour eux les ténèbres ; c’est comme pour les oiseaux de nuit, car ils regardent en bas et non en haut. » Nous entrâmes çà et là dans des cabanes, et nous vîmes dans chacune un homme avec sa femme, et nous demandâmes si, dans cette ville, tous vivaient dans leur maison avec une seule épouse ; et ils répondirent avec un sifflement : « Quoi ! avec une seule épouse ! pourquoi ne demandez-vous pas si c’est avec une seule courtisane ? Qu’est-ce qu’une épouse, sinon une courtisane ? D’après nos lois il ne nous est pas permis de vivre avec plusieurs femmes, mais seulement avec une ; toutefois, ce n’est pas pour nous un déshonneur, ni une indécence, de vivre avec plusieurs, mais hors de la maison ; nous nous en faisons gloire entre nous ; ainsi nous jouissons de la licence, et de la volupté qu’elle procure, plus que les polygames ; pourquoi la pluralité des épouses nous a-t-elle été refusée, lorsque cependant elle a été accordée, et l’est encore aujourd’hui, dans toutes les parties du globe autour de nous ? Qu’est-ce que la vie avec une seule femme, sinon une captivité et un emprisonnement ? Mais nous, ici, nous avons brisé les verrous de cette prison, et nous nous sommes délivrés de la servitude, et nous avons recouvré notre liberté ; qui peut s’irriter contre un prisonnier qui s’échappe quand il le peut ? » Nous lui répondîmes : « Tu parles, ami, comme quelqu’un qui n’a point de religion ; est-il quelqu’un, doué de quelque raison, qui ne sache que les adultères sont profanes et infernaux, et que les mariages sont saints et célestes ? Les adultères ne sont-ils pas chez les diables dans l’enfer, et les mariages chez les Anges dans le Ciel ? N’as-tu pas lu le sixième précepte du Décalogue ; et, dans Paul, que ceux qui sont adultères ne peuvent en aucune manière venir dans le Ciel ? » À ces mots, notre hôte se mit à rire à gorge déployée, et il me regarda comme un homme simple, et presque comme un insensé. Mais à l’instant un envoyé du Chef de la ville accourut et dit : « Mène les deux étrangers dans la place publique, et s’ils ne veulent pas traîne-les-y ; nous les avons vus dans l’ombre de la lumière ; ils sont entrés secrètement ; ce sont des espions. » Et l’Ange me dit : « Si nous avons été vus dans l’ombre, c’est parce que la lumière du Ciel, dans laquelle nous étions, est pour eux l’ombre, et que l’ombre de l’enfer est pour eux la lumière ; et cela a lieu parce qu’ils ne regardent rien comme péché, pas même l’adultère ; et par suite ils voient le faux absolument comme vrai, et le faux brille dans l’enfer devant les satans, tandis que le vrai obscurcit leurs yeux comme l’ombre de la nuit. » Et nous dîmes à l’envoyé : « Il n’est pas nécessaire de nous contraindre, et encore moins de nous traîner à la place publique ; mais nous irons de bon gré avec toi. » Et nous y allâmes. Et voici, il y avait là une foule nombreuse, d’où sortirent quelques légistes, et ils nous dirent à l’oreille : « Gardez-vous bien de rien dire contre la Religion, la forme du Gouvernement et les bonnes Mœurs. » Et nous répondîmes : « Nous ne dirons rien contre elles, mais nous parlerons pour elles et d’après elles. » Et nous fîmes cette question : « Quelle est votre Religion au sujet des Mariages ? » À ces mots la foule murmura, et dit : « Qu’avez-vous à faire ici avec les Mariages ? Les mariages sont des mariages. » Et nous fîmes cette autre question : « Quelle est votre Religion au sujet des Scortations ? » La foule murmura encore, disant : « Qu’avez-vous à faire ici avec les scortations ? Les scortations sont des scortations ; que celui qui en est innocent jette la première pierre. » Et nous fîmes une troisième question : « Votre Religion n’enseigne-t-elle pas au sujet des mariages qu’ils sont saints et célestes, et au sujet des adultères qu’ils sont profanes et infernaux ? » À ces mots, quelques-uns dans la foule éclatèrent de rire, se moquèrent et plaisantèrent, en disant : « Adressez-vous pour les choses de Religion à nos Prêtres, et non à nous ; nous acquiesçons pleinement à tout ce qu’ils nous disent, parce qu’aucune chose de la religion n’est du ressort de l’entendement ; n’avez-vous pas entendu dire qu’au sujet des mystères, dont se compose toute la Religion, l’entendement déraisonne ? Et qu’est-ce que les Actions ont de commun avec la Religion ? N’est-ce pas en marmottant d’un cœur dévot des paroles sur l’expiation, la satisfaction et l’imputation, que les âmes sont béatifiées, et non par les Œuvres ? » Mais alors s’approchèrent quelques-uns des prétendus sages de la ville, et ils dirent : « Retirez-vous d’ici, la foule s’échauffe, le tumulte est imminent ; conversons seuls sur ce sujet ; il y a une promenade derrière le Palais, retirons-nous-y ; venez avec nous. » Et nous les suivîmes. Et alors ils nous demandèrent qui nous étions, et quelle affaire nous avait amenés chez eux. Et nous dîmes : « Nous sommes venus pour être instruits, au sujet des Mariages, si chez vous, comme chez les Anciens qui ont vécu dans les Siècles d’Or, d’Argent et d’Airain, ils sont des choses saintes, ou s’ils ne le sont pas. » Et ils répondirent : « Quoi ! des choses saintes ! ne sont-ils pas des œuvres de la chair et de la nuit ? » Et nous répondîmes : « Ne sont-ils pas aussi des œuvres de l’esprit ? et ce que la chair fait d’après l’esprit, cela n’est-il pas spirituel ? et tout ce que fait l’esprit, il le fait d’après le Mariage du bien et du vrai ; n’est-ce pas ce Mariage spirituel qui entre dans le Mariage naturel, c’est-à-dire, d’un Mari et d’une Épouse ? » À cela les prétendus sages répondirent : « Vous traitez ce sujet avec subtilité et trop de sublimité, vous passez au-dessus des rationnels vers les spirituels ; qui est-ce qui peut commencer à une telle élévation, descendre de là, et ainsi porter quelque décision ? » Puis, en se moquant, ils ajoutèrent : « Peut-être avez-vous des ailes d’aigle, et pouvez-vous voler dans la suprême région du Ciel, et y faire de telles découvertes ? pour nous, nous ne le pouvons pas. » Et alors nous les priâmes de dire, de la hauteur ou de la région dans laquelle volaient les idées ailées de leurs mentals, s’ils savaient ou pouvaient savoir qu’il existe un Amour conjugal d’un seul mari avec une seule épouse, dans lequel ont été rassemblés toutes les béatitudes, toutes les félicités, tous les plaisirs, tous les charmes, et toutes les voluptés du Ciel ; et que cet Amour vient du Seigneur selon la réception du bien et du vrai procédant de Lui, ainsi selon l’état de l’Église. » En entendant ces paroles, ils se détournèrent et dirent : « Ces hommes sont fous, ils entrent dans l’éther avec leur jugement, et en faisant de vaines conjectures ils répandent des noix. » Ensuite ils se retournèrent vers nous, et dirent : « Nous répondrons directement à vos conjectures ampoulées et à vos songes. » Ils dirent : « Qu’est-ce que l’Amour conjugal a de commun avec la Religion et avec l’inspiration venant de Dieu ? Cet amour n’est-il pas chez chacun selon l’état de sa puissance ? N’est-il pas également chez ceux qui sont hors de l’Église, comme chez ceux qui sont dans l’Église ; chez les Gentils comme chez les Chrétiens ; et même chez les impies comme chez les hommes pieux ? La force de cet amour n’est-elle pas dans chacun selon l’héréditaire, ou selon la santé, ou selon la tempérance de la vie, ou selon la chaleur du climat ? Ne peut-elle pas aussi être augmentée et stimulée par des drogues ? N’y-a-il pas la même chose chez les bêtes, surtout chez les oiseaux qui s’aiment couple par couple ? Cet amour n’est-il pas charnel ? Qu’est-ce que le charnel a de commun avec l’état spirituel de l’Église ? Est-ce que cet amour, quant au dernier effet avec l’épouse, diffère en la moindre chose de l’amour quant à cet effet avec une courtisane ? Le plaisir n’est-il pas semblable, et le délice semblable ? Il est donc injurieux de tirer des choses saintes de l’Église l’origine de l’amour conjugal. » Après avoir entendu ces paroles, nous leur dîmes : « Vous raisonnez d’après un délire de lasciveté, et non d’après l’amour conjugal ; vous ne savez nullement ce que c’est que l’Amour conjugal, parce que cet amour chez vous est froid ; d’après vos paroles, nous sommes convaincus que vous êtes du Siècle qui est appelé et se compose de fer et d’argile, lesquels n’ont point de cohérence, selon la prédiction de Daniel, – II. 43 ; – car vous faites un l’Amour conjugal et l’amour scortatoire ; est-ce que les deux ont plus de cohérence que le fer et l’argile ? On vous croit sages et l’on vous appelle sages, cependant vous n’êtes rien moins que sages. » À ces mots, transportés de colère, ils criaient et appelaient la foule pour nous chasser, mais alors, par la puissance qui nous fut donnée par le Seigneur, nous étendîmes les mains, et voici, des serpents volants, des vipères et des hydres, et aussi des dragons du désert, se présentèrent, et ils envahirent et remplirent la ville, ce qui jeta la terreur parmi les habitants, qui s’enfuirent ; et l’Ange me dit : « Dans cette Région il arrive chaque jour des nouveaux venus de la Terre, et de temps en temps ceux qui les ont précédés sont relégués et précipités dans les gouffres de l’Occident, qui de loin apparaissent comme des Étangs de feu et de soufre ; tous, là, sont et adultères spirituels, et adultères naturels. »

80. SIXIÈME MÉMORABLE. Après que l’Ange eut prononcé ces paroles, je regardai vers l’extrémité de l’Occident, et voici, il apparut comme des Étangs de feu et de soufre, et je lui, demandai pourquoi les Enfers apparaissaient aussi dans cet endroit ; il répondit : « Ils apparaissent comme des Étangs d’après les falsifications du vrai, parce que l’eau dans le sens spirituel est le vrai ; et il apparaît comme un feu à l’entour et au dedans d’après l’amour du mal, et comme du soufre d’après l’amour du faux ; ces trois, l’Étang, le Feu et le Soufre, sont des apparences, parce que ce sont les correspondance des amours mauvais dans lesquels sont les habitants. Tous, là, sont renfermés dans d’éternels bagnes, et ils travaillent pour la nourriture, le vêtement et le coucher ; et quand ils font du mal, ils sont sévèrement et misérablement punis. » Je fis encore à l’Ange cette question : « Pourquoi as-tu dit que là sont les adultères spirituels et naturels ? pourquoi n’as-tu pas dit les malfaiteurs et les impies ? » Il répondit : « Parce que tous ceux qui regardent comme rien les adultères, c’est-à-dire, qui croient par confirmation qu’ils ne sont pas des péchés, et ainsi les commettent de propos délibéré, sont dans leur cœur des malfaiteurs et des impies ; car le Conjugal humain et la Religion vont ensemble du même pas ; toute marche et tout avancement d’après la Religion et dans la Religion est aussi une marche et un avancement d’après le Conjugal et dans le Conjugal qui est particulier et propre à l’homme Chrétien. » Lui ayant demandé ce que c’est que ce Conjugal, il dit : « C’est le désir de vivre avec une seule Épouse, et ce désir est chez l’homme Chrétien selon sa Religion. » Ensuite je fus affligé en mon esprit de ce que les Mariages, qui dans les Anciens Âges avaient été très saints, s’étaient si horriblement changés en adultères ; et l’Ange dit : « Il en est de même aujourd’hui de la Religion, car le Seigneur dit que dans la Consommation du siècle il y aura l’Abomination de la désolation prédite par Daniel ; et qu’il y aura une Affliction grande, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du Monde. – Matth. XXIV. 15, 21. – L’Abomination de la désolation signifie la falsification et la privation totale de tout vrai ; l’Affliction signifie l’état de l’Église infesté de maux et de faux ; et la Consommation du siècle, au sujet de laquelle cela est dit, signifie le dernier temps ou la fin de l’Église ; c’est maintenant la fin, parce qu’il ne reste plus de vrai qui n’ait été falsifié ; et la falsification du vrai est la scortation spirituelle, qui fait un avec la scortation naturelle, parce qu’elles sont cohérentes. »

81. Comme nous partions de ces choses et que nous étions dans la douleur, il apparut tout à coup un grand éclat de lumière qui me frappa fortement les yeux ; c’est pourquoi je regardai en haut, et voici, tout le Ciel au-dessus de nous apparut lumineux ; et là de l’Orient à l’Occident dans une longue série se faisait entendre une GLORIFICATION ; et l’Ange me dit : « Cette Glorification est la Glorification du Seigneur à cause de son Avènement ; elle est faite par les Anges du Ciel Oriental et du Ciel Occidental. » On n’entendait du Ciel Méridional et du Ciel Septentrional qu’un doux murmure ; et comme l’Ange avait tout compris, il me dit d’abord que ces Glorifications et ces Célébrations du Seigneur se faisaient d’après la Parole, parce qu’alors elles se font d’après le Seigneur, car le Seigneur est la Parole, c’est-à-dire, le Divin Vrai dans la Parole ; et il dit : « Maintenant ils glorifient et célèbrent le Seigneur en particulier par ces paroles qui ont été dites par le Prophète Daniel : « Tu as vu le fer mêlé avec l’argile de potier ; ils se mêleront par semence d’homme, mais ils n’auront point de cohérence : et en ces jours le Dieu des Cieux fera surgir un Royaume, qui pour les siècles ne périra point ; celui-ci brisera et consommera tous ces Royaumes, mais lui subsistera pour les siècles. » – Daniel, II. 43, 44. – Après cela, j’entendis comme un bruit de chant, et plus avant dans l’Orient je vis un éclat de lumière plus resplendissant que le premier ; et je demandai à l’Ange quelles étaient les paroles de cette glorification ; il dit que c’étaient celles-ci dans Daniel : « Voyant je fus en visions de nuit, et voici avec les Nuées du Ciel comme un FILS DE L’HOMME qui venait ; et à Lui fut donné Domination et Royaume, et tous les peuples et nations Le serviront ; sa Domination (sera) une Domination du siècle, laquelle ne passera point ; et son Royaume (un Royaume) qui ne périra point. » Dan. VII. 13, 14. – En outre, ils célébraient le Seigneur d’après ces paroles dans l’Apocalypse : « À Jésus-Christ soit la gloire et la force ; voici, il vient avec les Nuées ; Il est l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin, le Premier et le Dernier, Qui Est, et Qui Était, et Qui Vient, le Tout-Puissant. Moi, Jean, j’ai entendu cela du FILS DE L’HOMME, du milieu des sept chandeliers. » – Apoc. I. 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, XXII. 13 ; et aussi d’après Matth. XXIV. 30, 31. – Je portai de nouveau mes regards vers le Ciel Oriental, et le côté droit resplendissait de lumière, et la splendeur lumineuse entra dans l’Étendue Méridionale, et j’entendis un son doux ; et je demandai à l’Ange quel était là le sujet de la glorification du Seigneur ; il dit que c’étaient ces paroles dans l’Apocalypse : « Je vis un Ciel Nouveau et une Terre Nouvelle, et je vis la Ville Sainte, Jérusalem Nouvelle, descendant de Dieu par le Ciel, parée comme UNE FIANCÉE ORNÉE POUR SON MARI. Et l’Ange me parla, et dit : Viens, je te montrerai la FIANCÉE, DE L’AGNEAU L’ÉPOUSE ; et il m’enleva en esprit sur une montagne grande et élevée, et il me montra la Ville, la Sainte Jérusalem.Apoc. XXI. 1, 2, 9, 10. – Et aussi celles-ci : « MOI, JÉSUS, je suis l’Étoile brillante et du matin ; et l’Esprit et la Fiancée disent : VIENS. ET IL DIT : OUI, JE VIENS BIENTÔT ; Amen ! Oui, VIENS, SEIGNEUR JÉSUS ! – Apoc. XXII. 16, 17, 20. – Après ces glorifications et plusieurs autres, on entendit une commune Glorification de l’Orient à l’Occident du Ciel, et aussi du Midi au Septentrion ; et je demandai à l’Ange quelles étaient alors les paroles ; il dit que c’étaient celles-ci, prises dans les Prophètes : « Afin que sache toute chair, que MOI (je suis) JÉHOVAH TON SAUVEUR ET TON RÉDEMPTEUR. » – Ésaïe, XLIX. 26. – « Ainsi a dit JÉHOVAH, le Roi d’Israël, et SON RÉDEMPTEUR JÉHOVAH SÉBAOTH : Moi le Premier et Moi le Dernier, ET EXCEPTÉ MOI, POINT DE DIEU. »Ésaïe, XLIV. 6. – « On dira en ce jour-là : VOICI NOTRE DIEU, CELUI-CI, que nous avons attendu pour qu’il nous délivre ; CELUI-CI (est) JÉHOVAH QUE NOUS AVONS ATTENDU. » – Ésaïe, XXV. 9. – « Une voix (il y a) de qui crie dans le désert : Préparez le chemin à JÉHOVAH ; voici, LE SEIGNEUR JÉHOVAH en fort vient ; comme PASTEUR son troupeau il paîtra. » – Ésaïe, XL. 3, 5, 10, 11. – « Un Enfant nous est né, un Fils nous a été donné, et on appellera son Nom : Admirable, Conseiller, DIEU, Héros, PÈRE D’ÉTERNITÉ, Prince de paix. » Ésaïe, IX. 5. – « Voici, les jours viendront, et je susciterai à David un Germe juste, qui régnera Roi, et voici son Nom : JÉHOVAH NOTRE JUSTICE. » Jérém. XXIII. 5, 6. XXXIII. 15, 16. – « JÉHOVAH SÉBAOTH (est) son Nom, et TON RÉDEMPTEUR, le Saint d’Israël, DIEU DE TOUTE LA TERRE SERA APPELÉ. » Ésaïe, LIV. 5. – « EN CE JOUR-LÀ SERA JÉHOVAH EN ROI SUR TOUTE LA TERRE ; EN CE JOUR-LÀ SERA JÉHOVAH UN, ET SON NOM UN. » Zach. XIV. 9. – Ayant entendu et compris ces choses, mon cœur bondit, et j’allai avec joie à la maison, et là je rentrai de l’état de l’esprit dans l’état du corps, dans lequel j’ai écrit ce que j’avais vu et entendu. Maintenant, à ces choses j’ajoute que l’Amour conjugal, tel qu’il a été chez les Anciens, est ressuscité par le Seigneur depuis son avènement, parce que cet Amour vient du Seigneur Seul, et est chez ceux qui par Lui au moyen de la Parole deviennent spirituels.

82. Après cela un homme de la Plage septentrionale accourut avec impétuosité, et il me regarda d’un air menaçant, et s’adressant à moi d’un ton irrité, il dit : « N’es-tu pas, toi, celui qui veut séduire le Monde, en instaurant une Nouvelle Église, que tu désignes sous le nom de la Nouvelle Jérusalem qui doit descendre de Dieu par le Ciel, et en enseignant que le Seigneur donnera à ceux qui embrassent les doctrinaux de cette Église l’Amour vraiment conjugal, dont tu exaltes jusqu’au Ciel les délices et la félicité ? N’est-ce pas là une invention ; et ne la présentes-tu pas comme un appel et une amorce pour attirer à tes Nouveautés ? Mais dis-moi, en somme, quels sont ces Doctrinaux de la nouvelle Église, et je verrai s’ils sont concordants ou discordants. » Et je répondis : « Les Doctrinaux de l’Église qui est entendue par la Nouvelle Jérusalem sont ceux-ci : I. Il y a un Seul Dieu, en Qui est la Divine Trinité, et ce Dieu est LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. II. La Foi Salvifique est de croire en Lui. III. Il faut fuir les Maux, parce qu’ils sont du diable et viennent du diable. IV. Il faut faire les Biens, parce qu’ils sont de Dieu et viennent de Dieu. V. L’homme doit faire les biens comme par lui-même, mais croire qu’ils sont faits par le Seigneur chez lui et au moyen de lui. » Après avoir entendu ces doctrinaux, sa fureur se calma pendant quelques moments ; mais après qu’il eut délibéré un peu en lui-même, il me regarda de nouveau d’un air farouche, en disant : « Ces cinq Préceptes sont-ils les Doctrinaux de la foi et de la charité de la Nouvelle Église ? » Et je répondis : « Ils le sont. » Alors il me demanda d’un ton dur : « Comment peux-tu démontrer le PREMIER, qu’il y a un Seul Dieu, en Qui est la Divine Trinité, et que ce Dieu est le Seigneur Jésus-Christ ? » Je dis : « Je le démontre ainsi : Dieu n’est-il pas Un et Indivisible ? N’y a-t-il pas une Trinité ? Si Dieu est Un et Indivisible, n’y a-t-il pas une Seule Personne ? S’il y a une Seule Personne, la Trinité n’est-elle pas en Elle ? Que ce Dieu soit LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, cela est évident par ces considérations, qu’il a été conçu de Dieu le Père, – Luc, I. 34, 35, – et qu’ainsi il est Dieu quant à l’Âme ; et que par suite, comme il le dit Lui-même, le Père et Lui sont un, – Jean, X. 30 ; – que Lui est dans le Père, et le Père en Lui, – Jean, XIV. 10, 11 ;que celui qui Le voit et Le connaît, voit et connaît le Père, – Jean, XIV. 7, 9 ; – que personne ne voit et ne connaît le Père, si ce n’est Lui qui est dans le sein du Père, – Jean, I. 18 ; – que toutes les choses du Père sont à Lui, – Jean, III. 35. XVI. 15 ; – qu’il est le Chemin, la Vérité et la Vie, et que personne ne vient au Père que par Lui, – Jean, XIV. 6, – ainsi d’après Lui, parce que le Père est en Lui, et que selon Paul, toute la plénitude de la Divinité habite corporellement en Lui, – Coloss. II. 9 ; – et, en outre, qu’il a Pouvoir sur toute chair, – Jean, XVII. 2 ; – et qu’il a tout Pouvoir dans le Ciel et sur Terre, – Matth. XXVIII, 18 ; – de tous ces passages il résulte qu’il est le Dieu du Ciel et de la Terre. » Il me demanda ensuite comment je démontrais le SECOND, que la Foi Salvifique est de croire en Lui. Je dis : « Je le démontre par ces paroles du Seigneur Lui-Même : C’est la volonté du Père, que quiconque croit au FILS ait la vie éternelle, – Jean, VI. 40. – Dieu a tellement aimé le monde, que son Fils Unique-Engendré il a donné, afin que quiconque croit EN LUI ne périsse point, mais ait la vie éternelle, Jean, III. 15, 16. – Qui CROIT AU FILS a la vie éternelle ; mais qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui, – Jean, III. 36. – » Ensuite il me dit : « Démontre aussi le TROISIÈME et les suivants. » Et je répondis : « Qu’est-il besoin de démontrer qu’il faut fuir les maux, parce qu’ils sont du diable et viennent du diable ; et qu’il faut faire les biens, parce qu’ils sont de Dieu et viennent de Dieu ; et que l’homme doit faire les biens comme par lui-même, mais croire qu’ils sont faits par le Seigneur chez lui et au moyen de lui ? Que ces trois Doctrinaux soient des vrais, c’est ce que confirme toute l’Écriture Sainte depuis le commencement jusqu’à la fin. Qu’y-a-t-il autre chose, en somme, sinon qu’il faut fuir les maux et faire les biens, et croire au Seigneur Dieu ? Et, en outre, sans ces trois Doctrinaux, il n’y a aucune Religion ; la Religion ne concerne-t-elle pas la vie ? Et qu’est-ce que la vie, si ce n’est fuir les maux et faire les biens ? Comment l’homme peut-il faire ceux-ci et fuir ceux-là, si ce n’est comme par lui-même ? Si donc tu ôtes de l’Église ces Doctrinaux, tu en ôtes l’Écriture Sainte, et tu ôtes aussi la Religion ; et, quand ces choses sont ôtées, l’Église n’est point l’Église. » Cet homme, ayant entendu ces explications, se retira, et il médita ; mais il s’en alla étant toujours indigné.

 

 

 

DE L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL D’APRÈS LE MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI.

 

 

83. Il y a des Origines internes de l’Amour conjugal, et des Origines externes ; les internes sont en grand nombre, pareillement les externes ; mais l’origine intime ou universelle de toutes est une ; que cette origine soit le Mariage du bien et du vrai, cela sera démontré dans ce qui va suivre. Si personne n’a encore déduit de là l’Origine de cet amour, c’est parce qu’on a ignoré qu’il y eût quelque union entre le bien et le vrai ; et on l’a ignoré, parce que le bien ne se présente pas dans la lumière de l’entendement, comme le vrai, et par suite sa connaissance s’est cachée et s’est dérobée aux recherches ; et puisque le bien est ainsi au nombre des choses inconnues, personne n’a pu soupçonner un mariage entre lui et le vrai : bien plus, devant la vue rationnelle-naturelle le bien se présente si éloigné du vrai, qu’on ne peut supposer entre eux aucune conjonction ; qu’il en soit ainsi, on peut le voir par le langage ordinaire, lorsqu’on en fait mention ; par exemple, quand on dit : « Cela est un bien », on ne pense nullement au vrai ; et quand on dit : « Cela est un vrai », on ne pense nullement au bien ; c’est pourquoi, aujourd’hui, plusieurs croient que le vrai est absolument une autre chose, pareillement le bien ; et plusieurs aussi croient que l’homme est intelligent et sage, et par conséquent homme, selon les vrais qu’il pense, dit, écrit et croit, et non en même temps selon les biens ; que cependant il n’y ait pas de bien sans le vrai, ni de vrai sans le bien, qu’ainsi il y ait entre eux un mariage éternel, et que ce mariage soit l’origine de l’amour conjugal, c’est ce qui va être maintenant exposé ; ce sera dans cet ordre : I. Le Bien et le Vrai sont les universaux de la création, et sont par suite dans toutes les choses créées ; mais dans les sujets créés ils sont selon la forme de chacun. II. Il n’y a point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, mais partout ils ont été conjoints. III. Il y a le Vrai du bien et d’après lui le Bien du vrai, ou le Vrai d’après le bien et le Bien d’après ce vrai, et dans ces deux par création a été insitée une inclination à se conjoindre en un. IV. Dans les sujets du Règne animal, le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et d’après lui le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin. V. De l’influx du Mariage du bien et du vrai procédant du Seigneur vient l’Amour du sexe, et vient l’Amour conjugal. VI. L’Amour du sexe appartient à l’homme Externe ou naturel, et par suite il est commun à tout animal. VII. Mais l’Amour conjugal appartient à l’homme Interne ou spirituel, et par suite il est particulier à l’homme. VIII. Chez l’homme l’Amour conjugal est dans l’amour du sexe, comme une pierre précieuse dans sa matrice. IX. L’Amour du sexe chez l’homme n’est pas l’origine de l’Amour conjugal, mais il en est la première chose, ainsi il est comme l’Externe naturel dans lequel est implanté l’Interne spirituel. X. Quand l’Amour conjugal a été implanté, l’Amour du sexe se retourne, et devient l’Amour chaste du sexe. XI. Le Mâle et la Femelle ont été créés pour être la Forme même du Mariage du bien et du vrai. XII. Ils sont cette Forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent, selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

84. I. Le Bien et le Vrai sont les universaux de la création, et sont par suite dans toutes les choses créées ; mais dans les sujets créés ils sont selon la forme de chacun. Que le Bien et le Vrai soient les universaux de la création, c’est parce que ces deux sont dans le Seigneur Dieu Créateur ; bien plus, ils sont Lui-Même, car il est le Divin Bien Même et le Divin Vrai Même ; mais cela tombe plus clairement dans la perception de l’entendement, et ainsi dans l’idée de la pensée, si au lieu du Bien on dit l’Amour, et au lieu du Vrai la Sagesse ; par conséquent, si l’on dit que dans le Seigneur Dieu Créateur il y a le Divin Amour et la Divine Sagesse, et que ces deux sont Lui-Même, c’est-à-dire, qu’il est l’Amour Même et la Sagesse Même ; car ces deux sont les mêmes que le Bien et le Vrai ; et cela, parce que le Bien appartient à l’Amour et le Vrai à la Sagesse, car l’Amour se compose de biens, et la Sagesse de vrais. L’Amour étant la même chose que le Bien, et la Sagesse la même chose que le Vrai, dans la suite il sera dit tantôt l’Amour et la Sagesse, et tantôt le Bien et le Vrai, et il sera entendu la même chose. Ceci est dit ici en forme de préliminaire, afin que dans ce qui suit, quand ces expressions seront employées, l’entendement ne perçoive pas des choses différentes.

