LES

 

DÉLICES DE LA SAGESSE

 

SUR

 

L’AMOUR CONJUGAL

 

À la suite sont placées

 

LES VOLUPTÉS DE LA FOLIE

 

SUR

 

L’AMOUR SCORTATOIRE

 

PAR

 

EMMANUEL SWEDENBORG

 

traduit du latin

 

PAR J.-F.-E. LE BOYS DES GUAYS

 

Sur l’Édition princeps (Amsterdam, 1768),

 

DEUXIÈME ÉDITION

 

Revue par C. H.

 

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PARIS

 

LIBRAIRIE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM

 

12, RUE THOUIN, 12

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1887

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRÉLIMINAIRES

 

SUR

 

LES JOIES DU CIEL, ET SUR LES NOCES DANS LE CIEL.

 

 

1. « Je prévois que beaucoup de ceux qui liront ce qui va suivre, et les Mémorables placés à la suite des Chapitres, croiront que ce sont des inventions de l’imagination ; toutefois, j’affirme dans la vérité que ce ne sont pas des choses inventées, mais que ce sont des choses qui véritablement ont eu lieu et ont été vues, non pas vues dans un certain état du mental assoupi, mais dans un état de pleine veille ; car il a plu au Seigneur de Se manifester Lui-même à moi, et de m’envoyer pour enseigner les choses qui doivent appartenir à la Nouvelle Église, laquelle est entendue dans l’Apocalypse par la NOUVELLE JÉRUSALEM ; pour cette fin, il a ouvert les intérieurs de mon mental et de mon esprit ; par là il m’a été donné d’être dans le Monde Spirituel avec les Anges, et en même temps dans le Monde Naturel avec les Hommes, et cela maintenant depuis vingt-cinq ans. »

2. Un jour je vis sous le Ciel Oriental un Ange qui volait, ayant dans la main et à la bouche une trompette, et il en sonna vers le Septentrion, vers l’Occident et vers le Midi : il était vêtu d’une Chlamyde, qui par le vol flottait en arrière, et il était ceint d’une écharpe qui lançait comme de la flamme et de la lumière par les escarboucles et les saphirs ; il volait le corps penché, et descendait lentement vers la terre près de l’endroit où j’étais : dès qu’il eut touché la terre, se tenant droit sur ses pieds, il allait çà et là, et alors, m’ayant vu, il dirigea sa marche vers moi ; j’étais en esprit ; et, dans cet état, je me tenais sur une colline dans la Plage méridionale ; et quand il fut près de moi, je lui adressai la parole, en disant : « Qu’y a-t-il donc maintenant ? J’ai entendu le son de ta trompette, et je t’ai vu descendre à travers les airs. » L’Ange répondit : « J’ai été envoyé pour convoquer les plus célèbres en érudition, les plus perspicaces en génie, et les plus éminents en réputation de sagesse, qui, sortis des Royaumes du Monde Chrétien, sont sur toute l’étendue de cette terre, afin qu’ils s’assemblent sur cette Colline où tu es, et qu’ils déclarent du fond du cœur ce que dans le Monde ils ont pensé, compris et goûté au sujet de la JOIE CÉLESTE, et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE. Voici quel a été le motif de ma mission : quelques nouveaux venus du Monde, ayant été admis dans notre Société Céleste, qui est à l’Orient, ont rapporté que, dans tout le monde Chrétien, il n’y a pas même un seul homme qui sache ce que c’est que la Joie Céleste et la Félicité Éternelle, ni par conséquent ce que c’est que le Ciel. Mes frères et consociés en ont été extrêmement surpris, et ils m’ont dit : Descends, appelle et convoque les plus sages dans le Monde des esprits, où sont d’abord rassemblés tous les Mortels après leur sortie du Monde naturel, afin que, d’après ce qui sortira de la bouche d’un grand nombre de sages, nous soyons certains si c’est une vérité qu’il y ait chez les Chrétiens une telle obscurité ou une telle ignorance ténébreuse sur la vie future. Et il dit : « Attends un peu, et tu verras des Cohortes de sages qui se rendent ici ; le Seigneur préparera pour eux une Salle d’assemblée. » J’attendis ; et voici, après une demi-heure, je vis deux compagnies venant du Septentrion, deux de l’Occident, et deux du Midi, et à mesure qu’elles arrivaient, elles étaient introduites par l’Ange de la trompette dans la Salle préparée ; et là, elles prenaient les places qui leur étaient désignées selon les plages. Il y avait six Troupes ou Cohortes ; il en était venu de l’Orient une septième qui, à cause de sa lumière, n’était pas vue par les autres. Quand elles furent réunies, l’Ange exposa le motif de la convocation, et demanda que les Cohortes, selon leur rang, manifestassent leur sagesse sur le sujet de la JOIE CÉLESTE et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE ; et alors chaque Cohorte se forma en cercle, les faces tournées vers les faces, pour se rappeler ce sujet d’après les idées prises dans le Monde précédent, et maintenant l’examiner, et après examen et délibération déclarer son sentiment.

3. Après la délibération, la PREMIÈRE COHORTE, qui était du Septentrion, dit : « La Joie Céleste et la Félicité éternelle sont un avec la vie même du Ciel ; c’est pourquoi, quiconque entre dans le Ciel, entre quant à la vie dans les réjouissances du Ciel, absolument de même que celui qui entre dans une salle de noces, entre dans les réjouissances qui s’y font ; le Ciel, devant notre vue, n’est-il pas au-dessus de nous, ainsi dans un lieu ? et c’est là, et non ailleurs, qu’il y a bonheur sur bonheur, et voluptés sur voluptés ; l’homme est introduit dans ces délices quant à toute perception du mental, et quant à toute sensation du corps, d’après la plénitude des joies de ce lieu, quand il est introduit dans le Ciel : la félicité céleste, qui aussi est éternelle, n’est donc autre chose que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la Grâce Divine. » Après que la Première Cohorte eut ainsi parlé, la SECONDE du Septentrion tira de sa sagesse ce sentiment : « La Joie Céleste et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Réunions très joyeuses avec les Anges et des Conversations très-agréables avec eux, d’après lesquelles les visages toujours épanouis sont tenus dans l’allégresse, et toutes les bouches dans des ris gracieux excités par des paroles agréables et des propos joyeux ; et que pourraient être les joies célestes, sinon les variétés de ces plaisirs pendant l’éternité ? » La TROISIÈME COHORTE, qui était la Première des sages de la Plage occidentale, s’exprima ainsi d’après les pensées de ses affections : « Qu’est-ce que la Joie Céleste et la Félicité éternelle, sinon des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob, sur les tables desquels seront des Mets délicats et recherchés, et des Vins généreux et excellents ; et, après les repas, des Jeux et des Chœurs de jeunes vierges et de jeunes hommes dansant au son de symphonies et de flûtes, entrecoupés par des chants mélodieux de cantiques ; et enfin, le soir, des représentations théâtrales ; et, après ces représentations, de nouveau des repas, et ainsi chaque jour durant l’éternité. » Puis, la QUATRIÈME COHORTE, qui était la Seconde de la plage Occidentale, énonça son sentiment, en disant : « Nous, nous avons caressé plusieurs idées au sujet de la Joie Céleste et de la Félicité éternelle, et nous avons exploré diverses Joies et les avons comparées entre elles, et nous avons conclu que les Joies Célestes sont des Joies Paradisiaques ; le Ciel est-il autre chose qu’un Paradis, qui s’étend de l’Orient à l’Occident et du Midi au Septentrion, et où sont des arbres chargés de fruits et des fleurs délicieuses ? Au milieu de ces arbres et de ces fleurs est l’Arbre magnifique de la vie, autour duquel seront assis les bienheureux, se nourrissant de fruits d’une saveur délicate, et ornés de guirlandes de fleurs de l’odeur la plus suave ; ces arbres et ces fleurs sous l’influence d’un printemps perpétuel naissent et renaissent chaque jour avec une variété infinie ; et par cette naissance et cette floraison perpétuelles, et en même temps par cette température éternellement printanière, les esprits (animi) continuellement renouvelés ne peuvent qu’aspirer et respirer des Joies chaque jour nouvelles, et ainsi rentrer dans la fleur de l’âge, et par là dans l’état primitif, dans lequel Adam et son épouse ont été créés, et par conséquent être replacés dans leur Paradis, transféré de la terre au Ciel. » La CINQUIÈME COHORTE, qui était la Première des plus perspicaces en génie de la Plage méridionale, s’exprima ainsi : « Les Joies Célestes et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et par suite une magnificence plus que royale, et une splendeur au-dessus de tout éclat : que les Joies du Ciel, et la jouissance continuelle de ces joies, qui est la félicité éternelle, soient telles, c’est ce que nous avons vu clairement d’après ceux qui, dans le Monde précédent, ont joui de ces avantages ; et, en outre, en ce que les bienheureux dans le Ciel doivent régner avec le Seigneur, et être rois et princes, parce qu’ils sont fils de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, et en ce qu’ils seront assis sur des trônes, et que les Anges les serviront. Nous avons vu clairement la magnificence du Ciel, en ce que la Nouvelle Jérusalem, par laquelle est décrite la gloire du Ciel, aura des Portes dont chacune sera une Perle, et des Places d’or pur, et une Muraille dont le fondement sera de pierres précieuses ; que par conséquent quiconque a été reçu dans le Ciel a un Palais resplendissant d’or et de choses d’un grand prix, et que la Domination y passe successivement et en ordre de l’un à l’autre : et comme nous savons que dans de semblables choses il y a des joies innées et une félicité inhérente, et qu’elles sont d’irréfragables promesses de Dieu, nous n’avons pu tirer d’autre part l’état le plus heureux de la vie céleste. » Après cette Cohorte, la SIXIÈME, qui était la Seconde de la Plage Méridionale, éleva la voix, et dit : « La Joie du Ciel et la Félicité éternelle ne sont autre chose qu’une perpétuelle Glorification de Dieu, une fête qui dure éternellement, et un culte de grande béatitude avec chants et cris de joie ; et ainsi, une constante élévation du cœur vers Dieu, avec pleine confiance de l’acceptation des prières et des louanges pour cette divine munificence de béatitude. » Quelques-uns de cette Cohorte ajoutèrent que cette Glorification se fêta avec de magnifiques illuminations, de très suaves parfums, et de pompeuses processions, à la tête desquelles marchera, avec une grande Trompette, le souverain Pontife, suivi des Primats et Porte-masses, grands et petits, et derrière eux des Hommes portant des palmes, et des femmes ayant des statuettes d’or dans les mains.

4. La SEPTIÈME COHORTE, qui n’était pas vue par les autres à cause de sa lumière, était de l’Orient du Ciel ; elle se composait d’Anges de la même Société, de laquelle était l’Ange de la trompette : ayant appris dans leur Ciel que, dans le Monde Chrétien, il n’y avait pas même un seul homme qui sût ce que c’est que la Joie du Ciel et la Félicité éternelle, ces anges s’étaient dit entre eux : « Cela ne peut nullement être la vérité ; il est impossible qu’il y ait chez les Chrétiens une si grande obscurité, et un tel engourdissement des mentals ; descendons aussi nous-mêmes, et sachons si c’est la vérité ; et, si c’est la vérité, certainement c’est un prodige. » Alors ces Anges dirent à l’ange de la trompette : « Tu sais que tout homme qui a désiré le Ciel, et a pensé quelque chose de positif au sujet des joies du Ciel, est introduit après la mort dans les joies de son imagination ; et qu’après qu’il a appris par expérience quelles sont ces joies, c’est-à-dire qu’elles sont selon les vaines idées de son mental, et selon les délires de sa fantaisie, il en est détourné et est instruit ; c’est ce qui arrive dans le Monde des Esprits à la plupart de ceux qui, dans la vie précédente, ont médité sur le Ciel, et qui, d’après certaines idées arrêtées, au sujet des joies célestes, désirent les posséder. » Après avoir entendu ces paroles, l’Ange de la trompette dit aux six Cohortes de Sages du Monde Chrétien qu’il avait convoquées : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies, par conséquent dans le Ciel. »

5. Après qu’il eut prononcé ces mots, l’Ange marcha en avant ; et, d’abord, il fut suivi par la cohorte de ceux qui s’étaient persuadés que les Joies Célestes étaient seulement de très-joyeuses réunions et de très-agréables conversations : l’Ange les introduisit dans des Assemblées de la Plage Septentrionale, qui n’avaient pas eu, dans le monde précédent, d’autres notions au sujet des joies du ciel. Il y avait là une Maison spacieuse dans laquelle ceux qui étaient tels avaient été réunis ; cette Maison avait plus de cinquante chambres, distinguées selon les divers genres d’entretiens ; dans les unes on parlait de ce qu’on avait vu et entendu dans la place publique et dans les rues ; dans d’autres, on tenait divers propos aimables sur le beau sexe, en les entremêlant de facéties, multipliées au point de répandre les ris de la gaîté sur tous les visages de l’assemblée ; dans d’autres chambres, on s’occupait de Nouvelles des Cours, des Ministères, de l’État politique, des différentes choses qui avaient transpiré des Conseils secrets, et l’on faisait des raisonnements et des conjectures sur les évènements ; dans d’autres, on parlait de commerce ; dans d’autres, de littérature ; dans d’autres, de ce qui a rapport à la Prudence civile et à la Vie morale ; dans d’autres, des choses Ecclésiastiques et des Sectes ; et ainsi du reste : il me fut donné de faire une inspection dans cette maison, et je vis des gens qui couraient de chambres en chambres, cherchant des compagnies conformes à leur affection et par conséquent à leur joie ; et, dans les compagnies, j’en vis de trois espèces ; les uns haletants de parler, d’autres désireux de questionner, et d’autres avides d’entendre. Il y avait quatre portes à la Maison, une vers chaque plage, et je remarquai que plusieurs quittaient les compagnies, et se hâtaient pour sortir ; j’en suivis quelques-uns vers la porte Orientale, et j’en vis quelques autres assis d’un air triste près de cette porte ; et je m’approchai, et je leur demandai pourquoi ils étaient assis ainsi tristes ; et ils répondirent : « Les portes de cette Maison sont tenues fermées pour ceux qui veulent sortir ; et voici maintenant le troisième jour que nous y sommes entrés ; et que nous y avons vécu, conformément à notre désir, en compagnies et en conversations ; et ces entretiens continuels nous ont tellement fatigués, que nous pouvons à peine supporter d’en entendre le simple bourdonnement ; c’est pourquoi, poussés par l’ennui, nous nous sommes rendus vers cette porte, et nous avons frappé ; mais on nous a répondu : Les portes de cette Maison s’ouvrent, non pour ceux qui veulent sortir, mais pour ceux qui veulent entrer ; restez et jouissez des joies du Ciel. D’après ces réponses, nous avons conclu que nous resterons ici éternellement ; de ce moment la tristesse s’est emparée de nos mentals, et maintenant notre poitrine commence à se serrer, et l’anxiété à s’emparer de nous. » Alors l’Ange prit la parole, et leur dit : « Cet état est la mort de vos joies que vous avez cru être uniquement célestes, lorsque cependant elles ne sont que des accessoires des joies célestes. » Et ils dirent à l’Ange : « Qu’est-ce donc que la Joie Céleste ? » Et l’Ange répondit en peu de mots : « C’est le plaisir de faire quelque chose qui soit utile à soi-même et aux autres ; et le plaisir de l’usage tire de l’Amour son essence, et de la Sagesse son existence ; le plaisir de l’usage qui tient son origine de l’Amour par la Sagesse est l’âme et la vie de toutes les joies célestes. Il y a dans les Cieux de très-agréables Réunions, qui égayent les mentals des Anges, divertissent leurs mentals extérieurs (animi), réjouissent leurs cœurs, et récréent leurs corps ; mais ils n’en jouissent qu’après avoir fait des usages dans leurs fonctions et dans leurs œuvres ; par là il y a âme et vie dans toutes leurs allégresses et dans tous leurs amusements ; mais qu’on ôte cette âme ou cette vie, les joies accessoires cessent successivement d’être des joies, et deviennent d’abord indifférentes, ensuite comme rien, et enfin elles ne sont que tristesse et anxiété. » Après qu’il eut parlé ainsi, la porte s’ouvrit, et ceux qui étaient assis auprès sortirent précipitamment ; et ils s’enfuirent chez eux, chacun à sa fonction et à son ouvrage, et ils furent soulagés.

6. Ensuite l’Ange s’adressa à ceux qui s’étaient formé de la Joie du Ciel et de la Félicité éternelle cette idée, que c’étaient des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob ; et, après les repas, des Jeux et des Spectacles, et de nouveau des repas, et ainsi durant l’éternité ; et il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans les félicités de vos joies. » Et il les fit entrer, à travers un bois, dans une plaine couverte d’un plancher, sur laquelle avaient été placées des tables, quinze d’un côté, et quinze de l’autre ; et ils demandèrent : « Pourquoi tant de tables ? » et l’Ange répondit : « La première table est celle d’Abraham ; la seconde, celle d’Isaac ; la troisième, celle de Jacob ; et près de celles-ci sont en ordre les tables des douze Apôtres ; de l’autre côté sont autant de tables pour leurs Épouses, les trois premières sont celles de Sarah épouse d’Abraham, de Rébecca épouse d’Isaac, et de Léah et Rachel épouses de Jacob ; et les douze autres, celles des épouses des douze Apôtres. » Quelques instants après, toutes les Tables apparurent couvertes de mets, et les petits espaces, entre les plats, ornés de petites pyramides chargées de toutes espèces de sucreries. Ceux qui devaient prendre part à ce banquet étaient debout, autour des tables, dans l’attente d’en voir arriver les Présidents ; après quelques moments d’attente, on les vit entrer en ordre de marche depuis Abraham jusqu’au dernier des Apôtres ; et aussitôt chacun d’eux, s’approchant de sa table, s’y plaça à la tête sur un lit ; et, de là, ils dirent à ceux qui se tenaient debout alentour : « Prenez place aussi avec nous. » Et ils prirent place, les hommes avec ces Pères, et les femmes avec leurs Épouses ; et ils mangèrent et burent avec allégresse et avec vénération. Après le repas, ces Pères sortirent ; et alors commencèrent des jeux, des danses de jeunes filles et de jeunes hommes ; et, après les danses, des spectacles : les spectacles terminés, les assistants furent invités de nouveau à des Festins, mais avec ce règlement, que le premier jour ils mangeraient avec Abraham, le second avec Isaac, le troisième avec Jacob, le quatrième avec Pierre, le cinquième avec Jacques, le sixième avec Jean, le septième avec Paul, et avec les autres en suivant l’ordre jusqu’au quinzième jour, à partir duquel ils reprendraient de nouveau les festins dans le même ordre en variant les places, et ainsi durant l’éternité. Ensuite l’Ange convoqua les hommes de la Cohorte, et il leur dit : « Tous ceux que vous avez vus aux tables ont été dans une pensée imaginaire, semblable à la vôtre, sur les Joies du Ciel et sur la Félicité éternelle ; et afin qu’ils voient eux-mêmes les vanités de leurs idées, et qu’ils en soient détournés, de telles scènes de table ont été instituées, et ont été permises par le Seigneur. Les Présidents, que vous avez vus à la tête des tables, étaient des Vieillards jouant un rôle, la plupart d’extraction rustique, qui ayant beaucoup de barbe, et glorieux d’une certaine opulence au-dessus des autres, avaient eu la fantaisie qu’ils étaient ces anciens Pères. Mais suivez-moi par les chemins qui conduisent hors de cette enceinte. » Et ils le suivirent, et ils en virent cinquante à un endroit, et cinquante à un autre, qui s’étaient gorgés de nourriture au point d’en avoir des nausées, et désiraient retourner dans l’intérieur de leurs maisons, les uns à leurs emplois, d’autres à leur commerce, et d’autres à leur ouvrage ; mais un grand nombre étaient retenus par les gardes du bois, et interrogés sur les jours de leurs repas, s’ils avaient mangé aussi aux tables de Pierre et de Paul ; et on leur disait que s’ils sortaient auparavant, comme cela est contraire à la décence, ils en seraient couverts de honte. Mais la plupart répondaient : « Nous sommes rassasiés de nos joies, les mets nous sont devenus insipides, et notre goût est desséché, l’estomac les dédaigne, nous ne pouvons plus y toucher ; nous avons passé quelques jours et quelques nuits dans cette bombance, nous demandons instamment qu’on nous renvoie. » Et, ayant été renvoyés, ils s’enfuirent haletants et à course précipitée chacun chez soi. Après cela l’Ange appela les hommes de la Cohorte ; et, dans la route, voici ce qu’il leur enseigna sur le Ciel : « Dans le Ciel, de même que dans le Monde, il y a des Aliments et des Boissons, il y a des Festins et des Banquets ; et là, chez les Principaux, il y a des Tables sur lesquelles sont servis des mets délicats, des choses friandes et recherchées, par lesquelles les mentals extérieurs (animi) sont égayés et récréés ; il y a aussi des Jeux et des Spectacles ; il y a des Concerts et des Chants ; et tout cela dans la plus grande perfection ; ces choses sont aussi des joies pour les anges, mais non une félicité, celle-ci doit être dans les joies, et par suite provenir des joies ; la félicité dans les joies fait qu’elles sont des joies, elle les fertilise, et les soutient afin qu’elles ne deviennent ni communes ni fastidieuses ; et cette félicité, chacun la possède d’après l’usage dans sa fonction. Dans l’affection de la volonté de chaque Ange, il y a une certaine veine cachée, qui attire le mental à faire quelque chose, le mental par là se tranquillise et se satisfait ; cette satisfaction et cette tranquillité rendent l’état du mental susceptible de recevoir du Seigneur l’amour de l’usage ; de cette réception vient la Félicité céleste, qui est la vie de ces joies dont il a déjà été parlé. La nourriture céleste, dans son essence, n’est pas non plus autre chose que l’amour, la sagesse et l’usage ensemble, c’est-à-dire, l’usage par la sagesse d’après l’amour ; c’est pourquoi, dans le Ciel, il est donné à chacun une nourriture pour le corps selon l’usage qu’il fait, somptueuse à ceux qui sont dans un usage éminent, médiocre mais d’une saveur exquise à ceux qui sont dans un usage d’un degré moyen, et vile à ceux qui sont dans un usage vil, mais il n’en est point donné aux paresseux.

7. L’Ange appela ensuite auprès de lui la Cohorte des prétendus sages, qui avaient placé les Joies Célestes et d’après ces joies la Félicité éternelle, dans des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et dans une magnificence plus que royale et une splendeur au-dessus de tout éclat ; et cela, parce qu’il est dit dans la Parole qu’ils seront rois et princes, et qu’ils régneront avec le Christ éternellement et seront servis par les Anges, outre plusieurs autres choses ; l’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies. » Et il les introduisit dans un Portique composé de Colonnes et de Pyramides : sur le devant était un Porche peu élevé par lequel il y avait entrée dans le Portique ; c’est par ce porche qu’il les introduisit ; et voici, ils furent vus vingt d’un côté et vingt d’un autre, et ils attendaient. Et tout à coup apparut quelqu’un remplissant le rôle d’un Ange, et il leur dit : « Par ce Portique est le chemin qui conduit au Ciel ; restez un peu, et préparez-vous, parce que les plus grands d’entre vous vont devenir Rois, et les moindres seront Princes. » À ces mots, auprès de chaque Colonne apparut un Trône, et sur le trône une chlamyde de soie, et sur la chlamyde un sceptre et une couronne ; et auprès de chaque Pyramide apparut un Siège élevé de trois coudées au-dessus de terre, et sur le siège une chaîne en anneaux d’or, et des cordons de l’ordre équestre réunis par les bouts avec des petits cercles de diamants. Et alors on cria : « Allez, maintenant ; revêtez-vous, asseyez-vous et attendez. » Et à l’instant les Grands coururent aux trônes, et les Moindres aux sièges, et ils se revêtirent, et ils se placèrent : mais alors il apparut comme un brouillard s’élevant des enfers ; ceux qui étaient assis sur les trônes et sur les sièges l’ayant aspiré, leur face commença à devenir bouffie, leur cœur à se gonfler, et ils furent pleins de la confiance qu’ils étaient maintenant rois et princes ; ce brouillard était l’aure (atmosphère) de la fantaisie dont ils étaient inspirés : et tout à coup il accourut, comme venant du Ciel, des jeunes hommes ; et ils se placèrent deux derrière chaque trône, et un derrière chaque siège, pour servir ; et alors de temps en temps un héraut criait : « Vous êtes des rois et des princes ; attendez encore un peu, on prépare maintenant dans le Ciel vos cours ; vos courtisans vont bientôt venir avec vos gardes, et ils vous introduiront. » Ils attendaient et attendaient, au point que leurs esprits respiraient à peine et étaient excédés par leur désir. Après trois heures d’attente, le Ciel s’ouvrit au-dessus de leurs têtes, et des Anges abaissèrent leurs regards sur eux, et en eurent pitié ; ils leur dirent : « Pourquoi êtes-vous assis ainsi comme des fous, et agissez-vous comme des histrions ? On s’est moqué de vous ; et d’hommes on vous a changés en idoles ; et cela, parce que vous avez mis dans vos cœurs que vous régneriez avec le Christ comme des rois et des princes, et qu’alors vous seriez servis par les Anges. Est-ce que vous avez oublié ces paroles du Seigneur : Que celui qui veut être grand dans le Ciel devienne serviteur ? Apprenez donc ce qui est entendu par rois et princes, et par régner avec le Christ ; sachez que c’est être sage et faire des usages ; en effet, le Royaume du Christ, qui est le Ciel, est le Royaume des usages ; car le Seigneur aime tous les hommes, et par suite veut du bien à tous, et le bien est l’usage ; et comme le Seigneur fait les biens ou les usages médiatement par les Anges, et dans le Monde par les hommes, c’est pour cela qu’à ceux qui font fidèlement les usages il donne l’amour de l’usage, et la récompense de l’usage, qui est la béatitude interne, et celle-ci est la félicité éternelle. Il y a dans les cieux, comme dans les terres, des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, car il y a des gouvernements, et des formes de gouvernement, et par conséquent il y a de plus grands et de moindres pouvoirs, de plus grandes et de moindres dignités, et ceux qui sont dans le suprême degré des pouvoirs et des dignités ont des Palais et des Cours, qui surpassent en magnificence et en splendeur les palais et les cours des Empereurs et des Rois sur la terre, et ils sont entourés d’honneur et de gloire par le nombre des courtisans, des ministres et des gardes, et par les vêtements magnifiques de ceux-ci : mais ceux qui sont ainsi élevés au rang suprême sont choisis parmi ceux dont le cœur est pour le salut public, et dont les sens du corps sont seulement dans la grandeur de la magnificence à cause de l’obéissance : et puisqu’il est du salut public que chacun soit de quelque usage dans la société comme corps commun, et puisque tout usage vient du Seigneur, et est fait par les anges et par les hommes comme par eux-mêmes, il est évident que c’est là régner avec le Seigneur. » Après avoir entendu ces paroles prononcées du Ciel, ces prétendus rois et princes descendirent des trônes et des sièges, et jetèrent loin d’eux sceptres, couronnes et chlamydes ; et le brouillard dans lequel était l’atmosphère de la fantaisie s’éloigna d’eux, et ils furent enveloppés d’une nuée blanche où était l’atmosphère de la sagesse, qui rendit la santé à leurs mentals.

8. L’Ange revint ensuite à la Maison de l’assemblée des sages du Monde Chrétien, et il appela vers lui ceux qui s’étaient persuadés que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle étaient des délices paradisiaques ; il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans le Paradis, votre Ciel, afin que vous commenciez à jouir des béatitudes de votre félicité éternelle. » Et il les introduisit par une Porte élevée, construite avec un entrelacement de branches et de rejetons d’arbres précieux : quand ils furent entrés, il les conduisit par des détours de plage en plage ; c’était effectivement un Paradis dans la première entrée vers le Ciel, Paradis dans lequel sont envoyés ceux qui, dans le Monde, ont cru que le Ciel entier est un seul Paradis parce qu’il est appelé le Paradis, et qui ont imprimé en eux l’idée qu’après la mort il y a entière cessation de travail, et que ce repos consisterait uniquement à respirer des délices, à se promener sur des roses, à se délecter du jus le plus exquis des raisins, et à célébrer des fêtes par des festins ; et que cette vie ne peut exister que dans le Paradis Céleste. Conduits par l’Ange, ils voyaient une grande multitude tant de vieillards que de jeunes hommes et d’enfants, et aussi de femmes et de jeunes filles, trois par trois, et dix par dix, assis dans des bosquets de rosiers, tressant des guirlandes dont ils ornaient les têtes des vieillards, les bras des jeunes hommes, et par faisceaux les poitrines des enfants ; ailleurs, cueillant des fruits sur les arbres, et les portant dans des corbeilles à leurs compagnons ; ailleurs, exprimant dans des coupes le jus des raisins, des cerises et des groseilles, et le buvant avec réjouissance ; ailleurs, respirant les parfums exhalés par les fleurs, les fruits et les feuilles odoriférantes, et répandus de tous côtés ; ailleurs, chantant des odes mélodieuses dont ils charmaient les oreilles de ceux qui étaient présents ; ailleurs, assis près des fontaines, et des eaux qui jaillissaient en prenant diverses formes ; ailleurs, se promenant, causant et lançant de joyeux propos ; ailleurs, courant, jouant, dansant ici en mesure, là en rond ; ailleurs, se retirant dans des cabinets au milieu des jardins, pour s’y reposer sur des lits ; sans parler de plusieurs autres allégresses paradisiaques. Après qu’ils eurent vu tous ces groupes, l’Ange conduisit ses compagnons par des circuits çà et là, et enfin vers d’autres esprits qui étaient assis dans un très-beau bosquet de rosiers, entouré d’oliviers, d’orangers et de citronniers, et qui, la tête penchée et les mains sur les joues, gémissaient et répandaient des larmes ; ceux qui accompagnaient l’Ange leur adressèrent la parole, et dirent : « Pourquoi êtes-vous ainsi assis ? » Et ils répondirent : « Il y a maintenant sept jours que nous sommes venus dans ce Paradis ; quand nous sommes entrés, notre mental semblait être élevé dans le Ciel et plongé dans les intimes béatitudes de ses joies ; mais au bout de trois jours ces béatitudes commencèrent à diminuer et à s’effacer dans nos mentals, et à devenir insensibles, et par suite nulles ; et quand nos joies imaginaires se furent ainsi évanouies, nous avons craint la perte de tout l’agrément de notre vie, et nous sommes devenus, à l’égard de la félicité éternelle, incertains s’il y en a une ; et depuis ce moment nous avons erré par les allées et par les places, cherchant la porte par laquelle nous étions entrés ; mais nous avons erré en vain de circuits en circuits ; et nous avons interrogé ceux que nous rencontrions, et quelques-uns d’eux nous on dit : On ne trouve pas la porte, parce que ce jardin Paradisiaque est un vaste labyrinthe, qui est tel, que celui qui veut en sortir s’y enfonce davantage ; vous ne pouvez donc faire autrement que d’y rester éternellement ; vous êtes maintenant dans le milieu, où toutes les délices sont concentrées. » En outre, ils dirent à ceux qui accompagnaient l’Ange : « Voilà maintenant un jour et demi que nous restons assis, et comme nous sommes sans espoir de trouver une sortie, nous nous sommes replacés dans ce bosquet de rosiers, et nous voyons en abondance autour de nous des olives, des raisins, des oranges et des citrons, mais plus nous les regardons, plus se lasse la vue en voyant, l’odorat en odorant, et le goût en goûtant ; voilà la cause de la tristesse, des gémissements et des larmes, dans lesquels vous nous voyez. » L’Ange de la Cohorte, ayant entendu ces paroles, leur dit : « Ce Labyrinthe Paradisiaque est véritablement une entrée du Ciel, je connais une issue, et je vous ferai sortir. » À ces mots, ceux qui étaient assis se levèrent, et embrassèrent l’Ange, et ils le suivirent avec sa cohorte ; l’Ange leur apprit en chemin ce que c’est que la Joie Céleste et par suite la Félicité éternelle. « Ce ne sont pas des Délices paradisiaques externes, à moins qu’il n’y ait en même temps avec elles des Délices paradisiaques internes ; les délices paradisiaques externes sont seulement les délices des sens du corps, mais les délices paradisiaques internes sont les délices des affections de l’âme ; si celles-ci ne sont pas dans celles-là, il n’y a pas de vie céleste, parce qu’il n’y a pas d’âme dans les délices externes ; et tout délice sans son âme correspondante languit et s’engourdit par la continuité, et fatigue, plus que le travail, le mental extérieur (animus). Dans les Cieux, il y a partout des Jardins paradisiaques, et les Anges y trouvent aussi des joies, et autant ils y placent le délice de l’âme, autant ces joies sont pour eux des joies. » À ces mots, tous demandèrent ce que c’est que le délice de l’âme, et d’où il vient ; l’Ange répondit : « Le délice de l’âme vient de l’amour et de la sagesse procédant du Seigneur ; et comme c’est l’amour qui effectue, et qu’il effectue par la sagesse, c’est pour cela que le siège de l’un et de l’autre est dans l’effet, et l’effet est l’usage : ce délice influe du Seigneur dans l’âme, et descend par les supérieurs et par les inférieurs du mental dans tous les sens du corps, et il s’y complète ; de là la joie devient joie, et elle devient éternelle d’après l’Éternel de Qui elle procède. Vous avez vu des Jardins Paradisiaques, et je vous assure que là il n’y a pas la moindre chose, pas même la plus petite feuille, qui ne provienne du mariage de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; si donc l’homme est dans ce mariage, il est dans le Paradis Céleste, ainsi dans le Ciel. »

9. Ensuite l’Ange conducteur revint à la Maison vers ceux qui s’étaient fermement persuadés que la Joie Céleste et la Félicité éternelle sont une perpétuelle Glorification de Dieu, et une Fête qui dure toute l’éternité ; et cela, parce que dans le Monde ils avaient cru qu’alors ils verraient Dieu, et parce que la vie du Ciel d’après le culte de Dieu est appelée un Sabbath perpétuel. L’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans votre joie. » Et il les fit entrer dans une petite ville, au milieu de laquelle il y avait un Temple, et dont toutes les maisons étaient appelées demeures sacrées. Dans cette ville, ils virent une affluence d’esprits de tous les quartiers de la contrée environnante, et parmi eux un grand nombre de Prêtres qui recevaient les arrivants, les saluaient et, leur prenant les mains, les conduisaient aux portes du Temple, et de là dans quelques demeures sacrées autour du Temple, et les initiaient dans le culte continuel de Dieu, en disant : « Cette ville est le parvis qui mène au Ciel, et le Temple de cette ville est l’entrée pour le magnifique et très-vaste Temple, qui est dans le Ciel, où Dieu est glorifié durant l’éternité par les prières et les louanges des Anges : les ordonnances, ici et dans le Ciel, sont qu’il faut d’abord entrer dans le Temple, et y rester trois jours et trois nuits ; et qu’après cette initiation il faut entrer dans les maisons de cette ville, qui sont autant de demeures sanctifiées par nous, et passer de l’une dans l’autre ; et là, en communion avec ceux qui y sont rassemblés, prier, s’écrier à haute voix, et réciter des oraisons : ayez bien soin de ne penser en vous-mêmes et de ne dire avec vos consociés que des choses saintes, pieuses et religieuses. » L’Ange introduisit donc sa cohorte dans le Temple ; il était rempli par une foule très-serrée, composée de beaucoup de gens qui dans le Monde avaient été en grande dignité, et aussi de beaucoup de gens d’entre le menu peuple ; et des gardes avaient été placés aux portes, afin qu’il ne fût permis à personne de sortir avant d’y être resté trois jours ; et l’Ange dit : « Il y a maintenant deux jours que ceux-ci sont entrés ; examinez-les, et vous verrez comment ils glorifient Dieu. » Et ils les examinèrent, et ils les virent pour la plupart endormis, et ceux qui étaient éveillés ne cessant de bâiller ; quelques-uns ayant, par une continuelle élévation de leurs pensées vers Dieu sans aucun retour sur le corps, la face comme séparée de leur corps, car ils apparaissent ainsi à eux-mêmes et par suite aussi aux autres ; d’autres ayant les yeux égarés à force de les tourner continuellement en dessous ; en un mot, ayant tous le cœur serré et l’esprit abattu par l’ennui, et se détournant de la chaire, et criant : « Nos oreilles sont étourdies ; finissez les sermons, on n’entend plus un mot, et le son de vos voix nous devient fastidieux. » Et alors ils se levèrent, et ils coururent en masse aux portes, les enfoncèrent, et se jetèrent sur les gardes et les chassèrent. Les Prêtres, voyant cela, les suivirent et se mirent à côté d’eux, prêchant et prêchant, priant, soupirant, disant : « Célébrez la Fête, glorifiez Dieu, sanctifiez-vous ; dans ce parvis du Ciel, nous vous initierons à la Glorification éternelle de Dieu dans le magnifique et très-vaste Temple qui est dans le Ciel, et ainsi à la jouissance de la félicité éternelle. » Mais ces paroles, ils ne les comprenaient pas et ils les entendaient à peine, à cause de l’abattement du mental par la suspension et la cessation, pendant deux jours, de toute affaire domestique et publique. Toutefois, comme ils s’efforçaient d’échapper aux prêtres, les prêtres les prenaient par les bras, et aussi par les habits, les poussant vers les demeures sacrées où des sermons devaient être prêchés ; mais c’était en vain, et ils criaient : « Laissez-nous, nous sentons dans le corps comme une défaillance. » À cet instant, voici, il apparut quatre Hommes vêtus de blanc et avec des tiares ; l’un d’eux avait été Archevêque dans le Monde, et les trois autres y avaient été Évêques ; ils étaient devenus des Anges ; ils appelèrent les Prêtres ; et, leur adressant la parole, ils dirent : « Nous vous avons vus du Ciel avec ces brebis ; comment les paissez-vous ? Vous les paissez jusqu’à les rendre folles ; vous ne savez pas ce qui est entendu par la glorification de Dieu ; il est entendu porter des fruits de l’amour, c’est-à-dire, faire fidèlement, sincèrement et soigneusement l’œuvre de sa fonction, car cela appartient à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain, et cela est le lien de la société et le bien de la société ; par là Dieu est glorifié, et il l’est alors par le culte qu’on lui rend à des temps marqués ; n’avez-vous point lu ces paroles du Seigneur : En ceci EST GLORIFIÉ MON PÈRE, que du fruit beaucoup vous portiez, et que vous deveniez mes disciples ? – Jean, XV. 8. – Vous, Prêtres, vous pouvez être dans la glorification du Culte, parce que c’est votre fonction, et que vous y trouvez honneur, gloire et rémunération ; mais vous, néanmoins, vous ne pourriez pas être plus qu’eux dans cette glorification, si en même temps avec votre fonction il n’y avait pas honneur, gloire et rémunération. » Après avoir ainsi parlé, les Évêques ordonnèrent aux gardes de la porte de laisser chacun entrer et sortir ; il y a, en effet, une multitude d’hommes qui n’ont pu penser à une joie Céleste autre que le culte perpétuel de Dieu, parce qu’ils n’ont rien su de l’état du Ciel.

10. L’Ange, avec ceux qui l’avaient accompagné, revint ensuite à la salle d’assemblée, d’où les cohortes de Sages ne s’étaient pas encore retirées ; et là, il appela près de lui ceux qui croyaient que la joie céleste et la félicité éternelle ne sont que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la grâce Divine ; et qu’alors ceux qui sont admis ont la même joie que ceux qui, dans le Monde, entrent dans les cours des Rois les jours de réjouissances, ou qui invités à des noces entrent dans la salle de festin. L’Ange leur dit : « Demeurez ici un peu, et je vais sonner de la trompette, et ceux qui ont une grande réputation de sagesse dans les choses spirituelles de l’Église se rendront ici. » Après quelques heures il apparut neuf hommes, chacun couronné de laurier en signe de sa réputation ; l’Ange les introduisit dans la salle d’assemblée, où étaient présents tous ceux qui avaient été précédemment convoqués ; l’Ange, adressant en leur présence la parole aux neuf hommes couronnés de laurier, dit : « Je sais que, d’après votre vœu conforme à votre idée, il vous a été donné de monter dans le Ciel, et que vous êtes revenus sur cette terre inférieure ou sous-céleste, avec une entière connaissance de l’état du Ciel ; racontez donc comment vous a paru le Ciel. » Et ils répondirent l’un après l’autre ; et le PREMIER dit : « Mon idée sur le Ciel, depuis mon enfance jusqu’à la fin de ma vie dans le Monde, avait été que c’était le lieu de toutes les béatitudes, et de tous les agréments, plaisirs, charmes et voluptés, et que si j’y étais admis, je me trouverais entouré de l’atmosphère de ces félicités, et que je la respirerais à pleine poitrine, comme un fiancé lorsqu’il célèbre ses noces, et qu’il entre avec sa fiancée dans la couche nuptiale ; dans cette idée, je montai au Ciel, et je passai les premières gardes, et aussi les secondes, mais lorsque j’arrivai aux troisièmes, le chef des gardes m’adressa la parole et me dit : « Qui es-tu, ami ? » Et je répondis : « N’est-ce pas ici le Ciel ? J’y suis monté d’après le vœu de mon désir ; laisse-moi entrer, je te prie. » Et il me laissa entrer ; et je vis des Anges vêtus de blanc, et ils m’entouraient, et ils m’examinaient, et ils disaient tout bas : Voici un nouvel hôte qui n’a pas le vêtement du Ciel ; et moi, j’entendis ces paroles, et j’eus cette pensée : Il me semble qu’il en est de moi comme de celui dont le Seigneur dit qu’il était entré au festin des noces, sans un babil nuptial ; et je dis : Donnez-moi des vêtements du Ciel ; mais ils se mirent à rire ; et alors accourut un Ange de la Cour avec cet ordre : Mettez-le tout nu, chassez-le, et jetez ses habits après lui ; et je fus chassé ainsi. » Le SECOND en ordre dit : « Moi, j’ai cru, comme lui, que si j’étais seulement admis dans le Ciel, qui est au-dessus de ma tête, les joies m’environneraient et que j’en jouirais éternellement ; j’obtins aussi ce que j’avais désiré ; mais en me voyant les Anges s’enfuirent, et se dirent entre eux : Qu’est-ce que ce prodige ? Comment cet Oiseau de nuit est-il venu ici ? Et en effet je sentis un changement comme si je n’étais plus homme, quoique je ne fusse pas changé ; cela provenait chez moi de l’attraction de l’atmosphère céleste ; mais bientôt accourut un Ange de la Cour avec cet ordre, que deux serviteurs me fissent sortir et reprendre le chemin par lequel j’étais monté pour me ramener jusqu’à ma maison ; et, quand je fus à la maison, j’apparus aux autres et à moi-même comme homme. » Le TROISIÈME dit : « L’idée du Ciel était constamment pour moi une idée du lieu et non de l’amour ; c’est pourquoi, quand je vins dans ce monde, je désirai avec une vive ardeur le Ciel ; et je vis des esprits qui montaient, et je les suivis, et je fus admis, mais non au-delà de quelques pas ; or, quand je voulus réjouir mon mental (animus) de l’idée des joies et des béatitudes célestes, par la lumière du Ciel, qui était blanche comme la neige, et dont l’essence est dite être la sagesse, mon mental fut saisi de stupeur, et par suite mes yeux furent couverts d’obscurité, et je commençai à être insensé ; et bientôt, par la chaleur du Ciel, qui correspondait à la blancheur éclatante de cette lumière, et dont l’essence est dite être l’amour, mon cœur palpita, l’anxiété s’empara de moi, et j’étais tourmenté par une douleur intérieure, et je me jetai là par terre étendu sur le dos ; et, pendant que j’étais ainsi couché, un garde vint de la Cour avec l’ordre de me faire transporter doucement dans ma lumière et dans ma chaleur ; quand j’y fus rentré, mon esprit et mon cœur me revinrent. » Le QUATRIÈME dit : « Moi aussi, au sujet du Ciel, j’ai été dans l’idée du lieu et non dans l’idée de l’amour, et dès que je fus arrivé dans le Monde spirituel, je demandai aux sages s’il était permis de monter dans le Ciel ; ils me dirent que cela était permis à chacun, mais qu’il fallait prendre garde d’en être chassé ; cette réponse me fit rire, et je montai, croyant, moi comme les autres, que tous dans le Monde entier peuvent recevoir les joies du ciel dans leur plénitude : mais en effet dès que je fus entré je me trouvai presque sans vie, et ne pouvant supporter la douleur et le tourment que j’éprouvais dans la tête et dans le corps, je me jetai par terre, et me roulai comme un serpent approché du feu, et je rampai jusqu’à un précipice et m’y élançai ; et ensuite je fus relevé par ceux qui étaient en bas, et porté dans une hôtellerie, où la santé me fut rendue. Les CINQ AUTRES racontèrent aussi les choses étonnantes qui leur étaient arrivées, quand ils étaient montés dans le Ciel ; et ils comparaient les changements d’états de leur vie avec l’état des poissons enlevés des eaux dans l’air, et avec l’état des oiseaux dans l’éther ; et ils dirent qu’après ces dures épreuves ils n’avaient plus désiré le Ciel, mais seulement une vie conforme à celle de leurs semblables, en quelque lieu qu’ils fussent ; ils ajoutèrent : « Nous savons que dans le Monde des esprits, où nous sommes, tous sont d’abord préparés, les bons pour le Ciel, et les méchants pour l’Enfer ; et que, quand ils ont été préparés, ils voient des chemins ouverts pour eux vers les Sociétés de leurs semblables, avec qui ils doivent rester durant l’éternité ; et qu’alors ils entrent dans ces chemins avec plaisir, parce que ce sont les chemins de leur amour. Tous ceux de la première Convocation, entendant ces déclarations, avouèrent aussi qu’ils n’avaient pas eu non plus d’autre idée du Ciel que comme d’un lieu où l’on savoure à pleine bouche durant l’éternité des joies dont on est inondé. Ensuite l’Ange de la Trompette leur dit : « Vous voyez maintenant que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle n’appartiennent pas au lieu, mais qu’elles appartiennent à l’état de la vie de l’homme ; or, l’état de la vie céleste vient de l’amour et de la sagesse ; et comme l’usage est le contenant de l’un et de l’autre, l’état de la vie céleste vient de la conjonction de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; c’est la même chose, si l’on dit la Charité, la Foi et la bonne Œuvre, car la Charité est l’Amour, la Foi est la Vérité d’où procède la Sagesse, et la Bonne Œuvre est l’Usage : en outre, dans notre Monde Spirituel il y a des lieux comme dans le Monde naturel, autrement il n’y aurait pas d’habitations ni de demeures distinctes ; toutefois, cependant, le lieu n’y est pas un lieu, mais c’est l’apparence d’un lieu selon l’état de l’amour et de la sagesse, ou de la charité et de la foi. Quiconque devient ange porte intérieurement en soi son ciel, parce qu’il porte intérieurement en soi l’amour de son ciel ; car l’homme par création est en très-petit l’effigie, l’image et le type du grand Ciel ; la forme humaine n’est pas autre chose ; c’est pourquoi chacun vient dans la société du Ciel, dont il est la forme dans une effigie singulière ; c’est pour cela que, lorsqu’il entre dans cette société, il entre dans une forme correspondante à lui-même, ainsi il entre dans cette société comme de lui en lui, et il entre en lui comme d’elle en elle, et il tire la vie de cette société comme étant à lui, et il tire la sienne comme étant à cette société ; chaque société est comme un Commun, et les Anges y sont comme les parties similaires d’après lesquelles coexiste le Commun. Il résulte donc de là que ceux qui sont dans les maux et par suite dans les faux ont formé en eux une effigie de l’Enfer, et cette effigie est tourmentée dans le Ciel d’après l’influx et la violence de l’activité de l’opposé contre l’opposé, car l’amour infernal est opposé à l’amour céleste, et par suite les plaisirs de ces deux amours combattent l’un contre l’autre comme des ennemis, et se tuent quand ils se rencontrent.

11. Ces diverses épreuves étant terminées, il fut entendu du Ciel une voix, disant à l’Ange de la trompette : « Choisis-en deux d’entre tous ceux qui ont été convoqués, et introduis-les auprès de nous ; nous avons appris du Seigneur qu’il les préparera, afin que la chaleur et la lumière, ou l’amour et la sagesse de notre Ciel, ne leur nuisent en rien, pendant trois jours. » Et il en fut choisi dix, et ils suivirent l’Ange ; et, par un sentier incliné, ils montèrent sur une colline, et de là sur une Montagne, où était le Ciel de ces Anges, lequel leur avait d’abord apparu à une certaine distance comme une Étendue dans les nuées : et les portes s’ouvrirent pour eux ; et, après qu’ils eurent passé la troisième, l’Ange introducteur courut vers le Prince de cette Société ou de ce Ciel, et annonça leur arrivée ; et le Prince répondit : « Prends quelques-uns de ma garde, et annonce à ceux qui se présentent que leur arrivée m’est agréable, et introduis-les dans mon Avant-Cour, et donne à chacun sa chambre et son cabinet ; prends aussi quelques-uns de mes courtisans et de mes serviteurs pour leur rendre de bons offices, et les servir au moindre signe. » Et il fut fait ainsi. Mais, lorsqu’ils eurent été introduits par l’Ange, ils demandèrent s’il était permis d’aborder et de voir le Prince ; et l’Ange répondit : « Il est encore matin, et cela n’est pas permis avant midi ; tous, jusqu’à ce moment-là, sont à leurs fonctions et à leurs occupations ; mais vous avez été invités à dîner ; et alors vous serez assis à table avec notre Prince : en attendant, je vais vous introduire dans son Palais, où vous verrez des choses magnifiques et resplendissantes. »

12. Lorsqu’ils eurent éamenés près du Palais, ils en virent d’abord les dehors ; il était vaste, bâti en porphyre sur des fondements de jaspe, devant la porte six hautes colonnes de pierre lazuli, le toit en lames d’or, de hautes fenêtres d’un cristal extrêmement transparent, leurs embrasures aussi d’or. Ensuite ils furent introduits dans l’intérieur du Palais, et conduits d’appartements en appartements ; et ils virent des ornements d’une beauté ineffable ; sur les plafonds, des décors d’une ciselure inimitable ; près des murs, des tables d’argent damasquinées d’or, sur lesquelles étaient divers ustensiles en pierres précieuses et en perles fines dans des formes célestes ; et bien d’autres choses qu’aucun œil n’a vues sur la terre, et desquelles en conséquence personne n’a pu croire qu’elles fussent dans le Ciel. Comme la vue de ces objets magnifiques les jetait dans l’étonnement, l’Ange leur dit : « Ne soyez pas surpris ; les objets que vous avez vus ne sont ni faits ni fabriqués par la main des Anges, mais ils sont composés par l’Artisan de l’Univers, et donnés en présent à notre Prince ; c’est pourquoi ici l’Art architectonique est dans son art même, et de lui sont dérivés toutes les règles de cet art dans le Monde. » L’Ange ajouta : « Vous pourriez présumer que de telles choses charment nos yeux et les éblouissent au point de nous faire croire que ce sont là les joies de notre Ciel ; mais comme nous ne menons pas nos cœurs seulement en ces choses, car elles sont des accessoires pour les joies de nos cœurs, il en résulte qu’autant nous les contemplons comme des accessoires, et comme des œuvres de Dieu, autant nous contemplons en elles la Divine Toute-Puissance et la Divine Clémence. »

13. Ensuite l’Ange leur dit : « Il n’est pas encore Midi, venez avec moi dans le Jardin de notre Prince, il touche à ce Palais. » Et ils y allèrent, et dès l’entrée il leur dit : « Voici un Jardin plus magnifique que les autres jardins de cette Société Céleste. » Et ils répondirent : « Que dis-tu ? Ce n’est point ici un Jardin, nous ne voyons qu’un seul Arbre, et dans ses branches et à sa cime comme des fruits d’or et comme des feuilles d’argent, et leurs bords ornés d’émeraudes ; et sous cet Arbre des enfants avec leurs nourrices. » Alors l’Ange dit d’une voix inspirée : « Cet Arbre est dans le milieu du Jardin, et il est appelé par nous l’Arbre de notre Ciel, et par quelques-uns l’Arbre de la vie. Mais avancez, et approchez-vous, et vos yeux seront ouverts, et vous verrez le Jardin. » Et ils firent ainsi ; et leurs yeux furent ouverts, et ils voyaient des Arbres chargés de fruits savoureux, entourés de ceps avec leurs pampres, dont les extrémités se penchaient avec leurs fruits vers l’Arbre de la vie qui était au milieu. Ces arbres étaient plantés en une série continue, qui partait et se prolongeait en ronds ou tours continus comme ceux d’une hélice sans fin ; c’était une Hélice parfaite en arbres, dans laquelle les espèces suivaient les espèces sans interruption selon l’excellence des fruits : le commencement de la formation des tours était séparé de l’Arbre du milieu par un intervalle considérable, et l’intervalle brillait d’un éclat de lumière, par lequel les arbres du tour resplendissaient d’une splendeur successive et continuée depuis les premiers jusqu’aux derniers ; les premiers de ces arbres étaient les plus excellents de tous, abondamment chargés des meilleurs fruits ; ils étaient appelés arbres paradisiaques ; il n’en a été vu nulle part, parce qu’il n’y en a pas eu et qu’il ne pouvait pas y en avoir dans les terres du Monde naturel ; à la suite de ces arbres étaient des oliviers, après ceux-ci des ceps de vigne, puis les arbres odoriférants, et enfin ceux de bois de construction. Çà et là, dans cette Hélice en arbres ou dans cette série de tours, il y avait des Sièges, formés avec de jeunes branches d’arbres rapprochées et entrelacées par derrière, et enrichis et ornés de leurs fruits. Dans ce rond continu d’arbres, il y avait des portes qui ouvraient sur des parterres, d’où l’on passait dans des lieux de verdure distribués en bandes et en lits. Ceux qui accompagnaient l’Ange s’écriaient en voyant cela : « Voici le ciel en forme ! de quelque côté que nous tournions les yeux il influe quelque céleste paradisiaque, qui est ineffable. » L’Ange, entendant ces paroles, en ressentit de la joie, et il dit : « Tous les Jardins de notre Ciel sont des Formes représentatives ou Types des béatitudes célestes dans leurs origines ; et comme l’influx de ces béatitudes a élevé vos mentals, vous vous êtes écriés : Voici le Ciel en forme ! mais ceux qui ne reçoivent pas cet influx ne regardent pas ces objets paradisiaques autrement qu’ils ne regarderaient des objets champêtres ; et tous ceux-là reçoivent l’influx, qui sont dans l’amour de l’usage ; mais ceux-là ne le reçoivent pas qui sont dans l’amour de la gloire, et non d’après l’usage. Il leur expliqua ensuite et leur apprit ce que chaque objet de ce Jardin représentait et signifiait.

14. Tandis qu’ils recevaient ces instructions, il vint un messager de la part du Prince qui les invitait à manger le pain avec lui ; et en même temps deux gardes de la cour apportèrent des vêtements de fin lin, et ils dirent : « Revêtez-vous-en, parce que personne n’est admis à la table du Prince, à moins qu’il ne soit en vêtements du Ciel » ; et ils s’apprêtèrent, et ils accompagnèrent leur Ange, et ils furent introduits dans l’Hypèthre, cour de promenade du Palais, et ils attendirent le Prince ; et là, l’Ange les mit en relation avec des Grands et des Gouverneurs qui attendaient aussi le Prince : et voici, après une petite heure, les portes s’ouvrirent, et par une porte plus large du côté de l’Occident ils virent l’entrée du Prince avec l’ordre et la pompe d’un cortège. Devant lui marchaient les Conseillers assistants, après eux les Conseillers chambellans, et ensuite les Principaux de la cour ; au milieu de ceux-ci était le Prince, et après lui les courtisans de rangs divers, et enfin les gardes ; tous formaient un nombre de cent vingt. L’Ange se tenant debout devant les dix nouveaux venus, qui par leur vêtement paraissaient alors comme des commensaux, s’approcha avec eux du Prince, et les lui présenta respectueusement ; le Prince, sans ralentir sa marche, leur dit : « Venez avec moi au pain. » Et ils le suivirent dans la Salle à manger, et ils virent une Table magnifiquement servie, et au milieu de la table une haute Pyramide d’or avec cent plats creux en triple rang sur leur formes, contenant des pains sucrés et des gelées de vin doux avec d’autres choses délicates préparées avec le pain et le vin ; et du milieu de la Pyramide sortait comme une fontaine qui jaillissait avec un vin de nectar, et dont la veine se divisait au sommet de la Pyramide et remplissait les coupes. Aux côtés de cette haute Pyramide étaient différentes formes célestes en or, sur lesquelles étaient des plats et des assiettes couverts de toute sorte de mets : les formes célestes, sur lesquelles étaient les plats et les assiettes, étaient des formes de l’art d’après la sagesse, qui ne peuvent, dans le Monde, être tracées par aucun art, ni décrites par aucune expression : les plats et les assiettes étaient d’argent, ciselés en pareilles formes aux bords et dans le fond, avec leurs supports ; les coupes étaient de pierres précieuses transparentes : tel était l’appareil de la Table.

15. Or, voici quel était l’habillement du Prince et de ses Ministres. Le Prince était vêtu d’une Robe longue couleur de pourpre, parsemée d’étoiles brodées couleur d’argent ; sous la robe il portait une tunique de soie brillante couleur d’hyacinthe ; cette tunique était ouverte sur la poitrine, où l’on voyait la partie antérieure d’une sorte de ceinture avec l’Insigne de sa Société ; l’Insigne était une Aigle couvant ses petits à la cime d’un arbre ; il était d’un or brillant, entouré de diamants. Les Conseillers assistants n’étaient pas vêtus autrement, mais sans cet Insigne, au lieu duquel ils portaient des saphirs gravés qui pendaient à un collier d’or à leur cou. Les courtisans étaient en robe couleur brun-clair, sur lesquelles étaient brochées des fleurs autour de petits aiglons ; les tuniques sous ces robes étaient de soie couleur d’opale ; de même aussi les vêlements qui couvraient les cuisses et les jambes. Tel était leur Costume.

16. Les Conseillers assistants, les Conseillers chambellans et les Gouverneurs se tenaient debout autour de la Table, et sur l’ordre du Prince ils joignirent les mains, et prononcèrent en même temps à voix basse une louange votive au Seigneur ; et ensuite, à un signe du Prince, ils se mirent à table sur des lits ; et le Prince dit aux dix nouveaux venus : « Mettez-vous aussi à table, vous, avec moi ; voici, là sont vos places. » Et ils se mirent à table ; et des officiers de la cour, envoyés d’avance par le Prince pour les servir, se tenaient debout derrière eux ; et alors le Prince leur dit : « Prenez chacun une assiette de dessus leurs ronds, et ensuite chacun un plat-creux de la Pyramide. » Et ils les prirent ; et voici, aussitôt de nouvelles assiettes et de nouveaux plats-creux furent vus les remplaçant ; et leurs coupes étaient remplies du vin de la fontaine qui jaillissait de la grande Pyramide ; et ils mangèrent et burent. Quand on fut à demi-rassasié, le Prince adressa la Parole aux dix invités, et dit : « .l’ai appris que dans la terre, qui est sous ce Ciel, vous avez été convoqués pour faire connaître vos pensées sur les Joies du Giel, et sur la Félicité éternelle qu’elles procurent, et que vous les avez manifestées de diverses manières, chacun selon les plaisirs des sens de son corps. Mais, que sont les plaisirs des sens du corps sans les plaisirs de l’âme ? c’est l’âme qui fait qu’ils sont des plaisirs ; les plaisirs de l’âme sont en eux-mêmes des béatitudes non-perceptibles, mais elles deviennent de plus en plus perceptibles selon qu’elles descendent dans les pensées du mental, et par ces pensées dans les sensations du corps ; dans les pensées du mental, elles sont perçues comme bonheur, dans les sensations du corps comme agréments, et dans le corps même comme voluptés ; les unes et les autres prises ensembles constituent la félicité éternelle ; mais cette Félicité qui ne résulte que des dernières seules n’est pas éternelle, c’est une félicité temporaire qui finit et passe, et qui parfois devient infélicité. Vous avez maintenant vu que toutes vos joies aussi sont des joies du Ciel, et bien au-dessus de ce que vous avez jamais pu imaginer ; mais néanmoins ces joies n’affectent pas intérieurement nos mentals (animi). Il y a trois choses qui influent comme une seule du Seigneur dans nos âmes ; ces trois choses comme une seule, ou ce trine, sont l’amour, la sagesse et l’usage ; toutefois, l’amour et la sagesse n’existent que d’une manière idéale, lorsqu’ils ne sont que dans l’affection et dans la pensée du mental, mais dans l’usage ils existent en réalité, parce qu’ils sont en même temps dans l’acte et dans l’œuvre du corps ; et où ils existent en réalité, là aussi ils subsistent ; et puisque l’amour et la sagesse existent et subsistent dans l’usage, c’est l’usage qui nous affecte, et l’usage consiste à remplir fidèlement, sincèrement et soigneusement les œuvres de sa fonction ; l’amour de l’usage, et par suite l’application à l’usage, empêche le mental de se répandre çà et là, d’errer vaguement, et de se remplir de toutes les cupidités qui influent du corps et du monde par les sens avec de séduisants attraits, et par lesquelles les vrais de la Religion et les vrais de la Morale avec leurs biens sont dissipés à tous vents ; mais l’application du mental à l’usage contient et lie ensemble ces vrais, et dispose le mental en une forme susceptible de recevoir la sagesse d’après ces vrais ; et alors elle chasse sur les côtés les jouets et les amusements des faussetés et des vanités. Mais vous en apprendrez davantage sur ce sujet avec les sages de notre Société, que j’enverrai vers vous cette après-midi. » Le Prince, ayant ainsi parlé, se leva, et avec lui tous les convives, et il dit : « Paix ! » et il donna ordre à l’Ange, leur conducteur, de les ramener dans leurs appartements, et de leur rendre tous les honneurs de la civilité, et d’appeler aussi des hommes polis et affables pour les entretenir agréablement sur les différentes joies de cette société.

17. Quand ils furent rentrés, cet ordre fut exécuté ; et ceux qui avaient été appelés de la ville, pour les entretenir agréablement sur les différentes joies de la Société, arrivèrent ; et, après les saluts, ils eurent avec eux d’agréables conversations en se promenant : mais l’Ange leur conducteur dit : « Ces dix hommes ont été invités dans ce Ciel, pour en voir les Joies, et par suite recevoir une nouvelle idée de la Félicité éternelle ; racontez-leur donc, sur les joies de ce Ciel, quelque chose qui affecte les sens du corps ; ensuite viendront des Sages qui parleront de ce qui fait que ces joies procurent le bonheur et la félicité. » À ces mots, ceux qui avaient été appelés de la ville relatèrent les particularités suivantes : « 1o Il y a ici des jours de fête indiqués par le Prince, afin que les mentals (animi) se remettent de la fatigue que l’ardeur de l’émulation aurait causée à quelques-uns ; dans ces jours il y a dans les places publiques des Concerts d’harmonie musicale et des Chants, et hors de la ville des Jeux et des Spectacles ; alors dans les Places publiques sont élevés des Orchestres entourés de treillis formés avec des ceps entrelacés auxquels pendent des grappes de raisins ; au dedans des treillis sur trois rangs d’élévation sont assis les musiciens avec instruments à cordes, et avec instruments à vent, de son divers, haut et bas, fort et doux, et sur les côtés sont les Chanteurs et les Chanteuses, et ils récréent les citoyens par des airs et des chants très-agréables, en chœur et en solo, variés par intervalles quant aux espèces ; cela dure ces jours de fête depuis le matin jusqu’à midi, et continue l’après-midi jusqu’au soir. 2o En outre, chaque matin, des maisons qui entourent les Places on entend des Chants très-suaves de vierges et de jeunes filles ; toute la ville en retentit ; c’est une seule affection de l’amour spirituel qui est chantée chaque matin, c’est-à-dire, qui résonne par les modifications du son de la voix ou par les modulations ; et cette affection dans le chant est perçue comme si c’était l’affection elle-même ; elle influe dans les âmes de ceux qui l’entendent et excite ces âmes à la correspondance ; tel est le chant céleste ; les chanteuses disent que le son de leur chant semble s’inspirer et s’animer de l’intérieur, et s’exalter agréablement selon qu’il est reçu par ceux qui l’entendent. Ce chant fini, les fenêtres des maisons de la Place, et en même temps celles des maisons des rues, sont fermées, et les portes aussi ; et alors toute la ville est dans le silence, et nulle part on n’entend de bruit, et l’on n’y voit personne aller çà et là ; tous alors sont occupés à remplir les fonctions de leur état. 3o Mais à midi les portes sont ouvertes ; et l’après-midi, en quelques endroits, les fenêtres le sont aussi ; et on regarde les jeux des enfants des deux sexes dans les rues, sous la direction de leurs nourrices et de leurs maîtres assis sous les portiques des maisons. 4o Aux côtés de la ville, à ses extrémités, il y a différents jeux de jeunes garçons et d’adolescents, jeux de courses, jeux de balle, jeux de raquettes, exercices publics entre les jeunes garçons, à savoir, qui sera le plus prompt, et qui sera le plus lent, à parler, à agir et à percevoir, et pour les plus prompts quelques feuilles de laurier en prix ; outre plusieurs autres jeux propres à exciter les aptitudes cachées dans les enfants. 5o De plus, hors de la ville, sur des théâtres il y a des spectacles de comédiens qui représentent divers traits d’honnêteté et de vertu de la vie morale ; parmi eux il y a aussi des histrions à cause des relations. » Et l’un des dix demanda ce que signifiaient ces mots : À cause des relations ; et ils répondirent : « Aucune vertu ne peut être présentée d’une manière frappante avec ce qu’elle a d’honnête et de beau, que par des relatifs depuis leurs maxima jusqu’à leurs minima ; les histrions représentent leurs minima jusqu’à ce qu’ils deviennent nuls ; mais il leur a été défendu par une loi de présenter, si ce n’est d’une manière figurée et comme de loin, quelque chose de l’opposé, qui est appelé déshonnête et indécent : si cela a été défendu, c’est parce que rien d’honnête et de bon d’une vertu quelconque ne passe par des progressions successives au déshonnête et au mauvais, mais va seulement à ses minima jusqu’à ce que cela périsse, et quand cela périt l’opposé commence ; c’est pourquoi le Ciel, où tout est honnête et bon, n’a rien de commun avec l’Enfer, où tout est déshonnête et mauvais. »

18. Pendant cette conversation un serviteur accourut et annonça que huit Sages se présentaient par ordre du Prince, et voulaient entrer ; à cette nouvelle l’Ange sortit, et il les reçut et les introduisit ; et aussitôt les Sages, après les formules de bienséance et de politesse, parlèrent d’abord des commencements et des accroissements de la sagesse, auxquels ils entremêlèrent diverses choses sur sa durée, en disant que chez les anges la sagesse n’a point de fin et ne discontinue pas mais qu’elle croît et augmente durant l’éternité. Ces explications ayant été données, l’Ange de la Cohorte leur dit : « Notre prince leur a parlé, à table, du siège de la sagesse, et leur a dit qu’il est dans l’usage ; entretenez-les aussi, je vous prie, sur ce sujet. » Et ils dirent : « L’homme, d’abord créé, fut imbu de la sagesse et de l’amour de la sagesse, non pour lui-même, mais pour en faire communication aux autres d’après lui ; par suite, il a été gravé dans la sagesse des sages que qui que ce soit ne doit être sage ni vivre pour soi, à moins que ce ne soit en même temps pour les autres ; de là la Société, qui autrement n’existerait point ; vivre pour les autres, c’est faire des usages ; les usages sont les liens de la société ; il y a autant de ces liens qu’il y a de bons usages, et le nombre des usages est infini ; il y a les usages spirituels qui appartiennent à l’amour envers Dieu et à l’amour à l’égard du prochain ; il y a les usages moraux et civils qui appartiennent à l’amour de la société et de la cité dans lesquelles est l’homme, et à l’amour des compagnons et des citoyens avec lesquels il demeure ; il y al les usages naturels qui appartiennent à l’amour du monde et de ses besoins ; et il y a les usages corporels qui appartiennent à l’amour de sa propre conservation à cause des usages supérieurs. Tous ces usages ont été gravés en l’homme, et se suivent en ordre, l’un après l’autre, et quand ils sont ensemble, l’un est dans l’autre : ceux qui sont dans les premiers usages, c’est-à-dire, dans les usages spirituels, sont aussi dans les usages qui suivent, et ceux-là sont sages ; mais ceux qui ne sont pas dans les premiers, et qui néanmoins sont dans les seconds, et de là dans les suivants, ne sont pas sages de même, mais seulement d’après la moralité et la civilité externes, ils apparaissent comme s’ils l’étaient ; ceux qui ne sont ni dans les premiers ni dans les seconds, mais qui sont dans les troisièmes et dans les quatrièmes, ne sont rien moins que sages, car ce sont des satans ; en effet, ils aiment seulement le monde, et d’après le monde ils s’aiment eux-mêmes ; mais ceux qui ne sont que dans les quatrièmes sont de tous les moins sages, car ce sont des diables, parce qu’ils vivent pour eux seuls, et que s’ils vivent pour les autres, c’est uniquement à cause d’eux-mêmes. En outre, chaque amour a son plaisir, car l’amour vit par le plaisir, et le plaisir de l’amour des usages est un plaisir céleste, lequel entre dans les plaisirs qui suivent en ordre, et les exalte selon l’ordre de succession et les rend éternels. » Ensuite ils firent l’énumération des Délices célestes qui procèdent de l’amour de l’usage, et ils dirent qu’il y en a des myriades de myriades, et que ceux qui entrent dans le Ciel entrent dans ces délices : et, de plus, ils passèrent avec eux le reste du jour jusqu’au soir à traiter de l’amour de l’usage par de sages conversations.

19. Mais vers le soir vint un courrier vêtu de toile vers les dix nouveaux venus qui accompagnaient l’Ange, et il les invita à des Noces qui devaient se célébrer le lendemain ; et les nouveaux venus se réjouirent beaucoup de ce qu’ils allaient voir aussi des noces dans le Ciel. Ensuite, ils furent conduits chez un Conseiller assistant, et ils soupèrent avec lui, et après le souper, ils rentrèrent, et se séparant ils se retirèrent, chacun dans son appartement, et dormirent jusqu’au matin ; et alors, s’étant réveillés, ils entendirent le Chant des vierges et des jeunes filles, qui partait des maisons autour de la Place publique dont il a déjà été parlé ; on chantait alors l’affection de l’amour conjugal ; profondément affectés et émus par la suavité de ce chant, ils percevaient insinué dans leurs joies un charme délicieux qui les élevait et les renouvelait. Quand il en fut temps, l’Ange leur dit : « Préparez-vous, prenez les vêtements du Ciel que notre prince vous a envoyés. Et ils se vêtirent ; et voici, les vêtements resplendissaient comme d’une lumière enflammée ; et ils demandèrent à l’Ange d’où cela provenait ; il répondit : « Cela vient de ce que vous allez assister à des noces ; chez nous alors les vêtements resplendissent et deviennent nuptiaux. »

20. Ensuite l’Ange les conduisit à la Maison des noces, et le portier ouvrit la porte ; et à peine étaient-ils sur le seuil qu’ils furent reçus et salués par un Ange que le Fiancé avait envoyé, et ils furent introduits et conduits à des sièges désignés pour eux ; et peu après ils furent invités à entrer dans la Salle qui précédait la Chambre nuptiale ; ils y virent au milieu une Table sur laquelle avait été posé un magnifique Chandelier composé de sept branches et de sept lampes d’or, et aux murs étaient suspendus des lustres d’argent, qui étant allumés firent paraître l’atmosphère comme d’or ; et ils virent aux côtés du Chandelier deux Tables sur lesquelles des Pains avaient été placés sur trois rangs ; et, dans les quatre angles de la Salle, des Tables sur lesquelles étaient des Coupes de cristal. Pendant qu’ils examinaient cette distribution, voici, la porte d’un appartement joignant la chambre nuptiale s’ouvrit, et ils en virent sortir six Vierges, et après elles le Fiancé et la Fiancée se tenant par la main, et se dirigeant vers un Siège élevé, qui avait été placé vis-à-vis du Chandelier, et sur lequel ils s’assirent, le Fiancé à gauche et la Fiancée à sa droite, et les six Vierges se placèrent à côté du siège près de la Fiancée. Le Fiancé était vêtu d’un Manteau de pourpre éclatante, et d’une Tunique de lin fin resplendissant, avec un Éphod sur lequel était une plaque d’or entourée de diamants ; et sur cette plaque était gravé un Aiglon, insigne nuptial de cette société du Ciel ; et la tête du Fiancé était couverte d’une tiare. La Fiancée était vêtue d’une Chlamyde d’écarlate, sous laquelle elle portait une robe brodée, allant du cou aux pieds ; elle avait au-dessous de la poitrine une ceinture d’or, et sur la tête une couronne d’or garnie de rubis. Quand ils furent assis, le Fiancé se tourna vers la Fiancée, et lui mit au doigt un anneau d’or, et il tira des bracelets et un collier de perles, et il mit les bracelets au poignet de la Fiancée, et le collier autour de son cou, et il lui dit : « Reçois ces gages. » Et lorsqu’elle les eut reçus, il lui donna un baiser, et il dit : « Maintenant tu es à moi. » Et il l’appela son Épouse. Aussitôt les invités s’écrièrent : « Qu’il y ait Bénédiction ! » Ces paroles furent prononcées par chacun en particulier, et ensuite par tous ensemble ; un Ange envoyé par le Prince pour le représenter les prononça aussi ; et en ce moment cette Salle, qui précédait la chambre nuptiale, fut remplie d’une fumée aromatique, ce qui était un signe de la bénédiction venant du Ciel : et alors des officiers de service prirent les Pains sur les deux tables près du Chandelier, et les Coupes alors remplies de vin sur les tables des angles, et ils donnèrent à chaque invité son pain et sa coupe ; et on mangea et on but. Ensuite le Mari et son Épouse se levèrent ; les six vierges tenant à la main des lampes d’argent, alors allumées, les suivirent jusqu’au seuil de la porte, et les Époux entrèrent dans la Chambre nuptiale ; et la Porte en fut fermée.

21. L’Ange conducteur parla ensuite de ses dix compagnons aux invités ; il leur dit que par ordre il les avait introduits, et leur avait fait voir la magnificence du Palais du Prince, et les choses admirables qu’il renfermait ; qu’ils avaient mangé avec le Prince à sa table ; qu’ils s’étaient ensuite entretenus avec les Sages de la société ; et il les pria de leur permettre de lier aussi conversation avec eux ; et ils y consentirent, et ils conversèrent ; et un sage d’entre les hommes des noces leur dit : « Comprenez-vous ce que signifient les choses que vous avez vues ? » Ils répondirent qu’ils les comprenaient peu ; et alors ils lui firent cette question : « Pourquoi le Fiancé, maintenant Mari, avait-il un tel vêtement ? » Il répondit : « Parce que le Fiancé, maintenant Mari, représentait le Seigneur, et que la Fiancée, maintenant Épouse, représentait l’Église, par la raison que les Noces dans le Ciel représentent le Mariage du Seigneur avec l’Église ; de là vient qu’il avait sur sa tête une Tiare, et qu’il était revêtu d’un manteau, d’une tunique et d’un Éphod, comme Abaron ; et que la Fiancée, maintenant Épouse, avait sur la tête une Couronne, et qu’elle était vêtue d’une Chlamyde comme une Reine ; mais demain ils seront vêtus autrement, parce que et cette Représentation n’est que pour aujourd’hui. » Ils lui firent encore cette question : « Puisque Lui, représentait le Seigneur, et Elle, l’Église ; pourquoi Elle se tenait-elle à la droite de Lui ? » Le Sage répondit : « Parce qu’il y a deux choses qui font le Mariage du Seigneur et de l’Église, l’Amour et la Sagesse ; or, le Seigneur est l’Amour, et l’Église est la Sagesse, et la Sagesse est à la droite de l’Amour, car l’homme de l’Église est sage comme par lui-même, et selon qu’il est sage, il reçoit du Seigneur l’amour ; la droite aussi signifie la puissance, et l’amour a la puissance par la sagesse : mais, ainsi qu’il vient d’être dit, après les noces, la représentation est changée, car alors le Mari représente la Sagesse, et l’épouse représente l’Amour de la sagesse du mari ; cependant cet Amour n’est pas l’amour antérieur, mais c’est un amour secondaire, qui vient du Seigneur chez l’épouse par la Sagesse du mari ; l’amour du Seigneur, qui est l’amour antérieur, est l’amour d’être sage chez le mari, c’est pourquoi après les noces, tous deux ensemble, le mari et son épouse représentent l’Église. » Ils firent encore cette question : « Pourquoi vous, Hommes, n’étiez-vous pas à côté du Fiancé, maintenant Mari, comme les dix Vierges étaient à côté de la Fiancée, maintenant Épouse ? » Le sage répondit : « C’est parce que nous, aujourd’hui, nous sommes comptés parmi les vierges, et que le nombre dix signifie tous et le complet. » Mais ils dirent : « Qu’entends-tu par là ? » Il répondit : « Les Vierges signifient l’Église, et l’Église est de l’un et de l’autre sexe ; c’est pourquoi nous aussi, quant à l’Église, nous sommes des Vierges ; qu’il en soit ainsi, on le voit par ces paroles dans l’Apocalypse : Ce sont ceux qui avec les hommes ne se sont point souillés, car VIERGES ils sont ; et ils suivent l’Agneau partout où il va.XIV. 4. – Et comme les Vierges signifient l’Église, voilà pourquoi le Seigneur a comparé l’Église à dix VIERGES invitées à des noces. – Matth. XXV. 1 et suiv. ; – et comme l’Église est signifiée par Israël, par Sion et par Jérusalem, voilà pourquoi il est dit si souvent dans la Parole, VIERGE ET FILLE D’ISRAËL, DE SION ET DE JÉRUSALEM ; le Seigneur décrit aussi son Mariage avec l’Église par ces paroles dans David : LA REINE SE TIENT À SA DROITE dans l’or excellent d’Ophir ; de tissus d’or est son vêtement ; en BRODERIES elle sera amenée au Roi ; LES VIERGES APRÈS ELLE ses amies, viendront dans le palais du Roi. » – Ps. XLV, 10 à 16. – Ensuite ils dirent : « N’est-il pas convenable qu’un Prêtre soit présent, et remplisse un ministère dans ces cérémonies ? » Le sage répondit : « Cela est concevable dans les terres, mais non dans les cieux, à cause de la représentation du Seigneur Lui-Même et de l’Église ; dans les terres on ne sait pas cela ; mais néanmoins chez nous un Prêtre célèbre les Fiançailles, et il entend, reçoit, confirme et consacre le Consentement ; le Consentement est l’essentiel du mariage, et les autres choses qui suivent en sont les formels. »

22. Après cela, l’Ange conducteur s’approcha des dix Vierges, et leur parla aussi de ceux qui l’accompagnaient, et il leur demanda de daigner les admettre en leur compagnie ; et elles s’avancèrent, mais quand elles furent près d’eux, elles se retirèrent brusquement et rentrèrent dans l’appartement des femmes, où étaient aussi des vierges leurs amies. L’Ange conducteur, ayant vu ce mouvement brusque, les suivit, et leur demanda pourquoi elles s’étalent retirées si promptement sans parler avec eux ; et elles répondirent : « Nous n’avons pas pu approcher. » Et il leur dit : « Pourquoi cela ? » Et elles répondirent : « Nous ne le savons pas, mais nous avons perçu quelque chose qui nous a repoussées et nous a fait retourner ; qu’ils nous le pardonnent. » Et l’Ange revint vers ses compagnons, et leur rapporta la réponse ; et il ajouta : « J’augure qu’il n’y a pas en vous l’amour chaste du sexe ; dans le Ciel nous aimons les vierges pour leur beauté et pour l’élégance de leurs mœurs, et nous les aimons beaucoup, mais chastement. » Ceci fit sourire ses compagnons, et ils dirent : « Tu augures bien ; qui peut voir de près de telles beautés et ne pas avoir quelques désirs ? »

23. Après cet entretien amical, tous les invités aux noces se retirèrent, et aussi ces dix hommes avec leur Ange ; la soirée était avancée, et ils allèrent se coucher. Au point du jour, ils entendirent une Proclamation : AUJOURD’HUI LE SABBATH ; et ils se levèrent, et ils demandèrent à l’Ange ce que c’était ; et il répondit : « C’est pour le Culte de Dieu ; ce culte revient à des temps marqués, et est publié par des Prêtres ; il est célébré dans nos Temples, et dure environ deux heures ; c’est pourquoi, si vous le désirez, venez avec moi, et je vous introduirai. » Et ils se préparèrent, et ils accompagnèrent l’Ange, et ils entrèrent ; et voici, le Temple était vaste, pouvant contenir environ trois mille personnes, demi-circulaire, les bancs ou sièges continus rangés selon la forme du Temple en demi-cercle, et les derniers plus élevés que les premiers ; la chaire devant les sièges, un peu retirée en arrière du centre ; la porte derrière la chaire à gauche. Les dix Hommes nouveaux venus entrèrent avec l’Ange leur conducteur, et l’Ange leur indiqua les places où ils devaient s’asseoir, en leur disant : « Quiconque entre dans le Temple connaît sa place ; il la connaît d’après l’insite, et il ne peut s’asseoir ailleurs : s’il se place ailleurs, il n’entend rien, et ne perçoit rien ; et même il trouble l’ordre, et l’ordre étant troublé le Prêtre n’est pas inspiré. »

24. Quand on fut assemblé, le Prêtre monta dans la chaire, et prononça un discours plein de l’esprit de sagesse ; ce discours traitait de la sainteté de l’Écriture Sainte, et de la conjonction du Seigneur avec l’un et l’autre Monde, le Spirituel et le Naturel, par cette Écriture ; dans l’illustration où il était, il convainquit pleinement que ce Saint Livre a été dicté par Jéhovah le Seigneur, et que par conséquent il est Lui-Même dans ce Livre, au point que Lui-Même y est la Sagesse ; mais que la Sagesse, qui est le Seigneur Lui-Même dans ce Livre, reste cachée sous le sens de la lettre, et ne se manifeste qu’à ceux qui sont dans les vrais de la doctrine et en même temps dans les biens de la vie, et ainsi qui sont dans le Seigneur et en qui est le Seigneur ; à ce discours il joignit une prière votive, et il descendit. Pendant que les auditeurs sortaient, l’Ange pria le Prêtre de dire quelques paroles de paix à ses dix compagnons ; et celui-ci s’approcha d’eux, et ils s’entretinrent ensemble pendant une demi-heure ; et il leur parla de la Divine Trinité, leur disant qu’elle est dans Jésus-Christ, en qui toute la Plénitude de la Divinité habite corporellement, selon la déclaration de l’Apôtre Paul ; et ensuite il leur parla de l’Union de la Charité et de la Foi ; mais il dit : « l’Union de la Charité et de la Vérité », parce que la Foi est la Vérité.

25. Après l’avoir remercié, ils retournèrent chez eux ; et là l’Ange leur dit : « C’est aujourd’hui le troisième jour depuis que vous êtes montés dans la société de ce Ciel, et vous avez été préparés par le Seigneur pour rester ici trois jours, il est donc temps que nous nous séparions ; ainsi ôtez les vêtements qui vous ont été envoyés par le Prince, et reprenez les vôtres. » Et quand ils les eurent repris, ils furent inspirés du désir de se retirer, et ils se retirèrent et descendirent, accompagnés de l’Ange, jusqu’au lieu de l’assemblée ; et là, ils rendirent grâce au Seigneur de ce qu’il avait daigné les rendre heureux, en leur faisant connaître, et par suite comprendre, ce que c’est que les Joies Célestes et ce que c’est que la Félicité éternelle.

26. « De nouveau j’affirme dans la vérité, que ces choses ont eu lieu et ont été dites, comme il vient d’être rapporté ; les premières, dans le Monde des Esprits, qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer, et celles qui les suivent, dans la Société du Ciel, à laquelle appartenait l’Ange de la trompette, qui servait de conducteur. Qui aurait su dans le Monde Chrétien quelque chose sur LE CIEL, et sur les Joies et la Félicité qui y sont, dont la science est aussi la science du salut, s’il n’avait plu au Seigneur d’ouvrir à quelqu’un la Vue de son esprit, et de le lui montrer et enseigner ? Que des choses semblables existent dans le Monde spirituel, cela est bien évident d’après celles qui ont été vues et entendues par l’Apôtre Jean, lesquelles ont été décrites dans l’Apocalypse ; ainsi, il a vu le FILS DE L’HOMME au milieu des sept Chandeliers, un Tabernacle, un Temple, une Arche, un Autel dans le Ciel ; un Livre scellé de sept sceaux, ce livre ouvert et des Chevaux qui en sortaient ; quatre Animaux autour d’un Trône ; douze mille Élus de chaque Tribu ; des Sauterelles qui montaient de l’abîme ; un Dragon et son combat contre Michel ; une Femme qui enfanta un Fils mâle, et qui s’enfuit dans le désert à cause du Dragon ; deux Bêtes montant, l’une de la mer, l’autre de la terre ; une Femme assise sur une Bête écarlate ; le Dragon jeté dans un étang de feu et de soufre ; un Cheval blanc, et un grand Souper ; un Nouveau Ciel et une Nouvelle Terre, et la Sainte Jérusalem descendant du Ciel, décrite quant à ses portes, à sa muraille et aux fondements de sa muraille ; puis, un Fleuve d’eau de la vie, et des Arbres de vie qui portaient du fruit chaque mois ; outre plusieurs choses qui toutes ont été vues par Jean, et vues pendant qu’il était, quand à son esprit, dans le Monde spirituel et dans le Ciel ; outre celles qui ont été vues par les APÔTRES après la résurrection du Seigneur, et celles qui ont été vues ensuite par PIERRE, – Act. Apôt. XI ; – puis, celles qui ont été vues et entendues par PAUL. Outre celles qui ont été vues par les PROPHÈTES ; par exemple, ÉZÉCHIEL a vu quatre Animaux, qui étaient des Chérubins, – Chap. I et X ; – un Nouveau Temple et une Nouvelle Terre, et un Ange qui les mesurait, – Chap. XL à XLVIII ; – il a été transporté à Jérusalem, et il y a vu des abominations ; et il a été aussi transporté dans la Chaldée, dans la captivité, – chap. VIII et XI. – La même chose est arrivée à Zacharie ; il a vu un Homme à cheval entre des myrtes, – I. 8, et suiv. ; – il a vu quatre Cornes, et ensuite un Homme avec un cordeau de mesure à la main, III. 1, et suiv. ; – il a vu un Chandelier et deux oliviers, – IV. 1, et suiv. ; – il a vu un Rouleau qui volait et un Éphod, – V. 1, 6 ; – il a vu quatre Chars sortant entre deux montagnes, et des Chevaux, VI. 1. et suiv. – Il en est de même de DANIEL ; il a vu quatre Bêtes montant de la mer, – VII. 1, et suiv. ; – puis, les combats d’un Bélier et d’un Bouc, – VIII. 1, et suiv. ; – il a vu l’Ange Gabriel, et il a eu avec lui un long entretien. – IX. – Le serviteur d’Élisée a vu des Chariots et des Chevaux de feu autour d’Élisée, et il les a vus lorsque ses yeux eurent été ouverts. – II Rois, VI, 17. – D’après ces exemples, et plusieurs autres qui sont dans la Parole, il est constant que les choses qui existent dans le Monde spirituel ont apparu à plusieurs avant et après l’avènement du Seigneur ; qu’y a-t-il donc d’étonnant qu’elles apparaissent encore à présent que l’Église commence, ou que la Nouvelle Jérusalem descend du Seigneur par le Ciel ? »

 

 

 

DES MARIAGES DANS LE CIEL.

 

 

27. Que dans les Cieux il y ait des Mariages, c’est ce qui ne peut entrer dans la foi de ceux qui s’imaginent que l’Homme après la mort est une Âme ou un Esprit, et ne conçoivent une âme ou un esprit que comme un éther ou souffle léger ; qui s’imaginent aussi que l’homme ne vivra homme qu’après le jour du jugement dernier ; et qui, en général, ne savent rien du Monde spirituel, dans lequel sont les Anges et les Esprits, ainsi où sont les Cieux et les Enfers : et comme ce Monde a été inconnu, et qu’on a complètement ignoré que les Anges du Ciel sont Hommes dans une forme parfaite, et pareillement les Esprits Infernaux, mais dans une forme imparfaite, c’est pour cela qu’il n’a pu être révélé aucune chose sur les Mariages dans le Monde spirituel ; en effet, on aurait dit : « Comment une âme peut-elle être conjointe avec une âme, ou un souffle avec un souffle, comme un époux avec une épouse sur la terre ? » Sans parler de plusieurs autres objections, qui, du moment qu’elles seraient faites, enlèveraient et dissiperaient la croyance aux Mariages dans l’autre vie. Mais maintenant que plusieurs choses ont été révélées sur ce Monde, et qu’il a aussi été décrit tel qu’il est, ce qui a été fait dans le Traité du CIEL ET DE L’ENFER, et aussi dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, l’assertion qu’il y a là des Mariages peut être confirmée, même devant la raison, par les propositions suivantes : I. L’Homme vit Homme après la mort. II. Alors le Mâle est Mâle, et la Femelle est Femelle. III. L’Amour de chacun lui reste après la mort. IV. Et principalement l’Amour du sexe ; et, chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels, l’Amour conjugal. V. Ces choses sont pleinement confirmées par démonstration oculaire. VI. Par conséquent il y a des Mariages dans les Cieux. VII. Les Noces Spirituelles sont entendues par ces paroles du Seigneur, qu’après la résurrection l’on n’est point donné en mariage. Ces propositions vont être maintenant expliquées dans leur ordre.

28. I. L’Homme vit Homme après la mort. Que l’homme vive homme après la mort, jusqu’à présent dans le Monde on l’a ignoré, par les raisons dont il vient d’être parlé ; et, ce qui est étonnant, on l’a même ignoré dans le Monde Chrétien, où il y a la Parole, et par conséquent illustration au sujet de la Vie éternelle, et où le Seigneur Lui-Même enseigne que « tous les morts ressuscitent, et que Dieu n’est point Dieu de morts mais de vivants ». – Matth. XXII. 31, 32. Luc, XX. 37, 38. – De plus, quant aux affections et aux pensées de son mental, l’homme est au milieu des anges et des esprits, et leur a été tellement consocié, qu’il ne peut en être séparé, sans mourir à l’instant. Et il est encore plus étonnant qu’on ignore cela, quand cependant tout homme, qui est décédé depuis la première création, est allé et va après son décès vers les siens, ou, comme il est dit dans la Parole, a été et est recueilli vers les siens : et, en outre, l’homme a une perception commune, qui est la même chose que l’influx du Ciel dans les intérieurs de son mental, d’après laquelle il perçoit intérieurement en lui-même les vrais, et pour ainsi dire les voit, principalement ce vrai que l’homme vit après la mort, heureux s’il a bien vécu, et malheureux s’il a mal vécu. En effet, qui est-ce qui ne pense pas ainsi, pour peu qu’il élève le mental au-dessus du corps et de la pensée la plus proche des sens du corps, ce qui arrive lorsqu’il est intérieurement dans le Culte Divin, et lorsqu’il est étendu moribond sur son lit et attend le dernier moment ; pareillement lorsqu’il entend parler de ceux qui sont morts et de leur sort ? J’ai raconté sur ceux-ci des milliers de choses ; par exemple, j’ai dit à certaines personnes quel était le sort de leurs frères, de leurs conjoints, de leurs amis ; j’ai aussi écrit sur le sort des Anglais, des Hollandais, des Catholiques Romains, des Juifs, des Gentils, et pareillement sur le sort de Luther, de Calvin et de Mélanchton ; et jusqu’à présent je n’ai jamais entendu personne me dire : « Comment peuvent-ils avoir un tel sort, puisqu’ils ne sont pas encore sortis de leurs tombeaux, le jugement dernier n’ayant pas encore été fait ? Est-ce que, pendant ce temps, ils ne sont pas, eux, des âmes qui sont des souffles, et dans un Quelque part, ou un On ne sait où (in quodam Pu seu Ubi) ? » Je n’ai encore entendu personne me tenir ce langage ; de là j’ai pu conclure que chacun en soi-même perçoit qu’il vit homme après la mort. Quelle est la personne qui, ayant aimé son conjoint et ses enfants, ne dit pas en elle-même, quand ils meurent ou sont morts, – si elle est dans une pensée élevée au-dessus des sensuels du corps, – qu’ils sont dans la main de Dieu, qu’elle les reverra après sa mort, – et qu’elle sera de nouveau unie à eux dans une vie d’amour et de joie ?

29. Qui est-ce qui, d’après la raison, ne peut voir, – s’il veut voir, – que l’homme après la mort n’est point un Souffle, duquel on ne se fait pas d’idée, sinon que comme d’une vapeur, ou d’un air et d’un éther, et que cela est ou contient en soi l’âme de l’homme, laquelle désire et attend la conjonction avec son corps, afin de pouvoir jouir des sens et des agréments des sens, comme précédemment dans le Monde ? Qui est-ce qui ne peut voir que, s’il en était ainsi de l’homme après la mort, son état serait plus vil que celui des poissons, des oiseaux et des animaux de la terre, dont les âmes ne vivent point, et par conséquent ne sont point dans une pareille anxiété de désir et d’attente ? Si l’homme après la mort était un tel Souffle, et ainsi une vapeur, alors ou il voltigerait dans l’univers, ou selon certaines traditions il serait réservé dans un Quelque part (in Pu), ou avec les Pères dans les limbes jusqu’au Jugement dernier. Qui est-ce qui ne peut, d’après la raison, en conclure que ceux qui ont vécu dès la première création, qu’on croit avoir eu lieu il y a six mille ans, seraient encore dans un semblable état inquiet, et progressivement plus inquiet, parce que toute attente provenant d’un désir produit l’inquiétude, et l’augmente d’un temps à un autre temps ; que par conséquent ceux-là, ou voltigeraient encore dans l’univers, ou seraient encore tenus renfermés dans le Quelque Part (in Pu), et ainsi dans une extrême misère ; pareillement Adam et son Épouse ; pareillement Abraham, Isaac et Jacob ; et pareillement tous les autres depuis ce temps ? Il suit de là qu’il n’y aurait rien de plus déplorable que de naître homme. Mais c’est tout le contraire, il a été pourvu par le Seigneur, qui est Jéhovah de toute éternité, et le Créateur de l’univers, à ce que l’état de l’homme, qui se conjoint avec Lui par la vie selon Ses préceptes, soit après la mort plus heureux et plus prospère qu’avant la mort dans le Monde, et cet état est plus heureux et plus prospère, parce qu’alors l’homme est spirituel, et que l’homme spirituel sent et perçoit le plaisir spirituel, qui est bien supérieur au plaisir naturel, car il le surpasse des milliers de fois.

30. Que les Anges et les Esprits soient hommes, cela peut être évident d’après ceux qui furent vus par Abraham, Guidéon, Daniel et les Prophètes, principalement par Jean quand il écrivit l’Apocalypse, et aussi par les Femmes au Sépulcre du Seigneur ; bien plus, le Seigneur Lui-Même après la résurrection se fit voir par les Disciples. S’ils furent vus, c’est parce qu’alors les yeux de l’esprit de ceux qui les virent avaient été ouverts ; et quand ils sont ouverts, les Anges apparaissent dans leur forme, qui est la forme humaine ; mais quand les yeux de l’esprit sont fermés, c’est-à-dire, voilés par la vue des yeux qui tirent du Monde matériel tout ce qui leur appartient, les Anges n’apparaissent point.

31. Toutefois, il faut qu’on sache que l’homme après la mort n’est pas homme naturel, mais est homme spirituel, et que néanmoins il lui semble qu’il est absolument semblable, et tellement semblable, qu’il ne peut faire autrement que de croire qu’il est encore dans le Monde naturel ; car il a un corps semblable, une face semblable, un langage semblable et des sens semblables, parce qu’il a une affection semblable et une pensée semblable, ou une volonté semblable et un entendement semblable : il est vrai qu’en actualité il n’est pas semblable, parce qu’il est spirituel, et par suite homme intérieur ; mais la différence ne se manifeste pas à lui, parce qu’il ne peut pas comparer son état avec son précédent état naturel, car il a été dépouillé de celui-ci, et il est dans celui-là ; c’est pourquoi, j’ai très-souvent entendu les Esprits dire qu’ils ne savent autre chose sinon qu’ils sont dans le Monde précédent, avec cette seule différence qu’ils ne voient plus ceux qu’ils ont laissés dans ce Monde, mais qu’ils voient ceux qui sont sortis de ce Monde ou qui sont morts ; or, s’ils voient alors ceux-ci et non ceux-là, c’est parce qu’ils ne sont pas hommes naturels, mais hommes spirituels ou substantiels, et que l’homme spirituel ou substantiel voit l’homme spirituel ou substantiel, comme l’homme naturel ou matériel voit l’homme naturel ou matériel, mais non vice versa, à cause de la différence entre le substantiel et le matériel, qui est comme la différence entre l’antérieur et le postérieur ; or, l’antérieur, étant en lui-même plus pur, ne peut pas apparaître au postérieur qui est en lui-même plus grossier, et le postérieur, étant en lui-même plus grossier, ne peut pas non plus apparaître à l’antérieur qui est en lui-même plus pur ; par conséquent l’Ange ne peut pas apparaître à l’homme de ce Monde, ni l’homme de ce Monde à l’Ange. Si l’homme après la mort est homme spirituel ou substantiel, c’est parce que cet homme spirituel était intérieurement caché dans l’homme naturel ou matériel ; celui-ci était pour lui comme un vêtement, ou comme une enveloppe, laquelle étant déposée, l’homme spirituel ou substantiel sort ainsi plus pur, intérieur et plus parfait. Que l’homme spirituel soit néanmoins un homme parfait, quoiqu’il ne soit pas visible pour l’homme naturel, c’est ce qui a été clairement manifesté par le Seigneur, quand il fut vu par les Apôtres après la résurrection, en ce qu’il apparut et peu après n’apparut point, et cependant il était homme semblable à Lui-Même quand il fut vu et quand il ne fut plus vu ; les Apôtres dirent aussi que, quand ils Le virent, leurs yeux avaient été ouverts.

32. II. Alors le Mâle est Mâle, et la Femelle est Femelle. Puisque l’homme vit homme après la mort, et que l’homme (homo) est mâle et femelle, et qu’autre chose est le masculin et autre chose le féminin, et tellement autre chose que l’un ne peut être changé en l’autre, il s’ensuit qu’après la mort le mâle vit mâle, et la femelle vit femelle, l’un et l’autre, homme spirituel. Il est dit que le masculin ne peut être changé en féminin, ni le féminin en masculin, et que c’est pour cela qu’après la mort le mâle est mâle, et que la femelle est femelle ; mais comme on ignore en quoi consiste essentiellement le masculin, et en quoi consiste essentiellement le féminin, cela va par conséquent être dit ici en peu de mots : La différence consiste essentiellement en ce que l’intime dans le Mâle est l’Amour, et que son voile est la Sagesse, ou, ce qui est la même chose, en ce que l’intime est l’Amour voilé par la Sagesse ; et en ce que l’intime dans la Femelle est cette Sagesse du mâle, et que son voile est l’Amour qui en provient ; mais cet Amour-ci est l’Amour féminin, et est donné par le Seigneur à l’épouse au moyen de la sagesse du mari ; mais l’Amour précédent est l’Amour masculin, et c’est l’amour de devenir sage, et il est donné par le Seigneur au mari selon la réception de la sagesse ; de là vient que le Mâle est la Sagesse de l’amour, et que la Femelle est l’Amour de cette sagesse ; c’est pourquoi par création il a été insité en l’un et en l’autre un Amour de conjonction en un ; mais il en sera dit davantage sur ce sujet dans la suite. Que le féminin vienne du masculin, ou que la Femme ait été prise de l’Homme, on le voit par ces paroles dans la Genèse : « Jéhovah Dieu prit une des Côtes de l’Homme, et il ferma la chair à sa place, et il édifia en Femme la Côte qu’il prit de l’homme, et il l’amena vers l’homme ; et l’homme dit : Celle-ci est Os de mes os, et Chair de ma chair ; à cause de cela elle sera appelée Ischah, parce que de l’Homme elle a été prise. » II. 21, 22, 23 ; – il sera dit ailleurs ce que signifie la Côte, et ce que signifie la Chair.

33. De cette formation primitive il résulte que le Mâle naît Intellectuel, et que la Femelle naît Volontaire ; ou, ce qui est la même chose, que le Mâle naît pour l’affection de savoir, de comprendre et de devenir sage, et que la Femelle naît pour l’amour de se conjoindre avec cette affection dans le Mâle. Et comme les Intérieurs forment à leur ressemblance les Extérieurs, et que la forme masculine est la forme de l’Entendement, et la forme féminine la forme de l’Amour de cet entendement, de là vient que le Mâle a une face, un son de voix et un corps qui sont autres que ceux de la Femelle, à savoir, une face plus dure, un son de voix plus rude et un corps plus fort, et en outre un menton barbu, en général une forme moins belle que celle de la femelle ; ils diffèrent aussi par les gestes et par les mœurs ; en un mot, il n’y a rien de semblable, mais néanmoins il y a le conjonctif dans chaque chose ; bien plus, le masculin dans le mâle est masculin dans chaque partie et même dans la plus petite partie de son corps, et aussi dans chaque idée de sa pensée, et dans chaque parcelle de son affection ; pareillement le féminin dans la femelle ; et comme par conséquent l’un ne peut être changé en l’autre, il s’ensuit qu’après la mort le mâle est mâle, et que la femelle est femelle.

34. III. L’Amour de chacun lui reste après la mort. L’homme sait que l’Amour existe, mais il ignore ce que c’est que l’Amour ; que l’amour existe, il le sait d’après le langage commun, par exemple, en ce qu’on dit : Un tel m’aime ; le Roi aime ses sujets, et les sujets aiment leur Roi ; le mari aime son épouse, et la mère ses enfants, et réciproquement ; et aussi : Tel ou tel aime la pairie, les concitoyens, le prochain : de même pour les choses, abstraction faite de la personne ; par exemple : Il aime telle ou telle chose. Mais, quoique dans le langage il soit si universellement question de l’Amour, toujours est-il qu’il est à peine quelqu’un qui sache ce que c’est que l’Amour ; quand l’homme médite sur l’amour, comme il ne peut alors s’en former aucune idée de la pensée, ni par conséquent le présenter dans la lumière de l’entendement, par cette raison que l’amour appartient non pas à la lumière, mais à la chaleur, il dit ou que ce n’est rien, ou que c’est seulement quelque chose qui influe de la vue, de l’ouïe, du toucher et de la fréquentation, et ainsi émeut ; il ignore absolument que c’est sa vie même, non-seulement la vie commune de tout son corps, et la vie commune de toutes ses pensées, mais même la vie de tous les singuliers du corps et des pensées : c’est ce que peut percevoir le sage, quand on dit : « Si tu éloignes l’affection qui appartient à l’amour, peux-tu penser quelque chose, et peux-tu faire quelque chose ? La pensée, la parole et l’action ne se refroidissent-elles pas selon que se refroidit l’affection qui appartient à l’amour, et ne s’échauffent-elles pas selon que cette affection s’échauffe ? » L’Amour est donc la Chaleur de la vie de l’homme, ou sa chaleur vitale ; la chaleur du sang, et aussi sa couleur rouge, ne viennent pas d’autre part ; le Feu du Soleil Angélique, qui est pur Amour, produit ces effets.

35. Que chacun ait son amour, ou un amour distinct de l’amour d’un autre, c’est-à-dire, qu’il n’y ait pas dans un homme un amour semblable à celui qui est dans un autre, on peut le voir par la variété infinie des faces ; les faces sont les types des amours ; on sait, en effet, que les faces changent et varient selon les affections de l’amour ; les désirs, qui appartiennent à l’amour, puis ses joies et ses douleurs, se manifestent aussi sur les faces ; de là, il est évident que l’homme est son amour, et même la forme de son amour. Mais il faut qu’on sache que l’homme intérieur, qui est le même que son esprit qui vit après la mort, est la forme de son amour, et non pareillement l’homme extérieur dans le Monde, parce que celui-ci dès l’enfance a appris à cacher les désirs de son amour, et même à feindre et à montrer d’autres désirs que les siens.

36. Si l’Amour de chacun reste chez lui après la mort, c’est parce que l’Amour est la vie de l’homme, comme il vient d’être dit, No 34, et que par suite il est l’homme lui-même. L’homme aussi est sa Pensée, par conséquent son Intelligence et sa Sagesse, mais celles-ci font un avec son Amour ; car c’est d’après son Amour et selon son Amour que l’homme pense, et que même il parle et agit s’il est dans le libre ; de là on peut voir que l’Amour est l’Être ou l’essence de la vie de l’homme, et que la Pensée est l’Exister ou l’existence de sa vie d’après l’être ou l’essence ; c’est pourquoi le langage et l’action, qui découlent de la Pensée, découlent non pas de la pensée, mais de l’Amour par la pensée : d’après de nombreuses expériences il m’a été donné de savoir que l’homme après la mort n’est pas sa Pensée, mais qu’il est son Affection et par suite sa pensée, ou qu’il est son Amour et par suite son intelligence ; puis aussi, que l’homme après la mort dépouille tout ce qui ne concorde pas avec son Amour, et que même successivement il revêt la face, le son de voix, le langage, les gestes et les mœurs de l’amour de sa vie : de là vient que le Ciel tout entier a été mis en ordre selon toutes les variétés des affections de l’Amour du bien, et l’Enfer tout entier selon toutes les affections de l’amour du mal.

37. IV. Et principalement l’Amour du sexe ; et, chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels, l’Amour conjugal. Que l’Amour du sexe chez l’homme reste après la mort, c’est parce qu’alors le mâle est mâle et la femelle est femelle, et que le masculin chez le mâle est masculin dans le tout et dans chaque partie, pareillement le féminin dans la femelle, et qu’il y a le conjonctif dans chaque chose, et même dans les très-singuliers de chaque chose qui leur appartient ; or, comme ce conjonctif y a été mis par création, et que par suite il y est perpétuellement, il s’ensuit que l’un désire la conjonction avec l’autre et y aspire ; l’Amour, considéré en lui-même, n’est autre chose qu’un désir et par suite un effort pour la conjonction, et l’amour conjugal, pour la conjonction en un ; car l’homme mâle et l’homme femelle ont créés de telle sorte, que de deux ils peuvent devenir comme un seul homme, ou une seule chair ; et quand ils deviennent un, alors pris ensemble ils sont l’Homme dans sa plénitude ; mais sans cette conjonction, ils sont deux, l’un et l’autre étant comme un homme divisé ou une moitié d’homme. Maintenant, comme ce conjonctif est caché intimement dans chaque chose du mâle et dans chaque chose de la femelle, et que la faculté et le désir pour la conjonction en un est dans chaque chose, il s’ensuit que l’Amour mutuel et réciproque du sexe reste chez les hommes après la mort.

38. Il est dit l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, parce que l’Amour du sexe est autre que l’Amour conjugal ; l’Amour du sexe est chez l’homme Naturel, mais l’Amour conjugal est chez l’homme Spirituel ; l’homme naturel aime et désire seulement les conjonctions externes, et les voluptés du corps qui en proviennent ; mais l’homme spirituel aime et désire la conjonction interne, et les jouissances de l’esprit qui en proviennent, et il perçoit qu’elles sont accordées avec une seule épouse, avec laquelle il peut être perpétuellement de plus en plus conjoint en un ; et, d’autant qu’il est ainsi conjoint, il perçoit ses jouissances s’élever dans un semblable degré, et devoir être constantes pour l’éternité ; mais l’homme naturel ne pense pas à cela. C’est donc pour cela qu’il est dit que l’Amour conjugal, après la mort, reste chez ceux qui vont dans le Ciel, c’est-à-dire, chez ceux qui dans les terres deviennent spirituels.

39. V. Ces choses sont pleinement confirmées par démonstration oculaire. Que l’Homme vive homme après la mort, et qu’alors le Mâle soit mâle et la Femelle femelle, et que l’amour de chacun lui reste, et principalement l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, c’est ce que jusqu’ici je me suis empressé de confirmer par des choses qui appartiennent à l’entendement, et qui sont appelées rationnelles ; mais comme l’homme, dès l’enfance, a reçu de ses parents et de ses maîtres, et ensuite des érudits et des prêtres, la croyance qu’après la mort il ne vivra homme qu’après le jour du jugement dernier, qui est attendu depuis maintenant six mille ans, et comme plusieurs ont mis cette croyance au nombre des choses qui doivent être reçues par la foi et non par l’entendement, il était devenu nécessaire que ces mêmes propositions fussent confirmées aussi par des preuves oculaires ; autrement, l’homme qui croit seulement aux sens, pourrait dire d’après la foi inculquée : « Si les hommes vivaient hommes après la mort, je les verrais et je les entendrais ; qui est descendu du Ciel, et qui est monté de l’Enfer, et nous en a informés ? » Cependant, comme il n’a pu et ne peut se faire qu’un Ange du Ciel descende, ou qu’un esprit de l’Enfer monte, et parle à un homme, excepté à ceux dont les intérieurs du mental ou de l’esprit ont été ouverts par le Seigneur, et cela ne peut être fait pleinement que chez ceux qui ont été préparés par le Seigneur pour recevoir les choses appartenant à la sagesse spirituelle, il a par conséquent plu au Seigneur de me préparer ainsi, afin que l’état du Ciel et de l’Enfer, et l’état de la vie des hommes après la mort, ne restassent pas inconnus, ni assoupis dans l’ignorance, ni enfin ensevelis dans la négation. Toutefois, les preuves oculaires sur ces sujets ne peuvent pas, en raison de leur grand nombre, être rapportées ici ; mais elles l’ont été dans le Traité DU CIEL ET DE L’ENFER ; et ensuite dans LA CONTINUATION SUR LE MONDE SPIRITUEL ; et plus lard dans L’APOCALYPSE RÉVÉLÉE ; et elles le seront spécialement ici, au sujet des Mariages, dans les MÉMORABLES, qui sont à la suite des Paragraphes ou Chapitres de cet Ouvrage.

40. VI. Par conséquent il y a des Mariages dans le Ciel. Cette proposition, ayant été confirmée par la Raison et en même temps par l’Expérience, n’a pas besoin d’une démonstration ultérieure.

41. VII. Les noces Spirituelles sont entendues par ces paroles du Seigneur, qu’après la résurrection l’on n’est point donné en mariage. Dans les évangélistes on lit ces paroles : « Quelques-uns des Sadducéens, qui soutiennent qu’il n’y a point de résurrection, interrogèrent Jésus, en disant : Maître, Moïse a écrit que si le frère de quelqu’un meurt ayant une épouse, et que sans enfants il meure, son père prendra l’épouse, et suscitera semence à son frère. Il y avait sept frères, qui prirent l’un après l’autre l’épouse ; mais ils moururent sans enfants, puis la femme aussi : en la résurrection, donc, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse ? Mais, répondant, Jésus leur dit : Les fils de ce siècle font des noces et sont donnés en mariage ; mais ceux qui seront jugés dignes d’obtenir l’autre siècle, et la résurrection d’entre les morts, ne feront point de noces ni ne seront donnés en mariage ; car ils ne peuvent plus mourir, parce que pareils aux anges ils sont, et que fils de Dieu ils sont, étant fils de la résurrection. Or, que les morts ressuscitent, Moïse même l’a montré près du buisson, puisqu’il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ; or, il n’est point Dieu de morts, mais de vivants, car tous par lui vivent. » – Luc, XX. 27 à 38. Matth. XXII. 22 à 31. Marc, XII. 18 à 27. – Il y a deux choses que le Seigneur a enseignées par ces paroles ; la première, que l’homme ressuscite après la mort ; et la seconde, qu’on n’est point donné en mariage dans le Ciel. Que l’homme ressuscite après la mort, il l’a enseigné par ces paroles : que Dieu n’est point Dieu de morts mais de vivants ; et qu’Abraham, Isaac et Jacob vivent ; et en outre dans la Parabole sur le Riche en enfer, et sur Lazare au Ciel, – Luc. XVI. 22 à 31. – Secondement, qu’on n’est point donné en mariage dans le Ciel, il l’enseigne par ces paroles, que ceux qui sont jugés dignes d’obtenir l’autre siècle ne font point de noces, et ne sont point donnés en mariage. Qu’ici il ne soit pas entendu d’autres Noces que les Noces spirituelles, cela est bien évident par les paroles qui suivent immédiatement, à savoir, qu’ils ne peuvent plus mourir, parce qu’ils sont pareils aux anges, et qu’ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection ; par les Noces spirituelles il est entendu la conjonction avec le Seigneur, et celle-ci se fait dans les terres, et quand elle a été faite dans les terres, elle a aussi été faite dans les Cieux, c’est pourquoi dans les Cieux il n’est pas fait de noces une seconde fois et on n’est pas donné en mariage ; cela est aussi entendu par ces paroles : « Les fils de ce siècle font des noces et sont donnés en mariage ; mais ceux qui seront jugés dignes d’obtenir l’autre siècle ne feront point de noces ni ne seront donnés en mariage. » Ceux-ci aussi sont appelés par le Seigneur « Fils des Noces », – Matth. IX. 15. Marc, II. 19 ; – et dans la présente circonstance, « Anges, fils de Dieu, et fils de la résurrection ». Que faire des noces, ce soit être conjoint au Seigneur, et qu’entrer aux noces, ce soit être reçu dans le Ciel par le Seigneur, cela est évident par ces passages ; « Semblable est le Royaume des Cieux à un Homme Roi, qui fit des Noces pour son Fils ; et il envoya des serviteurs, et il invita aux Noces. » – Matth. XXII. 1 à 14. – « Semblable est le Royaume des Cieux à dix Vierges, qui sortirent à la rencontre du Fiancé ; les cinq qui étaient prêtes entrèrent aux Noces. » – Math. XXV. 1, et suiv. ; – que le Seigneur ait parlé ici de Lui-Même, cela est évident par le Vers. 13, où il est dit : « Veillez, parce que vous ne savez pas le jour ni l’heure, où le Fils de l’homme viendra. » Puis aussi, d’après l’Apocalypse : « Il est venu le temps des Noces de l’Agneau, et son Épouse s’est parée. Heureux ceux qui au Souper des Noces de l’Agneau ont été appelés ! »XIX. 7, 9. – Qu’il y ait un entendement spirituel dans toutes et dans chacune des choses que le Seigneur a prononcées, cela a été pleinement montré dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, publiée à Amsterdam, en 1763.

 

 

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42. À ce qui précède j’ajouterai DEUX MÉMORABLES du MONDE SPIRITUEL. PREMIER MÉMORABLE : Un matin je portai mes regards vers le Ciel, et je vis au-dessus de moi trois Étendues, l’une au-dessus de l’autre ; et voici, la première Étendue, qui était le plus près, s’ouvrit ; et peu après, la Seconde qui était plus haut ; et enfin la Troisième, qui était le plus haut ; et d’après l’illustration qui en provint, je perçus que sur la première Étendue étaient les Anges dont se compose le premier ou dernier Ciel ; sur la seconde Étendue, les Anges dont se compose le second Ciel ou Ciel moyen ; et sur la troisième Étendue, les Anges dont se compose le troisième Ciel ou Ciel suprême. Je me demandai d’abord avec étonnement : « Qu’est-ce que cela, et pourquoi cela ? » Et bientôt, il fut entendu du Ciel une voix comme d’une trompette, disant : « Nous avons perçu, et maintenant nous voyons que tu médites sur l’AMOUR CONJUGAL ; et nous savons que dans les terres il n’y a encore personne qui sache ce que c’est que l’Amour vraiment Conjugal dans son origine, et dans son essence ; et cependant il est important qu’on le sache ; c’est pourquoi il a plu au Seigneur d’ouvrir pour toi les Cieux, afin que dans les intérieurs de ton mental influent la lumière qui illustre, et par suite la perception : chez nous, dans les Cieux, surtout dans le Troisième, nos délices célestes viennent principalement de l’Amour Conjugal ; nous allons donc, d’après la permission qui nous a été donnée, envoyer vers toi un Couple d’époux afin que tu voies. » Et voici, à l’instant il apparut un Char descendant du Ciel suprême ou troisième Ciel ; dans ce char on voyait un seul Ange ; mais comme il approchait, on y en vit deux : de loin, le char brillait devant mes yeux comme un diamant, et il était attelé de deux jeunes chevaux blancs comme la neige ; et ceux qui étaient assis dans le char tenaient dans leurs mains deux tourterelles, et ils me crièrent : « Veux-tu que nous approchions plus près ; mais alors prends garde que l’éclat qui provient de notre Ciel, d’où nous descendons, et qui est de flamme, ne pénètre intérieurement ; par son influx sont illustrées, il est vrai, les idées supérieures de ton entendement, qui en elles-mêmes sont célestes, mais ces idées sont ineffables pour le Monde dans lequel tu es ; reçois donc rationnellement les choses que tu vas entendre, et expose-les de cette manière à l’entendement. » Et je répondis : « Je prendrai garde, venez plus près. » Et ils vinrent ; et voici, c’était un Mari et son Épouse ; et ils dirent : « Nous sommes Époux ; depuis le premier Âge, qui est appelé par vous Siècle d’Or, nous avons vécu heureux dans le Ciel, et toujours dans la même fleur de l’âge, où tu nous vois aujourd’hui. » Je les regardai attentivement l’un et l’autre, parce que je perçus qu’ils représentaient l’Amour Conjugal dans sa vie et dans sa parure ; dans sa vie, par leurs faces ; et dans sa parure, par leurs vêtements ; car tous les Anges sont des affections de l’amour dans une forme humaine ; l’affection dominante brille elle-même par leurs faces, et des vêlements leurs sont dispensés d’après l’affection et selon l’affection ; aussi est-il dit dans le Ciel que chacun est vêtu par son Affection. Le Mari paraissait d’un âge tenant le milieu entre l’adolescence et la jeunesse ; de ses yeux éclatait une lumière scintillante dérivée de la sagesse de l’amour ; par cette lumière sa face était intimement comme rayonnante, et par le rayonnement qui en provenait la peau à sa surface extrême était comme étincelante, de sorte que toute sa face était une beauté resplendissante : il était vêtu d’une robe longue, et par dessus il avait un vêtement de couleur hyacinthe, serré par une ceinture d’or, sur laquelle il y avait trois pierres précieuses, deux saphirs sur les côtés, et une escarboucle au milieu ; ses bas étaient d’un lin resplendissant, entremêlé de fils d’argent, et sa chaussure était de velours : telle était la Forme représentative de l’Amour Conjugal chez le Mari. Mais chez l’Épouse, voici ce qu’elle était : sa face fut vue par moi, et elle ne fut pas vue ; elle fut vue comme la beauté même, et elle ne fut pas vue parce que cette beauté était inexprimable ; car il y avait dans sa face la splendeur d’une lumière enflammée, telle qu’est la lumière pour les Anges dans le troisième Ciel ; et cette lumière rendit ma vue trouble ; c’est pourquoi je demeurai pour ainsi dire stupéfait : elle, s’en étant aperçue, me parla, en disant : « Que vois-tu ? » Je répondis : « Je ne vois que l’Amour Conjugal, et sa forme ; mais je vois, et je ne vois pas. » À ces mots elle se détourna obliquement de son mari ; et alors je pus la regarder plus attentivement ; ses yeux brillaient de la lumière de son Ciel, laquelle, ainsi qu’il vient d’être dit, est enflammée et provient de l’amour de la sagesse ; car dans ce Ciel les Épouses aiment les Maris d’après leur sagesse et dans leur sagesse, et les Maris aiment les Épouses d’après cet amour et dans cet amour envers eux, et ainsi ils sont unis ; de là venait sa beauté, qui était telle, qu’aucun peintre ne pourrait l’imiter ni la présenter dans sa forme, car il n’y aurait rien de si brillant, dans son coloris, et rien de si beau ne pourrait être exprimé par son art : ses cheveux étaient décemment arrangés selon la correspondance avec sa beauté, et des fleurs y étaient placées en diadèmes : elle avait un collier d’escarboucles, d’où pendait un assemblage de roses en chrysolithes ; et ses bracelets étaient de perles : elle était vêtue d’une robe écarlate, et sous cette robe sa poitrine était couverte d’un vêlement pourpre attaché sur le devant par des agrafes de rubis : mais, ce qui me surprenait, c’est que les couleurs variaient selon l’aspect vers le mari ; et aussi selon cet aspect elles brillaient tantôt plus, tantôt moins ; plus, dans un aspect mutuel ; et moins, dans un aspect oblique. Après que j’eus vu ces choses, ils me parlèrent de nouveau ; et quand le Mari parlait, c’était en même temps comme d’après l’épouse, et quand l’Épouse parlait, c’était en même temps comme d’après le mari, car telle était l’union des mentals, d’où coulent les paroles ; et alors j’entendis aussi le son de l’Amour Conjugal, en ce qu’il était intérieurement simultané, et procédait aussi des délices de l’état de paix et d’innocence. Enfin, ils dirent : « Nous sommes rappelés, nous allons partir. » Et à l’instant ils apparurent de nouveau portés dans un char, comme précédemment ; et ils furent portés par un chemin pavé à travers des parterres émaillés de fleurs, dont les planches contenaient des oliviers et des arbres chargés d’oranges ; et quand ils furent près de leur Ciel, au-devant d’eux vinrent des vierges, et elles les reçurent, et les introduisirent.