85. Puis donc que le Seigneur Dieu Créateur est l’Amour Même et la Sagesse Même, et que par Lui a été créé l’Univers, qui par conséquent est comme un Ouvrage procédant de Lui, il ne peut se faire autrement que dans toutes et dans chacune des choses créées il n’y ait du Bien et du Vrai d’après Lui ; car ce qui est fait par quelqu’un et en procède, tient de lui une ressemblance. Qu’il en soit ainsi, la raison aussi peut le voir d’après l’Ordre, dans lequel sont toutes et chacune des choses de l’Univers créé, à savoir, qu’une chose existe en vue d’une autre, et que par suite une chose dépend d’une autre, comme les anneaux dans une chaîne ; car elles sont toutes pour le Genre Humain, afin que de lui soit composé le Ciel Angélique, par lequel la Création retourne au Créateur Même de Qui elle vient : c’est de là qu’il y a conjonction de l’Univers créé avec son Créateur, et par la conjonction conservation perpétuelle. De là vient que le Bien et le Vrai sont appelés les Universaux de la Création : qu’il en soit ainsi, cela est évident pour tout homme qui examine ce sujet avec rationalité ; celui-ci voit dans chaque chose créée ce qui se réfère au bien, et ce qui se réfère au vrai.

86. Que le Bien et le Vrai dans les sujets créés soient selon la forme de chacun, c’est parce que tout sujet reçoit l’influx selon sa forme ; la Conservation du tout n’est autre chose que l’influx perpétuel du Divin Bien et du Divin Vrai dans les formes créées par eux, car ainsi la subsistance ou la conservation est une perpétuelle existence ou une perpétuelle création. Que tout sujet reçoive l’influx selon sa forme, cela peut être illustré par diverses choses ; par exemple, par l’influx de la chaleur et de la lumière du Soleil dans les végétaux de tout genre ; chaque végétal reçoit cet influx selon sa forme ; ainsi, tout arbre selon la sienne, tout arbrisseau selon la sienne, toute plante selon la sienne, toute herbe selon la sienne ; l’influx est semblable dans tous, mais la réception, parce qu’elle est selon la forme, fait que chaque espèce reste espèce particulière. La même chose peut encore être illustrée par l’influx dans les Animaux de tout genre selon la forme de chacun. Que l’influx soit selon la forme de chaque chose, c’est ce que peut voir même un homme illettré, s’il fait attention aux divers instruments de son, tels que pipeaux, flûtes, cors, trompettes et orgues, en ce qu’ils retentissent d’après un semblable souffle ou influx de l’air selon leurs formes.

87. II. Il n’y a point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, mais partout ils ont été conjoints. Celui qui veut d’après quelque sens se former une idée du Bien, ne peut y parvenir sans y joindre quelque chose qui le présente et le manifeste ; sans cela le Bien est un Être (Ens) qui n’a pas de nom ; ce par quoi il est présenté et manifesté se réfère au vrai ; dis simplement le Bien, et non en même temps telle ou telle chose avec quoi il est, ou définis-le d’une manière abstraite ou sans quelque adjoint cohérent, et tu verras que ce n’est pas quelque chose, mais qu’avec ce qui a été joint, c’est quelque chose ; et si tu emploies toute ta raison, tu percevras que le Bien sans quelque adjoint n’est susceptible d’aucune dénomination, ni par conséquent d’aucune relation, d’aucune affection, ni d’aucun état, en un mot, d’aucune qualité. Il en est de même du Vrai, s’il est entendu sans qu’il ait été joint en lui quelque chose ; que ce qui a été joint en lui se réfère au bien, la raison épurée peut le voir. Mais comme les Biens sont innombrables, et que chaque bien monte à son maximum et descend à son minimum comme par les degrés d’une échelle, et que même il change de nom selon sa progression et selon sa qualité, il est difficile à d’autres qu’aux sages de voir la relation du bien et du vrai avec les objets, et leur conjonction dans les objets. Que cependant il n’y ait point de bien sans le vrai, ni de vrai sans le bien, c’est ce que voit clairement la perception commune, quand d’abord il est reconnu que toutes et chacune des choses de l’univers se réfèrent au Bien et au Vrai, comme il a été montré dans l’Article précédent, Nos 84, 85. Qu’il n’y ait point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, cela peut être illustré et en même temps confirmé par diverses considérations ; ainsi, il n’y a point d’Essence sans forme, ni de Forme sans essence ! or, le bien est l’essence ou l’être, et le vrai est ce par quoi l’essence est formée et par quoi l’être existe. Ainsi, dans l’homme il y a la Volonté et l’Entendement, le Bien appartient à la volonté, elle Vrai appartient à l’entendement ; or, la volonté seule ne fait rien sinon par l’entendement, et l’entendement seul ne fait quelque chose que d’après la volonté. Ainsi, il y a deux sources de la vie du corps dans l’homme, le Cœur et le Poumon ; le cœur ne peut pas produire quelque vie sensitive et motrice sans la respiration du poumon, ni le poumon sans le cœur ; le cœur se réfère au bien, et la respiration du poumon se réfère au vrai ; il y a aussi correspondance. Il en est de même dans toutes et dans chacune des choses du mental, et dans toutes et dans chacune des choses du corps chez l’homme ; mais produire de plus amples confirmations, ce n’est pas ici le lieu ; toutefois, on peut voir ce sujet plus pleinement confirmé dans LA SAGESSE ANGÉLIQUE SUR LA DIVINE PROVIDENCE, Nos 3 à 26, où il a été exposé dans cet ordre : I. L’Univers, avec toutes et chacune des choses qu’il contient, a été créé du Divin Amour par la Divine Sagesse, ou, ce qui est la même chose, du Divin Bien par le Divin Vrai. II. Le Divin Bien et le Divin Vrai procèdent comme un du Seigneur. III. Cet un est en une sorte d’image dans toute chose créée. IV. Le Bien n’est le bien qu’autant qu’il est uni au vrai, et le Vrai n’est le vrai qu’autant qu’il est uni au bien. V. Le Seigneur ne souffre pas que quelque chose soit divisé, c’est pourquoi l’homme doit être ou dans le bien et en même temps dans le vrai, ou dans le mal et en même temps dans le faux : sans parler de plusieurs autres propositions.

88. III. Il y a le Vrai du bien et d’après lui le Bien du vrai, ou le Vrai d’après le bien et le Bien d’après ce vrai ; et dans ces deux par création a été insitée une inclination à se conjoindre en un. Il est nécessaire qu’on acquière sur ce sujet quelque idée distincte, parce que de là dépend la connaissance concernant l’origine essentielle de l’Amour conjugal ; car, ainsi qu’il suit, le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin ; mais cela peut être compris plus distinctement, si au lieu du Bien l’on dit l’Amour, et au lieu du Vrai la Sagesse, ce qui revient au même, comme on le voit ci-dessus, No 84. La Sagesse ne peut exister chez l’homme que par l’amour de devenir sage ; si cet amour est ôté, l’homme ne peut nullement devenir sage ; la Sagesse d’après cet amour est entendue par le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien ; mais lorsque l’homme d’après cet amour a acquis la sagesse, et qu’il l’aime en lui ou s’aime à cause d’elle, il forme alors un amour, qui est l’Amour de la sagesse et est entendu par le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai ; il y a donc chez l’Homme (Vir) deux Amours, dont l’un, qui est antérieur, est l’Amour de devenir Sage, et l’autre, qui est postérieur, est l’Amour de la Sagesse ; mais cet Amour-ci, s’il reste chez l’Homme, est un Amour mauvais et est appelé faste ou amour de la propre intelligence ; qu’il ait été pourvu, par création, à ce que cet Amour fût retiré de l’Homme dont il aurait causé la perte, et à ce qu’il fût transcrit dans la Femme, pour devenir l’Amour conjugal qui rétablit l’homme dans l’intégrité, c’est ce qui sera confirmé dans la suite : sur ces deux Amours, et sur la transcription du second dans la femme, voir ci-dessus quelques explications, Nos 32, 33 ; et, dans les PRÉLIMINAIRES, No 20. Si donc au lieu de l’Amour il est entendu le bien, et au lieu de la Sagesse le vrai, alors d’après ce qui vient d’être dit on voit qu’il y a le Vrai du bien ou le vrai d’après le bien, et d’après lui le Bien du vrai ou le bien d’après ce vrai.

89. Que dans ces deux par création ait été insitée une inclination à se conjoindre en un, c’est parce que l’un a été formé de l’autre, la Sagesse a été formée de l’amour de devenir sage, ou le vrai a été formé du bien, et l’Amour de la sagesse a été formé de cette sagesse, ou le bien du vrai a été formé de ce vrai ; par cette formation on peut voir qu’il y a une inclination mutuelle à se réunir et à se conjoindre en un. Mais cela a lieu chez les Hommes qui sont dans la Sagesse réelle, et chez les Femmes qui sont dans l’Amour de cette sagesse dans le Mari, ainsi chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal. Quant à la Sagesse qui doit être chez l’Homme et qui doit être aimée par l’Épouse, il en sera parlé aussi dans la suite.

90. IV. Dans les sujets du Règne Animal le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et d’après lui le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin. Que du Seigneur Créateur et Conservateur de l’Univers influe une perpétuelle Union de l’Amour et de la Sagesse, ou le Mariage du bien et du vrai, et que les sujets créés le reçoivent chacun selon sa forme, c’est ce qui a été montré, Nos 84, 85, 86 ; mais que d’après ce Mariage ou cette Union le Mâle reçoive le Vrai de la Sagesse, et que le Bien de l’amour lui soit conjoint par le Seigneur selon la réception ; et que cette réception se fasse dans l’entendement, et que par suite le Mâle naisse pour devenir intellectuel, la Raison d’après sa lueur peut le voir d’après diverses choses chez lui, surtout d’après son Affection, son Application, ses Mœurs et sa Forme. D’après son AFFECTION, en ce que c’est l’affection de savoir, de comprendre et de devenir sage ; l’affection de savoir dans l’enfance, l’affection de comprendre dans l’adolescence et dans la première jeunesse, et l’affection de devenir sage depuis cette jeunesse jusqu’à la vieillesse ; de là il est évident que sa nature ou son caractère incline à former l’entendement, et que par conséquent il naît pour devenir intellectuel ; mais comme cela ne peut se faire que par l’amour, le Seigneur le lui adjoint selon la réception, c’est-à-dire, selon l’intention qu’il a de devenir sage. D’après son APPLICATION, qui se porte vers les choses appartenant à l’entendement, ou dans lesquelles prédomine l’entendement, et dont la plupart ont rapport aux affaires du dehors et concernent les usages dans le public. D’après ses MŒURS, qui toutes tiennent de la prédominance de l’entendement ; de là vient que les actes de sa vie, qui sont entendus par les mœurs, sont rationnels, et que s’ils ne le sont pas il veut qu’ils le paraissent ; la rationalité masculine est même visible dans chacune de ses vertus. D’après sa FORME, en ce qu’elle est différente et absolument distincte de la forme féminine ; sur cette forme, voir aussi ce qui a été dit ci-dessus, No 33. Qu’on ajoute à cela que le prolifique est en lui ; le prolifique ne vient pas d’autre part que de l’entendement, car il y est par le vrai d’après le bien ; que le prolifique vienne de là, c’est ce qu’on verra dans ce qui suit.

91. Que la Femme, au contraire, naisse pour être volontaire, mais volontaire d’après l’intellectuel de l’homme, ou, ce qui est la même chose, pour être l’amour de la sagesse de l’homme, parce qu’elle a été formée par cette sagesse, comme il vient d’être montré, Nos 88, 89, c’est aussi ce qu’on peut voir d’après l’Affection de la Femme, son Application, ses Mœurs, et d’après sa Forme. D’après son AFFECTION, en ce que c’est l’affection d’aimer la science, l’intelligence et la sagesse, cependant non dans elle-même mais dans l’homme, et ainsi d’aimer l’homme ; car l’homme (vir) ne peut pas être aimé à cause de la forme seule qui fait qu’il apparaît comme homme (homo), mais il est aimé à cause de la qualité qui est en lui, laquelle fait qu’il est homme. D’après son APPLICATION, en ce qu’elle est portée vers des choses qui sont des ouvrages de mains, et sont appelées filets, broderies, et de divers autres noms, servant à des ornements, et à se parer elle-même, et à rehausser sa beauté ; et, en outre, vers divers devoirs, appelés domestiques, qui s’adjoignent aux devoirs des hommes, lesquels, comme il a été dit, sont appelés affaires du dehors ; les femmes sont portées à ces occupations par l’inclination au Mariage, afin de devenir épouses, et d’être ainsi un avec les maris. Que la même chose se manifeste aussi d’après leur MŒURS et leur FORME, on le voit sans explication.

92. V. De l’influx du Mariage du bien et du vrai procédant du Seigneur vient l’Amour du sexe, et vient l’Amour conjugal. Que le Bien et le Vrai soient les universaux de la création, et par suite dans tous les sujets créés, et qu’ils soient dans ses sujets selon la forme de chacun ; et que le Bien et le Vrai procèdent du Seigneur non comme deux mais comme un, c’est ce qui a été montré ci-dessus, Nos 84 à 87 ; il suit de là qu’UNE SPHÈRE UNIVERSELLE CONJUGALE procède du Seigneur, et se répand dans l’univers depuis ses premiers jusqu’à ses derniers, ainsi depuis les anges jusqu’aux vermisseaux. Qu’une telle Sphère du Mariage du Bien et du Vrai procède du Seigneur, c’est parce que cette sphère est aussi la Sphère de propagation, c’est-à-dire, de prolification et de fructification, et celle-ci est la même que la Divine Providence pour la conservation de l’Univers par des générations successives. Maintenant, comme cette sphère universelle, qui est celle du Mariage du Bien et du Vrai, influe dans les sujets selon la forme de chacun, No 86, il s’ensuit que le Mâle la reçoit selon la sienne, ainsi dans l’Entendement, parce qu’il est une forme intellectuelle ; et que la Femelle la reçoit selon la sienne, ainsi dans la Volonté, parce qu’elle est une forme volontaire d’après l’intellectuel de l’homme ; et comme cette même sphère est aussi la sphère de prolification, il s’ensuit que de là vient l’Amour du sexe.

93. Que de là vienne aussi l’Amour conjugal, c’est parce que cette Sphère influe dans la forme de la sagesse chez les hommes, et aussi chez les anges ; car l’homme peut croître en sagesse jusqu’à la fin de sa vie dans le Monde, et ensuite durant l’éternité dans le Ciel ; et autant il croît en sagesse, autant est perfectionnée sa forme ; et cette forme reçoit non pas l’amour du sexe, mais l’amour d’une seule personne du sexe ; car avec celle-ci il peut être uni jusqu’aux intimes, dans lesquels est le Ciel avec ses félicités ; et cette union appartient à l’Amour conjugal.

94. VI. L’Amour du sexe appartient à l’homme externe ou naturel, et par suite il est commun à tout animal. Tout homme naît corporel, et devient de plus en plus intérieurement naturel, et à mesure qu’il aime l’intelligence il devient rationnel, et ensuite s’il aime la sagesse il devient Spirituel ; ce que c’est que la Sagesse par laquelle l’homme devient spirituel, cela sera dit ci-après, No 130. Maintenant, à mesure que l’homme s’avance de la science dans l’intelligence, et de l’intelligence dans la sagesse, son Mental aussi change sa forme, car il est de plus en plus ouvert, et se conjoint de plus près avec le Ciel, et par le Ciel avec le Seigneur ; par suite il devient plus amoureux du vrai et plus attaché au bien de la vie. Si donc il s’arrête au premier pas dans sa marche vers la sagesse, la forme de son mental reste naturelle, et elle ne reçoit l’influx de la Sphère universelle, qui est celle du Mariage du bien et du vrai, que de même que le reçoivent les sujets inférieurs du Règne animal, qui sont appelés bêtes et oiseaux ; et comme ces animaux sont purement naturels, cet homme devient semblable à eux, et par conséquent, aime le sexe de la même manière qu’eux. C’est ainsi qu’il est entendu que l’amour du sexe appartient à l’homme externe ou naturel, et que par suite il est commun à tout animal.

95. VII. Mais l’Amour conjugal appartient à l’homme Interne ou spirituel, et par suite, il est particulier à l’homme. Que l’Amour conjugal appartienne à l’homme Interne ou spirituel, c’est parce que plus l’homme devient intelligent et sage, plus il devient interne ou spirituel, et plus est perfectionnée la forme de son mental, et cette forme reçoit l’amour conjugal ; car il perçoit et sent dans cet amour le plaisir spirituel, qui est intérieurement béatifié, et d’après ce plaisir le plaisir naturel, qui en tire son âme, sa vie et son essence.

96. Si l’Amour conjugal est particulier à l’homme, c’est parce que l’homme seul peut devenir spirituel, car il peut élever son entendement au-dessus de ses amours naturels, et de cette élévation les voir au-dessous de lui, et les juger tels qu’ils sont, et aussi les amender, les corriger et les repousser ; aucun animal ne peut faire cela, car les amours de l’animal ont été absolument unis avec sa science innée (connata) ; c’est pourquoi, cette science ne peut pas être élevée dans l’intelligence, ni à plus forte raison dans la sagesse ; l’animal est donc conduit par l’amour de sa science, insité en lui, comme un aveugle est conduit dans les rues par un chien. C’est là la cause pour laquelle l’Amour conjugal est particulier à l’homme ; il peut être aussi appelé natif et frère germain de l’homme (nativus et germanus), parce que dans l’homme il y a la faculté de devenir sage, avec laquelle cet amour fait un.

97. VIII. Chez l’homme l’Amour conjugal est dans l’Amour du sexe, comme une pierre précieuse dans sa matrice. Ceci, étant seulement une comparaison, sera expliqué dans l’Article qui va suivre ; par cette comparaison aussi il est illustré que l’Amour du sexe appartient à l’homme Externe ou naturel, et l’Amour conjugal à l’homme Interne ou spirituel, et cela vient d’être montré, No 95.

98. IX. L’Amour du sexe chez l’homme n’est pas l’origine de l’Amour conjugal, mais il en est la première chose, ainsi il est comme l’externe naturel dans lequel est implanté l’interne spirituel. Il s’agit ici de l’Amour vraiment conjugal, et non de cet Amour vulgaire, qui est aussi nommé conjugal, et qui chez quelques-uns n’est autre que l’Amour limité du sexe ; mais l’amour vraiment conjugal est seulement chez ceux qui désirent la sagesse, et qui par suite progressent de plus en plus dans la sagesse ; le Seigneur les voit d’avance, et pourvoit pour eux à l’Amour conjugal ; cet amour, il est vrai, commence chez eux d’après l’amour du sexe, ou plutôt par cet amour, mais néanmoins ce n’est pas de lui qu’il naît ; car il naît à mesure que la sagesse avance et entre dans la lumière chez l’homme, car la sagesse et cet amour sont des compagnons inséparables. Si l’Amour conjugal commence par l’amour du sexe, c’est parce que, avant qu’une compagne soit trouvée, le sexe en général est aimé et regardé d’un œil amoureux ; et il est traité avec civilité et honnêteté ; car le jeune homme a son choix à faire ; et alors, d’après l’inclination insitée en lui pour le mariage avec une seule du sexe, inclination cachée dans l’intime de son mental, son externe est agréablement échauffé ; et comme les déterminations au mariage sont différées par diverses causes jusqu’à un âge plus mûr, pendant ce temps le commencement de cet amour est comme un désir libidineux, qui chez quelques-uns tombe en actualité dans l’amour du sexe, mais néanmoins chez eux son frein n’est point lâché au-delà de ce qui est avantageux pour la santé. Toutefois, ceci est dit du Sexe masculin parce que ce sexe a des instigations qui réellement embrasent, mais non du Sexe féminin. D’après ces explications, il est évident que l’Amour du sexe n’est pas l’origine de l’Amour vraiment conjugal, mais qu’il en est le premier par le temps et non par la fin ; car ce qui est premier par la fin, est premier dans le mental et dans l’intention du mental, parce que c’est le principal ; mais on ne parvient à ce premier que successivement par les moyens ; ceux-ci ne sont pas premiers en eux-mêmes, mais seulement conduisent à ce qui est premier en soi-même.

99. X. Quand l’Amour conjugal a été implanté, l’Amour du sexe se retourne, et devient l’Amour chaste du sexe. Il est dit qu’alors l’Amour du sexe se retourne, parce que, quand l’Amour conjugal vient à son origine, qui est dans les intérieurs du mental, il voit l’Amour du sexe, non devant lui, mais derrière lui ; ou bien non au-dessus de lui, mais au-dessous de lui, et ainsi comme quelque chose qu’il a laissé en passant. Pareillement comme il arrive, quand quelqu’un s’élève d’un emploi par d’autres emplois jusqu’à une dignité suréminente, et qu’ensuite il regarde derrière lui ou au-dessous de lui les emplois par lesquels il a passé ; ou, quand quelqu’un qui s’est acheminé vers la cour d’un roi porte, après son arrivée, ses regards sur les objets qu’il a vus en route. Que l’Amour du sexe reste alors et devienne chaste, et cependant plus délicieux qu’auparavant pour ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, on peut le voir dans les deux MÉMORABLES, Nos 44 et 45, d’après sa description par ceux qui sont dans le Monde spirituel.

100. XI. Le Mâle et la Femelle ont été créés pour être la Forme même du Mariage du bien et du vrai. C’est parce que le Mâle a été créé pour être l’Entendement du vrai, ainsi le Vrai dans une forme, et que la Femelle a été créée pour être la Volonté du bien, ainsi le Bien dans une forme, et que dans l’un et dans l’autre il a été implanté, d’après les intimes, une inclination à se conjoindre en un, voir No 88 ; ainsi les deux font une seule forme, qui imite la Forme conjugale du bien et du vrai. Il est dit qu’elle l’imite, parce que ce n’est pas la même, mais elle est semblable à elle ; car le Bien qui se conjoint avec le Vrai chez l’homme vient immédiatement du Seigneur, mais le Bien de l’épouse qui se conjoint avec le Vrai chez l’homme vient médiatement du Seigneur par l’épouse ; c’est pourquoi, il y a deux Biens, l’un interne, l’autre externe, qui se conjoignent avec le Vrai chez le mari ; et ils font que le mari est constamment dans l’entendement du vrai, et par suite dans la sagesse par l’Amour vraiment conjugal : mais il en sera dit davantage sur ce sujet dans la suite.

101. XII. Les deux Époux sont cette forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent, selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts. Il y a trois choses dans lesquelles consiste tout homme, et qui se suivent en ordre chez lui, l’Âme, le Mental et le Corps ; son intime est l’Âme, son moyen est le Mental, et son dernier est le Corps : tout ce qui influe du Seigneur dans l’homme influe dans son intime, qui est l’Âme, et descend de là dans son moyen, qui est le Mental, et par celui-ci dans son dernier, qui est le Corps ; le Mariage du bien et du vrai influe ainsi du Seigneur chez l’homme, immédiatement dans son Âme, et de là passe vers les choses qui en dérivent, et par celles-ci vers les extrêmes ; et ainsi conjointes toutes ces choses constituent l’Amour conjugal : d’après l’idée de cet influx, il est évident que les deux Époux sont cette forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent.

102. Mais que les Époux deviennent cette forme selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts, c’est parce que le Mental est successivement ouvert depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse la plus avancée ; car l’homme naît corporel, et à mesure que le Mental est ouvert le plus près au-dessus du Corps, il devient rationnel ; et de même que ce rationnel est purifié et comme décanté des illusions qui influent des sens du corps, et des convoitises qui influent des amorces de la chair, de même est ouvert le Rationnel, et cela se fait uniquement par la sagesse ; et quand les intérieurs du mental rationnel ont été ouverts, alors l’homme devient une forme de la sagesse, et cette forme est le réceptacle de l’amour vraiment conjugal. « La sagesse qui constitue cette forme, et reçoit cet amour, est une sagesse rationnelle et en même temps une sagesse morale ; la sagesse rationnelle regarde les vrais et les biens qui apparaissent intérieurement dans l’homme, non comme siens, mais comme influant du Seigneur ; et la sagesse morale fuit les maux et les faux comme des lèpres, surtout les lascivetés, qui souillent son amour conjugal. »

 

 

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103. À ce qui précède j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un matin, avant le lever du soleil, je portai mes regards vers l’Orient dans le Monde spirituel, et je vis quatre Cavaliers sortir, comme s’ils volaient, d’une nuée éclatante par la flamme de l’aurore ; sur les têtes des Cavaliers étaient des casques à aigrettes, sur leurs bras comme des ailes, et autour de leur corps de légères tuniques de couleur orange ; ainsi vêtus comme pour une prompte course, ils se soulevaient et laissaient flotter les rênes sur la crinière des chevaux, qui ainsi couraient comme s’ils avaient eu des ailes aux pieds : je suivis de la vue leur course ou leur vol dans l’intention de connaître où ils allaient ; et voici, trois Cavaliers prirent leur direction vers trois plages, à savoir, le Midi, l’Occident et le Septentrion ; et le quatrième, après un court espace à l’Orient, s’arrêta. Étonné de cela, je regardai vers le Ciel, et je demandai où allaient ces Cavaliers, et je reçus cette réponse : « Vers les Sages des Royaumes de l’Europe, qui jouissent d’une raison saine et d’une grande pénétration dans l’examen des choses, et ont eu parmi les leurs une réputation de génie, afin qu’ils viennent et développent le secret concernant L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL, ET SA VERTU OU PUISSANCE. » Et l’on me dit du Ciel : « Attends un peu, et tu verras vingt-sept chars, dont trois occupés par des Espagnols, trois par des Français ou Gaulois, trois par des Italiens, trois par des Germains ou Allemands, trois par des Bataves ou Hollandais, trois par des Anglais, trois par des Suédois, trois par des Danois, et trois par des Polonais. » Et alors, après une demi-heure, ces Chars furent vus tirés par de jeunes chevaux bais élégamment harnachés, et ils se dirigeaient avec une grande vitesse vers une Maison spacieuse qu’on voyait aux limites de l’Orient et du Midi ; arrivés près de cette maison, tous ceux qui étaient dans les chars descendirent, et ils y entrèrent d’un air résolu. Et alors il me fut dit : « Va et entre aussi, toi ; et tu entendras. » Moi, j’allai et j’entrai ; et, en examinant la Maison en dedans, je vis qu’elle était carrée, ses côtés regardant les quatre Plages ; à chaque côté, trois hautes Fenêtres à vitres de cristal, leurs Châssis en bois d’olivier ; de chaque côté des châssis, des Prolongements de murailles formant comme des Chambres voûtées par-dessus, dans lesquelles il y avait des Tables ; leurs Parois étaient de cèdre, le Plafond d’un beau bois odoriférant, le Plancher en parquet de peuplier ; à la paroi orientale, où l’on ne voyait pas de fenêtres, était placée une Table recouverte d’or, sur laquelle il y avait une TIARE toute couverte de pierres précieuses, qui devait être donnée en prix ou pour récompense à celui qui découvrirait par son investigation le Secret qui allait être proposé. Quand je portai mes regards sur ces Prolongements en forme de chambres, qui étaient comme des Cabinets auprès des fenêtres, je vis dans chacun cinq Hommes de chaque Royaume de l’Europe, qui, tout préparés, attendaient le Sujet qui allait être soumis à leur jugement. Alors se présenta aussitôt un Ange au milieu du Palais, et il dit : « Le sujet soumis à votre jugement sera celui-ci : DE L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL, ET DE SA VERTU OU PUISSANCE ; examinez-le, et décidez ; écrivez la décision sur un papier, mettez-le dans l’Urne d’argent que vous voyez placée auprès de la Table d’or, et donnez-lui pour signature la Lettre initiale du Royaume d’où vous êtes ; ainsi, un F pour les Français ou Gaulois, un B pour les Bataves ou Hollandais, un I pour les Italiens, un A pour les Anglais, un P pour les Polonais, un G pour les Germains ou Allemands, un H pour les Espagnols (Hispani), un D pour les Danois, et un S pour les Suédois. » Après avoir prononcé ces paroles, l’Ange se retira, en disant : « Je reviendrai. » Et alors les cinq Hommes, natifs de la même contrée, dans chaque Cabinet près des fenêtres, examinèrent la proposition, l’agitèrent sous toutes ses faces ; et selon l’excellence des qualités de leur jugement, ils prirent une décision, l’écrivirent sur un bulletin portant pour signature la lettre initiale de leur Royaume, et le mirent dans l’Urne d’argent. Cela ayant été terminé dans l’espace de trois heures, l’Ange revint, et il tira de l’Urne les Bulletins l’un après l’autre, et les lut devant l’Assemblée.

104. Alors sur le PREMIER PAPIER que sa main prit au hasard, il lut ceci : « Nous cinq, natifs de la même contrée, nous avons décidé dans notre Cabinet, que l’Amour conjugal tire son Origine des Très-Anciens dans le Siècle d’or, et que chez eux il provenait de la création d’Adam et de son Épouse ; de là vient l’Origine des mariages, et avec les mariages l’Origine de l’Amour conjugal. Quant à ce qui concerne la Vertu ou Puissance de l’Amour conjugal, nous ne la dérivons pas d’autre part que du climat ou de la région du soleil, et de la chaleur qu’il répand sur les terres ; nous avons envisagé ce sujet non pas d’après de vaines inventions de la raison, mais d’après des indices évidents de l’expérience ; par exemple, d’après les Peuples sous la ligne ou cercle équinoxial, où la Chaleur du jour est comme un brasier ; et d’après les peuples qui sont près de ce Cercle, et les peuples qui en sont plus éloignés ; et aussi d’après la coopération de la chaleur solaire avec la chaleur vitale chez les animaux de la terre et chez les oiseaux du ciel dans la saison du printemps pendant la prolification ; outre cela, qu’est-ce que l’Amour conjugal, sinon une Chaleur qui devient Vertu ou Puissance, si la chaleur subsidiaire du Soleil s’y joint ? » Cette décision portait au bas la lettre H, l’initiale du Royaume d’où ils étaient.