43. Après cela, il m’apparut un Ange de ce Ciel, tenant à la main un rouleau de parchemin qu’il développait, en disant : « J’ai vu que tu médites sur l’Amour conjugal ; ce parchemin contient sur cet amour des arcanes de la sagesse, non encore dévoilés dans le Monde ; ils vont être dévoilés maintenant, parce qu’il est important qu’ils le soient ; ces arcanes sont dans notre Ciel plus que dans les autres Cieux, parce que nous sommes, nous, dans le mariage de l’amour et de la Sagesse : mais je prédis qu’il n’y en aura pas d’autres qui s’approprieront cet Amour, que ceux qui sont reçus par le Seigneur dans la nouvelle Église, qui est la Nouvelle Jérusalem. » Après avoir prononcé ces paroles, l’Ange laissa tomber le Parchemin déroulé, qu’un certain Esprit Angélique reçut et plaça sur une Table dans une chambre qu’il ferma aussitôt ; et il me tendit la clef, et dit : « Écris. »

44. SECOND MÉMORABLE : Un jour je vis trois Esprits novices de notre Monde, qui allaient çà et là, examinaient et s’informaient ; ils étaient dans l’admiration de ce qu’ils vivaient hommes absolument comme auparavant, et de ce qu’ils voyaient des objets semblables à ceux qu’ils avaient vus auparavant ; car ils savaient qu’ils étaient sortis du Monde précédent ou naturel, et que là ils avaient cru qu’ils ne vivraient hommes qu’après le jour du Jugement dernier, lorsqu’ils seraient revêtus de la chair et des os renfermés dans les tombeaux ; afin donc qu’il ne leur restât aucun doute qu’ils fussent véritablement hommes, parfois ils s’examinaient et se touchaient eux et les autres, et ils palpaient les objets ; et, par des milliers de preuves, ils se confirmaient qu’ils étaient maintenant hommes, comme dans le Monde précédent, outre qu’ils se voyaient mutuellement dans une lumière plus claire, et voyaient les objets dans une plus grande splendeur, et ainsi plus parfaitement. Alors deux Esprits Angéliques les rencontrèrent par aventure, et les arrêtèrent, en disant : « D’où êtes-vous ? » Ils répondirent : « Nous sommes sortis d’un Monde, et de nouveau nous vivons dans un Monde, ainsi nous sommes passés d’un Monde dans un autre Monde ; cela maintenant nous étonne. » Et alors les trois Novices interrogèrent les deux Esprits Angéliques sur le Ciel ; et comme deux des trois Novices étaient des jeunes gens, et que de leurs yeux étincelait comme un petit feu de convoitise pour le sexe, les Esprits Angéliques dirent : « Vous avez peut-être vu des femmes ? » Et ils répondirent : « Nous en avons vu. » Et comme ils interrogeaient ces Esprits sur le Ciel, ils leur dirent : « Dans le Ciel tous les objets sont magnifiques et resplendissants, et tels que l’œil n’en avait jamais vu ; et là, il y a des vierges et des jeunes hommes, les vierges d’une telle beauté, qu’elles peuvent être appelées des Beautés dans leur forme, et les jeunes hommes d’une telle moralité, qu’ils peuvent être appelés des Moralités dans leur forme ; et les Beautés des vierges et les Moralités des jeunes hommes se correspondent comme des formes mutuelles et assorties l’une pour l’autre. » Et les deux Novices demandèrent si dans le Ciel les formes humaines sont en tout semblables à celles qui sont dans le Monde naturel ; et il leur fut répondu : « Elles sont en tout semblables ; il n’a rien été ôté à l’homme, ni rien à la femme ; en un mot, l’homme est homme, et la femme est femme, dans toute la perfection de la forme dans laquelle ils ont été créés ; éloignez-vous, si vous voulez, et examinez si chez vous il vous manque la moindre chose pour que vous soyez homme comme auparavant. » Les Novices dirent encore : « Nous avons entendu dire dans le Monde, d’où nous sommes sortis, que dans le Ciel on n’est point donné en mariage, parce qu’on est Ange ; est-ce que de la sorte il y a l’Amour du sexe ? » Et les Esprits Angéliques répondirent : « Votre amour du sexe n’y est pas ; mais il y a l’amour angélique du sexe, amour qui est chaste, et exempt de tout attrait libidineux. » Les Novices répliquèrent : « S’il y a un amour du sexe sans aucun attrait, qu’est-ce alors que l’amour du sexe ? » Et comme ils pensaient à cet amour, ils gémirent et dirent : « Oh ! que la joie du Ciel est sèche ! Quel jeune homme dès lors peut désirer le Ciel ? Un tel amour n’est-il pas stérile et dénué de vie ? » Les Esprits Angéliques, souriant à ces propos, répliquèrent : « L’Amour Angélique du sexe, ou tel qu’il est dans le Ciel, est néanmoins plein de délices intimes ; c’est la plus agréable expansion de toutes les choses du mental, et par suite la plus agréable expansion de toutes celles de la poitrine ; et au-dedans de la poitrine, c’est comme si le cœur jouait avec le poumon, jeu d’où résultent une respiration, un ton de voix et un langage, qui font que les liaisons entre les sexes, ou entre les jeunes hommes et les vierges, sont les suavités célestes mêmes, lesquelles sont pures. Tous les Novices, qui montent dans le Ciel, sont examinés quant à leur chasteté ; car ils sont introduits dans la Compagnie de Vierges, les Beautés du Ciel, qui perçoivent par le ton de voix, par le langage, par la face, par les yeux, par le geste et par la sphère qui émane d’eux, quels ils sont quant à l’amour du sexe ; si cet amour n’est pas chaste, elles s’enfuient et annoncent à leurs compagnes qu’elles ont vu des satyres ou des priapes ; et même ces nouveaux venus changent de formes, et aux yeux des Anges ils apparaissent couverts de poil, et quant aux pieds comme des veaux ou des léopards, et peu après ils sont chassés, afin que là ils ne souillent pas l’atmosphère par leur désir libidineux. » Les deux Novices, ayant entendu cette explication, dirent de nouveau : « Ainsi dans le Ciel, il n’y a aucun amour du sexe ; qu’est-ce que l’amour chaste du sexe, sinon un amour privé de l’essence de sa vie ? Les liaisons de jeunes hommes et de vierges n’y sont-elles pas des joies insipides ? Nous ne sommes ni des pierres ni des souches, mais nous sommes des perceptions et des affections de la vie. » À ces mots, les deux Esprits Angéliques indignés répondirent : « Vous ne savez nullement ce que c’est que l’amour chaste du sexe, parce que vous n’êtes pas encore chastes ; cet amour est le délice même du mental, et par conséquent du cœur, et non en même temps de la chair sous le cœur ; la chasteté angélique, qui est commune à l’un et à l’autre sexe, empêche cet amour de passer au delà de la cloison du cœur, mais en dedans et au-dessus de cette cloison la moralité du jeune homme se délecte, avec la beauté de la vierge, des délices de l’amour chaste du sexe, délices qui sont intérieures et trop remplies de charmes pour qu’elles puissent être décrites par des paroles. Toutefois, cet amour du sexe est chez les Anges, parce que chez eux il y a seulement l’Amour conjugal, et que cet amour ne peut pas exister en même temps avec l’amour inchaste du sexe ; l’amour vraiment conjugal est un amour chaste, et n’a rien de commun avec un amour inchaste ; il existe seulement avec une personne du sexe à l’exclusion de toutes les autres, car c’est un amour de l’esprit et par suite un amour du corps, et non un amour du corps et par suite un amour de l’esprit, c’est-à-dire, non un amour qui infeste l’esprit. » Les deux jeunes novices, ayant entendu ces choses, se réjouirent et dirent : « Toujours est-il que là il y a un amour du sexe ; quelle autre chose serait l’amour conjugal ? » Mais les Esprits Angéliques leur répondirent : « Pensez plus profondément, examinez bien la chose, et vous percevrez que votre amour du sexe est un amour extraconjugal, et que l’amour conjugal est absolument autre, celui-ci étant distinct de celui-là, comme le froment l’est de la paille, ou plutôt comme l’humain l’est du bestial. Si vous demandez aux femmes dans le Ciel ce que c’est que l’amour extraconjugal, je vous assure qu’elles répondront : Qu’est-ce que cela ? que dites-vous ? comment de votre bouche peul-il sortir un tel mot qui blesse à ce point les oreilles ? comment un amour qui n’a pas été créé peut-il être produit dans l’homme ? Si alors vous leur demandez ce que c’est que l’Amour vraiment conjugal, je sais qu’elles vous répondront que ce n’est point l’amour du sexe, mais que c’est l’amour d’une seule personne du sexe, amour qui n’existe que lorsqu’un jeune homme voyant une vierge qui lui a été destinée par le Seigneur, et la vierge voyant le jeune homme, ils sentent de part et d’autre le conjugal s’embraser dans leurs cœurs, et perçoivent, lui, qu’elle est sienne, et elle, qu’il est sien ; car l’amour va au-devant de l’amour, et se fait connaître, et il conjoint aussitôt les âmes, et ensuite les mentals, et de là il entre dans les poitrines, et après les noces plus loin, et ainsi devient plein l’amour qui de jour en jour augmente en conjonction, au point qu’ils ne sont plus deux mais qu’ils sont comme un. Je sais aussi qu’elles jureront qu’elles ne connaissent pas d’autre amour du sexe ; car elles disent : Comment peut-il y avoir un amour du sexe, à moins qu’il ne tende ainsi à une mutuelle rencontre, et ne soit réciproque, afin d’aspirer à une union éternelle, qui consiste en ce que deux soient une seule chair ? » À cette explication les Esprits Angéliques ajoutèrent : « Dans le Ciel on ne sait nullement ce que c’est que la Scortation, ni qu’elle existe, ni qu’elle peut exister ; les Anges sentent un froid glacial dans tout le corps pour un amour inchaste ou extraconjugal, et vice versa ils sentent de la chaleur dans tout le corps par l’amour chaste ou conjugal ; là, chez les hommes, tous les nerfs se détendent à la vue d’une prostituée, et se tendent à la vue de l’Épouse. » Les trois Novices ; après avoir entendu ces nouvelles explications, demandèrent si l’Amour conjugal entre époux dans les Cieux était semblable à l’Amour conjugal dans les terres ; et les deux Esprits angéliques répondirent : « Il est absolument semblable » ; et comme ils perçurent qu’ils voulaient savoir si les dernières délices y étaient semblables, ils dirent qu’elles étaient absolument semblables, mais beaucoup plus délectables, parce que la perception et la sensation angéliques sont beaucoup plus exquises que la perception et la sensation humaines ; puis, ils ajoutèrent : « Qu’est-ce que la vie de cet amour, si elle ne provient de la veine de la puissance ? Celle-ci manquant, est-ce que cet amour ne manque pas et ne devient pas froid ? Cette vigueur n’est-elle pas la mesure même et le degré même, et la base même de cet amour ? N’en est-elle pas le commencement, l’affermissement et le complément ? C’est une loi universelle, que les premiers existent, subsistent et persistent par les derniers ; de même aussi cet Amour ; si donc il n’y avait pas les dernières délices, l’amour conjugal n’aurait aucun délice. » Alors les Novices demandèrent si des dernières délices de cet amour il y naissait des enfants ; et s’il n’en naissait point, de quel usage elles pouvaient être. Les Esprits Angéliques répondirent qu’il en naissait des enfants spirituels, mais non des enfants naturels. Et ils demandèrent ce que c’était que des enfants spirituels ; et eux répondirent : « Deux époux par les dernières délices sont davantage unis dans le mariage du bien et du vrai, et le mariage du bien et du vrai est le mariage de l’amour et de la sagesse ; or l’amour et la sagesse sont les enfants qui naissent de ce Mariage ; et comme le mari y est la sagesse, et l’épouse l’amour de cette sagesse, et que tous deux aussi sont spirituels, c’est pour cela qu’il ne peut y être conçu et engendré que des enfants spirituels ; de là vient que les Anges, après les délices, ne deviennent pas tristes, comme quelques hommes dans les terres, mais sont joyeux ; et cela résulte d’un continuel influx de nouvelles forces après les précédentes, lesquelles servent à leur rénovation et en même temps à leur illustration ; car tous ceux qui vont au Ciel reviennent dans le printemps de leur jeunesse, et dans les forces de cet âge, et ils y demeurent éternellement. » Après avoir entendu cela, les trois Novices dirent : « Ne lit-on pas dans la Parole que dans le Ciel il n’y a point de noces, parce qu’on y est Ange ? » À cette question les Esprits Angéliques répondirent : « Portez vos regards vers le Ciel, et vous recevrez une réponse. » Et ils demandèrent pourquoi ils porteraient leurs regards vers le Ciel. Ils dirent : « Parce que de là nous viennent toutes les interprétations de la Parole ; la Parole est entièrement spirituelle ; et les Anges, étant spirituels, en enseigneront l’entendement spirituel. » Et peu de temps après, le Ciel s’ouvrit au-dessus de leur tête, et deux Anges se présentèrent à leur vue, et dirent : « Il y a des Noces dans les Cieux comme dans les terres, mais non pour d’autres là que pour ceux qui sont dans le Mariage du bien et du vrai, et d’autres que ceux-là ne sont point Anges ; c’est pourquoi là il est entendu des Noces spirituelles, qui concernent le mariage du bien et du vrai : celles-ci (à savoir, les noces spirituelles) ont lieu dans les terres, et non après le trépas, ainsi non dans les Cieux ; comme il est dit des cinq vierges insensées, invitées aussi aux noces, qu’elles ne purent entrer, parce qu’il n’y avait point eu chez elles mariage du bien et du vrai, car elles n’avaient point d’huile, mais seulement des lampes ; par l’huile il est entendu le bien, et par les lampes le vrai ; et être donné en mariage c’est entrer dans le Ciel, où est le mariage du bien et du vrai. » Les trois Novices, ayant entendu ces paroles, furent ravis de joie ; et pleins du désir du Ciel et de l’espoir des noces célestes, ils dirent : « Nous nous appliquerons à la moralité et à la décence de la vie, afin que nos vœux soient accomplis. »

 

 

 

DE L’ÉTAT DES ÉPOUX APRÈS LA MORT.

 

 

45. Qu’il y ait des Mariages dans les Cieux, c’est ce qui vient d’être montré ; ici maintenant, il faut examiner si l’alliance conjugale contractée dans le Monde doit, après la mort, demeurer et être stable, ou non ; comme ceci est une question non de jugement, mais d’expérience, et comme j’ai acquis cette expérience par une consociation avec les Anges et les Esprits, je vais traiter ce point, mais cependant de manière que la raison aussi y donne son assentiment : il est même au nombre des vœux et des désirs des époux de savoir cela ; car les maris qui ont aimé leurs épouses, veulent savoir, lorsqu’elles sont mortes, si leur sort est heureux, pareillement les épouses qui ont aimé leurs maris ; ils veulent aussi savoir s’ils se rencontrent encore. Plusieurs époux désirent même savoir d’avance si après la mort ils seront séparés, ou s’ils vivront ensemble ; ceux dont les caractères (animi) ne concordent pas s’ils seront séparés, et ceux dont les caractères concordent, s’ils vivront ensemble ; comme la connaissance de ces choses est vivement désirée, elle va être donnée, ce qui aura lieu dans l’ordre suivant : I. L’Amour du sexe reste chez chaque homme après la mort, tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-à-dire, dans sa volonté intérieure et dans sa pensée intérieure. II. L’Amour conjugal pareillement. III. Les deux Époux ordinairement après la mort se rencontrent, se reconnaissent, de nouveau se consocient, et pendant quelques temps vivent ensemble, ce qui a lieu dans le Premier État ; ainsi tant qu’ils sont dans les externes comme dans le Monde. IV. Mais successivement, a mesure qu’ils dépouillent les externes, et qu’ils entrent dans leurs internes, ils perçoivent dans quel amour et dans quelle inclination ils ont été mutuellement l’un à l’égard de l’autre, et par suite s’ils peuvent vivre ensemble, ou non. V. S’ils peuvent vivre ensemble, ils restent époux ; mais s’ils ne le peuvent pas, ils se séparent ; parfois le Mari d’avec l’Épouse, parfois l’Épouse d’avec le Mari, et parfois mutuellement l’un d’avec l’autre. VI. Et alors il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable. VII. Les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, mais plus agréables et plus heureuses, toutefois sans prolification ; au lieu de celle-ci, ils ont une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse. VIII. C’est là ce qui arrive à ceux qui vont au Ciel ; mais il en est autrement pour ceux qui vont en Enfer. Suit maintenant l’Explication, par laquelle ces Articles sont illustrés et confirmés.

46. I. L’Amour du sexe reste chez chaque homme, après la mort, tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-dire dans sa volonté intérieure et dans sa pensée intérieure. Tout Amour suit l’homme après la mort, parce qu’il est l’Être de sa vie ; et l’Amour régnant, qui est le chef de tous les autres, reste chez l’homme pour l’éternité, et avec cet amour en même temps les amours subordonnés ; s’ils restent, c’est parce que l’Amour appartient proprement à l’esprit de l’homme, et appartient au corps d’après l’esprit, et que l’homme après la mort devient esprit, et ainsi porte avec lui son amour ; et puisque l’Amour est l’Être de la vie de l’homme, il est évident que telle a été la vie de l’homme dans le Monde, tel devient son sort après la mort. Quant à ce qui concerne l’Amour du sexe, il est l’amour universel de tous, car il est, de création, implanté dans l’âme même de l’homme, de laquelle est dérivée l’essence de l’homme tout entier, et cela pour la propagation du genre humain ; que ce soit cet amour qui reste principalement, c’est parce que, après la mort, l’homme est homme, et la femme est femme ; et parce qu’il n’y a rien dans l’âme, dans le mental et dans le corps, qui ne soit masculin dans le mâle, et féminin dans la femelle ; et ces deux ont été créés de telle sorte, qu’ils sont dans un continuel effort pour la conjonction, et même pour la conjonction afin de devenir un ; cet effort est l’Amour du sexe, qui précède l’Amour conjugal : or, comme l’inclination conjonctive est gravée dans toutes et dans chacune des choses du mâle et de la femelle, il s’ensuit que cette inclination ne peut être ni effacée ni mourir avec le corps.

47. Si l’Amour du sexe reste tel qu’intérieurement il a été dans le Monde, c’est parce que chez tout homme il y a un Interne et un Externe, qui tous deux sont aussi appelés homme Interne et homme Externe, et que par suite il y a une volonté interne et une volonté externe, une pensée interne et une pensée externe ; l’homme laisse son Externe, et retient son Interne, quand il meurt ; car les Externes appartiennent proprement à son corps, et les Internes appartiennent proprement à son esprit ; puis donc que l’homme est son Amour, et que l’Amour réside dans son esprit, il s’ensuit que l’Amour du sexe reste chez lui après la mort, tel qu’intérieurement il a été chez lui ; par exemple, si cet Amour intérieurement a été conjugal ou chaste, il reste après la mort conjugal et chaste ; mais si intérieurement il a été scortatoire, il reste aussi tel après la mort. Mais il faut qu’on sache que l’Amour du sexe n’est pas chez l’un tel qu’il est chez l’autre, les différences en sont infinies : mais toujours est-il que tel il est dans l’esprit de chacun, tel il y reste.

48. II. L’Amour conjugal pareillement reste chez l’homme tel que dans le Monde il a été intérieurement, c’est-à-dire, dans la volonté intérieure et dans la pensée intérieure. Comme autre est l’Amour du sexe, et autre l’Amour conjugal, c’est pour cela qu’ils sont nommés l’un et l’autre, et qu’il est dit que celui-ci reste aussi, après la mort, tel qu’il a été chez l’homme dans son homme Interne, quand il vivait dans le Monde : mais comme peu de personnes connaissent la distinction entre l’Amour du sexe et l’Amour conjugal, je vais pour cela même en dire quelque chose au commencement de ce Traité. L’Amour du sexe est l’amour pour plusieurs et avec plusieurs du Sexe, mais l’Amour Conjugal est l’amour seulement pour une et avec une du Sexe ; or, l’Amour pour plusieurs et avec plusieurs est un Amour naturel, car il est commun avec les bêtes et les oiseaux, et ces animaux sont naturels ; mais l’Amour Conjugal est un Amour spirituel, et il est particulier et propre aux hommes, parce que les hommes ont été créés et par conséquent naissent pour devenir spirituels ; autant donc l’homme devient spirituel, autant il se dépouille de l’Amour du sexe, et se revêt de l’Amour conjugal. Dans le commencement du mariage l’Amour du sexe se présente comme conjoint à l’Amour conjugal, mais dans la progression du mariage ils sont séparés, et alors chez ceux qui sont spirituels l’Amour du sexe est détruit et l’Amour conjugal est insinué ; mais chez ceux qui sont naturels, le contraire arrive. D’après ce qui vient d’être dit, il est évident que l’Amour du Sexe, étant un amour avec plusieurs et en soi naturel et même animal, est impur et inchaste, et qu’étant vague et illimité, il est scortatoire ; mais il en est tout autrement de l’Amour conjugal. Que l’Amour conjugal soit spirituel, et proprement humain, on le verra clairement par la suite.

47 (bis). III. Les deux Époux ordinairement après la mort se rencontrent, se reconnaissent, de nouveau se consocient, et pendant quelque temps vivent ensemble, ce qui a lieu dans le Premier État ; ainsi, tant qu’ils sont dans les externes comme dans le Monde. Il y a deux États que l’homme subit après la mort, l’état Externe et l’état Interne ; il vient d’abord dans son état externe, et plus lard dans son état interne ; et pendant l’état externe, le mari et l’épouse, si l’un et l’autre sont morts, se rencontrent, se reconnaissent ; et, s’ils ont vécu d’accord dans le Monde, ils se consocient, et pendant quelque temps vivent ensemble ; et tandis qu’ils sont dans cet état, l’un ne connaît pas l’inclination de l’autre à son égard, parce que cette inclination se cache dans les internes ; mais plus tard, quand ils viennent dans leur état interne, l’inclination se manifeste ; si elle est concordante et sympathique, ils continuent la vie conjugale ; mais si elle est discordante et antipathique, ils rompent le mariage. Si un Homme a eu plusieurs épouses, il se conjoint avec elles par ordre, tandis qu’il est dans l’état externe ; mais quand il entre dans l’état interne, dans lequel il perçoit les inclinations de l’amour telles qu’elles sont, alors ou il adopte l’une des épouses, ou il les abandonne toutes ; car dans le Monde spirituel, de même que dans le Monde naturel, il n’est permis à aucun Chrétien d’avoir plusieurs épouses, parce que cela souille et profane la religion ; la même chose a lieu pour une Femme qui a eu plusieurs maris ; mais néanmoins les femmes ne s’adjoignent point à leurs maris, seulement elles se présentent, et les maris se les adjoignent. Qu’on sache que les Maris connaissent rarement leurs épouses, mais que les Épouses connaissent fort bien les maris ; et cela, parce que les femmes ont une perception intérieure de l’amour, et que les hommes en ont seulement une perception extérieure.

48 (bis). IV. Mais successivement, à mesure qu’lis dépouillent les externes, et qu’ils entrent dans leur internes, ils perçoivent dans quel amour et dans quelle inclination ils ont été mutuellement l’un à l’égard de l’autre, et par suite s’ils peuvent vivre ensemble, ou non. Ceci n’a pas besoin d’être expliqué davantage, car c’est une conséquence de ce qui a été montré dans l’Article précédent ; il suffira d’illustrer ici comment l’homme après la mort dépouille les externes et revêt les internes : Chacun après la mort est d’abord introduit dans un Monde, qui est appelé Monde des esprits, et qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer ; et là est préparé le bon pour le Ciel, et le méchant pour l’Enfer : la préparation y a pour fin que l’Interne et l’Externe concordent et fassent un, et qu’ils ne soient pas discordants et ne fassent pas deux ; dans le Monde naturel ils font deux, et ils ne font un que chez ceux qui sont sincères de cœur : qu’ils fassent deux, cela est évident par les fourbes et les astucieux, principalement par les hypocrites, les flatteurs, les dissimulés et les menteurs ; mais, dans le Monde spirituel, il n’est pas permis d’avoir ainsi le mental divisé ; celui qui a été méchant dans les internes sera méchant aussi dans les externes ; de même pour le bon dans les internes, il sera bon aussi dans les externes ; car tout homme après la mort devient ce qu’il a été intérieurement, et non tel qu’il a été extérieurement : c’est pour cette fin que l’homme est alors mis alternativement dans son Externe et dans son Interne ; et chaque homme, lorsqu’il est dans son Externe, est sage, c’est-à-dire, veut paraître sage, même le méchant ; mais celui-ci dans son interne est insensé ; il peut pendant ces vicissitudes voir ses folies, et s’en repentir ; mais s’il ne s’en est pas repenti dans le Monde, il ne le peut pas plus lard, car il aime ses folies, et veut rester en elles ; c’est pourquoi, il pousse aussi son Externe à être pareillement fou ; ainsi son Interne et son Externe deviennent un ; et quand cela a été effectué, il a été préparé pour l’Enfer. Mais le contraire arrive au bon : Comme celui-ci dans le Monde a porté ses regards vers Dieu et s’est repenti, il a été plus sage dans l’interne que dans l’externe ; parfois aussi dans l’externe il a été entraîné à la folie par les attraits et par les vanités du monde, c’est pourquoi son Externe est mis d’accord avec son Interne qui, ainsi qu’il a été dit, est sage ; et, quand cela a été effectué, il a été préparé pour le Ciel. Par là il a été illustré comment l’homme après la mort se dépouille de l’Externe et se revêt de l’Interne.

49. V. S’ils peuvent vivre ensemble, ils restent époux ; mais s’ils ne le peuvent pas, ils se séparent ; parfois le Mari d’avec l’Épouse, parfois l’Épouse d’avec le Mari, parfois mutuellement l’un d’avec l’autre. S’il se fait des séparations après la mort, c’est parce que les conjonctions qui se font dans les terres se font rarement par quelque perception interne de l’amour, mais elles ont lieu par une perception externe qui cache l’interne ; la perception externe de l’amour a sa cause et son origine dans des choses qui appartiennent à l’Amour du Monde et du Corps ; celles de l’Amour du monde sont principalement les richesses et les possessions, et celles de l’Amour du corps sont les dignités et les honneurs ; et, en outre, ce sont aussi divers attraits qui séduisent, comme la beauté et une feinte décence de mœurs, quelquefois même le manque de chasteté ; et, de plus, les Mariages se contractent dans les limites de la région, de la ville ou du bourg où les parties sont nées, et où elles habitent ; et là il n’y a qu’un choix restreint et limité aux familles que l’ont connaît, et qui sont dans une semblable condition d’existence ; de là vient que les Mariages contractés dans le Monde sont ordinairement externes, et non en même temps internes, lorsque cependant la Conjonction interne, qui est celle des Âmes, constitue le Mariage même ; et cette conjonction n’est pas perceptible avant que l’homme ait dépouillé l’Externe et revêtu l’Interne, ce qui se fait après la mort ; c’est donc pour cela qu’alors se font les séparations, et ensuite de nouvelles conjonctions entre ceux qui sont semblables et homogènes, à moins qu’il n’ait été pourvu à celles-ci dans les terres, ce qui a lieu pour ceux qui dès la jeunesse ont aimé, ont désiré et ont demandé au Seigneur une alliance légitime et aimable, avec une seule personne du sexe, et qui méprisent et dédaignent les vagues caprices d’amour.

50. VI. Alors il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable. La raison de cela, c’est qu’il ne peut être reçu dans le Ciel, pour y rester, d’autres Époux que ceux qui ont été intérieurement unis, ou qui peuvent être unis comme en un ; car là, deux Époux sont appelés non pas deux Anges, mais un Ange ; ce qui est entendu par les paroles du Seigneur, qu’ils ne sont plus deux, mais une seule chair. S’il n’est point reçu d’autres Époux dans le Ciel, c’est parce que d’autres ne peuvent pas y cohabiter, c’est-à-dire, être ensemble dans une même maison, dans une même chambre et dans un même lit ; en effet, tous ceux qui sont dans les Cieux ont été consociés selon les affinités et les proximités de l’amour, et ont des habitations selon ces affinités et ces proximités ; car dans le Monde spirituel il n’y a point d’espaces, mais il y a des apparences d’espaces, et celles-ci sont selon les états de la vie des habitants, et les états de la vie sont selon les états de l’amour ; c’est pourquoi nul ne peut y demeurer que dans sa maison, à laquelle il a été pourvu pour lui, et qui lui a été désignée, selon la qualité de son amour ; s’il demeure ailleurs, il a la poitrine oppressée, et il respire avec peine ; deux ne peuvent habiter ensemble dans une même maison, à moins qu’ils ne soient des ressemblances ; et des Époux ne le peuvent nullement, à moins qu’ils ne soient des inclinations mutuelles ; s’ils sont des inclinations externes et non en même temps internes, la maison même ou le lieu même les sépare, les rejette et les chasse : c’est à cause de cela que, pour ceux qui, après la préparation, sont introduits dans le Ciel, il est pourvu à un Mariage avec un conjoint dont l’âme incline à l’union avec celle de l’autre, au point qu’ils veuillent être non pas deux vies, mais une seule vie : c’est pour cette raison qu’après la séparation il est donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable.

51. VII. Les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, mais plus agréables et plus heureuses, toutefois sans prolification ; au lieu de celle-ci, ils ont une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse. Si les Époux jouissent entre eux de communications semblables à celles qu’ils avaient dans le Monde, c’est parce qu’après la mort le mâle est mâle, et la femelle est femelle, et que l’inclination à la conjonction a été insitée dans l’un et dans l’autre par création ; et cette inclination chez l’homme appartient à son esprit et par suite à son corps ; c’est pourquoi après la mort, quand l’homme devient esprit, la même inclination mutuelle reste, et elle ne peut exister sans de semblables communications ; car l’homme est homme comme auparavant, et il ne manque rien au mâle, ni rien à la femelle ; quant à la forme, ils sont semblables à eux-mêmes, pareillement quant aux affections et aux pensées ; que peut-il dès lors en résulter, sinon qu’il y a de semblables communications ; et que, comme l’Amour conjugal est chaste, pur et saint, les communications sont même complètes ? Mais, sur ce sujet, on peut voir de plus grands détails dans le MÉMORABLE No 44. Si les Communications sont alors plus agréables et plus heureuses, c’est parce que cet Amour, quand il devient l’Amour de l’esprit, devient intérieur et plus pur, et par suite plus perceptible, et que tout plaisir s’accroît selon la perception, et s’accroît jusqu’au point que sa béatitude est discernée dans son plaisir.

52. Si les Mariages dans les Cieux sont sans prolification, mais qu’au lieu de celle-ci il y ait une prolification spirituelle, qui est celle de l’amour et de la sagesse, c’est parce que chez ceux qui sont dans le Monde spirituel, il manque le troisième (principe) qui est le naturel, et que ce troisième est le contenant des spirituels ; or les spirituels sans leur contenant n’ont pas la consistance, comme l’ont les choses qui sont procréées dans le Monde naturel : et les spirituels, considérés en eux-mêmes, se réfèrent à l’Amour et à la Sagesse ; c’est pourquoi l’amour et la sagesse sont les choses qui naissent des mariages des habitants des Cieux. Il est dit que l’amour et la sagesse naissent, parce que l’amour conjugal perfectionne l’Ange, car il s’unit à son conjoint, d’où il résulte qu’il devient homme de plus en plus, car, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, deux Époux dans le Ciel ne sont pas deux mais un seul Ange ; c’est pourquoi par l’union conjugale ils se remplissent de l’humain, qui consiste à vouloir devenir sage, et à aimer ce qui appartient à la sagesse.

53. VIII. C’est là ce qui arrive à ceux qui vont au Ciel ; mais il en est autrement pour ceux qui vont en Enfer. Qu’après la mort il soit donné à l’homme une épouse convenable, et à la femme un mari convenable, et que ceux-ci jouissent de communications agréables et heureuses, mais sans autre prolification qu’une prolification spirituelle, cela doit être entendu de ceux qui sont reçus dans le Ciel et deviennent Anges ; la raison en est que ceux-ci sont spirituels, et que les mariages en eux-mêmes sont spirituels, et par suite saints. Mais ceux qui vont en Enfer sont tous naturels, et les mariages purement naturels ne sont point des mariages, mais sont des conjonctions qui viennent d’une passion inchaste. Dans la suite, lorsqu’il sera traité du chaste et de l’inchaste, et plus loin lorsqu’il s’agira de l’Amour scortatoire, il sera dit quelles sont ces conjonctions.

54. À ce qui a été rapporté jusqu’ici sur l’état des époux après la mort, il faut ajouter les détails suivants : 1. Tous les Époux qui sont purement naturels sont séparés après la mort ; et cela, parce que chez eux l’amour du mariage est froid, et que l’amour de l’adultère est chaud ; néanmoins, après la séparation, parfois ils se consocient comme époux avec d’autres, mais peu de temps après ils s’éloignent mutuellement l’un de l’autre, ce qui souvent est répété plusieurs fois ; et enfin l’homme s’attache à quelque prostituée, et la femme à quelque adultère, ce qui s’effectue dans un bagne infernal, dont il a été parlé dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 153, p. X, où la promiscuité est interdite à l’un et à l’autre sous peine de châtiment. 2. Les Époux dont l’un est spirituel et l’autre naturel sont séparés aussi après la mort, et il est donné au Spirituel un conjoint convenable, mais le Naturel est relégué dans des lieux de débauche vers ses semblables. 3. Quant à ceux qui dans le Monde ont vécu célibataires, et ont entièrement éloigné du mariage leur mental, s’ils sont spirituels, ils restent célibataires, mais s’ils sont naturels, ils deviennent scortateurs. Il en est autrement de ceux qui dans leur Célibat ont désiré le mariage, et, à plus forte raison, de ceux qui l’ont sollicité sans succès ; s’ils sont spirituels, il est pourvu pour eux à des Mariages heureux, mais non pas avant qu’ils soient dans le Ciel. 4. Ceux qui dans le Monde ont été renfermés dans des monastères, tant hommes que femmes, ceux-là après avoir mené une vie monacale, qui continue quelque temps après la mort, sont dégagés et délivrés, et ils jouissent de la pleine liberté de leurs désirs, soit qu’ils veulent vivre époux ou non ; s’ils veulent vivre époux, ils le deviennent ; s’ils ne le veulent pas, ils sont transportés vers les célibataires sur le côté du Ciel ; mais ceux qui ont brûlé du feu de désirs défendus sont précipités. 5. Si les Célibataires sont sur le côté du Ciel, c’est parce que la sphère d’un célibat perpétuel infeste la sphère de l’amour conjugal, qui est la sphère même du Ciel ; la sphère de l’amour conjugal est la sphère même du Ciel, parce qu’elle descend du Mariage céleste du Seigneur et de l’Église.

 

 

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55. À ce qui précède j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour il fut entendu du Ciel une très suave mélodie ; c’étaient des épouses avec des vierges qui y chantaient ensemble un cantique ; la suavité du chant était comme l’affection de quelque amour qui flue harmonieusement ; les chants célestes ne sont que des affections sonores, ou des affections exprimées et modifiées par des sons ; car de même que les pensées sont exprimées par des paroles, de même les affections le sont par des chants ; par la mesure et le flux de la modulation, les Anges perçoivent le sujet de l’affection. Il y avait alors beaucoup d’Esprits autour de moi, et quelques-uns d’eux dirent qu’ils entendaient cette très suave mélodie, et que c’était la mélodie de quelque aimable affection, dont ils ne connaissaient pas le sujet ; c’est pourquoi ils firent diverses conjectures, mais en vain. Les uns conjecturaient que ce chant exprimait l’affection d’un fiancé et d’une fiancée quand il y a promesse de mariage ; d’autres, qu’il exprimait l’affection du fiancé et de la fiancée à la solennité des noces ; et d’autres, qu’il exprimait le primitif amour du mari et de l’épouse. Mais alors au milieu d’eux apparut un Ange venu du Ciel, et il leur dit qu’on chantait l’Amour chaste du sexe ; mais ceux qui l’entouraient demandèrent ce que c’était que l’Amour chaste du sexe ; et l’Ange dit : « C’est l’amour d’un homme pour une vierge ou pour une épouse belle de forme et décente de mœurs, sans aucune idée de lasciveté, et réciproquement l’amour qu’une vierge ou une épouse éprouve pour un homme. » Après avoir parlé ainsi, l’Ange disparut. Le chant continuait, et alors, comme ils connaissaient le sujet de l’affection qu’il exprimait, ils l’entendaient avec beaucoup de variété, chacun selon l’état de son amour ; ceux qui regardaient les femmes chastement entendaient ce chant comme symphonique et suave ; mais ceux qui regardaient les femmes inchastement l’entendaient comme sans harmonie et triste ; et ceux qui regardaient les femmes avec dédain l’entendaient comme discordant et rauque. Mais tout à coup la Plaine sur laquelle ils se tenaient fut changée en un Théâtre, et une voix fut entendue : « DISCUTEZ CET AMOUR. » Et aussitôt se présentèrent des Esprits de diverses sociétés, et au milieu d’eux quelques Anges vêtus de blanc ; et ceux-ci, prenant la parole, dirent : « Nous, dans ce Monde spirituel, nous avons fait des recherches sur toutes les espèces d’amour, non-seulement sur l’amour de l’homme à l’égard de l’homme, et de la femme à l’égard de la femme, et sur l’amour réciproque du mari et de l’épouse, mais aussi sur l’amour de l’homme à l’égard des femmes, et de la femme à l’égard des hommes ; et il nous a été donné de parcourir les sociétés et d’examiner, et nous n’avons encore trouvé le commun amour chaste du sexe que chez ceux qui d’après l’amour vraiment conjugal sont dans une continuelle puissance, et ceux-ci sont dans les Cieux suprêmes : et il nous a aussi été donné de percevoir l’influx de cet amour dans les affections de nos cœurs, et nous avons senti que par la suavité il surpassait tout autre amour, excepté l’amour de deux époux dont les cœurs sont un : mais nous demandons que vous discutiez cet amour, parce que, à vos yeux, il est nouveau et inconnu ; et comme cet amour est l’aménité même, par nous dans le Ciel il est appelé la céleste suavité. » Lors donc qu’ils discutèrent, ceux qui n’avaient pas pu penser à la chasteté au sujet des mariages furent les premiers à parler, et ils dirent : « Qui est-ce qui, en voyant une vierge ou une épouse belle et aimable, peut réprimer et purifier de convoitise les idées de sa pensée, au point d’aimer la beauté, et cependant de ne point vouloir la savourer entièrement, si cela est permis ? Qui peut changer la convoitise innée en chaque homme en une telle chasteté, ainsi en quelque chose qui n’est point lui, et cependant aimer ? L’amour du sexe, lorsque par les yeux il entre dans les pensées, peut-il s’arrêter au visage d’une femme ? Ne descend-il pas à l’instant dans la poitrine, et au-delà ? Les Anges ont parlé de choses vaines en disant que cet amour est chaste, et que cependant il est le plus suave de tous, et qu’il existe uniquement chez les maris qui sont dans l’amour vraiment conjugal et par suite dans une très-grande puissance avec leurs épouses. Ceux-ci, quand ils voient de belles femmes, peuvent-ils, plus que les autres, tenir en haut et comme suspendre les idées de leur pensée, afin de les empêcher de descendre et d’aller vers ce qui constitue cet amour ? » Après eux parlèrent ceux qui étaient dans le froid et dans le chaud, dans le froid pour leurs épouses, et dans le chaud pour le sexe, et ils dirent : « Qu’est-ce que l’amour chaste du sexe ? N’y a-t-il pas contradiction à joindre la chasteté à l’amour du sexe ? Qu’est-ce qu’un sujet avec un adjectif contradictoire, sinon une chose à qui l’on ôte son attribut, une chose qui n’est rien ? Comment l’amour chaste du sexe peut-il être le plus suave de tous les amours, quand la chasteté le prive de sa suavité ? Vous savez tous où réside la suavité de cet amour, quand donc l’idée de conjonction avec cela est bannie, où est et d’où vient alors la suavité ? » À ce moment quelques-uns les interrompirent, et dirent : « Nous, nous avons été avec les plus belles femmes, et nous ne les avons pas convoitées ; nous donc, nous savons ce que c’est que l’amour chaste du sexe. » Mais leur consociés, qui connaissaient leur lasciveté, répondirent : « Vous, alors, vous étiez dans un état de dégoût pour le sexe par impuissance, et cela n’est point l’amour chaste du sexe, mais c’est le dernier état de l’amour inchaste. » En entendant ces propos, les Anges indignés demandèrent que ceux qui se tenaient à la droite ou au midi parlassent ; et ceux-ci dirent : « Il y a l’amour entre homme et homme, et aussi entre femme et femme, et il y a l’amour de l’homme pour la femme, et l’amour de la femme pour l’homme ; ces trois amours par paires diffèrent absolument entre eux ; l’amour entre homme et homme est comme l’amour entre entendement et entendement, car l’homme a été créé et par suite naît pour devenir entendement ; l’amour entre femme et femme est comme l’amour entre affection et affection de l’entendement des hommes, car la femme a été créée et naît pour devenir amour de l’entendement de l’homme : ces amours-ci, à savoir, entre homme et homme, et aussi entre femme et femme ne pénètrent point profondément dans les poitrines, mais ils se tiennent dehors, et se touchent seulement, ainsi ils ne conjoignent pas les deux intérieurement ; c’est pourquoi aussi deux hommes par des raisonnements et des raisonnements combattent entre eux comme deux athlètes ; et deux femmes quelquefois par des convoitises et des convoitises combattent entre elles avec leurs poings comme deux lutteurs. Mais l’amour entre l’homme et la femme est l’amour entre l’entendement et l’affection de l’entendement, et cet amour pénètre profondément et conjoint ; et cette conjonction est cet amour ; mais la conjonction des mentals et non en même temps des corps, ou l’effort pour cette conjonction seule est l’amour spirituel, et par suite l’amour chaste ; et cet amour existe seulement chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, et par suite dans une éminente puissance, parce que ceux-ci, à cause de la chasteté, n’admettent pas l’influx de l’amour provenant du corps d’une autre femme que leur épouse ; et comme ils sont dans une suréminente puissance, ils ne peuvent qu’aimer le sexe, et en même temps avoir en aversion ce qui est inchaste ; de là leur vient l’amour chaste du sexe, amour qui, considéré en lui-même, est une amitié intérieure spirituelle tirant sa suavité d’une puissance éminente, mais chaste ; ils ont une puissance éminente d’après l’abdication totale de la scortation, et cette puissance est chaste, parce que l’épouse seule est aimée. Maintenant, comme cet amour chez eux ne participe pas de la chair, mais seulement de l’esprit, il est chaste ; et comme la beauté de la femme, d’après l’inclination insitée, entre en même temps dans le mental, cet amour est suave. » À ces mots, plusieurs des assistants mirent leurs mains sur leurs oreilles, en disant : « Ces paroles blessent nos oreilles, et les choses que vous avez prononcées sont pour nous des riens. » C’étaient des esprits non chastes : et alors ce chant du Ciel fut de nouveau entendu, et en ce moment il était plus suave que précédemment ; mais il était si discordant aux oreilles des Esprits non chastes, qu’en raison de cette bruyante discordance ils se précipitèrent hors du Théâtre et s’enfuirent ; il ne resta qu’un petit nombre d’Esprits qui, d’après la sagesse, aimaient la chasteté conjugale.

56. SECOND MÉMORABLE : Un jour, dans le Monde spirituel, conversant avec des Anges, je fus inspiré d’une délicieuse volupté de Voir le TEMPLE DE LA SAGESSE, que j’avais déjà vu une fois, et je les interrogeai au sujet du chemin qui y conduit ; ils me dirent : « Suis la lumière, et tu le trouveras. » Et je dis : « Qu’est-ce que cela ? Suis la lumière ! », ils dirent : « Notre lumière devient de plus en plus éclatante, à mesure que l’on approche de ce Temple, suis donc la lumière selon l’accroissement de son éclat, car notre Lumière procède du Seigneur comme Soleil, et par suite, considérée en elle-même, elle est la Sagesse. » Alors, accompagné de deux Anges, je dirigeai ma marche selon l’accroissement de l’éclat de la lumière, et je montai par un sentier escarpé jusqu’au sommet d’une Colline, qui était dans la Plage méridionale ; et là, il y avait une Porte magnifique ; et le garde, ayant vu les anges avec moi, l’ouvrit ; et voici, nous vîmes un Portique de palmiers et de lauriers, vers lequel nous dirigeâmes nos pas ; le Portique allait en tournant et se terminait en un jardin, au milieu duquel était le TEMPLE DE LA SAGESSE. Là, quand je portai mes regards autour de moi, je vis de petits Édifices, ressemblant au Temple, dans lesquels étaient des Sages ; nous nous approchâmes de l’un de ces édifices, et à l’entrée nous parlâmes à celui qui l’habitait, et nous lui exposâmes la cause de notre venue, et de quelle manière nous étions arrivés ; et il nous dit : « Soyez les bienvenus, entrez, asseyez-vous, et consocions-nous par des discours de sagesse. » Je vis que l’Édifice, en dedans, était divisé en deux, et cependant il était un ; il était divisé en deux par une cloison transparente, mais il apparaissait comme un d’après la transparence de la cloison, qui était comme d’un cristal très-pur ; je demandai pourquoi cela était ainsi ; il me dit : « Je ne suis pas seul, mon épouse est avec moi ; et nous, nous sommes deux, cependant nous ne sommes pas deux mais une seule chair. » Mais je répliquai : « Je sais que tu es un sage ; et qu’est-ce que le sage ou la sagesse a de commun avec la femme ? » À ces mots, notre hôte, saisi d’une sorte d’indignation, changea de figure, et il étendit la main ; et voici, il se présenta aussitôt d’autres sages des édifices voisins, auxquels il dit en souriant : « Notre étranger me dit ici, en me questionnant : Qu’est-ce que le sage ou la sagesse a de commun avec la femme ? » Ils rirent tous de cette demande, et ils dirent : « Qu’est-ce que le sage ou la sagesse sans la femme, ou sans l’amour ? L’épouse est l’amour de la sagesse du sage. » Mais notre hôte dit : « Consocions-nous maintenant par quelque conversation sur la sagesse ; parlons des causes, et d’abord de la cause de la Beauté du sexe féminin. » Et alors ils parlèrent en ordre, et le premier donna pour cause que les femmes ont été créées par le Seigneur affections de la sagesse des hommes, et que l’affection de la sagesse est la Beauté même. Le second donna pour cause que la femme a été créée par le Seigneur au moyeu de la sagesse de l’homme, puisqu’elle l’a été d’après l’homme, et que par suite elle est la forme de la sagesse, forme inspirée par l’affection de l’amour ; et que, comme l’affection de l’amour est la vie même, la femme est la vie de la sagesse, tandis que le mâle est la sagesse ; et la vie de la sagesse est la Beauté même. Un troisième donna pour cause que les femmes ont reçu en don la perception des délices de l’amour conjugal, et que, comme tout leurs corps est l’organe de cette perception, il ne peut pas se faire que l’habitation des délices de l’amour conjugal avec sa perception ne soit pas la Beauté. Un quatrième donna pour cause que le Seigneur avait tiré de l’homme la beauté et l’élégance de la vie, et les avait fait passer dans la femme, et que par conséquent, sans la réunion avec sa beauté et son élégance dans la femme, l’homme est farouche, âpre, sec, et non-aimable, et n’est sage que pour lui seul, et celui-là est insensé ; mais que, quand l’homme est uni avec sa beauté et son élégance de la vie dans l’épouse, il devient agréable, gracieux, vif et aimable, et par conséquent sage. Un cinquième donna pour cause que les femmes ont été créées Beautés non pour elles-mêmes, mais pour les hommes, afin que les hommes, durs par eux-mêmes, s’adoucissent ; que leurs mentals (animi), sévères par eux-mêmes, s’amollissent ; et que leurs cœurs, froids par eux-mêmes, s’échauffent ; et les hommes deviennent tels, quand ils deviennent une seule chair avec leurs épouses. Un sixième donna pour cause que par le Seigneur l’Univers a été créé ouvrage très-parfait, mais qu’en lui il n’a été créé rien de plus parfait que la femme belle de figure et décente de mœurs, afin que l’homme rende grâces au Seigneur pour cette munificence, et lui prouve sa reconnaissance par la réception de la sagesse qui procède de Lui. » Après que ces raisons et plusieurs autres semblables eurent été données, l’Épouse apparut au travers de la cloison de cristal, et elle dit au Mari : « Parle, je t’en prie. » Et pendant qu’il parlait, dans le discours était perçue la vie de la sagesse procédant de l’Épouse, car son amour était dans le son du langage ; ainsi cette vérité fut prouvée par l’expérience. À près cela, nous visitâmes le Temple de la sagesse, et aussi les lieux paradisiaques qui l’environnaient ; et, remplis des joies que nous y avions ressenties, nous nous en allâmes, et nous passâmes à travers le Portique jusqu’à la porte, et nous descendîmes par le chemin par lequel nous étions montés.

 

 

 

DE L’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL.

 

 

51. L’Amour conjugal est d’une variété infinie ; il n’est pas chez l’un tel qu’il est chez un autre ; il paraît, à la vérité, semblable chez plusieurs, mais il paraît ainsi devant le jugement du corps, et l’homme discerne peu de semblables choses d’après ce jugement, parce qu’il est grossier et émoussé ; par le jugement du corps il est entendu le jugement du mental d’après les sens externes : mais devant ceux qui voient d’après le jugement de l’esprit, les différences se manifestent, et plus distinctement devant ceux qui peuvent élever plus haut la vue de ce jugement, ce qui se fait en le soustrayant aux sens, et en l’élevant dans une lumière supérieure ; ceux-ci enfin peuvent se confirmer par l’entendement, et ainsi voir que l’Amour conjugal n’est pas chez l’un tel qu’il est chez un autre. Mais cependant qui que ce soit ne peut voir les variétés infinies de cet Amour dans quelque lumière de l’entendement même élevé, à moins que d’abord il ne sache quel est cet Amour dans son essence même et dans son intégrité, ainsi quel il était quand il fut mis par Dieu dans l’homme en même temps que la vie ; si cet état, qui fut son état le plus parfait, n’est pas connu, toutes les recherches pour en découvrir les différences sont vaines ; car il n’y a aucun point solide, d’où les différences soient déduites comme d’un principe, ni auquel elles se réfèrent comme à un but, et puissent par conséquent se manifester avec vérité et non avec fausseté. C’est pour cette raison qu’ici nous allons commencer par décrire cet Amour dans son essence réelle ; et comme il y était, quand il fut infusé par Dieu dans l’homme en même temps que la vie, nous commencerons à le décrire tel qu’il a été dans son état primitif ; et parce que dans cet état il était vraiment conjugal, ce Paragraphe a pour titre : DE L’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL ; mais cette description sera faite dans cet ordre. I. Il y a un Amour vraiment conjugal, qui aujourd’hui est si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe. II. L’origine de cet Amour vient du Mariage du bien et du vrai. III. Il y a correspondance de cet Amour avec le Mariage du Seigneur et de l’Église. IV. Cet Amour, considéré d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui par le Seigneur est chez les anges du Ciel, et chez les hommes de l’Église. V. Il est même l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. VI. Dans cet amour ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, depuis les premières jusqu’aux dernières. VII. Mais dans cet amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui aiment les vrais de l’Église et en pratiquent les Biens. VIII. Cet Amour a été l’Amour des amours chez les Anciens, qui ont vécu dans les siècles d’or, d’argent et d’airain ; mais dans la suite il s’est successivement effacé. L’explication de ces Articles va suivre.

58. I. Il y a un Amour vraiment conjugal, qui aujourd’hui est si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe. Qu’il y ait un Amour conjugal, tel qu’il est décrit dans ce qui suit, on peut même le reconnaître par le premier état de cet amour, quand il s’insinue et entre dans le cœur d’un jeune homme et dans celui d’une jeune fille, ainsi chez ceux qui commencent à aimer une seule personne du sexe, et à désirer l’obtenir en mariage, et plus encore au temps des fiançailles, quand il est prolongé, et qu’il approche des noces, et enfin pendant les noces, et dans les premiers jours qui les suivent ; qui est-ce qui alors ne reconnaît pas et ne convient pas que cet Amour est l’amour fondamental de tous les amours ; et aussi, qu’en lui ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices depuis les premières jusqu’aux dernières ? Et qui est-ce qui ne sait pas qu’après ce temps délicieux, ces allégresses passent et s’effacent successivement, jusqu’au point que les époux les sentent à peine ? Si alors, de même qu’auparavant, on leur dit que cet Amour est l’amour fondamental de tous les amours, et qu’en lui ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, ils n’en conviennent pas et ne le reconnaissent pas ; et ils diront peut-être que ce sont des contes, ou des subtilités mystiques au-dessus de leur portée. D’après cela, il est évident que le primitif amour du mariage imite l’Amour vraiment conjugal, et le présente à la vue dans une sorte d’image ; cela a lieu, parce qu’alors a été rejeté l’amour du sexe, qui est inchaste, et qu’à sa place reste implanté l’amour d’une seule personne du sexe, lequel est l’amour vraiment conjugal et chaste ; qui est-ce qui alors ne regarde pas les autres femmes d’un œil indifférent, et son unique bien-aimée, d’un œil amoureux ?

59. Que, cependant, l’Amour vraiment conjugal soit si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine s’il existe, c’est parce que l’état de délices avant les noces est changé après elles en un état d’indifférence provenant de l’insensibilité ; les causes de ce changement d’état sont en trop grand nombre pour qu’elles puissent être rapportées ici ; mais elles le seront dans la suite, lorsque les causes des froideurs, des séparations et des divorces seront dévoilées dans leur ordre ; d’après ces causes on verra que, chez la plupart aujourd’hui, cette image de l’amour conjugal, et avec elle la connaissance de cet amour, ont été tellement détruites, qu’on ne sait pas quel est cet amour, et qu’on sait à peine qu’il existe. Il est connu que tout homme, quand il naît, est purement corporel et que de corporel il devient naturel de plus en plus intérieur, et ainsi rationnel, et enfin spirituel. Si cela a lieu progressivement, c’est parce que le corporel est comme un humus, dans lequel les naturels, les rationnels et les spirituels sont semés en leur ordre ; ainsi l’homme devient de plus en plus homme : il arrive presque la même chose quand il se marie ; l’homme alors devient plus pleinement homme, parce qu’il est conjoint à une compagne avec laquelle il constitue un seul homme ; mais cela se fait en une sorte d’image dans le premier état, dont il vient d’être parlé ; pareillement alors il commence par le corporel, et s’avance vers le naturel, mais quant à la vie conjugale, et par suite quant à la conjonction en un ; ceux qui alors aiment les corporels-naturels, et seulement les rationnels qui en proviennent, ne peuvent pas être unis à leur conjoint comme en un, si ce n’est quant à ces externes ; et lorsque les externes manquent, les internes sont envahis par un froid qui chasse les plaisirs de cet amour aussi bien du mental que du corps, et ensuite aussi bien du corps que du mental ; et cela, jusqu’à ce qu’il ne reste rien de la réminiscence du primitif état de leur mariage, ni par conséquent aucune connaissance de cet état. Or, comme cela arrive aujourd’hui chez la plupart, il est évident qu’on ne sait pas quel est l’amour vraiment conjugal, et qu’on sait à peine qu’il existe. Il en est tout autrement pour ceux qui sont spirituels ; pour eux le premier état est une initiation à des félicités perpétuelles, qui s’accroissent par degrés, selon que le spirituel-rationnel du mental et d’après lui le naturel-sensuel du corps de l’un, se conjoignent et s’unissent avec ceux de l’autre ; mais ceux-ci sont rares.

60. II. L’origine de cet Amour vient du Mariage du Bien et du Vrai. Tout homme intelligent reconnaît que toutes choses dans l’univers se réfèrent au bien et au vrai, parce que cela est un vrai universel ; on ne peut pas non plus ne pas reconnaître que dans toutes et dans chacune des choses de l’univers le bien est conjoint au vrai, et le vrai au bien, parce que cela aussi est un vrai universel qui est lié avec l’autre. Si toutes choses dans l’univers se réfèrent au bien et au vrai, et si le bien est conjoint au vrai, et le vrai au bien, c’est parce que l’un et l’autre procèdent du Seigneur, et procèdent de Lui comme un. Les deux choses qui procèdent du Seigneur sont l’Amour et la Sagesse, parce que ces deux sont le Seigneur, ainsi d’après Lui ; et toutes les choses qui appartiennent à l’amour sont appelées biens, et toutes celles qui appartiennent à la sagesse sont appelées vrais ; et puisque de Lui comme Créateur procèdent l’Amour et la Sagesse, il s’ensuit que ces deux sont dans les choses créées. Cela peut-être illustré par la Chaleur et la Lumière, qui procèdent du Soleil ; toutes les choses de la Terre en proviennent, car elles germent selon leur présence et selon leur conjonction ; or, la Chaleur naturelle correspond à la Chaleur spirituelle, qui est l’Amour, et la Lumière naturelle correspond à la Lumière spirituelle, qui est la Sagesse.

61. Que l’Amour conjugal procède du Mariage du bien et du vrai, c’est ce qui sera démontré dans la Section suivante ou Paragraphe suivant ; il n’en est fait mention ici que pour faire voir que cet Amour est céleste, spirituel et saint, parce qu’il est d’une origine céleste, spirituelle et sainte. Afin qu’on voie que l’origine de l’amour conjugal vient du Mariage du bien et du vrai, il importe d’en parler ici succinctement : Il vient d’être dit que dans toutes et dans chacune des choses créées il y a la conjonction du bien et du vrai ; or, il n’y a pas conjonction à moins qu’elle ne soit réciproque, car la conjonction d’une part, et non réciproquement de l’autre, se dissout d’elle-même ; lors donc qu’il y a conjonction du bien et du vrai, et que cette conjonction est réciproque, il en résulte qu’il y a le vrai du bien ou le vrai d’après le bien, et qu’il y a le bien du vrai ou le bien d’après le vrai ; que le vrai du bien ou le vrai d’après le Bien soit dans le Mâle, et qu’il soit le Masculin même, et que le bien du vrai ou le bien d’après le vrai soit dans la Femelle, et qu’il soit le Féminin même, puis aussi, qu’il y ait une union conjugale entre ces deux, on le verra dans la Section qui va suivre ; ceci est rapporté ici, afin qu’on en ait quelque idée préliminaire.

62. III. Il y a correspondance de cet Amour avec le Mariage du Seigneur et de l’Église ; c’est-à-dire que, de même que le Seigneur aime l’Église et veut que l’Église l’aime, de même le mari et l’Épouse s’aiment mutuellement ; qu’entre cet amour et ce mariage il y ait une correspondance, on le sait dans le Monde Chrétien, mais quelle est cette correspondance, on ne le sait pas encore, c’est pourquoi elle sera expliquée plus loin dans un Paragraphe spécial : ici, il en est fait mention, afin qu’on voie que l’Amour conjugal est céleste, spirituel et saint, parce qu’il correspond au Mariage céleste, spirituel et saint du Seigneur et de l’Église. Cette correspondance est aussi une conséquence de ce que l’amour conjugal tire son origine du Mariage du bien et du vrai, origine dont il a été traité dans l’Article précédent, parce que le Mariage du bien et du vrai est l’Église chez l’homme ; car le Mariage du bien et du vrai est la même chose que le Mariage de la charité et de la foi, puisque le bien appartient à la charité et le vrai à la foi ; que ce Mariage fasse l’Église, on ne peut pas ne pas le reconnaître, parce que c’est un vrai universel, et que tout vrai universel est reconnu aussitôt qu’il est entendu, ce qui résulte de l’influx du Seigneur et en même temps de la confirmation du Ciel. Maintenant, puisque l’Église appartient au Seigneur parce qu’elle vient du Seigneur, et puisque l’Amour conjugal correspond au Mariage du Seigneur et de l’Église, il s’ensuit que cet Amour vient du Seigneur.

63. Mais comment par le Seigneur est formée l’Église chez deux époux, et comment au moyen de l’Église est formé l’amour conjugal, cela sera illustré dans le Paragraphe dont il vient d’être parlé : ici, il est seulement observé que l’Église est formée par le Seigneur chez le Mari, et au moyen du Mari chez l’Épouse, et qu’après qu’elle a été formée chez l’un et chez l’autre, l’Église est complète, car alors il se fait une complète conjonction du bien et du vrai, et la conjonction du bien et du vrai est l’Église. Que l’inclination conjonctive, qui est l’Amour conjugal, soit dans un même degré que la conjonction du bien et du vrai, qui est l’Église, cela va être confirmé en série par des arguments démonstratifs dans ce qui suit.

64. IV. Cet Amour, d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui par le Seigneur est chez les anges du Ciel et chez les hommes de l’Église. Que l’Amour conjugal, d’après son origine, qui est le Mariage du bien et du vrai, soit tel, c’est ce qui vient d’être confirmé ci-dessus en peu de mots, mais là seulement par avance ; il a, de la même manière, été confirmé que cet Amour est tel d’après sa correspondance avec le Mariage du Seigneur et de l’Église : ces deux Mariages, dont descend comme un rejeton l’Amour conjugal, sont les saintetés elles-mêmes ; c’est pourquoi, si d’après son Auteur, qui est le Seigneur, cet amour est reçu, il découle du Seigneur une sainteté, qui continuellement le décante et le purifie ; si alors dans la volonté de l’homme il y a un désir et un effort pour cet amour, il devient plus net et plus pur de jour en jour à perpétuité. L’Amour conjugal est appelé céleste et spirituel, parce qu’il est chez les Anges des cieux ; il est céleste, chez les Anges du Ciel suprême, parce que ces Anges sont appelés célestes ; et spirituel, chez les Anges au-dessous de ce ciel, parce que ces Anges sont appelés spirituels ; ces Anges sont ainsi appelés, parce que les Anges célestes sont des Amours et par suite des Sagesses, et que les Anges spirituels sont des Sagesses et par suite des Amours ; semblable est leur conjugal. Maintenant, puisque l’Amour conjugal est chez les Anges des cieux, tant supérieurs qu’inférieurs, comme il a aussi été montré dans le Premier Paragraphe sur les Mariages dans le Ciel, on voit que cet Amour est saint et pur. Si cet Amour, considéré dans son essence d’après sa dérivation, est saint et pur plus que tout autre amour chez les anges et chez les hommes, c’est parce qu’il est comme la tête des autres amours. Quant à la suprématie de cet amour, il en sera dit quelque chose dans l’Article qui va suivre.

65. V. Il est même l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. Que l’Amour conjugal, considéré dans son essence, soit l’Amour fondamental de tous les amours du Ciel et de l’Église, c’est parce que son origine vient du Mariage du bien et du vrai, et que de ce Mariage procèdent tous les amours qui font le Ciel et l’Église chez l’homme ; le bien de ce mariage constitue l’amour, et son vrai constitue la sagesse ; et quand l’amour s’approche de la sagesse, ou se conjoint avec elle, l’amour alors devient amour ; et quand réciproquement la sagesse s’approche de l’amour et se conjoint avec lui, la sagesse alors devient sagesse. L’Amour vraiment conjugal n’est pas autre chose que la conjonction de l’amour et de la sagesse ; deux Époux entre qui ou en qui il y a cet amour en sont l’effigie et la forme ; dans les Cieux, où les faces des anges sont les types réels des affections de leur amour, tous aussi sont des ressemblances de l’amour conjugal, car il est en eux dans le commun et dans toute partie, comme il a été déjà montré ; maintenant, puisque deux Époux sont cet Amour en effigie et en forme, il s’ensuit que tout amour, qui procède de la forme de l’amour même, en est une ressemblance ; c’est pourquoi si l’Amour conjugal est céleste et spirituel, les amours aussi, qui en procèdent, sont célestes et spirituels ; l’Amour conjugal est donc comme un père, et tous les autres amours sont comme une lignée ; de là vient que des Mariages des Anges dans les Cieux sont engendrées des lignées spirituelles, qui sont celles de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai ; au sujet du cette génération, voir ci-dessus, No 51.

66. La même chose est évidemment manifestée par la création des hommes pour cet amour, et par leur formation ensuite d’après cet amour : le Mâle a été créé pour qu’il devienne sagesse d’après l’Amour d’être sage, et la Femelle a été créée pour qu’elle devienne l’Amour du mâle d’après sa sagesse, ainsi selon la sagesse en lui ; de là il est évident que deux Époux sont les formes mêmes et les effigies mêmes du mariage de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai. Il est important qu’on sache qu’il n’y a point de bien ni de vrai qui ne soit dans une substance comme dans son sujet ; les biens et les vrais abstraits n’existent point, car ils ne sont nulle part, puisqu’ils n’ont point de siège ; et même ils ne peuvent pas non plus apparaître comme volant ; ce sont donc seulement des entités (entia), à l’égard desquelles la raison semble penser abstractivement, mais ne le peut cependant, à moins de les supposer dans des sujets ; car toute idée de l’homme, même sublimée, est substantielle, c’est-à-dire, attachée à des substances : de plus, il faut qu’on sache qu’il n’y a point de substance à moins qu’il n’y ait une forme ; une substance non-formée n’est pas non plus quelque chose, parce qu’il ne peut pas en être dit quelque chose, et qu’un sujet sans prédicats est aussi une entité qui n’a aucune existence dans la raison (ens nullius rationis). Ces considérations philosophiques ont été ajoutées afin que de cette manière on puisse aussi voir que deux Époux, qui sont dans l’amour vraiment conjugal, sont en actualité des formes du Mariage du bien et du vrai, ou de l’amour et de la sagesse.

67. Comme les amours naturels découlent des amours spirituels, et que les amours spirituels découlent des amours célestes, c’est pour cela qu’il est dit que l’Amour conjugal est l’amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels. Les amours naturels se réfèrent aux amours de soi et du monde ; mais les amours spirituels se réfèrent à l’amour à l’égard du prochain, et les amours célestes à l’amour envers le Seigneur ; et comme telles sont les relations des amours, on voit clairement dans quel ordre ils se suivent, et dans quel ordre ils sont chez l’homme ; quand ils sont dans cet ordre, alors les amours naturels vivent d’après les amours spirituels, et les spirituels d’après les célestes, et tous dans cet ordre vivent par le Seigneur, dont ils procèdent.

68. VI. Dans cet amour ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices, depuis les premières jusqu’aux dernières. Tous les plaisirs, quels qu’ils soient, qui sont sentis par l’homme, appartiennent à son amour ; par eux l’amour se manifeste, et même existe et vit ; que les plaisirs s’exaltent au même degré que s’exalte l’amour, et aussi selon que les affections qui surviennent touchent de plus près l’amour régnant, cela est notoire. Maintenant, puisque l’amour conjugal est l’amour fondamental de tous les bons amours, et qu’il a été inscrit dans les très-singuliers de l’homme, comme il a été montré ci-dessus, il s’ensuit que les plaisirs de cet amour surpassent les plaisirs de tous les amours, et qu’il donne aussi du plaisir aux autres amours selon sa présence et sa conjonction avec eux ; car il donne de l’expansion aux intimes du mental et en même temps aux intimes du corps, à mesure que la veine délicieuse de sa source y coule et les ouvre. Que dans cet amour aient été rassemblés tous les plaisirs depuis les premiers jusqu’aux derniers, c’est à cause de l’excellence de son usage en comparaison de tous les autres ; son usage est la propagation du genre humain, et par suite celle du Ciel Angélique ; et comme cet usage a été la fin des fins de la création, il s’ensuit que toutes les béatitudes, toutes les douceurs, tous les plaisirs, tous les charmes et toutes les voluptés, qui avaient pu être rassemblés dans l’homme par le Seigneur Créateur, ont été rassemblés dans cet amour. Que les plaisirs suivent l’usage, et soient dans l’homme selon l’amour de l’usage, cela est évident d’après les plaisirs des cinq Sens, la Vue, l’Ouïe, l’Odorat, le Goût et le Toucher ; chacun de ces sens a ses plaisirs avec des variations selon ses usages particuliers ; à combien plus forte raison le Sens de l’amour conjugal, dont l’Usage est le complexe de tous les autres usages.

69. Je sais qu’il en est peu qui reconnaîtront que dans l’Amour conjugal ont été rassemblées toutes les joies et toutes les délices depuis les premières jusqu’aux dernières ; et cela, parce que l’amour vraiment conjugal, dans lequel elles ont été rassemblées, est aujourd’hui si rare, qu’on ne sait pas quel il est, et qu’on sait à peine qu’il existe, selon ce qui a été expliqué et confirmé ci-dessus, Nos 58, 59, car ces joies et ces délices n’existent pas dans un amour conjugal autre que l’amour conjugal réel ; et comme celui-ci est si rare dans les terres, il est impossible de décrire ses félicités suréminentes autrement que d’après la bouche des Anges, parce qu’ils sont, eux, dans cet amour. Ils m’ont dit que ses délices intimes, qui appartiennent à l’âme, dans laquelle influe d’abord le conjugal de l’amour et de la sagesse ou du bien et du vrai procédant du Seigneur, sont non-perceptibles et par suite ineffables parce qu’elles sont en même temps les délices de la paix et de l’innocence ; mais que dans leur descente ces mêmes délices deviennent de plus en plus perceptibles, dans les supérieurs du mental comme béatitudes, dans les inférieurs du mental comme félicités, dans la poitrine comme plaisirs qui en dérivent, et que de la poitrine elles se répandent dans toutes et dans chacune des parties du corps, et enfin s’unissent dans les derniers en délice de délices ; de plus, les anges en ont raconté des merveilles, en ajoutant que les variétés de ces délices dans les âmes des Époux, et d’après leurs âmes dans leurs mentals, et d’après leurs mentals dans leurs poitrines, sont infinies, et aussi éternelles ; et qu’elles sont exaltées chez les maris selon la sagesse ; et cela, parce qu’ils vivent éternellement dans la fleur de leur âge, et parce qu’ils n’ont pas de plus grand bonheur que de devenir de plus en plus sages. Mais quant à plusieurs autres détails sortis de la bouche des Anges au sujet de ces délices, on les verra dans les MÉMORABLES, principalement dans ceux qui vont suivre à la fin de quelques Chapitres.

10. VII. Mais dans cet amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui aiment les vrais de l’Église et en pratiquent les biens. Si dans cet amour ne viennent que ceux qui s’adressent au Seigneur, c’est parce que les Mariages Monogamiques, qui sont ceux d’un seul mari avec une seule épouse, correspondent au Mariage du Seigneur et de l’Église, et que leur origine vient du Mariage du bien et du vrai, voir ci-dessus, Nos 60 et 62. Que de cette origine, et de cette correspondance, il s’ensuive que l’Amour vraiment conjugal vient du Seigneur, et est chez ceux qui s’adressent directement à Lui, cela ne peut être pleinement confirmé, à moins qu’il ne soit traité en particulier de ces deux arcanes ; ce qui sera fait dans les deux Chapitres qui suivent immédiatement celui-ci ; l’un sur l’origine de l’Amour conjugal d’après le Mariage du bien et du vrai ; et l’autre sur le Mariage du Seigneur et de l’Église, et sur sa correspondance : que de là il résulte que l’Amour conjugal est l’homme selon l’état de l’Église chez lui, c’est aussi ce qu’on verra dans ces Chapitres.

71. Si dans l’Amour vraiment conjugal ne peuvent être que ceux qui le reçoivent du Seigneur, c’est-à-dire, qui s’adressent directement à Lui, et vivent par Lui la vie de l’Église, c’est parce que cet Amour, considéré d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint, pur et net, plus que tout autre amour qui existe chez les anges du Ciel, et chez les hommes de l’Église, comme ci-dessus, No 64 ; et ces attributs de l’amour vraiment conjugal ne peuvent exister que chez ceux qui ont été conjoints au Seigneur, et consociés par Lui aux anges du Ciel ; car ceux-là fuient les amours extraconjugaux, c’est-à-dire, les conjonctions avec d’autres que leur propre épouse ou leur propre mari, comme ils fuiraient les pertes de l’Âme et les étangs de l’enfer ; et autant les époux fuient ces conjonctions, même quant aux désirs libidineux de la volonté et par suite aux intentions, autant cet amour est purifié chez eux, et devient successivement spirituel, d’abord pendant qu’ils vivent dans les terres, et ensuite dans le Ciel : aucun amour ne peut jamais devenir pur chez les hommes, ni chez les anges, ainsi cet amour ne le peut pas non plus ; mais comme l’intention, qui appartient à la volonté, est principalement considérée par le Seigneur, c’est pour cela que, autant l’homme est dans cette intention et y persévère, autant il est initié dans la pureté et dans la sainteté de cet amour, et y fait successivement des progrès. Si dans l’Amour conjugal spirituel ne peuvent être que ceux qui sont tels par le Seigneur, c’est parce que le Ciel est dans cet amour, et que l’homme naturel, chez qui cet amour ne tire que de la chair son charme, ne peut approcher du Ciel, ni d’aucun ange, ni même d’aucun homme en qui il y a cet Amour, car c’est l’Amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, voir ci-dessus, Nos 65, 66, 67. Qu’il en soit ainsi, c’est ce qui m’a été confirmé par l’expérience : Dans le Monde spirituel, j’ai vu des génies, qui étaient préparés pour l’enfer, s’approcher d’un Ange qui était dans des délices avec son épouse ; à mesure qu’ils approchaient, étant à une certaine distance, ils devinrent comme des furies ; et ils cherchèrent pour asiles des cavernes et des fosses, dans lesquelles ils se jetèrent. Que les mauvais esprits aiment l’homogène de leur affection, quelqu’immonde qu’il soit, et aient de l’aversion pour les esprits du Ciel, comme pour leur hétérogène parce que cet hétérogène est pur, on peut le conclure de ce qui à été rapporté dans les PRÉLIMINAIRES, No 10.

72. Si dans cet Amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui aiment les vrais de l’Église, et en pratiquent les biens, c’est parce que les autres ne sont pas reçus par le Seigneur ; car ceux-là sont en conjonction avec le Seigneur, et par conséquent peuvent être tenus par Lui dans cet Amour. Il y a deux choses qui font l’Église et par suite le Ciel chez l’homme, le Vrai de la foi et le Bien de la vie ; le Vrai de la foi fait la présence du Seigneur, et le Bien de la vie selon les vrais de la foi fait la conjonction avec Lui, et ainsi l’Église et le Ciel. Si le Vrai de la foi fait la présence, c’est parce qu’il appartient à la lumière, la Lumière spirituelle n’est pas autre chose ; si le Bien de la vie fait la conjonction, c’est parce qu’il appartient à la chaleur, la Chaleur spirituelle n’est pas non plus autre chose, car elle est l’amour, et le bien de la vie appartient à l’amour ; or, l’on sait que toute lumière, même celle de l’hiver, fait la présence, et que la chaleur unie à la lumière fait la conjonction ; car les jardins et les parterres apparaissent quelle que soit la lumière, mais ne fleurissent et ne fructifient que quand la chaleur se conjoint à la lumière. De là résulte clairement cette conclusion, que par le Seigneur sont gratifiés de l’amour vraiment conjugal, non pas ceux qui savent seulement les vrais de l’Église, mais ceux qui les savent et en pratiquent les biens.

73. VIII. Cet Amour a été l’Amour des amours chez les Anciens, qui ont vécu dans les siècles d’or, d’argent et d’airain. Que l’Amour conjugal chez les Très-Anciens et chez les Anciens, qui ont vécu dans ces premiers Siècles ainsi nommés, ait été l’Amour des amours, on ne peut pas le savoir d’après l’Histoire, parce qu’il n’existe point d’écrits d’eux, et que ceux qui existent sont d’Auteurs qui vivaient après ces Siècles ; car ceux-ci font mention d’eux, et décrivent aussi la pureté et l’intégrité de leur vie, et pareillement le déclin successif de cette pureté et de cette intégrité, tel qu’est celui de l’Or jusqu’au Fer : mais le dernier Siècle ou Âge de Fer, qui a commencé au temps de ces Écrivains, peut être connu en partie par les Histoires de la vie de quelques Rois, de quelques Juges, et de quelques Sages qui, en Grèce et ailleurs, furent appelés Sophi : que ce Siècle cependant ne durerait pas comme dure en soi-même le fer, mais qu’il deviendrait comme le fer mêlé avec l’argile, lesquels n’ont point de cohérence, c’est ce qui est prédit par Daniel, – II. 43. – Maintenant, comme les Siècles qui tirent leurs noms de l’or, de l’argent et de l’airain étaient passés avant les temps dont les écrits nous restent, et qu’ainsi il est impossible d’acquérir dans les terres une connaissance des Mariages des hommes de ces siècles, il a plu au Seigneur de me donner cette connaissance par un chemin spirituel, en me conduisant vers les Cieux où sont leurs domiciles, afin que j’apprisse de leur propre bouche quels avaient été chez eux les Mariages, quand ils vivaient dans leur Siècle ; car tous, quels qu’ils soient, qui depuis la Création sont sortis du Monde naturel, sont dans le Monde spirituel, et tous y sont tels qu’ils ont été quant à leurs amours, et y demeurent éternellement. Comme ces particularités sont dignes d’être connues et relatées, et qu’elles confirment la sainteté des mariages, je vais les donner au public telles qu’elles m’ont été montrées en esprit dans l’état de veille, et rappelées ensuite à ma mémoire par un Ange, et ainsi décrites : et comme ce sont des relations du Monde spirituel, telles que celles qui sont placées à la fin des Chapitres, j’ai désiré les diviser en six MÉMORABLES selon les Progressions des Âges.

 

 

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74. « Ces SIX MÉMORABLES du Monde spirituel sur l’Amour Conjugal révèlent quel a été cet Amour dans les Premiers Âges, et quel il a été après ces âges, et quel il est aujourd’hui. Par là on voit que cet Amour s’est successivement retiré de sa sainteté et de sa pureté, jusqu’au point de devenir scortatoire ; mais que cependant il y a espoir qu’il sera ramené à sa primitive ou ancienne Sainteté. »

75. PREMIER MÉMORABLE : Un jour que je méditais sur l’Amour Conjugal, mon mental fut saisi du désir de savoir quel avait été cet Amour chez ceux qui ont vécu dans le SIÈCLE D’OR, et quel il avait été ensuite chez ceux qui ont vécu dans les Siècles suivants, appelés Siècles d’ARGENT, d’AIRAIN et de FER : et comme je savais que tous ceux qui ont bien vécu dans ces Siècles sont dans les Cieux, je priai le Seigneur pour qu’il me fût permis de m’entretenir et de m’instruire avec eux : et voici, un Ange se présenta à moi, et me dit : « Je suis envoyé par le Seigneur pour te servir de guide et de compagnon de voyage ; et d’abord, je te conduirai et t’accompagnerai chez ceux qui ont vécu dans le Premier Âge ou Premier Siècle, qui est appelé Siècle d’Or » : et il dit : « Le chemin qui conduit vers eux est escarpé ; il passe par une forêt épaisse que personne ne peut traverser sans le secours d’un guide donné par le Seigneur. » J’étais en esprit, et je me préparai au voyage, et nous tournâmes le visage vers l’Orient, et en avançant je vis une Montagne dont la hauteur allait au-delà de la région des nuées. Nous traversâmes un grand désert, et nous parvînmes à une Forêt formée de différentes espèces d’arbres, dont l’épaisseur produisait une grande obscurité ; c’était la Forêt dont l’Ange avait parlé, mais elle était coupée par plusieurs sentiers étroits ; et l’Ange me dit que c’étaient autant de labyrinthes d’erreurs, et que si le voyageur n’a les yeux ouverts par le Seigneur, et s’il ne voit des Oliviers entourés de branches de vigne, et ne porte ses pas d’Olivier en Olivier, il va se jeter dans les Tartares qui sont aux environs sur les côtés : cette Forêt est ainsi disposée dans le but de défendre le passage ; car nulle autre Nation que celle du Premier Âge n’habite sur cette Montagne. Lorsque nous fûmes entrés dans la Forêt, nos yeux furent ouverts, et nous vîmes çà et là des Oliviers entourés de ceps, d’où pendaient des grappes de raisin d’une couleur d’azur, et les Oliviers par leur disposition formaient des courbes continues ; aussi fîmes-nous des détours et des détours en suivant leur direction ; et enfin nous vîmes un Bocage formé de Cèdres élevés, et sur leurs rameaux quelques Aigles. À cette vue, l’Ange dit : « Maintenant, nous sommes dans la Montagne, non loin de son Sommet. » Et nous continuâmes de marcher ; et voici, après le Bocage une Plaine d’une étendue circulaire, où paissaient des Agneaux et de jeunes Brebis, qui étaient des Formes représentatives de l’état d’innocence et de paix des Habitants de la Montagne. Nous traversâmes cette Plaine ; et voici, des Tabernacles et des Tabernacles, au nombre de plusieurs milliers, s’offrirent à nos regards, en avant et sur les côtés, autant que la vue pouvait s’étendre ; et l’Ange dit : « Maintenant, nous sommes dans le Camp ; là est l’Armée du Seigneur Jéhovah ; c’est ainsi qu’ils se nomment, eux et leurs habitations ; lorsqu’ils étaient dans le Monde, ces Très-Anciens habitaient dans des Tabernacles ; c’est pour cela aussi qu’ils y habitent maintenant ; mais poursuivons notre chemin vers le Midi, où sont les plus sages d’entre eux, afin de rencontrer quelqu’un avec qui nous nous entretiendrons. » En marchant, je vis au loin trois petits garçons et trois petites filles, qui étaient assis à la porte d’une Tente ; mais les uns et les autres, quand nous nous fûmes approchés, furent vus comme hommes et femmes d’une stature moyenne ; et l’Ange dit : « Tous les habitants de cette Montagne apparaissent de loin comme des Enfants, parce qu’ils sont dans un état d’innocence, et que l’Enfance est l’apparence de l’innocence. » Dès que ces Hommes nous virent, ils accoururent et dirent : « D’où êtes-vous ? et comment êtes-vous venus ici ? Vos faces ne sont pas des faces de notre Montagne. » Mais l’Ange répondit, et raconta comment l’entrée par la Forêt nous avait été permise, et pourquoi nous étions venus. Après avoir entendu cette explication, l’un des trois Hommes nous invita à entrer dans son Tabernacle, et il nous y introduisit : l’Homme était vêtu d’un manteau de couleur d’hyacinthe et d’une tunique de laine blanche, et son Épouse était vêtue d’une robe de pourpre, et par dessous une tunique de fin lin, brodée à l’aiguille, lui couvrait la poitrine : et comme il y avait dans ma pensée le désir de connaître les Mariages des Très-Anciens, je regardais alternativement le Mari et l’Épouse ; et j’aperçus, pour ainsi dire, l’unité de leurs âmes sur leurs faces, et je dis : « Vous deux, vous êtes un. » Et l’Homme répondit : « Nous sommes un ; sa vie est en moi, et la mienne est en elle ; nous sommes deux Corps, mais une seule Âme ; l’union entre nous est comme celle qui existe dans la Poitrine entre les deux tentes qu’on nomme le Cœur et le Poumon ; elle est mon Cœur, et moi je suis son Poumon ; mais comme par le Cœur nous entendons ici l’Amour, et par le Poumon la Sagesse, elle est l’Amour de ma sagesse, et moi je suis la Sagesse de son amour ; c’est pourquoi par le dehors son amour voile ma sagesse, et par le dedans ma sagesse est dans son amour ; c’est de là que l’unité de nos Âmes se montre sur nos faces, ainsi que tu l’as dit. » Et alors, je lui fis cette question : « Si telle est l’union, est-ce que tu peux contempler une autre Femme que la tienne ? » Et il répondit : « Je le peux ; mais comme mon Épouse a été unie à mon Âme, nous la contemplons tous deux ensemble, et alors rien de libidineux ne peut pénétrer ; car lorsque je regarde les épouses des autres, je les regarde par mon Épouse, que j’aime uniquement ; et, parce qu’elle a la perception de toutes mes inclinations, elle dirige, comme intermédiaire, mes pensées ; elle détourne tout ce qui est discordant, et introduit en même temps du froid et de l’horreur pour tout ce qui est inchaste ; c’est pour cela qu’ici il nous est aussi impossible de regarder l’épouse d’un autre avec un désir libidineux, qu’il est impossible, des ténèbres du Tartare, de regarder la lumière de notre Ciel ; aussi n’existe-t-il chez nous aucune idée de la pensée, ni à plus forte raison aucune expression du langage, pour les attraits d’un amour libidineux. » Il ne put pas prononcer le mol scortation, parce que la chasteté de leur Ciel s’y opposait. Alors l’Ange qui me servait de guide me dit : « Tu comprends maintenant que le langage des Anges de ce Ciel est le langage de la sagesse, car ils parlent d’après les causes. » Après cela, je portai mes regards autour de moi, et je vis leur Tabernacle comme couvert d’or, et je demandai d’où venait cela. Il répondit : « Cela vient d’une lumière enflammée qui brille comme l’or, et qui éclaire de ses rayons et frappe légèrement les pavillons de notre Tabernacle, lorsque nous nous entretenons de l’Amour Conjugal ; car la Chaleur de notre Soleil, qui dans son essence est l’Amour, se met alors à nu, et teint de sa couleur d’or la lumière, qui dans son essence est la Sagesse ; et cela a lieu, parce que l’Amour conjugal, dans son origine, est le Jeu de la Sagesse et de l’Amour ; car l’Homme est né pour être sagesse, et la Femme pour être amour de la sagesse de l’homme : de là viennent les délices de ce jeu, dans l’Amour conjugal et d’après cet Amour, entre nous et nos épouses. Nous, ici, nous avons vu clairement, depuis des milliers d’années, que ces délices, quant à leur abondance, à leur degré et à leur vertu, augmentent et s’élèvent en raison du culte que nous rendons au Seigneur Jéhovah, et qui influe cette céleste union ou ce céleste Mariage, qui est celui de l’Amour et de la Sagesse. » Après qu’il eut ainsi parlé, je vis une grande lumière sur la colline dans la partie du milieu entre les Tabernacles ; et je m’informai d’où venait cette lumière. Il dit : « C’est du Sanctuaire du Tabernacle de notre Culte. » Et je demandai s’il était permis d’approcher ; et il dit : « Cela est permis. » Et je m’approchai, et je vis un Tabernacle tout à fait semblable, en dehors et en dedans, à la description du Tabernacle qui fut construit dans le désert pour les fils d’Israël, et dont la forme avait été montrée à Moïse sur le Mont Sinaï. – Exod. XXV. 40 ; XXVI. 30. – Et je demandai ce qu’il y avait dans l’intérieur de ce sanctuaire, qui produisait une si grande lumière. Et il répondit : « C’est une Table sur laquelle il y a cette inscription : ALLIANCE ENTRE JÉHOVAH ET LES CIEUX. » Il n’en dit pas davantage. Et comme alors nous nous disposions à nous retirer, je lui fis cette question : « Quelques-uns de vous, lorsque vous étiez dans le Monde naturel, ont-ils vécu avec plus d’une Épouse ? » Il répondit : « Aucun, que je sache : car nous n’avons pas pu penser à plusieurs ; ceux qui y avaient pensé nous avaient dit que sur-le-champ les béatitudes célestes de leurs âmes s’étaient retirées des intimes aux extrêmes de leur corps jusqu’aux ongles, et avec elles en même temps tout ce qu’il y a de louable dans la virilité ; ceux-là, dès qu’on en avait la perception, étaient expulsés de nos terres. » Après avoir prononcé ces mots, le mari courut à son Tabernacle, et il revint avec une Grenade qui contenait en abondance des graines d’or ; et il me la donna, et je l’emportai ; c’était pour moi un signe que nous avions été avec ceux qui ont vécu dans le Siècle d’or. Et alors, après le salut de paix, nous nous retirâmes, et nous revînmes à la maison.

76. SECOND MÉMORABLE : Le lendemain, le même Ange vint à moi, et dit : « Veux-tu que je te conduise et accompagne chez les Peuples qui ont vécu dans l’ÂGE ou le SIÈCLE D’ARGENT, afin que nous les entendions parler sur ce qui concerne les Mariages de leur temps » ; et il ajouta qu’on ne peut également pénétrer chez eux que sous les auspices du Seigneur. J’étais en esprit, comme la veille, et je suivis mon guide. Et d’abord nous arrivâmes à une colline sur les limites de l’Orient et du Midi ; et, tandis que nous étions sur son penchant, il me montra une grande étendue de terre ; et nous vîmes au loin une éminence comme pleine de montagnes, entre laquelle et la colline où nous nous trouvions était une vallée, et après elle une plaine, et à partir de cette plaine une pente qui s’élevait lentement. Nous descendîmes de la Colline pour traverser la vallée, et nous vîmes sur les côtés, çà et là, des sculptures en bois et en pierre qui représentaient des figures d’hommes et de diverses espèces de bêtes, d’oiseaux et de poissons ; et je demandai à l’Ange : « Que voyons-nous là ? sont-ce des Idoles ? » Et il répondit : « Point du tout ; ce sont des configurations représentatives de diverses vertus morales et de diverses vérités spirituelles ; la Science des Correspondances a existé chez les peuples de cet âge ; et comme tout homme, toute bête, tout oiseau, tout poisson, correspond à quelque qualité, il en résulte que chacune de ces sculptures représente quelque spécialité de vertu ou de vérité ; et que plusieurs ensemble représentent la Vertu elle-même ou la Vérité elle-même dans quelque forme commune étendue ; ce sont ces représentations qui, en Égypte, ont été appelées Hiéroglyphes. » Nous traversâmes la Vallée, et quand nous fûmes entrés dans la Plaine, voici, nous vîmes des Chevaux et des Chars ; des Chevaux diversement caparaçonnés et bridés, et des Chars de différentes formes, figurant les uns des Aigles, d’autres des Baleines, et d’autres des Cerfs avec leur bois, et des Licornes, et à la suite aussi quelques Chariots, et des Écuries tout autour sur les côtés. Mais lorsque nous approchâmes, Chevaux et Chars disparurent, et à leur place nous vîmes des Hommes, par couples, qui se promenaient, s’entretenaient et raisonnaient ; et l’Ange me dit : « Ces formes de Chevaux, de Chars et d’Écuries qu’on voit de loin sont les apparences de l’intelligence rationnelle des hommes de cet Âge ; car d’après la correspondance le Cheval signifie l’entendement du vrai, le Char la doctrine du vrai, et les Écuries les instructions ; tu sais que dans ce monde tout apparaît selon les correspondances. » Mais nous passâmes outre, et nous montâmes par une longue pente, et enfin nous vîmes une Ville dans laquelle nous entrâmes ; et en parcourant les rues et les places, nous en examinâmes les maisons ; c’étaient autant de palais construits en marbre ; au-devant étaient des degrés d’albâtre ; et, de chaque côté des degrés, des colonnes de jaspe : nous vîmes aussi des Temples construits en pierres précieuses de couleur de Saphir et de Lazuli ; et l’Ange me dit : « Leurs maisons sont de Pierres, parce que les Pierres signifient les vérités naturelles, et les Pierres précieuses les vérités spirituelles ; et tous ceux qui vécurent dans l’Age d’Argent avaient l’intelligence par les vérités spirituelles et de là par les vérités naturelles ; l’Argent a aussi une semblable signification. » En visitant la ville, nous vîmes çà et là des personnes réunies par couples ; et comme c’étaient des maris et des épouses, nous nous attendions à être invités dans quelque endroit ; et tandis que nous passions, ayant cette pensée, deux d’entre eux nous appelèrent dans une maison ; et nous montâmes, et nous entrâmes ; et l’Ange, parlant pour moi, leur exposa le motif de notre arrivée dans ce Ciel : « C’est, dit-il, le désir d’être instruit sur les mariages des Anciens, dont vous faites ici partie. » Et ils répondirent : « Nous avons appartenu aux Peuples de l’Asie ; et l’étude de notre âge a été l’étude des vérités, par lesquelles nous avons acquis l’intelligence ; cette étude avait été celle de notre âme et de notre mental ; mais l’étude des sens de nos corps avait consisté dans les Représentations des vérités sous des formes, et la Science des Correspondances conjoignit les sensuels de nos corps avec les perceptions de nos mentals, et nous procura l’intelligence. » Après avoir entendu ces choses, l’Ange les pria de nous donner quelques détails sur leurs Mariages ; et le Mari dit : « Il y a Correspondance entre le Mariage Spirituel, qui est celui du vrai avec le bien, et le Mariage Naturel, qui est celui d’un homme avec une seule épouse ; et comme nous nous sommes appliqués à l’élude des Correspondances, nous avons vu que l’Église, avec ses vrais et ses biens, ne peut jamais exister que chez ceux qui vivent dans l’amour vraiment conjugal avec une seule épouse ; car le Mariage du bien et du vrai est l’Église chez l’homme ; aussi nous tous, qui sommes ici, nous disons que le Mari est le Vrai et que l’Épouse est le Bien de ce vrai, et que le bien ne peut aimer d’autre vrai que le sien, ni le vrai rendre amour pour amour à d’autre bien qu’au sien ; s’il en était autrement, le Mariage interne, qui fait l’Église, serait détruit, et deviendrait un Mariage seulement externe, auquel correspond l’idolâtrie et non l’Église ; c’est pourquoi le Mariage avec une seule épouse, nous le nommons Sacrimonie, mais s’il se faisait chez nous avec plusieurs, nous le nommerions Sacrilège. » Après qu’il eut parlé, nous fûmes introduits dans la pièce qui précède la chambre à coucher ; il y avait sur les murs plusieurs dessins faits avec art, et de petites images qui semblaient être fondues en argent ; et je demandai ce que signifiaient ces choses. Ils dirent : « Ce sont des peintures et des formes représentatives de plusieurs qualités, attributs et plaisirs qui appartiennent à l’amour conjugal ; celles-ci représentent l’unité des âmes, celles-là la conjonction des mentals ; ces autres-ci la concorde des cœurs, ces autres-là les délices qui en procèdent. » En continuant notre examen, nous vîmes sur la muraille une espèce d’Iris composée de trois couleurs, de Pourpre, d’Hyacinthe et de Blanc, et nous remarquâmes que la couleur pourpre traversait l’hyacinthe et teignait le blanc d’une couleur d’azur, et que cette couleur refluait par l’hyacinthe dans le pourpre, et l’élevait, pour ainsi dire, à l’éclat de la flamme. Et le Mari me dit : « Comprends-tu cela ? » Et je répondis : « Instruis-moi. » Et il dit : « La couleur pourpre, par sa correspondance, signifie l’Amour Conjugal de l’épouse ; la couleur blanche, l’Intelligence du mari ; la couleur hyacinthe, le commencement de l’amour conjugal dans la perception du mari d’après l’épouse, et la couleur azur dont la couleur blanche avait été teinte, l’amour conjugal alors dans le mari ; cette couleur qui refluait par l’hyacinthe dans le pourpre, et l’élevait pour ainsi dire à l’éclat de la flamme, signifie l’amour conjugal du mari refluant sur l’épouse. De telles choses sont représentées sur ces murailles, lorsque, par la méditation sur l’Amour conjugal, sur son union mutuelle, successive et simultanée, nous considérons avec des yeux attentifs les iris qui y ont peintes. » Je dis à ce sujet : « Ces choses sont aujourd’hui plus que mystiques ; car ce s’ont des apparences représentatives des arcanes de l’amour conjugal d’un seul homme avec une seule épouse. » Et il répondit : « Elles sont ainsi, mais pour nous, ici, elles ne sont point des arcanes, ni par conséquent des choses mystiques. » Lorsqu’il eut ainsi parlé, il apparut de loin un Char traîné par de jeunes chevaux blancs. À cette vue, l’Ange dit : « Ce char est pour nous un signe que nous devons nous retirer. » Alors, comme nous descendions les degrés, notre hôte nous donna une Grappe de raisin blanc adhérente aux feuilles du cep ; et voici, les Feuilles devinrent d’argent ; et nous les emportâmes comme un signe que nous nous étions entretenus avec les Peuples du Siècle d’Argent.

77. TROISIÈME MÉMORABLE : Le jour suivant, l’Ange qui m’avait conduit et accompagné vint encore, et me dit : « Prépare-toi, et allons vers les Habitants Célestes dans l’Occident ; ils font partie des hommes qui ont vécu dans le troisième ÂGE ou SIÈCLE D’AIRAIN ; leurs habitations sont depuis le Midi sur l’Occident jusqu’au Septentrion, mais non dans le Septentrion. » Et, m’étant préparé, je le suivis, et nous entrâmes dans leur Ciel par le côté méridional ; et là, il y avait un magnifique Bois de palmiers et de lauriers : nous le traversâmes, et alors dans les confins mêmes de l’Occident nous vîmes des Géants d’une hauteur double de la taille ordinaire de l’homme ; ceux-ci nous firent cette question : « Qui vous a introduits par ce bois ? » L’Ange dit : « Le Dieu du Ciel. » Et ils répondirent : « Nous, nous sommes des Gardiens pour le Ciel antique Occidental ; quant à vous, passez. » Et nous passâmes, et de leur poste d’observation nous vîmes une Montagne élevée jusqu’aux nues ; et, entre nous dans ce lieu et cette montagne, nombre de villages entourés de jardins, de bocages et de champs ; et nous allâmes à travers ces villages jusqu’à la montagne, et nous montâmes ; et voici, son Sommet était, non pas un sommet ordinaire, mais une Plaine, et sur elle une Ville étendue et spacieuse ; et toutes les Maisons de la ville étaient construites en bois d’arbres résineux, et les toits en planches ; et je demandai pourquoi les maisons y étaient de bois ; l’Ange répondit : « Parce que le Bois signifie le Bien naturel, et que les hommes du troisième Âge de la terre étaient dans ce Bien ; et comme le Cuivre ou l’Airain signifie aussi le Bien naturel, c’est pour cela que le Siècle dans lequel ils ont vécu a été nommé par les anciens le Siècle d’Airain : il y a aussi ici des Édifices sacrés construits en Bois d’olivier, et au milieu il y a le Sanctuaire, où est déposée dans une Arche la Parole donnée aux habitants de l’Asie avant la Parole Israélite ; les Livres Historiques de cette Parole sont appelés les GUERRES DE JÉHOVAH, et les Livres Prophétiques, les ÉNONCÉS ; les uns et les autres sont cités par Moïse, – Nomb. XXI. 14, 15, et 27 à 30 ; – cette Parole aujourd’hui est perdue dans les Royaumes de l’Asie, et conservée seulement dans la Grande Tartarie. » Et alors l’Ange me conduisit à l’un de ces Édifices sacrés, et nous en examinâmes l’intérieur, et au milieu nous vîmes ce Sanctuaire, tout entier dans une lumière très-brillante ; et l’Ange dit : « Cette lumière est produite par cette Ancienne Parole Asiatique, car dans les Cieux tout Divin Vrai brille. » En sortant de l’Édifice sacré, nous apprîmes qu’on avait annoncé dans la Ville que deux étrangers y étaient arrivés, et qu’il fallait examiner d’où ils venaient, et quelle affaire les amenait ; et de la Cour de justice accourut un garde, et il nous manda devant les juges ; et à la demande d’où nous étions, et quelle affaire nous amenait, nous répondîmes : « Nous avons traversé le Bois de palmiers, et aussi les Domiciles des Géants qui sont les Gardiens de votre Ciel, et ensuite la Région des villages ; vous pouvez conclure de là que ce n’est pas de nous-mêmes, mais que c’est de par le Dieu du Ciel, que nous sommes parvenus ici ; et l’affaire pour laquelle nous sommes venus, c’est d’être instruits, au sujet de vos Mariages, s’ils sont Monogamiques ou Polygamiques. » Et ils répondirent : « Quoi ! Polygamiques ! de tels mariages ne sont-ils pas scortatoires ? » Et alors cette Assemblée judiciaire députa un homme intelligent pour nous instruire dans sa maison sur ce sujet ; et dans sa maison celui-ci s’adjoignit son Épouse, et il nous parla en ces termes : « Nous avons conservé chez nous sur les Mariages les Préceptes des hommes des premiers Âges, ou des Très-Anciens, qui dans le Monde ont été dans l’Amour vraiment conjugal, et par suite plus que tous les autres dans la Vertu et la puissance de cet amour, et qui maintenant, dans leur Ciel qui est dans l’Orient, sont dans l’état le plus heureux ; nous sommes, nous, leur Postérité ; et eux, comme Pères, nous ont donné, à nous, comme fils, des Règles de vie, parmi lesquelles il y a, sur les Mariages, celles-ci : « Fils, si vous voulez aimer Dieu et le prochain, et si vous voulez devenir sages, et être heureux pour l’éternité, nous vous conseillons de vivre Monogames ; si vous abandonnez ce Précepte, tout Amour céleste s’éloignera de vous, et avec lui la Sagesse interne, et vous serez exterminés. » Nous avons obéi, comme fils, à ce Précepte de nos Pères, et nous en avons perçu la vérité, qui est que, autant quelqu’un aime une seule épouse, autant il devient céleste et interne ; et que, autant quelqu’un n’aime pas une épouse seule, autant il devint naturel et externe ; et celui-ci n’aime que lui et les images de son mental, et c’est un insensé et un fou. De là il résulte que tous, dans ce Ciel, nous sommes Monogames ; et parce que nous sommes tels, toutes les limites de notre Ciel sont gardées contre les Polygames, les Adultères et les Scortateurs ; si des Polygames y pénètrent, ils sont jetés dans les Ténèbres du septentrion ; si des Adultères, ils sont jetés dans les Feux de l’occident ; et si des Scortateurs, ils sont jetés dans les Lumières chimériques du midi. » À ces mots, je demandai ce qu’il entendait par les ténèbres du septentrion, les feux de l’occident, et les lumières chimériques du midi ; il répondit que les Ténèbres du septentrion sont les stupidités du mental, et les ignorances des vérités ; que les Feux de l’occident sont les amours du mal ; et que les Lumières chimériques du midi sont les falsifications du vrai, lesquelles sont des scortations spirituelles. Après cela, il nous dit : « Suivez-moi à notre Cabinet d’antiques. » Et nous le suivîmes ; et il nous montra que les Écritures des Très-Anciens étaient sur des Tables de bois et de pierre, et plus tard sur des Tablettes de bois polies ; et que le second Âge avait consigné ses écritures sur des Feuilles de parchemin, et il nous présenta une Feuille sur laquelle étaient les Règles des hommes du premier Âge, transcrites de leurs tables de pierre, et parmi lesquelles il y avait aussi le précepte sur les Mariages. Après que nous eûmes vu ces choses mémorables de l’Antiquité même et plusieurs autres, l’Ange dit : « Maintenant il est temps de nous en aller. » Et alors notre hôte alla dans le Jardin, et prit d’un Arbre quelques rameaux, et il les lia en un faisceau et nous les donna, en disant : « Ces rameaux sont d’un Arbre natif de notre Ciel ou propre à notre Ciel, et son suc a une odeur balsamique. » Nous emportâmes ce faisceau, et nous descendîmes par un chemin près de l’Orient, qui n’était pas gardé ; et voici, les rameaux se changèrent en un Airain brillant, et leurs extrémités supérieures en or ; c’était un signe que nous avions été chez une nation du Troisième Âge, qui est nommé Siècle de Cuivre ou d’Airain.

78. QUATRIÈME MÉMORABLE : Deux jours après, l’Ange me parla de nouveau, en disant : « Achevons la Période des Âges ; il nous reste le dernier Âge, qui tient son nom du FER. Le peuple de cet Âge demeure dans le Septentrion sur le côté de l’Occident en dedans ou en largeur ; tous ceux-là sont des anciens habitants de l’Asie, qui possédaient l’Ancienne Parole, et en avaient tiré leur culte ; par conséquent avant l’avènement de notre Seigneur dans le Monde : cela est évident d’après les Écrits des Anciens, dans lesquels ces Temps sont ainsi nommés : ces mêmes Âges sont entendus par la statue que Nébuchadnessar vit en songe, « dont la Tête était d’Or ; la Poitrine et les Bras, d’Argent ; le Ventre et les Cuisses, d’Airain ; les Jambes, de Fer ; et les Pieds, de Fer et aussi d’Argile. » – Dan. II. 32, 33. – L’Ange me rapporta ces particularités dans le chemin, qui était raccourci et anticipé par les changements d’états introduits dans nos mentals selon les génies des habitants au milieu desquels nous passions ; car les espaces et par suite les distances, dans le Monde spirituel, sont des apparences selon les états des mentals. Quand nous levâmes les yeux, voici, nous étions dans une Forêt de hêtres, de châtaigniers et de chênes ; et quand nous regardâmes autour de nous, nous y vîmes des Ours à gauche, et des Léopards à droite ; comme je m’en étonnais, l’Ange dit : « Ce ne sont ni des ours ni des léopards, mais ce sont des hommes qui gardent ces Habitants du Septentrion ; ils saisissent par l’odorat les sphères de vie de ceux qui passent, et ils s’élancent contre tous ceux qui sont Spirituels, parce que les Habitants sont Naturels ; ceux qui lisent seulement la Parole, et n’y puisent rien de la doctrine, apparaissent de loin comme des Ours, et ceux qui par suite confirment des faux apparaissent comme des Léopards. » Mais eux, nous ayant vus, se détournèrent, et nous passâmes. Après la Forêt se présentèrent des Bruyères, et ensuite des Champs de gazon divisés par planches et bordés de buis : après ces champs, la terre s’abaissait obliquement dans une vallée, où il y avait des villes et des villes ; nous passâmes au-delà de quelques-unes, et nous entrâmes dans une grande : les rues en étaient irrégulières ; les maisons pareillement ; celles-ci étaient construites en briques entremêlées de solives, et couvertes d’un enduit ; dans les Places publiques il y avait des Temples en pierre calcaire taillée, dont la construction inférieure était sous terre, et la construction supérieure au-dessus de terre ; nous descendîmes dans l’un de ces temples par trois degrés, et nous vîmes tout autour vers les murailles des Idoles de diverses formes, et la foule qui les adorait à genoux ; au milieu était le Chœur, d’où s’offrait à la vue la tête du Dieu tutélaire de cette ville. En sortant, l’Ange me dit que chez les Anciens, qui avaient vécu dans le siècle d’Argent, dont il a été parlé ci-dessus, ces Idoles avaient été les images représentatives de Vérités spirituelles et de Vertus morales ; et que, quand la Science des correspondances eut été effacée de la mémoire et éteinte, ces images devinrent d’abord des objets du culte, et furent ensuite adorées comme des Déités ; de là les Idolâtries. Comme nous étions hors du Temple, nous examinâmes les hommes et leurs habillements ; ils avaient la face comme d’acier, couleur grisâtre ; et ils étalent habillés comme des comédiens, ayant autour des reins des mantelets qui pendaient d’une tunique serrée à la poitrine, et sur la tête ils portaient des bonnets frisés de marins. Mais l’Ange dit : « C’est assez ; instruisons-nous des Mariages des peuples de cet Âge. » Et nous entrâmes dans la maison d’un Magnat, qui avait sur la tête un bonnet en forme de tour ; il nous reçut poliment, et dit : « Entrez, et nous causerons. » Nous entrâmes dans le Vestibule, et là nous nous assîmes ; et je lui fis des questions sur les Mariages de cette ville et de la contrée ; et il dit : « Nous, nous vivons non pas avec une seule épouse, mais les uns avec deux ou trois, et les autres avec un plus grand nombre ; et cela, parce que la variété, l’obéissance et l’honneur, comme marque de Majesté, nous réjouissent ; et nous les obtenons de nos épouses, quand nous en avons plusieurs ; avec une seule nous n’aurions pas le plaisir de la variété, mais l’ennui de l’identité ; ni l’agrément d’être obéis, mais le désagrément de l’égalité ; ni le charme de la domination et de l’honneur qui en résulte, mais le tourment des querelles pour la supériorité : et qu’est-ce que la femme ? ne naît-elle pas pour être soumise à la volonté de l’homme ; et aussi pour servir et non pour dominer ? Ici donc, chaque Mari dans sa maison jouit comme d’une majesté royale ; cela, étant conforme à notre amour, fait aussi le bonheur de notre vie. » Mais je lui fis cette question : « Où est alors l’amour conjugal, qui de deux âmes en fait une, et qui conjoint les mentals et rend l’homme heureux ? Cet Amour ne peut être divisé ; s’il est divisé, il devient une ardeur qui fait effervescence et passe. À cela il répliqua : « Je ne comprends pas ce que tu dis ; est-il autre chose qui rende l’homme heureux, que l’émulation des épouses pour l’honneur de la prééminence auprès de leur Mari ? » Après avoir prononcé ces mots, l’homme entra dans l’Appartement des femmes, et ouvrit les deux battants de la porte ; mais il en sortit une exhalaison libidineuse qui avait une odeur de fange ; cela provenait de l’amour polygamique, qui est connubial et en même temps scortatoire ; c’est pourquoi je me levai, et je fermai les battants de la porte. Ensuite je dis : « Comment pouvez-vous subsister sur cette terre, puisque vous n’avez aucun amour vraiment conjugal, et aussi puisque vous adorez des idoles ? » Il répondit : « Quant à l’Amour connubial, nous avons pour nos épouses une jalousie si violente, que nous ne permettons à qui que ce soit d’entrer dans nos maisons plus avant que le vestibule, et puisqu’il y a jalousie, il y a aussi amour ; quant aux Idoles, nous ne les adorons pas ; mais nous ne pouvons penser au Dieu de l’Univers que par des images offertes à nos yeux, car nous ne pouvons élever nos pensées au-dessus des sensuels du corps, ni au sujet de Dieu au-dessus des choses visibles. » Alors je fis encore une question : « Vos idoles ne sont-elles pas de diverses formes ? comment peuvent-elles présenter à la vue un seul Dieu ? » Il répondit : « Cela est un mystère pour nous ; il y a de caché dans chaque forme quelque chose du culte de Dieu. » Et je dis : « Vous, vous êtes purement sensuels-corporels ; vous n’avez ni l’amour de Dieu, ni un amour de la femme, qui tienne quelque chose du spirituel ; et ces amours forment ensemble l’homme, et de sensuel le font céleste. » Quand j’eus dit cela, il apparut à travers la porte comme un éclair ; et je demandai : « Qu’est-ce que cela ? » Il dit : « Un tel éclair est pour nous un signe qu’il va arriver de l’Orient un Ancien, qui nous enseigne, au sujet de Dieu, qu’il est Un, le Seul Tout-Puissant, qui est le Premier et le Dernier ; il nous avertit aussi de ne point adorer les idoles, mais seulement de les regarder comme des images représentatives des vertus procédant d’un seul Dieu, lesquelles forment ensemble son culte ; cet Ancien est notre Ange, que nous révérons, et auquel nous obéissons ; il vient à nous, et nous redresse, quand nous tombons dans un ténébreux culte de Dieu d’après la fantaisie concernant les images. » Après avoir entendu ces choses, nous sortîmes de la maison et de la ville ; et, dans le chemin, d’après ce que nous avions vu dans les Cieux, nous tirâmes des conclusions sur le Cercle et la Progression de l’Amour Conjugal ; sur le Cercle, qu’il avait passé de l’Orient au Midi, du Midi à l’Occident, et de là au Septentrion ; sur la Progression, qu’il avait décliné selon la Circulation, à savoir, que dans l’Orient il avait été céleste, dans le Midi, spirituel ; dans l’Occident, naturel ; et dans le Septentrion, sensuel ; et aussi, qu’il avait décliné au même degré que l’amour et le culte de Dieu. De là il fut en outre conclu que cet Amour dans le Premier Âge avait été comme l’Or, dans le Second comme l’Argent, dans le Troisième comme l’Airain, et dans le Quatrième comme le Fer, et qu’enfin il avait cessé : et alors l’Ange, mon guide et mon compagnon, dit : « Cependant je conçois l’espoir que cet Amour sera ressuscité par le Dieu du Ciel, qui est le Seigneur, parce qu’il peut être ressuscité. »

79. CINQUIÈME MÉMORABLE. L’Ange qui avait été mon guide et mon compagnon chez les Anciens qui ont vécu dans les quatre Siècles, d’Or, d’Argent, d’Airain et de Fer, vint de nouveau et me dit : « Veux-tu voir quel a été, et quel est encore, le Siècle qui a succédé à ces quatre Siècles anciens ? Suis-moi, et tu verras. Ce sont ceux sur qui Daniel a prophétisé en ces termes : « Il s’élèvera un Royaume, après ces quatre, dans lequel le Fer sera mêlé avec l’Argile de potier ; ils se mêleront par semence d’homme, mais ils n’auront point de cohérence l’un avec l’autre, de même que le fer ne se mêle point avec l’argile. » – Daniel, II. 44, 42, 43. – Et il dit : « Par la semence d’homme par laquelle le fer sera mêlé avec l’argile, sans cependant avoir de cohérence, il est entendu le vrai de la Parole falsifié. » Après qu’il eut dit ces paroles, je le suivis ; et, dans le chemin, il me rapporta ces particularités : « Ceux-ci habitent dans les confins entre le Midi et l’Occident, mais à une grande distance derrière ceux qui ont vécu dans les quatre Âges précédents, et aussi à une plus grande profondeur. » Et nous nous avançâmes par le Midi vers la région qui touche à l’Occident ; et nous traversâmes une Forêt effroyable ; car il y avait là des Étangs, d’où des Crocodiles levaient leurs têtes, et dirigeaient sur nous leurs vastes gueules armées de dents ; et, entre les étangs, il y avait des Chiens terribles, dont quelques-uns avaient trois têtes comme Cerbère, d’autres deux têtes ; tous nous regardaient avec une horrible gueule et les yeux menaçants pendant que nous passions. Nous entrâmes dans la contrée Occidentale de cette région, et nous vîmes des Dragons et des Léopards, tels qu’ils sont décrits dans l’Apocalypse, – XII. 3 ; XIII. 2 ; – et l’Ange me dit : « Toutes ces bêtes féroces que tu as vues ne sont pas des bêtes féroces ; mais ce sont des correspondances et ainsi des formes représentatives des cupidités dans lesquelles sont les Habitants que nous allons visiter ; les cupidités elles-mêmes sont représentées par ces horribles chiens ; leurs fourberies et leurs astuces, par les crocodiles ; leurs faussetés et leurs inclinations dépravées pour les choses qui appartiennent à leur culte, par les dragons et par les léopards ; mais les Habitants représentés ici demeurent non pas immédiatement après la Forêt, mais au-delà d’un grand Désert, qui est intermédiaire, afin qu’ils soient pleinement éloignés et séparés des Habitants des Âges précédents ; car ils leur sont absolument étrangers, ou ils en diffèrent totalement : ils ont, il est vrai, la tête au-dessus de la poitrine, la poitrine au-dessus des lombes, et les lombes au-dessus des pieds, comme les hommes des premiers âges, cependant dans leur tête il n’y a aucune chose d’or, dans leur poitrine aucune chose d’argent, dans les lombes aucune chose d’airain, et même dans les pieds aucune chose de fer pur ; mais dans leur tête il y a du fer mêlé d’argile, dans leur poitrine du fer et de l’argile mêlés d’airain, dans leurs lombes du fer et de l’argile mêlés d’argent, et dans leurs pieds du fer et de l’argile mêlés d’or ; par ce renversement, d’hommes ils ont été changés en sculptures d’hommes, dans lesquelles il n’y a intérieurement rien de cohérent ; car ce qui était le suprême est devenu l’infime, ainsi ce qui était la tête est devenu le talon, et vice versa ; ils nous apparaissent du Ciel semblables à des histrions qui se posent sur les coudes le corps renversé, et marchent ; ou, comme des bêtes qui se couchent sur le dos et lèvent les pieds en l’air, et de leur tête, qu’ils enfouissent en terre, regardent le ciel. » Nous traversâmes la forêt, et nous entrâmes dans le Désert, qui n’était pas moins effrayant ; il consistait en des monceaux de pierres, entrecoupés de fosses, d’où s’élançaient des hydres et des vipères, et d’où partaient des serpents volants ; tout ce désert allait continuellement en s’abaissant ; et nous, nous descendîmes par une longue pente, et enfin nous vînmes dans une Vallée habitée par le peuple de cette région et de cet âge : il y avait çà et là des bulles qui apparurent enfin se rapprocher, et se joindre ensemble dans la forme d’une ville ; nous y entrâmes et voici, les maisons étaient construites de branches d’arbres brûlées tout autour, et jointes ensemble avec du limon ; elles étaient couvertes d’ardoises noires ; les rues étaient irrégulières, tout étroites au commencement, mais s’élargissant en avançant, et spacieuses à la fin, où étaient des places publiques ; de là, autant de rues, autant de places publiques. Pendant que nous entrions dans la ville, il se fît d’épaisses ténèbres, parce que le ciel n’apparaissait pas ; c’est pourquoi nous regardâmes en haut, et la lumière nous fut donnée, et nous vîmes ; et alors je demandai à ceux que je rencontrai : « Est-ce que vous pouvez voir, puisque le ciel au-dessus de vous n’apparaît pas ? » Et ils répondirent : « Quelle question nous fais-tu là ? Nous voyons clairement, nous marchons en pleine lumière. » L’Ange, ayant entendu cette réponse, me dit : « Les ténèbres sont pour eux la lumière, et la lumière est pour eux les ténèbres ; c’est comme pour les oiseaux de nuit, car ils regardent en bas et non en haut. » Nous entrâmes çà et là dans des cabanes, et nous vîmes dans chacune un homme avec sa femme, et nous demandâmes si, dans cette ville, tous vivaient dans leur maison avec une seule épouse ; et ils répondirent avec un sifflement : « Quoi ! avec une seule épouse ! pourquoi ne demandez-vous pas si c’est avec une seule courtisane ? Qu’est-ce qu’une épouse, sinon une courtisane ? D’après nos lois il ne nous est pas permis de vivre avec plusieurs femmes, mais seulement avec une ; toutefois, ce n’est pas pour nous un déshonneur, ni une indécence, de vivre avec plusieurs, mais hors de la maison ; nous nous en faisons gloire entre nous ; ainsi nous jouissons de la licence, et de la volupté qu’elle procure, plus que les polygames ; pourquoi la pluralité des épouses nous a-t-elle été refusée, lorsque cependant elle a été accordée, et l’est encore aujourd’hui, dans toutes les parties du globe autour de nous ? Qu’est-ce que la vie avec une seule femme, sinon une captivité et un emprisonnement ? Mais nous, ici, nous avons brisé les verrous de cette prison, et nous nous sommes délivrés de la servitude, et nous avons recouvré notre liberté ; qui peut s’irriter contre un prisonnier qui s’échappe quand il le peut ? » Nous lui répondîmes : « Tu parles, ami, comme quelqu’un qui n’a point de religion ; est-il quelqu’un, doué de quelque raison, qui ne sache que les adultères sont profanes et infernaux, et que les mariages sont saints et célestes ? Les adultères ne sont-ils pas chez les diables dans l’enfer, et les mariages chez les Anges dans le Ciel ? N’as-tu pas lu le sixième précepte du Décalogue ; et, dans Paul, que ceux qui sont adultères ne peuvent en aucune manière venir dans le Ciel ? » À ces mots, notre hôte se mit à rire à gorge déployée, et il me regarda comme un homme simple, et presque comme un insensé. Mais à l’instant un envoyé du Chef de la ville accourut et dit : « Mène les deux étrangers dans la place publique, et s’ils ne veulent pas traîne-les-y ; nous les avons vus dans l’ombre de la lumière ; ils sont entrés secrètement ; ce sont des espions. » Et l’Ange me dit : « Si nous avons été vus dans l’ombre, c’est parce que la lumière du Ciel, dans laquelle nous étions, est pour eux l’ombre, et que l’ombre de l’enfer est pour eux la lumière ; et cela a lieu parce qu’ils ne regardent rien comme péché, pas même l’adultère ; et par suite ils voient le faux absolument comme vrai, et le faux brille dans l’enfer devant les satans, tandis que le vrai obscurcit leurs yeux comme l’ombre de la nuit. » Et nous dîmes à l’envoyé : « Il n’est pas nécessaire de nous contraindre, et encore moins de nous traîner à la place publique ; mais nous irons de bon gré avec toi. » Et nous y allâmes. Et voici, il y avait là une foule nombreuse, d’où sortirent quelques légistes, et ils nous dirent à l’oreille : « Gardez-vous bien de rien dire contre la Religion, la forme du Gouvernement et les bonnes Mœurs. » Et nous répondîmes : « Nous ne dirons rien contre elles, mais nous parlerons pour elles et d’après elles. » Et nous fîmes cette question : « Quelle est votre Religion au sujet des Mariages ? » À ces mots la foule murmura, et dit : « Qu’avez-vous à faire ici avec les Mariages ? Les mariages sont des mariages. » Et nous fîmes cette autre question : « Quelle est votre Religion au sujet des Scortations ? » La foule murmura encore, disant : « Qu’avez-vous à faire ici avec les scortations ? Les scortations sont des scortations ; que celui qui en est innocent jette la première pierre. » Et nous fîmes une troisième question : « Votre Religion n’enseigne-t-elle pas au sujet des mariages qu’ils sont saints et célestes, et au sujet des adultères qu’ils sont profanes et infernaux ? » À ces mots, quelques-uns dans la foule éclatèrent de rire, se moquèrent et plaisantèrent, en disant : « Adressez-vous pour les choses de Religion à nos Prêtres, et non à nous ; nous acquiesçons pleinement à tout ce qu’ils nous disent, parce qu’aucune chose de la religion n’est du ressort de l’entendement ; n’avez-vous pas entendu dire qu’au sujet des mystères, dont se compose toute la Religion, l’entendement déraisonne ? Et qu’est-ce que les Actions ont de commun avec la Religion ? N’est-ce pas en marmottant d’un cœur dévot des paroles sur l’expiation, la satisfaction et l’imputation, que les âmes sont béatifiées, et non par les Œuvres ? » Mais alors s’approchèrent quelques-uns des prétendus sages de la ville, et ils dirent : « Retirez-vous d’ici, la foule s’échauffe, le tumulte est imminent ; conversons seuls sur ce sujet ; il y a une promenade derrière le Palais, retirons-nous-y ; venez avec nous. » Et nous les suivîmes. Et alors ils nous demandèrent qui nous étions, et quelle affaire nous avait amenés chez eux. Et nous dîmes : « Nous sommes venus pour être instruits, au sujet des Mariages, si chez vous, comme chez les Anciens qui ont vécu dans les Siècles d’Or, d’Argent et d’Airain, ils sont des choses saintes, ou s’ils ne le sont pas. » Et ils répondirent : « Quoi ! des choses saintes ! ne sont-ils pas des œuvres de la chair et de la nuit ? » Et nous répondîmes : « Ne sont-ils pas aussi des œuvres de l’esprit ? et ce que la chair fait d’après l’esprit, cela n’est-il pas spirituel ? et tout ce que fait l’esprit, il le fait d’après le Mariage du bien et du vrai ; n’est-ce pas ce Mariage spirituel qui entre dans le Mariage naturel, c’est-à-dire, d’un Mari et d’une Épouse ? » À cela les prétendus sages répondirent : « Vous traitez ce sujet avec subtilité et trop de sublimité, vous passez au-dessus des rationnels vers les spirituels ; qui est-ce qui peut commencer à une telle élévation, descendre de là, et ainsi porter quelque décision ? » Puis, en se moquant, ils ajoutèrent : « Peut-être avez-vous des ailes d’aigle, et pouvez-vous voler dans la suprême région du Ciel, et y faire de telles découvertes ? pour nous, nous ne le pouvons pas. » Et alors nous les priâmes de dire, de la hauteur ou de la région dans laquelle volaient les idées ailées de leurs mentals, s’ils savaient ou pouvaient savoir qu’il existe un Amour conjugal d’un seul mari avec une seule épouse, dans lequel ont été rassemblés toutes les béatitudes, toutes les félicités, tous les plaisirs, tous les charmes, et toutes les voluptés du Ciel ; et que cet Amour vient du Seigneur selon la réception du bien et du vrai procédant de Lui, ainsi selon l’état de l’Église. » En entendant ces paroles, ils se détournèrent et dirent : « Ces hommes sont fous, ils entrent dans l’éther avec leur jugement, et en faisant de vaines conjectures ils répandent des noix. » Ensuite ils se retournèrent vers nous, et dirent : « Nous répondrons directement à vos conjectures ampoulées et à vos songes. » Ils dirent : « Qu’est-ce que l’Amour conjugal a de commun avec la Religion et avec l’inspiration venant de Dieu ? Cet amour n’est-il pas chez chacun selon l’état de sa puissance ? N’est-il pas également chez ceux qui sont hors de l’Église, comme chez ceux qui sont dans l’Église ; chez les Gentils comme chez les Chrétiens ; et même chez les impies comme chez les hommes pieux ? La force de cet amour n’est-elle pas dans chacun selon l’héréditaire, ou selon la santé, ou selon la tempérance de la vie, ou selon la chaleur du climat ? Ne peut-elle pas aussi être augmentée et stimulée par des drogues ? N’y-a-il pas la même chose chez les bêtes, surtout chez les oiseaux qui s’aiment couple par couple ? Cet amour n’est-il pas charnel ? Qu’est-ce que le charnel a de commun avec l’état spirituel de l’Église ? Est-ce que cet amour, quant au dernier effet avec l’épouse, diffère en la moindre chose de l’amour quant à cet effet avec une courtisane ? Le plaisir n’est-il pas semblable, et le délice semblable ? Il est donc injurieux de tirer des choses saintes de l’Église l’origine de l’amour conjugal. » Après avoir entendu ces paroles, nous leur dîmes : « Vous raisonnez d’après un délire de lasciveté, et non d’après l’amour conjugal ; vous ne savez nullement ce que c’est que l’Amour conjugal, parce que cet amour chez vous est froid ; d’après vos paroles, nous sommes convaincus que vous êtes du Siècle qui est appelé et se compose de fer et d’argile, lesquels n’ont point de cohérence, selon la prédiction de Daniel, – II. 43 ; – car vous faites un l’Amour conjugal et l’amour scortatoire ; est-ce que les deux ont plus de cohérence que le fer et l’argile ? On vous croit sages et l’on vous appelle sages, cependant vous n’êtes rien moins que sages. » À ces mots, transportés de colère, ils criaient et appelaient la foule pour nous chasser, mais alors, par la puissance qui nous fut donnée par le Seigneur, nous étendîmes les mains, et voici, des serpents volants, des vipères et des hydres, et aussi des dragons du désert, se présentèrent, et ils envahirent et remplirent la ville, ce qui jeta la terreur parmi les habitants, qui s’enfuirent ; et l’Ange me dit : « Dans cette Région il arrive chaque jour des nouveaux venus de la Terre, et de temps en temps ceux qui les ont précédés sont relégués et précipités dans les gouffres de l’Occident, qui de loin apparaissent comme des Étangs de feu et de soufre ; tous, là, sont et adultères spirituels, et adultères naturels. »

80. SIXIÈME MÉMORABLE. Après que l’Ange eut prononcé ces paroles, je regardai vers l’extrémité de l’Occident, et voici, il apparut comme des Étangs de feu et de soufre, et je lui, demandai pourquoi les Enfers apparaissaient aussi dans cet endroit ; il répondit : « Ils apparaissent comme des Étangs d’après les falsifications du vrai, parce que l’eau dans le sens spirituel est le vrai ; et il apparaît comme un feu à l’entour et au dedans d’après l’amour du mal, et comme du soufre d’après l’amour du faux ; ces trois, l’Étang, le Feu et le Soufre, sont des apparences, parce que ce sont les correspondance des amours mauvais dans lesquels sont les habitants. Tous, là, sont renfermés dans d’éternels bagnes, et ils travaillent pour la nourriture, le vêtement et le coucher ; et quand ils font du mal, ils sont sévèrement et misérablement punis. » Je fis encore à l’Ange cette question : « Pourquoi as-tu dit que là sont les adultères spirituels et naturels ? pourquoi n’as-tu pas dit les malfaiteurs et les impies ? » Il répondit : « Parce que tous ceux qui regardent comme rien les adultères, c’est-à-dire, qui croient par confirmation qu’ils ne sont pas des péchés, et ainsi les commettent de propos délibéré, sont dans leur cœur des malfaiteurs et des impies ; car le Conjugal humain et la Religion vont ensemble du même pas ; toute marche et tout avancement d’après la Religion et dans la Religion est aussi une marche et un avancement d’après le Conjugal et dans le Conjugal qui est particulier et propre à l’homme Chrétien. » Lui ayant demandé ce que c’est que ce Conjugal, il dit : « C’est le désir de vivre avec une seule Épouse, et ce désir est chez l’homme Chrétien selon sa Religion. » Ensuite je fus affligé en mon esprit de ce que les Mariages, qui dans les Anciens Âges avaient été très saints, s’étaient si horriblement changés en adultères ; et l’Ange dit : « Il en est de même aujourd’hui de la Religion, car le Seigneur dit que dans la Consommation du siècle il y aura l’Abomination de la désolation prédite par Daniel ; et qu’il y aura une Affliction grande, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du Monde. – Matth. XXIV. 15, 21. – L’Abomination de la désolation signifie la falsification et la privation totale de tout vrai ; l’Affliction signifie l’état de l’Église infesté de maux et de faux ; et la Consommation du siècle, au sujet de laquelle cela est dit, signifie le dernier temps ou la fin de l’Église ; c’est maintenant la fin, parce qu’il ne reste plus de vrai qui n’ait été falsifié ; et la falsification du vrai est la scortation spirituelle, qui fait un avec la scortation naturelle, parce qu’elles sont cohérentes. »

81. Comme nous partions de ces choses et que nous étions dans la douleur, il apparut tout à coup un grand éclat de lumière qui me frappa fortement les yeux ; c’est pourquoi je regardai en haut, et voici, tout le Ciel au-dessus de nous apparut lumineux ; et là de l’Orient à l’Occident dans une longue série se faisait entendre une GLORIFICATION ; et l’Ange me dit : « Cette Glorification est la Glorification du Seigneur à cause de son Avènement ; elle est faite par les Anges du Ciel Oriental et du Ciel Occidental. » On n’entendait du Ciel Méridional et du Ciel Septentrional qu’un doux murmure ; et comme l’Ange avait tout compris, il me dit d’abord que ces Glorifications et ces Célébrations du Seigneur se faisaient d’après la Parole, parce qu’alors elles se font d’après le Seigneur, car le Seigneur est la Parole, c’est-à-dire, le Divin Vrai dans la Parole ; et il dit : « Maintenant ils glorifient et célèbrent le Seigneur en particulier par ces paroles qui ont été dites par le Prophète Daniel : « Tu as vu le fer mêlé avec l’argile de potier ; ils se mêleront par semence d’homme, mais ils n’auront point de cohérence : et en ces jours le Dieu des Cieux fera surgir un Royaume, qui pour les siècles ne périra point ; celui-ci brisera et consommera tous ces Royaumes, mais lui subsistera pour les siècles. » – Daniel, II. 43, 44. – Après cela, j’entendis comme un bruit de chant, et plus avant dans l’Orient je vis un éclat de lumière plus resplendissant que le premier ; et je demandai à l’Ange quelles étaient les paroles de cette glorification ; il dit que c’étaient celles-ci dans Daniel : « Voyant je fus en visions de nuit, et voici avec les Nuées du Ciel comme un FILS DE L’HOMME qui venait ; et à Lui fut donné Domination et Royaume, et tous les peuples et nations Le serviront ; sa Domination (sera) une Domination du siècle, laquelle ne passera point ; et son Royaume (un Royaume) qui ne périra point. » Dan. VII. 13, 14. – En outre, ils célébraient le Seigneur d’après ces paroles dans l’Apocalypse : « À Jésus-Christ soit la gloire et la force ; voici, il vient avec les Nuées ; Il est l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin, le Premier et le Dernier, Qui Est, et Qui Était, et Qui Vient, le Tout-Puissant. Moi, Jean, j’ai entendu cela du FILS DE L’HOMME, du milieu des sept chandeliers. » – Apoc. I. 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, XXII. 13 ; et aussi d’après Matth. XXIV. 30, 31. – Je portai de nouveau mes regards vers le Ciel Oriental, et le côté droit resplendissait de lumière, et la splendeur lumineuse entra dans l’Étendue Méridionale, et j’entendis un son doux ; et je demandai à l’Ange quel était là le sujet de la glorification du Seigneur ; il dit que c’étaient ces paroles dans l’Apocalypse : « Je vis un Ciel Nouveau et une Terre Nouvelle, et je vis la Ville Sainte, Jérusalem Nouvelle, descendant de Dieu par le Ciel, parée comme UNE FIANCÉE ORNÉE POUR SON MARI. Et l’Ange me parla, et dit : Viens, je te montrerai la FIANCÉE, DE L’AGNEAU L’ÉPOUSE ; et il m’enleva en esprit sur une montagne grande et élevée, et il me montra la Ville, la Sainte Jérusalem.Apoc. XXI. 1, 2, 9, 10. – Et aussi celles-ci : « MOI, JÉSUS, je suis l’Étoile brillante et du matin ; et l’Esprit et la Fiancée disent : VIENS. ET IL DIT : OUI, JE VIENS BIENTÔT ; Amen ! Oui, VIENS, SEIGNEUR JÉSUS ! – Apoc. XXII. 16, 17, 20. – Après ces glorifications et plusieurs autres, on entendit une commune Glorification de l’Orient à l’Occident du Ciel, et aussi du Midi au Septentrion ; et je demandai à l’Ange quelles étaient alors les paroles ; il dit que c’étaient celles-ci, prises dans les Prophètes : « Afin que sache toute chair, que MOI (je suis) JÉHOVAH TON SAUVEUR ET TON RÉDEMPTEUR. » – Ésaïe, XLIX. 26. – « Ainsi a dit JÉHOVAH, le Roi d’Israël, et SON RÉDEMPTEUR JÉHOVAH SÉBAOTH : Moi le Premier et Moi le Dernier, ET EXCEPTÉ MOI, POINT DE DIEU. »Ésaïe, XLIV. 6. – « On dira en ce jour-là : VOICI NOTRE DIEU, CELUI-CI, que nous avons attendu pour qu’il nous délivre ; CELUI-CI (est) JÉHOVAH QUE NOUS AVONS ATTENDU. » – Ésaïe, XXV. 9. – « Une voix (il y a) de qui crie dans le désert : Préparez le chemin à JÉHOVAH ; voici, LE SEIGNEUR JÉHOVAH en fort vient ; comme PASTEUR son troupeau il paîtra. » – Ésaïe, XL. 3, 5, 10, 11. – « Un Enfant nous est né, un Fils nous a été donné, et on appellera son Nom : Admirable, Conseiller, DIEU, Héros, PÈRE D’ÉTERNITÉ, Prince de paix. » Ésaïe, IX. 5. – « Voici, les jours viendront, et je susciterai à David un Germe juste, qui régnera Roi, et voici son Nom : JÉHOVAH NOTRE JUSTICE. » Jérém. XXIII. 5, 6. XXXIII. 15, 16. – « JÉHOVAH SÉBAOTH (est) son Nom, et TON RÉDEMPTEUR, le Saint d’Israël, DIEU DE TOUTE LA TERRE SERA APPELÉ. » Ésaïe, LIV. 5. – « EN CE JOUR-LÀ SERA JÉHOVAH EN ROI SUR TOUTE LA TERRE ; EN CE JOUR-LÀ SERA JÉHOVAH UN, ET SON NOM UN. » Zach. XIV. 9. – Ayant entendu et compris ces choses, mon cœur bondit, et j’allai avec joie à la maison, et là je rentrai de l’état de l’esprit dans l’état du corps, dans lequel j’ai écrit ce que j’avais vu et entendu. Maintenant, à ces choses j’ajoute que l’Amour conjugal, tel qu’il a été chez les Anciens, est ressuscité par le Seigneur depuis son avènement, parce que cet Amour vient du Seigneur Seul, et est chez ceux qui par Lui au moyen de la Parole deviennent spirituels.