105. Après cela, il mit une SECONDE FOIS la main dans l’urne, et il en tira un Papier, où il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, nous sommes convenus, dans notre Chambrée, que l’origine de l’Amour conjugal est la même que l’origine des Mariages, qui ont été sanctionnés par les lois afin de réfréner les convoitises innées des hommes pour les adultères, lesquels perdent entièrement les âmes, souillent les raisons du mental, corrompent les mœurs, et infectent le corps de maladies ; car les adultères sont des actes, non pas humains mais de nature bestiale, non pas rationnels mais brutaux, et ainsi nullement chrétiens mais barbares ; c’est la condamnation de tels actes qui fut l’origine des Mariages et en même temps de l’Amour conjugal. Il en est de même de la vertu ou puissance de cet Amour ; elle dépend de la chasteté, qui consiste à s’abstenir des scortations ; et cela, parce que la Vertu ou Puissance, chez celui qui aime son épouse seule, est réservée à une seule, et est ainsi rassemblée et comme concentrée ; et alors elle devient noble comme une Quintessence exempte de souillures ; autrement, elle serait dispersée et jetée de côté et d’autre. Un de nous cinq, qui est prêtre, a ajouté aussi la Prédestination comme une cause de cette vertu ou puissance, en disant : Les Mariages ne sont-ils pas prédestinés ? et puisqu’ils le sont, les Prolifications qui en proviennent, et les Efficacités pour ces prolifications, ne sont-elles pas aussi prédestinées ? Il a insisté pour qu’on ajoutât cette cause, parce qu’il avait affirmé avec serment la prédestination. » Cette décision portait au bas la lettre B. Quelqu’un, en entendant cela, dit en souriant : « La Prédestination ! oh ! quelle belle apologie de la faiblesse ou impuissance ! »

106. Puis, pour la TROISIÈME FOIS, il tira de l’urne un papier sur lequel il lut : « Nous, natifs de la même contrée, nous avons dans notre Cellule examiné les causes de l’origine de l’Amour conjugal, et nous avons vu que la cause principale est la même que celle de l’origine du Mariage, parce que cet Amour n’a pas eu d’existence auparavant ; et le fondement de son existence, c’est que, quand quelqu’un aime éperdument une jeune fille, il veut d’âme et de cœur la posséder comme une propriété digne d’être aimée par dessus toutes choses ; et que, dès qu’elle lui est fiancée, il la regarde comme une autre lui-même : que ce soit là l’origine de l’amour conjugal, cela est évident par la fureur de chaque homme contre ses rivaux, et par la jalousie contre les corrupteurs. Nous avons ensuite examiné l’origine de la vertu ou puissance de cet amour, et trois contre deux ont décidé que la vertu ou puissance avec l’épouse vient de quelque licence avec le sexe ; ils ont dit savoir par expérience que la puissance de l’amour du sexe surpasse la puissance de l’Amour conjugal. » Il y avait au bas la lettre I. Dès qu’on eut entendu cela, on cria des Tables : « Rejette ce papier, et tire de l’urne un autre bulletin. »

107. Et à l’instant il en lira un QUATRIÈME, sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, sous notre Fenêtre, nous avons décidé que l’origine de l’Amour conjugal et de l’amour du sexe est la même, parce que celui-là vient de celui-ci ; que seulement l’amour du sexe est illimité, indéterminé, dissolu, indistinct et changeant, tandis que l’Amour conjugal est limité, déterminé, fixé, régulier et constant ; et que cet amour-ci a, pour cela même, été sanctionné et établi par la prudence de la sagesse humaine ; car autrement, il n’y aurait ni empire, ni royaume, ni république, pas même de société, mais les hommes seraient errants par bandes dans les champs et dans les forêts avec des prostituées et des femmes enlevées, et fuiraient de retraite en retraite pour éviter les carnages sanglants, les violences et les rapines, par lesquels le genre humain tout entier courrait à sa destruction ; c’est là notre jugement sur l’origine de l’Amour conjugal. Quant à la vertu ou puissance de l’Amour conjugal, nous la déduisons de la santé du corps continuellement persistante depuis la naissance jusqu’à la vieillesse ; car l’homme doué d’une bonne constitution et jouissant d’une santé vigoureuse ne perd rien de sa force ; ses fibres, ses nerfs, ses muscles, ne s’engourdissent point, ne se relâchent point, et ne faiblissent point, mais restent dans la vigueur de leurs forces ; portez-vous bien. » Il y avait au bas la lettre A.

108. La CINQUIÈME FOIS il tira de l’urne un papier, sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, nous avons près de notre Table, examiné d’après la rationalité de nos mentals l’origine de l’Amour conjugal, et l’origine de sa vertu ou puissance ; et, après avoir considéré les raisons dans tous les sens, nous avons vu et nous avons confirmé que l’origine de l’Amour conjugal n’est autre que celle-ci : Tout homme, par des aiguillons et des mobiles cachés dans le lieu le plus secret de son mental et de son corps, après diverses cupidités de ses yeux, porte enfin son attention et son inclination vers une seule femme du sexe, au point qu’il brûle entièrement pour elle ; de ce moment sa chaleur s’enflamme de plus en plus, jusqu’à devenir un incendie ; dans cet état le désir libidineux du sexe est chassé, et l’amour conjugal en prend la place : le jeune fiancé dans cet incendie ne sait autre chose, sinon que la vertu ou puissance de cet amour ne cessera jamais, car il manque d’expérience, et par conséquent de connaissance, concernant l’état de l’affaiblissement des forces, et alors du refroidissement de l’amour après les délices ; l’origine de l’Amour conjugal vient donc de cette première ardeur avant les noces ; et de cette ardeur vient sa vertu ou puissance ; mais, après les noces, cette vertu ou puissance change ses flambeaux, puis aussi diminue et augmente, mais continue toujours avec changement régulier, ou avec diminution et augmentation, jusqu’à la vieillesse, au moyen de la modération que dicte la prudence, et de la répression des désirs libidineux qui s’élancent des cachettes non encore nettoyées du mental ; car le désir libidineux marche avant la sagesse ; c’est là notre jugement sur l’origine et sur la continuation de la vertu ou puissance conjugale. » Au bas était la lettre P.

109. La SIXIÈME FOIS, il tira un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Réunion, nous avons examiné dans tous les sens les causes de l’origine de l’Amour conjugal, et nous sommes tombés d’accord sur deux causes, dont l’une est la bonne éducation des enfants, et l’autre la possession distincte des héritages ; nous nous sommes décidés pour ces deux, parce qu’elles tendent et visent au même but, qui est le Bien public ; et ce but est atteint, parce que les enfants conçus et nés d’un amour conjugal sont proprement et véritablement les enfants des deux époux, et que d’après l’amour storge, exalté par la considération de leur origine légitime, ils sont élevés comme héritiers de toutes les possessions tant spirituelles que naturelles de leurs parents ; que le Bien public soit fondé sur la bonne éducation des enfants et sur la possession distincte des héritages, c’est ce que voit la raison. Il y a l’Amour du sexe, et il y a l’Amour conjugal, celui-ci semble être un avec celui-là, mais il est distinctement autre ; ils ne sont pas non plus l’un auprès de l’autre, mais l’un est au dedans de l’autre, et ce qui est au dedans est plus noble que ce qui est au dehors ; et nous, nous voyons que l’Amour conjugal par création est au dedans, et est caché dans l’amour du sexe, absolument comme une amande au dedans de sa coque ; c’est pourquoi, lorsque l’Amour conjugal est tiré de sa coque, qui est l’amour du sexe ; il brille devant les Anges comme une pierre précieuse, un Béryl et une Astroïte ; cela a lieu parce que dans l’Amour conjugal a été inscrit le Salut de tout le Genre Humain, salut que nous entendons, nous, par le Bien public ; c’est là notre jugement sur l’origine de cet Amour. Quant à l’origine de sa Vertu ou Puissance, après en avoir examiné les causes, nous avons conclu que c’est le développement et la séparation de l’Amour conjugal d’avec l’amour du sexe, ce qui est fait par la sagesse de la part du mari, et par l’amour de la sagesse du mari de la part de l’épouse : en effet, l’amour du sexe est commun à l’homme et aux bêtes, mais l’Amour conjugal est particulier aux hommes ; c’est pourquoi, autant l’Amour conjugal est développé et séparé d’avec l’amour du sexe, autant l’homme est un homme et non une bête ; et l’homme acquiert la vertu ou puissance d’après son amour, et la bête d’après le sien. » Au bas était la lettre G.

110. La SEPTIÈME FOIS il tira un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans la Chambre sous la lumière de notre fenêtre, nous avons réjoui nos pensées et par suite nos jugements par une méditation sur l’Amour conjugal ; qui est-ce qui n’en est pas réjoui ? car lorsque cet amour est dans le mental, il est en même temps dans tout le corps. Nous, nous jugeons de l’Origine de cet amour d’après ses plaisirs ; qui est-ce qui connaît ou n’a jamais connu la trace de quelque amour, si ce n’est par le plaisir et la volupté qu’il procure ? Les plaisirs de l’Amour conjugal, dans leurs origines, sont sentis comme des béatitudes, des satisfactions et des félicités ; puis, dans leurs dérivations, comme des charmes et des voluptés ; et, dans les derniers, comme les délices des délices. Il y a donc origine de l’amour du sexe quand les intérieurs du mental, et par suite les intérieurs du corps, sont ouvert pour l’influx de ces plaisirs ; mais il y avait origine de l’Amour conjugal alors que par suite des fiançailles la sphère primitive de cet amour présentait d’avance en idée ces plaisirs. Quant à ce qui concerne la Vertu ou puissance de cet amour, elle vient de ce que cet amour avec sa veine passe du mental dans le corps ; car le mental, d’après la tête, est dans le corps quand il sent et agit, surtout quand il jouit des délices de cet amour ; nous, par là, nous jugeons des degrés de sa puissance et des constances de ses alternatives. De plus, nous déduisons aussi de la race la Vertu de puissance ; si elle est noble chez le père, elle devient noble aussi par transmission (per traducem) chez les descendants ; que cette noblesse soit transmise par génération, hérédité et succession, c’est ce dont convient la raison appuyée sur l’expérience. » Au bas était la lettre F.

111. À la HUITIÈME FOIS, il sortit un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Réunion, nous n’avons pas trouvé l’origine même de l’Amour conjugal, parce qu’elle est intimement cachée dans les sanctuaires du mental ; la sagesse la plus consommée ne peut pas même par quelque rayon de l’entendement atteindre cet amour dans son origine ; nous avons formé beaucoup de conjectures, mais après avoir vainement agité des subtilités, nous n’avons pas su si nous avions porté nos conjectures sur des chimères ou sur des choses judicieuses : que celui donc qui veut tirer des sanctuaires du mental l’origine de cet amour, et la mettre devant soi, se rendre à Delphes. Nous, nous avons contemplé cet amour au-dessous de son origine, et nous avons vu qu’il est spirituel dans les mentals, et que là il est comme la source d’une veine douce, et découle de là dans la poitrine, où il devient délicieux, et est appelé l’amour pectoral, lequel, considéré en lui-même, est plein d’amitié et plein de confiance, à cause de sa pleine inclination à la mutualité ; et que, quand il est passé au-delà de la poitrine, il devient un amour plein de joies. Ces choses et autres semblables, quand un jeune homme les roule dans sa pensée, ce qu’il fait lorsqu’il désire ardemment pour lui une personne du sexe, allument dans son cœur le feu de l’amour conjugal ; ce feu, parce qu’il est le feu primitif de cet amour, en est l’origine. Quant à l’origine de sa Vertu ou puissance, nous n’en connaissons pas d’autre que cet amour lui-même, car cet amour et sa puissance sont des compagnons inséparables, mais néanmoins tels que tantôt c’est l’un qui précède, et tantôt c’est l’autre ; lorsque l’amour précède et que la vertu ou puissance le suit, l’un et l’autre est noble, parce que la puissance alors est la vertu de l’amour conjugal ; mais si la puissance précède et que l’amour suive, alors l’un et l’autre est ignoble, parce que l’amour alors appartient à la puissance charnelle ; nous, donc, nous jugeons de la qualité de l’un et de l’autre d’après l’ordre dans lequel l’amour descend ou monte, et ainsi s’avance de son origine vers son but. » Au bas était la lettre D.

112. En dernier lieu, ou la NEUVIÈME FOIS, il prit le papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Comité, nous avons exercé notre jugement sur les deux sujets proposés, à savoir, sur l’Origine de l’Amour conjugal, et sur l’Origine de sa vertu ou puissance. Quand nous avons agité les choses subtiles qui concernent l’origine de l’amour conjugal, pour éviter l’obscurité dans nos raisonnements, nous avons distingué l’amour du sexe en spirituel, naturel et charnel ; par l’amour spirituel du sexe nous entendons l’Amour vraiment conjugal, parce que cet amour est spirituel ; par l’amour naturel du sexe nous entendons l’amour polygamique, parce que celui-ci est naturel : et par l’amour entièrement charnel du sexe nous entendons l’amour scortatoire, parce que celui-ci est entièrement charnel. Quand nous avons examiné avec notre jugement l’amour vraiment conjugal, nous avons clairement vu que cet amour existe seulement entre un seul homme et une seule femme, et que de création il est céleste, intime, puis aussi l’âme et le père de tous les bons amours, ayant été inspiré à nos Premiers Parents, et pouvant être inspiré aux Chrétiens ; il est même tellement conjonctif, que par lui deux Mentals peuvent devenir un seul Mental, et deux Hommes (Homines), à savoir, un homme et une femme, peuvent devenir comme un seul Homme (Homo), ce qui est entendu par devenir une seule Chair. Que de création cet Amour ait été inspiré, cela est évident par ces paroles dans le Livre de la Création : « Et l’homme laissera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront en une seule Chair. » – Gen II. 24. – Qu’il puisse être inspiré aux Chrétiens, on le voit clairement par ces paroles : « Jésus dit : N’avez-vous pas lu que Celui qui a fait au commencement mâle et femelle les fit, et dit : À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et les deux seront dans une seule chair ; c’est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule Chair. » – Matth. XIX. 4, 5, 6 ; – voilà ce qui concerne l’origine de l’amour conjugal. Quant à l’origine de la Vertu ou puissance de l’amour vraiment conjugal, nous présumons qu’elle vient de la ressemblance des mentals, et de l’unanimité ; car lorsque deux Mentals sont conjugalement conjoints, leurs pensées alors se donnent l’une à l’autre spirituellement des baisers, et elles inspirent au corps leur vertu ou puissance. » Au bas était la lettre S.

113. Derrière une Cloison oblongue dans le Palais, dressée devant les portes, se tenaient debout des étrangers d’Afrique, qui crièrent aux indigènes d’Europe : « Permettez que quelqu’un de nous expose aussi son sentiment sur l’Origine de l’Amour conjugal, et sur sa Vertu ou puissance. » Et toutes les Tables firent signe avec les mains que cela était permis ; et alors l’un d’eux entra et se plaça vers la Table sur laquelle avait été posée la Tiare ; et il dit : « Vous, Chrétiens, vous déduisez de l’Amour même l’origine de l’Amour conjugal ; mais nous, Africains, nous la déduisons du Dieu du Ciel et de la Terre ; est-ce que l’Amour Conjugal n’est pas un Amour chaste, pur et saint ? Est-ce que les Anges du Ciel ne sont pas dans cet Amour ? Est-ce que le Genre Humain tout entier, et par suite le Ciel Angélique tout entier, ne sont pas la Semence de cet Amour ? Est-ce qu’une chose si suréminente peut tirer son existence d’autre part que de Dieu Même, Créateur et Conservateur de l’Univers ? Vous, Chrétiens, vous déduisez la Vertu ou puissance conjugale de diverses causes rationnelles et naturelles ; mais nous, Africains, nous la déduisons de l’état de conjonction de l’homme avec le Dieu de l’Univers ; cet état, nous l’appelons, nous, l’état de la Religion ; mais vous, vous l’appelez l’état de l’Église ; car, puisque l’Amour vient de cet état, et qu’il est stable et perpétuel, il ne peut manquer d’opérer sa vertu, qui est semblable à lui, et de même par conséquent stable et perpétuelle. L’Amour vraiment conjugal est seulement connu d’un petit nombre de personnes, qui sont proches de Dieu, et par suite la puissance de cet amour n’est point connue des autres ; cette puissance, avec cet amour, est décrite par les Anges dans les Cieux comme le délice d’un printemps perpétuel. »

114. Lorsqu’il eut prononcé ces paroles, tous se levèrent ; et voici, derrière la Table d’or, sur laquelle était la Tiare, il apparut une Fenêtre qui auparavant n’avait pas été vue, et à travers la fenêtre fut entendue une voix : « LA TIARE SERA POUR L’AFRICAIN. » Et l’Ange la lui mit dans la main, mais non sur la tête ; et lui s’en alla avec la tiare dans sa maison ; et les habitants des Royaumes d’Europe, étant sortis, montèrent dans leurs Chars, et retournèrent dans leurs sociétés respectives.

115. SECOND MÉMORABLE : Ayant été réveillé de mon sommeil au milieu de la nuit, je vis à une certaine hauteur vers l’Orient un Ange tenant dans la main droite un Papier qui, d’après la lumière du Soleil, apparaissait d’une blancheur éclatante ; il y avait au milieu une Écriture en lettres d’or ; et je vis écrit : MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI ; de l’Écriture sortit une splendeur qui forma un large cercle autour du Papier ; ce cercle ou contour apparut ensuite comme apparaît l’aurore dans la saison du printemps. Après cela, je vis l’Ange descendre avec le Papier à la main, et à mesure qu’il descendait, le Papier apparaissait de moins en moins brillant, et cette Écriture, à savoir : MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI, apparaissait changée de couleur d’or en couleur d’argent, ensuite en une couleur d’airain, puis en couleur de fer, enfin en couleur de rouille de fer et de rouille d’airain ; et enfin je vis l’Ange entrer dans un Nuage obscur, et arriver à travers le Nuage sur la Terre ; et là quoique ce Papier fût encore dans la main de l’Ange, je ne le vis pas ; cela se passait dans le Monde des esprits, dans lequel arrivent d’abord tous les hommes après la mort ; et alors l’Ange me parla en disant : « Demande à ceux qui viennent ici, s’ils me voient, ou s’ils voient quelque chose dans ma main. » Il vint une multitude d’esprits, les uns de l’orient, d’autres du midi, d’autres de l’occident, d’autres du septentrion, et je demandai à ceux qui venaient de l’Orient et du Midi, – c’étaient ceux qui dans le Monde s’étaient livrés à l’érudition, – s’ils voyaient quelqu’un près de moi, et s’ils voyaient quelque chose dans sa main ; tous dirent qu’ils ne voyaient absolument rien ; ensuite je fis la même question à ceux qui venaient de l’Occident et du Septentrion, – c’étaient ceux qui dans le Monde avaient cru aux paroles des érudits, – ils dirent qu’ils ne voyaient rien non plus ; cependant les derniers d’entre eux, qui dans le Monde avaient été dans la foi simple d’après la charité, ou dans quelque vrai d’après le bien, après que les premiers se furent retirés, dirent qu’ils voyaient un Homme avec un Papier, l’Homme vêtu élégamment, et le Papier avec des lettres tracées dessus ; et lorsqu’ils eurent approché les yeux, ils dirent qu’ils lisaient MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI ; et ils s’adressèrent à l’Ange, en le priant de dire ce que cela signifiait ; et il dit : « Toutes les choses qui existent dans le Ciel entier, et toutes celles qui existent dans le Monde enlier, ne sont que le Mariage du bien et du vrai, parce que toutes et chacune d’elles, tant celles qui vivent et sont animées, que celles qui ne vivent point et ne sont point animées, ont été créées du Mariage du bien et du vrai et pour ce Mariage ; il n’existe rien de créé pour le Vrai seul, ni rien pour le Bien seul, le bien seul ou vrai seul n’est rien, mais par le Mariage ils existent et deviennent quelque chose de tel qu’est un mariage. Dans le Seigneur Dieu Créateur, le Divin Bien et le Divin Vrai sont dans leur Substance même, l’Être de la Substance de Dieu est le Divin Bien, et l’Exister de la Substance de Dieu est le Divin Vrai ; en Lui aussi ils sont dans leur Union même, car en Lui ils sont un d’une manière infinie ; comme ces deux sont un dans Dieu Créateur Lui-Même, c’est pour cela qu’ils sont aussi un dans toutes et dans chacune des choses créées par Lui ; par là aussi le Créateur a été conjoint avec toutes ses créatures par une alliance éternelle comme par une alliance de Mariage. » De plus, l’Ange dit : « L’Écriture Sainte, qui a procédé immédiatement du Seigneur, est dans le commun et dans la partie le Mariage du bien et du vrai ; et comme l’Église qui est formée par le Vrai de la Doctrine, et la Religion qui est formée par le Bien de la vie selon le Vrai de la Doctrine, sont, chez les Chrétiens, uniquement tirées de l’Écriture Sainte, on peut voir que l’Église dans le commun et dans la partie est le Mariage du Bien et du Vrai. » – Que cela soit ainsi, on le voit dans L’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 373, 483. – Ce qui a été dit ci-dessus du Bien et du Vrai a été dit aussi pour le MARIAGE DE LA CHARITÉ ET DE LA FOI, parce que le Bien appartient à la Charité, et le Vrai appartient à la Foi. Quelques-uns des premiers qui n’avaient pas vu l’Ange ni l’Écriture, étant encore présents et entendant ces paroles, dirent à demi voix : « Qui, nous comprenons cela. » Mais alors l’Ange leur dit : « Détournez-vous un peu de moi, et dites la même chose. » Et ils se détournèrent, et ils dirent à voix pleine : « Non, cela n’est pas ainsi. » Ensuite l’Ange parla du MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI chez les Époux, en disant : « Si leurs mentals étaient dans ce Mariage, le Mari étant le Vrai et l’Épouse le Bien de ce vrai, ils seraient tous deux dans les délices de la béatitude de l’innocence, et par suite dans la félicité dans laquelle sont les Anges du Ciel ; dans cet état le prolifique du mari serait dans un continuel printemps et par suite dans l’effort et la vertu de propager son vrai, et l’épouse serait dans une continuelle réception de ce vrai d’après l’amour ; la sagesse, qui chez les maris vient du Seigneur, ne sent rien de plus agréable que de propager ses vrais ; et l’amour de la sagesse, qui chez les épouses vient du Seigneur, ne sent rien de plus délicieux que de les recevoir comme dans un utérus, et ainsi de les concevoir, les porter et les enfanter ; les prolifications spirituelles chez les Anges du Ciel sont de cette sorte ; et si vous le voulez croire, de cette origine sont aussi les prolifications naturelles. » L’Ange, après avoir donné le salut de paix, s’éleva de terre, et porté à travers le nuage il monta dans le Ciel ; et alors, à mesure qu’il montait, le Papier brillait comme auparavant ; et voici, alors le Cercle, qui auparavant avait apparu comme l’aurore, s’abaissa ; et il dissipa le Nuage qui avait répandu des ténèbres sur la Terre, et le temps devint clair et serein.

 

 

 

DU MARIAGE DU SEIGNEUR ET DE L’ÉGLISE, ET DE SA CORRESPONDANCE.

 

 

116. S’il est aussi traité ici du Mariage du Seigneur et de l’Église et de sa Correspondance, c’est parce que sans la science et sans l’intelligence concernant ce sujet, il est à peine quelqu’un qui puisse savoir que l’Amour Conjugal dans son origine est saint, spirituel et céleste, et qu’il vient du Seigneur. Dans l’Église, il est vrai, quelques-uns disent que les Mariages ont une relation avec le Mariage du Seigneur et de l’Église, mais quelle est cette relation, on l’ignore ; afin donc qu’elle se présente à la vue dans quelque lumière de l’entendement, il est nécessaire qu’il soit traité en particulier de ce Saint Mariage, qui est chez ceux et dans ceux qui sont l’Église du Seigneur ; c’est aussi chez eux et non chez d’autres qu’il y a l’Amour vraiment conjugal. Mais pour l’élucidation de cet Arcane, le sujet sera divisé dans les Articles suivants : I. Le Seigneur dans la Parole est appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse ; puis, la conjonction du Seigneur avec l’Église, et la conjonction réciproque de l’Église avec le Seigneur, est appelée Mariage. II. Puis aussi, le Seigneur est appelé Père, et l’Église Mère. III. Les lignées du Seigneur comme Mari et Père, et de l’Église comme Épouse et Mère, sont toutes spirituelles, et dans le sens spirituel de la Parole elles sont entendues par fils et filles, frère et sœurs, gendres et brus, et par les autres noms relatifs à la génération. IV. Les lignées spirituelles, qui naissent du Mariage du Seigneur avec l’Église, sont les Vrais dont procèdent l’entendement, la perception et toute pensée, et les Biens dont procèdent l’amour, la charité et toute affection. V. Du mariage du bien et du vrai, qui procède du Seigneur et influe, l’homme reçoit le vrai, et le Seigneur conjoint le bien à ce vrai, et c’est ainsi que l’Église est formée par le Seigneur chez l’homme. VI. Le mari ne représente pas le Seigneur et l’épouse ne représente pas l’Église, parce que tous deux ensemble, le mari et l’épouse, constituent l’Église. VII. C’est pourquoi il n’y a pas Correspondance du mari avec le Seigneur, ni de l’épouse avec l’Église, dans les Mariages des Anges dans les Cieux et des hommes dans les terres. VIII. Mais il y a Correspondance avec l’Amour conjugal, la sémination, la prolification, l’amour des enfants, et autres choses semblables qui sont dans les Mariages, et qui en procèdent. IX. La Parole est le médium de conjonction, parce qu’elle vient du Seigneur, et est ainsi le Seigneur. X. L’Église vient du Seigneur, et elle est chez ceux qui s’adressent à Lui et vivent selon Ses préceptes. XI. L’Amour conjugal est selon l’état de l’Église, parce qu’il est selon l’état de la sagesse chez l’homme. XII. Et comme l’Église vient du Seigneur, l’Amour conjugal vient aussi de Lui. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

117. I. Le Seigneur dans la Parole est appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse ; puis, la conjonction du Seigneur avec l’Église, et la conjonction réciproque de l’Église avec le Seigneur, est appelée Mariage. Que le Seigneur dans la Parole soit appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse, on peut le voir par ces passages : Celui qui a la FIANCÉE, FIANCÉ il est ; mais l’ami du FIANCÉ, qui se tient debout et l’écoute, de joie se réjouit à cause de la voix du FIANCÉ. » – Jean. III. 29 ; – ces paroles ont été dites du Seigneur par Jean-Baptiste. « Jésus dit : Tant qu’avec eux est le FIANCÉ, les FILS DES NOCES ne peuvent jeûner ; mais des jours viendront que le FIANCÉ leur sera ôté, alors ils jeûneront. » – Matth. IX. 15. Marc, II. 19, 20. Luc, V. 34, 35. – « Je vis la Ville Sainte, Jérusalem Nouvelle, parée comme une FIANCÉE ornée pour SON MARI. » – Apoc. XXI. 2 ; – que par la Nouvelle Jérusalem il soit entendu la Nouvelle Église du Seigneur, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 880, 881. L’Ange dit Jean : Viens, je te montrerai LA FIANCÉE, DE L’AGNEAU L’ÉPOUSE ; et il lui montra la Ville, la Sainte Jérusalem. » – Apoc. XXI. 9, 10. – « Il est venu le temps des NOCES DE L’AGNEAU, et SON ÉPOUSE s’est parée ; heureux ceux qui au souper des NOCES DE L’AGNEAU ont été appelés. » – Apoc. XIX, 7, 9. – Par le FIANCÉ, au devant duquel vinrent les cinq Vierges préparées, qui entrèrent avec Lui dans la salle des NOCES, – Matth. XXV. 1 à 10, – il est entendu le Seigneur, comme il est évident par le Vers. 13, où il est dit : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas le jour, ni l’heure où le FILS DE L’HOMME viendra. » – Et en outre, dans beaucoup de passages dans les Prophètes.

118. II. Puis aussi, le Seigneur est appelé Père, et l’Église Mère. Que le Seigneur soit appelé Père, on le voit par ces passages : « Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné, et sera appelé son nom : Admirable, Conseiller, Dieu, PÈRE D’ÉTERNITÉ, Prince de paix. » – Ésaïe, IX. 5. – « Toi, JÉHOVAH, NOTRE PÈRE, NOTRE RÉDEMPTEUR dès le siècle (est) ton nom. » – Ésaïe, LXIII. 16. – « Jésus dit : Qui me voit, voit le PÈRE qui m’a envoyé. » – Jean, XII. 45. – « Si vous M’aviez connu, mon PÈRE aussi vous auriez connu, et dès à présent vous l’avez connu, et vous l’avez vu. » – Jean XIV. 7. – « Philippe dit : Montre-nous le PÈRE ; Jésus lui dit : Qui M’a vu a vu le PÈRE ; comment donc, toi, dis-tu : Montre-nous le PÈRE ? » – Jean, XlV. 8, 9. – « Jésus dit : LE PÈRE ET MOI nous sommes un. » – Jean, X. 30. – « Toutes les choses que le PÈRE a, sont miennes. » – Jean, XVI. 15. XVII. 10. – « LE PÈRE est EN MOI, et MOI DANS LE PÈRE. » – Jean, X. 38. XIV. 10, 11, 20. – Que le Seigneur et son Père soient un, comme l’Âme et le Corps sont un ; et que Dieu le Père soit descendu du Ciel, et ait pris l’Humain pour racheter et sauver les hommes, et que son Humain soit ce qui est appelé le Fils envoyé dans le Monde, c’est ce qui a été pleinement montré dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE.