82. Après cela un homme de la Plage septentrionale accourut avec impétuosité, et il me regarda d’un air menaçant, et s’adressant à moi d’un ton irrité, il dit : « N’es-tu pas, toi, celui qui veut séduire le Monde, en instaurant une Nouvelle Église, que tu désignes sous le nom de la Nouvelle Jérusalem qui doit descendre de Dieu par le Ciel, et en enseignant que le Seigneur donnera à ceux qui embrassent les doctrinaux de cette Église l’Amour vraiment conjugal, dont tu exaltes jusqu’au Ciel les délices et la félicité ? N’est-ce pas là une invention ; et ne la présentes-tu pas comme un appel et une amorce pour attirer à tes Nouveautés ? Mais dis-moi, en somme, quels sont ces Doctrinaux de la nouvelle Église, et je verrai s’ils sont concordants ou discordants. » Et je répondis : « Les Doctrinaux de l’Église qui est entendue par la Nouvelle Jérusalem sont ceux-ci : I. Il y a un Seul Dieu, en Qui est la Divine Trinité, et ce Dieu est LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. II. La Foi Salvifique est de croire en Lui. III. Il faut fuir les Maux, parce qu’ils sont du diable et viennent du diable. IV. Il faut faire les Biens, parce qu’ils sont de Dieu et viennent de Dieu. V. L’homme doit faire les biens comme par lui-même, mais croire qu’ils sont faits par le Seigneur chez lui et au moyen de lui. » Après avoir entendu ces doctrinaux, sa fureur se calma pendant quelques moments ; mais après qu’il eut délibéré un peu en lui-même, il me regarda de nouveau d’un air farouche, en disant : « Ces cinq Préceptes sont-ils les Doctrinaux de la foi et de la charité de la Nouvelle Église ? » Et je répondis : « Ils le sont. » Alors il me demanda d’un ton dur : « Comment peux-tu démontrer le PREMIER, qu’il y a un Seul Dieu, en Qui est la Divine Trinité, et que ce Dieu est le Seigneur Jésus-Christ ? » Je dis : « Je le démontre ainsi : Dieu n’est-il pas Un et Indivisible ? N’y a-t-il pas une Trinité ? Si Dieu est Un et Indivisible, n’y a-t-il pas une Seule Personne ? S’il y a une Seule Personne, la Trinité n’est-elle pas en Elle ? Que ce Dieu soit LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, cela est évident par ces considérations, qu’il a été conçu de Dieu le Père, – Luc, I. 34, 35, – et qu’ainsi il est Dieu quant à l’Âme ; et que par suite, comme il le dit Lui-même, le Père et Lui sont un, – Jean, X. 30 ; – que Lui est dans le Père, et le Père en Lui, – Jean, XIV. 10, 11 ;que celui qui Le voit et Le connaît, voit et connaît le Père, – Jean, XIV. 7, 9 ; – que personne ne voit et ne connaît le Père, si ce n’est Lui qui est dans le sein du Père, – Jean, I. 18 ; – que toutes les choses du Père sont à Lui, – Jean, III. 35. XVI. 15 ; – qu’il est le Chemin, la Vérité et la Vie, et que personne ne vient au Père que par Lui, – Jean, XIV. 6, – ainsi d’après Lui, parce que le Père est en Lui, et que selon Paul, toute la plénitude de la Divinité habite corporellement en Lui, – Coloss. II. 9 ; – et, en outre, qu’il a Pouvoir sur toute chair, – Jean, XVII. 2 ; – et qu’il a tout Pouvoir dans le Ciel et sur Terre, – Matth. XXVIII, 18 ; – de tous ces passages il résulte qu’il est le Dieu du Ciel et de la Terre. » Il me demanda ensuite comment je démontrais le SECOND, que la Foi Salvifique est de croire en Lui. Je dis : « Je le démontre par ces paroles du Seigneur Lui-Même : C’est la volonté du Père, que quiconque croit au FILS ait la vie éternelle, – Jean, VI. 40. – Dieu a tellement aimé le monde, que son Fils Unique-Engendré il a donné, afin que quiconque croit EN LUI ne périsse point, mais ait la vie éternelle, Jean, III. 15, 16. – Qui CROIT AU FILS a la vie éternelle ; mais qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui, – Jean, III. 36. – » Ensuite il me dit : « Démontre aussi le TROISIÈME et les suivants. » Et je répondis : « Qu’est-il besoin de démontrer qu’il faut fuir les maux, parce qu’ils sont du diable et viennent du diable ; et qu’il faut faire les biens, parce qu’ils sont de Dieu et viennent de Dieu ; et que l’homme doit faire les biens comme par lui-même, mais croire qu’ils sont faits par le Seigneur chez lui et au moyen de lui ? Que ces trois Doctrinaux soient des vrais, c’est ce que confirme toute l’Écriture Sainte depuis le commencement jusqu’à la fin. Qu’y-a-t-il autre chose, en somme, sinon qu’il faut fuir les maux et faire les biens, et croire au Seigneur Dieu ? Et, en outre, sans ces trois Doctrinaux, il n’y a aucune Religion ; la Religion ne concerne-t-elle pas la vie ? Et qu’est-ce que la vie, si ce n’est fuir les maux et faire les biens ? Comment l’homme peut-il faire ceux-ci et fuir ceux-là, si ce n’est comme par lui-même ? Si donc tu ôtes de l’Église ces Doctrinaux, tu en ôtes l’Écriture Sainte, et tu ôtes aussi la Religion ; et, quand ces choses sont ôtées, l’Église n’est point l’Église. » Cet homme, ayant entendu ces explications, se retira, et il médita ; mais il s’en alla étant toujours indigné.

 

 

 

DE L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL D’APRÈS LE MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI.

 

 

83. Il y a des Origines internes de l’Amour conjugal, et des Origines externes ; les internes sont en grand nombre, pareillement les externes ; mais l’origine intime ou universelle de toutes est une ; que cette origine soit le Mariage du bien et du vrai, cela sera démontré dans ce qui va suivre. Si personne n’a encore déduit de là l’Origine de cet amour, c’est parce qu’on a ignoré qu’il y eût quelque union entre le bien et le vrai ; et on l’a ignoré, parce que le bien ne se présente pas dans la lumière de l’entendement, comme le vrai, et par suite sa connaissance s’est cachée et s’est dérobée aux recherches ; et puisque le bien est ainsi au nombre des choses inconnues, personne n’a pu soupçonner un mariage entre lui et le vrai : bien plus, devant la vue rationnelle-naturelle le bien se présente si éloigné du vrai, qu’on ne peut supposer entre eux aucune conjonction ; qu’il en soit ainsi, on peut le voir par le langage ordinaire, lorsqu’on en fait mention ; par exemple, quand on dit : « Cela est un bien », on ne pense nullement au vrai ; et quand on dit : « Cela est un vrai », on ne pense nullement au bien ; c’est pourquoi, aujourd’hui, plusieurs croient que le vrai est absolument une autre chose, pareillement le bien ; et plusieurs aussi croient que l’homme est intelligent et sage, et par conséquent homme, selon les vrais qu’il pense, dit, écrit et croit, et non en même temps selon les biens ; que cependant il n’y ait pas de bien sans le vrai, ni de vrai sans le bien, qu’ainsi il y ait entre eux un mariage éternel, et que ce mariage soit l’origine de l’amour conjugal, c’est ce qui va être maintenant exposé ; ce sera dans cet ordre : I. Le Bien et le Vrai sont les universaux de la création, et sont par suite dans toutes les choses créées ; mais dans les sujets créés ils sont selon la forme de chacun. II. Il n’y a point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, mais partout ils ont été conjoints. III. Il y a le Vrai du bien et d’après lui le Bien du vrai, ou le Vrai d’après le bien et le Bien d’après ce vrai, et dans ces deux par création a été insitée une inclination à se conjoindre en un. IV. Dans les sujets du Règne animal, le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et d’après lui le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin. V. De l’influx du Mariage du bien et du vrai procédant du Seigneur vient l’Amour du sexe, et vient l’Amour conjugal. VI. L’Amour du sexe appartient à l’homme Externe ou naturel, et par suite il est commun à tout animal. VII. Mais l’Amour conjugal appartient à l’homme Interne ou spirituel, et par suite il est particulier à l’homme. VIII. Chez l’homme l’Amour conjugal est dans l’amour du sexe, comme une pierre précieuse dans sa matrice. IX. L’Amour du sexe chez l’homme n’est pas l’origine de l’Amour conjugal, mais il en est la première chose, ainsi il est comme l’Externe naturel dans lequel est implanté l’Interne spirituel. X. Quand l’Amour conjugal a été implanté, l’Amour du sexe se retourne, et devient l’Amour chaste du sexe. XI. Le Mâle et la Femelle ont été créés pour être la Forme même du Mariage du bien et du vrai. XII. Ils sont cette Forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent, selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

84. I. Le Bien et le Vrai sont les universaux de la création, et sont par suite dans toutes les choses créées ; mais dans les sujets créés ils sont selon la forme de chacun. Que le Bien et le Vrai soient les universaux de la création, c’est parce que ces deux sont dans le Seigneur Dieu Créateur ; bien plus, ils sont Lui-Même, car il est le Divin Bien Même et le Divin Vrai Même ; mais cela tombe plus clairement dans la perception de l’entendement, et ainsi dans l’idée de la pensée, si au lieu du Bien on dit l’Amour, et au lieu du Vrai la Sagesse ; par conséquent, si l’on dit que dans le Seigneur Dieu Créateur il y a le Divin Amour et la Divine Sagesse, et que ces deux sont Lui-Même, c’est-à-dire, qu’il est l’Amour Même et la Sagesse Même ; car ces deux sont les mêmes que le Bien et le Vrai ; et cela, parce que le Bien appartient à l’Amour et le Vrai à la Sagesse, car l’Amour se compose de biens, et la Sagesse de vrais. L’Amour étant la même chose que le Bien, et la Sagesse la même chose que le Vrai, dans la suite il sera dit tantôt l’Amour et la Sagesse, et tantôt le Bien et le Vrai, et il sera entendu la même chose. Ceci est dit ici en forme de préliminaire, afin que dans ce qui suit, quand ces expressions seront employées, l’entendement ne perçoive pas des choses différentes.

85. Puis donc que le Seigneur Dieu Créateur est l’Amour Même et la Sagesse Même, et que par Lui a été créé l’Univers, qui par conséquent est comme un Ouvrage procédant de Lui, il ne peut se faire autrement que dans toutes et dans chacune des choses créées il n’y ait du Bien et du Vrai d’après Lui ; car ce qui est fait par quelqu’un et en procède, tient de lui une ressemblance. Qu’il en soit ainsi, la raison aussi peut le voir d’après l’Ordre, dans lequel sont toutes et chacune des choses de l’Univers créé, à savoir, qu’une chose existe en vue d’une autre, et que par suite une chose dépend d’une autre, comme les anneaux dans une chaîne ; car elles sont toutes pour le Genre Humain, afin que de lui soit composé le Ciel Angélique, par lequel la Création retourne au Créateur Même de Qui elle vient : c’est de là qu’il y a conjonction de l’Univers créé avec son Créateur, et par la conjonction conservation perpétuelle. De là vient que le Bien et le Vrai sont appelés les Universaux de la Création : qu’il en soit ainsi, cela est évident pour tout homme qui examine ce sujet avec rationalité ; celui-ci voit dans chaque chose créée ce qui se réfère au bien, et ce qui se réfère au vrai.

86. Que le Bien et le Vrai dans les sujets créés soient selon la forme de chacun, c’est parce que tout sujet reçoit l’influx selon sa forme ; la Conservation du tout n’est autre chose que l’influx perpétuel du Divin Bien et du Divin Vrai dans les formes créées par eux, car ainsi la subsistance ou la conservation est une perpétuelle existence ou une perpétuelle création. Que tout sujet reçoive l’influx selon sa forme, cela peut être illustré par diverses choses ; par exemple, par l’influx de la chaleur et de la lumière du Soleil dans les végétaux de tout genre ; chaque végétal reçoit cet influx selon sa forme ; ainsi, tout arbre selon la sienne, tout arbrisseau selon la sienne, toute plante selon la sienne, toute herbe selon la sienne ; l’influx est semblable dans tous, mais la réception, parce qu’elle est selon la forme, fait que chaque espèce reste espèce particulière. La même chose peut encore être illustrée par l’influx dans les Animaux de tout genre selon la forme de chacun. Que l’influx soit selon la forme de chaque chose, c’est ce que peut voir même un homme illettré, s’il fait attention aux divers instruments de son, tels que pipeaux, flûtes, cors, trompettes et orgues, en ce qu’ils retentissent d’après un semblable souffle ou influx de l’air selon leurs formes.

87. II. Il n’y a point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, mais partout ils ont été conjoints. Celui qui veut d’après quelque sens se former une idée du Bien, ne peut y parvenir sans y joindre quelque chose qui le présente et le manifeste ; sans cela le Bien est un Être (Ens) qui n’a pas de nom ; ce par quoi il est présenté et manifesté se réfère au vrai ; dis simplement le Bien, et non en même temps telle ou telle chose avec quoi il est, ou définis-le d’une manière abstraite ou sans quelque adjoint cohérent, et tu verras que ce n’est pas quelque chose, mais qu’avec ce qui a été joint, c’est quelque chose ; et si tu emploies toute ta raison, tu percevras que le Bien sans quelque adjoint n’est susceptible d’aucune dénomination, ni par conséquent d’aucune relation, d’aucune affection, ni d’aucun état, en un mot, d’aucune qualité. Il en est de même du Vrai, s’il est entendu sans qu’il ait été joint en lui quelque chose ; que ce qui a été joint en lui se réfère au bien, la raison épurée peut le voir. Mais comme les Biens sont innombrables, et que chaque bien monte à son maximum et descend à son minimum comme par les degrés d’une échelle, et que même il change de nom selon sa progression et selon sa qualité, il est difficile à d’autres qu’aux sages de voir la relation du bien et du vrai avec les objets, et leur conjonction dans les objets. Que cependant il n’y ait point de bien sans le vrai, ni de vrai sans le bien, c’est ce que voit clairement la perception commune, quand d’abord il est reconnu que toutes et chacune des choses de l’univers se réfèrent au Bien et au Vrai, comme il a été montré dans l’Article précédent, Nos 84, 85. Qu’il n’y ait point de Bien solitaire, ni de Vrai solitaire, cela peut être illustré et en même temps confirmé par diverses considérations ; ainsi, il n’y a point d’Essence sans forme, ni de Forme sans essence ! or, le bien est l’essence ou l’être, et le vrai est ce par quoi l’essence est formée et par quoi l’être existe. Ainsi, dans l’homme il y a la Volonté et l’Entendement, le Bien appartient à la volonté, elle Vrai appartient à l’entendement ; or, la volonté seule ne fait rien sinon par l’entendement, et l’entendement seul ne fait quelque chose que d’après la volonté. Ainsi, il y a deux sources de la vie du corps dans l’homme, le Cœur et le Poumon ; le cœur ne peut pas produire quelque vie sensitive et motrice sans la respiration du poumon, ni le poumon sans le cœur ; le cœur se réfère au bien, et la respiration du poumon se réfère au vrai ; il y a aussi correspondance. Il en est de même dans toutes et dans chacune des choses du mental, et dans toutes et dans chacune des choses du corps chez l’homme ; mais produire de plus amples confirmations, ce n’est pas ici le lieu ; toutefois, on peut voir ce sujet plus pleinement confirmé dans LA SAGESSE ANGÉLIQUE SUR LA DIVINE PROVIDENCE, Nos 3 à 26, où il a été exposé dans cet ordre : I. L’Univers, avec toutes et chacune des choses qu’il contient, a été créé du Divin Amour par la Divine Sagesse, ou, ce qui est la même chose, du Divin Bien par le Divin Vrai. II. Le Divin Bien et le Divin Vrai procèdent comme un du Seigneur. III. Cet un est en une sorte d’image dans toute chose créée. IV. Le Bien n’est le bien qu’autant qu’il est uni au vrai, et le Vrai n’est le vrai qu’autant qu’il est uni au bien. V. Le Seigneur ne souffre pas que quelque chose soit divisé, c’est pourquoi l’homme doit être ou dans le bien et en même temps dans le vrai, ou dans le mal et en même temps dans le faux : sans parler de plusieurs autres propositions.

88. III. Il y a le Vrai du bien et d’après lui le Bien du vrai, ou le Vrai d’après le bien et le Bien d’après ce vrai ; et dans ces deux par création a été insitée une inclination à se conjoindre en un. Il est nécessaire qu’on acquière sur ce sujet quelque idée distincte, parce que de là dépend la connaissance concernant l’origine essentielle de l’Amour conjugal ; car, ainsi qu’il suit, le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin ; mais cela peut être compris plus distinctement, si au lieu du Bien l’on dit l’Amour, et au lieu du Vrai la Sagesse, ce qui revient au même, comme on le voit ci-dessus, No 84. La Sagesse ne peut exister chez l’homme que par l’amour de devenir sage ; si cet amour est ôté, l’homme ne peut nullement devenir sage ; la Sagesse d’après cet amour est entendue par le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien ; mais lorsque l’homme d’après cet amour a acquis la sagesse, et qu’il l’aime en lui ou s’aime à cause d’elle, il forme alors un amour, qui est l’Amour de la sagesse et est entendu par le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai ; il y a donc chez l’Homme (Vir) deux Amours, dont l’un, qui est antérieur, est l’Amour de devenir Sage, et l’autre, qui est postérieur, est l’Amour de la Sagesse ; mais cet Amour-ci, s’il reste chez l’Homme, est un Amour mauvais et est appelé faste ou amour de la propre intelligence ; qu’il ait été pourvu, par création, à ce que cet Amour fût retiré de l’Homme dont il aurait causé la perte, et à ce qu’il fût transcrit dans la Femme, pour devenir l’Amour conjugal qui rétablit l’homme dans l’intégrité, c’est ce qui sera confirmé dans la suite : sur ces deux Amours, et sur la transcription du second dans la femme, voir ci-dessus quelques explications, Nos 32, 33 ; et, dans les PRÉLIMINAIRES, No 20. Si donc au lieu de l’Amour il est entendu le bien, et au lieu de la Sagesse le vrai, alors d’après ce qui vient d’être dit on voit qu’il y a le Vrai du bien ou le vrai d’après le bien, et d’après lui le Bien du vrai ou le bien d’après ce vrai.

89. Que dans ces deux par création ait été insitée une inclination à se conjoindre en un, c’est parce que l’un a été formé de l’autre, la Sagesse a été formée de l’amour de devenir sage, ou le vrai a été formé du bien, et l’Amour de la sagesse a été formé de cette sagesse, ou le bien du vrai a été formé de ce vrai ; par cette formation on peut voir qu’il y a une inclination mutuelle à se réunir et à se conjoindre en un. Mais cela a lieu chez les Hommes qui sont dans la Sagesse réelle, et chez les Femmes qui sont dans l’Amour de cette sagesse dans le Mari, ainsi chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal. Quant à la Sagesse qui doit être chez l’Homme et qui doit être aimée par l’Épouse, il en sera parlé aussi dans la suite.

90. IV. Dans les sujets du Règne Animal le Vrai du bien ou le Vrai d’après le bien est le Masculin, et d’après lui le Bien du vrai ou le Bien d’après ce vrai est le Féminin. Que du Seigneur Créateur et Conservateur de l’Univers influe une perpétuelle Union de l’Amour et de la Sagesse, ou le Mariage du bien et du vrai, et que les sujets créés le reçoivent chacun selon sa forme, c’est ce qui a été montré, Nos 84, 85, 86 ; mais que d’après ce Mariage ou cette Union le Mâle reçoive le Vrai de la Sagesse, et que le Bien de l’amour lui soit conjoint par le Seigneur selon la réception ; et que cette réception se fasse dans l’entendement, et que par suite le Mâle naisse pour devenir intellectuel, la Raison d’après sa lueur peut le voir d’après diverses choses chez lui, surtout d’après son Affection, son Application, ses Mœurs et sa Forme. D’après son AFFECTION, en ce que c’est l’affection de savoir, de comprendre et de devenir sage ; l’affection de savoir dans l’enfance, l’affection de comprendre dans l’adolescence et dans la première jeunesse, et l’affection de devenir sage depuis cette jeunesse jusqu’à la vieillesse ; de là il est évident que sa nature ou son caractère incline à former l’entendement, et que par conséquent il naît pour devenir intellectuel ; mais comme cela ne peut se faire que par l’amour, le Seigneur le lui adjoint selon la réception, c’est-à-dire, selon l’intention qu’il a de devenir sage. D’après son APPLICATION, qui se porte vers les choses appartenant à l’entendement, ou dans lesquelles prédomine l’entendement, et dont la plupart ont rapport aux affaires du dehors et concernent les usages dans le public. D’après ses MŒURS, qui toutes tiennent de la prédominance de l’entendement ; de là vient que les actes de sa vie, qui sont entendus par les mœurs, sont rationnels, et que s’ils ne le sont pas il veut qu’ils le paraissent ; la rationalité masculine est même visible dans chacune de ses vertus. D’après sa FORME, en ce qu’elle est différente et absolument distincte de la forme féminine ; sur cette forme, voir aussi ce qui a été dit ci-dessus, No 33. Qu’on ajoute à cela que le prolifique est en lui ; le prolifique ne vient pas d’autre part que de l’entendement, car il y est par le vrai d’après le bien ; que le prolifique vienne de là, c’est ce qu’on verra dans ce qui suit.

91. Que la Femme, au contraire, naisse pour être volontaire, mais volontaire d’après l’intellectuel de l’homme, ou, ce qui est la même chose, pour être l’amour de la sagesse de l’homme, parce qu’elle a été formée par cette sagesse, comme il vient d’être montré, Nos 88, 89, c’est aussi ce qu’on peut voir d’après l’Affection de la Femme, son Application, ses Mœurs, et d’après sa Forme. D’après son AFFECTION, en ce que c’est l’affection d’aimer la science, l’intelligence et la sagesse, cependant non dans elle-même mais dans l’homme, et ainsi d’aimer l’homme ; car l’homme (vir) ne peut pas être aimé à cause de la forme seule qui fait qu’il apparaît comme homme (homo), mais il est aimé à cause de la qualité qui est en lui, laquelle fait qu’il est homme. D’après son APPLICATION, en ce qu’elle est portée vers des choses qui sont des ouvrages de mains, et sont appelées filets, broderies, et de divers autres noms, servant à des ornements, et à se parer elle-même, et à rehausser sa beauté ; et, en outre, vers divers devoirs, appelés domestiques, qui s’adjoignent aux devoirs des hommes, lesquels, comme il a été dit, sont appelés affaires du dehors ; les femmes sont portées à ces occupations par l’inclination au Mariage, afin de devenir épouses, et d’être ainsi un avec les maris. Que la même chose se manifeste aussi d’après leur MŒURS et leur FORME, on le voit sans explication.

92. V. De l’influx du Mariage du bien et du vrai procédant du Seigneur vient l’Amour du sexe, et vient l’Amour conjugal. Que le Bien et le Vrai soient les universaux de la création, et par suite dans tous les sujets créés, et qu’ils soient dans ses sujets selon la forme de chacun ; et que le Bien et le Vrai procèdent du Seigneur non comme deux mais comme un, c’est ce qui a été montré ci-dessus, Nos 84 à 87 ; il suit de là qu’UNE SPHÈRE UNIVERSELLE CONJUGALE procède du Seigneur, et se répand dans l’univers depuis ses premiers jusqu’à ses derniers, ainsi depuis les anges jusqu’aux vermisseaux. Qu’une telle Sphère du Mariage du Bien et du Vrai procède du Seigneur, c’est parce que cette sphère est aussi la Sphère de propagation, c’est-à-dire, de prolification et de fructification, et celle-ci est la même que la Divine Providence pour la conservation de l’Univers par des générations successives. Maintenant, comme cette sphère universelle, qui est celle du Mariage du Bien et du Vrai, influe dans les sujets selon la forme de chacun, No 86, il s’ensuit que le Mâle la reçoit selon la sienne, ainsi dans l’Entendement, parce qu’il est une forme intellectuelle ; et que la Femelle la reçoit selon la sienne, ainsi dans la Volonté, parce qu’elle est une forme volontaire d’après l’intellectuel de l’homme ; et comme cette même sphère est aussi la sphère de prolification, il s’ensuit que de là vient l’Amour du sexe.

93. Que de là vienne aussi l’Amour conjugal, c’est parce que cette Sphère influe dans la forme de la sagesse chez les hommes, et aussi chez les anges ; car l’homme peut croître en sagesse jusqu’à la fin de sa vie dans le Monde, et ensuite durant l’éternité dans le Ciel ; et autant il croît en sagesse, autant est perfectionnée sa forme ; et cette forme reçoit non pas l’amour du sexe, mais l’amour d’une seule personne du sexe ; car avec celle-ci il peut être uni jusqu’aux intimes, dans lesquels est le Ciel avec ses félicités ; et cette union appartient à l’Amour conjugal.

94. VI. L’Amour du sexe appartient à l’homme externe ou naturel, et par suite il est commun à tout animal. Tout homme naît corporel, et devient de plus en plus intérieurement naturel, et à mesure qu’il aime l’intelligence il devient rationnel, et ensuite s’il aime la sagesse il devient Spirituel ; ce que c’est que la Sagesse par laquelle l’homme devient spirituel, cela sera dit ci-après, No 130. Maintenant, à mesure que l’homme s’avance de la science dans l’intelligence, et de l’intelligence dans la sagesse, son Mental aussi change sa forme, car il est de plus en plus ouvert, et se conjoint de plus près avec le Ciel, et par le Ciel avec le Seigneur ; par suite il devient plus amoureux du vrai et plus attaché au bien de la vie. Si donc il s’arrête au premier pas dans sa marche vers la sagesse, la forme de son mental reste naturelle, et elle ne reçoit l’influx de la Sphère universelle, qui est celle du Mariage du bien et du vrai, que de même que le reçoivent les sujets inférieurs du Règne animal, qui sont appelés bêtes et oiseaux ; et comme ces animaux sont purement naturels, cet homme devient semblable à eux, et par conséquent, aime le sexe de la même manière qu’eux. C’est ainsi qu’il est entendu que l’amour du sexe appartient à l’homme externe ou naturel, et que par suite il est commun à tout animal.

95. VII. Mais l’Amour conjugal appartient à l’homme Interne ou spirituel, et par suite, il est particulier à l’homme. Que l’Amour conjugal appartienne à l’homme Interne ou spirituel, c’est parce que plus l’homme devient intelligent et sage, plus il devient interne ou spirituel, et plus est perfectionnée la forme de son mental, et cette forme reçoit l’amour conjugal ; car il perçoit et sent dans cet amour le plaisir spirituel, qui est intérieurement béatifié, et d’après ce plaisir le plaisir naturel, qui en tire son âme, sa vie et son essence.

96. Si l’Amour conjugal est particulier à l’homme, c’est parce que l’homme seul peut devenir spirituel, car il peut élever son entendement au-dessus de ses amours naturels, et de cette élévation les voir au-dessous de lui, et les juger tels qu’ils sont, et aussi les amender, les corriger et les repousser ; aucun animal ne peut faire cela, car les amours de l’animal ont été absolument unis avec sa science innée (connata) ; c’est pourquoi, cette science ne peut pas être élevée dans l’intelligence, ni à plus forte raison dans la sagesse ; l’animal est donc conduit par l’amour de sa science, insité en lui, comme un aveugle est conduit dans les rues par un chien. C’est là la cause pour laquelle l’Amour conjugal est particulier à l’homme ; il peut être aussi appelé natif et frère germain de l’homme (nativus et germanus), parce que dans l’homme il y a la faculté de devenir sage, avec laquelle cet amour fait un.

97. VIII. Chez l’homme l’Amour conjugal est dans l’Amour du sexe, comme une pierre précieuse dans sa matrice. Ceci, étant seulement une comparaison, sera expliqué dans l’Article qui va suivre ; par cette comparaison aussi il est illustré que l’Amour du sexe appartient à l’homme Externe ou naturel, et l’Amour conjugal à l’homme Interne ou spirituel, et cela vient d’être montré, No 95.

98. IX. L’Amour du sexe chez l’homme n’est pas l’origine de l’Amour conjugal, mais il en est la première chose, ainsi il est comme l’externe naturel dans lequel est implanté l’interne spirituel. Il s’agit ici de l’Amour vraiment conjugal, et non de cet Amour vulgaire, qui est aussi nommé conjugal, et qui chez quelques-uns n’est autre que l’Amour limité du sexe ; mais l’amour vraiment conjugal est seulement chez ceux qui désirent la sagesse, et qui par suite progressent de plus en plus dans la sagesse ; le Seigneur les voit d’avance, et pourvoit pour eux à l’Amour conjugal ; cet amour, il est vrai, commence chez eux d’après l’amour du sexe, ou plutôt par cet amour, mais néanmoins ce n’est pas de lui qu’il naît ; car il naît à mesure que la sagesse avance et entre dans la lumière chez l’homme, car la sagesse et cet amour sont des compagnons inséparables. Si l’Amour conjugal commence par l’amour du sexe, c’est parce que, avant qu’une compagne soit trouvée, le sexe en général est aimé et regardé d’un œil amoureux ; et il est traité avec civilité et honnêteté ; car le jeune homme a son choix à faire ; et alors, d’après l’inclination insitée en lui pour le mariage avec une seule du sexe, inclination cachée dans l’intime de son mental, son externe est agréablement échauffé ; et comme les déterminations au mariage sont différées par diverses causes jusqu’à un âge plus mûr, pendant ce temps le commencement de cet amour est comme un désir libidineux, qui chez quelques-uns tombe en actualité dans l’amour du sexe, mais néanmoins chez eux son frein n’est point lâché au-delà de ce qui est avantageux pour la santé. Toutefois, ceci est dit du Sexe masculin parce que ce sexe a des instigations qui réellement embrasent, mais non du Sexe féminin. D’après ces explications, il est évident que l’Amour du sexe n’est pas l’origine de l’Amour vraiment conjugal, mais qu’il en est le premier par le temps et non par la fin ; car ce qui est premier par la fin, est premier dans le mental et dans l’intention du mental, parce que c’est le principal ; mais on ne parvient à ce premier que successivement par les moyens ; ceux-ci ne sont pas premiers en eux-mêmes, mais seulement conduisent à ce qui est premier en soi-même.

99. X. Quand l’Amour conjugal a été implanté, l’Amour du sexe se retourne, et devient l’Amour chaste du sexe. Il est dit qu’alors l’Amour du sexe se retourne, parce que, quand l’Amour conjugal vient à son origine, qui est dans les intérieurs du mental, il voit l’Amour du sexe, non devant lui, mais derrière lui ; ou bien non au-dessus de lui, mais au-dessous de lui, et ainsi comme quelque chose qu’il a laissé en passant. Pareillement comme il arrive, quand quelqu’un s’élève d’un emploi par d’autres emplois jusqu’à une dignité suréminente, et qu’ensuite il regarde derrière lui ou au-dessous de lui les emplois par lesquels il a passé ; ou, quand quelqu’un qui s’est acheminé vers la cour d’un roi porte, après son arrivée, ses regards sur les objets qu’il a vus en route. Que l’Amour du sexe reste alors et devienne chaste, et cependant plus délicieux qu’auparavant pour ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, on peut le voir dans les deux MÉMORABLES, Nos 44 et 45, d’après sa description par ceux qui sont dans le Monde spirituel.

100. XI. Le Mâle et la Femelle ont été créés pour être la Forme même du Mariage du bien et du vrai. C’est parce que le Mâle a été créé pour être l’Entendement du vrai, ainsi le Vrai dans une forme, et que la Femelle a été créée pour être la Volonté du bien, ainsi le Bien dans une forme, et que dans l’un et dans l’autre il a été implanté, d’après les intimes, une inclination à se conjoindre en un, voir No 88 ; ainsi les deux font une seule forme, qui imite la Forme conjugale du bien et du vrai. Il est dit qu’elle l’imite, parce que ce n’est pas la même, mais elle est semblable à elle ; car le Bien qui se conjoint avec le Vrai chez l’homme vient immédiatement du Seigneur, mais le Bien de l’épouse qui se conjoint avec le Vrai chez l’homme vient médiatement du Seigneur par l’épouse ; c’est pourquoi, il y a deux Biens, l’un interne, l’autre externe, qui se conjoignent avec le Vrai chez le mari ; et ils font que le mari est constamment dans l’entendement du vrai, et par suite dans la sagesse par l’Amour vraiment conjugal : mais il en sera dit davantage sur ce sujet dans la suite.

101. XII. Les deux Époux sont cette forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent, selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts. Il y a trois choses dans lesquelles consiste tout homme, et qui se suivent en ordre chez lui, l’Âme, le Mental et le Corps ; son intime est l’Âme, son moyen est le Mental, et son dernier est le Corps : tout ce qui influe du Seigneur dans l’homme influe dans son intime, qui est l’Âme, et descend de là dans son moyen, qui est le Mental, et par celui-ci dans son dernier, qui est le Corps ; le Mariage du bien et du vrai influe ainsi du Seigneur chez l’homme, immédiatement dans son Âme, et de là passe vers les choses qui en dérivent, et par celles-ci vers les extrêmes ; et ainsi conjointes toutes ces choses constituent l’Amour conjugal : d’après l’idée de cet influx, il est évident que les deux Époux sont cette forme dans leurs intimes, et par suite dans les choses qui en dérivent.

102. Mais que les Époux deviennent cette forme selon que les intérieurs de leur mental ont été ouverts, c’est parce que le Mental est successivement ouvert depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse la plus avancée ; car l’homme naît corporel, et à mesure que le Mental est ouvert le plus près au-dessus du Corps, il devient rationnel ; et de même que ce rationnel est purifié et comme décanté des illusions qui influent des sens du corps, et des convoitises qui influent des amorces de la chair, de même est ouvert le Rationnel, et cela se fait uniquement par la sagesse ; et quand les intérieurs du mental rationnel ont été ouverts, alors l’homme devient une forme de la sagesse, et cette forme est le réceptacle de l’amour vraiment conjugal. « La sagesse qui constitue cette forme, et reçoit cet amour, est une sagesse rationnelle et en même temps une sagesse morale ; la sagesse rationnelle regarde les vrais et les biens qui apparaissent intérieurement dans l’homme, non comme siens, mais comme influant du Seigneur ; et la sagesse morale fuit les maux et les faux comme des lèpres, surtout les lascivetés, qui souillent son amour conjugal. »

 

 

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103. À ce qui précède j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un matin, avant le lever du soleil, je portai mes regards vers l’Orient dans le Monde spirituel, et je vis quatre Cavaliers sortir, comme s’ils volaient, d’une nuée éclatante par la flamme de l’aurore ; sur les têtes des Cavaliers étaient des casques à aigrettes, sur leurs bras comme des ailes, et autour de leur corps de légères tuniques de couleur orange ; ainsi vêtus comme pour une prompte course, ils se soulevaient et laissaient flotter les rênes sur la crinière des chevaux, qui ainsi couraient comme s’ils avaient eu des ailes aux pieds : je suivis de la vue leur course ou leur vol dans l’intention de connaître où ils allaient ; et voici, trois Cavaliers prirent leur direction vers trois plages, à savoir, le Midi, l’Occident et le Septentrion ; et le quatrième, après un court espace à l’Orient, s’arrêta. Étonné de cela, je regardai vers le Ciel, et je demandai où allaient ces Cavaliers, et je reçus cette réponse : « Vers les Sages des Royaumes de l’Europe, qui jouissent d’une raison saine et d’une grande pénétration dans l’examen des choses, et ont eu parmi les leurs une réputation de génie, afin qu’ils viennent et développent le secret concernant L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL, ET SA VERTU OU PUISSANCE. » Et l’on me dit du Ciel : « Attends un peu, et tu verras vingt-sept chars, dont trois occupés par des Espagnols, trois par des Français ou Gaulois, trois par des Italiens, trois par des Germains ou Allemands, trois par des Bataves ou Hollandais, trois par des Anglais, trois par des Suédois, trois par des Danois, et trois par des Polonais. » Et alors, après une demi-heure, ces Chars furent vus tirés par de jeunes chevaux bais élégamment harnachés, et ils se dirigeaient avec une grande vitesse vers une Maison spacieuse qu’on voyait aux limites de l’Orient et du Midi ; arrivés près de cette maison, tous ceux qui étaient dans les chars descendirent, et ils y entrèrent d’un air résolu. Et alors il me fut dit : « Va et entre aussi, toi ; et tu entendras. » Moi, j’allai et j’entrai ; et, en examinant la Maison en dedans, je vis qu’elle était carrée, ses côtés regardant les quatre Plages ; à chaque côté, trois hautes Fenêtres à vitres de cristal, leurs Châssis en bois d’olivier ; de chaque côté des châssis, des Prolongements de murailles formant comme des Chambres voûtées par-dessus, dans lesquelles il y avait des Tables ; leurs Parois étaient de cèdre, le Plafond d’un beau bois odoriférant, le Plancher en parquet de peuplier ; à la paroi orientale, où l’on ne voyait pas de fenêtres, était placée une Table recouverte d’or, sur laquelle il y avait une TIARE toute couverte de pierres précieuses, qui devait être donnée en prix ou pour récompense à celui qui découvrirait par son investigation le Secret qui allait être proposé. Quand je portai mes regards sur ces Prolongements en forme de chambres, qui étaient comme des Cabinets auprès des fenêtres, je vis dans chacun cinq Hommes de chaque Royaume de l’Europe, qui, tout préparés, attendaient le Sujet qui allait être soumis à leur jugement. Alors se présenta aussitôt un Ange au milieu du Palais, et il dit : « Le sujet soumis à votre jugement sera celui-ci : DE L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL, ET DE SA VERTU OU PUISSANCE ; examinez-le, et décidez ; écrivez la décision sur un papier, mettez-le dans l’Urne d’argent que vous voyez placée auprès de la Table d’or, et donnez-lui pour signature la Lettre initiale du Royaume d’où vous êtes ; ainsi, un F pour les Français ou Gaulois, un B pour les Bataves ou Hollandais, un I pour les Italiens, un A pour les Anglais, un P pour les Polonais, un G pour les Germains ou Allemands, un H pour les Espagnols (Hispani), un D pour les Danois, et un S pour les Suédois. » Après avoir prononcé ces paroles, l’Ange se retira, en disant : « Je reviendrai. » Et alors les cinq Hommes, natifs de la même contrée, dans chaque Cabinet près des fenêtres, examinèrent la proposition, l’agitèrent sous toutes ses faces ; et selon l’excellence des qualités de leur jugement, ils prirent une décision, l’écrivirent sur un bulletin portant pour signature la lettre initiale de leur Royaume, et le mirent dans l’Urne d’argent. Cela ayant été terminé dans l’espace de trois heures, l’Ange revint, et il tira de l’Urne les Bulletins l’un après l’autre, et les lut devant l’Assemblée.

104. Alors sur le PREMIER PAPIER que sa main prit au hasard, il lut ceci : « Nous cinq, natifs de la même contrée, nous avons décidé dans notre Cabinet, que l’Amour conjugal tire son Origine des Très-Anciens dans le Siècle d’or, et que chez eux il provenait de la création d’Adam et de son Épouse ; de là vient l’Origine des mariages, et avec les mariages l’Origine de l’Amour conjugal. Quant à ce qui concerne la Vertu ou Puissance de l’Amour conjugal, nous ne la dérivons pas d’autre part que du climat ou de la région du soleil, et de la chaleur qu’il répand sur les terres ; nous avons envisagé ce sujet non pas d’après de vaines inventions de la raison, mais d’après des indices évidents de l’expérience ; par exemple, d’après les Peuples sous la ligne ou cercle équinoxial, où la Chaleur du jour est comme un brasier ; et d’après les peuples qui sont près de ce Cercle, et les peuples qui en sont plus éloignés ; et aussi d’après la coopération de la chaleur solaire avec la chaleur vitale chez les animaux de la terre et chez les oiseaux du ciel dans la saison du printemps pendant la prolification ; outre cela, qu’est-ce que l’Amour conjugal, sinon une Chaleur qui devient Vertu ou Puissance, si la chaleur subsidiaire du Soleil s’y joint ? » Cette décision portait au bas la lettre H, l’initiale du Royaume d’où ils étaient.

105. Après cela, il mit une SECONDE FOIS la main dans l’urne, et il en tira un Papier, où il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, nous sommes convenus, dans notre Chambrée, que l’origine de l’Amour conjugal est la même que l’origine des Mariages, qui ont été sanctionnés par les lois afin de réfréner les convoitises innées des hommes pour les adultères, lesquels perdent entièrement les âmes, souillent les raisons du mental, corrompent les mœurs, et infectent le corps de maladies ; car les adultères sont des actes, non pas humains mais de nature bestiale, non pas rationnels mais brutaux, et ainsi nullement chrétiens mais barbares ; c’est la condamnation de tels actes qui fut l’origine des Mariages et en même temps de l’Amour conjugal. Il en est de même de la vertu ou puissance de cet Amour ; elle dépend de la chasteté, qui consiste à s’abstenir des scortations ; et cela, parce que la Vertu ou Puissance, chez celui qui aime son épouse seule, est réservée à une seule, et est ainsi rassemblée et comme concentrée ; et alors elle devient noble comme une Quintessence exempte de souillures ; autrement, elle serait dispersée et jetée de côté et d’autre. Un de nous cinq, qui est prêtre, a ajouté aussi la Prédestination comme une cause de cette vertu ou puissance, en disant : Les Mariages ne sont-ils pas prédestinés ? et puisqu’ils le sont, les Prolifications qui en proviennent, et les Efficacités pour ces prolifications, ne sont-elles pas aussi prédestinées ? Il a insisté pour qu’on ajoutât cette cause, parce qu’il avait affirmé avec serment la prédestination. » Cette décision portait au bas la lettre B. Quelqu’un, en entendant cela, dit en souriant : « La Prédestination ! oh ! quelle belle apologie de la faiblesse ou impuissance ! »

106. Puis, pour la TROISIÈME FOIS, il tira de l’urne un papier sur lequel il lut : « Nous, natifs de la même contrée, nous avons dans notre Cellule examiné les causes de l’origine de l’Amour conjugal, et nous avons vu que la cause principale est la même que celle de l’origine du Mariage, parce que cet Amour n’a pas eu d’existence auparavant ; et le fondement de son existence, c’est que, quand quelqu’un aime éperdument une jeune fille, il veut d’âme et de cœur la posséder comme une propriété digne d’être aimée par dessus toutes choses ; et que, dès qu’elle lui est fiancée, il la regarde comme une autre lui-même : que ce soit là l’origine de l’amour conjugal, cela est évident par la fureur de chaque homme contre ses rivaux, et par la jalousie contre les corrupteurs. Nous avons ensuite examiné l’origine de la vertu ou puissance de cet amour, et trois contre deux ont décidé que la vertu ou puissance avec l’épouse vient de quelque licence avec le sexe ; ils ont dit savoir par expérience que la puissance de l’amour du sexe surpasse la puissance de l’Amour conjugal. » Il y avait au bas la lettre I. Dès qu’on eut entendu cela, on cria des Tables : « Rejette ce papier, et tire de l’urne un autre bulletin. »

107. Et à l’instant il en lira un QUATRIÈME, sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, sous notre Fenêtre, nous avons décidé que l’origine de l’Amour conjugal et de l’amour du sexe est la même, parce que celui-là vient de celui-ci ; que seulement l’amour du sexe est illimité, indéterminé, dissolu, indistinct et changeant, tandis que l’Amour conjugal est limité, déterminé, fixé, régulier et constant ; et que cet amour-ci a, pour cela même, été sanctionné et établi par la prudence de la sagesse humaine ; car autrement, il n’y aurait ni empire, ni royaume, ni république, pas même de société, mais les hommes seraient errants par bandes dans les champs et dans les forêts avec des prostituées et des femmes enlevées, et fuiraient de retraite en retraite pour éviter les carnages sanglants, les violences et les rapines, par lesquels le genre humain tout entier courrait à sa destruction ; c’est là notre jugement sur l’origine de l’Amour conjugal. Quant à la vertu ou puissance de l’Amour conjugal, nous la déduisons de la santé du corps continuellement persistante depuis la naissance jusqu’à la vieillesse ; car l’homme doué d’une bonne constitution et jouissant d’une santé vigoureuse ne perd rien de sa force ; ses fibres, ses nerfs, ses muscles, ne s’engourdissent point, ne se relâchent point, et ne faiblissent point, mais restent dans la vigueur de leurs forces ; portez-vous bien. » Il y avait au bas la lettre A.

108. La CINQUIÈME FOIS il tira de l’urne un papier, sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, nous avons près de notre Table, examiné d’après la rationalité de nos mentals l’origine de l’Amour conjugal, et l’origine de sa vertu ou puissance ; et, après avoir considéré les raisons dans tous les sens, nous avons vu et nous avons confirmé que l’origine de l’Amour conjugal n’est autre que celle-ci : Tout homme, par des aiguillons et des mobiles cachés dans le lieu le plus secret de son mental et de son corps, après diverses cupidités de ses yeux, porte enfin son attention et son inclination vers une seule femme du sexe, au point qu’il brûle entièrement pour elle ; de ce moment sa chaleur s’enflamme de plus en plus, jusqu’à devenir un incendie ; dans cet état le désir libidineux du sexe est chassé, et l’amour conjugal en prend la place : le jeune fiancé dans cet incendie ne sait autre chose, sinon que la vertu ou puissance de cet amour ne cessera jamais, car il manque d’expérience, et par conséquent de connaissance, concernant l’état de l’affaiblissement des forces, et alors du refroidissement de l’amour après les délices ; l’origine de l’Amour conjugal vient donc de cette première ardeur avant les noces ; et de cette ardeur vient sa vertu ou puissance ; mais, après les noces, cette vertu ou puissance change ses flambeaux, puis aussi diminue et augmente, mais continue toujours avec changement régulier, ou avec diminution et augmentation, jusqu’à la vieillesse, au moyen de la modération que dicte la prudence, et de la répression des désirs libidineux qui s’élancent des cachettes non encore nettoyées du mental ; car le désir libidineux marche avant la sagesse ; c’est là notre jugement sur l’origine et sur la continuation de la vertu ou puissance conjugale. » Au bas était la lettre P.

109. La SIXIÈME FOIS, il tira un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Réunion, nous avons examiné dans tous les sens les causes de l’origine de l’Amour conjugal, et nous sommes tombés d’accord sur deux causes, dont l’une est la bonne éducation des enfants, et l’autre la possession distincte des héritages ; nous nous sommes décidés pour ces deux, parce qu’elles tendent et visent au même but, qui est le Bien public ; et ce but est atteint, parce que les enfants conçus et nés d’un amour conjugal sont proprement et véritablement les enfants des deux époux, et que d’après l’amour storge, exalté par la considération de leur origine légitime, ils sont élevés comme héritiers de toutes les possessions tant spirituelles que naturelles de leurs parents ; que le Bien public soit fondé sur la bonne éducation des enfants et sur la possession distincte des héritages, c’est ce que voit la raison. Il y a l’Amour du sexe, et il y a l’Amour conjugal, celui-ci semble être un avec celui-là, mais il est distinctement autre ; ils ne sont pas non plus l’un auprès de l’autre, mais l’un est au dedans de l’autre, et ce qui est au dedans est plus noble que ce qui est au dehors ; et nous, nous voyons que l’Amour conjugal par création est au dedans, et est caché dans l’amour du sexe, absolument comme une amande au dedans de sa coque ; c’est pourquoi, lorsque l’Amour conjugal est tiré de sa coque, qui est l’amour du sexe ; il brille devant les Anges comme une pierre précieuse, un Béryl et une Astroïte ; cela a lieu parce que dans l’Amour conjugal a été inscrit le Salut de tout le Genre Humain, salut que nous entendons, nous, par le Bien public ; c’est là notre jugement sur l’origine de cet Amour. Quant à l’origine de sa Vertu ou Puissance, après en avoir examiné les causes, nous avons conclu que c’est le développement et la séparation de l’Amour conjugal d’avec l’amour du sexe, ce qui est fait par la sagesse de la part du mari, et par l’amour de la sagesse du mari de la part de l’épouse : en effet, l’amour du sexe est commun à l’homme et aux bêtes, mais l’Amour conjugal est particulier aux hommes ; c’est pourquoi, autant l’Amour conjugal est développé et séparé d’avec l’amour du sexe, autant l’homme est un homme et non une bête ; et l’homme acquiert la vertu ou puissance d’après son amour, et la bête d’après le sien. » Au bas était la lettre G.

110. La SEPTIÈME FOIS il tira un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans la Chambre sous la lumière de notre fenêtre, nous avons réjoui nos pensées et par suite nos jugements par une méditation sur l’Amour conjugal ; qui est-ce qui n’en est pas réjoui ? car lorsque cet amour est dans le mental, il est en même temps dans tout le corps. Nous, nous jugeons de l’Origine de cet amour d’après ses plaisirs ; qui est-ce qui connaît ou n’a jamais connu la trace de quelque amour, si ce n’est par le plaisir et la volupté qu’il procure ? Les plaisirs de l’Amour conjugal, dans leurs origines, sont sentis comme des béatitudes, des satisfactions et des félicités ; puis, dans leurs dérivations, comme des charmes et des voluptés ; et, dans les derniers, comme les délices des délices. Il y a donc origine de l’amour du sexe quand les intérieurs du mental, et par suite les intérieurs du corps, sont ouvert pour l’influx de ces plaisirs ; mais il y avait origine de l’Amour conjugal alors que par suite des fiançailles la sphère primitive de cet amour présentait d’avance en idée ces plaisirs. Quant à ce qui concerne la Vertu ou puissance de cet amour, elle vient de ce que cet amour avec sa veine passe du mental dans le corps ; car le mental, d’après la tête, est dans le corps quand il sent et agit, surtout quand il jouit des délices de cet amour ; nous, par là, nous jugeons des degrés de sa puissance et des constances de ses alternatives. De plus, nous déduisons aussi de la race la Vertu de puissance ; si elle est noble chez le père, elle devient noble aussi par transmission (per traducem) chez les descendants ; que cette noblesse soit transmise par génération, hérédité et succession, c’est ce dont convient la raison appuyée sur l’expérience. » Au bas était la lettre F.

111. À la HUITIÈME FOIS, il sortit un papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Réunion, nous n’avons pas trouvé l’origine même de l’Amour conjugal, parce qu’elle est intimement cachée dans les sanctuaires du mental ; la sagesse la plus consommée ne peut pas même par quelque rayon de l’entendement atteindre cet amour dans son origine ; nous avons formé beaucoup de conjectures, mais après avoir vainement agité des subtilités, nous n’avons pas su si nous avions porté nos conjectures sur des chimères ou sur des choses judicieuses : que celui donc qui veut tirer des sanctuaires du mental l’origine de cet amour, et la mettre devant soi, se rendre à Delphes. Nous, nous avons contemplé cet amour au-dessous de son origine, et nous avons vu qu’il est spirituel dans les mentals, et que là il est comme la source d’une veine douce, et découle de là dans la poitrine, où il devient délicieux, et est appelé l’amour pectoral, lequel, considéré en lui-même, est plein d’amitié et plein de confiance, à cause de sa pleine inclination à la mutualité ; et que, quand il est passé au-delà de la poitrine, il devient un amour plein de joies. Ces choses et autres semblables, quand un jeune homme les roule dans sa pensée, ce qu’il fait lorsqu’il désire ardemment pour lui une personne du sexe, allument dans son cœur le feu de l’amour conjugal ; ce feu, parce qu’il est le feu primitif de cet amour, en est l’origine. Quant à l’origine de sa Vertu ou puissance, nous n’en connaissons pas d’autre que cet amour lui-même, car cet amour et sa puissance sont des compagnons inséparables, mais néanmoins tels que tantôt c’est l’un qui précède, et tantôt c’est l’autre ; lorsque l’amour précède et que la vertu ou puissance le suit, l’un et l’autre est noble, parce que la puissance alors est la vertu de l’amour conjugal ; mais si la puissance précède et que l’amour suive, alors l’un et l’autre est ignoble, parce que l’amour alors appartient à la puissance charnelle ; nous, donc, nous jugeons de la qualité de l’un et de l’autre d’après l’ordre dans lequel l’amour descend ou monte, et ainsi s’avance de son origine vers son but. » Au bas était la lettre D.

112. En dernier lieu, ou la NEUVIÈME FOIS, il prit le papier sur lequel il lut ceci : « Nous, natifs de la même contrée, dans notre Comité, nous avons exercé notre jugement sur les deux sujets proposés, à savoir, sur l’Origine de l’Amour conjugal, et sur l’Origine de sa vertu ou puissance. Quand nous avons agité les choses subtiles qui concernent l’origine de l’amour conjugal, pour éviter l’obscurité dans nos raisonnements, nous avons distingué l’amour du sexe en spirituel, naturel et charnel ; par l’amour spirituel du sexe nous entendons l’Amour vraiment conjugal, parce que cet amour est spirituel ; par l’amour naturel du sexe nous entendons l’amour polygamique, parce que celui-ci est naturel : et par l’amour entièrement charnel du sexe nous entendons l’amour scortatoire, parce que celui-ci est entièrement charnel. Quand nous avons examiné avec notre jugement l’amour vraiment conjugal, nous avons clairement vu que cet amour existe seulement entre un seul homme et une seule femme, et que de création il est céleste, intime, puis aussi l’âme et le père de tous les bons amours, ayant été inspiré à nos Premiers Parents, et pouvant être inspiré aux Chrétiens ; il est même tellement conjonctif, que par lui deux Mentals peuvent devenir un seul Mental, et deux Hommes (Homines), à savoir, un homme et une femme, peuvent devenir comme un seul Homme (Homo), ce qui est entendu par devenir une seule Chair. Que de création cet Amour ait été inspiré, cela est évident par ces paroles dans le Livre de la Création : « Et l’homme laissera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront en une seule Chair. » – Gen II. 24. – Qu’il puisse être inspiré aux Chrétiens, on le voit clairement par ces paroles : « Jésus dit : N’avez-vous pas lu que Celui qui a fait au commencement mâle et femelle les fit, et dit : À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et les deux seront dans une seule chair ; c’est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule Chair. » – Matth. XIX. 4, 5, 6 ; – voilà ce qui concerne l’origine de l’amour conjugal. Quant à l’origine de la Vertu ou puissance de l’amour vraiment conjugal, nous présumons qu’elle vient de la ressemblance des mentals, et de l’unanimité ; car lorsque deux Mentals sont conjugalement conjoints, leurs pensées alors se donnent l’une à l’autre spirituellement des baisers, et elles inspirent au corps leur vertu ou puissance. » Au bas était la lettre S.

113. Derrière une Cloison oblongue dans le Palais, dressée devant les portes, se tenaient debout des étrangers d’Afrique, qui crièrent aux indigènes d’Europe : « Permettez que quelqu’un de nous expose aussi son sentiment sur l’Origine de l’Amour conjugal, et sur sa Vertu ou puissance. » Et toutes les Tables firent signe avec les mains que cela était permis ; et alors l’un d’eux entra et se plaça vers la Table sur laquelle avait été posée la Tiare ; et il dit : « Vous, Chrétiens, vous déduisez de l’Amour même l’origine de l’Amour conjugal ; mais nous, Africains, nous la déduisons du Dieu du Ciel et de la Terre ; est-ce que l’Amour Conjugal n’est pas un Amour chaste, pur et saint ? Est-ce que les Anges du Ciel ne sont pas dans cet Amour ? Est-ce que le Genre Humain tout entier, et par suite le Ciel Angélique tout entier, ne sont pas la Semence de cet Amour ? Est-ce qu’une chose si suréminente peut tirer son existence d’autre part que de Dieu Même, Créateur et Conservateur de l’Univers ? Vous, Chrétiens, vous déduisez la Vertu ou puissance conjugale de diverses causes rationnelles et naturelles ; mais nous, Africains, nous la déduisons de l’état de conjonction de l’homme avec le Dieu de l’Univers ; cet état, nous l’appelons, nous, l’état de la Religion ; mais vous, vous l’appelez l’état de l’Église ; car, puisque l’Amour vient de cet état, et qu’il est stable et perpétuel, il ne peut manquer d’opérer sa vertu, qui est semblable à lui, et de même par conséquent stable et perpétuelle. L’Amour vraiment conjugal est seulement connu d’un petit nombre de personnes, qui sont proches de Dieu, et par suite la puissance de cet amour n’est point connue des autres ; cette puissance, avec cet amour, est décrite par les Anges dans les Cieux comme le délice d’un printemps perpétuel. »

114. Lorsqu’il eut prononcé ces paroles, tous se levèrent ; et voici, derrière la Table d’or, sur laquelle était la Tiare, il apparut une Fenêtre qui auparavant n’avait pas été vue, et à travers la fenêtre fut entendue une voix : « LA TIARE SERA POUR L’AFRICAIN. » Et l’Ange la lui mit dans la main, mais non sur la tête ; et lui s’en alla avec la tiare dans sa maison ; et les habitants des Royaumes d’Europe, étant sortis, montèrent dans leurs Chars, et retournèrent dans leurs sociétés respectives.

115. SECOND MÉMORABLE : Ayant été réveillé de mon sommeil au milieu de la nuit, je vis à une certaine hauteur vers l’Orient un Ange tenant dans la main droite un Papier qui, d’après la lumière du Soleil, apparaissait d’une blancheur éclatante ; il y avait au milieu une Écriture en lettres d’or ; et je vis écrit : MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI ; de l’Écriture sortit une splendeur qui forma un large cercle autour du Papier ; ce cercle ou contour apparut ensuite comme apparaît l’aurore dans la saison du printemps. Après cela, je vis l’Ange descendre avec le Papier à la main, et à mesure qu’il descendait, le Papier apparaissait de moins en moins brillant, et cette Écriture, à savoir : MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI, apparaissait changée de couleur d’or en couleur d’argent, ensuite en une couleur d’airain, puis en couleur de fer, enfin en couleur de rouille de fer et de rouille d’airain ; et enfin je vis l’Ange entrer dans un Nuage obscur, et arriver à travers le Nuage sur la Terre ; et là quoique ce Papier fût encore dans la main de l’Ange, je ne le vis pas ; cela se passait dans le Monde des esprits, dans lequel arrivent d’abord tous les hommes après la mort ; et alors l’Ange me parla en disant : « Demande à ceux qui viennent ici, s’ils me voient, ou s’ils voient quelque chose dans ma main. » Il vint une multitude d’esprits, les uns de l’orient, d’autres du midi, d’autres de l’occident, d’autres du septentrion, et je demandai à ceux qui venaient de l’Orient et du Midi, – c’étaient ceux qui dans le Monde s’étaient livrés à l’érudition, – s’ils voyaient quelqu’un près de moi, et s’ils voyaient quelque chose dans sa main ; tous dirent qu’ils ne voyaient absolument rien ; ensuite je fis la même question à ceux qui venaient de l’Occident et du Septentrion, – c’étaient ceux qui dans le Monde avaient cru aux paroles des érudits, – ils dirent qu’ils ne voyaient rien non plus ; cependant les derniers d’entre eux, qui dans le Monde avaient été dans la foi simple d’après la charité, ou dans quelque vrai d’après le bien, après que les premiers se furent retirés, dirent qu’ils voyaient un Homme avec un Papier, l’Homme vêtu élégamment, et le Papier avec des lettres tracées dessus ; et lorsqu’ils eurent approché les yeux, ils dirent qu’ils lisaient MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI ; et ils s’adressèrent à l’Ange, en le priant de dire ce que cela signifiait ; et il dit : « Toutes les choses qui existent dans le Ciel entier, et toutes celles qui existent dans le Monde enlier, ne sont que le Mariage du bien et du vrai, parce que toutes et chacune d’elles, tant celles qui vivent et sont animées, que celles qui ne vivent point et ne sont point animées, ont été créées du Mariage du bien et du vrai et pour ce Mariage ; il n’existe rien de créé pour le Vrai seul, ni rien pour le Bien seul, le bien seul ou vrai seul n’est rien, mais par le Mariage ils existent et deviennent quelque chose de tel qu’est un mariage. Dans le Seigneur Dieu Créateur, le Divin Bien et le Divin Vrai sont dans leur Substance même, l’Être de la Substance de Dieu est le Divin Bien, et l’Exister de la Substance de Dieu est le Divin Vrai ; en Lui aussi ils sont dans leur Union même, car en Lui ils sont un d’une manière infinie ; comme ces deux sont un dans Dieu Créateur Lui-Même, c’est pour cela qu’ils sont aussi un dans toutes et dans chacune des choses créées par Lui ; par là aussi le Créateur a été conjoint avec toutes ses créatures par une alliance éternelle comme par une alliance de Mariage. » De plus, l’Ange dit : « L’Écriture Sainte, qui a procédé immédiatement du Seigneur, est dans le commun et dans la partie le Mariage du bien et du vrai ; et comme l’Église qui est formée par le Vrai de la Doctrine, et la Religion qui est formée par le Bien de la vie selon le Vrai de la Doctrine, sont, chez les Chrétiens, uniquement tirées de l’Écriture Sainte, on peut voir que l’Église dans le commun et dans la partie est le Mariage du Bien et du Vrai. » – Que cela soit ainsi, on le voit dans L’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 373, 483. – Ce qui a été dit ci-dessus du Bien et du Vrai a été dit aussi pour le MARIAGE DE LA CHARITÉ ET DE LA FOI, parce que le Bien appartient à la Charité, et le Vrai appartient à la Foi. Quelques-uns des premiers qui n’avaient pas vu l’Ange ni l’Écriture, étant encore présents et entendant ces paroles, dirent à demi voix : « Qui, nous comprenons cela. » Mais alors l’Ange leur dit : « Détournez-vous un peu de moi, et dites la même chose. » Et ils se détournèrent, et ils dirent à voix pleine : « Non, cela n’est pas ainsi. » Ensuite l’Ange parla du MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI chez les Époux, en disant : « Si leurs mentals étaient dans ce Mariage, le Mari étant le Vrai et l’Épouse le Bien de ce vrai, ils seraient tous deux dans les délices de la béatitude de l’innocence, et par suite dans la félicité dans laquelle sont les Anges du Ciel ; dans cet état le prolifique du mari serait dans un continuel printemps et par suite dans l’effort et la vertu de propager son vrai, et l’épouse serait dans une continuelle réception de ce vrai d’après l’amour ; la sagesse, qui chez les maris vient du Seigneur, ne sent rien de plus agréable que de propager ses vrais ; et l’amour de la sagesse, qui chez les épouses vient du Seigneur, ne sent rien de plus délicieux que de les recevoir comme dans un utérus, et ainsi de les concevoir, les porter et les enfanter ; les prolifications spirituelles chez les Anges du Ciel sont de cette sorte ; et si vous le voulez croire, de cette origine sont aussi les prolifications naturelles. » L’Ange, après avoir donné le salut de paix, s’éleva de terre, et porté à travers le nuage il monta dans le Ciel ; et alors, à mesure qu’il montait, le Papier brillait comme auparavant ; et voici, alors le Cercle, qui auparavant avait apparu comme l’aurore, s’abaissa ; et il dissipa le Nuage qui avait répandu des ténèbres sur la Terre, et le temps devint clair et serein.

 

 

 

DU MARIAGE DU SEIGNEUR ET DE L’ÉGLISE, ET DE SA CORRESPONDANCE.

 

 

116. S’il est aussi traité ici du Mariage du Seigneur et de l’Église et de sa Correspondance, c’est parce que sans la science et sans l’intelligence concernant ce sujet, il est à peine quelqu’un qui puisse savoir que l’Amour Conjugal dans son origine est saint, spirituel et céleste, et qu’il vient du Seigneur. Dans l’Église, il est vrai, quelques-uns disent que les Mariages ont une relation avec le Mariage du Seigneur et de l’Église, mais quelle est cette relation, on l’ignore ; afin donc qu’elle se présente à la vue dans quelque lumière de l’entendement, il est nécessaire qu’il soit traité en particulier de ce Saint Mariage, qui est chez ceux et dans ceux qui sont l’Église du Seigneur ; c’est aussi chez eux et non chez d’autres qu’il y a l’Amour vraiment conjugal. Mais pour l’élucidation de cet Arcane, le sujet sera divisé dans les Articles suivants : I. Le Seigneur dans la Parole est appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse ; puis, la conjonction du Seigneur avec l’Église, et la conjonction réciproque de l’Église avec le Seigneur, est appelée Mariage. II. Puis aussi, le Seigneur est appelé Père, et l’Église Mère. III. Les lignées du Seigneur comme Mari et Père, et de l’Église comme Épouse et Mère, sont toutes spirituelles, et dans le sens spirituel de la Parole elles sont entendues par fils et filles, frère et sœurs, gendres et brus, et par les autres noms relatifs à la génération. IV. Les lignées spirituelles, qui naissent du Mariage du Seigneur avec l’Église, sont les Vrais dont procèdent l’entendement, la perception et toute pensée, et les Biens dont procèdent l’amour, la charité et toute affection. V. Du mariage du bien et du vrai, qui procède du Seigneur et influe, l’homme reçoit le vrai, et le Seigneur conjoint le bien à ce vrai, et c’est ainsi que l’Église est formée par le Seigneur chez l’homme. VI. Le mari ne représente pas le Seigneur et l’épouse ne représente pas l’Église, parce que tous deux ensemble, le mari et l’épouse, constituent l’Église. VII. C’est pourquoi il n’y a pas Correspondance du mari avec le Seigneur, ni de l’épouse avec l’Église, dans les Mariages des Anges dans les Cieux et des hommes dans les terres. VIII. Mais il y a Correspondance avec l’Amour conjugal, la sémination, la prolification, l’amour des enfants, et autres choses semblables qui sont dans les Mariages, et qui en procèdent. IX. La Parole est le médium de conjonction, parce qu’elle vient du Seigneur, et est ainsi le Seigneur. X. L’Église vient du Seigneur, et elle est chez ceux qui s’adressent à Lui et vivent selon Ses préceptes. XI. L’Amour conjugal est selon l’état de l’Église, parce qu’il est selon l’état de la sagesse chez l’homme. XII. Et comme l’Église vient du Seigneur, l’Amour conjugal vient aussi de Lui. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

117. I. Le Seigneur dans la Parole est appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse ; puis, la conjonction du Seigneur avec l’Église, et la conjonction réciproque de l’Église avec le Seigneur, est appelée Mariage. Que le Seigneur dans la Parole soit appelé le Fiancé et le Mari, et l’Église la Fiancée et l’Épouse, on peut le voir par ces passages : Celui qui a la FIANCÉE, FIANCÉ il est ; mais l’ami du FIANCÉ, qui se tient debout et l’écoute, de joie se réjouit à cause de la voix du FIANCÉ. » – Jean. III. 29 ; – ces paroles ont été dites du Seigneur par Jean-Baptiste. « Jésus dit : Tant qu’avec eux est le FIANCÉ, les FILS DES NOCES ne peuvent jeûner ; mais des jours viendront que le FIANCÉ leur sera ôté, alors ils jeûneront. » – Matth. IX. 15. Marc, II. 19, 20. Luc, V. 34, 35. – « Je vis la Ville Sainte, Jérusalem Nouvelle, parée comme une FIANCÉE ornée pour SON MARI. » – Apoc. XXI. 2 ; – que par la Nouvelle Jérusalem il soit entendu la Nouvelle Église du Seigneur, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 880, 881. L’Ange dit Jean : Viens, je te montrerai LA FIANCÉE, DE L’AGNEAU L’ÉPOUSE ; et il lui montra la Ville, la Sainte Jérusalem. » – Apoc. XXI. 9, 10. – « Il est venu le temps des NOCES DE L’AGNEAU, et SON ÉPOUSE s’est parée ; heureux ceux qui au souper des NOCES DE L’AGNEAU ont été appelés. » – Apoc. XIX, 7, 9. – Par le FIANCÉ, au devant duquel vinrent les cinq Vierges préparées, qui entrèrent avec Lui dans la salle des NOCES, – Matth. XXV. 1 à 10, – il est entendu le Seigneur, comme il est évident par le Vers. 13, où il est dit : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas le jour, ni l’heure où le FILS DE L’HOMME viendra. » – Et en outre, dans beaucoup de passages dans les Prophètes.

118. II. Puis aussi, le Seigneur est appelé Père, et l’Église Mère. Que le Seigneur soit appelé Père, on le voit par ces passages : « Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné, et sera appelé son nom : Admirable, Conseiller, Dieu, PÈRE D’ÉTERNITÉ, Prince de paix. » – Ésaïe, IX. 5. – « Toi, JÉHOVAH, NOTRE PÈRE, NOTRE RÉDEMPTEUR dès le siècle (est) ton nom. » – Ésaïe, LXIII. 16. – « Jésus dit : Qui me voit, voit le PÈRE qui m’a envoyé. » – Jean, XII. 45. – « Si vous M’aviez connu, mon PÈRE aussi vous auriez connu, et dès à présent vous l’avez connu, et vous l’avez vu. » – Jean XIV. 7. – « Philippe dit : Montre-nous le PÈRE ; Jésus lui dit : Qui M’a vu a vu le PÈRE ; comment donc, toi, dis-tu : Montre-nous le PÈRE ? » – Jean, XlV. 8, 9. – « Jésus dit : LE PÈRE ET MOI nous sommes un. » – Jean, X. 30. – « Toutes les choses que le PÈRE a, sont miennes. » – Jean, XVI. 15. XVII. 10. – « LE PÈRE est EN MOI, et MOI DANS LE PÈRE. » – Jean, X. 38. XIV. 10, 11, 20. – Que le Seigneur et son Père soient un, comme l’Âme et le Corps sont un ; et que Dieu le Père soit descendu du Ciel, et ait pris l’Humain pour racheter et sauver les hommes, et que son Humain soit ce qui est appelé le Fils envoyé dans le Monde, c’est ce qui a été pleinement montré dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE.

119. Que l’Église soit appelée Mère, on le voit par ces passages : « Jéhovah dit : Plaidez avec votre MÈRE ; elle n’est point mon ÉPOUSE, et Moi je ne suis point son Mari. » – Hosée, II. 2, 5. – « Tu es, toi, la fille de ta MÈRE, qui dédaigne son MARI. » – Ézéch. XVI. 45. – « Où est la lettre de divorce de votre MÈRE, que j’ai renvoyée ? » – Ésaïe, L. 1. – « Ta MÈRE, comme le cep près des eaux planté, est devenue chargée de fruits. » – Ézéch. XIX. 10 ; – ces passages concernent l’Église Juive. « Jésus, étendant sa main vers ses disciples, dit : Ma MÈRE et mes frères sont ceux qui entendent la Parole de Dieu, et qui la font. » – Luc. VIII. 21. Matth. XII. 48, 49. Marc, III. 33, 34, 35 ; – par les disciples du Seigneur il est entendu l’Église. « Près de la croix de Jésus se tenait sa Mère ; et Jésus voyant sa MÈRE, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa Mère : Femme, voilà ton fils ; et il dit au disciple : Voilà ta Mère, c’est pourquoi, dès cette heure-là, ce disciple la prit chez lui. » – Jean, XIX. 25, 26, 27, – par ces paroles il est entendu que le Seigneur n’a point reconnu Marie pour Mère, mais l’Église, c’est pourquoi il l’appelle Femme et Mère du disciple ; s’il l’a appelée Mère de ce disciple ou de Jean, c’est parce que Jean représentait l’Église quant aux Biens de la charité ; ces biens sont l’Église dans l’effet même ; c’est pour cela qu’il est dit qu’il la prit chez lui. Que Pierre ait représenté la vérité et la Foi, Jacques la Charité, et Jean les Œuvres de la charité, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 5, 6, 790, 798, 879 ; et que les douze Disciples aient représenté ensemble l’Église quant à toutes les choses qui la concernent, Nos 233, 790, 903, 915.

120. III. Les lignées du Seigneur comme Mari et Père, et de l’Église comme Épouse et Mère, sont toutes spirituelles, et dans le sens spirituel de la Parole, elles sont entendues par fils et filles, frères et sœurs, gendres et brus, et par les autres noms relatifs à la génération. Qu’il ne naisse pas d’autres lignées du Seigneur par l’Église, ceci n’a pas besoin de démonstration, parce que la raison le voit suffisamment ; en effet, c’est du Seigneur que procèdent tout Bien et tout Vrai, et c’est l’Église qui les reçoit et les met en effet ; et tous les spirituels du Ciel et de l’Église se réfèrent au bien et au vrai ; de là vient que par Fils et Filles dans la Parole, dans son sens spirituel, il est entendu les vrais et les biens, par fils les vrais conçus dans l’homme Spirituel, et nés dans l’homme Naturel, et par filles pareillement les biens ; c’est pourquoi, ceux qui ont été régénérés par le Seigneur sont appelés, dans la Parole, fils de Dieu, fils du Royaume, nés de Lui ; et le Seigneur a appelé fils ses disciples : par l’enfant mâle que la Femme a enfanté, et qui a été enlevé vers Dieu, – Apoc. XII. 5, – il n’est pas non plus entendu autre chose, voir l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 543. Comme par les Filles sont signifiés les biens de l’Église, c’est pour cela que dans la Parole il est dit tant de fois la Fille de Sion, de Jérusalem, d’Israël et de Jehudah, par laquelle il est signifié, non pas quelque fille, mais l’affection du bien, affection qui appartient à l’Église ; voir aussi l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 612. Le Seigneur aussi nomme Frères et Sœurs ceux qui sont de son Église, – Matth. XII. 49. XXV. 40. XXVIII. 10. Marc, III. 35. Luc, VIII. 21.

121. IV. Les lignées spirituelles, qui naissent du Mariage du Seigneur avec l’Église, sont les Vrais dont procèdent l’entendement, la perception et toute pensée, et les Biens dont procèdent l’amour, la charité et toute affection. Que les Vrais et les Biens soient les lignées spirituelles qui naissent du Seigneur par l’Église, c’est parce que le Seigneur est le Bien même et le Vrai même, et qu’en Lui ce bien et ce vrai sont non pas deux mais un ; puis aussi, parce que du Seigneur il ne peut procéder autre chose que ce qui est en Lui et ce qui est Lui-Même. Que le Mariage du bien et du vrai procède du Seigneur, et influe chez les hommes, et soit reçu selon l’état du mental et de la vie de ceux qui sont de l’Église, c’est ce qui a été montré dans la section précédente concernant le MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI. Si l’homme a par les Vrais l’entendement, la perception et toute pensée, et par les Biens l’amour, la charité et toute affection, c’est parce que toutes les choses de l’homme se réfèrent au Vrai et au Bien ; or, il y a dans l’homme deux choses qui le constituent, la Volonté et l’Entendement, et la Volonté est le réceptacle du bien, et l’Entendement est le réceptacle du vrai : que les propres de la Volonté soient l’amour, la charité et l’affection, et les propres de l’Entendement la perception et la pensée, cela n’a pas besoin de la lumière d’une démonstration, parce que la lumière est dans cette proposition d’après l’entendement lui-même.

122. V. Du Mariage du bien et du vrai, qui procède du Seigneur et influe, l’homme reçoit le vrai, et le Seigneur conjoint le bien à ce vrai ; et c’est ainsi que l’Église est formée par le Seigneur chez l’homme. Que du bien et du vrai, qui procèdent comme un du Seigneur, l’homme reçoive le vrai, c’est parce qu’il le reçoit comme sien, et se l’approprie comme sien, car il le pense comme venant de lui, et de même il en parle ; et cela a lieu parce que le vrai est dans la lumière de l’entendement, et que par suite il le voit, et tout ce qu’il voit en soi ou dans son mental, il ne sait d’où cela vient, car il ne voit pas l’influx comme il voit les choses qui tombent sous la vue de l’œil ; de là il s’imagine que le vrai est en lui. Il a été donné à l’homme par le Seigneur, que cela apparaisse ainsi, afin qu’il soit homme, et afin qu’il y ait pour lui un réciproque de conjonction ; qu’on ajoute à cela que l’homme est né Faculté de savoir, de comprendre et de devenir sage ; et cette Faculté reçoit les vrais par lesquels elle a la science, l’intelligence et la sagesse ; et comme la femelle a été créée au moyen du vrai du mâle, et est formée pour être de plus en plus amour de ce vrai après le mariage, il s’ensuit que celle-ci aussi reçoit le vrai du mari en elle, et le conjoint avec son bien.

123. Si le Seigneur adjoint et conjoint le bien aux vrais que l’homme reçoit, c’est parce que l’homme ne peut pas prendre le bien comme par lui-même, car le bien n’est pas visible pour lui, par cette raison qu’il appartient non pas à la lumière, mais à la chaleur, et que la chaleur est sentie, mais n’est point vue ; c’est pourquoi, lorsque l’homme voit le vrai dans sa pensée, il réfléchit rarement sur le bien, qui influe de l’amour de la volonté dans le vrai, et lui donne la vie. L’Épouse ne réfléchit pas non plus sur le bien qui est chez elle, mais elle réfléchit sur l’inclination du Mari à son égard, laquelle est selon l’élévation de l’entendement du mari vers la sagesse ; le bien qui est chez elle par le Seigneur, elle l’applique sans que le mari sache quelque chose de cette application. De là se manifeste maintenant cette vérité, que l’homme reçoit du Seigneur le vrai, et que le Seigneur adjoint le bien à ce vrai, selon l’application du vrai à l’usage, ainsi à mesure que l’homme veut penser sagement, et par suite vivre sagement.

124. Si l’Église est ainsi formée par le Seigneur chez l’homme, c’est parce qu’alors l’homme est en conjonction avec le Seigneur, dans le Bien par le Seigneur, et dans le Vrai comme par lui-même ; ainsi l’homme est dans le Seigneur, et le Seigneur est en lui, selon les paroles du Seigneur dans Jean, – XV. 4, 5. – Il en est de même si au lieu du Bien l’on dit la Charité, et au lieu du Vrai la Foi, puisque le Bien appartient à la Charité, et le Vrai à la Foi.

125. VI. Le Mari ne représente pas le Seigneur, et l’Épouse ne représente pas l’Église, parce que tous deux ensemble, le Mari et son Épouse, constituent l’Église. Le langage ordinaire au dedans de l’Église, c’est que, comme le Seigneur est le chef de l’Église, de même le Mari est le chef de l’Épouse ; il résulterait de là que le Mari représente le Seigneur, et l’Épouse l’Église ; mais le Seigneur est le chef de l’Église, et l’homme (Homo), homme (vir) et femme (fæmina), sont l’Église, et plus encore le Mari et l’Épouse ensemble ; chez eux, l’Église est d’abord implantée dans l’homme, et au moyen de l’homme dans l’épouse, parce que l’homme par l’entendement reçoit le vrai de l’Église, et l’épouse le reçoit de l’homme ; mais si cela a lieu vice versa, ce n’est pas conforme à l’ordre : quelquefois, cependant, cela a lieu, mais chez des hommes qui ne sont pas des amants de la sagesse, et par suite ne sont pas non plus de l’Église, et aussi chez ceux qui, comme des esclaves, dépendent des caprices de leurs épouses. Sur ce sujet, voir quelques particularités dans les PRÉLIMINAIRES, No 21.

126. VII. C’est pourquoi, il n’y a pas correspondance du mari avec le Seigneur, ni de l’épouse avec l’Église, dans les Mariages des Anges dans les Cieux et des hommes dans les terres. Cela résulte, comme conséquence, de ce qui vient d’être dit ; cependant il est à ajouter qu’il semble que le vrai soit le principal de l’Église, parce qu’il en est le premier par le temps ; c’est d’après cette apparence que les Prélats de l’Église ont donné la palme à la foi, qui appartient au vrai, par préférence à la Charité qui appartient au bien ; de même les Érudits l’ont donnée à la pensée, qui appartient à l’entendement, par préférence à l’affection qui appartient à la volonté ; c’est pourquoi la connaissance de ce que c’est que le bien de la charité, et de ce que c’est que l’affection de la volonté, est cachée comme ensevelie dans un tombeau, et même quelques-uns ont jeté de la terre dessus comme sur les morts, afin qu’elle ne se relève point ; que cependant le bien de la charité soit le principal de l’Église, c’est ce que peuvent voir, les yeux ouverts, ceux qui n’ont point bouché le chemin du Ciel à leur entendement en se confirmant, à l’égard de la foi, qu’elle seule constitue l’Église et, à l’égard de la pensée, qu’elle seule constitue l’homme. Maintenant, puisque le Bien de la charité vient du Seigneur, et que le Vrai de la foi est chez l’homme comme venant de lui, et que les deux font la conjonction du Seigneur avec l’homme et de l’homme avec le Seigneur, telle qu’elle est entendue par les paroles du Seigneur, que Lui-Même est en eux, et eux en Lui, – Jean, XV, 4, 5, – il est évident que cette conjonction est l’Église.

127. VIII. Mais il y a correspondance avec l’Amour conjugal, la sémination, la prolification, l’amour des enfants, et autres choses semblables qui sont dans les Mariages, et qui en procèdent. Ces choses, toutefois, sont des arcanes trop profonds pour pouvoir entrer dans l’entendement avec quelque lumière, à moins qu’elles ne soient précédées d’une connaissance de la Correspondance ; si la Correspondance n’est pas dévoilée à l’entendement, il est impossible que les choses qui sont dans cet Article soient comprises, de quelque manière qu’on les explique. Mais ce que c’est que la Correspondance, et qu’il y ait correspondance entre les choses naturelles et les choses spirituelles, c’est ce qui a été amplement montré dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, et aussi dans les ARCANES CÉLESTES, et spécialement dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, et particulièrement dans un MÉMORABLE qui la concerne, et qu’on trouvera plus bas. Avant qu’on ait puisé quelque connaissance sur ce sujet, il sera seulement présenté devant l’entendement, comme dans une ombre, ce petit nombre de particularités : Que l’Amour conjugal correspond à l’Affection du vrai réel, à sa chasteté, à sa pureté et à sa sainteté ; que la Sémination correspond à la puissance du vrai ; que la Prolification correspond à la propagation du vrai : et que l’Amour des enfants correspond à la défense du vrai et du bien. Maintenant, puisque le Vrai chez l’homme se présente comme étant à lui, et que le Bien lui est adjoint par le Seigneur, il est évident que ces Correspondances sont celles de l’homme Naturel ou Externe avec l’homme Spirituel ou Interne : mais quelque lumière sera répandue sur ce sujet dans les MÉMORABLES qui suivent.

128. IX. La Parole est le Médium de conjonction, parce qu’elle vient du Seigneur, et est ainsi le Seigneur. Si la Parole est le Médium de conjonction du Seigneur avec l’homme, et de l’homme avec le Seigneur, c’est parce que dans son essence elle est le Divin Vrai uni au Divin Bien, et le Divin Bien uni au Divin Vrai ; que cette union soit dans toutes et dans chacune des choses de la Parole dans son sens céleste et dans son sens spirituel, on le voit dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 373, 483, 689, 881 ; d’où il suit que la Parole est le parfait Mariage du bien et du vrai ; et comme elle vient du Seigneur, et que ce qui vient de Lui est aussi Lui-même, il s’ensuit que quand l’homme lit la Parole, et qu’il en tire des vrais, le Seigneur adjoint le bien ; en effet, l’homme ne voit pas les biens qui affectent, parce qu’il la lit d’après l’entendement, et que l’entendement n’y puise que les choses qui lui appartiennent, lesquelles sont des vrais ; que le bien y soit adjoint par le Seigneur, l’entendement le sent d’après le plaisir qui influe quand il est illustré, mais cela n’a lieu intérieurement que chez ceux qui la lisent dans le but de devenir sages, et le but de devenir sages est en ceux qui veulent y apprendre des vrais réels, et par ces vrais former chez eux l’Église : mais ceux qui la lisent seulement pour obtenir une renommée d’érudition, et ceux qui la lisent dans l’opinion que seulement la lire ou l’entendre lire inspire la foi et conduit au salut, ne reçoivent aucun bien du Seigneur, parce que ceux-ci ont pour but de se sauver par des expressions seules de la Parole, dans lesquelles il n’y a pas quelque chose du vrai ; et que ceux-là ont pour but de se distinguer par l’érudition, but avec lequel ne se conjoint aucun bien spirituel, mais seulement le plaisir naturel qui procède de la gloire du Monde. Comme la Parole est le Médium de conjonction, c’est pour cela qu’elle est appelée l’Alliance, Ancienne et Nouvelle ; et l’Alliance signifie la conjonction.

129. X. L’Église vient du Seigneur, et elle est chez ceux qui s’adressent à Lui, et vivent selon Ses préceptes. Aujourd’hui on ne nie pas que l’Église n’appartienne au Seigneur, et que, puisqu’elle appartient au Seigneur, elle ne vienne du Seigneur : si elle est chez ceux qui s’adressent à Lui, c’est parce que son Église, dans le Monde Chrétien, existe par la Parole, et que la Parole vient de Lui, et tellement de Lui qu’elle est Lui-Même ; le Divin Vrai y est uni au Divin Bien, et cela aussi est le Seigneur ; il n’est pas entendu autre chose par la Parole, qui était chez Dieu, et qui était Dieu, de laquelle les hommes tiennent la Vie et la Lumière, et qui a été faite Chair, – Jean, 1. 1 à 14. – Et de plus, si l’Église est chez ceux qui s’adressent à Lui, c’est parce qu’elle est chez ceux qui croient en Lui ; or, croire qu’il est Dieu Sauveur et Rédempteur, qu’il est Jéhovah la Justice ; qu’il est la Porte par laquelle on doit entrer dans la Bergerie, c’est-à-dire, dans l’Église ; qu’il est le Chemin, la Vérité et la Vie ; que personne ne vient au Père que par Lui ; que le Père et Lui sont un, outre plusieurs autres choses que Lui-Même enseigne ; croire, dis-je, ces choses, personne ne le peut que par Lui ; si on ne le peut, à moins qu’on ne s’adresse à Lui, c’est parce qu’il est le Dieu du Ciel et de la Terre, comme il l’enseigne encore ; en est-il un autre à qui l’on doive s’adresser ? en est-il un autre à qui l’on puisse s’adresser ? Si l’Église est chez ceux qui vivent selon ses préceptes, c’est parce qu’il n’y a pas conjonction avec les autres ; car il dit : « Celui qui a mes préceptes et les fait, c’est celui-là qui M’aime, et Moi je l’aimerai, et demeure chez lui je ferai ; mais celui qui ne M’aime pas, mes préceptes ne garde pas. » – Jean, XlV. 21 à 24 ; – l’amour est la conjonction, et la conjonction avec le Seigneur est l’Église.

130. XI. L’Amour conjugal est selon l’état de l’Église, parce qu’il est selon l’état de la Sagesse chez l’homme. Que l’Amour conjugal soit selon l’état de la Sagesse chez l’homme, cela a déjà été dit très-souvent et sera dit très-souvent dans la suite ; ici donc il sera montré avec lumière ce que c’est que la Sagesse, et que la Sagesse fait un avec l’Église : « Chez l’homme il y a la Science, l’intelligence et la Sagesse ; la Science appartient aux connaissances, l’intelligence à la raison, et la Sagesse à la vie ; la Sagesse, considérée dans son plein, appartient en même temps aux connaissances, à la raison et à la vie ; les Connaissances précèdent, la Raison est formée par elles, et la Sagesse l’est par celles-là et par celle-ci, et alors que rationnellement on vit selon les vérités qui sont les connaissances : la Sagesse appartient donc et à la raison et à la vie en même temps, et devient Sagesse lorsqu’elle appartient à la raison et par suite à la vie, mais elle est Sagesse lorsqu’elle est parvenue à appartenir à la vie et par suite à la raison. Les Très-Anciens, dans ce Monde, n’ont pas reconnu d’autre Sagesse que la sagesse de la vie ; celle-ci était la sagesse de ceux qui ont été jadis appelés SOPHI (sages) ; mais, après ces Très-Anciens, les Anciens ont reconnu pour sagesse la sagesse de la raison, et ceux-ci ont été appelés PHILOSOPHES : aujourd’hui, cependant, plusieurs appellent même sagesse la science ; car les savants, les érudits, et les demi-savants (scii) sont appelés sages ; ainsi du sommet de sa montagne la Sagesse est tombée dans sa vallée. Quant à ce que c’est que la Sagesse à sa naissance, dans son progrès et par suite dans son état plein, il en sera aussi parlé en quelques mots. Les choses qui concernent l’Église, et sont appelées Spirituelles, résident dans les intimes chez l’homme ; celles qui concernent la République, et sont appelées Civiles, ont leur place au-dessous ; et celles qui concernent la science, l’expérience et l’art, et sont appelées Naturelles, constituent le siège des précédentes : si les choses qui concernent l’Église, et sont appelées spirituelles, résident dans les intimes chez l’homme, c’est parce qu’elles se conjoignent avec le Ciel, et par le Ciel avec le Seigneur, car du Seigneur par le Ciel il n’en entre pas d’autres chez l’homme ; si celles qui concernent la République, et sont appelées civiles, tiennent la place au-dessous des spirituelles, c’est parce qu’elles se conjoignent avec le Monde ; en effet, elles appartiennent au Monde, car ce sont des statuts, des lois et des règlements, qui lient les hommes, afin que par elles la Société et la Cité soient dans un état régulier et convenable ; si celles qui concernent la science, l’expérience et l’art, et sont appelées Naturelles, constituent le siège des précédentes, c’est parce qu’elles se conjoignent étroitement avec les cinq sens du corps, et ceux-ci sont les derniers, sur lesquels sont pour ainsi dire assis les intérieurs qui appartiennent au mental, et les intimes qui appartiennent à l’âme. Maintenant, puisque les choses qui concernent l’Église, et sont appelées spirituelles, résident dans les intimes, et puisque celles qui résident dans les intimes font la tête, et que celles qui les suivent, appelées civiles, font le corps, et les dernières, appelées naturelles, les pieds, il est évident que quand ces trois genres de choses se suivent dans leur ordre, l’homme est homme parfait ; car alors elles influent de la même manière que les choses qui appartiennent à la tête influent dans le corps, et par le corps dans les pieds ; ainsi, les Spirituelles dans les Civiles et par les civiles dans les Naturelles. Or, comme les Spirituelles sont dans la lumière du Ciel, il est évident que par leur lumière elles illustrent celles qui suivent en ordre, et que par leur chaleur, qui est l’amour, elles les animent ; et quand cela a lieu, l’homme possède la sagesse. Puisque la Sagesse appartient à la vie, et par suite à la raison, comme il a été dit ci-dessus, on demande ce que c’est que la sagesse de la vie : Cette sagesse, dans un aperçu sommaire, consiste à fuir les maux, parce qu’ils sont nuisibles à l’Âme, nuisibles à la République et nuisibles au Corps, et à faire les biens, parce qu’ils sont profitables à l’Âme, à la République et au Corps. C’est là la Sagesse qui est entendue par la sagesse avec laquelle l’Amour conjugal se lie : car il se lie, par cela qu’il fuit le mal de l’adultère comme la peste de l’âme, de la république et du corps ; et comme cette Sagesse a son origine dans les choses spirituelles qui appartiennent à l’Église, il s’ensuit que l’Amour conjugal est selon l’état de l’Église chez l’homme, parce qu’il est chez lui selon l’état de la sagesse ; par là est aussi entendu ce qui a été fréquemment dit ci-dessus, que, autant l’homme devient spirituel, autant il est dans l’Amour vraiment conjugal ; car l’homme devient spirituel par les choses spirituelles de l’Église. » On verra ci-dessous, Nos 163, 164, 165, de plus grands développements sur la Sagesse avec laquelle se conjoint l’amour conjugal.

131. XII. Et comme l’Église vient du Seigneur, l’Amour conjugal vient aussi du Seigneur. Ceci étant la conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, il est inutile de le confirmer davantage. De plus, tous les Anges du Ciel attestent que l’Amour vraiment conjugal vient du Seigneur ; et aussi, que cet Amour est selon l’état de la sagesse, et l’état de la sagesse selon l’état de l’Église chez eux. Que les anges du Ciel attestent ces choses, on le voit dans les MÉMORABLES qui sont après les Chapitres, et qui contiennent des choses vues et entendues dans le Monde spirituel.

 

 

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132. À ce qui précède j’ajouterai ces deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour je m’entretins avec deux Anges, l’un était du Ciel oriental et l’autre du Ciel méridional ; lorsqu’ils perçurent que je méditais sur les Arcanes de la sagesse concernant l’Amour conjugal, ils me dirent : « As-tu quelque connaissance des JEUX DE LA SAGESSE dans notre Monde ? » Je répondis : « Pas encore » ; et ils dirent : « Il y en a plusieurs, et ceux qui aiment les vrais d’après l’affection spirituelle, ou parce que ce sont des vrais et que la sagesse existe par les vrais, se réunissent à un signal donné, et ils agitent et décident des questions qui appartiennent à un entendement très-profond. » Alors ils me prirent par la main, en disant : « Suis-nous, et tu verras et tu entendras ; le signal de la réunion a été donné aujourd’hui. » Je fus conduit à travers une plaine vers une Colline ; et voici, au pied de la colline, un Portique de palmiers, continué jusqu’à son sommet ; nous y entrâmes et nous montâmes ; et sur la tête ou le sommet de la Colline je vis un Bocage, dont les arbres sur une élévation du sol formaient une sorte de Théâtre, au dedans duquel était un plan pavé de petites pierres de diverses couleurs ; autour de ce plan en forme carrée avaient été placés des Sièges sur lesquels étaient assis des amateurs de la sagesse ; et dans le milieu du Théâtre était une Table, sur laquelle avait été placé un Papier cacheté. Ceux qui étaient assis sur les Sièges nous invitèrent à prendre des Sièges encore vacants, et je répondis : « J’ai été conduit ici par deux Anges pour voir et entendre, et non pour m’asseoir. » Et alors ces deux Anges allèrent un milieu du plan vers la Table, et ils rompirent le cachet du papier, et ils lurent devant ceux qui étaient assis les arcanes de la sagesse écrits sur le papier, lesquels allaient être agités et développés ; ils avaient été écrits par des Anges du Troisième Ciel, et envoyés de là sur la table ; il y avait là trois Arcanes, le PREMIER : Qu’est-ce que l’Image de Dieu, et qu’est-ce que la Ressemblance de Dieu, selon lesquelles l’homme a été créé ? Le SECOND : Pourquoi l’homme ne naît-il dans la science d’aucun amour, lorsque cependant les Bêtes et les Oiseaux, tant nobles qu’ignobles, naissent dans les sciences de tous leurs amours ? Le TROISIÈME : Que signifie l’Arbre de vie ; que signifie l’Arbre de la science du bien et du mal ; et que signifie l’Action de manger de ces arbres ? Au bas était écrit : Réunissez les trois décisions dans une seule sentence, et écrivez-la sur un nouveau Papier, et replacez-le sur cette table, et nous verrons ; si la sentence, dans la balance, paraît de poids et juste, le prix de la sagesse sera donné à chacun de vous. Après cette lecture les deux Anges se retirèrent, et ils furent enlevés dans leurs Cieux. Et alors ceux qui étaient assis sur les Sièges commencèrent à agiter et à développer les Arcanes qui leur étaient proposés ; et ils parlèrent en ordre ; d’abord, ceux qui étaient assis au Septentrion, ensuite ceux qui étaient à l’Occident, puis ceux qui étaient au Midi, et enfin ceux qui étaient à l’Orient ; et ils prirent le Premier sujet de discussion, qui était : QU’EST-CE QUE L’IMAGE DE DIEU ; ET QU’EST-CE QUE LA RESSEMBLANCE DE DIEU, SELON LESQUELLES L’HOMME À ÉTÉ CRÉÉ ? Et alors on lut d’abord devant tous les assistants ces passages du Livre de la Création ; « Dieu dit : Faisons l’homme à NOTRE IMAGE, selon NOTRE RESSEMBLANCE : et Dieu créa l’homme à SON IMAGE, à L’IMAGE DE DIEU il le créa. – Gen. I. 26, 27. – « Au jour que Dieu créa l’homme, à LA RESSEMBLANCE DE DIEU il le fit. – Gen. V. 1. – Ceux qui étaient assis au Septentrion parlèrent d’abord, disant que l’Image de Dieu et la Ressemblance de Dieu sont les deux Vies inspirées en l’homme par Dieu, c’est-à-dire, la Vie de la volonté et la Vie de l’entendement, car on lit : « Jéhovah Dieu inspira dans les narines d’Adam une âme de Vies ; et fut fait l’homme en Âme vivante. » – Gen. II. 7 ; – dans les narines, c’est dans la perception, que la volonté du bien et l’entendement du vrai, et ainsi une Âme de vies, étaient en lui ; et comme la vie lui a été inspirée par Dieu, l’Image et la Ressemblance de Dieu signifient l’Intégrité en lui d’après la Sagesse et l’Amour, et d’après la Justice et le Jugement. Ceux qui siégeaient à l’Occident étaient favorables à cette opinion, en ajoutant cependant que cet état d’intégrité, inspiré en lui par Dieu, est continuellement inspiré à chaque homme après lui ; mais que dans l’homme il est comme dans un réceptacle et que l’homme selon qu’il est réceptacle, est image et ressemblance de Dieu. Ensuite les Troisièmes en ordre, à savoir, ceux qui siégeaient au Midi, dirent : « L’image de Dieu et la Ressemblance de Dieu sont deux choses distinctes, mais unies dans l’homme par création ; et nous voyons comme par une lumière intérieure que l’homme peut détruire l’image de Dieu, mais non la ressemblance de Dieu : cela se présente comme à travers un voile, en ce qu’Adam a retenu la ressemblance de Dieu, après qu’il eut perdu l’image de Dieu, car après la malédiction, on lit ces paroles : « Voici, l’homme est comme l’un de nous, sachant le bien et le mal. » – Gen. III. 22. – Et ensuite il est appelé Ressemblance de Dieu, et non plus Image de Dieu. – Gen. V. 1. – Mais laissons dire à nos consociés qui siègent à l’Orient, et sont par conséquent dans une lumière supérieure, ce qu’est proprement l’Image de Dieu, et ce qu’est proprement la Ressemblance de Dieu. » Et alors, après que le silence fut établi, ceux qui étaient assis à l’Orient se levèrent de leurs sièges, et ils portèrent leurs regards vers le Seigneur, et ensuite ils se replacèrent sur leurs sièges, et dirent : « L’Image de Dieu est le Réceptacle de Dieu, et Dieu étant l’Amour même et la Sagesse même, l’Image de Dieu est le Réceptacle de l’amour et de la sagesse qui procèdent de Dieu dans l’homme ; mais la Ressemblance de Dieu est la parfaite ressemblance et la pleine apparence, comme si l’amour et la sagesse étaient dans l’homme, et par suite absolument comme s’ils lui appartenaient ; car l’homme ne peut faire autrement que de sentir qu’il aime par lui-même et qu’il est sage par lui-même, ou qu’il veut le bien et comprend le vrai par lui-même, lorsque cependant ce n’est pas en la moindre chose par lui-même, mais c’est par Dieu ; Dieu Seul aime par lui-même et est sage par lui-même, parce que Dieu est l’Amour même et la Sagesse même ; la ressemblance ou l’apparence que l’amour et la sagesse, ou le bien et le vrai, sont dans l’homme comme lui appartenant, fait que l’homme est homme, et qu’il peut être conjoint à Dieu, et ainsi vivre pour l’éternité ; il suit de là que l’homme est homme, en ce qu’il peut vouloir le bien et comprendre le vrai absolument comme par lui-même, et néanmoins savoir et croire que c’est par Dieu ; car à mesure qu’il sait cela et le croit, Dieu place son image dans l’homme ; il en serait autrement s’il croyait que c’est par lui-même et non par Dieu. » Après qu’ils eurent ainsi parlé, le zèle que produit l’amour de la vérité les saisit, et ils prononcèrent ces paroles : « Comment l’homme peut-il recevoir quelque chose de l’amour et de la sagesse, et le retenir et le reproduire, s’il ne le sent pas comme lui appartenant ? Et comment peut-il exister une conjonction avec Dieu par l’amour et par la sagesse, s’il n’a pas été donné à l’homme quelque réciproque de conjonction ? car sans un réciproque aucune conjonction ne peut exister ; et le réciproque de la conjonction est que l’homme aime Dieu et goûte les choses qui sont de Dieu comme par lui-même, et croie cependant que c’est par Dieu ; puis, comment l’homme peut-il vivre pour l’éternité, s’il n’a pas été conjoint à Dieu éternel ? Et par conséquent comment l’homme peut-il être homme sans cette ressemblance de Dieu en lui ? » À ces mots tous applaudirent, et dirent : « Qu’il soit tiré une conclusion de ce qui vient d’être dit » ; et l’on en tira celle-ci : « L’homme est le réceptacle de Dieu, et le Réceptacle de Dieu est l’Image de Dieu ; et comme Dieu est l’Amour même et la Sagesse même, l’homme est le réceptacle de l’amour et de la sagesse, et le Réceptacle devient l’Image de Dieu selon qu’il reçoit : et l’homme est la Ressemblance de Dieu, en ce qu’il sent en lui que les choses qui viennent de Dieu sont en lui comme si elles lui appartenaient ; mais néanmoins par cette Ressemblance il n’est l’Image de Dieu qu’autant qu’il reconnaît que l’amour et la sagesse, ou le bien et le vrai, en lui, ne sont point à lui, et ainsi ne viennent pas non plus de lui, mais sont seulement dans Dieu, et viennent par conséquent de Dieu. »

133. Après cela, ils prirent le second objet de la discussion : POURQUOI L’HOMME NE NAÎT-IL DANS LA SCIENCE D’AUCUN AMOUR, LORSQUE CEPENDANT LES BÊTES ET LES OISEAUX, TANT NOBLES QU’IGNOBLES, NAISSENT DANS LES SCIENCES DE TOUS LEURS AMOURS ? D’abord, ils confirmèrent la vérité de la proposition par divers moyens ; par exemple, au sujet de l’homme, qu’il ne naît dans aucune science, pas même dans la science de l’amour conjugal ; et ils s’informèrent, et des observateurs leur apprirent que l’enfant ne peut pas même par une science innée s’approcher de la mamelle de la mère ; mais que c’est la mère ou la nourrice qui l’en approche ; que seulement il sait téter, et qu’il a appris cela par une continuelle succion dans l’utérus ; que plus tard il ne sait ni marcher, ni articuler le son en aucune parole humaine, ni même exprimer par des sons, comme les bêtes, l’affection de son amour ; qu’en outre, il ne connaît aucun des aliments qui lui conviennent, comme les connaissent toutes les bêtes, mais qu’il prend ce qu’il rencontre, que ce soit propre ou sale, et le met dans sa bouche : ces observateurs dirent que l’homme, sans l’instruction, ne sait pas même discerner le sexe, ni absolument rien concernant les manières de l’aimer ; pas même les jeunes filles et les jeunes garçons sans en être instruits par d’autres, quoiqu’ils aient été élevés dans diverses sciences : en un mot, l’homme naît corporel comme le ver ; et il demeure corporel, à moins qu’il n’apprenne par d’autres à savoir, à comprendre et à devenir sage. Après cela, ils confirmèrent que les Bêtes, tant nobles qu’ignobles, comme les animaux de la terre, les oiseaux du ciel, les reptiles, les poissons, les vers qu’on appelle insectes, naissent dans toutes les sciences des amours de leur vie ; par exemple, dans tout ce qui concerne la nutrition, dans tout ce qui concerne l’habitation, dans tout ce qui concerne l’amour du sexe et la prolification, et dans tout ce qui concerne l’éducation de leurs petits : ils confirmaient cela par des merveilles qu’ils rappelaient dans leur mémoire d’après ce qu’ils avaient vu, entendu et lu dans le Monde naturel (c’est ainsi qu’ils appellent notre Monde), où ils avaient précédemment vécu, et dans lequel il y a des bêtes non pas représentatives mais réelles. Après que la vérité de la proposition eut été ainsi prouvée, ils appliquèrent leurs mentals à rechercher et à trouver les fins et les causes, par lesquelles ils développeraient et découvriraient cet Arcane ; et ils dirent tous : « Cela ne peut exister ainsi que d’après la Divine Sagesse, afin que l’homme soit homme, et que la bête soit bête ; et qu’ainsi l’imperfection de naissance de l’homme en vienne la perfection, et que la perfection de naissance de la bête en soit l’imperfection. »

134. Alors, ceux du SEPTENTRION commencèrent d’abord à donner leur opinion, et ils dirent que l’homme naît sans les sciences, afin qu’il puisse les recevoir toutes, tandis que s’il naissait dans les sciences, il ne pourrait en recevoir d’autres que celles dans lesquelles il serait né, et qu’alors il ne pourrait non plus s’en approprier aucune ; ils illustraient cela par cette comparaison : L’homme à sa naissance est comme un humus dans lequel aucune semence n’a été répandue, mais qui néanmoins peut recevoir toutes semences, et les faire croître et fructifier ; la bête, au contraire, est comme un humus déjà ensemencé, et rempli de gramen et d’herbes, lequel ne reçoit d’autres semences que celles qui y sont semées ; si d’autres lui étaient confiées, ils les étoufferaient ; de là vient que l’homme, pour acquérir toute sa croissance, emploie plusieurs années, pendant lesquelles il peut, comme un humus, être cultivé et produire comme des moissons, des fleurs et des arbres de toute espèce, tandis que la bête acquiert sa croissance en très-peu d’années, pendant lesquelles elle ne peut être cultivée que dans les sciences qu’elle a reçues en naissant. Ensuite ceux de l’OCCIDENT parlèrent, et ils dirent : « L’homme ne naît pas Science, comme la bête, mais il naît Faculté et Inclination, faculté pour savoir, et inclination pour aimer ; il naît faculté non-seulement pour savoir, mais aussi pour comprendre et devenir sage, et il naît inclination très-parfaite non-seulement pour aimer les choses qui sont de lui et du monde, mais aussi celles qui sont de Dieu et du Ciel ; en conséquence par ses parents l’homme naît Organe, vivant seulement par les sens externes, et d’abord sans aucun sens interne, afin que successivement il devienne homme, d’abord naturel, ensuite rationnel et enfin spirituel ; ce qui n’arriverait pas s’il naissait dans les sciences et dans les amours comme les bêtes ; en effet, les sciences et les affections innées (connatæ) limitent cette progression, mais la faculté et l’inclination innées ne limitent rien ; c’est pour cela que l’homme peut être perfectionné par la science, l’intelligence et la sagesse pendant l’éternité. » Ceux du MIDI parlèrent ensuite, et ils émirent leur opinion, en disant : « Il est impossible à l’homme d’acquérir de lui-même aucune science, mais c’est d’après les autres qu’il doit acquérir la science, puisqu’aucune science n’est innée (connata) en lui ; et comme il ne peut acquérir de lui-même aucune science, il ne peut non plus acquérir aucun amour, puisque, où n’est pas la science, là n’est pas l’amour ; la science et l’amour sont des compagnons indivisibles, et ne peuvent pas plus être séparés que la volonté et l’entendement, ou l’affection et la pensée, enfin pas plus que l’essence et la forme ; à mesure donc que l’homme acquiert des autres la science, l’amour s’y adjoint comme compagnon de la science ; l’amour universel qui s’adjoint est l’amour de savoir, de comprendre et de devenir sage ; cet amour est propre à l’homme seul, et non à aucune bête, et il influe de Dieu. Nous convenons, avec nos compagnons de l’Occident, que l’homme ne naît dans aucun amour, ni par conséquent dans aucune science, mais qu’il naît seulement dans l’inclination à aimer, et par suite dans la faculté de recevoir les sciences, non de lui-même, mais d’après d’autres, c’est-à-dire, par l’intermédiaire des autres ; il est dit par l’intermédiaire des autres, car eux aussi n’ont reçu d’eux-mêmes rien de la science, mais ont reçu de Dieu. Nous convenons aussi, avec nos compagnons du Septentrion, que l’homme à sa naissance est comme un humus dans lequel aucune semence n’a été répandue, mais où peuvent être semées toutes choses tant nobles qu’ignobles. À cela nous ajoutons que les Bêtes naissent dans les amours naturels, et par suite dans les sciences qui y correspondent, et que néanmoins elles ne savent, ne pensent, ne comprennent et ne goûtent aucune chose provenant de ces sciences, mais qu’au moyen de ces sciences elles sont conduites par leurs amours à peu près comme les aveugles dans les rues par des chiens, car elles sont aveugles quant à l’entendement ; ou plutôt elles sont comme des somnambules qui font ce qu’ils font d’après une science aveugle, l’entendement étant assoupi. » Ceux de l’ORIENT parlèrent en dernier lieu, et dirent : « Nous consentons aux opinions que nos frères ont émises, que l’homme ne sait rien de lui-même, mais qu’il sait d’après les autres et par l’intermédiaire des autres, afin qu’il connaisse et reconnaisse que tout ce qu’il sait, comprend et a de sagesse vient de Dieu ; et qu’autrement l’homme ne peut être conçu, naître et être engendré du Seigneur, ni devenir son image et sa ressemblance ; car il devient l’image du Seigneur, en ce qu’il reconnaît et croit qu’il a reçu et reçoit du Seigneur, et non de lui-même, tout bien de l’amour et de la charité, et tout vrai de la sagesse et de la foi ; et il est la ressemblance du Seigneur, en ce qu’il sent en lui ce bien et ce vrai comme venant de lui-même ; il sent cela, parce qu’il ne naît point dans les sciences, mais les reçoit, et qu’il lui semble que ce qu’il reçoit vient de lui ; le Seigneur donne même à l’homme de sentir ainsi, afin qu’il soit homme et non bête, puisque par cela qu’il veut, pense, aime, sait, comprend et devient sage comme de lui-même, il reçoit les sciences, et les exalte en intelligence, et par leurs usages, en sagesse ; ainsi le Seigneur conjoint l’homme à Lui, et l’homme se conjoint au Seigneur : ces choses n’auraient pu se faire, si le Seigneur n’avait pas pourvu à ce que l’homme naquît dans une ignorance totale. » Après ces paroles, tous voulurent qu’on formât une Conclusion de ce qui venait d’être dit, et l’on forma celle-ci : « L’homme ne naît dans aucune science, afin qu’il puisse venir dans toute science, et faire des progrès dans l’intelligence, et par l’intelligence dans la sagesse ; et il ne naît dans aucun amour, afin qu’Il puisse venir dans tout amour, par les applications des sciences d’après l’intelligence, et dans l’amour envers le Seigneur par l’amour à l’égard du prochain, et ainsi être conjoint au Seigneur, et par là devenir homme, et vivre pour l’éternité. »

135. Ensuite, ils prirent le Papier et lurent le troisième Objet de discussion, à savoir : QUE SIGNIFIE L’ARBRE DE VIE ; QUE SIGNIFIE L’ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL ; ET QUE SIGNIFIE L’ACTION DE MANGER DE CES ARBRES ? et ils demandèrent tous que ceux qui étaient de l’Orient développassent cet Arcane, parce qu’il est d’un entendement plus profond, et parce que ceux qui sont de l’Orient sont dans la lumière enflammée, c’est-à-dire, dans la sagesse de l’amour ; et cette sagesse est entendue par le Jardin d’Éden, dans lequel ces deux Arbres avaient été placés ; et ceux-ci répondirent : « Nous allons parler, mais comme l’homme ne prend rien de lui-même, et tire tout du Seigneur, nous parlerons d’après Lui, mais néanmoins d’après nous comme si c’était d’après nous-mêmes » ; et alors ils dirent : « L’Arbre signifie l’homme, et son fruit le bien de la vie ; de là par l’Arbre de vie est signifié l’homme vivant par Dieu, ou Dieu vivant dans l’homme ; et comme l’amour et la sagesse, et la charité et la foi, ou le bien et le vrai, font la vie de Dieu dans l’homme, par l’Arbre de vie sont signifiées ces choses, et par suite la vie éternelle pour l’homme. L’Arbre de vie dont il sera donné de manger, – Apoc. II. 7. XXII. 2, 14, – a la même signification. Par l’Arbre de la science du bien et du mal est signifié l’homme qui croit vivre par soi, et non par Dieu ; ainsi, qui croit que l’amour et la sagesse, la charité et la foi, c’est-à-dire, le bien et le vrai, qui sont dans l’homme sont de lui, et non de Dieu, croyant cela parce qu’il pense et veut, parle et agit en toute ressemblance et en toute apparence comme par lui-même ; et comme l’homme d’après cette croyance se persuade que Dieu s’est mis en lui ou a infusé son Divin en lui, c’est pour cela que le Serpent a dit : Dieu sait qu’au jour que vous mangerez du fruit de cet arbre, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme Dieu sachant le bien et le mal. – Gen. III. 5. – L’Action de manger de ces arbres signifie la réception et l’appropriation ; l’action de manger de l’arbre de vie, la réception de la vie éternelle ; et l’action de manger de l’arbre de la science du bien et du mal, la réception de la damnation ; c’est même pour cela qu’Adam et son Épouse ont été maudits l’un et l’autre en même temps que le Serpent ; par le Serpent est entendu le diable quant à l’amour de soi et au faste de la propre intelligence ; et cet amour est le possesseur de cet arbre, et les hommes qui sont dans le faste d’après cet amour sont ces arbres. Ils sont donc dans une grande erreur ceux qui croient qu’Adam a été sage et a fait le bien par lui-même, et que ce fut là son état d’intégrité, lorsque cependant cet Adam a été maudit à cause de cette croyance ; car cela est signifié par manger de l’arbre de la science du bien et du mal ; c’est pour cela qu’alors il tomba de l’état d’intégrité, dans lequel il avait été quand il croyait être sage et faire le bien d’après Dieu et nullement par lui-même, car ceci est entendu par manger de l’Arbre de vie. Le Seigneur Seul, étant dans le Monde, a été sage par Lui-Même et a fait le bien par Lui-Même, parce que par naissance le Divin Même était en Lui et Lui appartenait, aussi est-ce pour cela que par la propre puissance il est devenu Rédempteur et Sauveur. » De tout ce qu’ils venaient de dire ils firent cette Conclusion : « Par l’Arbre de vie, et par l’Arbre de la science du bien et du mal, et par l’Action de manger de ces arbres, il est signifié que la Vie pour l’homme est Dieu en lui, et qu’alors il a le Ciel et la Vie éternelle ; et que la Mort pour l’homme est la persuasion et la croyance que la vie pour l’homme est non pas Dieu, mais lui-même, d’où il a l’Enfer et la Mort éternelle, qui est la damnation. »

136. Après cela, ils examinèrent le Papier laissé par les Anges sur la table, et ils virent écrit au bas : RÉUNISSEZ LES TROIS DÉCISIONS EN UNE SEULE SENTENCE ; et alors ils les rassemblèrent, et ils virent qu’elles se réunissaient toutes trois en une seule série, et que cette série ou cette sentence était celle-ci : « L’homme a été créé pour recevoir de Dieu l’amour et la sagesse, et cependant en toute ressemblance comme de lui-même, et cela à cause de la réception et de la conjonction ; et c’est pour cela que l’homme ne naît dans aucun amour, ni dans aucune science, ni même dans aucune puissance d’aimer et de devenir sage par lui-même ; c’est pourquoi s’il attribue tout bien de l’amour et tout vrai de la sagesse à Dieu, il devient Homme vivant ; mais s’il se les attribue à lui-même, il devient homme mort. » Ils écrivirent ces paroles sur un nouveau Papier, et le placèrent sur la Table : et voici, aussitôt les Anges furent présents dans une nuée d’une blancheur éclatante, et ils portèrent le papier dans le Ciel ; et après qu’il y eut été lu, ceux qui étaient assis sur les sièges entendirent de là des voix : « Bien, bien, bien. » Et aussitôt il apparut un Ange qui semblait voler, ayant comme deux ailes aux pieds et deux aux tempes ; il avait à la main des prix, qui consistaient en Robes, en Bonnets et en Couronnes de laurier ; et il descendit, et il donna à ceux qui étaient assis au Septentrion des Robes de couleur opale ; à ceux qui étaient à l’Occident, des Robes de couleur écarlate ; à ceux qui étaient au Midi, des Bonnets dont le tour était orné de bandes en or et en perles, et dont l’élévation du côté gauche était enrichie de diamants taillés en forme de fleurs ; mais à ceux qui étaient à l’Orient il donna des Couronnes de laurier dans lesquelles étaient des rubis et des saphirs. Tous, décorés de ces prix, s’en allèrent du Jeu de la sagesse chez eux ; et quand ils furent en vue de leurs épouses, elles vinrent à leur rencontre, décorées aussi d’ornements donnés du Ciel, ce qui étonna beaucoup leurs maris.

137. SECOND MÉMORABLE : Un jour que je méritais sur l’Amour conjugal, voici, de loin apparurent deux enfants nus, avec des corbeilles dans les mains, et autour d’eux des tourterelles qui volaient ; et quand ils furent vus de plus près, ils paraissaient toujours nus, mais décemment parés de guirlandes ; des couronnes de fleurs ornaient leurs têtes, et des écharpes de lis et de roses couleur hyacinthe, qui pendaient obliquement des épaules aux lombes, décoraient leur poitrine, et autour des deux il y avait une sorte de lien commun, composé de feuillages parsemés d’olives. Mais quand ils furent encore plus près, ils apparurent non plus comme des enfants, ni nus, mais comme deux personnes dans la première fleur de l’âge, vêtus de robes et de tuniques de soie brillante, brodées avec des fleurs de la plus grande beauté ; et lorsqu’ils furent près de moi, il vint du Ciel par eux une chaleur printanière avec une odeur suave, telle que celle que les jardins et les champs exhalent au printemps. C’étaient deux Époux du Ciel ; et alors ils m’adressèrent la parole ; et comme les choses que je venais de voir étaient dans ma pensée, ils me firent cette question : « Qu’as-tu vu ? » Et comme je leur racontais que d’abord je les avais vus comme des enfants nus, ensuite comme des enfants parés de guirlandes, et enfin comme jeunes gens vêtus d’habillements brodés de fleurs, et qu’alors j’avais tout à coup senti une chaleur printanière avec ses délices, ils sourirent avec grâce, et dirent : « Nous, dans la route, nous nous sommes vus non pas comme des enfants, ni nus, ni avec des guirlandes, mais continuellement dans la même apparence que maintenant ; et c’est ainsi que de loin a été représenté notre amour conjugal ; son état d’innocence, en ce que nous avons été vus comme des enfants nus ; ses délices, par les guirlandes ; et les mêmes délices maintenant, par les fleurs dont nos robes et nos tuniques sont parsemées, et comme tu as dit que quand nous fûmes près de toi, tu as senti une chaleur printanière avec son odeur agréable telle que celle qui s’exhale d’un jardin, nous en dirons la cause. » Et ils dirent : « Nous sommes Époux depuis des siècles, et nous avons été continuellement dans la fleur de l’âge, dans laquelle tu nous vois ; notre premier état a été comme est le premier état d’une jeune fille et d’un jeune homme quand ils s’unissent par le mariage ; et nous avons cru alors que cet état était la béatitude même de notre vie ; mais nous avons appris par d’autres dans notre Ciel, et plus tard nous-mêmes nous avons perçu, que cet état était celui de la chaleur non tempérée par la lumière, et qu’il est successivement tempéré, à mesure que le mari est perfectionné en sagesse, et que l’épouse aime cette sagesse dans le mari, et que cela a lieu par les usages et selon les usages que l’un et l’autre remplissent par un mutuel secours dans la société ; puis, aussi, que les délices succèdent selon la température de la chaleur et de la lumière, ou de la sagesse et de son amour. Si donc lorsque nous avons été près de toi, tu as senti comme une chaleur printanière, c’est parce que dans notre Ciel l’Amour conjugal et cette chaleur font un, car chez nous la Chaleur est l’Amour, et la Lumière avec laquelle est unie la chaleur est la Sagesse, et l’Usage est comme l’atmosphère, qui dans son sein contient l’une et l’autre ; qu’est-ce que la Chaleur et la Lumière sans leur contenant ? ainsi, qu’est-ce que l’Amour et la Sagesse sans leur usage ? il n’y a point de conjugal en eux, parce qu’il n’y a point de sujet dans lequel ils soient. Dans le Ciel, là où est la chaleur printanière, il y a l’Amour vraiment conjugal ; s’il y est, c’est parce que le printanier n’est que là où la chaleur est unie avec égalité à la lumière, ou bien où il y a autant de chaleur que de lumière ; et nous pensons que, comme la chaleur trouve ses délices avec la lumière, et la lumière les siennes avec la chaleur, de même l’amour trouve ses délices avec la sagesse, et la sagesse les siennes avec l’amour. » De plus il dit : « Chez nous, dans le Ciel, il y a une lumière perpétuelle, et jamais d’ombre du soir, ni à plus forte raison de ténèbres, parce que notre Soleil ne se couche ni ne se lève comme votre soleil, mais il se tient constamment au milieu entre le zénith et l’horizon, c’est-à-dire, selon votre manière de parler, au 45e degré du ciel ; de là vient que la chaleur et la lumière qui procèdent de notre Soleil font un Printemps perpétuel, et qu’un printanier perpétuel inspire ceux chez qui l’amour est uni en égale proportion avec la sagesse ; et notre Seigneur, par l’éternelle union de la chaleur et de la lumière, n’aspire à autre chose qu’aux usages ; de là aussi viennent les germinations de votre terre, et les accouplements de vos volatiles et de vos animaux, dans la saison du printemps ; car la chaleur printanière ouvre leurs intérieurs jusqu’aux intimes, qui sont appelés leurs âmes, et elle les affecte et y introduit son conjugal, et elle fait que leur prolifique vient dans ses délices par un continuel effort pour faire les fruits de l’usage, qui est la propagation de leur espèce. Mais chez les hommes il y a par le Seigneur un perpétuel influx de chaleur printanière ; c’est pour cela qu’ils peuvent en tout temps, même au milieu de l’hiver, jouir des délices du mariage ; car les hommes ont été créés réceptions de la lumière, c’est-à-dire, de la sagesse procédant du Seigneur, et les femmes ont été créées réceptions de la chaleur, c’est-à-dire, de l’amour de la sagesse de l’homme, procédant du Seigneur : de là vient donc que, quand nous avons été près de toi, tu as senti une chaleur printanière avec une odeur suave, telle que celle que les jardins et les champs exhalent au printemps. » Après avoir dit ces paroles, le mari me tendit sa main, et il me conduisit dans les maisons où étaient des époux dans la même fleur de l’âge qu’eux, et il dit : « Ces épouses qui maintenant paraissent comme des jeunes filles ont été, dans le monde, de vieilles femmes, et les maris qui maintenant paraissent comme des jeunes hommes ont été, dans le monde, des vieillards décrépits ; et tous ceux-là ont été ramenés par le Seigneur à cette fleur de l’âge parce qu’ils se sont mutuellement aimés, et qu’ils ont fui par religion les adultères comme des péchés énormes. » Et il ajouta : « Personne ne connaît les plaisirs heureux de l’Amour conjugal, que celui qui rejette les plaisirs horribles de l’adultère, et personne ne peut les rejeter que celui qui est sage par le Seigneur, et personne n’est sage par le Seigneur que celui qui fait des usages par amour des usages. » Je vis aussi alors les ustensiles de leurs maisons ; ils étaient tous dans des formes célestes, et brillaient d’or comme enflammé par les rubis dont ils étaient garnis.

 

 

 

DU CHASTE ET DU NON-CHASTE.