119. Que l’Église soit appelée Mère, on le voit par ces passages : « Jéhovah dit : Plaidez avec votre MÈRE ; elle n’est point mon ÉPOUSE, et Moi je ne suis point son Mari. » – Hosée, II. 2, 5. – « Tu es, toi, la fille de ta MÈRE, qui dédaigne son MARI. » – Ézéch. XVI. 45. – « Où est la lettre de divorce de votre MÈRE, que j’ai renvoyée ? » – Ésaïe, L. 1. – « Ta MÈRE, comme le cep près des eaux planté, est devenue chargée de fruits. » – Ézéch. XIX. 10 ; – ces passages concernent l’Église Juive. « Jésus, étendant sa main vers ses disciples, dit : Ma MÈRE et mes frères sont ceux qui entendent la Parole de Dieu, et qui la font. » – Luc. VIII. 21. Matth. XII. 48, 49. Marc, III. 33, 34, 35 ; – par les disciples du Seigneur il est entendu l’Église. « Près de la croix de Jésus se tenait sa Mère ; et Jésus voyant sa MÈRE, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa Mère : Femme, voilà ton fils ; et il dit au disciple : Voilà ta Mère, c’est pourquoi, dès cette heure-là, ce disciple la prit chez lui. » – Jean, XIX. 25, 26, 27, – par ces paroles il est entendu que le Seigneur n’a point reconnu Marie pour Mère, mais l’Église, c’est pourquoi il l’appelle Femme et Mère du disciple ; s’il l’a appelée Mère de ce disciple ou de Jean, c’est parce que Jean représentait l’Église quant aux Biens de la charité ; ces biens sont l’Église dans l’effet même ; c’est pour cela qu’il est dit qu’il la prit chez lui. Que Pierre ait représenté la vérité et la Foi, Jacques la Charité, et Jean les Œuvres de la charité, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 5, 6, 790, 798, 879 ; et que les douze Disciples aient représenté ensemble l’Église quant à toutes les choses qui la concernent, Nos 233, 790, 903, 915.

120. III. Les lignées du Seigneur comme Mari et Père, et de l’Église comme Épouse et Mère, sont toutes spirituelles, et dans le sens spirituel de la Parole, elles sont entendues par fils et filles, frères et sœurs, gendres et brus, et par les autres noms relatifs à la génération. Qu’il ne naisse pas d’autres lignées du Seigneur par l’Église, ceci n’a pas besoin de démonstration, parce que la raison le voit suffisamment ; en effet, c’est du Seigneur que procèdent tout Bien et tout Vrai, et c’est l’Église qui les reçoit et les met en effet ; et tous les spirituels du Ciel et de l’Église se réfèrent au bien et au vrai ; de là vient que par Fils et Filles dans la Parole, dans son sens spirituel, il est entendu les vrais et les biens, par fils les vrais conçus dans l’homme Spirituel, et nés dans l’homme Naturel, et par filles pareillement les biens ; c’est pourquoi, ceux qui ont été régénérés par le Seigneur sont appelés, dans la Parole, fils de Dieu, fils du Royaume, nés de Lui ; et le Seigneur a appelé fils ses disciples : par l’enfant mâle que la Femme a enfanté, et qui a été enlevé vers Dieu, – Apoc. XII. 5, – il n’est pas non plus entendu autre chose, voir l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 543. Comme par les Filles sont signifiés les biens de l’Église, c’est pour cela que dans la Parole il est dit tant de fois la Fille de Sion, de Jérusalem, d’Israël et de Jehudah, par laquelle il est signifié, non pas quelque fille, mais l’affection du bien, affection qui appartient à l’Église ; voir aussi l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 612. Le Seigneur aussi nomme Frères et Sœurs ceux qui sont de son Église, – Matth. XII. 49. XXV. 40. XXVIII. 10. Marc, III. 35. Luc, VIII. 21.

121. IV. Les lignées spirituelles, qui naissent du Mariage du Seigneur avec l’Église, sont les Vrais dont procèdent l’entendement, la perception et toute pensée, et les Biens dont procèdent l’amour, la charité et toute affection. Que les Vrais et les Biens soient les lignées spirituelles qui naissent du Seigneur par l’Église, c’est parce que le Seigneur est le Bien même et le Vrai même, et qu’en Lui ce bien et ce vrai sont non pas deux mais un ; puis aussi, parce que du Seigneur il ne peut procéder autre chose que ce qui est en Lui et ce qui est Lui-Même. Que le Mariage du bien et du vrai procède du Seigneur, et influe chez les hommes, et soit reçu selon l’état du mental et de la vie de ceux qui sont de l’Église, c’est ce qui a été montré dans la section précédente concernant le MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI. Si l’homme a par les Vrais l’entendement, la perception et toute pensée, et par les Biens l’amour, la charité et toute affection, c’est parce que toutes les choses de l’homme se réfèrent au Vrai et au Bien ; or, il y a dans l’homme deux choses qui le constituent, la Volonté et l’Entendement, et la Volonté est le réceptacle du bien, et l’Entendement est le réceptacle du vrai : que les propres de la Volonté soient l’amour, la charité et l’affection, et les propres de l’Entendement la perception et la pensée, cela n’a pas besoin de la lumière d’une démonstration, parce que la lumière est dans cette proposition d’après l’entendement lui-même.

122. V. Du Mariage du bien et du vrai, qui procède du Seigneur et influe, l’homme reçoit le vrai, et le Seigneur conjoint le bien à ce vrai ; et c’est ainsi que l’Église est formée par le Seigneur chez l’homme. Que du bien et du vrai, qui procèdent comme un du Seigneur, l’homme reçoive le vrai, c’est parce qu’il le reçoit comme sien, et se l’approprie comme sien, car il le pense comme venant de lui, et de même il en parle ; et cela a lieu parce que le vrai est dans la lumière de l’entendement, et que par suite il le voit, et tout ce qu’il voit en soi ou dans son mental, il ne sait d’où cela vient, car il ne voit pas l’influx comme il voit les choses qui tombent sous la vue de l’œil ; de là il s’imagine que le vrai est en lui. Il a été donné à l’homme par le Seigneur, que cela apparaisse ainsi, afin qu’il soit homme, et afin qu’il y ait pour lui un réciproque de conjonction ; qu’on ajoute à cela que l’homme est né Faculté de savoir, de comprendre et de devenir sage ; et cette Faculté reçoit les vrais par lesquels elle a la science, l’intelligence et la sagesse ; et comme la femelle a été créée au moyen du vrai du mâle, et est formée pour être de plus en plus amour de ce vrai après le mariage, il s’ensuit que celle-ci aussi reçoit le vrai du mari en elle, et le conjoint avec son bien.

123. Si le Seigneur adjoint et conjoint le bien aux vrais que l’homme reçoit, c’est parce que l’homme ne peut pas prendre le bien comme par lui-même, car le bien n’est pas visible pour lui, par cette raison qu’il appartient non pas à la lumière, mais à la chaleur, et que la chaleur est sentie, mais n’est point vue ; c’est pourquoi, lorsque l’homme voit le vrai dans sa pensée, il réfléchit rarement sur le bien, qui influe de l’amour de la volonté dans le vrai, et lui donne la vie. L’Épouse ne réfléchit pas non plus sur le bien qui est chez elle, mais elle réfléchit sur l’inclination du Mari à son égard, laquelle est selon l’élévation de l’entendement du mari vers la sagesse ; le bien qui est chez elle par le Seigneur, elle l’applique sans que le mari sache quelque chose de cette application. De là se manifeste maintenant cette vérité, que l’homme reçoit du Seigneur le vrai, et que le Seigneur adjoint le bien à ce vrai, selon l’application du vrai à l’usage, ainsi à mesure que l’homme veut penser sagement, et par suite vivre sagement.

124. Si l’Église est ainsi formée par le Seigneur chez l’homme, c’est parce qu’alors l’homme est en conjonction avec le Seigneur, dans le Bien par le Seigneur, et dans le Vrai comme par lui-même ; ainsi l’homme est dans le Seigneur, et le Seigneur est en lui, selon les paroles du Seigneur dans Jean, – XV. 4, 5. – Il en est de même si au lieu du Bien l’on dit la Charité, et au lieu du Vrai la Foi, puisque le Bien appartient à la Charité, et le Vrai à la Foi.

125. VI. Le Mari ne représente pas le Seigneur, et l’Épouse ne représente pas l’Église, parce que tous deux ensemble, le Mari et son Épouse, constituent l’Église. Le langage ordinaire au dedans de l’Église, c’est que, comme le Seigneur est le chef de l’Église, de même le Mari est le chef de l’Épouse ; il résulterait de là que le Mari représente le Seigneur, et l’Épouse l’Église ; mais le Seigneur est le chef de l’Église, et l’homme (Homo), homme (vir) et femme (fæmina), sont l’Église, et plus encore le Mari et l’Épouse ensemble ; chez eux, l’Église est d’abord implantée dans l’homme, et au moyen de l’homme dans l’épouse, parce que l’homme par l’entendement reçoit le vrai de l’Église, et l’épouse le reçoit de l’homme ; mais si cela a lieu vice versa, ce n’est pas conforme à l’ordre : quelquefois, cependant, cela a lieu, mais chez des hommes qui ne sont pas des amants de la sagesse, et par suite ne sont pas non plus de l’Église, et aussi chez ceux qui, comme des esclaves, dépendent des caprices de leurs épouses. Sur ce sujet, voir quelques particularités dans les PRÉLIMINAIRES, No 21.

126. VII. C’est pourquoi, il n’y a pas correspondance du mari avec le Seigneur, ni de l’épouse avec l’Église, dans les Mariages des Anges dans les Cieux et des hommes dans les terres. Cela résulte, comme conséquence, de ce qui vient d’être dit ; cependant il est à ajouter qu’il semble que le vrai soit le principal de l’Église, parce qu’il en est le premier par le temps ; c’est d’après cette apparence que les Prélats de l’Église ont donné la palme à la foi, qui appartient au vrai, par préférence à la Charité qui appartient au bien ; de même les Érudits l’ont donnée à la pensée, qui appartient à l’entendement, par préférence à l’affection qui appartient à la volonté ; c’est pourquoi la connaissance de ce que c’est que le bien de la charité, et de ce que c’est que l’affection de la volonté, est cachée comme ensevelie dans un tombeau, et même quelques-uns ont jeté de la terre dessus comme sur les morts, afin qu’elle ne se relève point ; que cependant le bien de la charité soit le principal de l’Église, c’est ce que peuvent voir, les yeux ouverts, ceux qui n’ont point bouché le chemin du Ciel à leur entendement en se confirmant, à l’égard de la foi, qu’elle seule constitue l’Église et, à l’égard de la pensée, qu’elle seule constitue l’homme. Maintenant, puisque le Bien de la charité vient du Seigneur, et que le Vrai de la foi est chez l’homme comme venant de lui, et que les deux font la conjonction du Seigneur avec l’homme et de l’homme avec le Seigneur, telle qu’elle est entendue par les paroles du Seigneur, que Lui-Même est en eux, et eux en Lui, – Jean, XV, 4, 5, – il est évident que cette conjonction est l’Église.

127. VIII. Mais il y a correspondance avec l’Amour conjugal, la sémination, la prolification, l’amour des enfants, et autres choses semblables qui sont dans les Mariages, et qui en procèdent. Ces choses, toutefois, sont des arcanes trop profonds pour pouvoir entrer dans l’entendement avec quelque lumière, à moins qu’elles ne soient précédées d’une connaissance de la Correspondance ; si la Correspondance n’est pas dévoilée à l’entendement, il est impossible que les choses qui sont dans cet Article soient comprises, de quelque manière qu’on les explique. Mais ce que c’est que la Correspondance, et qu’il y ait correspondance entre les choses naturelles et les choses spirituelles, c’est ce qui a été amplement montré dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, et aussi dans les ARCANES CÉLESTES, et spécialement dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, et particulièrement dans un MÉMORABLE qui la concerne, et qu’on trouvera plus bas. Avant qu’on ait puisé quelque connaissance sur ce sujet, il sera seulement présenté devant l’entendement, comme dans une ombre, ce petit nombre de particularités : Que l’Amour conjugal correspond à l’Affection du vrai réel, à sa chasteté, à sa pureté et à sa sainteté ; que la Sémination correspond à la puissance du vrai ; que la Prolification correspond à la propagation du vrai : et que l’Amour des enfants correspond à la défense du vrai et du bien. Maintenant, puisque le Vrai chez l’homme se présente comme étant à lui, et que le Bien lui est adjoint par le Seigneur, il est évident que ces Correspondances sont celles de l’homme Naturel ou Externe avec l’homme Spirituel ou Interne : mais quelque lumière sera répandue sur ce sujet dans les MÉMORABLES qui suivent.

128. IX. La Parole est le Médium de conjonction, parce qu’elle vient du Seigneur, et est ainsi le Seigneur. Si la Parole est le Médium de conjonction du Seigneur avec l’homme, et de l’homme avec le Seigneur, c’est parce que dans son essence elle est le Divin Vrai uni au Divin Bien, et le Divin Bien uni au Divin Vrai ; que cette union soit dans toutes et dans chacune des choses de la Parole dans son sens céleste et dans son sens spirituel, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 373, 483, 689, 881 ; d’où il suit que la Parole est le parfait Mariage du bien et du vrai ; et comme elle vient du Seigneur, et que ce qui vient de Lui est aussi Lui-même, il s’ensuit que quand l’homme lit la Parole, et qu’il en tire des vrais, le Seigneur adjoint le bien ; en effet, l’homme ne voit pas les biens qui affectent, parce qu’il la lit d’après l’entendement, et que l’entendement n’y puise que les choses qui lui appartiennent, lesquelles sont des vrais ; que le bien y soit adjoint par le Seigneur, l’entendement le sent d’après le plaisir qui influe quand il est illustré, mais cela n’a lieu intérieurement que chez ceux qui la lisent dans le but de devenir sages, et le but de devenir sages est en ceux qui veulent y apprendre des vrais réels, et par ces vrais former chez eux l’Église : mais ceux qui la lisent seulement pour obtenir une renommée d’érudition, et ceux qui la lisent dans l’opinion que seulement la lire ou l’entendre lire inspire la foi et conduit au salut, ne reçoivent aucun bien du Seigneur, parce que ceux-ci ont pour but de se sauver par des expressions seules de la Parole, dans lesquelles il n’y a pas quelque chose du vrai ; et que ceux-là ont pour but de se distinguer par l’érudition, but avec lequel ne se conjoint aucun bien spirituel, mais seulement le plaisir naturel qui procède de la gloire du Monde. Comme la Parole est le Médium de conjonction, c’est pour cela qu’elle est appelée l’Alliance, Ancienne et Nouvelle ; et l’Alliance signifie la conjonction.

129. X. L’Église vient du Seigneur, et elle est chez ceux qui s’adressent à Lui, et vivent selon Ses préceptes. Aujourd’hui on ne nie pas que l’Église n’appartienne au Seigneur, et que, puisqu’elle appartient au Seigneur, elle ne vienne du Seigneur : si elle est chez ceux qui s’adressent à Lui, c’est parce que son Église, dans le Monde Chrétien, existe par la Parole, et que la Parole vient de Lui, et tellement de Lui qu’elle est Lui-Même ; le Divin Vrai y est uni au Divin Bien, et cela aussi est le Seigneur ; il n’est pas entendu autre chose par la Parole, qui était chez Dieu, et qui était Dieu, de laquelle les hommes tiennent la Vie et la Lumière, et qui a été faite Chair, – Jean, 1. 1 à 14. – Et de plus, si l’Église est chez ceux qui s’adressent à Lui, c’est parce qu’elle est chez ceux qui croient en Lui ; or, croire qu’il est Dieu Sauveur et Rédempteur, qu’il est Jéhovah la Justice ; qu’il est la Porte par laquelle on doit entrer dans la Bergerie, c’est-à-dire, dans l’Église ; qu’il est le Chemin, la Vérité et la Vie ; que personne ne vient au Père que par Lui ; que le Père et Lui sont un, outre plusieurs autres choses que Lui-Même enseigne ; croire, dis-je, ces choses, personne ne le peut que par Lui ; si on ne le peut, à moins qu’on ne s’adresse à Lui, c’est parce qu’il est le Dieu du Ciel et de la Terre, comme il l’enseigne encore ; en est-il un autre à qui l’on doive s’adresser ? en est-il un autre à qui l’on puisse s’adresser ? Si l’Église est chez ceux qui vivent selon ses préceptes, c’est parce qu’il n’y a pas conjonction avec les autres ; car il dit : « Celui qui a mes préceptes et les fait, c’est celui-là qui M’aime, et Moi je l’aimerai, et demeure chez lui je ferai ; mais celui qui ne M’aime pas, mes préceptes ne garde pas. » – Jean, XlV. 21 à 24 ; – l’amour est la conjonction, et la conjonction avec le Seigneur est l’Église.

130. XI. L’Amour conjugal est selon l’état de l’Église, parce qu’il est selon l’état de la Sagesse chez l’homme. Que l’Amour conjugal soit selon l’état de la Sagesse chez l’homme, cela a déjà été dit très-souvent et sera dit très-souvent dans la suite ; ici donc il sera montré avec lumière ce que c’est que la Sagesse, et que la Sagesse fait un avec l’Église : « Chez l’homme il y a la Science, l’intelligence et la Sagesse ; la Science appartient aux connaissances, l’intelligence à la raison, et la Sagesse à la vie ; la Sagesse, considérée dans son plein, appartient en même temps aux connaissances, à la raison et à la vie ; les Connaissances précèdent, la Raison est formée par elles, et la Sagesse l’est par celles-là et par celle-ci, et alors que rationnellement on vit selon les vérités qui sont les connaissances : la Sagesse appartient donc et à la raison et à la vie en même temps, et devient Sagesse lorsqu’elle appartient à la raison et par suite à la vie, mais elle est Sagesse lorsqu’elle est parvenue à appartenir à la vie et par suite à la raison. Les Très-Anciens, dans ce Monde, n’ont pas reconnu d’autre Sagesse que la sagesse de la vie ; celle-ci était la sagesse de ceux qui ont été jadis appelés SOPHI (sages) ; mais, après ces Très-Anciens, les Anciens ont reconnu pour sagesse la sagesse de la raison, et ceux-ci ont été appelés PHILOSOPHES : aujourd’hui, cependant, plusieurs appellent même sagesse la science ; car les savants, les érudits, et les demi-savants (scii) sont appelés sages ; ainsi du sommet de sa montagne la Sagesse est tombée dans sa vallée. Quant à ce que c’est que la Sagesse à sa naissance, dans son progrès et par suite dans son état plein, il en sera aussi parlé en quelques mots. Les choses qui concernent l’Église, et sont appelées Spirituelles, résident dans les intimes chez l’homme ; celles qui concernent la République, et sont appelées Civiles, ont leur place au-dessous ; et celles qui concernent la science, l’expérience et l’art, et sont appelées Naturelles, constituent le siège des précédentes : si les choses qui concernent l’Église, et sont appelées spirituelles, résident dans les intimes chez l’homme, c’est parce qu’elles se conjoignent avec le Ciel, et par le Ciel avec le Seigneur, car du Seigneur par le Ciel il n’en entre pas d’autres chez l’homme ; si celles qui concernent la République, et sont appelées civiles, tiennent la place au-dessous des spirituelles, c’est parce qu’elles se conjoignent avec le Monde ; en effet, elles appartiennent au Monde, car ce sont des statuts, des lois et des règlements, qui lient les hommes, afin que par elles la Société et la Cité soient dans un état régulier et convenable ; si celles qui concernent la science, l’expérience et l’art, et sont appelées Naturelles, constituent le siège des précédentes, c’est parce qu’elles se conjoignent étroitement avec les cinq sens du corps, et ceux-ci sont les derniers, sur lesquels sont pour ainsi dire assis les intérieurs qui appartiennent au mental, et les intimes qui appartiennent à l’âme. Maintenant, puisque les choses qui concernent l’Église, et sont appelées spirituelles, résident dans les intimes, et puisque celles qui résident dans les intimes font la tête, et que celles qui les suivent, appelées civiles, font le corps, et les dernières, appelées naturelles, les pieds, il est évident que quand ces trois genres de choses se suivent dans leur ordre, l’homme est homme parfait ; car alors elles influent de la même manière que les choses qui appartiennent à la tête influent dans le corps, et par le corps dans les pieds ; ainsi, les Spirituelles dans les Civiles et par les civiles dans les Naturelles. Or, comme les Spirituelles sont dans la lumière du Ciel, il est évident que par leur lumière elles illustrent celles qui suivent en ordre, et que par leur chaleur, qui est l’amour, elles les animent ; et quand cela a lieu, l’homme possède la sagesse. Puisque la Sagesse appartient à la vie, et par suite à la raison, comme il a été dit ci-dessus, on demande ce que c’est que la sagesse de la vie : Cette sagesse, dans un aperçu sommaire, consiste à fuir les maux, parce qu’ils sont nuisibles à l’Âme, nuisibles à la République et nuisibles au Corps, et à faire les biens, parce qu’ils sont profitables à l’Âme, à la République et au Corps. C’est là la Sagesse qui est entendue par la sagesse avec laquelle l’Amour conjugal se lie : car il se lie, par cela qu’il fuit le mal de l’adultère comme la peste de l’âme, de la république et du corps ; et comme cette Sagesse a son origine dans les choses spirituelles qui appartiennent à l’Église, il s’ensuit que l’Amour conjugal est selon l’état de l’Église chez l’homme, parce qu’il est chez lui selon l’état de la sagesse ; par là est aussi entendu ce qui a été fréquemment dit ci-dessus, que, autant l’homme devient spirituel, autant il est dans l’Amour vraiment conjugal ; car l’homme devient spirituel par les choses spirituelles de l’Église. » On verra ci-dessous, Nos 163, 164, 165, de plus grands développements sur la Sagesse avec laquelle se conjoint l’amour conjugal.

131. XII. Et comme l’Église vient du Seigneur, l’Amour conjugal vient aussi du Seigneur. Ceci étant la conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, il est inutile de le confirmer davantage. De plus, tous les Anges du Ciel attestent que l’Amour vraiment conjugal vient du Seigneur ; et aussi, que cet Amour est selon l’état de la sagesse, et l’état de la sagesse selon l’état de l’Église chez eux. Que les anges du Ciel attestent ces choses, on le voit dans les MÉMORABLES qui sont après les Chapitres, et qui contiennent des choses vues et entendues dans le Monde spirituel.

 

 

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132. À ce qui précède j’ajouterai ces deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour je m’entretins avec deux Anges, l’un était du Ciel oriental et l’autre du Ciel méridional ; lorsqu’ils perçurent que je méditais sur les Arcanes de la sagesse concernant l’Amour conjugal, ils me dirent : « As-tu quelque connaissance des JEUX DE LA SAGESSE dans notre Monde ? » Je répondis : « Pas encore » ; et ils dirent : « Il y en a plusieurs, et ceux qui aiment les vrais d’après l’affection spirituelle, ou parce que ce sont des vrais et que la sagesse existe par les vrais, se réunissent à un signal donné, et ils agitent et décident des questions qui appartiennent à un entendement très-profond. » Alors ils me prirent par la main, en disant : « Suis-nous, et tu verras et tu entendras ; le signal de la réunion a été donné aujourd’hui. » Je fus conduit à travers une plaine vers une Colline ; et voici, au pied de la colline, un Portique de palmiers, continué jusqu’à son sommet ; nous y entrâmes et nous montâmes ; et sur la tête ou le sommet de la Colline je vis un Bocage, dont les arbres sur une élévation du sol formaient une sorte de Théâtre, au dedans duquel était un plan pavé de petites pierres de diverses couleurs ; autour de ce plan en forme carrée avaient été placés des Sièges sur lesquels étaient assis des amateurs de la sagesse ; et dans le milieu du Théâtre était une Table, sur laquelle avait été placé un Papier cacheté. Ceux qui étaient assis sur les Sièges nous invitèrent à prendre des Sièges encore vacants, et je répondis : « J’ai été conduit ici par deux Anges pour voir et entendre, et non pour m’asseoir. » Et alors ces deux Anges allèrent un milieu du plan vers la Table, et ils rompirent le cachet du papier, et ils lurent devant ceux qui étaient assis les arcanes de la sagesse écrits sur le papier, lesquels allaient être agités et développés ; ils avaient été écrits par des Anges du Troisième Ciel, et envoyés de là sur la table ; il y avait là trois Arcanes, le PREMIER : Qu’est-ce que l’Image de Dieu, et qu’est-ce que la Ressemblance de Dieu, selon lesquelles l’homme a été créé ? Le SECOND : Pourquoi l’homme ne naît-il dans la science d’aucun amour, lorsque cependant les Bêtes et les Oiseaux, tant nobles qu’ignobles, naissent dans les sciences de tous leurs amours ? Le TROISIÈME : Que signifie l’Arbre de vie ; que signifie l’Arbre de la science du bien et du mal ; et que signifie l’Action de manger de ces arbres ? Au bas était écrit : Réunissez les trois décisions dans une seule sentence, et écrivez-la sur un nouveau Papier, et replacez-le sur cette table, et nous verrons ; si la sentence, dans la balance, paraît de poids et juste, le prix de la sagesse sera donné à chacun de vous. Après cette lecture les deux Anges se retirèrent, et ils furent enlevés dans leurs Cieux. Et alors ceux qui étaient assis sur les Sièges commencèrent à agiter et à développer les Arcanes qui leur étaient proposés ; et ils parlèrent en ordre ; d’abord, ceux qui étaient assis au Septentrion, ensuite ceux qui étaient à l’Occident, puis ceux qui étaient au Midi, et enfin ceux qui étaient à l’Orient ; et ils prirent le Premier sujet de discussion, qui était : QU’EST-CE QUE L’IMAGE DE DIEU ; ET QU’EST-CE QUE LA RESSEMBLANCE DE DIEU, SELON LESQUELLES L’HOMME À ÉTÉ CRÉÉ ? Et alors on lut d’abord devant tous les assistants ces passages du Livre de la Création ; « Dieu dit : Faisons l’homme à NOTRE IMAGE, selon NOTRE RESSEMBLANCE : et Dieu créa l’homme à SON IMAGE, à L’IMAGE DE DIEU il le créa. – Gen. I. 26, 27. – « Au jour que Dieu créa l’homme, à LA RESSEMBLANCE DE DIEU il le fit. – Gen. V. 1. – Ceux qui étaient assis au Septentrion parlèrent d’abord, disant que l’Image de Dieu et la Ressemblance de Dieu sont les deux Vies inspirées en l’homme par Dieu, c’est-à-dire, la Vie de la volonté et la Vie de l’entendement, car on lit : « Jéhovah Dieu inspira dans les narines d’Adam une âme de Vies ; et fut fait l’homme en Âme vivante. » – Gen. II. 7 ; – dans les narines, c’est dans la perception, que la volonté du bien et l’entendement du vrai, et ainsi une Âme de vies, étaient en lui ; et comme la vie lui a été inspirée par Dieu, l’Image et la Ressemblance de Dieu signifient l’Intégrité en lui d’après la Sagesse et l’Amour, et d’après la Justice et le Jugement. Ceux qui siégeaient à l’Occident étaient favorables à cette opinion, en ajoutant cependant que cet état d’intégrité, inspiré en lui par Dieu, est continuellement inspiré à chaque homme après lui ; mais que dans l’homme il est comme dans un réceptacle et que l’homme selon qu’il est réceptacle, est image et ressemblance de Dieu. Ensuite les Troisièmes en ordre, à savoir, ceux qui siégeaient au Midi, dirent : « L’image de Dieu et la Ressemblance de Dieu sont deux choses distinctes, mais unies dans l’homme par création ; et nous voyons comme par une lumière intérieure que l’homme peut détruire l’image de Dieu, mais non la ressemblance de Dieu : cela se présente comme à travers un voile, en ce qu’Adam a retenu la ressemblance de Dieu, après qu’il eut perdu l’image de Dieu, car après la malédiction, on lit ces paroles : « Voici, l’homme est comme l’un de nous, sachant le bien et le mal. » – Gen. III. 22. – Et ensuite il est appelé Ressemblance de Dieu, et non plus Image de Dieu. – Gen. V. 1. – Mais laissons dire à nos consociés qui siègent à l’Orient, et sont par conséquent dans une lumière supérieure, ce qu’est proprement l’Image de Dieu, et ce qu’est proprement la Ressemblance de Dieu. » Et alors, après que le silence fut établi, ceux qui étaient assis à l’Orient se levèrent de leurs sièges, et ils portèrent leurs regards vers le Seigneur, et ensuite ils se replacèrent sur leurs sièges, et dirent : « L’Image de Dieu est le Réceptacle de Dieu, et Dieu étant l’Amour même et la Sagesse même, l’Image de Dieu est le Réceptacle de l’amour et de la sagesse qui procèdent de Dieu dans l’homme ; mais la Ressemblance de Dieu est la parfaite ressemblance et la pleine apparence, comme si l’amour et la sagesse étaient dans l’homme, et par suite absolument comme s’ils lui appartenaient ; car l’homme ne peut faire autrement que de sentir qu’il aime par lui-même et qu’il est sage par lui-même, ou qu’il veut le bien et comprend le vrai par lui-même, lorsque cependant ce n’est pas en la moindre chose par lui-même, mais c’est par Dieu ; Dieu Seul aime par lui-même et est sage par lui-même, parce que Dieu est l’Amour même et la Sagesse même ; la ressemblance ou l’apparence que l’amour et la sagesse, ou le bien et le vrai, sont dans l’homme comme lui appartenant, fait que l’homme est homme, et qu’il peut être conjoint à Dieu, et ainsi vivre pour l’éternité ; il suit de là que l’homme est homme, en ce qu’il peut vouloir le bien et comprendre le vrai absolument comme par lui-même, et néanmoins savoir et croire que c’est par Dieu ; car à mesure qu’il sait cela et le croit, Dieu place son image dans l’homme ; il en serait autrement s’il croyait que c’est par lui-même et non par Dieu. » Après qu’ils eurent ainsi parlé, le zèle que produit l’amour de la vérité les saisit, et ils prononcèrent ces paroles : « Comment l’homme peut-il recevoir quelque chose de l’amour et de la sagesse, et le retenir et le reproduire, s’il ne le sent pas comme lui appartenant ? Et comment peut-il exister une conjonction avec Dieu par l’amour et par la sagesse, s’il n’a pas été donné à l’homme quelque réciproque de conjonction ? car sans un réciproque aucune conjonction ne peut exister ; et le réciproque de la conjonction est que l’homme aime Dieu et goûte les choses qui sont de Dieu comme par lui-même, et croie cependant que c’est par Dieu ; puis, comment l’homme peut-il vivre pour l’éternité, s’il n’a pas été conjoint à Dieu éternel ? Et par conséquent comment l’homme peut-il être homme sans cette ressemblance de Dieu en lui ? » À ces mots tous applaudirent, et dirent : « Qu’il soit tiré une conclusion de ce qui vient d’être dit » ; et l’on en tira celle-ci : « L’homme est le réceptacle de Dieu, et le Réceptacle de Dieu est l’Image de Dieu ; et comme Dieu est l’Amour même et la Sagesse même, l’homme est le réceptacle de l’amour et de la sagesse, et le Réceptacle devient l’Image de Dieu selon qu’il reçoit : et l’homme est la Ressemblance de Dieu, en ce qu’il sent en lui que les choses qui viennent de Dieu sont en lui comme si elles lui appartenaient ; mais néanmoins par cette Ressemblance il n’est l’Image de Dieu qu’autant qu’il reconnaît que l’amour et la sagesse, ou le bien et le vrai, en lui, ne sont point à lui, et ainsi ne viennent pas non plus de lui, mais sont seulement dans Dieu, et viennent par conséquent de Dieu. »

133. Après cela, ils prirent le second objet de la discussion : POURQUOI L’HOMME NE NAÎT-IL DANS LA SCIENCE D’AUCUN AMOUR, LORSQUE CEPENDANT LES BÊTES ET LES OISEAUX, TANT NOBLES QU’IGNOBLES, NAISSENT DANS LES SCIENCES DE TOUS LEURS AMOURS ? D’abord, ils confirmèrent la vérité de la proposition par divers moyens ; par exemple, au sujet de l’homme, qu’il ne naît dans aucune science, pas même dans la science de l’amour conjugal ; et ils s’informèrent, et des observateurs leur apprirent que l’enfant ne peut pas même par une science innée s’approcher de la mamelle de la mère ; mais que c’est la mère ou la nourrice qui l’en approche ; que seulement il sait téter, et qu’il a appris cela par une continuelle succion dans l’utérus ; que plus tard il ne sait ni marcher, ni articuler le son en aucune parole humaine, ni même exprimer par des sons, comme les bêtes, l’affection de son amour ; qu’en outre, il ne connaît aucun des aliments qui lui conviennent, comme les connaissent toutes les bêtes, mais qu’il prend ce qu’il rencontre, que ce soit propre ou sale, et le met dans sa bouche : ces observateurs dirent que l’homme, sans l’instruction, ne sait pas même discerner le sexe, ni absolument rien concernant les manières de l’aimer ; pas même les jeunes filles et les jeunes garçons sans en être instruits par d’autres, quoiqu’ils aient été élevés dans diverses sciences : en un mot, l’homme naît corporel comme le ver ; et il demeure corporel, à moins qu’il n’apprenne par d’autres à savoir, à comprendre et à devenir sage. Après cela, ils confirmèrent que les Bêtes, tant nobles qu’ignobles, comme les animaux de la terre, les oiseaux du ciel, les reptiles, les poissons, les vers qu’on appelle insectes, naissent dans toutes les sciences des amours de leur vie ; par exemple, dans tout ce qui concerne la nutrition, dans tout ce qui concerne l’habitation, dans tout ce qui concerne l’amour du sexe et la prolification, et dans tout ce qui concerne l’éducation de leurs petits : ils confirmaient cela par des merveilles qu’ils rappelaient dans leur mémoire d’après ce qu’ils avaient vu, entendu et lu dans le Monde naturel (c’est ainsi qu’ils appellent notre Monde), où ils avaient précédemment vécu, et dans lequel il y a des bêtes non pas représentatives mais réelles. Après que la vérité de la proposition eut été ainsi prouvée, ils appliquèrent leurs mentals à rechercher et à trouver les fins et les causes, par lesquelles ils développeraient et découvriraient cet Arcane ; et ils dirent tous : « Cela ne peut exister ainsi que d’après la Divine Sagesse, afin que l’homme soit homme, et que la bête soit bête ; et qu’ainsi l’imperfection de naissance de l’homme en vienne la perfection, et que la perfection de naissance de la bête en soit l’imperfection. »

134. Alors, ceux du SEPTENTRION commencèrent d’abord à donner leur opinion, et ils dirent que l’homme naît sans les sciences, afin qu’il puisse les recevoir toutes, tandis que s’il naissait dans les sciences, il ne pourrait en recevoir d’autres que celles dans lesquelles il serait né, et qu’alors il ne pourrait non plus s’en approprier aucune ; ils illustraient cela par cette comparaison : L’homme à sa naissance est comme un humus dans lequel aucune semence n’a été répandue, mais qui néanmoins peut recevoir toutes semences, et les faire croître et fructifier ; la bête, au contraire, est comme un humus déjà ensemencé, et rempli de gramen et d’herbes, lequel ne reçoit d’autres semences que celles qui y sont semées ; si d’autres lui étaient confiées, ils les étoufferaient ; de là vient que l’homme, pour acquérir toute sa croissance, emploie plusieurs années, pendant lesquelles il peut, comme un humus, être cultivé et produire comme des moissons, des fleurs et des arbres de toute espèce, tandis que la bête acquiert sa croissance en très-peu d’années, pendant lesquelles elle ne peut être cultivée que dans les sciences qu’elle a reçues en naissant. Ensuite ceux de l’OCCIDENT parlèrent, et ils dirent : « L’homme ne naît pas Science, comme la bête, mais il naît Faculté et Inclination, faculté pour savoir, et inclination pour aimer ; il naît faculté non-seulement pour savoir, mais aussi pour comprendre et devenir sage, et il naît inclination très-parfaite non-seulement pour aimer les choses qui sont de lui et du monde, mais aussi celles qui sont de Dieu et du Ciel ; en conséquence par ses parents l’homme naît Organe, vivant seulement par les sens externes, et d’abord sans aucun sens interne, afin que successivement il devienne homme, d’abord naturel, ensuite rationnel et enfin spirituel ; ce qui n’arriverait pas s’il naissait dans les sciences et dans les amours comme les bêtes ; en effet, les sciences et les affections innées (connatæ) limitent cette progression, mais la faculté et l’inclination innées ne limitent rien ; c’est pour cela que l’homme peut être perfectionné par la science, l’intelligence et la sagesse pendant l’éternité. » Ceux du MIDI parlèrent ensuite, et ils émirent leur opinion, en disant : « Il est impossible à l’homme d’acquérir de lui-même aucune science, mais c’est d’après les autres qu’il doit acquérir la science, puisqu’aucune science n’est innée (connata) en lui ; et comme il ne peut acquérir de lui-même aucune science, il ne peut non plus acquérir aucun amour, puisque, où n’est pas la science, là n’est pas l’amour ; la science et l’amour sont des compagnons indivisibles, et ne peuvent pas plus être séparés que la volonté et l’entendement, ou l’affection et la pensée, enfin pas plus que l’essence et la forme ; à mesure donc que l’homme acquiert des autres la science, l’amour s’y adjoint comme compagnon de la science ; l’amour universel qui s’adjoint est l’amour de savoir, de comprendre et de devenir sage ; cet amour est propre à l’homme seul, et non à aucune bête, et il influe de Dieu. Nous convenons, avec nos compagnons de l’Occident, que l’homme ne naît dans aucun amour, ni par conséquent dans aucune science, mais qu’il naît seulement dans l’inclination à aimer, et par suite dans la faculté de recevoir les sciences, non de lui-même, mais d’après d’autres, c’est-à-dire, par l’intermédiaire des autres ; il est dit par l’intermédiaire des autres, car eux aussi n’ont reçu d’eux-mêmes rien de la science, mais ont reçu de Dieu. Nous convenons aussi, avec nos compagnons du Septentrion, que l’homme à sa naissance est comme un humus dans lequel aucune semence n’a été répandue, mais où peuvent être semées toutes choses tant nobles qu’ignobles. À cela nous ajoutons que les Bêtes naissent dans les amours naturels, et par suite dans les sciences qui y correspondent, et que néanmoins elles ne savent, ne pensent, ne comprennent et ne goûtent aucune chose provenant de ces sciences, mais qu’au moyen de ces sciences elles sont conduites par leurs amours à peu près comme les aveugles dans les rues par des chiens, car elles sont aveugles quant à l’entendement ; ou plutôt elles sont comme des somnambules qui font ce qu’ils font d’après une science aveugle, l’entendement étant assoupi. » Ceux de l’ORIENT parlèrent en dernier lieu, et dirent : « Nous consentons aux opinions que nos frères ont émises, que l’homme ne sait rien de lui-même, mais qu’il sait d’après les autres et par l’intermédiaire des autres, afin qu’il connaisse et reconnaisse que tout ce qu’il sait, comprend et a de sagesse vient de Dieu ; et qu’autrement l’homme ne peut être conçu, naître et être engendré du Seigneur, ni devenir son image et sa ressemblance ; car il devient l’image du Seigneur, en ce qu’il reconnaît et croit qu’il a reçu et reçoit du Seigneur, et non de lui-même, tout bien de l’amour et de la charité, et tout vrai de la sagesse et de la foi ; et il est la ressemblance du Seigneur, en ce qu’il sent en lui ce bien et ce vrai comme venant de lui-même ; il sent cela, parce qu’il ne naît point dans les sciences, mais les reçoit, et qu’il lui semble que ce qu’il reçoit vient de lui ; le Seigneur donne même à l’homme de sentir ainsi, afin qu’il soit homme et non bête, puisque par cela qu’il veut, pense, aime, sait, comprend et devient sage comme de lui-même, il reçoit les sciences, et les exalte en intelligence, et par leurs usages, en sagesse ; ainsi le Seigneur conjoint l’homme à Lui, et l’homme se conjoint au Seigneur : ces choses n’auraient pu se faire, si le Seigneur n’avait pas pourvu à ce que l’homme naquît dans une ignorance totale. » Après ces paroles, tous voulurent qu’on formât une Conclusion de ce qui venait d’être dit, et l’on forma celle-ci : « L’homme ne naît dans aucune science, afin qu’il puisse venir dans toute science, et faire des progrès dans l’intelligence, et par l’intelligence dans la sagesse ; et il ne naît dans aucun amour, afin qu’Il puisse venir dans tout amour, par les applications des sciences d’après l’intelligence, et dans l’amour envers le Seigneur par l’amour à l’égard du prochain, et ainsi être conjoint au Seigneur, et par là devenir homme, et vivre pour l’éternité. »

135. Ensuite, ils prirent le Papier et lurent le troisième Objet de discussion, à savoir : QUE SIGNIFIE L’ARBRE DE VIE ; QUE SIGNIFIE L’ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL ; ET QUE SIGNIFIE L’ACTION DE MANGER DE CES ARBRES ? et ils demandèrent tous que ceux qui étaient de l’Orient développassent cet Arcane, parce qu’il est d’un entendement plus profond, et parce que ceux qui sont de l’Orient sont dans la lumière enflammée, c’est-à-dire, dans la sagesse de l’amour ; et cette sagesse est entendue par le Jardin d’Éden, dans lequel ces deux Arbres avaient été placés ; et ceux-ci répondirent : « Nous allons parler, mais comme l’homme ne prend rien de lui-même, et tire tout du Seigneur, nous parlerons d’après Lui, mais néanmoins d’après nous comme si c’était d’après nous-mêmes » ; et alors ils dirent : « L’Arbre signifie l’homme, et son fruit le bien de la vie ; de là par l’Arbre de vie est signifié l’homme vivant par Dieu, ou Dieu vivant dans l’homme ; et comme l’amour et la sagesse, et la charité et la foi, ou le bien et le vrai, font la vie de Dieu dans l’homme, par l’Arbre de vie sont signifiées ces choses, et par suite la vie éternelle pour l’homme. L’Arbre de vie dont il sera donné de manger, – Apoc. II. 7. XXII. 2, 14, – a la même signification. Par l’Arbre de la science du bien et du mal est signifié l’homme qui croit vivre par soi, et non par Dieu ; ainsi, qui croit que l’amour et la sagesse, la charité et la foi, c’est-à-dire, le bien et le vrai, qui sont dans l’homme sont de lui, et non de Dieu, croyant cela parce qu’il pense et veut, parle et agit en toute ressemblance et en toute apparence comme par lui-même ; et comme l’homme d’après cette croyance se persuade que Dieu s’est mis en lui ou a infusé son Divin en lui, c’est pour cela que le Serpent a dit : Dieu sait qu’au jour que vous mangerez du fruit de cet arbre, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme Dieu sachant le bien et le mal. – Gen. III. 5. – L’Action de manger de ces arbres signifie la réception et l’appropriation ; l’action de manger de l’arbre de vie, la réception de la vie éternelle ; et l’action de manger de l’arbre de la science du bien et du mal, la réception de la damnation ; c’est même pour cela qu’Adam et son Épouse ont été maudits l’un et l’autre en même temps que le Serpent ; par le Serpent est entendu le diable quant à l’amour de soi et au faste de la propre intelligence ; et cet amour est le possesseur de cet arbre, et les hommes qui sont dans le faste d’après cet amour sont ces arbres. Ils sont donc dans une grande erreur ceux qui croient qu’Adam a été sage et a fait le bien par lui-même, et que ce fut là son état d’intégrité, lorsque cependant cet Adam a été maudit à cause de cette croyance ; car cela est signifié par manger de l’arbre de la science du bien et du mal ; c’est pour cela qu’alors il tomba de l’état d’intégrité, dans lequel il avait été quand il croyait être sage et faire le bien d’après Dieu et nullement par lui-même, car ceci est entendu par manger de l’Arbre de vie. Le Seigneur Seul, étant dans le Monde, a été sage par Lui-Même et a fait le bien par Lui-Même, parce que par naissance le Divin Même était en Lui et Lui appartenait, aussi est-ce pour cela que par la propre puissance il est devenu Rédempteur et Sauveur. » De tout ce qu’ils venaient de dire ils firent cette Conclusion : « Par l’Arbre de vie, et par l’Arbre de la science du bien et du mal, et par l’Action de manger de ces arbres, il est signifié que la Vie pour l’homme est Dieu en lui, et qu’alors il a le Ciel et la Vie éternelle ; et que la Mort pour l’homme est la persuasion et la croyance que la vie pour l’homme est non pas Dieu, mais lui-même, d’où il a l’Enfer et la Mort éternelle, qui est la damnation. »

136. Après cela, ils examinèrent le Papier laissé par les Anges sur la table, et ils virent écrit au bas : RÉUNISSEZ LES TROIS DÉCISIONS EN UNE SEULE SENTENCE ; et alors ils les rassemblèrent, et ils virent qu’elles se réunissaient toutes trois en une seule série, et que cette série ou cette sentence était celle-ci : « L’homme a été créé pour recevoir de Dieu l’amour et la sagesse, et cependant en toute ressemblance comme de lui-même, et cela à cause de la réception et de la conjonction ; et c’est pour cela que l’homme ne naît dans aucun amour, ni dans aucune science, ni même dans aucune puissance d’aimer et de devenir sage par lui-même ; c’est pourquoi s’il attribue tout bien de l’amour et tout vrai de la sagesse à Dieu, il devient Homme vivant ; mais s’il se les attribue à lui-même, il devient homme mort. » Ils écrivirent ces paroles sur un nouveau Papier, et le placèrent sur la Table : et voici, aussitôt les Anges furent présents dans une nuée d’une blancheur éclatante, et ils portèrent le papier dans le Ciel ; et après qu’il y eut été lu, ceux qui étaient assis sur les sièges entendirent de là des voix : « Bien, bien, bien. » Et aussitôt il apparut un Ange qui semblait voler, ayant comme deux ailes aux pieds et deux aux tempes ; il avait à la main des prix, qui consistaient en Robes, en Bonnets et en Couronnes de laurier ; et il descendit, et il donna à ceux qui étaient assis au Septentrion des Robes de couleur opale ; à ceux qui étaient à l’Occident, des Robes de couleur écarlate ; à ceux qui étaient au Midi, des Bonnets dont le tour était orné de bandes en or et en perles, et dont l’élévation du côté gauche était enrichie de diamants taillés en forme de fleurs ; mais à ceux qui étaient à l’Orient il donna des Couronnes de laurier dans lesquelles étaient des rubis et des saphirs. Tous, décorés de ces prix, s’en allèrent du Jeu de la sagesse chez eux ; et quand ils furent en vue de leurs épouses, elles vinrent à leur rencontre, décorées aussi d’ornements donnés du Ciel, ce qui étonna beaucoup leurs maris.

137. SECOND MÉMORABLE : Un jour que je méritais sur l’Amour conjugal, voici, de loin apparurent deux enfants nus, avec des corbeilles dans les mains, et autour d’eux des tourterelles qui volaient ; et quand ils furent vus de plus près, ils paraissaient toujours nus, mais décemment parés de guirlandes ; des couronnes de fleurs ornaient leurs têtes, et des écharpes de lis et de roses couleur hyacinthe, qui pendaient obliquement des épaules aux lombes, décoraient leur poitrine, et autour des deux il y avait une sorte de lien commun, composé de feuillages parsemés d’olives. Mais quand ils furent encore plus près, ils apparurent non plus comme des enfants, ni nus, mais comme deux personnes dans la première fleur de l’âge, vêtus de robes et de tuniques de soie brillante, brodées avec des fleurs de la plus grande beauté ; et lorsqu’ils furent près de moi, il vint du Ciel par eux une chaleur printanière avec une odeur suave, telle que celle que les jardins et les champs exhalent au printemps. C’étaient deux Époux du Ciel ; et alors ils m’adressèrent la parole ; et comme les choses que je venais de voir étaient dans ma pensée, ils me firent cette question : « Qu’as-tu vu ? » Et comme je leur racontais que d’abord je les avais vus comme des enfants nus, ensuite comme des enfants parés de guirlandes, et enfin comme jeunes gens vêtus d’habillements brodés de fleurs, et qu’alors j’avais tout à coup senti une chaleur printanière avec ses délices, ils sourirent avec grâce, et dirent : « Nous, dans la route, nous nous sommes vus non pas comme des enfants, ni nus, ni avec des guirlandes, mais continuellement dans la même apparence que maintenant ; et c’est ainsi que de loin a été représenté notre amour conjugal ; son état d’innocence, en ce que nous avons été vus comme des enfants nus ; ses délices, par les guirlandes ; et les mêmes délices maintenant, par les fleurs dont nos robes et nos tuniques sont parsemées, et comme tu as dit que quand nous fûmes près de toi, tu as senti une chaleur printanière avec son odeur agréable telle que celle qui s’exhale d’un jardin, nous en dirons la cause. » Et ils dirent : « Nous sommes Époux depuis des siècles, et nous avons été continuellement dans la fleur de l’âge, dans laquelle tu nous vois ; notre premier état a été comme est le premier état d’une jeune fille et d’un jeune homme quand ils s’unissent par le mariage ; et nous avons cru alors que cet état était la béatitude même de notre vie ; mais nous avons appris par d’autres dans notre Ciel, et plus tard nous-mêmes nous avons perçu, que cet état était celui de la chaleur non tempérée par la lumière, et qu’il est successivement tempéré, à mesure que le mari est perfectionné en sagesse, et que l’épouse aime cette sagesse dans le mari, et que cela a lieu par les usages et selon les usages que l’un et l’autre remplissent par un mutuel secours dans la société ; puis, aussi, que les délices succèdent selon la température de la chaleur et de la lumière, ou de la sagesse et de son amour. Si donc lorsque nous avons été près de toi, tu as senti comme une chaleur printanière, c’est parce que dans notre Ciel l’Amour conjugal et cette chaleur font un, car chez nous la Chaleur est l’Amour, et la Lumière avec laquelle est unie la chaleur est la Sagesse, et l’Usage est comme l’atmosphère, qui dans son sein contient l’une et l’autre ; qu’est-ce que la Chaleur et la Lumière sans leur contenant ? ainsi, qu’est-ce que l’Amour et la Sagesse sans leur usage ? il n’y a point de conjugal en eux, parce qu’il n’y a point de sujet dans lequel ils soient. Dans le Ciel, là où est la chaleur printanière, il y a l’Amour vraiment conjugal ; s’il y est, c’est parce que le printanier n’est que là où la chaleur est unie avec égalité à la lumière, ou bien où il y a autant de chaleur que de lumière ; et nous pensons que, comme la chaleur trouve ses délices avec la lumière, et la lumière les siennes avec la chaleur, de même l’amour trouve ses délices avec la sagesse, et la sagesse les siennes avec l’amour. » De plus il dit : « Chez nous, dans le Ciel, il y a une lumière perpétuelle, et jamais d’ombre du soir, ni à plus forte raison de ténèbres, parce que notre Soleil ne se couche ni ne se lève comme votre soleil, mais il se tient constamment au milieu entre le zénith et l’horizon, c’est-à-dire, selon votre manière de parler, au 45e degré du ciel ; de là vient que la chaleur et la lumière qui procèdent de notre Soleil font un Printemps perpétuel, et qu’un printanier perpétuel inspire ceux chez qui l’amour est uni en égale proportion avec la sagesse ; et notre Seigneur, par l’éternelle union de la chaleur et de la lumière, n’aspire à autre chose qu’aux usages ; de là aussi viennent les germinations de votre terre, et les accouplements de vos volatiles et de vos animaux, dans la saison du printemps ; car la chaleur printanière ouvre leurs intérieurs jusqu’aux intimes, qui sont appelés leurs âmes, et elle les affecte et y introduit son conjugal, et elle fait que leur prolifique vient dans ses délices par un continuel effort pour faire les fruits de l’usage, qui est la propagation de leur espèce. Mais chez les hommes il y a par le Seigneur un perpétuel influx de chaleur printanière ; c’est pour cela qu’ils peuvent en tout temps, même au milieu de l’hiver, jouir des délices du mariage ; car les hommes ont été créés réceptions de la lumière, c’est-à-dire, de la sagesse procédant du Seigneur, et les femmes ont été créées réceptions de la chaleur, c’est-à-dire, de l’amour de la sagesse de l’homme, procédant du Seigneur : de là vient donc que, quand nous avons été près de toi, tu as senti une chaleur printanière avec une odeur suave, telle que celle que les jardins et les champs exhalent au printemps. » Après avoir dit ces paroles, le mari me tendit sa main, et il me conduisit dans les maisons où étaient des époux dans la même fleur de l’âge qu’eux, et il dit : « Ces épouses qui maintenant paraissent comme des jeunes filles ont été, dans le monde, de vieilles femmes, et les maris qui maintenant paraissent comme des jeunes hommes ont été, dans le monde, des vieillards décrépits ; et tous ceux-là ont été ramenés par le Seigneur à cette fleur de l’âge parce qu’ils se sont mutuellement aimés, et qu’ils ont fui par religion les adultères comme des péchés énormes. » Et il ajouta : « Personne ne connaît les plaisirs heureux de l’Amour conjugal, que celui qui rejette les plaisirs horribles de l’adultère, et personne ne peut les rejeter que celui qui est sage par le Seigneur, et personne n’est sage par le Seigneur que celui qui fait des usages par amour des usages. » Je vis aussi alors les ustensiles de leurs maisons ; ils étaient tous dans des formes célestes, et brillaient d’or comme enflammé par les rubis dont ils étaient garnis.

 

 

 

DU CHASTE ET DU NON-CHASTE.

 

 

138. Comme je ne fais encore que commencer à traiter de l’Amour Conjugal en particulier, et que l’Amour conjugal en particulier ne peut être connu que d’une manière indistincte et par conséquent obscure, à moins que son opposé, qui est l’Inchaste, n’apparaisse aussi en quelque sorte, et comme cet Inchaste apparaît en quelque sorte ou dans l’ombre, quand le Chaste est décrit en même temps que le non-Chaste, la non-Chasteté étant seulement un éloignement de l’Inchaste d’avec le Chaste, je vais traiter maintenant du Chaste et du non-Chaste. Quand à l’Inchaste, qui est entièrement opposé au Chaste, il en est traité dans la seconde Partie de cet Ouvrage, où, sous le titre de VOLUPTÉS DE LA FOLIE SUR L’AMOUR SCORTATOIRE, il sera décrit dans toute son étendue et avec ses variétés. Mais ce que c’est que le Chaste et ce que c’est que le non-Chaste, et chez qui prévaut l’un ou l’autre, c’est ce qui va être illustré dans cet ordre. I. Le Chaste et le non-Chaste se disent seulement des Mariages, et des choses qui appartiennent au Mariage. II. Le Chaste se dit seulement des Mariages monogamiques, ou du Mariage d’un homme avec une seule épouse. III. Il n’y a que le Conjugal Chrétien qui soit chaste. IV. L’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même. V. Toutes les délices de l’Amour vraiment conjugal, même les dernières, sont chastes. VI. Chez ceux qui, par le Seigneur, deviennent spirituels, l’Amour conjugal est purifié de plus en plus, et devient chaste. VII. La Chasteté du mariage existe par un renoncement complet aux scortations à cause de la Religion. VIII. La Chasteté ne peut pas se dire des enfants, ni des jeunes garçons et jeunes filles, ni des jeunes gens et vierges, avant qu’ils sentent chez eux l’amour du sexe. IX. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui sont nés Eunuques, ni de ceux qui ont été faits Eunuques. X. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, ni à plus forte raison de ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société. XI. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes. XII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui croient que les Mariages sont inchastes. XIII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ont renoncé aux mariages en se vouant à un perpétuel célibat, à moins qu’il n’y ait et qu’il ne reste en eux un amour de la vie vraiment conjugal. XIV. L’état du mariage doit être préféré à l’état du célibat. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

139. 1. Le Chaste et le non-Chaste se disent seulement des Mariages, et des choses qui appartiennent au Mariage. C’est parce que l’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même, comme il va être expliqué, et que l’Amour opposé, qui est appelé scortatoire, est l’Inchasteté même ; autant donc cet amour-là est purifié de celui-ci, autant il est chaste, car autant son opposé destructif est enlevé ; par là il est évident que c’est la Pureté de l’Amour conjugal qui est appelée Chasteté. Néanmoins il y a un Amour conjugal non-chaste, qui cependant n’est pas l’inchasteté ; par exemple, entre deux Époux, qui, pour diverses raisons externes, s’abstiennent des effets de la lasciveté au point qu’ils n’y pensent pas ; toutefois si cet amour n’a pas été purifié dans leurs esprits, il n’est cependant pas chaste, sa forme est chaste, mais il n’y a pas en lui une essence chaste.

140. Que le Chaste et le non-Chaste se disent des choses qui appartiennent au Mariage, c’est parce que le Conjugal a été inscrit dans l’un et dans l’autre Sexe depuis les intimes jusqu’aux derniers, et que l’homme quant aux pensées et aux affections, et par suite intérieurement quant aux faits et aux gestes du corps, est selon ce conjugal ; que cela soit ainsi, on le voit plus évidemment par les personnes inchastes ; l’inchaste qui réside dans leurs mentals est entendu d’après le son de leur langage, et d’après l’application de tout ce qui est dit, même du chaste, à des choses libidineuses ; le son du langage vient de l’affection de la volonté, et le langage vient de la pensée de l’entendement ; c’est là un signe que la volonté avec tout ce qui lui appartient, et l’entendement avec tout ce qui lui appartient, ainsi le mental tout entier, et par suite toutes les choses du corps, depuis les intimes jusqu’aux derniers, regorgent de choses inchastes : j’ai été informé par les anges que chez ceux qui sont souverainement hypocrites, l’inchaste est perçu d’après l’ouïe, quelque chastement qu’ils parlent, et est senti aussi d’après la sphère qui émane d’eux ; c’est encore là un signe que l’inchasteté réside dans les intimes de leur mental, et par suite dans les intimes de leur corps, et que ces intimes sont voilés extérieurement comme une croûte peinte de figures de diverses couleurs. Qu’une sphère de lasciveté émane des inchastes, cela est évident en ce que chez les fils d’Israël les statuts déclaraient immondes toutes et chacune des choses que ceux qui étaient souillés de ces impuretés avaient seulement touchées de la main. De là on peut conclure qu’il en est de même des chastes, à savoir, que chez eux, depuis les intimes jusqu’aux derniers, toutes choses sont chastes, et que c’est la Chasteté de l’Amour conjugal qui produit cela ; c’est de là qu’il est dit dans le monde que pour les Purs tout est pur, et que pour les Impurs tout est impur.