 

 

138. Comme je ne fais encore que commencer à traiter de l’Amour Conjugal en particulier, et que l’Amour conjugal en particulier ne peut être connu que d’une manière indistincte et par conséquent obscure, à moins que son opposé, qui est l’Inchaste, n’apparaisse aussi en quelque sorte, et comme cet Inchaste apparaît en quelque sorte ou dans l’ombre, quand le Chaste est décrit en même temps que le non-Chaste, la non-Chasteté étant seulement un éloignement de l’Inchaste d’avec le Chaste, je vais traiter maintenant du Chaste et du non-Chaste. Quand à l’Inchaste, qui est entièrement opposé au Chaste, il en est traité dans la seconde Partie de cet Ouvrage, où, sous le titre de VOLUPTÉS DE LA FOLIE SUR L’AMOUR SCORTATOIRE, il sera décrit dans toute son étendue et avec ses variétés. Mais ce que c’est que le Chaste et ce que c’est que le non-Chaste, et chez qui prévaut l’un ou l’autre, c’est ce qui va être illustré dans cet ordre. I. Le Chaste et le non-Chaste se disent seulement des Mariages, et des choses qui appartiennent au Mariage. II. Le Chaste se dit seulement des Mariages monogamiques, ou du Mariage d’un homme avec une seule épouse. III. Il n’y a que le Conjugal Chrétien qui soit chaste. IV. L’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même. V. Toutes les délices de l’Amour vraiment conjugal, même les dernières, sont chastes. VI. Chez ceux qui, par le Seigneur, deviennent spirituels, l’Amour conjugal est purifié de plus en plus, et devient chaste. VII. La Chasteté du mariage existe par un renoncement complet aux scortations à cause de la Religion. VIII. La Chasteté ne peut pas se dire des enfants, ni des jeunes garçons et jeunes filles, ni des jeunes gens et vierges, avant qu’ils sentent chez eux l’amour du sexe. IX. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui sont nés Eunuques, ni de ceux qui ont été faits Eunuques. X. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, ni à plus forte raison de ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société. XI. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes. XII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui croient que les Mariages sont inchastes. XIII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ont renoncé aux mariages en se vouant à un perpétuel célibat, à moins qu’il n’y ait et qu’il ne reste en eux un amour de la vie vraiment conjugal. XIV. L’état du mariage doit être préféré à l’état du célibat. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

139. 1. Le Chaste et le non-Chaste se disent seulement des Mariages, et des choses qui appartiennent au Mariage. C’est parce que l’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même, comme il va être expliqué, et que l’Amour opposé, qui est appelé scortatoire, est l’Inchasteté même ; autant donc cet amour-là est purifié de celui-ci, autant il est chaste, car autant son opposé destructif est enlevé ; par là il est évident que c’est la Pureté de l’Amour conjugal qui est appelée Chasteté. Néanmoins il y a un Amour conjugal non-chaste, qui cependant n’est pas l’inchasteté ; par exemple, entre deux Époux, qui, pour diverses raisons externes, s’abstiennent des effets de la lasciveté au point qu’ils n’y pensent pas ; toutefois si cet amour n’a pas été purifié dans leurs esprits, il n’est cependant pas chaste, sa forme est chaste, mais il n’y a pas en lui une essence chaste.

140. Que le Chaste et le non-Chaste se disent des choses qui appartiennent au Mariage, c’est parce que le Conjugal a été inscrit dans l’un et dans l’autre Sexe depuis les intimes jusqu’aux derniers, et que l’homme quant aux pensées et aux affections, et par suite intérieurement quant aux faits et aux gestes du corps, est selon ce conjugal ; que cela soit ainsi, on le voit plus évidemment par les personnes inchastes ; l’inchaste qui réside dans leurs mentals est entendu d’après le son de leur langage, et d’après l’application de tout ce qui est dit, même du chaste, à des choses libidineuses ; le son du langage vient de l’affection de la volonté, et le langage vient de la pensée de l’entendement ; c’est là un signe que la volonté avec tout ce qui lui appartient, et l’entendement avec tout ce qui lui appartient, ainsi le mental tout entier, et par suite toutes les choses du corps, depuis les intimes jusqu’aux derniers, regorgent de choses inchastes : j’ai été informé par les anges que chez ceux qui sont souverainement hypocrites, l’inchaste est perçu d’après l’ouïe, quelque chastement qu’ils parlent, et est senti aussi d’après la sphère qui émane d’eux ; c’est encore là un signe que l’inchasteté réside dans les intimes de leur mental, et par suite dans les intimes de leur corps, et que ces intimes sont voilés extérieurement comme une croûte peinte de figures de diverses couleurs. Qu’une sphère de lasciveté émane des inchastes, cela est évident en ce que chez les fils d’Israël les statuts déclaraient immondes toutes et chacune des choses que ceux qui étaient souillés de ces impuretés avaient seulement touchées de la main. De là on peut conclure qu’il en est de même des chastes, à savoir, que chez eux, depuis les intimes jusqu’aux derniers, toutes choses sont chastes, et que c’est la Chasteté de l’Amour conjugal qui produit cela ; c’est de là qu’il est dit dans le monde que pour les Purs tout est pur, et que pour les Impurs tout est impur.

141. II. Le Chaste se dit seulement des Mariages monogamiques, ou du Mariage d’un homme avec une seule épouse. Que le Chaste se dise de ceux-là seuls, c’est parce que chez eux l’Amour conjugal ne réside pas dans l’homme naturel, mais entre dans l’homme spirituel, et s’ouvre successivement le chemin vers le Mariage spirituel même, ou Mariage du bien et du vrai, qui en est l’origine, et se conjoint avec lui ; car cet Amour entre selon les accroissements de la sagesse, et ces accroissements sont selon l’implantation de l’Église par le Seigneur, comme il a été montré souvent ci-dessus. Cela ne peut pas se faire chez les Polygames, parce que ceux-ci divisent l’Amour conjugal, et cet Amour divisé ne diffère pas de l’Amour du sexe, qui en lui-même est naturel ; mais sur ce sujet on verra des choses dignes d’attention dans la Section de la POLYGAMIE.

142. III. Il n’y a que le Conjugal Chrétien qui soit chaste. C’est parce que l’Amour vraiment conjugal va chez l’homme d’un même pas que l’état de l’Église chez lui, et parce que cet état vient du Seigneur, comme il a été montré dans la Section précédente, Nos 130, 131, et ailleurs ; puis aussi, parce que l’Église dans ses vrais réels est dans la Parole, et que le Seigneur y est présent dans ces vrais ; il suit de là qu’il n’y a de Conjugal chaste que dans le Monde Chrétien ; et que, s’il n’y en a pas, il peut néanmoins y en avoir : par le Conjugal Chrétien il est entendu le Mariage d’un homme avec une seule épouse. Que ce Conjugal puisse être insité chez les Chrétiens, et être transmis héréditairement dans la postérité par les parents qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, et que par là naissent et la faculté et l’inclination à goûter les choses qui sont de l’Église et du Ciel, on le verra en son lieu. Que les Chrétiens, s’ils prennent plusieurs épouses, commettent non-seulement un adultère naturel, mais aussi un adultère spirituel, cela sera démontré dans la Section de la POLYGAMIE.

143. IV. L’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même. En voici les raisons : 1. Cet Amour vient du Seigneur, et correspond au Mariage du Seigneur et de l’Église. 2. Il descend du Mariage du bien et du vrai. 3. Il est spirituel, selon qu’il y a l’Église chez l’homme. 4. Il est l’Amour fondamental et la Tête de tous les amours célestes et spirituels. 5. Il est le légitime Séminaire du Genre humain, et par conséquent du Ciel Angélique. 6. Il est aussi par cela même chez les Anges du Ciel, et de lui chez eux naissent des lignées spirituelles, qui sont amour et sagesse. 7. Et par conséquent son usage surpasse en excellence tous les autres usages de la création. Il suit de là que l’Amour vraiment conjugal par son origine, et considéré dans son essence, est pur et saint, au point qu’il peut être appelé la pureté et la sainteté, par conséquent la chasteté même ; mais que néanmoins il ne soit pas entièrement pur chez les hommes, ni chez les Anges, on le verra dans l’Article VI, qui va suivre, No 146.

144. V. Toutes les délices de l’Amour vraiment conjugal, même les dernières, sont chastes. Cela résulte de ce qui vient d’être montré, que l’Amour vraiment conjugal est la Chasteté même ; et de cette considération, que les délices constituent sa vie. Que les Délices de cet amour montent et entrent dans le Ciel, et que dans le chemin elles passent à travers les plaisirs des amours célestes, dans lesquels sont les Anges du Ciel ; puis aussi, qu’elles se conjoignent avec les Délices de leur amour conjugal, c’est ce qui a été rapporté ci-dessus. De plus, j’ai entendu déclarer, par les Anges, qu’ils perçoivent que ces délices chez eux sont exaltées et comblées quand elles montent des époux chastes qui sont dans les terres ; et à cause des assistants, qui étaient inchastes, à la question s’il en était de même des dernières délices, ils firent un signe de tête, et ils dirent tacitement : « Pourquoi en serait-il autrement ? Celles-ci ne sont-elles pas les délices de l’amour conjugal dans leur plénitude ? » D’où viennent les délices de cet amour, et quelles elles sont, on le voit ci-dessus, No 69, et dans les MÉMORABLES, surtout dans ceux qui suivent.

115. VI. Chez ceux qui, par le Seigneur, deviennent spirituels, l’Amour conjugal est purifié de plus en plus, et devient chaste. En voici les raisons : 1. Le premier amour, par lequel il est entendu l’amour qui précède les noces et les suit immédiatement, tire quelque chose de l’amour du sexe ; ainsi, de l’ardeur propre du corps, non encore mitigée par l’amour de l’esprit. 2. L’homme de naturel devient successivement spirituel ; car il devient spirituel selon que le Rationnel, qui tient le milieu entre Ciel et le Monde, commence à tirer sa vie de l’influx du Ciel, ce qui se fait selon que la sagesse l’affecte et le réjouit, voir ci-dessus, No 130 ; et autant cela se fait, autant son Mental est élevé dans une aure (atmosphère) supérieure, qui est le contenant de la lumière et de la chaleur célestes, ou, ce qui revient au même, le contenant de la sagesse et de l’amour, dans lesquels sont les Anges ; car la lumière céleste fait un avec la sagesse, et la chaleur céleste fait un avec l’amour ; et selon que la sagesse et son amour croissent chez les époux, l’Amour conjugal est purifié chez eux ; or, comme cela se fait successivement, il s’ensuit que cet amour devient de plus en plus chaste. Cette purification spirituelle peut être comparée à la purification des esprits naturels, effectuée par les Chimistes, et nommée Défécation, Rectification, Castigation, Cohobation, Acution, Décantation, Sublimation ; et la sagesse purifiée peut être comparée à l’Alcohol, qui est l’esprit rectifié au plus haut degré. 3. Or, comme la sagesse spirituelle est telle en elle-même, qu’elle s’embrase de plus en plus de l’amour de devenir sage, et que par là elle croît éternellement, ce qui a lieu selon qu’elle est perfectionnée comme par des défécations, des castigations, des rectifications, des acutions, des décantations et des sublimations, et celles-ci par des élimations et des abstractions de l’Entendement d’avec les illusions des sens, et de la Volonté d’avec les amorces du corps, il est évident que pareillement l’Amour conjugal, dont la Sagesse est la mère (parens) devient successivement de plus en plus pur, et par conséquent chaste. Que le premier état de l’amour, entre les époux, soit l’état de la chaleur non encore tempérée par la lumière, mais que cette chaleur soit successivement tempérée, selon que le Mari est perfectionné en sagesse, et que l’Épouse aime cette sagesse dans le mari, on le voit dans le MÉMORABLE, No 137.

146. Mais il faut qu’on sache qu’il n’y a pas d’Amour conjugal absolument chaste ou pur chez les hommes, ni chez les anges ; il y a toujours quelque chose de non-chaste ou de non-pur, qui s’y adjoint et s’y attache en dessous ; mais cela est d’une autre nature que celle qui appartient à l’inchaste ; car chez eux le chaste est au-dessus, et le non-chaste au-dessous, et entre l’un et l’autre il a été placé par le Seigneur comme une porte avec gond, qui est ouverte par détermination, et il est pourvu à ce que cette porte ne demeure point ouverte, de peur que l’un ne passe dans l’autre, et qu’ils ne se mêlent ; car le Naturel de l’homme est par naissance souillé et rempli de maux, mais il n’en est pas ainsi de son Spirituel, parce que sa naissance vient du Seigneur, car c’est la régénération, et la régénération est une séparation successive d’avec les maux auxquels l’homme est enclin par naissance. Qu’aucun amour chez les hommes et chez les anges ne soit absolument pur, et ne puisse le devenir, mais que la fin, le dessein ou l’intention de la volonté, soient principalement regardés par le Seigneur, et que par conséquent autant l’homme y est et y persévère, autant il est initié dans la pureté et y fait des progrès, on le voit ci-dessus, No 71.

147. VII. La Chasteté du mariage existe par un renoncement complet aux scortations à cause de la Religion. La raison de cela, c’est que la chasteté est l’éloignement de l’inchasteté ; une règle universelle, c’est que, autant quelqu’un éloigne le mal, autant il est donné au bien la faculté d’en prendre la place ; et qu’en outre, autant le mal est haï, autant le bien est aimé ; et aussi vice versa ; qu’en conséquence autant on renonce à la scortation, autant la chasteté du mariage entre. Que l’Amour conjugal soit purifié et rectifié selon qu’on renonce aux scortations, chacun le voit par la commune perception, pourvu que cela soit dit et soit entendu, ainsi avant les confirmations ; mais comme tous n’ont pas la commune perception, il importe que cela soit illustré aussi par des confirmations ; les confirmations sont que l’Amour conjugal se refroidit dès qu’il est divisé ; et que ce refroidissement fait qu’il périt ; car la chaleur de l’amour inchaste l’éteint ; en effet, deux chaleurs opposées ne peuvent pas exister ensemble, sans que l’une rejette l’autre et la prive de sa puissance. Quand donc la chaleur de l’amour conjugal éloigne et rejette la chaleur de l’amour scortatoire, l’amour conjugal commence à s’échauffer agréablement, et, d’après le sens de ses délices, à germer et à fleurir comme un verger et un bosquet de rosiers dans la saison du printemps ; ceux-ci, par la température printanière de la lumière et de la chaleur du Soleil du Monde naturel ; et celui-là, par la température printanière de la lumière et de la chaleur du Soleil du Monde spirituel.

148. Dans chaque homme il y a insité, de création et par suite par naissance, un Conjugal Interne et un Conjugal Externe ; l’Interne est spirituel, et l’Externe est naturel ; l’homme vient d’abord dans celui-ci, et à mesure qu’il devient spirituel, il vient dans celui-là : si donc il reste dans le Conjugal externe ou naturel, alors le Conjugal interne ou spirituel est voilé, au point qu’il n’en connaît pas une seule chose, et même au point qu’il le nomme idée vaine ; mais si l’homme devient spirituel, alors il commence à en connaître quelque chose, puis à percevoir quelque chose de sa qualité, et successivement à en sentir les charmes, les plaisirs et les délices ; et à mesure que cela s’opère, le voile entre l’Externe et l’Interne, et dont il a été parlé, commence à s’affaiblir ; puis, pour ainsi dire, à se liquéfier, et enfin à se résoudre et à se dissiper. Quand cela a été fait, le Conjugal Externe reste, il est vrai, mais il est continuellement châtié et purifié de ses lies par l’Interne ; et cela, au point que l’Externe devient comme la face de l’Interne, et tire de la béatitude, qui est dans l’Interne, son plaisir, et en même temps sa vie et les délices de sa puissance. Tel est le renoncement aux scortations, par lequel existe la Chasteté du mariage. On pourrait croire que le Conjugal Externe restant après que l’Interne s’est séparé de lui, ou l’a séparé de soi, est semblable à l’Externe non séparé ; mais j’ai appris par les Anges qu’ils sont absolument dissemblables ; que l’Externe dérivé de l’Interne, qu’ils appelaient l’Externe de l’Interne, était exempt de toute lasciveté, parce que l’Interne ne peut pas avoir de lasciveté, mais a seulement de chastes délices, et qu’il introduit pareille chose dans son Externe dans lequel il sent ses propres délices ; il en est tout autrement de l’Externe séparé de l’Interne, ils disaient que celui-ci était lascif dans le commun et dans chaque partie. Ils comparaient le Conjugal Externe dérivé de l’Interne à un beau Fruit dont la saveur et l’odeur agréables s’insinuent dans sa surface, et lui donnent une forme en correspondance avec elles. Ils comparaient aussi le Conjugal Externe dérivé de l’Interne à un Grenier dont la provision ne diminue jamais, mais est constamment renouvelée à mesure qu’on en prend ; mais l’Externe séparé de l’Interne, ils le comparaient à du Froment dans un van ; s’il est lancé à l’entour, il ne reste que la balle qui est dispersée par le vent : il en est ainsi de l’Amour conjugal, si l’on ne renonce pas à l’amour scortatoire.

149. Que la Chasteté du mariage n’existe pas par le renoncement aux scortations, à moins qu’il ne soit fait à cause de la Religion, c’est parce que l’homme sans la religion ne devient pas spirituel, mais reste naturel ; et que si l’homme naturel renonce aux scortations, son esprit néanmoins n’y renonce pas ; et qu’ainsi, quoique par ce renoncement il lui semble qu’il est chaste, toujours est-il cependant que l’inchasteté est cachée au dedans comme la sanie dans une plaie guérie au dehors. Que l’Amour conjugal soit selon l’état de l’Église chez l’homme, on le voit ci-dessus, No 130. Voir plusieurs choses sur ce sujet dans l’Exposition de l’Article XI suivant.

150. VIII. La Chasteté ne peut pas se dire des enfants, ni des jeunes garçons et jeunes filles, ni des jeunes gens et vierges, avant qu’ils sentent chez eux l’amour du sexe. La raison de cela, c’est que le Chaste et l’Inchaste se disent uniquement des Mariages et des choses qui appartiennent au mariage, voir ci-dessus, No 139 ; et chez ceux qui ne connaissent aucune des choses conjugales, rien de la chasteté ne peut se dire, car elle est comme un néant chez eux ; or, un néant ne peut être l’objet ni de l’affection, ni de la pensée ; mais après ce néant il surgit quelque chose, quand on sent la première chose du mariage, qui est l’amour du sexe. Si les vierges et les jeunes gens, avant qu’ils sentent en eux l’amour du sexe, sont vulgairement appelés Chastes, c’est parce qu’on ignore ce que c’est que la Chasteté.

151. IX. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui sont nés Eunuques, ni de ceux qui ont été faits Eunuques. Par ceux qui sont nés Eunuques sont entendus principalement ceux chez qui par naissance le dernier de l’amour manque, et comme alors le premier et le moyen n’ont point le fondement sur lequel ils subsistent, ils n’existent pas non plus ; et s’ils existent, ces eunuques ne s’occupent pas de faire une distinction entre le chaste et l’inchaste, car l’un et l’autre leur est indifférent ; mais parmi ceux-ci il y a plusieurs différences. Il en est de ceux qui ont été faits Eunuques presque de même que de quelques-uns de ceux qui sont nés Eunuques ; mais ceux qui ont été faits Eunuques, étant et hommes et femmes, ne peuvent par cela même regarder l’amour conjugal que comme une fantaisie, et ses délices que comme des sornettes. S’il y a en eux quelque chose provenant de l’inclination, cela devient quelque chose de muet, qui n’est ni le chaste ni l’inchaste, et ce qui n’est ni l’un ni l’autre n’appartient à aucune dénomination de l’un ou de l’autre.

152. X. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, ni à plus forte raison de ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société. Que la Chasteté ne puisse pas se dire de ceux-là, c’est parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que la Chasteté, ni qu’elle existe, car la Chasteté appartient au Mariage, comme il a été montré ici dans le Premier Article ; or, ceux qui ne croient pas que les adultères soient des maux contre la religion, font aussi les Mariages inchastes, lorsque cependant la Religion chez les époux en fait la Chasteté ; ainsi pour eux il n’y a rien de chaste, c’est pourquoi devant eux la chasteté est en vain nommée ; ceux-ci sont adultères par confirmation : quant à ceux qui ne croient pas que les adultères soient nuisibles à la société, ils savent encore moins que les précédents ce que c’est que la chasteté, et si elle existe, car ils sont adultères de propos délibéré ; s’ils disent que les mariages sont moins inchastes que les adultères, ils le disent de bouche, mais non de cœur, parce que chez eux les Mariages sont froids, et que ceux qui d’après ce froid parlent de la chaleur chaste, ne peuvent pas avoir d’idée de la chaleur chaste au sujet de l’Amour conjugal : quelles sont ces personnes, et quelles sont les idées de leur pensée, et par conséquent quels sont les intérieurs de leur langage, on le verra dans la Seconde Partie qui traite des Folies des adultères.

153. XI. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes. Plusieurs croient que s’abstenir des adultères seulement de corps est la chasteté, et cependant ce n’est point là la chasteté, à moins qu’aussi en même temps on ne s’en abstienne d’esprit ; l’esprit, par lequel ici il est entendu le mental de l’homme quant aux affections et aux pensées, constitue le chaste et l’inchaste, car de là le chaste ou l’inchaste passe dans le corps ; en effet, le corps est absolument tel qu’est le mental ou l’esprit : il suit de là que ceux qui s’abstiennent des adultères seulement de corps et non d’esprit, et ceux qui s’en abstiennent d’esprit en raison du corps, ne sont point chastes : il y a un grand nombre de causes qui font que l’homme renonce du corps aux adultères, et aussi d’esprit en raison du corps, mais toujours est-il que celui qui n’y renonce pas de corps en raison de l’esprit est inchaste ; car le Seigneur dit « que quiconque regarde la femme d’un autre pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur » – Matth. V. 28. – Toutes les causes qui font qu’on s’abstient des adultères seulement de corps ne peuvent pas être énumérées, car elles varient selon les états du mariage, et aussi selon les états du corps ; en effet, il y en a qui s’en abstiennent par la crainte de la loi civile et de ses peines ; par la crainte de la perte de leur réputation, et par conséquent de leur honneur ; par la crainte des maladies qui en proviennent ; par la crainte de querelles chez eux avec leur épouse, et par conséquent de perdre la tranquillité de la vie ; par la crainte de la vengeance du mari ou d’un parent, et par la crainte d’être battus par des valets ; puis aussi, ceux qui s’en abstiennent par pauvreté, ou par avarice, ou par faiblesse provenant soit de maladie, soit d’abus, soit d’âge, soit d’impuissance : parmi ceux-ci il y en a aussi qui, parce qu’ils ne peuvent ou n’osent de corps, condamnent même d’esprit les adultères, et par conséquent parlent avec moralité contre eux et en faveur des mariages ; mais s’ils ne parlent pas d’après l’esprit, et si l’esprit ne maudit pas par religion les adultères, ils sont toujours adultères, car quoiqu’ils ne les commettent pas de corps, néanmoins ils les commettent d’esprit ; c’est pourquoi, après la mort, quand ils deviennent esprits, ils parlent ouvertement en faveur des adultères. D’après ces considérations, il est évident que l’impie peut fuir aussi les adultères comme nuisibles, mais qu’il n’y a que le Chrétien qui puisse les fuir comme péchés. Par là, maintenant, on voit la vérité de cette proposition, que la Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ne s’abstiennent des adultères que par diverses raisons externes.

154. XII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui croient que les Mariages sont inchastes. Ceux-ci ne savent pas non plus ce que c’est que la Chasteté, ni qu’elle existe ; ils sont comme ceux dont il a été parlé ci-dessus, No 152 ; et comme ceux qui placent la chasteté seulement dans le Célibat, et dont il va être parlé.

155. XIII. La Chasteté ne peut pas se dire de ceux qui ont renoncé aux Mariages en se vouant à un perpétuel Célibat, à moins qu’il n’y ait et qu’il ne reste en eux un amour de la vie vraiment conjugale. Que la Chasteté ne puisse pas se dire de ceux-ci, c’est parce que l’Amour conjugal, après le vœu d’un perpétuel Célibat, a été rejeté, quoique cependant la chasteté se dise uniquement de cet amour ; et parce que dans l’homme il y a toujours par création et ainsi par naissance une inclination pour le sexe, et que, quand cette inclination est contrainte et domptée, il faut nécessairement qu’elle s’écoule en une chaleur, et chez quelques-uns en une effervescence qui, lorsqu’elle s’élance du corps dans l’esprit, l’infeste, et chez quelques personnes le souille ; et il peut arriver que l’esprit, ainsi souillé, souille aussi les choses religieuses, et que de leur siège interne, où elles sont dans la sainteté, il les précipite dans les externes où elles deviennent seulement des choses de bouche et de gestes ; c’est pourquoi il a été pourvu par le Seigneur à ce que ce Célibat soit seulement chez ceux qui sont dans le culte externe, culte dans lequel ils sont, parce qu’ils ne s’adressent point au Seigneur et ne lisent point la Parole ; chez ceux-ci, par ces célibats, voués en même temps avec promesse de chasteté, la vie éternelle ne court pas de dangers comme chez ceux qui sont dans le culte interne. Qu’on ajoute à cela que beaucoup d’entre eux n’embrassent pas cet état de vie d’après le libre de la volonté, mais quelques-uns l’embrassent avant d’être dans le libre d’après la raison, et quelques autres pour des causes de séduction de la part du monde. D’entre ceux qui adoptent cet état pour éloigner du monde leur mental, afin de s’attacher au culte Divin, il n’y a de chastes que ceux chez qui l’amour de la vie vraiment conjugale a existé, ou avant cet état, ou après cet état, et chez qui il reste, parce que c’est de l’amour de cette vie conjugale que se dit la chasteté. C’est pourquoi aussi tous ceux qui ont vécu dans les monastères sont enfin, après la mort, déliés de leurs vœux, et sont remis en liberté, afin que, selon leurs vœux intérieurs et les désirs de leur amour, ils soient portés à choisir une vie ou conjugale ou extra-conjugale ; si alors ils embrassent la vie conjugale, ceux qui ont aimé aussi les spirituels du culte sont donnés en mariage dans le Ciel ; mais ceux qui embrassent la vie extra-conjugale sont envoyés vers leurs semblables qui habitent sur les côtés du Ciel. J’ai demandé aux Anges si celles qui se sont appliquées à la piété, qui se sont entièrement assujetties au Culte Divin, et se sont ainsi soustraites aux prestiges du Monde et aux convoitises de la chair, et qui pour cela même se sont vouées à une perpétuelle Virginité, sont reçues dans le Ciel, et y deviennent selon leur croyance, les principales parmi les bienheureuses ; les Anges ont répondu qu’elles sont, il est vrai, reçues ; mais que, quand elles y sentent la sphère de l’amour conjugal, elles deviennent tristes et inquiètes, et qu’alors les unes de leur plein gré, d’autres après en avoir demandé la permission, et d’autres après en avoir reçu l’ordre, s’en vont et sont renvoyées ; et que, quand elles sont hors de ce Ciel, il leur est ouvert un chemin vers leurs consociées, qui dans le Monde avaient été dans un semblable état de vie ; et alors de tristes elles deviennent gaies, et elles se réjouissent ensemble.

150. XlV. L’état du Mariage doit être préféré à l’état du Célibat. Cela est évident d’après ce qui a été dit jusqu’ici sur le Mariage et sur le Célibat. Si l’état du Mariage doit être préféré, c’est parce que cet état existe par création ; parce que son origine est le Mariage du bien et du vrai ; parce que sa correspondance est avec le Mariage du Seigneur et de l’Église ; parce que l’Église et l’Amour conjugal sont compagnons assidus ; parce que son usage est plus excellent que les usages de toutes les choses de la création, car c’est de lui que selon l’ordre vient la propagation du Genre Humain, et aussi du Ciel Angélique, puisque ce Ciel est formé du Genre Humain : qu’on ajoute à cela que le Mariage est la plénitude de l’homme, car par lui l’homme devient homme plein, ce qui sera démontré dans le Chapitre suivant : toutes ces choses ne sont point dans le Célibat. Mais si l’on pose pour Proposition que l’état du célibat est préférable à l’état du mariage, et si cette proposition est soumise à l’examen pour qu’on y donne assentiment et qu’elle soit corroborée par des confirmations, alors s’ensuivent ces assertions que les Mariages ne sont point saints ; qu’ils n’y en a point de Chastes ; que même la Chasteté dans le sexe féminin n’est que chez celles qui s’abstiennent du mariage, et se vouent à une perpétuelle virginité ; et que, de plus, ceux qui se sont voués à un perpétuel Célibat sont entendus par les Eunuques qui se sont faits Eunuques pour le Royaume de Dieu, – Matth. XIX. 12 ; – outre plusieurs autres assertions, qui, provenant d’une Proposition non vraie, ne sont pas vraies non plus : par les Eunuques, qui se font Eunuques pour le Royaume de Dieu, sont entendus les Eunuques spirituels, c’est-à-dire, ceux qui dans les Mariages s’abstiennent des maux des scortations : qu’il ne soit pas entendu des Eunuques italiens, cela est évident.

 

 

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151 (bis). À ce qui vient d’être dit j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Tandis que de ce Jeu de la Sagesse, dont il a été parlé ci-dessus, No 132, je retournais chez moi, je vis dans le chemin un Ange en vêtement de couleur hyacinthe ; il se mit à mon côté, et dit : « Je vois que tu sors du Jeu de la sagesse, et que tu es ravi de ce que tu y as entendu ; et comme je perçois que tu n’es pas pleinement dans ce Monde, parce que tu es en même temps dans le Monde naturel, et que par conséquent tu ne connais pas nos Gymnases Olympiques, où les anciens Sophi s’assemblent, et apprennent de ceux qui arrivent de ton Monde les changements et successions d’état que la Sagesse a subis et subit encore ; si tu veux, je te conduirai dans un lieu où habitent plusieurs de ces anciens Sophi et plusieurs de leurs fils, c’est-à-dire, de leurs disciples. » Et il me conduisit vers les confins entre le Septentrion et l’Orient, et tandis que là je regardais d’un lieu élevé, voici, je vis une Ville, et à l’un de ses côtés deux Collines ; et, la plus proche de la ville, moins élevée que l’autre ; et il me dit : « Cette ville est appelée Athénée ; la Colline la moins haute, Parnasse ; et la plus haute, Hélicon ; elles sont nommées ainsi, parce que dans la Ville et aux alentours habitent d’anciens Sages de la Grèce, comme Pythagore, Socrate, Aristippe, Xénophon, avec leurs disciples et ceux de leur école. » Et je m’informai de Platon et d’Aristote ; il me dit qu’eux et leurs sectateurs habitaient dans une autre région, parce qu’ils avaient enseigné les choses rationnelles qui appartiennent à l’entendement, tandis que les autres avaient enseigné les choses morales qui appartiennent à la vie. Il me dit que de la Ville d’Athénée il est fréquemment envoyé des Esprits studieux vers les lettrés d’entre les Chrétiens, pour qu’ils rapportent ce qu’on pense aujourd’hui concernant Dieu, la Création de l’Univers, l’Immortalité de l’âme, l’État de l’homme comparé à celui des bêtes, et d’autres sujets qui appartiennent à la sagesse intérieure ; et il me dit qu’aujourd’hui le héraut avait annoncé une assemblée, ce qui était un indice que les envoyés avaient rencontré de nouveaux venus de la terre, de qui ils avaient appris des choses curieuses ; et nous vîmes un grand nombre d’esprits qui sortaient de la ville et des environs, quelques-uns ayant des couronnes de laurier sur la tête, d’autres tenant des palmes dans leurs mains, d’autres avec des livres sous les bras, et d’autres avec des plumes sous les cheveux de la tempe gauche. Nous nous mêlâmes parmi eux, et nous montâmes ensemble ; et voici, sur la Colline il y avait un Palais octogone, qu’ils appelaient Palladium, et nous entrâmes ; et voici, là, huit réduits hexagones, dans chacun desquels il y avait une petite Bibliothèque, et aussi une Table, près desquels s’assirent ceux qui avaient des couronnes de laurier ; et dans le Palladium même je vis des sièges taillés dans la pierre, sur lesquels les autres se placèrent ; et alors à gauche s’ouvrit une porte, par laquelle deux nouveaux venus de la terre furent introduits, et après qu’ils eurent été salués, l’un de ceux qui étaient couronnés de laurier leur demanda : « QU’Y A-T-IL DE NOUVEAU DE LA TERRE ? » Et ils dirent : « Il y a de nouveau qu’on a trouvé dans les bois des hommes qui sont comme des bêtes, ou des bêtes qui sont comme des hommes ; mais d’après leur face et leur corps on a connu qu’ils étaient nés hommes, et avaient été perdus ou abandonnés dans les bois à l’âge de deux ou trois ans ; on dit qu’ils ne peuvent exprimer par le son rien de ce qu’ils pensent, ni apprendre à articuler le son en aucun mot ; qu’ils ne savent pas non plus discerner, comme le savent les bêtes, la nourriture qui leur convient, et qu’ils mettent dans leur bouche les choses tant saines que malsaines qu’ils trouvent dans les bois ; on raconte encore plusieurs autres particularités ; de là quelques Érudits parmi nous ont conjecturé et quelques autres ont conclu plusieurs choses sur l’état des hommes comparé à celui des bêtes. À ces mots, quelques-uns des anciens Sophi demandèrent ce qu’ils en avaient conjecturé et conclu ; et les deux nouveaux venus répondirent : « Beaucoup de choses, qui cependant peuvent se réduire à ce qui suit : 1o Que l’homme d’après sa nature, et aussi d’après sa naissance, est plus stupide et par suite plus vil que la bête, et qu’il le devient pareillement s’il n’est pas instruit ; 2o qu’il peut être instruit, parce qu’il a appris à produire des sons articulés, et par suite à parler, et que par là il a commencé à manifester des pensées, et cela successivement de plus en plus, au point qu’il a pu exprimer les lois de la société, dont plusieurs cependant ont été gravées dans les bêtes par naissance ; 3o que les bêtes ont la rationalité de même que les hommes ; 4o si donc les bêtes pouvaient parler, elles raisonneraient sur chaque chose aussi subtilement que les hommes ; ce qui l’indique, c’est qu’elles pensent d’après la raison et la prudence aussi bien que les hommes ; 5o que l’Entendement est seulement une modification de la lumière du Soleil, avec la coopération de la chaleur, au moyen de l’éther, de sorte que c’est seulement une activité de la nature intérieure, et que cette activité peut être exaltée au point de se montrer comme sagesse ; 6o qu’il est par conséquent ridicule de croire que l’homme, après la mort, vive plus que la bête, si ce n’est que peut-être pendant quelques jours après le décès il peut, d’après l’exhalaison de la vie du corps, apparaître comme nimbe sous la forme d’un fantôme, avant qu’il soit dissipé dans la nature, à peu près comme une branche brûlée, retirée des cendres, se fait voir sous la ressemblance de sa forme ; 7o qu’en conséquence la Religion, qui enseigne une vie après la mort, est une pure invention, afin que les simples soient tenus intérieurement liés par les lois religieuses, comme ils le sont extérieurement par les lois civiles. » Ils ajoutèrent que ce sont les hommes purement ingénieux qui raisonnent ainsi, et non les hommes Intelligents ; et on leur demanda : « Comment raisonnent les Intelligents ? » Ils dirent qu’ils ne les avaient pas entendus, mais qu’ils ont d’eux cette opinion.

152 (bis). Après cet exposé, tous ceux qui étaient près des Tables s’écrièrent : « Oh ! quels temps aujourd’hui sur la Terre ! Hélas ! quelles vicissitudes la Sagesse a éprouvées ! n’a-t-elle pas été tournée en une folle adresse ingénieuse ? le Soleil est couché, et diamétralement opposé, sous la terre, à son midi. D’après ceux qui ont été abandonnés et trouvés dans les bois, qui est-ce qui ne peut savoir que semblable est l’homme non instruit ? L’homme n’est-il pas selon l’instruction qu’il reçoit ? Ne naît-il pas dans l’ignorance plus que les bêtes ? Ne doit-il pas apprendre à marcher et à parler ? S’il n’apprenait pas à marcher, se dresserait-il sur les pieds ? Et s’il n’apprenait pas à parler, exprimerait-il par des sons quelque chose de la pensée ? Tout homme n’est-il pas selon qu’il a été enseigné ; insensé, si c’est d’après des faux ; et sage, si c’est d’après des vrais ; et insensé d’après les faux, avec la fantaisie d’être plus sage que celui qui est sage d’après les vrais ? N’y a-t-il pas des hommes fous et extravagants, qui ne sont pas plus hommes que ceux qui ont été trouvés dans les bois ? Ceux qui sont privés de la mémoire ne leur sont-ils pas semblables ? Pour nous, nous avons conclu de tout cela que l’homme sans l’instruction n’est ni un homme, ni une bête, mais qu’il est une forme qui peut recevoir en soi ce qui fait l’homme, et qu’ainsi il ne naît pas homme, mais qu’il devient homme ; et que l’homme naît une telle forme pour qu’il soit un organe récipient de la vie qui procède de Dieu, afin d’être un sujet dans lequel Dieu puisse introduire tout bien, et par l’union avec lui le rendre heureux pour l’éternité. Nous percevons par votre rapport que la sagesse aujourd’hui est tellement éteinte ou devenue folle, qu’on ne sait absolument rien de l’état de la vie des hommes dans sa relation avec l’état de la vie des bêtes ; de là vient qu’on ne connaît pas non plus l’état de la vie de l’homme après la mort ; quant à ceux qui peuvent le connaître, mais ne le veulent pas et par suite le nient, comme font beaucoup de vos Chrétiens, nous pouvons les assimiler à ceux qui ont été trouvés dans les bois, non pas qu’ils soient devenus ainsi stupides par privation d’instruction, mais parce qu’eux-mêmes se sont rendus ainsi stupides par les illusions des sens, qui sont les ténèbres des vérités. »

153 (bis). Mais alors un des assistants, qui se tenait debout au milieu du Palladium, ayant à la main une palme, dit : « Développez, je vous prie, cet arcane : Comment l’homme, créé forme de Dieu, a-t-il pu être changé en forme du diable ? Je sais que les Anges du Ciel sont des formes de Dieu, et que les anges de l’enfer sont des formes du diable ; et ces deux formes sont opposées entre elles ; celles-ci sont des Folies, celles-là des Sagesses ; dites donc comment l’homme, créé forme de Dieu, a pu passer du jour dans une telle nuit, qu’il en soit arrivé à nier Dieu et la vie éternelle ? » À cette question les Maîtres répondirent dans cet ordre, d’abord les Pythagoriciens, puis les Socraticiens, et ensuite les autres : mais parmi eux il y avait un Platonicien ; celui-ci parla le dernier, et son opinion prévalut ; elle consistait en ceci : « Les hommes de l’âge de Saturne ou du Siècle d’or savaient et reconnaissaient qu’ils étaient des Formes récipientes de la vie qui procède de Dieu, et par conséquent la sagesse était gravée dans leurs âmes et dans leurs cœurs ; et par suite d’après la lumière du vrai ils voyaient le vrai, et par les vrais ils percevaient le bien d’après le plaisir de l’amour du bien ; mais à mesure que les hommes, dans les Siècles suivants, s’éloignèrent de la reconnaissance que tout vrai de la sagesse, et par suite tout bien de l’amour chez eux, influait continuellement de Dieu, ils cessèrent d’être des habitacles de Dieu, et alors cessa aussi leur entretien avec Dieu, et leur consociation avec les Anges ; car les intérieurs de leur mental, de leur direction qui avait été élevée en haut vers Dieu par Dieu, furent pliés vers une direction oblique de plus en plus en dehors dans le Monde, et ainsi vers Dieu par Dieu au moyen du Monde, et enfin furent retournés dans la direction opposée qui est en bas vers soi-même ; et comme Dieu ne peut être regardé par l’homme intérieurement retourné et ainsi tourné dans un sens opposé, les hommes se séparèrent de Dieu, et devinrent des formes de l’Enfer ou du diable. Il suit de là que, dans les premiers Âges, les hommes reconnurent de cœur et d’âme que tout bien de l’amour, et par suite tout vrai de la sagesse, leur venaient de Dieu, et aussi appartenaient à Dieu en eux, et qu’ainsi ils étaient eux-mêmes de purs réceptacles de la vie procédant de Dieu, ce qui fit qu’ils ont été appelés Images de Dieu, Fils de Dieu, et Nés de Dieu ; mais que, dans les Âges qui suivirent, ils reconnurent cela non de cœur ni d’âme, mais par une certaine foi persuasive, et ensuite par une foi historique, et enfin seulement de bouche ; et reconnaître cela seulement de bouche, c’est ne point le reconnaître ; bien plus, c’est le nier de cœur. Par là on peut voir quelle est aujourd’hui la sagesse sur la terre chez les Chrétiens, puisque ceux-ci, quoiqu’ils puissent d’après la Révélation écrite être inspirés de Dieu, ne connaissent pas la différence qu’il y a entre l’homme et la bête ; et que par suite plusieurs croient que si l’homme vit après la mort, la bête aussi doit vivre, ou que si la bête ne vit pas après la mort, l’homme non plus ne doit pas vivre ; notre lumière spirituelle, qui éclaire la vue du mental, n’est-elle pas devenue obscurité chez eux ; et leur lumière naturelle, qui éclaire seulement la vue du corps, n’est-elle pas devenue pour eux une lumière éclatante ? »

154 (bis). Après cela, ils se tournèrent tous vers les deux nouveaux venus, et ils les remercièrent de ce qu’ils s’étaient rendus au milieu d’eux et du récit qu’ils avaient fait, et les prièrent de rapporter à leurs frères ce qu’ils venaient d’entendre : et les nouveaux venus répondirent qu’ils confirmeraient les leurs dans cette vérité, qu’autant on attribue au Seigneur et non à soi tout bien de la charité et tout vrai de la foi, autant on est homme et on devient Ange du Ciel.

155 (bis). SECOND MÉMORABLE : Un matin, un Chant très-suave, que j’entendais à une certaine hauteur au-dessus de moi, me réveilla ; et par suite, dans cette première veille qui est interne, plus paisible et plus douce que les autres veilles du jour, je pus pendant quelque temps être tenu en esprit comme hors du corps, et donner toute mon attention à l’affection qui était chantée ; le Chant du Ciel n’est autre chose qu’une affection du mental, qui est émise par la bouche comme une modulation, car c’est un son séparé du discours de celui qui parle, provenant de l’affection de l’amour, affection qui donne la vie au langage ; dans cet état je perçus que c’était l’affection des délices de l’Amour conjugal, qui était chantée avec mélodie par des épouses dans le Ciel ; je vis qu’il en était ainsi d’après le son du chant, dans lequel ces délices étaient variées d’une manière admirable. Après cela, je me levai, et je portai mes regards dans le Monde Spirituel ; et voici, dans l’Orient sous le Soleil, là, il apparut comme une PLUIE D’OR ; c’était la rosée du matin, tombant en grande abondance, qui frappée par les rayons du Soleil présentait à ma vue l’apparence d’une Pluie d’or ; ayant été par là encore plus pleinement éveillé, je sortis en esprit, et je demandai à un Ange, qui se trouva alors à ma rencontre, s’il avait vu la Pluie d’or tombant du Soleil ; et il répondit qu’il la voyait toutes les fois qu’il était en méditation sur l’Amour conjugal ; et alors il tourna les yeux vers le Soleil, et il dit : « Cette Pluie tombe sur un Palais (Aula), où sont trois Maris avec leurs Épouses, qui habitent au milieu du Paradis Oriental. Si l’on voit tomber du Soleil une telle Pluie sur ce palais, c’est parce que chez eux réside la sagesse sur l’Amour conjugal et sur ses délices, chez les maris sur l’amour conjugal, et chez les épouses sur ses délices ; mais je perçois que tu es dans la méditation sur les délices de l’amour conjugal ; je vais par conséquent te conduire vers ce Palais, et je t’introduirai. » Et il me conduisit par des Jardins Paradisiaques vers des Maisons, qui étaient construites en Bois d’olivier, et qui avaient deux colonnes de Cèdre devant la porte ; et il m’introduisit vers les Maris, et il leur demanda qu’il me fût permis de m’entretenir en leur présence avec leurs épouses ; et ils consentirent, et ils les appelèrent. Celles-ci regardaient mes yeux avec finesse, et je leur en demandai la raison ; elles dirent : « Nous pouvons y découvrir exactement quelle est ton inclination et par suite ton affection, et d’après celle-ci ta pensée sur l’amour du sexe, et nous voyons que tu médites profondément sur cet amour, mais néanmoins avec chasteté. » Et elles ajoutèrent : « Que veux-tu que nous te disions sur ce sujet ? » Et je répondis : « Dites, je vous prie, quelque chose des délices de l’Amour conjugal. » Et les Maris consentirent, en disant : « Découvrez-leur, si cela vous plaît, quelque chose de ces délices ; leurs oreilles sont chastes. » Et elles m’adressèrent cette question : « Qui est-ce qui t’a conseillé de nous interroger sur les délices de cet amour ? Pourquoi n’interroges-tu pas nos Maris ? » Et je répondis : « Cet Ange, qui est avec moi, m’a dit à l’oreille que les Épouses sont des réceptacles et les sensoria de ces délices, parce qu’elles sont nées Amours, et que toutes les délices appartiennent à l’amour. » À ces mots elles répondirent en souriant : « Sois prudent, et ne dis rien de tel sinon dans un sens ambigu, parce que cela est une sagesse profondément gardée dans les cœurs de notre sexe, et n’est découvert à aucun Mari, à moins qu’il ne soit dans l’amour vraiment conjugal ; il y a pour cela plusieurs raisons que nous cachons profondément en nous. » Et alors les Maris dirent : « Les Épouses connaissent tous les états de notre mental, et il n’y a rien de caché pour elles ; elles voient, perçoivent et sentent tout ce qui procède de notre volonté ; et nous au contraire, nous ne connaissons rien de ce qui se passe chez les Épouses ; cela a été donné aux Épouses, parce qu’elles sont de très-tendres Amours, et comme des Zèles ardents pour la conservation de l’amitié et de la confiance conjugale, et ainsi de l’une et de l’autre félicité de la vie, à laquelle elles veillent soigneusement pour leurs maris et pour elles-mêmes avec une sagesse insitée dans leur amour, qui est si pleine de prudence, qu’elles ne veulent pas et par suite ne peuvent pas dire qu’elles aiment, mais disent qu’elles sont aimées. » Et je demandai pourquoi elles ne veulent pas et par suite ne peuvent pas. Elles répondirent : « Si la moindre chose semblable s’échappait de la bouche des épouses, le froid s’emparerait des maris, et les séparerait du lit, de la chambre et de l’aspect ; mais cela arrive à ceux qui ne regardent pas les mariages comme saints, et qui par conséquent n’aiment pas leurs épouses d’un amour spirituel ; il en est tout autrement pour ceux qui aiment ; dans les mentals de ceux-ci cet amour est spirituel, et par suite dans le corps il est naturel ; nous, dans ce Palais, nous sommes dans l’amour naturel d’après l’amour spirituel ; c’est pourquoi nous confions à nos maris les arcanes sur nos délices de l’amour conjugal. » Alors je les priai honnêtement de me découvrir aussi quelque chose de ces arcanes : et aussitôt elles regardèrent vers la fenêtre de la plage méridionale, et voici, une colombe blanche, dont les ailes brillaient comme d’argent, et dont la tête était ornée d’une couronne comme d’or, fut vue posée sur une branche à laquelle pendait une olive ; comme elle était en effort pour étendre ses ailes, les épouses dirent : « Nous te découvrirons quelque chose ; quand cette colombe apparaît, c’est pour nous un signe qu’il nous est permis. » Et elles dirent : « Chaque homme a cinq Sens, la Vue, l’Ouïe, l’Odorat, le Goût et le Toucher ; mais nous, nous en avons un Sixième, qui est le Sens de toutes les délices de l’amour conjugal du Mari ; et ce Sens est chez nous dans les paumes des mains, quand nous touchons la poitrine, les bras, les mains ou les joues de nos maris, surtout la poitrine, et aussi quand nous sommes touchées par eux ; toutes les allégresses et tous les charmes des pensées de leur mental (mens), toutes les joies et tous les plaisirs de leur mental (animus), et toute la satisfaction et la gaieté de leur cœur passent d’eux en nous, et se forment et deviennent perceptibles, sensibles et palpables, et nous les discernons avec autant de justesse et aussi distinctement que l’oreille discerne les modulations du chant, et que la langue discerne les saveurs des mets ; en un mot, les plaisirs spirituels des maris prennent chez nous une sorte d’incorporation naturelle, c’est pourquoi nos Maris nous appellent les Organes sensoria de l’amour chaste conjugal, et par conséquent leurs Délices : mais ce Sens de notre sexe existe, subsiste, persiste et s’exalte dans ce degré dans lequel les Maris nous aiment d’après la sagesse et le jugement, et dans lequel nous, de notre côté, nous les aimons d’après cette sagesse et ce jugement en eux : dans les Cieux, ce Sens de notre sexe est appelé le Jeu de la sagesse avec son amour, et de l’amour avec sa sagesse. » Je fus, par ces détails, animé du désir de faire plusieurs questions, par exemple, sur la Variété des délices ; et elles dirent : « Elle est infinie ; mais nous ne voulons pas en dire davantage ; et nous ne le pouvons pas par cette raison que la Colombe de notre fenêtre s’est envolée avec la branche d’olivier sous ses pieds. » J’attendis son retour, mais en vain. Pendant ce temps je fis aux Maris cette question : « Avez-vous un semblable sens de l’Amour conjugal ? » Et ils répondirent : « Nous avons ce sens en commun, et non en particulier ; d’après la béatitude particulière, le plaisir particulier et le charme particulier qu’éprouvent nos Épouses, nous avons une béatitude commune, un plaisir commun et un charme commun, et ce Commun, qui nous vient d’elles, est comme la Sérénité de la paix. » Après qu’ils eurent dit ces paroles, voici, à travers la fenêtre il apparut un Cygne qui se tenait sur une branche de figuier, et il étendit les ailes et s’envola ; à cette vue, les Maris dirent : « C’est pour nous le signe du silence sur l’Amour conjugal ; reviens différentes fois, et peut-être plusieurs autres choses te seront dévoilées. » Et ils se retirèrent ; et nous nous en allâmes.

 

 

 

DE LA CONJONCTION DES ÂMES ET DES MENTALS PAR LE MARIAGE, LAQUELLE EST ENTENDUE PAR CES PAROLES DU SEIGNEUR : ILS NE SONT PLUS DEUX, MAIS UNE SEULE CHAIR.

 

 

156 (bis). Que par Création il ait été implanté dans l’Homme et dans la Femme une Inclination et aussi une Faculté de conjonction comme en un, et que l’une et l’autre soient encore dans l’Homme et dans la Femme, on le voit par le Livre de la création, et en même temps par les paroles du Seigneur. Dans le Livre de la création, qui est appelé la GENÈSE, on lit : « Jéhovah Dieu édifia en femme la côte qu’il prit de l’homme ; et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : Celle-ci, cette fois, est Os de mes Os et Chair de ma chair ; de celle-ci le nom sera appelé Ischah, parce que de Isch, l’homme (Vir), a été prise celle-ci : c’est pourquoi l’homme laissera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et ils seront en une seule chair. » – II. 22, 23, 24. – Le Seigneur a dit aussi pareillement dans Matthieu : « N’avez-vous pas lu que Celui qui a fait au commencement, Mâle et Femelle les fit, et dit : À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse, et LES DEUX SERONT EN UNE SEULE CHAIR ? C’EST POURQUOI, ILS NE SONT PLUS DEUX, MAIS UNE SEULE CHAIR. » – XIX. 4, 5. – D’après ces paroles, ils est évident que la Femme a été créée de l’Homme (Vir), et que dans l’un et l’autre il y a et une Inclination et une Faculté de se réunir en un ; que ce soit en un Homme (Homo), cela est encore évident par le Livre de la création, où l’un et l’autre ensemble sont dits l’Homme, car on lit : « Au jour que Dieu créa l’Homme, mâle et femelle il les créa, et il appela leur nom homme. » – V. 1, 2 ; – là, on lit : Il appela leur nom Adam ; mais Adam et Homme sont un même mot dans la Langue Hébraïque ; de plus, l’un et l’autre ensemble y sont nommés Homme, – I. 27. III. 22, 23, 24 ; – par une seule chair il est signifié aussi un seul Homme, ce qui est évident dans la Parole par les passages où il est dit « Toute Chair », par quoi il est entendu tout Homme, comme Gen. VI. 12, 13, 17, 19. Ésaïe, XL. 5, 6. XLIX. 26. LXVI. 16, 23, 24. Jérém. XXV. 31. XXXII. 27. XLV. 5. Ézéch. XX. 48. XXL 4, 5 ; et ailleurs. Quant à ce qui est entendu par la Côte de l’homme qui fut édifiée en femme ; par « il renferma de la Chair à sa place » ; et ainsi par ce « Os de mes os et Chair de ma chair » ; par le Père et la Mère que l’homme laissera après le mariage, et par s’Attacher à son épouse, cela a été montré dans les ARCANES CÉLESTES, où les deux Livres, la Genèse et l’Exode, ont été expliqués quant au sens spirituel. Que par la Côte il n’ait pas été entendu une côte, ni par la Chair de la chair, ni par l’Os un os, ni par s’Attacher, s’attacher, mais qu’il ait été entendu des Spirituels qui correspondent à ces choses, et qui par suite sont signifiés par elles, c’est ce qui a été démontré dans ce même Ouvrage ; qu’il ait été entendu des Spirituels, qui de deux font un seul Homme, cela est évident en ce que l’Amour conjugal conjoint les deux, et cet Amour est spirituel. Que l’Amour de la sagesse de l’Époux ait été transcrit dans l’Épouse, cela a déjà été dit quelquefois, et sera plus pleinement confirmé dans les Sections qui suivent celle-ci ; maintenant, il n’est pas permis de faire une digression, ni par conséquent de s’écarter du sujet ici proposé, qui concerne la conjonction de deux Époux en une seule chair par l’union des âmes et des mentals. Mais cette Union va être expliquée dans cet ordre : I. Il a été insité par création dans l’un et dans l’autre sexe une faculté et une inclination, pour qu’ils puissent et veuillent être conjoints comme en un. II. L’Amour conjugal conjoint les deux âmes et par suite les deux mentals en un. III. La volonté de l’Épouse se conjoint avec l’entendement de l’Époux, et par suite l’entendement de l’Époux se conjoint avec la volonté de l’Épouse. IV. L’inclination à unir à soi l’Époux est constante et perpétuelle chez l’Épouse, mais inconstante et alternative chez l’Époux. V. La conjonction est inspirée à l’Époux par l’Épouse selon l’amour de l’épouse, et est reçue par l’Époux selon la sagesse de l’époux. VI. Cette conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage ; et, chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, elle le fait de plus en plus profondément durant l’éternité. VII. La conjonction de l’Épouse avec la sagesse rationnelle du Mari se fait par dedans, mais avec sa Sagesse morale elle se fait par dehors. VIII. Pour cette conjonction comme fin, il a été donné à l’Épouse la perception des affections du Mari, et aussi la plus grande prudence pour les modérer. IX. Les Épouses renferment en elles cette perception, et la cachent aux Maris pour des raisons qui sont des nécessités, afin que l’amour conjugal, l’amitié et la confiance, et ainsi la béatitude de la cohabitation et la félicité de la vie, soient assurés. X. Cette perception est la Sagesse de l’épouse ; et cette sagesse ne peut pas être chez l’époux, ni la Sagesse rationnelle de l’époux être chez l’épouse. XI. L’Épouse, d’après l’amour, pense continuellement à l’inclination de l’Époux envers elle, dans l’intention de se le conjoindre ; il en est autrement de l’Époux. XII. L’Épouse se conjoint à l’Époux par des applications aux désirs de sa volonté. XIII. L’Épouse est conjointe à son Époux par la sphère de sa vie, qui sort de son amour. XIV. L’Épouse est conjointe au Mari par l’appropriation des forces de la vertu du mari, mais cela se fait selon leur mutuel amour spirituel. XV. Ainsi l’Épouse reçoit en elle l’image de son Mari, et par suite elle en perçoit, voit et sent les affections. XVI. Il y a des Devoirs propres à l’Époux, et des Devoirs propres à l’Épouse, et l’Épouse ne peut entrer dans les devoirs propres à l’époux, ni l’Époux dans les devoirs propres à l’épouse, ni s’en bien acquitter l’un et l’autre. XVII. Ces Devoirs selon le secours mutuel conjoignent aussi les deux en un ; et en même temps ils constituent une seule Maison. XVIII. Les deux Époux selon les conjonctions ci-dessus mentionnées deviennent de plus en plus un seul Homme. XIX. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal sentent que par l’union ils sont l’homme, et comme une seule chair. XX. L’Amour vraiment conjugal, considéré en lui-même, est l’union des âmes, la conjonction des mentals, et l’effort pour la conjonction dans les poitrines ; et par suite dans le corps. XXI. Les états de cet amour sont l’Innocence, la Paix, la Tranquillité, l’Amitié intime, la pleine Confiance, et le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien ; et les états provenant de ceux-ci sont la Béatitude, la Satisfaction, le Plaisir, la Volupté ; et de la jouissance éternelle de toutes ces choses résulte la Félicité céleste. XXII. Ces choses ne peuvent exister que dans le mariage d’un seul Époux avec une seule Épouse. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

157. I. Il a été insité par création dans l’un et dans l’autre Sexe une faculté et une inclination, pour qu’ils puissent et veuillent être conjoints comme en un. Que la femme ait été tirée de l’homme, cela vient d’être montré d’après le Livre de la Création ; que par suite il y ait dans l’un et dans l’autre sexe une faculté et une inclination pour se conjoindre en un, c’est ce qui résulte de là ; car ce qui a été tiré d’une chose tient et retient du propre de cette chose ce qu’il fait sien ; cela, étant homogène avec cette chose, aspire à la réunion, et quand il a été réuni, il est comme en soi quand il est en elle, et vice versa. Qu’il y ait une faculté de conjonction d’un sexe avec l’autre, ou qu’ils puissent s’unir, cela ne peut soulever aucun doute ; il en est de même quant à l’inclination à se conjoindre ; car l’expérience nous enseigne l’un et l’autre.

158. II. L’Amour conjugal conjoint les deux âmes et par suite les deux mentals en un. Chaque homme se compose d’une âme, d’un mental et d’un corps ; l’âme est son intime, le mental son moyen, et le corps son dernier ; l’âme, parce qu’elle est l’intime de l’homme, est céleste d’origine ; le mental, parce qu’il en est le moyen, est spirituel d’origine ; et le corps, parce qu’il en est le dernier, est naturel d’origine ; les choses qui d’origine sont célestes, et celles qui d’origine sont spirituelles, ne sont point dans l’espace, mais sont dans les apparences de l’espace ; cela est même connu dans le Monde, c’est pourquoi l’on dit que ni l’étendue ni le lieu ne peuvent s’appliquer aux choses spirituelles : puis donc que les espaces sont des apparences, les distances et les présences sont aussi des apparences ; que les apparences des distances et des présences dans le Monde spirituel soient selon les proximités, les parentés et les affinités de l’amour, c’est ce qui a été très-souvent montré et confirmé dans des Opuscules sur ce Monde. Ces explications ont été données, afin qu’on sache que les âmes et les mentals des hommes ne sont point dans l’espace, comme y sont leurs corps, parce que par origine, ainsi qu’il vient d’être dit, les âmes sont célestes, et les mentals sont spirituels ; et que, comme les âmes et les mentals ne sont pas dans l’espace, ils peuvent être conjoints comme en un, quoique les corps ne le soient pas en même temps. Cela a lieu principalement entre Époux qui s’aiment intimement d’un amour mutuel ; mais comme la femme vient de l’homme, et que cette conjonction est une espèce de réunion, la raison peut voir que c’est non pas une conjonction en un, mais une adjonction, voisine et proche selon l’amour, et arrivant au contact chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal ; cette adjonction peut être appelée cohabitation spirituelle, et elle a lieu chez les époux qui s’aiment tendrement, quelque éloignés qu’ils soient de corps ; il y a même dans le Monde naturel plusieurs preuves que fournit l’expérience pour le confirmer. D’après ces considérations il est évident que l’Amour conjugal conjoint les deux âmes et les deux mentals en un.

159. III. La volonté de l’Épouse se conjoint avec l’entendement de l’époux, et par suite l’entendement de l’Époux se conjoint avec la volonté de l’épouse. La raison de cela, c’est que le mâle naît pour devenir entendement, et la femelle pour devenir volonté aimant l’entendement du mâle, d’où il suit que la Conjonction conjugale est celle de la Volonté de l’épouse avec l’Entendement de l’époux, et qu’il y a conjonction réciproque de l’Entendement de l’époux avec la Volonté de l’épouse : chacun voit qu’il y a une très-étroite conjonction de l’Entendement et de la Volonté, et qu’elle est telle, qu’une des facultés peut entrer dans l’autre, et se délecter de cette conjonction et dans cette conjonction.

160. IV. L’Inclination à unir à soi l’Époux est constante et perpétuelle chez l’Épouse, mais inconstante et alternative chez l’Époux. Cela vient de ce que l’amour ne peut qu’aimer, et s’unir pour être aimé à son tour ; son essence et sa vie ne sont pas autre chose ; or, les femmes sont nées amours, et les hommes avec lesquels elles s’unissent pour être aimées à leur tour sont réceptions. En outre, l’amour est sans cesse agissant ; il est comme la chaleur, la flamme et le feu, qui périssent si on les empêche d’agir ; de là vient que l’inclination à unir à soi l’époux est constante et perpétuelle chez l’épouse : si chez l’époux il n’y a pas une semblable inclination vers l’épouse, c’est parce que l’homme n’est pas amour, mais est seulement récipient de l’amour ; et comme l’état de réception est absent et est présent selon les soins qui s’interposent, selon les changements de chaleur et de non-chaleur dans le mental par diverses causes, et selon les augmentations et diminutions de forces dans le corps, lesquelles ne reviennent pas constamment ni à des moments fixes, il s’ensuit que l’inclination à cette conjonction chez les hommes est inconstante et alternative.