141. II. Le Chaste se dit seulement des Mariages monogamiques, ou du Mariage d’un homme avec une seule épouse. Que le Chaste se dise de ceux-là seuls, c’est parce que chez eux l’Amour conjugal ne réside pas dans l’homme naturel, mais entre dans l’homme spirituel, et s’ouvre successivement le chemin vers le Mariage spirituel même, ou Mariage du bien et du vrai, qui en est l’origine, et se conjoint avec lui ; car cet Amour entre selon les accroissements de la sagesse, et ces accroissements sont selon l’implantation de l’Église par le Seigneur, comme il a été montré souvent ci-dessus. Cela ne peut pas se faire chez les Polygames, parce que ceux-ci divisent l’Amour conjugal, et cet Amour divisé ne diffère pas de l’Amour du sexe, qui en lui-même est naturel ; mais sur ce sujet on verra des choses dignes d’attention dans la Section de la POLYGAMIE.

142. III. Il n’y a que le Conjugal Chrétien qui soit chaste. C’est parce que l’Amour vraiment conjugal va chez l’homme d’un même pas que l’état de l’Église chez lui, et parce que cet état vient du Seigneur, comme il a été montré dans la Section précédente, Nos 130, 131, et ailleurs ; puis aussi, parce que l’Église dans ses vrais réels est dans la Parole, et que le Seigneur y est présent dans ces vrais ; il suit de là qu’il n’y a de Conjugal chaste que dans le Monde Chrétien ; et que, s’il n’y en a pas, il peut néanmoins y en avoir : par le Conjugal Chrétien il est entendu le Mariage d’un homme avec une seule épouse. Que ce Conjugal puisse être insité chez les Chrétiens, et être transmis héréditairement dans la postérité par les parents qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, et que par là naissent et la faculté et l’inclination à goûter les choses qui sont de l’Église et du Ciel, on le verra en son lieu. Que les Chrétiens, s’ils prennent plusieurs épouses, commettent non-seulement un adultère naturel, mais aussi un adultère spirituel, cela sera démontré dans la Section de la POLYGAMIE.

143. IV. L’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même. En voici les raisons : 1. Cet Amour vient du Seigneur, et correspond au Mariage du Seigneur et de l’Église. 2. Il descend du Mariage du bien et du vrai. 3. Il est spirituel, selon qu’il y a l’Église chez l’homme. 4. Il est l’Amour fondamental et la Tête de tous les amours célestes et spirituels. 5. Il est le légitime Séminaire du Genre humain, et par conséquent du Ciel Angélique. 6. Il est aussi par cela même chez les Anges du Ciel, et de lui chez eux naissent des lignées spirituelles, qui sont amour et sagesse. 7. Et par conséquent son usage surpasse en excellence tous les autres usages de la création. Il suit de là que l’Amour vraiment conjugal par son origine, et considéré dans son essence, est pur et saint, au point qu’il peut être appelé la pureté et la sainteté, par conséquent la chasteté même ; mais que néanmoins il ne soit pas entièrement pur chez les hommes, ni chez les Anges, on le verra dans l’Article VI, qui va suivre, No 146.

144. V. Toutes les délices de l’Amour vraiment conjugal, même les dernières, sont chastes. Cela résulte de ce qui vient d’être montré, que l’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même ; et de cette considération, que les délices constituent sa vie. Que les Délices de cet amour montent et entrent dans le Ciel, et que dans le chemin elles passent à travers les plaisirs des amours célestes, dans lesquels sont les Anges du Ciel ; puis aussi, qu’elles se conjoignent avec les Délices de leur amour conjugal, c’est ce qui a été rapporté ci-dessus. De plus, j’ai entendu déclarer, par les Anges, qu’ils perçoivent que ces délices chez eux sont exaltées et comblées quand elles montent des époux chastes qui sont dans les terres ; et à cause des assistants, qui étaient inchastes, à la question s’il en était de même des dernières délices, ils firent un signe de tête, et ils dirent tacitement : « Pourquoi en serait-il autrement ? Celles-ci ne sont-elles pas les délices de l’amour conjugal dans leur plénitude ? » D’où viennent les délices de cet amour, et quelles elles sont, on le voit ci-dessus, No 69, et dans les MÉMORABLES, surtout dans ceux qui suivent.

115. VI. Chez ceux qui, par le Seigneur, deviennent spirituels, l’Amour conjugal est purifié de plus en plus, et devient chaste. En voici les raisons : 1. Le premier amour, par lequel il est entendu l’amour qui précède les noces et les suit immédiatement, tire quelque chose de l’amour du sexe ; ainsi, de l’ardeur propre du corps, non encore mitigée par l’amour de l’esprit. 2. L’homme de naturel devient successivement spirituel ; car il devient spirituel selon que le Rationnel, qui tient le milieu entre Ciel et le Monde, commence à tirer sa vie de l’influx du Ciel, ce qui se fait selon que la sagesse l’affecte et le réjouit, voir ci-dessus, No 130 ; et autant cela se fait, autant son Mental est élevé dans une aure (atmosphère) supérieure, qui est le contenant de la lumière et de la chaleur célestes, ou, ce qui revient au même, le contenant de la sagesse et de l’amour, dans lesquels sont les Anges ; car la lumière céleste fait un avec la sagesse, et la chaleur céleste fait un avec l’amour ; et selon que la sagesse et son amour croissent chez les époux, l’Amour conjugal est purifié chez eux ; or, comme cela se fait successivement, il s’ensuit que cet amour devient de plus en plus chaste. Cette purification spirituelle peut être comparée à la purification des esprits naturels, effectuée par les Chimistes, et nommée Défécation, Rectification, Castigation, Cohobation, Acution, Décantation, Sublimation ; et la sagesse purifiée peut être comparée à l’Alcohol, qui est l’esprit rectifié au plus haut degré. 3. Or, comme la sagesse spirituelle est telle en elle-même, qu’elle s’embrase de plus en plus de l’amour de devenir sage, et que par là elle croît éternellement, ce qui a lieu selon qu’elle est perfectionnée comme par des défécations, des castigations, des rectifications, des acutions, des décantations et des sublimations, et celles-ci par des élimations et des abstractions de l’Entendement d’avec les illusions des sens, et de la Volonté d’avec les amorces du corps, il est évident que pareillement l’Amour conjugal, dont la Sagesse est la mère (parens) devient successivement de plus en plus pur, et par conséquent chaste. Que le premier état de l’amour, entre les époux, soit l’état de la chaleur non encore tempérée par la lumière, mais que cette chaleur soit successivement tempérée, selon que le Mari est perfectionné en sagesse, et que l’Épouse aime cette sagesse dans le mari, on le voit dans le MÉMORABLE, No 137.

146. Mais il faut qu’on sache qu’il n’y a pas d’Amour conjugal absolument chaste ou pur chez les hommes, ni chez les anges ; il y a toujours quelque chose de non-chaste ou de non-pur, qui s’y adjoint et s’y attache en dessous ; mais cela est d’une autre nature que celle qui appartient à l’inchaste ; car chez eux le chaste est au-dessus, et le non-chaste au-dessous, et entre l’un et l’autre il a été placé par le Seigneur comme une porte avec gond, qui est ouverte par détermination, et il est pourvu à ce que cette porte ne demeure point ouverte, de peur que l’un ne passe dans l’autre, et qu’ils ne se mêlent ; car le Naturel de l’homme est par naissance souillé et rempli de maux, mais il n’en est pas ainsi de son Spirituel, parce que sa naissance vient du Seigneur, car c’est la régénération, et la régénération est une séparation successive d’avec les maux auxquels l’homme est enclin par naissance. Qu’aucun amour chez les hommes et chez les anges ne soit absolument pur, et ne puisse le devenir, mais que la fin, le dessein ou l’intention de la volonté, soient principalement regardés par le Seigneur, et que par conséquent autant l’homme y est et y persévère, autant il est initié dans la pureté et y fait des progrès, on le voit ci-dessus, No 71.

147. VII. La Chasteté du mariage existe par un renoncement complet aux scortations à cause de la Religion. La raison de cela, c’est que la chasteté est l’éloignement de l’inchasteté ; une règle universelle, c’est que, autant quelqu’un éloigne le mal, autant il est donné au bien la faculté d’en prendre la place ; et qu’en outre, autant le mal est haï, autant le bien est aimé ; et aussi vice versa ; qu’en conséquence autant on renonce à la scortation, autant la chasteté du mariage entre. Que l’Amour conjugal soit purifié et rectifié selon qu’on renonce aux scortations, chacun le voit par la commune perception, pourvu que cela soit dit et soit entendu, ainsi avant les confirmations ; mais comme tous n’ont pas la commune perception, il importe que cela soit illustré aussi par des confirmations ; les confirmations sont que l’Amour conjugal se refroidit dès qu’il est divisé ; et que ce refroidissement fait qu’il périt ; car la chaleur de l’amour inchaste l’éteint ; en effet, deux chaleurs opposées ne peuvent pas exister ensemble, sans que l’une rejette l’autre et la prive de sa puissance. Quand donc la chaleur de l’amour conjugal éloigne et rejette la chaleur de l’amour scortatoire, l’amour conjugal commence à s’échauffer agréablement, et, d’après le sens de ses délices, à germer et à fleurir comme un verger et un bosquet de rosiers dans la saison du printemps ; ceux-ci, par la température printanière de la lumière et de la chaleur du Soleil du Monde naturel ; et celui-là, par la température printanière de la lumière et de la chaleur du Soleil du Monde spirituel.

148. Dans chaque homme il y a insité, de création et par suite par naissance, un Conjugal Interne et un Conjugal Externe ; l’Interne est spirituel, et l’Externe est naturel ; l’homme vient d’abord dans celui-ci, et à mesure qu’il devient spirituel, il vient dans celui-là : si donc il reste dans le Conjugal externe ou naturel, alors le Conjugal interne ou spirituel est voilé, au point qu’il n’en connaît pas une seule chose, et même au point qu’il le nomme idée vaine ; mais si l’homme devient spirituel, alors il commence à en connaître quelque chose, puis à percevoir quelque chose de sa qualité, et successivement à en sentir les charmes, les plaisirs et les délices ; et à mesure que cela s’opère, le voile entre l’Externe et l’Interne, et dont il a été parlé, commence à s’affaiblir ; puis, pour ainsi dire, à se liquéfier, et enfin à se résoudre et à se dissiper. Quand cela a été fait, le Conjugal Externe reste, il est vrai, mais il est continuellement châtié et purifié de ses lies par l’Interne ; et cela, au point que l’Externe devient comme la face de l’Interne, et tire de la béatitude, qui est dans l’Interne, son plaisir, et en même temps sa vie et les délices de sa puissance. Tel est le renoncement aux scortations, par lequel existe la Chasteté du mariage. On pourrait croire que le Conjugal Externe restant après que l’Interne s’est séparé de lui, ou l’a séparé de soi, est semblable à l’Externe non séparé ; mais j’ai appris par les Anges qu’ils sont absolument dissemblables ; que l’Externe dérivé de l’Interne, qu’ils appelaient l’Externe de l’Interne, était exempt de toute lasciveté, parce que l’Interne ne peut pas avoir de lasciveté, mais a seulement de chastes délices, et qu’il introduit pareille chose dans son Externe dans lequel il sent ses propres délices ; il en est tout autrement de l’Externe séparé de l’Interne, ils disaient que celui-ci était lascif dans le commun et dans chaque partie. Ils comparaient le Conjugal Externe dérivé de l’Interne à un beau Fruit dont la saveur et l’odeur agréables s’insinuent dans sa surface, et lui donnent une forme en correspondance avec elles. Ils comparaient aussi le Conjugal Externe dérivé de l’Interne à un Grenier dont la provision ne diminue jamais, mais est constamment renouvelée à mesure qu’on en prend ; mais l’Externe séparé de l’Interne, ils le comparaient à du Froment dans un van ; s’il est lancé à l’entour, il ne reste que la balle qui est dispersée par le vent : il en est ainsi de l’Amour conjugal, si l’on ne renonce pas à l’amour scortatoire.

149. Que la Chasteté du mariage n’existe pas par le renoncement aux scortations, à moins qu’il ne soit fait à cause de la Religion, c’est parce que l’homme sans la religion ne devient pas spirituel, mais reste naturel ; et que si l’homme naturel renonce aux scortations, son esprit néanmoins n’y renonce pas ; et qu’ainsi, quoique par ce renoncement il lui semble qu’il est chaste, toujours est-il cependant que l’inchasteté est cachée au dedans comme la sanie dans une plaie guérie au dehors. Que l’Amour conjugal soit selon l’état de l’Église chez l’homme, on le voit ci-dessus, No 130. Voir plusieurs choses sur ce sujet dans l’Exposition de l’Article XI suivant.

150. VIII. La Chasteté ne peut pas se dire des enfants, ni des jeunes garçons et jeunes filles, ni des jeunes gens et vierges, avant qu’ils sentent chez eux l’amour du sexe. La raison de cela, c’est que le Chaste et l’Inchaste se disent uniquement des Mariages et des choses qui appartiennent au mariage, voir ci-dessus, No 139 ; et chez ceux qui ne connaissent aucune des choses conjugales, rien de la chasteté ne peut se dire, car elle est comme un néant chez eux ; or, un néant ne peut être l’objet ni de l’affection, ni de la pensée ; mais après ce néant il surgit quelque chose, quand on sent la première chose du mariage, qui est l’amour du sexe. Si les vierges et les jeunes gens, avant qu’ils sentent en eux l’amour du sexe, sont vulgairement appelés Chastes, c’est parce qu’on ignore ce que c’est que la Chasteté.

151. IX. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui sont nés Eunuques, ni de ceux qui ont été faits Eunuques. Par ceux qui sont nés Eunuques sont entendus principalement ceux chez qui par naissance le dernier de l’amour manque, et comme alors le premier et le moyen n’ont point le fondement sur lequel ils subsistent, ils n’existent pas non plus ; et s’ils existent, ces eunuques ne s’occupent pas de faire une distinction entre le chaste et l’inchaste, car l’un et l’autre leur est indifférent ; mais parmi ceux-ci il y a plusieurs différences. Il en est de ceux qui ont été faits Eunuques presque de même que de quelques-uns de ceux qui sont nés Eunuques ; mais ceux qui ont été faits Eunuques, étant et hommes et femmes, ne peuvent par cela même regarder l’amour conjugal que comme une fantaisie, et ses délices que comme des sornettes. S’il y a en eux quelque chose provenant de l’inclination, cela devient quelque chose de muet, qui n’est ni le chaste ni l’inchaste, et ce qui n’est ni l’un ni l’autre n’appartient à aucune dénomination de l’un ou de l’autre.

152. X. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, ni à plus forte raison de ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société. Que la Chasteté ne puisse pas se dire de ceux-là, c’est parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que la Chasteté, ni qu’elle existe, car la Chasteté appartient au Mariage, comme il a été montré ici dans le Premier Article ; or, ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, font aussi les Mariages inchastes, lorsque cependant la Religion chez les époux en fait la Chasteté ; ainsi pour eux il n’y a rien de chaste, c’est pourquoi devant eux la chasteté est en vain nommée ; ceux-ci sont adultères par confirmation : quant à ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société, ils savent encore moins que les précédents ce que c’est que la chasteté, et si elle existe, car ils sont adultères de propos délibéré ; s’ils disent que les mariages sont moins inchastes que les adultères, ils le disent de bouche, mais non de cœur, parce que chez eux les Mariages sont froids, et que ceux qui d’après ce froid parlent de la chaleur chaste, ne peuvent pas avoir d’idée de la chaleur chaste au sujet de l’Amour conjugal : quelles sont ces personnes, et quelles sont les idées de leur pensée, et par conséquent quels sont les intérieurs de leur langage, on le verra dans la Seconde Partie qui traite des Folies des adultères.

153. XI. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes. Plusieurs croient que s’abstenir des adultères seulement de corps est la chasteté, et cependant ce n’est point là la chasteté, à moins qu’aussi en même temps on ne s’en abstienne d’esprit ; l’esprit, par lequel ici il est entendu le mental de l’homme quant aux affections et aux pensées, constitue le chaste et l’inchaste, car de là le chaste ou l’inchaste passe dans le corps ; en effet, le corps est absolument tel qu’est le mental ou l’esprit : il suit de là que ceux qui s’abstiennent des adultères seulement de corps et non d’esprit, et ceux qui s’en abstiennent d’esprit en raison du corps, ne sont point chastes : il y a un grand nombre de causes qui font que l’homme renonce du corps aux adultères, et aussi d’esprit en raison du corps, mais toujours est-il que celui qui n’y renonce pas de corps en raison de l’esprit est inchaste ; car le Seigneur dit « que quiconque regarde la femme d’un autre pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur » – Matth. V. 28. – Toutes les causes qui font qu’on s’abstient des adultères seulement de corps ne peuvent pas être énumérées, car elles varient selon les états du mariage, et aussi selon les états du corps ; en effet, il y en a qui s’en abstiennent par la crainte de la loi civile et de ses peines ; par la crainte de la perte de leur réputation, et par conséquent de leur honneur ; par la crainte des maladies qui en proviennent ; par la crainte de querelles chez eux avec leur épouse, et par conséquent de perdre la tranquillité de la vie ; par la crainte de la vengeance du mari ou d’un parent, et par la crainte d’être battus par des valets ; puis aussi, ceux qui s’en abstiennent par pauvreté, ou par avarice, ou par faiblesse provenant soit de maladie, soit d’abus, soit d’âge, soit d’impuissance : parmi ceux-ci il y en a aussi qui, parce qu’ils ne peuvent ou n’osent de corps, condamnent même d’esprit les adultères, et par conséquent parlent avec moralité contre eux et en faveur des mariages ; mais s’ils ne parlent pas d’après l’esprit, et si l’esprit ne maudit pas par religion les adultères, ils sont toujours adultères, car quoiqu’ils ne les commettent pas de corps, néanmoins ils les commettent d’esprit ; c’est pourquoi, après la mort, quand ils deviennent esprits, ils parlent ouvertement en faveur des adultères. D’après ces considérations, il est évident que l’impie peut fuir aussi les adultères comme nuisibles, mais qu’il n’y a que le Chrétien qui puisse les fuir comme péchés. Par là, maintenant, on voit la vérité de cette proposition, que la Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes.

154. XII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui croient que les Mariages sont inchastes. Ceux-ci ne savent pas non plus ce que c’est que la Chasteté, ni qu’elle existe ; ils sont comme ceux dont il a été parlé ci-dessus, No 152 ; et comme ceux qui placent la chasteté seulement dans le Célibat, et dont il va être parlé.

155. XIII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ont renoncé aux Mariages en se vouant à un perpétuel Célibat, à moins qu’il n’y ait et qu’il ne reste en eux un amour de la vie vraiment conjugale. Que la Chasteté ne puisse pas se dire de ceux-ci, c’est parce que l’Amour conjugal, après le vœu d’un perpétuel Célibat, a été rejeté, quoique cependant la chasteté se dise uniquement de cet amour ; et parce que dans l’homme il y a toujours par création et ainsi par naissance une inclination pour le sexe, et que, quand cette inclination est contrainte et domptée, il faut nécessairement qu’elle s’écoule en une chaleur, et chez quelques-uns en une effervescence qui, lorsqu’elle s’élance du corps dans l’esprit, l’infeste, et chez quelques personnes le souille ; et il peut arriver que l’esprit, ainsi souillé, souille aussi les choses religieuses, et que de leur siège interne, où elles sont dans la sainteté, il les précipite dans les externes où elles deviennent seulement des choses de bouche et de gestes ; c’est pourquoi il a été pourvu par le Seigneur à ce que ce Célibat soit seulement chez ceux qui sont dans le culte externe, culte dans lequel ils sont, parce qu’ils ne s’adressent point au Seigneur et ne lisent point la Parole ; chez ceux-ci, par ces célibats, voués en même temps avec promesse de chasteté, la vie éternelle ne court pas de dangers comme chez ceux qui sont dans le culte interne. Qu’on ajoute à cela que beaucoup d’entre eux n’embrassent pas cet état de vie d’après le libre de la volonté, mais quelques-uns l’embrassent avant d’être dans le libre d’après la raison, et quelques autres pour des causes de séduction de la part du monde. D’entre ceux qui adoptent cet état pour éloigner du monde leur mental, afin de s’attacher au culte Divin, il n’y a de chastes que ceux chez qui l’amour de la vie vraiment conjugale a existé, ou avant cet état, ou après cet état, et chez qui il reste, parce que c’est de l’amour de cette vie conjugale que se dit la chasteté. C’est pourquoi aussi tous ceux qui ont vécu dans les monastères sont enfin, après la mort, déliés de leurs vœux, et sont remis en liberté, afin que, selon leurs vœux intérieurs et les désirs de leur amour, ils soient portés à choisir une vie ou conjugale ou extra-conjugale ; si alors ils embrassent la vie conjugale, ceux qui ont aimé aussi les spirituels du culte sont donnés en mariage dans le Ciel ; mais ceux qui embrassent la vie extra-conjugale sont envoyés vers leurs semblables qui habitent sur les côtés du Ciel. J’ai demandé aux Anges si celles qui se sont appliquées à la piété, qui se sont entièrement assujetties au Culte Divin, et se sont ainsi soustraites aux prestiges du Monde et aux convoitises de la chair, et qui pour cela même se sont vouées à une perpétuelle Virginité, sont reçues dans le Ciel, et y deviennent selon leur croyance, les principales parmi les bienheureuses ; les Anges ont répondu qu’elles sont, il est vrai, reçues ; mais que, quand elles y sentent la sphère de l’amour conjugal, elles deviennent tristes et inquiètes, et qu’alors les unes de leur plein gré, d’autres après en avoir demandé la permission, et d’autres après en avoir reçu l’ordre, s’en vont et sont renvoyées ; et que, quand elles sont hors de ce Ciel, il leur est ouvert un chemin vers leurs consociées, qui dans le Monde avaient été dans un semblable état de vie ; et alors de tristes elles deviennent gaies, et elles se réjouissent ensemble.

150. XlV. L’état du Mariage doit être préféré à l’état du Célibat. Cela est évident d’après ce qui a été dit jusqu’ici sur le Mariage et sur le Célibat. Si l’état du Mariage doit être préféré, c’est parce que cet état existe par création ; parce que son origine est le Mariage du bien et du vrai ; parce que sa correspondance est avec le Mariage du Seigneur et de l’Église ; parce que l’Église et l’Amour conjugal sont compagnons assidus ; parce que son usage est plus excellent que les usages de toutes les choses de la création, car c’est de lui que selon l’ordre vient la propagation du Genre Humain, et aussi du Ciel Angélique, puisque ce Ciel est formé du Genre Humain : qu’on ajoute à cela que le Mariage est la plénitude de l’homme, car par lui l’homme devient homme plein, ce qui sera démontré dans le Chapitre suivant : toutes ces choses ne sont point dans le Célibat. Mais si l’on pose pour Proposition que l’état du célibat est préférable à l’état du mariage, et si cette proposition est soumise à l’examen pour qu’on y donne assentiment et qu’elle soit corroborée par des confirmations, alors s’ensuivent ces assertions que les Mariages ne sont point saints ; qu’ils n’y en a point de Chastes ; que même la Chasteté dans le sexe féminin n’est que chez celles qui s’abstiennent du mariage, et se vouent à une perpétuelle virginité ; et que, de plus, ceux qui se sont voués à un perpétuel Célibat sont entendus par les Eunuques qui se sont faits Eunuques pour le Royaume de Dieu, – Matth. XIX. 12 ; – outre plusieurs autres assertions, qui, provenant d’une Proposition non vraie, ne sont pas vraies non plus : par les Eunuques, qui se font Eunuques pour le Royaume de Dieu, sont entendus les Eunuques spirituels, c’est-à-dire, ceux qui dans les Mariages s’abstiennent des maux des scortations : qu’il ne soit pas entendu des Eunuques italiens, cela est évident.

 

 

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151 (bis). À ce qui vient d’être dit j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Tandis que de ce Jeu de la Sagesse, dont il a été parlé ci-dessus, No 132, je retournais chez moi, je vis dans le chemin un Ange en vêtement de couleur hyacinthe ; il se mit à mon côté, et dit : « Je vois que tu sors du Jeu de la sagesse, et que tu es ravi de ce que tu y as entendu ; et comme je perçois que tu n’es pas pleinement dans ce Monde, parce que tu es en même temps dans le Monde naturel, et que par conséquent tu ne connais pas nos Gymnases Olympiques, où les anciens Sophi s’assemblent, et apprennent de ceux qui arrivent de ton Monde les changements et successions d’état que la Sagesse a subis et subit encore ; si tu veux, je te conduirai dans un lieu où habitent plusieurs de ces anciens Sophi et plusieurs de leurs fils, c’est-à-dire, de leurs disciples. » Et il me conduisit vers les confins entre le Septentrion et l’Orient, et tandis que là je regardais d’un lieu élevé, voici, je vis une Ville, et à l’un de ses côtés deux Collines ; et, la plus proche de la ville, moins élevée que l’autre ; et il me dit : « Cette ville est appelée Athénée ; la Colline la moins haute, Parnasse ; et la plus haute, Hélicon ; elles sont nommées ainsi, parce que dans la Ville et aux alentours habitent d’anciens Sages de la Grèce, comme Pythagore, Socrate, Aristippe, Xénophon, avec leurs disciples et ceux de leur école. » Et je m’informai de Platon et d’Aristote ; il me dit qu’eux et leurs sectateurs habitaient dans une autre région, parce qu’ils avaient enseigné les choses rationnelles qui appartiennent à l’entendement, tandis que les autres avaient enseigné les choses morales qui appartiennent à la vie. Il me dit que de la Ville d’Athénée il est fréquemment envoyé des Esprits studieux vers les lettrés d’entre les Chrétiens, pour qu’ils rapportent ce qu’on pense aujourd’hui concernant Dieu, la Création de l’Univers, l’Immortalité de l’âme, l’État de l’homme comparé à celui des bêtes, et d’autres sujets qui appartiennent à la sagesse intérieure ; et il me dit qu’aujourd’hui le héraut avait annoncé une assemblée, ce qui était un indice que les envoyés avaient rencontré de nouveaux venus de la terre, de qui ils avaient appris des choses curieuses ; et nous vîmes un grand nombre d’esprits qui sortaient de la ville et des environs, quelques-uns ayant des couronnes de laurier sur la tête, d’autres tenant des palmes dans leurs mains, d’autres avec des livres sous les bras, et d’autres avec des plumes sous les cheveux de la tempe gauche. Nous nous mêlâmes parmi eux, et nous montâmes ensemble ; et voici, sur la Colline il y avait un Palais octogone, qu’ils appelaient Palladium, et nous entrâmes ; et voici, là, huit réduits hexagones, dans chacun desquels il y avait une petite Bibliothèque, et aussi une Table, près desquels s’assirent ceux qui avaient des couronnes de laurier ; et dans le Palladium même je vis des sièges taillés dans la pierre, sur lesquels les autres se placèrent ; et alors à gauche s’ouvrit une porte, par laquelle deux nouveaux venus de la terre furent introduits, et après qu’ils eurent été salués, l’un de ceux qui étaient couronnés de laurier leur demanda : « QU’Y A-T-IL DE NOUVEAU DE LA TERRE ? » Et ils dirent : « Il y a de nouveau qu’on a trouvé dans les bois des hommes qui sont comme des bêtes, ou des bêtes qui sont comme des hommes ; mais d’après leur face et leur corps on a connu qu’ils étaient nés hommes, et avaient été perdus ou abandonnés dans les bois à l’âge de deux ou trois ans ; on dit qu’ils ne peuvent exprimer par le son rien de ce qu’ils pensent, ni apprendre à articuler le son en aucun mot ; qu’ils ne savent pas non plus discerner, comme le savent les bêtes, la nourriture qui leur convient, et qu’ils mettent dans leur bouche les choses tant saines que malsaines qu’ils trouvent dans les bois ; on raconte encore plusieurs autres particularités ; de là quelques Érudits parmi nous ont conjecturé et quelques autres ont conclu plusieurs choses sur l’état des hommes comparé à celui des bêtes. À ces mots, quelques-uns des anciens Sophi demandèrent ce qu’ils en avaient conjecturé et conclu ; et les deux nouveaux venus répondirent : « Beaucoup de choses, qui cependant peuvent se réduire à ce qui suit : 1o Que l’homme d’après sa nature, et aussi d’après sa naissance, est plus stupide et par suite plus vil que la bête, et qu’il le devient pareillement s’il n’est pas instruit ; 2o qu’il peut être instruit, parce qu’il a appris à produire des sons articulés, et par suite à parler, et que par là il a commencé à manifester des pensées, et cela successivement de plus en plus, au point qu’il a pu exprimer les lois de la société, dont plusieurs cependant ont été gravées dans les bêtes par naissance ; 3o que les bêtes ont la rationalité de même que les hommes ; 4o si donc les bêtes pouvaient parler, elles raisonneraient sur chaque chose aussi subtilement que les hommes ; ce qui l’indique, c’est qu’elles pensent d’après la raison et la prudence aussi bien que les hommes ; 5o que l’Entendement est seulement une modification de la lumière du Soleil, avec la coopération de la chaleur, au moyen de l’éther, de sorte que c’est seulement une activité de la nature intérieure, et que cette activité peut être exaltée au point de se montrer comme sagesse ; 6o qu’il est par conséquent ridicule de croire que l’homme, après la mort, vive plus que la bête, si ce n’est que peut-être pendant quelques jours après le décès il peut, d’après l’exhalaison de la vie du corps, apparaître comme nimbe sous la forme d’un fantôme, avant qu’il soit dissipé dans la nature, à peu près comme une branche brûlée, retirée des cendres, se fait voir sous la ressemblance de sa forme ; 7o qu’en conséquence la Religion, qui enseigne une vie après la mort, est une pure invention, afin que les simples soient tenus intérieurement liés par les lois religieuses, comme ils le sont extérieurement par les lois civiles. » Ils ajoutèrent que ce sont les hommes purement ingénieux qui raisonnent ainsi, et non les hommes Intelligents ; et on leur demanda : « Comment raisonnent les Intelligents ? » Ils dirent qu’ils ne les avaient pas entendus, mais qu’ils ont d’eux cette opinion.

152 (bis). Après cet exposé, tous ceux qui étaient près des Tables s’écrièrent : « Oh ! quels temps aujourd’hui sur la Terre ! Hélas ! quelles vicissitudes la Sagesse a éprouvées ! n’a-t-elle pas été tournée en une folle adresse ingénieuse ? le Soleil est couché, et diamétralement opposé, sous la terre, à son midi. D’après ceux qui ont été abandonnés et trouvés dans les bois, qui est-ce qui ne peut savoir que semblable est l’homme non instruit ? L’homme n’est-il pas selon l’instruction qu’il reçoit ? Ne naît-il pas dans l’ignorance plus que les bêtes ? Ne doit-il pas apprendre à marcher et à parler ? S’il n’apprenait pas à marcher, se dresserait-il sur les pieds ? Et s’il n’apprenait pas à parler, exprimerait-il par des sons quelque chose de la pensée ? Tout homme n’est-il pas selon qu’il a été enseigné ; insensé, si c’est d’après des faux ; et sage, si c’est d’après des vrais ; et insensé d’après les faux, avec la fantaisie d’être plus sage que celui qui est sage d’après les vrais ? N’y a-t-il pas des hommes fous et extravagants, qui ne sont pas plus hommes que ceux qui ont été trouvés dans les bois ? Ceux qui sont privés de la mémoire ne leur sont-ils pas semblables ? Pour nous, nous avons conclu de tout cela que l’homme sans l’instruction n’est ni un homme, ni une bête, mais qu’il est une forme qui peut recevoir en soi ce qui fait l’homme, et qu’ainsi il ne naît pas homme, mais qu’il devient homme ; et que l’homme naît une telle forme pour qu’il soit un organe récipient de la vie qui procède de Dieu, afin d’être un sujet dans lequel Dieu puisse introduire tout bien, et par l’union avec lui le rendre heureux pour l’éternité. Nous percevons par votre rapport que la sagesse aujourd’hui est tellement éteinte ou devenue folle, qu’on ne sait absolument rien de l’état de la vie des hommes dans sa relation avec l’état de la vie des bêtes ; de là vient qu’on ne connaît pas non plus l’état de la vie de l’homme après la mort ; quant à ceux qui peuvent le connaître, mais ne le veulent pas et par suite le nient, comme font beaucoup de vos Chrétiens, nous pouvons les assimiler à ceux qui ont été trouvés dans les bois, non pas qu’ils soient devenus ainsi stupides par privation d’instruction, mais parce qu’eux-mêmes se sont rendus ainsi stupides par les illusions des sens, qui sont les ténèbres des vérités. »

153 (bis). Mais alors un des assistants, qui se tenait debout au milieu du Palladium, ayant à la main une palme, dit : « Développez, je vous prie, cet arcane : Comment l’homme, créé forme de Dieu, a-t-il pu être changé en forme du diable ? Je sais que les Anges du Ciel sont des formes de Dieu, et que les anges de l’enfer sont des formes du diable ; et ces deux formes sont opposées entre elles ; celles-ci sont des Folies, celles-là des Sagesses ; dites donc comment l’homme, créé forme de Dieu, a pu passer du jour dans une telle nuit, qu’il en soit arrivé à nier Dieu et la vie éternelle ? » À cette question les Maîtres répondirent dans cet ordre, d’abord les Pythagoriciens, puis les Socraticiens, et ensuite les autres : mais parmi eux il y avait un Platonicien ; celui-ci parla le dernier, et son opinion prévalut ; elle consistait en ceci : « Les hommes de l’âge de Saturne ou du Siècle d’or savaient et reconnaissaient qu’ils étaient des Formes récipientes de la vie qui procède de Dieu, et par conséquent la sagesse était gravée dans leurs âmes et dans leurs cœurs ; et par suite d’après la lumière du vrai ils voyaient le vrai, et par les vrais ils percevaient le bien d’après le plaisir de l’amour du bien ; mais à mesure que les hommes, dans les Siècles suivants, s’éloignèrent de la reconnaissance que tout vrai de la sagesse, et par suite tout bien de l’amour chez eux, influait continuellement de Dieu, ils cessèrent d’être des habitacles de Dieu, et alors cessa aussi leur entretien avec Dieu, et leur consociation avec les Anges ; car les intérieurs de leur mental, de leur direction qui avait été élevée en haut vers Dieu par Dieu, furent pliés vers une direction oblique de plus en plus en dehors dans le Monde, et ainsi vers Dieu par Dieu au moyen du Monde, et enfin furent retournés dans la direction opposée qui est en bas vers soi-même ; et comme Dieu ne peut être regardé par l’homme intérieurement retourné et ainsi tourné dans un sens opposé, les hommes se séparèrent de Dieu, et devinrent des formes de l’Enfer ou du diable. Il suit de là que, dans les premiers Âges, les hommes reconnurent de cœur et d’âme que tout bien de l’amour, et par suite tout vrai de la sagesse, leur venaient de Dieu, et aussi appartenaient à Dieu en eux, et qu’ainsi ils étaient eux-mêmes de purs réceptacles de la vie procédant de Dieu, ce qui fit qu’ils ont été appelés Images de Dieu, Fils de Dieu, et Nés de Dieu ; mais que, dans les Âges qui suivirent, ils reconnurent cela non de cœur ni d’âme, mais par une certaine foi persuasive, et ensuite par une foi historique, et enfin seulement de bouche ; et reconnaître cela seulement de bouche, c’est ne point le reconnaître ; bien plus, c’est le nier de cœur. Par là on peut voir quelle est aujourd’hui la sagesse sur la terre chez les Chrétiens, puisque ceux-ci, quoiqu’ils puissent d’après la Révélation écrite être inspirés de Dieu, ne connaissent pas la différence qu’il y a entre l’homme et la bête ; et que par suite plusieurs croient que si l’homme vit après la mort, la bête aussi doit vivre, ou que si la bête ne vit pas après la mort, l’homme non plus ne doit pas vivre ; notre lumière spirituelle, qui éclaire la vue du mental, n’est-elle pas devenue obscurité chez eux ; et leur lumière naturelle, qui éclaire seulement la vue du corps, n’est-elle pas devenue pour eux une lumière éclatante ? »

154 (bis). Après cela, ils se tournèrent tous vers les deux nouveaux venus, et ils les remercièrent de ce qu’ils s’étaient rendus au milieu d’eux et du récit qu’ils avaient fait, et les prièrent de rapporter à leurs frères ce qu’ils venaient d’entendre : et les nouveaux venus répondirent qu’ils confirmeraient les leurs dans cette vérité, qu’autant on attribue au Seigneur et non à soi tout bien de la charité et tout vrai de la foi, autant on est homme et on devient Ange du Ciel.

155 (bis). SECOND MÉMORABLE : Un matin, un Chant très-suave, que j’entendais à une certaine hauteur au-dessus de moi, me réveilla ; et par suite, dans cette première veille qui est interne, plus paisible et plus douce que les autres veilles du jour, je pus pendant quelque temps être tenu en esprit comme hors du corps, et donner toute mon attention à l’affection qui était chantée ; le Chant du Ciel n’est autre chose qu’une affection du mental, qui est émise par la bouche comme une modulation, car c’est un son séparé du discours de celui qui parle, provenant de l’affection de l’amour, affection qui donne la vie au langage ; dans cet état je perçus que c’était l’affection des délices de l’Amour conjugal, qui était chantée avec mélodie par des épouses dans le Ciel ; je vis qu’il en était ainsi d’après le son du chant, dans lequel ces délices étaient variées d’une manière admirable. Après cela, je me levai, et je portai mes regards dans le Monde Spirituel ; et voici, dans l’Orient sous le Soleil, là, il apparut comme une PLUIE D’OR ; c’était la rosée du matin, tombant en grande abondance, qui frappée par les rayons du Soleil présentait à ma vue l’apparence d’une Pluie d’or ; ayant été par là encore plus pleinement éveillé, je sortis en esprit, et je demandai à un Ange, qui se trouva alors à ma rencontre, s’il avait vu la Pluie d’or tombant du Soleil ; et il répondit qu’il la voyait toutes les fois qu’il était en méditation sur l’Amour conjugal ; et alors il tourna les yeux vers le Soleil, et il dit : « Cette Pluie tombe sur un Palais (Aula), où sont trois Maris avec leurs Épouses, qui habitent au milieu du Paradis Oriental. Si l’on voit tomber du Soleil une telle Pluie sur ce palais, c’est parce que chez eux réside la sagesse sur l’Amour conjugal et sur ses délices, chez les maris sur l’amour conjugal, et chez les épouses sur ses délices ; mais je perçois que tu es dans la méditation sur les délices de l’amour conjugal ; je vais par conséquent te conduire vers ce Palais, et je t’introduirai. » Et il me conduisit par des Jardins Paradisiaques vers des Maisons, qui étaient construites en Bois d’olivier, et qui avaient deux colonnes de Cèdre devant la porte ; et il m’introduisit vers les Maris, et il leur demanda qu’il me fût permis de m’entretenir en leur présence avec leurs épouses ; et ils consentirent, et ils les appelèrent. Celles-ci regardaient mes yeux avec finesse, et je leur en demandai la raison ; elles dirent : « Nous pouvons y découvrir exactement quelle est ton inclination et par suite ton affection, et d’après celle-ci ta pensée sur l’amour du sexe, et nous voyons que tu médites profondément sur cet amour, mais néanmoins avec chasteté. » Et elles ajoutèrent : « Que veux-tu que nous te disions sur ce sujet ? » Et je répondis : « Dites, je vous prie, quelque chose des délices de l’Amour conjugal. » Et les Maris consentirent, en disant : « Découvrez-leur, si cela vous plaît, quelque chose de ces délices ; leurs oreilles sont chastes. » Et elles m’adressèrent cette question : « Qui est-ce qui t’a conseillé de nous interroger sur les délices de cet amour ? Pourquoi n’interroges-tu pas nos Maris ? » Et je répondis : « Cet Ange, qui est avec moi, m’a dit à l’oreille que les Épouses sont des réceptacles et les sensoria de ces délices, parce qu’elles sont nées Amours, et que toutes les délices appartiennent à l’amour. » À ces mots elles répondirent en souriant : « Sois prudent, et ne dis rien de tel sinon dans un sens ambigu, parce que cela est une sagesse profondément gardée dans les cœurs de notre sexe, et n’est découvert à aucun Mari, à moins qu’il ne soit dans l’amour vraiment conjugal ; il y a pour cela plusieurs raisons que nous cachons profondément en nous. » Et alors les Maris dirent : « Les Épouses connaissent tous les états de notre mental, et il n’y a rien de caché pour elles ; elles voient, perçoivent et sentent tout ce qui procède de notre volonté ; et nous au contraire, nous ne connaissons rien de ce qui se passe chez les Épouses ; cela a été donné aux Épouses, parce qu’elles sont de très-tendres Amours, et comme des Zèles ardents pour la conservation de l’amitié et de la confiance conjugale, et ainsi de l’une et de l’autre félicité de la vie, à laquelle elles veillent soigneusement pour leurs maris et pour elles-mêmes avec une sagesse insitée dans leur amour, qui est si pleine de prudence, qu’elles ne veulent pas et par suite ne peuvent pas dire qu’elles aiment, mais disent qu’elles sont aimées. » Et je demandai pourquoi elles ne veulent pas et par suite ne peuvent pas. Elles répondirent : « Si la moindre chose semblable s’échappait de la bouche des épouses, le froid s’emparerait des maris, et les séparerait du lit, de la chambre et de l’aspect ; mais cela arrive à ceux qui ne regardent pas les mariages comme saints, et qui par conséquent n’aiment pas leurs épouses d’un amour spirituel ; il en est tout autrement pour ceux qui aiment ; dans les mentals de ceux-ci cet amour est spirituel, et par suite dans le corps il est naturel ; nous, dans ce Palais, nous sommes dans l’amour naturel d’après l’amour spirituel ; c’est pourquoi nous confions à nos maris les arcanes sur nos délices de l’amour conjugal. » Alors je les priai honnêtement de me découvrir aussi quelque chose de ces arcanes : et aussitôt elles regardèrent vers la fenêtre de la plage méridionale, et voici, une colombe blanche, dont les ailes brillaient comme d’argent, et dont la tête était ornée d’une couronne comme d’or, fut vue posée sur une branche à laquelle pendait une olive ; comme elle était en effort pour étendre ses ailes, les épouses dirent : « Nous te découvrirons quelque chose ; quand cette colombe apparaît, c’est pour nous un signe qu’il nous est permis. » Et elles dirent : « Chaque homme a cinq Sens, la Vue, l’Ouïe, l’Odorat, le Goût et le Toucher ; mais nous, nous en avons un Sixième, qui est le Sens de toutes les délices de l’amour conjugal du Mari ; et ce Sens est chez nous dans les paumes des mains, quand nous touchons la poitrine, les bras, les mains ou les joues de nos maris, surtout la poitrine, et aussi quand nous sommes touchées par eux ; toutes les allégresses et tous les charmes des pensées de leur mental (mens), toutes les joies et tous les plaisirs de leur mental (animus), et toute la satisfaction et la gaieté de leur cœur passent d’eux en nous, et se forment et deviennent perceptibles, sensibles et palpables, et nous les discernons avec autant de justesse et aussi distinctement que l’oreille discerne les modulations du chant, et que la langue discerne les saveurs des mets ; en un mot, les plaisirs spirituels des maris prennent chez nous une sorte d’incorporation naturelle, c’est pourquoi nos Maris nous appellent les Organes sensoria de l’amour chaste conjugal, et par conséquent leurs Délices : mais ce Sens de notre sexe existe, subsiste, persiste et s’exalte dans ce degré dans lequel les Maris nous aiment d’après la sagesse et le jugement, et dans lequel nous, de notre côté, nous les aimons d’après cette sagesse et ce jugement en eux : dans les Cieux, ce Sens de notre sexe est appelé le Jeu de la sagesse avec son amour, et de l’amour avec sa sagesse. » Je fus, par ces détails, animé du désir de faire plusieurs questions, par exemple, sur la Variété des délices ; et elles dirent : « Elle est infinie ; mais nous ne voulons pas en dire davantage ; et nous ne le pouvons pas par cette raison que la Colombe de notre fenêtre s’est envolée avec la branche d’olivier sous ses pieds. » J’attendis son retour, mais en vain. Pendant ce temps je fis aux Maris cette question : « Avez-vous un semblable sens de l’Amour conjugal ? » Et ils répondirent : « Nous avons ce sens en commun, et non en particulier ; d’après la béatitude particulière, le plaisir particulier et le charme particulier qu’éprouvent nos Épouses, nous avons une béatitude commune, un plaisir commun et un charme commun, et ce Commun, qui nous vient d’elles, est comme la Sérénité de la paix. » Après qu’ils eurent dit ces paroles, voici, à travers la fenêtre il apparut un Cygne qui se tenait sur une branche de figuier, et il étendit les ailes et s’envola ; à cette vue, les Maris dirent : « C’est pour nous le signe du silence sur l’Amour conjugal ; reviens différentes fois, et peut-être plusieurs autres choses te seront dévoilées. » Et ils se retirèrent ; et nous nous en allâmes.

 

 

 

DE LA CONJONCTION DES ÂMES ET DES MENTALS PAR LE MARIAGE, LAQUELLE EST ENTENDUE PAR CES PAROLES DU SEIGNEUR : ILS NE SONT PLUS DEUX, MAIS UNE SEULE CHAIR.

 

 

156 (bis). Que par Création il ait été implanté dans l’Homme et dans la Femme une Inclination et aussi une Faculté de conjonction comme en un, et que l’une et l’autre soient encore dans l’Homme et dans la Femme, on le voit par le Livre de la création, et en même temps par les paroles du Seigneur. Dans le Livre de la création, qui est appelé la GENÈSE, on lit : « Jéhovah Dieu édifia en femme la côte qu’il prit de l’homme ; et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : Celle-ci, cette fois, est Os de mes Os et Chair de ma chair ; de celle-ci le nom sera appelé Ischah, parce que de Isch, l’homme (Vir), a été prise celle-ci : c’est pourquoi l’homme laissera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et ils seront en une seule chair. » – II. 22, 23, 24. – Le Seigneur a dit aussi pareillement dans Matthieu : « N’avez-vous pas lu que Celui qui a fait au commencement, Mâle et Femelle les fit, et dit : À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et LES DEUX SERONT EN UNE SEULE CHAIR ? C’EST POURQUOI, ILS NE SONT PLUS DEUX, MAIS UNE SEULE CHAIR. » – XIX. 4, 5. – D’après ces paroles, ils est évident que la Femme a été créée de l’Homme (Vir), et que dans l’un et l’autre il y a et une Inclination et une Faculté de se réunir en un ; que ce soit en un Homme (Homo), cela est encore évident par le Livre de la création, où l’un et l’autre ensemble sont dits l’Homme, car on lit : « Au jour que Dieu créa l’Homme, mâle et femelle il les créa, et il appela leur nom homme. » – V. 1, 2 ; – là, on lit : Il appela leur nom Adam ; mais Adam et Homme sont un même mot dans la Langue Hébraïque ; de plus, l’un et l’autre ensemble y sont nommés Homme, – I. 27. III. 22, 23, 24 ; – par une seule chair il est signifié aussi un seul Homme, ce qui est évident dans la Parole par les passages où il est dit « Toute Chair », par quoi il est entendu tout Homme, comme Gen. VI. 12, 13, 17, 19. Ésaïe, XL. 5, 6. XLIX. 26. LXVI. 16, 23, 24. Jérém. XXV. 31. XXXII. 27. XLV. 5. Ézéch. XX. 48. XXL 4, 5 ; et ailleurs. Quant à ce qui est entendu par la Côte de l’homme qui fut édifiée en femme ; par « il renferma de la Chair à sa place » ; et ainsi par ce « Os de mes os et Chair de ma chair » ; par le Père et la Mère que l’homme laissera après le mariage, et par s’Attacher à son épouse, cela a été montré dans les ARCANES CÉLESTES, où les deux Livres, la Genèse et l’Exode, ont été expliqués quant au sens spirituel. Que par la Côte il n’ait pas été entendu une côte, ni par la Chair de la chair, ni par l’Os un os, ni par s’Attacher, s’attacher, mais qu’il ait été entendu des Spirituels qui correspondent à ces choses, et qui par suite sont signifiés par elles, c’est ce qui a été démontré dans ce même Ouvrage ; qu’il ait été entendu des Spirituels, qui de deux font un seul Homme, cela est évident en ce que l’Amour conjugal conjoint les deux, et cet Amour est spirituel. Que l’Amour de la sagesse de l’Époux ait été transcrit dans l’Épouse, cela a déjà été dit quelquefois, et sera plus pleinement confirmé dans les Sections qui suivent celle-ci ; maintenant, il n’est pas permis de faire une digression, ni par conséquent de s’écarter du sujet ici proposé, qui concerne la conjonction de deux Époux en une seule chair par l’union des âmes et des mentals. Mais cette Union va être expliquée dans cet ordre : I. Il a été insité par création dans l’un et dans l’autre sexe une faculté et une inclination, pour qu’ils puissent et veuillent être conjoints comme en un. II. L’Amour conjugal conjoint les deux âmes et par suite les deux mentals en un. III. La volonté de l’Épouse se conjoint avec l’entendement de l’Époux, et par suite l’entendement de l’Époux se conjoint avec la volonté de l’Épouse. IV. L’inclination à unir à soi l’Époux est constante et perpétuelle chez l’Épouse, mais inconstante et alternative chez l’Époux. V. La conjonction est inspirée à l’Époux par l’Épouse selon l’amour de l’épouse, et est reçue par l’Époux selon la sagesse de l’époux. VI. Cette conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage ; et, chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, elle le fait de plus en plus profondément durant l’éternité. VII. La conjonction de l’Épouse avec la sagesse rationnelle du Mari se fait par dedans, mais avec sa Sagesse morale elle se fait par dehors. VIII. Pour cette conjonction comme fin, il a été donné à l’Épouse la perception des affections du Mari, et aussi la plus grande prudence pour les modérer. IX. Les Épouses renferment en elles cette perception, et la cachent aux Maris pour des raisons qui sont des nécessités, afin que l’amour conjugal, l’amitié et la confiance, et ainsi la béatitude de la cohabitation et la félicité de la vie, soient assurés. X. Cette perception est la Sagesse de l’épouse ; et cette sagesse ne peut pas être chez l’époux, ni la Sagesse rationnelle de l’époux être chez l’épouse. XI. L’Épouse, d’après l’amour, pense continuellement à l’inclination de l’Époux envers elle, dans l’intention de se le conjoindre ; il en est autrement de l’Époux. XII. L’Épouse se conjoint à l’Époux par des applications aux désirs de sa volonté. XIII. L’Épouse est conjointe à son Époux par la sphère de sa vie, qui sort de son amour. XIV. L’Épouse est conjointe au Mari par l’appropriation des forces de la vertu du mari, mais cela se fait selon leur mutuel amour spirituel. XV. Ainsi l’Épouse reçoit en elle l’image de son Mari, et par suite elle en perçoit, voit et sent les affections. XVI. Il y a des Devoirs propres à l’Époux, et des Devoirs propres à l’Épouse, et l’Épouse ne peut entrer dans les devoirs propres à l’époux, ni l’Époux dans les devoirs propres à l’épouse, ni s’en bien acquitter l’un et l’autre. XVII. Ces Devoirs selon le secours mutuel conjoignent aussi les deux en un ; et en même temps ils constituent une seule Maison. XVIII. Les deux Époux selon les conjonctions ci-dessus mentionnées deviennent de plus en plus un seul Homme. XIX. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal sentent que par l’union ils sont l’homme, et comme une seule chair. XX. L’Amour vraiment conjugal, considéré en lui-même, est l’union des âmes, la conjonction des mentals, et l’effort pour la conjonction dans les poitrines ; et par suite dans le corps. XXI. Les états de cet amour sont l’Innocence, la Paix, la Tranquillité, l’Amitié intime, la pleine Confiance, et le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien ; et les états provenant de ceux-ci sont la Béatitude, la Satisfaction, le Plaisir, la Volupté ; et de la jouissance éternelle de toutes ces choses résulte la Félicité céleste. XXII. Ces choses ne peuvent exister que dans le mariage d’un seul Époux avec une seule Épouse. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

157. I. Il a été insité par création dans l’un et dans l’autre Sexe une faculté et une inclination, pour qu’ils puissent et veuillent être conjoints comme en un. Que la femme ait été tirée de l’homme, cela vient d’être montré d’après le Livre de la Création ; que par suite il y ait dans l’un et dans l’autre sexe une faculté et une inclination pour se conjoindre en un, c’est ce qui résulte de là ; car ce qui a été tiré d’une chose tient et retient du propre de cette chose ce qu’il fait sien ; cela, étant homogène avec cette chose, aspire à la réunion, et quand il a été réuni, il est comme en soi quand il est en elle, et vice versa. Qu’il y ait une faculté de conjonction d’un sexe avec l’autre, ou qu’ils puissent s’unir, cela ne peut soulever aucun doute ; il en est de même quant à l’inclination à se conjoindre ; car l’expérience nous enseigne l’un et l’autre.

158. II. L’Amour conjugal conjoint les deux âmes et par suite les deux mentals en un. Chaque homme se compose d’une âme, d’un mental et d’un corps ; l’âme est son intime, le mental son moyen, et le corps son dernier ; l’âme, parce qu’elle est l’intime de l’homme, est céleste d’origine ; le mental, parce qu’il en est le moyen, est spirituel d’origine ; et le corps, parce qu’il en est le dernier, est naturel d’origine ; les choses qui d’origine sont célestes, et celles qui d’origine sont spirituelles, ne sont point dans l’espace, mais sont dans les apparences de l’espace ; cela est même connu dans le Monde, c’est pourquoi l’on dit que ni l’étendue ni le lieu ne peuvent s’appliquer aux choses spirituelles : puis donc que les espaces sont des apparences, les distances et les présences sont aussi des apparences ; que les apparences des distances et des présences dans le Monde spirituel soient selon les proximités, les parentés et les affinités de l’amour, c’est ce qui a été très-souvent montré et confirmé dans des Opuscules sur ce Monde. Ces explications ont été données, afin qu’on sache que les âmes et les mentals des hommes ne sont point dans l’espace, comme y sont leurs corps, parce que par origine, ainsi qu’il vient d’être dit, les âmes sont célestes, et les mentals sont spirituels ; et que, comme les âmes et les mentals ne sont pas dans l’espace, ils peuvent être conjoints comme en un, quoique les corps ne le soient pas en même temps. Cela a lieu principalement entre Époux qui s’aiment intimement d’un amour mutuel ; mais comme la femme vient de l’homme, et que cette conjonction est une espèce de réunion, la raison peut voir que c’est non pas une conjonction en un, mais une adjonction, voisine et proche selon l’amour, et arrivant au contact chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal ; cette adjonction peut être appelée cohabitation spirituelle, et elle a lieu chez les époux qui s’aiment tendrement, quelque éloignés qu’ils soient de corps ; il y a même dans le Monde naturel plusieurs preuves que fournit l’expérience pour le confirmer. D’après ces considérations il est évident que l’Amour conjugal conjoint les deux âmes et les deux mentals en un.

159. III. La volonté de l’Épouse se conjoint avec l’entendement de l’époux, et par suite l’entendement de l’Époux se conjoint avec la volonté de l’épouse. La raison de cela, c’est que le mâle naît pour devenir entendement, et la femelle pour devenir volonté aimant l’entendement du mâle, d’où il suit que la Conjonction conjugale est celle de la Volonté de l’épouse avec l’Entendement de l’époux, et qu’il y a conjonction réciproque de l’Entendement de l’époux avec la Volonté de l’épouse : chacun voit qu’il y a une très-étroite conjonction de l’Entendement et de la Volonté, et qu’elle est telle, qu’une des facultés peut entrer dans l’autre, et se délecter de cette conjonction et dans cette conjonction.

160. IV. L’Inclination à unir à soi l’Époux est constante et perpétuelle chez l’Épouse, mais inconstante et alternative chez l’Époux. Cela vient de ce que l’amour ne peut qu’aimer, et s’unir pour être aimé à son tour ; son essence et sa vie ne sont pas autre chose ; or, les femmes sont nées amours, et les hommes avec lesquels elles s’unissent pour être aimées à leur tour sont réceptions. En outre, l’amour est sans cesse agissant ; il est comme la chaleur, la flamme et le feu, qui périssent si on les empêche d’agir ; de là vient que l’inclination à unir à soi l’époux est constante et perpétuelle chez l’épouse : si chez l’époux il n’y a pas une semblable inclination vers l’épouse, c’est parce que l’homme n’est pas amour, mais est seulement récipient de l’amour ; et comme l’état de réception est absent et est présent selon les soins qui s’interposent, selon les changements de chaleur et de non-chaleur dans le mental par diverses causes, et selon les augmentations et diminutions de forces dans le corps, lesquelles ne reviennent pas constamment ni à des moments fixes, il s’ensuit que l’inclination à cette conjonction chez les hommes est inconstante et alternative.

161. V. La conjonction est inspirée à l’Époux par l’Épouse selon l’amour de l’épouse, et est reçue par l’Époux selon la sagesse de l’époux. Que l’amour, et par suite la conjonction, soit inspiré à l’époux par l’épouse, c’est ce qui est aujourd’hui caché pour les hommes, et même universellement nié par eux ; et cela, parce que les épouses persuadent que ce sont seulement les hommes qui aiment, et que ce sont elles qui reçoivent, ou que les hommes sont amours, et elles obéissances ; elles ont même de la joie dans le cœur, quand les hommes le croient : si elles le leur persuadent, c’est pour plusieurs raisons, qui toutes tiennent à la prudence et à la circonspection des épouses, et dont il sera dit quelque chose dans la suite, et spécialement dans le Chapitre sur les causes des froideurs, des séparations et des divorces entre époux. Si les hommes reçoivent des épouses l’inspiration ou l’insinuation de l’amour, c’est parce qu’il n’y a rien de l’amour conjugal, ni même de l’amour du sexe chez les hommes, mais seulement chez les épouses et chez les femmes ; qu’il en soit ainsi, c’est ce qui m’a été montré d’une manière frappante (ad vivum) dans le Monde spirituel : Un jour il y eut là une conversation sur ce sujet, et des hommes, persuadés par leurs épouses, soutenaient que ce sont eux qui aiment, et non pas les épouses, mais que les épouses reçoivent d’eux l’amour ; pour terminer la contestation sur cet arcane, toutes les femmes furent retirées aux hommes avec les épouses, et en même temps avec elles fut éloignée la sphère même de l’amour du sexe ; dès que cette sphère eut été éloignée, les hommes tombèrent dans un état tout à fait étrange, et qu’ils n’avaient jamais perçu auparavant, et ils s’en plaignaient beaucoup ; alors, pendant qu’ils étaient dans cet état, vers eux furent ramenées les femmes et vers les maris les épouses, et les unes et les autres leur parlèrent avec tendresse ; mais ils restèrent froids à ces caresses, et se détournèrent et dirent entre eux : « Qu’est-ce que tout cela ? qu’est-ce qu’une femme ? » et comme quelques-unes disaient qu’elles étaient leurs épouses, ils répondaient : « Qu’est-ce qu’une épouse ? nous ne vous connaissons pas. » Mais comme les épouses commençaient à s’affliger de cette indifférence absolument froide des maris, et quelques-unes à pleurer, la sphère de l’amour du sexe féminin et la sphère conjugale, qui jusqu’à ce moment avaient été enlevées aux hommes, furent restituées ; et alors les hommes rentrèrent dans leur précédent état, les amateurs du mariage dans le leur, et les amateurs du sexe dans le leur : ainsi les hommes furent convaincus que rien de l’amour conjugal, ni même de l’amour du sexe, ne réside chez eux, mais seulement chez les épouses et chez les femmes : néanmoins, dans la suite, les épouses par leur prudence amenèrent les hommes à croire que l’amour réside chez les hommes, et que quelque étincelle de cet amour peut passer d’eux en elles. Cette expérience a été rapportée ici, afin qu’on sache que les épouses sont amours, et les hommes réceptions. Que les hommes soient réceptions selon la sagesse chez eux, surtout selon cette sagesse puisée dans la religion, que l’épouse seule doit être aimée, on le voit clairement en ce que, quand l’épouse seule est aimée, l’amour est concentré ; et que, comme il est même anobli, il reste dans sa force, se soutient et persiste ; et en ce qu’autrement, ce serait comme lorsque d’un grenier le froment est jeté aux chiens, ce qui amène la disette dans la maison.

162. VI. Cette conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage ; et, chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, elle se fait de plus en plus profondément durant l’éternité. La première chaleur du mariage ne conjoint pas, car elle tient de l’amour du sexe qui appartient au corps et par suite à l’esprit ; et ce qui d’après le corps est dans l’esprit ne reste pas longtemps ; mais l’amour qui d’après l’esprit est dans le corps, reste : l’amour de l’esprit, et du corps d’après l’esprit, est insinué dans les âmes et dans les mentals des époux en même temps que l’amitié et la confiance ; quand ces deux-ci se conjoignent avec le premier amour du mariage, alors se forme l’Amour conjugal, qui ouvre les poitrines, et leur inspire les douceurs de l’amour ; et cela, de plus en plus profondément, selon que l’amitié et la confiance s’adjoignent à l’amour primitif, et que cet amour entre en elles, et elles en lui.

163. VII. La conjonction de l’Épouse avec la Sagesse rationnelle du Mari se fait par dedans, mais avec sa Sagesse morale elle se fait par dehors. Que la Sagesse chez les hommes soit double, Rationnelle et Morale, et que leur Sagesse rationnelle appartienne à l’entendement seul, et leur Sagesse morale à l’entendement et en même temps à la vie, c’est ce qu’on peut conclure et voir par la seule intuition et par le seul examen : mais afin qu’on sache ce qui est entendu par la Sagesse rationnelle des hommes, et ce qui est entendu par leur Sagesse morale, quelques-unes de leurs distinctions spéciales vont être énumérées. Les choses qui appartiennent à leur Sagesse rationnelle sont désignées par divers noms ; elles sont en général appelées Science, Intelligence et Sagesse ; et en particulier, Rationalité, Jugement, Imagination, Érudition, Sagacité ; mais comme il y a des sciences spéciales pour chacun dans son office, il y en a par conséquent en très-grand nombre ; en effet, il y en a de spéciales pour les Ecclésiastiques, de spéciales pour les Magistrats, de spéciales pour les divers Officiers sous leurs ordres, de spéciales pour les Juges, de spéciales pour les Médecins et les Chimistes, de spéciales pour les Militaires et les Marins, de spéciales pour les Artistes et les Ouvriers, de spéciales pour les Agriculteurs, et ainsi du reste. À la Sagesse Rationnelle appartiennent aussi toutes les Sciences, auxquelles sont initiés les jeunes gens dans les écoles, et par lesquelles ils sont ensuite initiés dans l’intelligence, et qui sont aussi appelées de divers noms, par exemple, Philosophie, Physique, Géométrie, Mécanique, Chimie, Astronomie, Jurisprudence, Politique, Morale, Histoire, et plusieurs autres, par lesquelles, comme par des portes, on entre dans les rationnels, au moyen desquels se forme la Sagesse rationnelle.

164. Mais à la sagesse morale chez les hommes appartiennent toutes les Vertus morales qui concernent la vie et entrent dans la vie, et aussi les Vertus spirituelles, qui effluent de l’Amour envers Dieu et de l’Amour à l’égard du prochain et se réunissent dans ces amours. Les Vertus qui appartiennent à la sagesse morale des hommes sont aussi de divers noms, et sont appelées Tempérance, Sobriété, Probité, Bienveillance, Amitié, Modestie, Sincérité, Obligeance, Civilité, puis aussi Assiduité, Industrie, Habileté, Activité ; Munificence, Libéralité, Générosité, Valeur, Intrépidité, Prudence, outre plusieurs autres. Les Vertus spirituelles chez les hommes sont l’Amour de la religion, la Charité, la Vérité, la Foi, la Conscience, l’Innocence, et plusieurs autres. Ces Vertus spirituelles et ces Vertus morales, en général, peuvent se rapporter à l’amour et au zèle pour la Religion, pour le Bien public, pour la Patrie, pour les Citoyens, pour les Parents, pour le Conjoint et pour les Enfants. Dans toutes ces Vertus dominent la Justice et le Jugement ; la Justice appartient à la Sagesse morale, et le Jugement à la Sagesse rationnelle.

165. Si la conjonction de l’épouse avec la Sagesse rationnelle du mari se fait par dedans, c’est parce que cette Sagesse est propre à l’Entendement des hommes, et monte dans une lumière dans laquelle ne sont point les femmes ; c’est pour cela que les femmes ne parlent point d’après cette sagesse, mais que dans les réunions où les hommes agitent des choses qui sont du ressort de cette sagesse, elles se taisent, et écoutent seulement : que néanmoins ces choses viennent chez les épouses par dedans, cela est évident par la manière dont elles les écoutent, en ce qu’elles les reconnaissent dans leur intérieur, et donnent leur faveur à celles qu’elles entendent dire et ont entendu dire par les maris. Mais si la conjonction de l’épouse avec la sagesse morale du mari se fait par dehors, c’est parce que les Vertus de cette sagesse, quant à la plus grande partie, ont de l’affinité avec des vertus semblables chez les femmes, et tiennent de la Volonté intellectuelle du mari avec laquelle la Volonté de l’épouse s’unit et fait un mariage ; et comme l’épouse connaît ces Vertus chez le mari plus que le mari ne les connaît chez lui, il est dit que la conjonction de l’épouse avec elle se fait par dehors.

166. VIII. Pour cette conjonction comme fin, il a été donné à l’Épouse la perception des affections du Mari, et aussi la plus grande prudence pour les modérer. Que les épouses connais· sent les affections de leurs maris et les modèrent avec prudence, cela est aussi un des arcanes de l’Amour Conjugal renfermés secrètement chez les épouses ; elles les connaissent par trois sens, la vue, l’ouïe et le toucher, et elles les modèrent sans que leurs maris en sachent rien. Or, puisque cela est un des arcanes des épouses, il ne m’est pas convenable de le découvrir quant aux circonstances ; mais comme c’est convenable pour les épouses elles-mêmes, il y a, par cette raison, à la suite des Chapitres, quatre MÉMORABLES, dans lesquels cela sera dévoilé par elles-mêmes ; deux, par Trois épouses qui habitent dans le Palais, sur lequel je vis tomber comme une Pluie d’or ; et deux, par Sept épouses assises dans un Bosquet de roses ; si on lit ces Mémorables, cet arcane se présentera à découvert.

167. IX. Les Épouses renferment en elles cette perception, et la cachent aux Maris pour des raisons qui sont des nécessités, afin que l’amour conjugal, l’amitié et la confiance, et ainsi la béatitude de la cohabitation et la félicité de la vie, soient assurés. Renfermer en elles et cacher aux maris la perception des affections du mari, cela est dit être des Nécessités pour les épouses, parce que si elles dévoilaient ces affections elles détourneraient les maris du lit, de la chambre, et de la maison ; la raison, c’est que, chez la plupart des hommes, il y a profondément en eux une froideur conjugale provenant de plusieurs causes, qui seront dévoilées dans le Chapitre sur les causes des froideurs, des séparations et des divorces entre époux ; cette froideur, si les épouses dévoilaient les affections et les inclinations des maris, s’élancerait de ses retraites, et glacerait d’abord les intérieurs du mental, ensuite la poitrine, et de là les derniers de l’amour qui sont destinés à la génération ; toutes ces choses étant refroidies, l’amour conjugal serait banni au point qu’il ne resterait aucun espoir d’amitié, de confiance, et de béatitude de cohabitation, et par conséquent de félicité de la vie ; les épouses cependant se flattent continuellement de cet espoir. Découvrir qu’elles connaissent les affections et les inclinations de l’amour chez les maris, cela porte avec soi la déclaration et la divulgation de leur propre amour ; et il est notoire que, autant les épouses ouvrent la bouche sur cet amour, autant les hommes deviennent froids, et désirent la séparation. Par là se manifeste clairement la vérité de cet Article, que les raisons pour lesquelles les épouses renferment en elles leur perception, et la cachent aux maris, sont des nécessités.

168. X. Cette perception est la sagesse de l’épouse ; et cette sagesse ne peut pas être chez l’époux, ni la sagesse rationnelle de l’époux être chez l’épouse. Cela est une suite de la différence qu’il y a entre le Masculin et le Féminin ; le Masculin est de percevoir d’après l’entendement, et le Féminin de percevoir d’après l’amour ; puis aussi, l’Entendement perçoit les choses qui sont au-dessus du corps et hors du monde, car la vue rationnelle et spirituelle va jusque-là ; mais l’Amour ne va pas au-delà de ce qu’il sent ; quand il va au-delà il tient cela de la conjonction, établie par création, avec l’entendement de l’homme ; car l’entendement appartient à la lumière, et l’amour à la chaleur ; or, les choses qui appartiennent à la lumière sont vues clairement, et celles qui appartiennent à la chaleur sont senties. D’après ces considérations, il est évident qu’en raison de la différence universelle qu’il y a entre le masculin et le féminin, la sagesse de l’épouse ne peut pas être chez l’époux, ni la sagesse de l’époux être chez l’épouse : la sagesse morale de l’homme ne peut non plus être chez les femmes, en tant qu’elle tient de sa sagesse rationnelle.

169. XI. L’épouse, d’après l’amour, pense continuellement à l’inclination de l’Époux envers elle, dans l’intention de se le conjoindre ; il en est autrement de l’Époux. Ceci est en cohérence avec ce qui a été expliqué ci-dessus, à savoir, que l’inclination à unir à soi l’époux est constante et perpétuelle chez l’épouse, mais inconstante et alternative chez l’époux, voir No 160 ; d’où il suit que la pensée de l’épouse est continuelle, au sujet de l’inclination du mari envers elle, dans l’intention de se le conjoindre : la pensée de l’épouse au sujet du mari est discontinuée, il est vrai, par les soins domestiques dont l’épouse est chargée, mais elle reste toujours dans l’affection de son amour, et cette affection ne se sépare pas des pensées chez les femmes comme elle s’en sépare chez les hommes ; mais je rapporte ces choses comme m’ayant été rapportées ; voir les deux MÉMORABLES sur les sept Épouses assises dans un Bosquet de roses, Nos 293, 294.

170. XII. L’Épouse se conjoint à l’Époux par des applications aux désirs de sa volonté. Ceci est au nombre des choses bien connues ; c’est pourquoi il est inutile de l’expliquer.

171. XIII. L’Épouse est conjointe à son Époux par la Sphère de sa vie, qui sort de son amour. De chaque homme sort et même s’épanche une Sphère spirituelle provenant des affections de son amour ; elle l’enveloppe et s’introduit dans la Sphère naturelle qui sort du corps, et ces deux Sphères se conjoignent ; qu’une Sphère naturelle efflue continuellement du corps, non-seulement de l’homme, mais encore des bêtes, et même des arbres, des fruits, des fleurs, et aussi des métaux, cela est vulgairement connu ; dans le Monde Spirituel il en est de même ; mais là, les sphères qui effluent des sujets sont spirituelles, et celles qui émanent des Esprits et des Anges sont entièrement spirituelles, parce qu’elles sont les affections de leur amour, et par suite leurs perceptions et leurs pensées intérieures ; de là tire son origine tout sympathique et tout antipathique, et aussi toute conjonction et toute disjonction, et selon elles toute présence et toute absence, car l’homogène ou le concordant fait la conjonction et la présence, et l’hétérogène ou le discordant fait la disjonction et l’absence ; c’est pourquoi ces sphères y font les distances ; les effets que ces sphères spirituelles produisent dans le Monde naturel sont même connus de quelques personnes : les Inclinations des époux entre eux n’ont pas non plus une autre origine ; les Sphères unanimes et concordantes les unissent, et les Sphères contraires et discordantes les désunissent ; car les sphères concordantes sont agréables et plaisent, et les sphères discordantes sont désagréables et déplaisent. J’ai été informé par les Anges, qui sont dans une claire perception de ces sphères, qu’il n’y a dans l’homme aucune partie à l’intérieur ni aucune à l’extérieur qui ne se renouvelle, et qui se fait par des solutions et des réparations, et que de là vient la sphère qui efflue continuellement ; les Anges m’ont dit que cette sphère enveloppe l’homme par le dos et par la poitrine, avec ténuité par le dos, mais avec densité par la poitrine ; que la sphère qui sort par la poitrine se conjoint avec la respiration ; et que c’est de là que deux époux dont les mentals (animi) et les affections ne s’accordent point se couchent dos à dos dans le lit, et que, vice versa, ceux dont les mentals (animi) et les affections concordent, se tournent mutuellement l’un en face de l’autre. Ils m’ont dit aussi que les sphères, parce qu’elles sortent de toutes les parties de l’homme et se continuent au loin autour de lui, conjoignent et disjoignent les époux non-seulement en dehors, mais aussi en dedans ; et que de là viennent toutes les différences et toutes les variétés de l’Amour conjugal. En dernier lieu, ils m’ont dit que la sphère d’amour sortant d’une épouse, qui est tendrement aimée, est perçue dans le ciel comme exhalant une odeur douce, bien plus délicieuse que celle qui est perçue par un nouveau marié les premiers jours après les noces. De ces explications résulte évidemment la vérité de cette assertion, que l’épouse est conjointe à son époux par la Sphère de sa vie, qui sort de son amour.

172. XIV. L’Épouse est conjointe au Mari par l’appropriation des forces de la vertu du mari ; mais cela se fait selon leur mutuel amour spirituel. Qu’il en soit ainsi, c’est encore ce que j’ai recueilli de la bouche des Anges ; ils m’ont dit que les prolifiques dépensés par les maris sont reçus universellement par les épouses, et s’ajoutent à leur vie ; et qu’ainsi les épouses ont avec leurs maris une vie unanime et successivement plus unanime ; et que par suite il se fait en réalité une union des âmes et une conjonction des mentals : ils m’ont donné pour raison que dans le prolifique du mari il y a son âme, et aussi son mental quant aux intérieurs qui ont été conjoints à l’âme : ils ajoutaient que par création il a été pourvu à cela, afin que la sagesse de l’époux, qui constitue son âme, soit appropriée à l’épouse, et qu’ainsi, selon les paroles du Seigneur, ils deviennent une seule chair : puis, aussi, qu’il a été pourvu à cela, afin que l’homme-époux, après la conception, n’abandonne point l’épouse par quelque fantaisie. Toutefois, les anges ont ajouté que les applications et les appropriations de la vie des maris chez les épouses se font selon l’amour conjugal, parce que l’amour, qui est une union spirituelle, conjoint ; et qu’il a aussi été pourvu à cela pour plusieurs raison.

173. XV. Ainsi l’Épouse reçoit en elle l’image de son Mari, et par suite elle en perçoit, voit et sent les affections. Des raisons rapportées ci-dessus il résulte comme fait incontestable que les Épouses reçoivent en elles les choses qui appartiennent à la sagesse des Maris, ainsi celles qui sont propres aux âmes et aux mentals des maris, et que par conséquent de vierges elles se font épouses. Les raisons dont cela résulte sont : 1o Que la femme a été créée de l’homme. 2o Que par suite il y a en elle une inclination à s’unir et comme à se réunir à l’homme. 3o Que de cette union et à cause de cette union avec son pareil, la femme naît amour de l’homme, et devient de plus en plus amour de l’homme par le mariage, parce qu’alors l’amour emploie continuellement ses pensées à se conjoindre l’homme. 4o Qu’elle est conjointe à son Unique par des applications aux désirs de la vie de cet unique. 5o Qu’ils sont conjoints par les sphères qui les environnent, et qui s’unissent universellement et singulièrement selon la qualité de l’amour conjugal chez les épouses, et en même temps selon la qualité de la sagesse qui le reçoit chez les maris. 6o Qu’ils sont encore conjoints par les appropriations des forces des maris par les épouses. 7o De là il est évident que quelque chose du mari est continuellement transcrit dans l’épouse, et est inscrit en elle comme lui appartenant. De toutes ces considérations il résulte qu’il se forme dans l’épouse une image du mari, image par laquelle l’épouse perçoit, voit et sent en soi les choses qui sont dans le mari, et par suite se perçoit, se voit et se sent pour ainsi dire elle-même en lui ; elle perçoit d’après la communication, elle voit d’après l’aspect, et sent d’après le toucher ; qu’elle sente la réception de son amour par le mari d’après le toucher avec la paume de la main sur les joues, sur les bras, sur les mains et sur la poitrine, c’est ce que m’ont découvert les trois épouses dans le Palais, et les sept épouses dans le Bosquet de roses ; voir les MÉMORABLES Nos 208, 293, 294.

174. XVI. Il y a des Devoirs propres à l’Époux, et des Devoirs propres à l’Épouse ; et l’Épouse ne peut entrer dans les devoirs propres à l’Époux, ni l’Époux dans les devoirs propres à l’épouse, ni s’en bien acquitter l’un et l’autre. Qu’il y ait des devoirs propres à l’époux et des devoirs propres à l’épouse, il est inutile d’illustrer cela par une énumération de ces devoirs, car ils sont nombreux et variés ; et chacun peut les classer numériquement selon les genres et les espèces, pourvu qu’il s’applique à en faire le classement. Les devoirs par lesquels les Épouses se conjoignent principalement avec les Maris sont ceux qui concernent l’éducation des enfants de l’un et de l’autre sexe, et des jeunes filles, jusqu’à l’âge où on les marie.

175. Que l’Épouse ne puisse entrer dans les Devoirs propres à l’époux, ni l’Époux dans les Devoirs propres à l’épouse, c’est parce qu’ils diffèrent comme la sagesse et l’amour de cette sagesse, ou comme la pensée et l’affection de cette pensée, ou comme l’entendement et la volonté de cet entendement ; dans les Devoirs propres aux hommes, l’entendement, la pensée et la sagesse tiennent le premier rang, mais dans les Devoirs propres aux épouses, c’est la volonté, l’affection et l’amour qui tiennent le premier rang ; et l’épouse remplit ses devoirs d’après la volonté, l’affection et l’amour, et l’époux remplit les siens d’après l’entendement, la pensée et la sagesse ; leurs Devoirs sont donc différents par leur nature, mais néanmoins ils sont susceptibles d’être conjoints en série successive. Plusieurs croient que les femmes peuvent remplir les devoirs des hommes, pourvu que dès le premier âge elles y soient initiées comme les jeunes garçons ; elles peuvent, il est vrai, être initiées dans leur exercice, mais non dans le jugement, dont dépend intérieurement la rectitude des devoirs ; c’est pourquoi ces femmes, qui ont été initiées dans les devoirs des hommes, sont obligées dans les choses de jugement de consulter les hommes, et alors, d’après leurs conseils, si elles sont libres d’agir, elles choisissent ce qui est favorable à leur amour. Quelques-uns aussi s’imaginent que les femmes peuvent également élever la pénétration de leur entendement dans la sphère de lumière dans laquelle sont les hommes, et considérer les choses dans la même élévation, opinion qu’ils se sont faite par les écrits de quelques Muses érudites ; mais ces écrits, examinés dans le Monde spirituel en présence de ces Muses, ont été trouvés provenir, non du jugement ni de la sagesse, mais de l’imagination et de l’éloquence, et les écrits qui proviennent de ces deux sources-ci ont, par l’élégance et la symétrie du style, une apparence de sublimité et d’érudition, mais seulement devant ceux qui appellent sagesse toute ingéniosité. Que les hommes ne puissent entrer dans les devoirs des femmes, ni les remplir convenablement, c’est parce qu’ils ne sont pas dans les affections des femmes, qui sont entièrement distinctes des affections des hommes. Comme les affections et les perceptions du sexe masculin ont été ainsi distinguées par création et par suite par nature, c’est pour cela que parmi les statuts chez les fils d’Israël il y avait aussi celui-ci : « Il n’y aura point de vêtement d’homme sur une femme, ni de vêtement de femme sur un homme ; car abomination, cela. » – Deutér. XXII. 5. – C’était parce que dans le Monde spirituel tous sont vêtus selon leurs affections ; et les deux affections, de la femme et de l’homme, ne peuvent être unies qu’entre deux, et jamais dans un seul.

176. XVII. Ces Devoirs selon le secours mutuel conjoignent aussi les deux en un ; et en même temps ils constituent une seule Maison. Que les devoirs du Mari se conjoignent sous quelque rapport avec les devoirs de l’épouse, et que les devoirs de l’Épouse s’adjoignent aux devoirs du mari, et que ces conjections et ces adjonctions soient un secours mutuel, et existent selon ce secours, ce sont là des choses connues dans le monde ; mais les principaux devoirs qui allient, consocient et assemblent en un les âmes et les vies des deux époux, concernent le soin commun d’élever les enfants ; au sujet de ce soin les Devoirs du mari et les Devoirs de l’épouse sont distincts et en même temps se conjoignent ; ils sont distincts, parce que le soin d’allaiter et d’élever les petits enfants de l’un et de l’autre sexe, et aussi d’instruire les jeunes filles jusqu’à l’âge où elles sont données et associées à des époux, appartient au devoir propre de l’épouse, tandis que le soin d’instruire les jeunes garçons après l’enfance jusqu’à l’âge de puberté, et après cet âge jusqu’à ce qu’ils soient capables de se diriger eux-mêmes, appartient au devoir propre du mari ; mais ces Devoirs se conjoignent par les conseils, par les appuis et par plusieurs autres secours mutuels. Que ces Devoirs, tant conjoints que distincts, ou tant communs que propres, lient en un les mentals (animi) des époux, et que cela soit effectué par l’Amour appelé storge, c’est ce qui est bien connu : que ces Devoirs, considérés dans leur distinction et dans leur conjonction, constituent une seule Maison, c’est aussi ce qui est bien connu.

177. XVIII. Les deux Époux selon les conjonctions ci-dessus mentionnées deviennent de plus en plus un seul homme. Ceci coïncide avec le contenu de l’Article VI, où il a été expliqué que la conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage, et que chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, elle se fait de plus en plus profondément durant l’éternité ; voir No 162. Ils deviennent un seul homme selon l’accroissement de l’Amour conjugal : et comme cet Amour dans les Cieux est l’amour réel procédant de la vie céleste et spirituelle des Anges, c’est pour cela que deux Époux y sont appelés deux quand ils sont nommés Mari et Épouse, mais un quand ils sont nommés Anges.

178. XIX. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal sentent que par union ils sont l’homme, et comme une seule chair. Qu’il en soit ainsi, ce n’est pas par la bouche de quelque habitant d’une terre, mais c’est par celle des habitants des cieux que cela doit être Confirmé, puisque chez les hommes dans les terres il n’y a pas aujourd’hui d’Amour vraiment conjugal ; et, de plus, les hommes sont enveloppés d’un corps grossier qui émousse et absorbe cette sensation que par union deux époux sont l’homme et comme une seule chair ; et en outre, ceux qui dans le Monde aiment leur conjoint seulement extérieurement et non intérieurement ne veulent pas entendre parler de cela ; ils y pensent même d’après la chair avec lasciveté. Il en est autrement chez les Anges du Ciel parce qu’ils sont dans l’Amour conjugal spirituel et céleste, et non enveloppés d’un corps aussi grossier que celui des hommes de la terre. J’en ai entendu, d’entre ceux qui avaient vécu avec leurs épouses pendant des siècles dans le ciel, attester qu’ils se sentent ainsi unis, le mari avec l’épouse et l’épouse avec le mari, et chacun d’eux dans l’autre, mutuellement et réciproquement, comme aussi dans la chair, quoique séparés. Pour raison de la rareté de ce phénomène dans les terres ils donnaient celle-ci, que l’union des âmes et des mentals de deux époux est sentie dans leur chair, parce que l’âme fait non-seulement les intimes de la tête, mais aussi les intimes du corps ; il en est de même du mental qui tient le milieu entre l’âme et le corps ; quoique le mental apparaisse dans la tête, il est néanmoins aussi en actualité dans tout le corps ; et ils disaient qu’il résulte de là que les actes, que l’âme et le mental ont intention de faire, découlent à l’instant même du corps ; puis, aussi, qu’il résulte de là qu’après avoir rejeté le corps dans le Monde précédent, ils sont eux-mêmes hommes parfaits. Maintenant, parce que l’Âme et le Mental s’adjoignent étroitement à la Chair du corps pour opérer et produire leurs effets, il s’ensuit que l’union de l’âme et du mental avec le conjoint est sentie aussi dans le corps comme une seule chair. Quand les Anges faisaient ces déclarations, j’entendais des esprits, qui étaient présents, dire que c’étaient là des choses de la sagesse angélique, qui étaient au-dessus de la compréhension ; mais ces esprits étaient rationnels naturels, et non rationnels-spirituels.

179. XX. L’Amour vraiment conjugal considéré en lui-même est l’union des âmes, la conjonction des mentals, et l’effort pour la conjonction dans les poitrines, et par suite dans le corps. Que cet amour soit l’union des âmes et la conjonction des mentals, ou le voit ci-dessus, No 158 ; qu’il soit l’effort pour la conjonction dans les poitrines, c’est parce que la Poitrine est comme un Lieu où se tient l’assemblée et comme un Palais de roi, et le Corps comme une Ville populeuse à l’entour. Si la Poitrine est comme un Lieu où se tient l’assemblée, c’est parce que toutes les choses qui par l’âme et par le mental ont une détermination dans le corps influent d’abord dans la poitrine ; si elle est comme un Palais de roi, c’est parce que là il y a domination sur toutes les choses du corps, car là il y a le Cœur et le Poumon, et partout le cœur règne par le sang, et le poumon par la respiration ; que le Corps soit comme une Ville Populeuse à l’entour, cela est évident. Lors donc que les Âmes et les Mentals des époux ont été unis et que l’amour vraiment conjugal les unit, il s’ensuit que cette aimable union influe dans leurs poitrines, et par celles-ci dans leurs corps, et produit l’effort pour la conjonction ; et cela d’autant plus que l’amour conjugal détermine l’effort vers ses derniers pour compléter ses délicieux plaisirs ; et comme la poitrine est le lieu où aboutissent les deux chemins (venant du mental et du corps), on voit clairement d’où vient que l’amour conjugal y a trouvé le siège de son sens délicat.

180. XXI. Les états de cet amour sont l’Innocence, la Paix, la Tranquillité, l’Amitié intime, la Pleine Confiance, et le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de biens ; et les états provenant de ceux-ci sont la Béatitude, la Satisfaction, le Plaisir, la Volupté ; et de la jouissance éternelle de toutes ces choses résulte la Félicité céleste. Si toutes ces choses sont dans l’Amour conjugal et en dérivent, c’est parce que cet amour a pour origine le Mariage du bien et du vrai et que ce Mariage procède du Seigneur, et parce que l’Amour est tel qu’il veut communiquer des joies à un autre qu’il aime de tout cœur, et même les lui transférer, et par là y trouver lui-même les siennes ; donc infiniment plus le Divin Amour, qui est dans le Seigneur, à l’égard de l’homme, qu’il a créé Réceptacle et de l’Amour et de la Sagesse qui procèdent de Lui ; et puisqu’il a créé l’Homme (Homo) pour la réception, à savoir, l’Homme (Vir) pour la réception de la Sagesse, la Femme pour la réception de l’amour de la sagesse de l’homme, c’est pour cela que par les intimes il a infusé dans les hommes (homines), l’Amour conjugal dans lequel il pût transférer toutes les choses de la béatitude, de la satisfaction, du plaisir et de la volupté, qui procèdent uniquement de son Divin Amour par sa Divine Sagesse en même temps que la vie, et qui influent ; par conséquent, en ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal parce qu’eux seuls sont récipients. Il est fait mention de l’Innocence, de la Paix, de la Tranquillité, de l’Amitié intime, de la pleine Confiance, et du Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien, parce que l’Innocence et la Paix appartiennent à l’âme, la Tranquillité au mental, l’Amitié intime à la poitrine, la pleine Confiance au cœur, et que le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien appartient au corps d’après les choses précédentes.

181. XXII. Ces choses ne peuvent exulter que dans le Mariage d’un seul Époux avec une seule Épouse. C’est ce qui est conclu de to