161. V. La conjonction est inspirée à l’Époux par l’Épouse selon l’amour de l’épouse, et est reçue par l’Époux selon la sagesse de l’époux. Que l’amour, et par suite la conjonction, soit inspiré à l’époux par l’épouse, c’est ce qui est aujourd’hui caché pour les hommes, et même universellement nié par eux ; et cela, parce que les épouses persuadent que ce sont seulement les hommes qui aiment, et que ce sont elles qui reçoivent, ou que les hommes sont amours, et elles obéissances ; elles ont même de la joie dans le cœur, quand les hommes le croient : si elles le leur persuadent, c’est pour plusieurs raisons, qui toutes tiennent à la prudence et à la circonspection des épouses, et dont il sera dit quelque chose dans la suite, et spécialement dans le Chapitre sur les causes des froideurs, des séparations et des divorces entre époux. Si les hommes reçoivent des épouses l’inspiration ou l’insinuation de l’amour, c’est parce qu’il n’y a rien de l’amour conjugal, ni même de l’amour du sexe chez les hommes, mais seulement chez les épouses et chez les femmes ; qu’il en soit ainsi, c’est ce qui m’a été montré d’une manière frappante (ad vivum) dans le Monde spirituel : Un jour il y eut là une conversation sur ce sujet, et des hommes, persuadés par leurs épouses, soutenaient que ce sont eux qui aiment, et non pas les épouses, mais que les épouses reçoivent d’eux l’amour ; pour terminer la contestation sur cet arcane, toutes les femmes furent retirées aux hommes avec les épouses, et en même temps avec elles fut éloignée la sphère même de l’amour du sexe ; dès que cette sphère eut été éloignée, les hommes tombèrent dans un état tout à fait étrange, et qu’ils n’avaient jamais perçu auparavant, et ils s’en plaignaient beaucoup ; alors, pendant qu’ils étaient dans cet état, vers eux furent ramenées les femmes et vers les maris les épouses, et les unes et les autres leur parlèrent avec tendresse ; mais ils restèrent froids à ces caresses, et se détournèrent et dirent entre eux : « Qu’est-ce que tout cela ? qu’est-ce qu’une femme ? » et comme quelques-unes disaient qu’elles étaient leurs épouses, ils répondaient : « Qu’est-ce qu’une épouse ? nous ne vous connaissons pas. » Mais comme les épouses commençaient à s’affliger de cette indifférence absolument froide des maris, et quelques-unes à pleurer, la sphère de l’amour du sexe féminin et la sphère conjugale, qui jusqu’à ce moment avaient été enlevées aux hommes, furent restituées ; et alors les hommes rentrèrent dans leur précédent état, les amateurs du mariage dans le leur, et les amateurs du sexe dans le leur : ainsi les hommes furent convaincus que rien de l’amour conjugal, ni même de l’amour du sexe, ne réside chez eux, mais seulement chez les épouses et chez les femmes : néanmoins, dans la suite, les épouses par leur prudence amenèrent les hommes à croire que l’amour réside chez les hommes, et que quelque étincelle de cet amour peut passer d’eux en elles. Cette expérience a été rapportée ici, afin qu’on sache que les épouses sont amours, et les hommes réceptions. Que les hommes soient réceptions selon la sagesse chez eux, surtout selon cette sagesse puisée dans la religion, que l’épouse seule doit être aimée, on le voit clairement en ce que, quand l’épouse seule est aimée, l’amour est concentré ; et que, comme il est même anobli, il reste dans sa force, se soutient et persiste ; et en ce qu’autrement, ce serait comme lorsque d’un grenier le froment est jeté aux chiens, ce qui amène la disette dans la maison.

162. VI. Cette conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage ; et, chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, elle se fait de plus en plus profondément durant l’éternité. La première chaleur du mariage ne conjoint pas, car elle tient de l’amour du sexe qui appartient au corps et par suite à l’esprit ; et ce qui d’après le corps est dans l’esprit ne reste pas longtemps ; mais l’amour qui d’après l’esprit est dans le corps, reste : l’amour de l’esprit, et du corps d’après l’esprit, est insinué dans les âmes et dans les mentals des époux en même temps que l’amitié et la confiance ; quand ces deux-ci se conjoignent avec le premier amour du mariage, alors se forme l’Amour conjugal, qui ouvre les poitrines, et leur inspire les douceurs de l’amour ; et cela, de plus en plus profondément, selon que l’amitié et la confiance s’adjoignent à l’amour primitif, et que cet amour entre en elles, et elles en lui.

163. VII. La conjonction de l’Épouse avec la Sagesse rationnelle du Mari se fait par dedans, mais avec sa Sagesse morale elle se fait par dehors. Que la Sagesse chez les hommes soit double, Rationnelle et Morale, et que leur Sagesse rationnelle appartienne à l’entendement seul, et leur Sagesse morale à l’entendement et en même temps à la vie, c’est ce qu’on peut conclure et voir par la seule intuition et par le seul examen : mais afin qu’on sache ce qui est entendu par la Sagesse rationnelle des hommes, et ce qui est entendu par leur Sagesse morale, quelques-unes de leurs distinctions spéciales vont être énumérées. Les choses qui appartiennent à leur Sagesse rationnelle sont désignées par divers noms ; elles sont en général appelées Science, Intelligence et Sagesse ; et en particulier, Rationalité, Jugement, Imagination, Érudition, Sagacité ; mais comme il y a des sciences spéciales pour chacun dans son office, il y en a par conséquent en très-grand nombre ; en effet, il y en a de spéciales pour les Ecclésiastiques, de spéciales pour les Magistrats, de spéciales pour les divers Officiers sous leurs ordres, de spéciales pour les Juges, de spéciales pour les Médecins et les Chimistes, de spéciales pour les Militaires et les Marins, de spéciales pour les Artistes et les Ouvriers, de spéciales pour les Agriculteurs, et ainsi du reste. À la Sagesse Rationnelle appartiennent aussi toutes les Sciences, auxquelles sont initiés les jeunes gens dans les écoles, et par lesquelles ils sont ensuite initiés dans l’intelligence, et qui sont aussi appelées de divers noms, par exemple, Philosophie, Physique, Géométrie, Mécanique, Chimie, Astronomie, Jurisprudence, Politique, Morale, Histoire, et plusieurs autres, par lesquelles, comme par des portes, on entre dans les rationnels, au moyen desquels se forme la Sagesse rationnelle.

164. Mais à la sagesse morale chez les hommes appartiennent toutes les Vertus morales qui concernent la vie et entrent dans la vie, et aussi les Vertus spirituelles, qui effluent de l’Amour envers Dieu et de l’Amour à l’égard du prochain et se réunissent dans ces amours. Les Vertus qui appartiennent à la sagesse morale des hommes sont aussi de divers noms, et sont appelées Tempérance, Sobriété, Probité, Bienveillance, Amitié, Modestie, Sincérité, Obligeance, Civilité, puis aussi Assiduité, Industrie, Habileté, Activité ; Munificence, Libéralité, Générosité, Valeur, Intrépidité, Prudence, outre plusieurs autres. Les Vertus spirituelles chez les hommes sont l’Amour de la religion, la Charité, la Vérité, la Foi, la Conscience, l’Innocence, et plusieurs autres. Ces Vertus spirituelles et ces Vertus morales, en général, peuvent se rapporter à l’amour et au zèle pour la Religion, pour le Bien public, pour la Patrie, pour les Citoyens, pour les Parents, pour le Conjoint et pour les Enfants. Dans toutes ces Vertus dominent la Justice et le Jugement ; la Justice appartient à la Sagesse morale, et le Jugement à la Sagesse rationnelle.

165. Si la conjonction de l’épouse avec la Sagesse rationnelle du mari se fait par dedans, c’est parce que cette Sagesse est propre à l’Entendement des hommes, et monte dans une lumière dans laquelle ne sont point les femmes ; c’est pour cela que les femmes ne parlent point d’après cette sagesse, mais que dans les réunions où les hommes agitent des choses qui sont du ressort de cette sagesse, elles se taisent, et écoutent seulement : que néanmoins ces choses viennent chez les épouses par dedans, cela est évident par la manière dont elles les écoutent, en ce qu’elles les reconnaissent dans leur intérieur, et donnent leur faveur à celles qu’elles entendent dire et ont entendu dire par les maris. Mais si la conjonction de l’épouse avec la sagesse morale du mari se fait par dehors, c’est parce que les Vertus de cette sagesse, quant à la plus grande partie, ont de l’affinité avec des vertus semblables chez les femmes, et tiennent de la Volonté intellectuelle du mari avec laquelle la Volonté de l’épouse s’unit et fait un mariage ; et comme l’épouse connaît ces Vertus chez le mari plus que le mari ne les connaît chez lui, il est dit que la conjonction de l’épouse avec elle se fait par dehors.

166. VIII. Pour cette conjonction comme fin, il a été donné à l’Épouse la perception des affections du Mari, et aussi la plus grande prudence pour les modérer. Que les épouses connais· sent les affections de leurs maris et les modèrent avec prudence, cela est aussi un des arcanes de l’Amour Conjugal renfermés secrètement chez les épouses ; elles les connaissent par trois sens, la vue, l’ouïe et le toucher, et elles les modèrent sans que leurs maris en sachent rien. Or, puisque cela est un des arcanes des épouses, il ne m’est pas convenable de le découvrir quant aux circonstances ; mais comme c’est convenable pour les épouses elles-mêmes, il y a, par cette raison, à la suite des Chapitres, quatre MÉMORABLES, dans lesquels cela sera dévoilé par elles-mêmes ; deux, par Trois épouses qui habitent dans le Palais, sur lequel je vis tomber comme une Pluie d’or ; et deux, par Sept épouses assises dans un Bosquet de roses ; si on lit ces Mémorables, cet arcane se présentera à découvert.

167. IX. Les Épouses renferment en elles cette perception, et la cachent aux Maris pour des raisons qui sont des nécessités, afin que l’amour conjugal, l’amitié et la confiance, et ainsi la béatitude de la cohabitation et la félicité de la vie, soient assurés. Renfermer en elles et cacher aux maris la perception des affections du mari, cela est dit être des Nécessités pour les épouses, parce que si elles dévoilaient ces affections elles détourneraient les maris du lit, de la chambre, et de la maison ; la raison, c’est que, chez la plupart des hommes, il y a profondément en eux une froideur conjugale provenant de plusieurs causes, qui seront dévoilées dans le Chapitre sur les causes des froideurs, des séparations et des divorces entre époux ; cette froideur, si les épouses dévoilaient les affections et les inclinations des maris, s’élancerait de ses retraites, et glacerait d’abord les intérieurs du mental, ensuite la poitrine, et de là les derniers de l’amour qui sont destinés à la génération ; toutes ces choses étant refroidies, l’amour conjugal serait banni au point qu’il ne resterait aucun espoir d’amitié, de confiance, et de béatitude de cohabitation, et par conséquent de félicité de la vie ; les épouses cependant se flattent continuellement de cet espoir. Découvrir qu’elles connaissent les affections et les inclinations de l’amour chez les maris, cela porte avec soi la déclaration et la divulgation de leur propre amour ; et il est notoire que, autant les épouses ouvrent la bouche sur cet amour, autant les hommes deviennent froids, et désirent la séparation. Par là se manifeste clairement la vérité de cet Article, que les raisons pour lesquelles les épouses renferment en elles leur perception, et la cachent aux maris, sont des nécessités.

168. X. Cette perception est la sagesse de l’épouse ; et cette sagesse ne peut pas être chez l’époux, ni la sagesse rationnelle de l’époux être chez l’épouse. Cela est une suite de la différence qu’il y a entre le Masculin et le Féminin ; le Masculin est de percevoir d’après l’entendement, et le Féminin de percevoir d’après l’amour ; puis aussi, l’Entendement perçoit les choses qui sont au-dessus du corps et hors du monde, car la vue rationnelle et spirituelle va jusque-là ; mais l’Amour ne va pas au-delà de ce qu’il sent ; quand il va au-delà il tient cela de la conjonction, établie par création, avec l’entendement de l’homme ; car l’entendement appartient à la lumière, et l’amour à la chaleur ; or, les choses qui appartiennent à la lumière sont vues clairement, et celles qui appartiennent à la chaleur sont senties. D’après ces considérations, il est évident qu’en raison de la différence universelle qu’il y a entre le masculin et le féminin, la sagesse de l’épouse ne peut pas être chez l’époux, ni la sagesse de l’époux être chez l’épouse : la sagesse morale de l’homme ne peut non plus être chez les femmes, en tant qu’elle tient de sa sagesse rationnelle.

169. XI. L’épouse, d’après l’amour, pense continuellement à l’inclination de l’Époux envers elle, dans l’intention de se le conjoindre ; il en est autrement de l’Époux. Ceci est en cohérence avec ce qui a été expliqué ci-dessus, à savoir, que l’inclination à unir à soi l’époux est constante et perpétuelle chez l’épouse, mais inconstante et alternative chez l’époux, voir No 160 ; d’où il suit que la pensée de l’épouse est continuelle, au sujet de l’inclination du mari envers elle, dans l’intention de se le conjoindre : la pensée de l’épouse au sujet du mari est discontinuée, il est vrai, par les soins domestiques dont l’épouse est chargée, mais elle reste toujours dans l’affection de son amour, et cette affection ne se sépare pas des pensées chez les femmes comme elle s’en sépare chez les hommes ; mais je rapporte ces choses comme m’ayant été rapportées ; voir les deux MÉMORABLES sur les sept Épouses assises dans un Bosquet de roses, Nos 293, 294.

170. XII. L’Épouse se conjoint à l’Époux par des applications aux désirs de sa volonté. Ceci est au nombre des choses bien connues ; c’est pourquoi il est inutile de l’expliquer.

171. XIII. L’Épouse est conjointe à son Époux par la Sphère de sa vie, qui sort de son amour. De chaque homme sort et même s’épanche une Sphère spirituelle provenant des affections de son amour ; elle l’enveloppe et s’introduit dans la Sphère naturelle qui sort du corps, et ces deux Sphères se conjoignent ; qu’une Sphère naturelle efflue continuellement du corps, non-seulement de l’homme, mais encore des bêtes, et même des arbres, des fruits, des fleurs, et aussi des métaux, cela est vulgairement connu ; dans le Monde Spirituel il en est de même ; mais là, les sphères qui effluent des sujets sont spirituelles, et celles qui émanent des Esprits et des Anges sont entièrement spirituelles, parce qu’elles sont les affections de leur amour, et par suite leurs perceptions et leurs pensées intérieures ; de là tire son origine tout sympathique et tout antipathique, et aussi toute conjonction et toute disjonction, et selon elles toute présence et toute absence, car l’homogène ou le concordant fait la conjonction et la présence, et l’hétérogène ou le discordant fait la disjonction et l’absence ; c’est pourquoi ces sphères y font les distances ; les effets que ces sphères spirituelles produisent dans le Monde naturel sont même connus de quelques personnes : les Inclinations des époux entre eux n’ont pas non plus une autre origine ; les Sphères unanimes et concordantes les unissent, et les Sphères contraires et discordantes les désunissent ; car les sphères concordantes sont agréables et plaisent, et les sphères discordantes sont désagréables et déplaisent. J’ai été informé par les Anges, qui sont dans une claire perception de ces sphères, qu’il n’y a dans l’homme aucune partie à l’intérieur ni aucune à l’extérieur qui ne se renouvelle, et qui se fait par des solutions et des réparations, et que de là vient la sphère qui efflue continuellement ; les Anges m’ont dit que cette sphère enveloppe l’homme par le dos et par la poitrine, avec ténuité par le dos, mais avec densité par la poitrine ; que la sphère qui sort par la poitrine se conjoint avec la respiration ; et que c’est de là que deux époux dont les mentals (animi) et les affections ne s’accordent point se couchent dos à dos dans le lit, et que, vice versa, ceux dont les mentals (animi) et les affections concordent, se tournent mutuellement l’un en face de l’autre. Ils m’ont dit aussi que les sphères, parce qu’elles sortent de toutes les parties de l’homme et se continuent au loin autour de lui, conjoignent et disjoignent les époux non-seulement en dehors, mais aussi en dedans ; et que de là viennent toutes les différences et toutes les variétés de l’Amour conjugal. En dernier lieu, ils m’ont dit que la sphère d’amour sortant d’une épouse, qui est tendrement aimée, est perçue dans le ciel comme exhalant une odeur douce, bien plus délicieuse que celle qui est perçue par un nouveau marié les premiers jours après les noces. De ces explications résulte évidemment la vérité de cette assertion, que l’épouse est conjointe à son époux par la Sphère de sa vie, qui sort de son amour.

172. XIV. L’Épouse est conjointe au Mari par l’appropriation des forces de la vertu du mari ; mais cela se fait selon leur mutuel amour spirituel. Qu’il en soit ainsi, c’est encore ce que j’ai recueilli de la bouche des Anges ; ils m’ont dit que les prolifiques dépensés par les maris sont reçus universellement par les épouses, et s’ajoutent à leur vie ; et qu’ainsi les épouses ont avec leurs maris une vie unanime et successivement plus unanime ; et que par suite il se fait en réalité une union des âmes et une conjonction des mentals : ils m’ont donné pour raison que dans le prolifique du mari il y a son âme, et aussi son mental quant aux intérieurs qui ont été conjoints à l’âme : ils ajoutaient que par création il a été pourvu à cela, afin que la sagesse de l’époux, qui constitue son âme, soit appropriée à l’épouse, et qu’ainsi, selon les paroles du Seigneur, ils deviennent une seule chair : puis, aussi, qu’il a été pourvu à cela, afin que l’homme-époux, après la conception, n’abandonne point l’épouse par quelque fantaisie. Toutefois, les anges ont ajouté que les applications et les appropriations de la vie des maris chez les épouses se font selon l’amour conjugal, parce que l’amour, qui est une union spirituelle, conjoint ; et qu’il a aussi été pourvu à cela pour plusieurs raison.

173. XV. Ainsi l’Épouse reçoit en elle l’image de son Mari, et par suite elle en perçoit, voit et sent les affections. Des raisons rapportées ci-dessus il résulte comme fait incontestable que les Épouses reçoivent en elles les choses qui appartiennent à la sagesse des Maris, ainsi celles qui sont propres aux âmes et aux mentals des maris, et que par conséquent de vierges elles se font épouses. Les raisons dont cela résulte sont : 1o Que la femme a été créée de l’homme. 2o Que par suite il y a en elle une inclination à s’unir et comme à se réunir à l’homme. 3o Que de cette union et à cause de cette union avec son pareil, la femme naît amour de l’homme, et devient de plus en plus amour de l’homme par le mariage, parce qu’alors l’amour emploie continuellement ses pensées à se conjoindre l’homme. 4o Qu’elle est conjointe à son Unique par des applications aux désirs de la vie de cet unique. 5o Qu’ils sont conjoints par les sphères qui les environnent, et qui s’unissent universellement et singulièrement selon la qualité de l’amour conjugal chez les épouses, et en même temps selon la qualité de la sagesse qui le reçoit chez les maris. 6o Qu’ils sont encore conjoints par les appropriations des forces des maris par les épouses. 7o De là il est évident que quelque chose du mari est continuellement transcrit dans l’épouse, et est inscrit en elle comme lui appartenant. De toutes ces considérations il résulte qu’il se forme dans l’épouse une image du mari, image par laquelle l’épouse perçoit, voit et sent en soi les choses qui sont dans le mari, et par suite se perçoit, se voit et se sent pour ainsi dire elle-même en lui ; elle perçoit d’après la communication, elle voit d’après l’aspect, et sent d’après le toucher ; qu’elle sente la réception de son amour par le mari d’après le toucher avec la paume de la main sur les joues, sur les bras, sur les mains et sur la poitrine, c’est ce que m’ont découvert les trois épouses dans le Palais, et les sept épouses dans le Bosquet de roses ; voir les MÉMORABLES Nos 208, 293, 294.

174. XVI. Il y a des Devoirs propres à l’Époux, et des Devoirs propres à l’Épouse ; et l’Épouse ne peut entrer dans les devoirs propres à l’Époux, ni l’Époux dans les devoirs propres à l’épouse, ni s’en bien acquitter l’un et l’autre. Qu’il y ait des devoirs propres à l’époux et des devoirs propres à l’épouse, il est inutile d’illustrer cela par une énumération de ces devoirs, car ils sont nombreux et variés ; et chacun peut les classer numériquement selon les genres et les espèces, pourvu qu’il s’applique à en faire le classement. Les devoirs par lesquels les Épouses se conjoignent principalement avec les Maris sont ceux qui concernent l’éducation des enfants de l’un et de l’autre sexe, et des jeunes filles, jusqu’à l’âge où on les marie.

175. Que l’Épouse ne puisse entrer dans les Devoirs propres à l’époux, ni l’Époux dans les Devoirs propres à l’épouse, c’est parce qu’ils diffèrent comme la sagesse et l’amour de cette sagesse, ou comme la pensée et l’affection de cette pensée, ou comme l’entendement et la volonté de cet entendement ; dans les Devoirs propres aux hommes, l’entendement, la pensée et la sagesse tiennent le premier rang, mais dans les Devoirs propres aux épouses, c’est la volonté, l’affection et l’amour qui tiennent le premier rang ; et l’épouse remplit ses devoirs d’après la volonté, l’affection et l’amour, et l’époux remplit les siens d’après l’entendement, la pensée et la sagesse ; leurs Devoirs sont donc différents par leur nature, mais néanmoins ils sont susceptibles d’être conjoints en série successive. Plusieurs croient que les femmes peuvent remplir les devoirs des hommes, pourvu que dès le premier âge elles y soient initiées comme les jeunes garçons ; elles peuvent, il est vrai, être initiées dans leur exercice, mais non dans le jugement, dont dépend intérieurement la rectitude des devoirs ; c’est pourquoi ces femmes, qui ont été initiées dans les devoirs des hommes, sont obligées dans les choses de jugement de consulter les hommes, et alors, d’après leurs conseils, si elles sont libres d’agir, elles choisissent ce qui est favorable à leur amour. Quelques-uns aussi s’imaginent que les femmes peuvent également élever la pénétration de leur entendement dans la sphère de lumière dans laquelle sont les hommes, et considérer les choses dans la même élévation, opinion qu’ils se sont faite par les écrits de quelques Muses érudites ; mais ces écrits, examinés dans le Monde spirituel en présence de ces Muses, ont été trouvés provenir, non du jugement ni de la sagesse, mais de l’imagination et de l’éloquence, et les écrits qui proviennent de ces deux sources-ci ont, par l’élégance et la symétrie du style, une apparence de sublimité et d’érudition, mais seulement devant ceux qui appellent sagesse toute ingéniosité. Que les hommes ne puissent entrer dans les devoirs des femmes, ni les remplir convenablement, c’est parce qu’ils ne sont pas dans les affections des femmes, qui sont entièrement distinctes des affections des hommes. Comme les affections et les perceptions du sexe masculin ont été ainsi distinguées par création et par suite par nature, c’est pour cela que parmi les statuts chez les fils d’Israël il y avait aussi celui-ci : « Il n’y aura point de vêtement d’homme sur une femme, ni de vêtement de femme sur un homme ; car abomination, cela. » – Deutér. XXII. 5. – C’était parce que dans le Monde spirituel tous sont vêtus selon leurs affections ; et les deux affections, de la femme et de l’homme, ne peuvent être unies qu’entre deux, et jamais dans un seul.

176. XVII. Ces Devoirs selon le secours mutuel conjoignent aussi les deux en un ; et en même temps ils constituent une seule Maison. Que les devoirs du Mari se conjoignent sous quelque rapport avec les devoirs de l’épouse, et que les devoirs de l’Épouse s’adjoignent aux devoirs du mari, et que ces conjections et ces adjonctions soient un secours mutuel, et existent selon ce secours, ce sont là des choses connues dans le monde ; mais les principaux devoirs qui allient, consocient et assemblent en un les âmes et les vies des deux époux, concernent le soin commun d’élever les enfants ; au sujet de ce soin les Devoirs du mari et les Devoirs de l’épouse sont distincts et en même temps se conjoignent ; ils sont distincts, parce que le soin d’allaiter et d’élever les petits enfants de l’un et de l’autre sexe, et aussi d’instruire les jeunes filles jusqu’à l’âge où elles sont données et associées à des époux, appartient au devoir propre de l’épouse, tandis que le soin d’instruire les jeunes garçons après l’enfance jusqu’à l’âge de puberté, et après cet âge jusqu’à ce qu’ils soient capables de se diriger eux-mêmes, appartient au devoir propre du mari ; mais ces Devoirs se conjoignent par les conseils, par les appuis et par plusieurs autres secours mutuels. Que ces Devoirs, tant conjoints que distincts, ou tant communs que propres, lient en un les mentals (animi) des époux, et que cela soit effectué par l’Amour appelé storge, c’est ce qui est bien connu : que ces Devoirs, considérés dans leur distinction et dans leur conjonction, constituent une seule Maison, c’est aussi ce qui est bien connu.

177. XVIII. Les deux Époux selon les conjonctions ci-dessus mentionnées deviennent de plus en plus un seul homme. Ceci coïncide avec le contenu de l’Article VI, où il a été expliqué que la conjonction se fait successivement dès les premiers jours du mariage, et que chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, elle se fait de plus en plus profondément durant l’éternité ; voir No 162. Ils deviennent un seul homme selon l’accroissement de l’Amour conjugal : et comme cet Amour dans les Cieux est l’amour réel procédant de la vie céleste et spirituelle des Anges, c’est pour cela que deux Époux y sont appelés deux quand ils sont nommés Mari et Épouse, mais un quand ils sont nommés Anges.

178. XIX. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal sentent que par union ils sont l’homme, et comme une seule chair. Qu’il en soit ainsi, ce n’est pas par la bouche de quelque habitant d’une terre, mais c’est par celle des habitants des cieux que cela doit être Confirmé, puisque chez les hommes dans les terres il n’y a pas aujourd’hui d’Amour vraiment conjugal ; et, de plus, les hommes sont enveloppés d’un corps grossier qui émousse et absorbe cette sensation que par union deux époux sont l’homme et comme une seule chair ; et en outre, ceux qui dans le Monde aiment leur conjoint seulement extérieurement et non intérieurement ne veulent pas entendre parler de cela ; ils y pensent même d’après la chair avec lasciveté. Il en est autrement chez les Anges du Ciel parce qu’ils sont dans l’Amour conjugal spirituel et céleste, et non enveloppés d’un corps aussi grossier que celui des hommes de la terre. J’en ai entendu, d’entre ceux qui avaient vécu avec leurs épouses pendant des siècles dans le ciel, attester qu’ils se sentent ainsi unis, le mari avec l’épouse et l’épouse avec le mari, et chacun d’eux dans l’autre, mutuellement et réciproquement, comme aussi dans la chair, quoique séparés. Pour raison de la rareté de ce phénomène dans les terres ils donnaient celle-ci, que l’union des âmes et des mentals de deux époux est sentie dans leur chair, parce que l’âme fait non-seulement les intimes de la tête, mais aussi les intimes du corps ; il en est de même du mental qui tient le milieu entre l’âme et le corps ; quoique le mental apparaisse dans la tête, il est néanmoins aussi en actualité dans tout le corps ; et ils disaient qu’il résulte de là que les actes, que l’âme et le mental ont intention de faire, découlent à l’instant même du corps ; puis, aussi, qu’il résulte de là qu’après avoir rejeté le corps dans le Monde précédent, ils sont eux-mêmes hommes parfaits. Maintenant, parce que l’Âme et le Mental s’adjoignent étroitement à la Chair du corps pour opérer et produire leurs effets, il s’ensuit que l’union de l’âme et du mental avec le conjoint est sentie aussi dans le corps comme une seule chair. Quand les Anges faisaient ces déclarations, j’entendais des esprits, qui étaient présents, dire que c’étaient là des choses de la sagesse angélique, qui étaient au-dessus de la compréhension ; mais ces esprits étaient rationnels naturels, et non rationnels-spirituels.

179. XX. L’Amour vraiment conjugal considéré en lui-même est l’union des âmes, la conjonction des mentals, et l’effort pour la conjonction dans les poitrines, et par suite dans le corps. Que cet amour soit l’union des âmes et la conjonction des mentals, ou le voit ci-dessus, No 158 ; qu’il soit l’effort pour la conjonction dans les poitrines, c’est parce que la Poitrine est comme un Lieu où se tient l’assemblée et comme un Palais de roi, et le Corps comme une Ville populeuse à l’entour. Si la Poitrine est comme un Lieu où se tient l’assemblée, c’est parce que toutes les choses qui par l’âme et par le mental ont une détermination dans le corps influent d’abord dans la poitrine ; si elle est comme un Palais de roi, c’est parce que là il y a domination sur toutes les choses du corps, car là il y a le Cœur et le Poumon, et partout le cœur règne par le sang, et le poumon par la respiration ; que le Corps soit comme une Ville Populeuse à l’entour, cela est évident. Lors donc que les Âmes et les Mentals des époux ont été unis et que l’amour vraiment conjugal les unit, il s’ensuit que cette aimable union influe dans leurs poitrines, et par celles-ci dans leurs corps, et produit l’effort pour la conjonction ; et cela d’autant plus que l’amour conjugal détermine l’effort vers ses derniers pour compléter ses délicieux plaisirs ; et comme la poitrine est le lieu où aboutissent les deux chemins (venant du mental et du corps), on voit clairement d’où vient que l’amour conjugal y a trouvé le siège de son sens délicat.

180. XXI. Les états de cet amour sont l’Innocence, la Paix, la Tranquillité, l’Amitié intime, la Pleine Confiance, et le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de biens ; et les états provenant de ceux-ci sont la Béatitude, la Satisfaction, le Plaisir, la Volupté ; et de la jouissance éternelle de toutes ces choses résulte la Félicité céleste. Si toutes ces choses sont dans l’Amour conjugal et en dérivent, c’est parce que cet amour a pour origine le Mariage du bien et du vrai et que ce Mariage procède du Seigneur, et parce que l’Amour est tel qu’il veut communiquer des joies à un autre qu’il aime de tout cœur, et même les lui transférer, et par là y trouver lui-même les siennes ; donc infiniment plus le Divin Amour, qui est dans le Seigneur, à l’égard de l’homme, qu’il a créé Réceptacle et de l’Amour et de la Sagesse qui procèdent de Lui ; et puisqu’il a créé l’Homme (Homo) pour la réception, à savoir, l’Homme (Vir) pour la réception de la Sagesse, la Femme pour la réception de l’amour de la sagesse de l’homme, c’est pour cela que par les intimes il a infusé dans les hommes (homines), l’Amour conjugal dans lequel il pût transférer toutes les choses de la béatitude, de la satisfaction, du plaisir et de la volupté, qui procèdent uniquement de son Divin Amour par sa Divine Sagesse en même temps que la vie, et qui influent ; par conséquent, en ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal parce qu’eux seuls sont récipients. Il est fait mention de l’Innocence, de la Paix, de la Tranquillité, de l’Amitié intime, de la pleine Confiance, et du Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien, parce que l’Innocence et la Paix appartiennent à l’âme, la Tranquillité au mental, l’Amitié intime à la poitrine, la pleine Confiance au cœur, et que le Désir du mental (animus) et du cœur de se faire l’un à l’autre toute sorte de bien appartient au corps d’après les choses précédentes.

181. XXII. Ces choses ne peuvent exulter que dans le Mariage d’un seul Époux avec une seule Épouse. C’est ce qui est conclu de toutes les choses qui ont été dites jusqu’ici, et c’est aussi ce qui devient une conclusion pour toutes celles qui seront dites dans la suite ; il n’est donc pas besoin d’une explication spéciale pour le confirmer.

 

 

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182. À ce qui précède seront ajoutés DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Quelques semaines après, j’entendis une voix du Ciel qui me dit : « Voici de nouveau une Assemblée au Parnasse ; approche, nous te montrerons le chemin. » Je m’approchai, et quand je fus auprès, je vis sur l’Hélicon quelqu’un tenant une trompette avec laquelle il annonçait et indiquait l’Assemblée. Et je vis, comme précédemment, des esprits monter de la Ville d’Athénée et des environs, et au milieu d’eux trois Novices du Monde ; ils étaient tous trois d’entre les Chrétiens, l’un Prêtre, l’autre Politique, et le troisième Philosophe ; on les récréait en chemin par une conversation sur divers sujets, principalement sur les Sages Anciens qu’on désignait par leur nom ; ils demandèrent s’ils les verraient ; on leur répondit qu’ils les verraient, et que s’ils le voulaient, ils leur présenteraient le salut, attendu qu’ils étaient affables. Ils s’informèrent de Démosthène, de Diogène et d’Épicure. On leur dit : « Démosthène n’est point ici, il est auprès de Platon ; Diogène, avec ceux de son école, demeure sous l’Hélicon, par cette raison qu’il regarde les choses mondaines comme rien, et ne s’occupe que de choses célestes ; Épicure habite à l’occident sur les confins, et n’entre pas chez nous, parce que nous, nous distinguons entre les affections bonnes et les affections mauvaises, et nous disons que les affections bonnes sont avec la sagesse, et les affections mauvaises contre la sagesse. » Quand ils eurent monté la colline du Parnasse, quelques gardes y apportèrent de l’eau de la fontaine dans des vases de cristal, et dirent : « C’est de l’eau de la fontaine, que, selon les récits de l’antiquité, le cheval Pégase avait fait jaillir en frappant la terre avec la corne de son pied, et qui fut ensuite consacrée aux neuf Vierges ; or, par le Cheval ailé, Pégase, ils désignaient l’Entendement du vrai par lequel existe la Sagesse ; par la corne de son pied, les expériences par lesquelles on acquiert l’intelligence naturelle ; et par les Neuf Vierges, les connaissances et les sciences de tout genre ; ces choses aujourd’hui sont appelées fables, mais elles étaient des correspondances, d’après lesquelles s’exprimaient les hommes de l’antiquité. » Ceux qui accompagnaient les trois nouveaux venus leur dirent : « Que cela ne vous étonne pas, les gardes ont été instruits à parler ainsi ; et nous, par boire de l’eau de la fontaine, nous entendons être instruits des vrais, et des biens au moyen des vrais, et ainsi avoir la sagesse » Ensuite ils entrèrent dans le Palladium, et avec eux les trois Novices du Monde, le Prêtre, le Politique et le Philosophe ; et alors ceux qui étaient couronnés de laurier, et assis près des tables, demandèrent : « QU’Y A-T-IL DE NOUVEAU DE LA TERRE ? » Et ils répondirent : « Il y a de nouveau qu’un homme prétend converser avec les Anges, et avoir la vue ouverte pour le Monde spirituel comme il l’a ouverte pour le Monde naturel ; et il en rapporte plusieurs choses nouvelles, entre autres celles-ci : Que l’homme vit homme après la mort comme il a vécu précédemment dans le Monde ; qu’il voit, entend, parle comme auparavant dans le Monde ; qu’il est vêtu et paré d’ornements comme auparavant dans le Monde ; qu’il a faim et soif, mange et boit comme auparavant dans le Monde ; qu’il jouit du délice conjugal comme auparavant dans le Monde, qu’il dort et veille comme auparavant dans le Monde ; qu’il y a là des terres et des lacs, des montagnes et des collines, des plaines et des vallées, des fontaines et des fleuves, des jardins et des bocages ; et qu’il y a aussi là des palais et des maisons, des villes et des villages, comme dans le Monde naturel ; qu’il y a aussi des écritures et des livres, des emplois et des commerces, des pierres précieuses, de l’or et de l’argent ; qu’en un mot, il y a là, en général et en particulier, toutes les choses qui sont sur la terre ; et que, dans les cieux, elles sont infiniment plus parfaites, avec la seule différence que toutes les choses qui sont dans le Monde spirituel sont d’origine spirituelle, et par suite spirituelles, parce qu’elles procèdent du Soleil spirituel qui est pur Amour, tandis que toutes les choses qui sont dans le Monde naturel sont d’origine naturelle et par suite naturelles et matérielles, parce qu’elles procèdent du Soleil naturel qui est pur feu ; qu’en un mot l’homme après la mort est parfaitement homme, et même plus parfaitement homme qu’auparavant dans le Monde ; car auparavant dans le Monde il était dans un corps matériel, tandis que dans le Monde spirituel il est dans un corps spirituel. » Après qu’ils eurent ainsi parlé, les Sages anciens leur demandèrent ce qu’on pense de cela sur la terre. Ils dirent tous trois : « Quant à nous, nous savons que cela est vrai, puisque nous sommes ici, et que nous avons tout visité et tout examiné ; nous dirons donc comment on en a parlé et comment on en a raisonné sur la terre. » Et alors le PRÊTRE dit : « Aussitôt que ceux qui sont de notre ordre eurent entendu ces récits, ils les ont traités de visions, et ensuite de fictions, puis ils ont dit qu’il avait vu des fantômes, et enfin ils ont hésité, et ont dit : Croyez, si vous voulez ; pour nous, jusqu’à présent nous avons enseigné que l’homme, après la mort, ne sera pas dans un corps avant le jour du jugement dernier. » Et l’on demanda au Prêtre s’il n’y avait pas parmi eux quelques hommes intelligents qui pussent leur démontrer et leur faire reconnaître cette vérité, que l’homme vit homme après la mort. Le Prêtre répondit : « Il y en a qui la démontrent, mais ils ne convainquent pas ; ceux qui la démontrent disent qu’il est contre la saine raison de croire que l’homme ne vit pas homme avant le jour du jugement dernier, et que l’Âme en attendant ce jour est sans corps ; qu’est-ce alors que l’Âme, et où est-elle pendant ce temps ? Est-ce un souffle, ou un vent qui voltige dans l’air, ou un être renfermé au centre de la terre ? Où est son Quelque part (Pu) ? Est-ce que les Âmes d’Adam et d’Ève, et de tous ceux qui ont vécu après eux, depuis six mille ans ou soixante siècles, voltigent encore dans l’univers, ou sont tenues renfermées dans le centre de la terre, et attendent le jugement dernier ? Quoi de plus pénible et de plus misérable qu’une telle attente ? Leur sort ne pourrait-il pas être comparé au sort de ceux qui sont en prison les fers aux mains et aux pieds ? Si tel était le sort qui attend l’homme après la mort, ne vaudrait-il pas mieux naître âne que de naître homme ? N’est-il pas aussi contre la raison de croire que l’âme peut être de nouveau revêtue de son corps ? Le corps n’a-t-il pas été rongé par les vers, par les raies, par les poissons ? Et des os brûlés au soleil ou réduits en poussière pourraient-ils rentrer dans ce nouveau corps ? Comment des matières cadavéreuses et infectes se rassembleraient-elles et s’uniraient-elles aux âmes ? À ces raisonnements, ceux qui les entendent ne répondent rien de raisonnable, mais ils restent attachés à leur foi, disant : Nous soumettons la raison à l’obéissance de la foi. Quant à la réunion de tous les morts sortant des tombeaux au jour du jugement dernier, ils disent : C’est l’œuvre de la Toute-Puissance ; et quand ils nomment la Toute-Puissance et la Foi, la raison est bannie ; et je puis dire qu’alors la saine raison est comme rien, et pour quelques-uns d’eux comme un spectre ; et même ils peuvent dire à la saine raison : Tu déraisonnes. » À ces mots, les Sages de la Grèce dirent : « Ces paradoxes ne se dissipent-ils pas d’eux-mêmes comme contradictoires ? Et cependant aujourd’hui dans le Monde ils ne peuvent être dissipés par la saine raison ; que peut-ou croire de plus paradoxal que ce qui est raconté du Jugement Dernier, que l’Univers périra, et qu’alors les étoiles du ciel tomberont sur la terre, qui est plus petite que les étoiles : et que les corps des hommes, alors ou cadavres, ou momies triturées par les hommes, ou réduits à rien, seront réunis à leurs âmes ? Nous, lorsque nous étions dans le Monde, nous avons cru à l’immortalité des âmes des hommes, d’après les inductions que la raison nous fournissait ; et en outre nous avons désigné pour les bienheureux des lieux que nous avons appelés Champs-Élysées : et nous avons cru que ces âmes étaient des effigies ou formes humaines, mais ténues parce qu’elles étaient spirituelles. » Après avoir ainsi parlé, ils se tournèrent vers le second nouveau venu, qui dans le Monde avait été POLITIQUE ; celui-ci avoua qu’il n’avait pas cru à la vie après la mort ; et qu’au sujet des choses nouvelles qu’il en avait entendu dire il avait pensé que c’étaient des fictions et des inventions : « En méditant sur cette vie future, je disais : Comment des âmes peuvent-elles être des corps ? tout ce qui appartient à l’homme n’est-il pas étendu mort dans le tombeau ? Son œil n’y est-il pas ; comment peut-il voir ? Son oreille n’y est-elle pas ; comment peut-il entendre ? D’où a-t-il une bouche pour parler ? Si quelque chose de l’homme vivait après la mort, serait-ce autre chose qu’un spectre ? Comment un spectre peut-il manger et boire, et comment peut-il jouir du délice conjugal ? Où prend-il des vêtements, une maison, des aliments, et le reste ? Et les spectres, qui sont des effigies aériennes, apparaissent comme s’ils existaient, et cependant n’existent pas. J’avais dans le Monde ces pensées et d’autres semblables sur la vie des hommes après la mort ; mais à présent que j’ai tout vu, et tout touché de mes mains, je suis convaincu par les sens eux-mêmes que je suis homme comme dans le Monde, au point de ne savoir autre chose sinon que je vis comme je vivais, avec la différence que maintenant ma raison est plus saine ; j’ai souvent eu honte de mes pensées antérieures. » Le PHILOSOPHE raconta sur lui-même des choses semblables, avec cette différence cependant qu’il avait rangé ces nouveautés, qu’il entendait dire sur la vie après la mort, au nombre des opinions et des hypothèses qu’il avait recueillies des Anciens et des Modernes. Les Sophi étaient stupéfaits de ce qu’ils venaient d’entendre ; et ceux qui étaient de l’École de Socrate dirent que, d’après ces Nouvelles de la terre, ils percevaient que les intérieurs des mentals humains avaient été successivement bouchés, et que maintenant dans le Monde la foi du faux brille comme la vérité, et l’ingéniosité extravagante comme la sagesse, et que la lumière de la sagesse, depuis les temps où ils vivaient dans le Monde, s’était abaissée des intérieurs du Cerveau sur la bouche au-dessous du nez, où cette lumière se montre devant les yeux comme éclat de la lèvre, et par suite le langage de la bouche comme sagesse. Après avoir entendu ces choses, l’un des élèves de cette école dit : « Combien sont stupides aujourd’hui les mentals des habitants de la terre ! Oh ! si nous avions ici des Disciples de Démocrite et d’Héraclite, dont les uns rient de tout, et les autres se lamentent de tout, que de rires et de lamentations nous entendrions ! » Cette séance de l’Assemblée ayant été levée, ils donnèrent aux trois Novices de la terre des marques de leur autorité ; c’étaient des lames de cuivre sur lesquelles quelques Hiéroglyphes avaient été gravés ; et les Novices se retirèrent avec ces lames.

183. SECOND MÉMORABLE : Il m’apparut dans la plage orientale un Bocage de palmiers et de lauriers disposés en courbes d’hélices ; j’approchai et j’entrai, et je parcourus des allées qui me firent faire le tour de quelques-unes de ces courbes, et au bout des allées je vis un Jardin qui occupait le milieu du Bocage ; il y avait un petit pont qui faisait séparation, et là une porte du côté du Bocage ; et une porte du côté du Jardin ; je m’approchai, et les portes furent ouvertes par le gardien ; je lui demandai quel était le nom du Jardin, et il dit : « ADRAMANDONI, c’est-à-dire, le délice de l’amour conjugal. » J’entrai ; et voici, des oliviers, et entre les oliviers des ceps qui couraient et pendaient, et au-dessous d’eux et parmi eux des arbustes en fleurs. Au milieu du Jardin il y avait un cirque de gazon, sur lequel étaient assis des maris et des épouses, et aussi des jeunes hommes et des vierges, deux par deux ; et, au milieu du cirque, un terrain élevé où une petite fontaine lançait de l’eau en haut par la seule force de sa source. Quand je fus près du cirque, je vis deux Anges, vêtus de pourpre et d’écarlate, qui parlaient avec ceux qui étaient assis sur le gazon, et ils parlaient de l’origine de l’Amour conjugal et de ses délices ; et comme cet amour était le sujet de l’entretien, il y avait attention avide, et réception pleine, et par suite exaltation comme par le feu de l’amour dans le discours des anges. Voici en somme ce que je recueillis de leur entretien : ils parlèrent d’abord de la difficulté de découvrir et de la difficulté de percevoir l’origine de l’amour conjugal, parce que cette Origine est Divine-Céleste, car c’est le Divin Amour, la Divine Sagesse et le Divin Usage, qui tous trois procèdent comme un du Seigneur, et par suite influent comme un dans les âmes des hommes, et par les âmes dans leurs mentals, et là dans les affections et les pensées intérieures, par elles dans les désirs qui tiennent au corps, et d’après ces désirs par la poitrine dans la Région génitale, où tous les dérivés de la première origine sont ensemble, et constituent avec les successifs l’amour conjugal. Ensuite les Anges dirent : « Procédons maintenant par demandes et par réponses, car la perception d’un sujet, puisée par l’ouïe seule, influe, il est vrai, mais ne reste pas à moins que celui qui écoute n’y pense aussi d’après lui-même, et ne fasse des questions. » Alors quelques-uns de cette Assemblée Conjugale dirent aux Anges : « Nous avons entendu que l’Origine de l’amour conjugal est Divine-Céleste, parce qu’elle vient du Seigneur d’après l’influx dans les âmes des hommes ; et que, comme elle vient du Seigneur, c’est l’Amour, la Sagesse et l’Usage, qui sont trois essentiels faisant ensemble une seule Essence Divine, et que rien autre chose que ce qui est de l’Essence Divine ne peut procéder de Lui, ni influer dans l’intime de l’homme, qui est appelé son âme ; et que ces trois en descendant dans le corps sont changés en des choses analogues et correspondantes ; maintenant donc nous demanderons d’abord ce qui est entendu par le troisième Essentiel procédant Divin, qui est appelé Usage. » Les Anges répondirent : « L’Amour et la Sagesse sans l’Usage sont seulement d’abstraites idées de la pensée, qui aussi, après avoir demeuré quelque temps dans le mental, passent comme des souffles ; mais ces deux sont recueillis dans l’usage et ils y deviennent cet un, qui est appelé le réel ; l’amour ne peut pas rester sans agir, car l’amour est l’actif même de la vie ; la sagesse ne peut non plus ni exister, ni subsister, si ce n’est d’après l’amour et avec l’amour quand il agit, et l’acte est l’usage ; nous définissons donc ainsi l’usage : Faire le bien d’après l’amour par la Sagesse ; l’Usage est le Bien même. Puisque ces trois, l’Amour, la Sagesse et l’Usage influent dans les âmes des hommes, on peut voir pourquoi il est dit que tout bien vient de Dieu ; car tout ce qui est fait d’après l’amour par la sagesse est appelé bien, et l’usage est aussi ce qui a été fait. Qu’est-ce que l’amour sans la sagesse, sinon une sorte de folie ? et qu’est-ce que l’amour avec la sagesse sans l’usage, sinon un souffle du mental ? Mais l’amour et la sagesse avec l’usage non-seulement font l’homme, mais aussi sont l’homme ; et même, ce qui peut-être vous étonnera, ils propagent l’homme ; car, dans la semence de l’homme, il y a son âme en parfaite forme humaine, voilée de substances d’entre les plus pures de la nature, d’après lesquelles est formé le corps dans l’utérus de la mère ; cet Usage est l’Usage suprême et dernier du Divin Amour par la Divine Sagesse. » Enfin les Anges dirent : « Notre conclusion sera ceci : Toute fructification, toute propagation et toute prolification vient originairement d’un influx de l’amour, de la sagesse et de l’usage d’après le Seigneur, d’un influx immédiat d’après le Seigneur dans les âmes des hommes, d’un influx médiat dans les âmes des animaux, et d’un influx encore plus médiat dans les intimes des végétaux ; et toutes ces choses se font dans les derniers d’après les premiers. Que les fructifications, les propagations et les prolifications soient des continuations de la création, cela est évident ; car une création ne peut être faite que d’après le Divin Amour par la Divine Sagesse dans le Divin Usage ; c’est pourquoi toutes choses dans l’univers sont procréées et formées d’après l’usage, dans l’usage, et pour l’usage. » Ensuite ceux qui étaient assis sur des lits de gazon demandèrent aux Anges d’où venaient les délices de l’Amour conjugal, qui sont innombrables et ineffables. Les Anges répondirent : « Elles viennent des Usages de l’amour et de la sagesse, et on peut le voir en ce que, autant quelqu’un aime à devenir sage pour un usage réel, autant il est dans la veine et dans la puissance de l’amour conjugal ; et que, autant il est dans cette veine et dans cette puissance, autant il est dans les délices ; l’usage opère cela, parce que l’amour et la sagesse se délectent entre eux, et jouent pour ainsi dire comme des enfants ; et selon qu’ils croissent, ils se conjoignent joyeusement, ce qui a lieu comme par des fiançailles, des noces, des mariages et des propagations, et cela continuellement avec variété durant l’éternité : ces choses ont lieu entre l’amour et la sagesse intérieurement dans l’usage ; toutefois, ces délices dans leurs principes sont non-perceptibles, mais elles deviennent perceptibles de plus en plus, à mesure qu’elles descendent de là par degrés, et entrent dans le corps ; elles entrent par degrés de l’âme dans les intérieurs du mental de l’homme, et des intérieurs dans ses extérieurs, et de ceux-ci dans la poitrine, et de la poitrine dans la région génitale ; ces célestes jeux nuptiaux dans l’Âme ne sont en rien perçus par l’homme, mais ils s’insinuent de là dans les intérieurs du mental sous une espèce de paix et d’innocence, et dans les extérieurs du mental sous une espèce de béatitude, de satisfaction et de plaisir, mais dans la poitrine sous une espèce de délices d’intime amitié, et dans la région génitale, d’après l’influx continuel venant de l’âme avec le sens même de l’amour conjugal, comme délice des délices. Ces jeux nuptiaux de l’amour et de la sagesse dans l’usage dans l’Âme, en s’avançant vers la poitrine, restent et s’y fixent d’une manière sensible sous une variété infinie de délices ; et, en raison de l’admirable communication de la poitrine avec la région génitale, les délices y deviennent les délices de l’amour conjugal, lesquelles ont été élevées au-dessus de toutes les délices qui existent dans le Ciel et dans le Monde, parce que l’usage de l’amour conjugal est le plus éminent de tous les usages, car par lui existe la procréation du Genre Humain, et par le Genre Humain le Ciel Angélique. » Les Anges ajoutèrent que ceux qui ne sont pas par le Seigneur dans l’amour de la sagesse pour l’Usage, ne savent rien concernant la variété des délices innombrables qui appartiennent à l’amour vraiment conjugal ; en effet, chez ceux qui n’aiment pas à être dans la sagesse d’après les vrais réels, mais qui aiment à être dans la folie d’après les faux, et qui par cette folie d’après quelque amour font des usages mauvais, le chemin vers l’âme a été fermé, d’où il résulte que ces célestes jeux nuptiaux de l’amour et de la sagesse dans l’âme, de plus en plus interceptés, cessent, et en même temps qu’eux l’amour conjugal avec sa veine, sa puissance et ses délices. Alors ceux qui écoulaient dirent qu’ils percevaient que l’amour conjugal est selon l’amour de devenir sage pour faire des usages d’après le Seigneur. Les Anges répondirent que cela était ainsi. Et alors sur les têtes de quelques-uns il apparut des couronnes de fleurs ; et ils demandèrent : « Pourquoi cela ? » Les Anges dirent : « Parce qu’ils ont compris plus profondément. » Et alors ils sortirent du jardin, et ceux-ci au milieu d’eux.

 

 

 

DU CHANGEMENT D’ÉTAT DE LA VIE CHEZ LES HOMMES ET CHEZ LES FEMMES PAR LE MARIAGE.

 

 

184. Ce qui est entendu par les états de la vie et par les changements d’état est bien connu des Érudits et des Sages, mais n’est point connu des ignorants et des simples, il faut donc d’abord en dire quelque chose. L’État de la vie de l’homme est sa Qualité ; et comme il y a dans chaque homme deux facultés qui constituent la vie, et qui sont appelées l’Entendement et la Volonté, l’état de la vie de l’homme est sa qualité quant à l’Entendement et quant à la Volonté ; de là il est évident que par les Changements d’état de la vie, il est entendu les changements de qualité quant aux choses qui appartiennent à l’entendement et quant à celles qui appartiennent à la volonté. Que tout homme, quant à ce qui appartient à l’une et à l’autre faculté, soit continuellement changé, mais avec une différence de variétés avant le mariage et après le mariage, c’est là ce qu’il s’agit de démontrer dans cette Section, ce qui sera fait dans cet ordre : I. L’État de la vie de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la fin de la vie, et ensuite dans l’éternité, est continuellement changé. II. Pareillement la Forme interne, qui est celle de son Esprit. III. Ces Changements sont autres chez les Hommes, et autres chez les Femmes, puisque par création les Hommes sont des Formes de science, d’intelligence et de sagesse, et les Femmes des Formes de l’amour de ces choses chez les hommes. IV. Chez les Hommes il y a élévation du mental dans une lumière supérieure, et chez les Femmes élévation du mental dans une chaleur supérieure ; et la Femme sent les délices de sa chaleur dans la lumière de l’Homme. V. Les États de la vie sont autres pour les hommes et pour les femmes avant le Mariage, et autres après le Mariage. VI. Les États de la vie après le mariage chez les époux sont changés et se succèdent selon les conjonctions de leurs mentals par l’amour conjugal. VII. Les Mariages aussi introduisent d’autres formes dans les âmes et dans les mentals des Époux. VIII. La Femme est en actualité formée en Épouse de l’homme selon la description dans le Livre de la Création. IX. Cette Formation se fait de la part de l’Épouse par des moyens secrets, et cela est entendu en ce que la femme a été créée pendant que l’homme dormait. X. Cette Formation de la part de l’Épouse se fait par la conjonction de sa volonté avec la volonté interne de l’époux. XI. Le but de cela, c’est que la volonté de l’un et celle de l’autre deviennent une seule Volonté, et qu’ainsi ils soient tous deux un seul Homme. XII. Cette Formation de la part de l’Épouse se fait par l’appropriation des affections du Mari. XIII. Cette Formation de la part de l’Épouse se fait par la réception des propagations de l’âme du Mari, avec le délice tirant sa source de ce qu’elle veut être l’Amour de la sagesse de son mari. XIV. Ainsi une Vierge est formée en Épouse, et un Jeune Homme en Mari. XV. Dans le Mariage d’un homme avec une épouse, entre lesquels existe l’amour vraiment conjugal, l’Épouse devient de plus en plus épouse, et le Mari de plus en plus mari. XVI. De même aussi successivement leurs formes se perfectionnent et s’ennoblissent par l’intérieur. XVII. Les Enfants nés de deux époux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, tiennent de leurs Parents le Conjugal du bien et du vrai, d’où leur viennent l’Inclination et la Faculté, si c’est un fils, pour percevoir les choses qui appartiennent à la sagesse, et si c’est une fille, pour aimer les choses que la sagesse enseigne. XVIII. Cela a lieu ainsi, parce que l’âme de l’enfant vient du Père, et que l’enveloppe de cette âme vient de la Mère. Suit maintenant l’Explication de ces Articles.

185. I. L’État de la vie de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la fin de sa vie, et ensuite dans l’éternité, est continuellement changé. Les États communs de la vie de l’homme sont appelés Enfance, Jeunesse, Adolescence, Virilité et Vieillesse ; que chaque homme, dont la vie est continuée dans le Monde, passe successivement d’un âge dans un autre, ainsi du premier jusqu’au dernier, cela est connu ; les transitions dans ces âges ne sont pas apparentes, si ce n’est au moyen d’espaces de temps écoulés ; que cependant elles soient progressives de moments en moments, ainsi continuellement, la raison le voit ; car il en est d’un homme comme d’un arbre, qui à chaque petit espace de temps, même le plus petit, depuis que la semence a été jetée en terre, croît et grandit ; ces progressions momentanées sont aussi des Changements d’état, car la subséquente ajoute à l’antécédente quelque chose qui perfectionne l’état. Les Changements qui se font dans les Internes de l’homme sont plus parfaitement continus que ceux qui se font dans ses Externes ; et cela parce que les Internes de l’homme, par lesquels sont entendues les choses qui appartiennent à son Mental ou à son Esprit, ont été élevés au-dessus des Externes dans un degré supérieur, et que dans les Internes, qui sont dans un degré supérieur, il s’en fait des milliers au même instant où il ne s’en fait qu’une dans les Externes. Les Changements qui se font dans les Internes sont des changements d’état de la volonté quant aux affections, et des changements d’état de l’entendement quant aux pensées ; ces changements successifs d’état des affections et des pensées sont ce qui est spécialement entendu dans la Proposition. Que les Changements d’état de ces deux vies ou facultés soient perpétuels, depuis l’enfance chez l’homme jusqu’à la fin de sa vie, et ensuite dans l’éternité, c’est parce qu’il n’y a pas de fin pour la science, à plus forte raison pour l’intelligence, et à bien plus forte raison pour la sagesse ; car dans leur extension il y a infinité et éternité d’après l’infini et l’Éternel dont elles procèdent. De là vient ce principe philosophique des anciens, que tout est divisible à l’infini ; il faut y ajouter que pareillement tout est multipliable à l’infini. Les Anges affirment que par le Seigneur ils sont perfectionnés en sagesse éternellement, ce qui est aussi à l’infini, parce que l’éternel est l’infini du temps.

186. II. Pareillement la Forme interne de l’homme, qui est celle de son esprit. Si cette forme est continuellement changée de même qu’est changé l’état de la vie de l’homme, c’est parce qu’aucune chose n’existe sinon dans une forme, et l’état revêt cette forme ; c’est donc la même chose, soit qu’on dise que l’état de la vie de l’homme est changé, soit qu’on dise que sa forme est changée. Toutes les affections et les pensées de l’homme sont dans des formes, et par suite d’après les formes, car les formes sont leurs sujets ; si les affections et les pensées n’étaient pas dans des sujets, qui ont été formés, il y en aurait aussi dans des crânes vides de cervelle ; ce qui serait la même chose que de supposer la vue sans l’œil, l’ouïe sans l’oreille, et le goût sans la langue ; on suit que l’œil, l’oreille et la langue sont les sujets de ces sens, et que ces sujets sont des formes. Que chez l’homme l’état de la vie soit continuellement changé, et par suite la forme, c’est parce que c’est une vérité qu’ont enseignée et qu’enseignent encore les sages, qu’il n’existe pas d’identité absolue entre deux choses, ni à plus forte raison entre plusieurs ; comme il n’y a pas deux faces humaines qui soient semblables, ni à plus forte raison plusieurs, il en est de même des successifs : il n’y a pas un état de la vie qui soit le même qu’un état précédent ; d’où il résulte qu’il y a chez l’homme un perpétuel changement d’état de la vie, par conséquent aussi un perpétuel changement de forme, principalement de ses internes. Mais comme ces considérations n’enseignent rien à l’égard des mariages, mais préparent seulement le chemin pour les connaissances qui les concernent ; puis aussi, comme elles ne sont que des recherches philosophiques de l’entendement, qui sont d’une difficile perception pour quelques personnes, il sera par conséquent passé outre sans y rien ajouter.

187. III. Ces changements sont autres chez les Hommes, et autres chez les Femmes, puisque par création les Hommes sont des Formes de science, d’intelligence et de sagesse, et les Femmes des Formes de l’amour de ces choses chez les hommes. Que les Hommes aient été créés Formes d’entendement, et que les Femmes aient été créées Formes de l’amour de l’entendement des hommes, on le voit expliqué, No 90. Que les changements d’état, qui se succèdent chez l’homme et chez la femme depuis l’enfance jusqu’à l’âge mûr, soient pour renouveler les formes, la forme intellectuelle chez les hommes, et la forme volontaire chez les femmes, c’en est la conséquence ; de là, il est évident que les changements d’état sont autres chez les hommes, et autres chez les femmes ; chez les uns et les autres, cependant, la forme externe qui appartient au corps est renouvelée selon le renouvellement de la forme interne, qui appartient au mental, car le mental agit dans le corps, et non vice versa ; voilà pourquoi les Enfants dans le Ciel deviennent hommes en stature et en beauté selon les accroissements de l’intelligence chez eux, tout autrement que les enfants sur la terre, parce que ceux-ci sont enveloppés d’un corps matériel, comme les animaux ; il y a cependant conformité en cela, que d’abord ils croissent dans l’inclination pour les choses qui flattent les sens de leur corps, puis peu à peu pour celles qui affectent le sens interne cogitatif, et de degré en degré pour celles qui remplissent d’affection la volonté ; et quand ils sont à mi-chemin entre l’âge mûr et celui qui ne l’est pas, arrive l’inclination conjugale, qui est celle de la jeune fille pour le jeune homme, et du jeune homme pour la jeune fille ; et comme dans les Cieux, de même que dans les terres, les jeunes filles cachent, d’après une prudence innée, leurs inclinations pour le mariage, les jeunes hommes n’y savent non plus autre chose, sinon que ce sont eux qui affectent d’amour les jeunes filles, et cela aussi leur apparaît par suite de l’incitation masculine ; mais cette incitation en eux vient aussi de l’influx de l’amour procédant du beau Sexe, influx dont il sera spécialement traité ailleurs. Par ces explications on voit la vérité de cette Proposition, que les changements d’état sont autres chez les hommes, et autres chez les femmes, puisque par création les hommes sont des formes de science, d’intelligence et de sagesse, et les femmes des formes de l’amour de ces choses chez les hommes.

188. IV. Chez les Hommes il y a élévation du mental dans une lumière supérieure, et chez les Femmes élévation du mental dans une chaleur supérieure ; et la Femme sent les délices de sa chaleur dans la lumière de l’Homme. Par la lumière dans laquelle s’élèvent les hommes, il est entendu l’intelligence et la sagesse, parce que la Lumière spirituelle, qui procède du Soleil du Monde spirituel, Soleil qui dans son essence est l’Amour, fait une même chose ou fait un avec l’intelligence et la sagesse ; et par la chaleur dans laquelle s’élèvent les femmes, il est entendu l’amour conjugal, parce que la chaleur spirituelle, qui procède du Soleil du Monde spirituel, est dans son essence l’amour, et chez les femmes elle est l’amour se conjoignant avec l’intelligence et la sagesse chez les hommes, amour qui dans son complexe est appelé amour conjugal, et par détermination elle devient cet amour. Il est dit élévation dans une lumière supérieure et dans une chaleur supérieure, parce que c’est l’élévation dans la lumière et la chaleur où sont les anges des cieux supérieurs ; il y a aussi élévation actuelle comme d’un brouillard dans l’air, et de la région inférieure de l’air dans la région supérieure, et de celle-ci dans l’éther ; c’est pourquoi l’élévation dans une lumière supérieure chez les hommes est l’élévation dans une intelligence supérieure, et de celle-ci dans la sagesse, dans laquelle il y a aussi une élévation de plus en plus supérieure ; mais l’élévation dans une chaleur supérieure chez les femmes est l’élévation dans un amour conjugal plus chaste et plus pur, et continuellement vers le conjugal, qui par création est tenu caché dans leurs intimes. Ces élévations, considérées en elles-mêmes, sont des ouvertures du mental ; car le Mental humain est distingué en Régions, comme le Monde l’est en Régions quant aux Atmosphères, dont la plus basse est aqueuse ; une plus élevée, aérienne ; une encore plus élevée, éthérée, au-dessus de laquelle il y a aussi la suprême ; dans de semblables régions est élevé le Mental de l’homme, selon qu’il est ouvert, chez les hommes par la sagesse, et chez les femmes par l’amour vraiment conjugal.

189. Il est dit que la Femme sent les délices de sa chaleur dans la lumière de l’homme, mais cela est entendu en ce sens que la femme sent les délices de son amour dans la sagesse de l’homme, parce que la sagesse est le réceptacle, et que partout où l’amour trouve un réceptacle qui lui correspond, il est dans ses plaisirs et dans ses délices ; mais il n’est pas entendu que la chaleur avec sa lumière se délecte hors des formes, mais c’est en dedans des formes ; et la chaleur spirituelle avec la lumière spirituelle s’y délecte d’autant plus que ces formes d’après la sagesse et l’amour sont vitales, et par conséquent aptes à recevoir. Cela peut en quelque sorte être illustré par les jeux, ainsi nommés, de la chaleur avec la lumière dans les végétaux ; en dehors des végétaux, il n’y a qu’une simple conjonction de la chaleur et de la lumière, mais en dedans il y a comme un jeu entre elles, parce qu’elles y sont dans des formes ou réceptacles, car elles les traversent par d’admirables méandres, et là dans les Intimes elles aspirent aux fruits de l’usage, et exhalent aussi leurs charmes au loin dans l’air, qu’elles remplissent d’une odeur suave : or les délices de la chaleur spirituelle avec la lumière spirituelle ont lieu d’une manière encore plus frappante dans les formes humaines, dans lesquelles cette chaleur est l’amour conjugal et cette lumière est la sagesse.

190. V. Les États de la vie sont autres pour les hommes et pour les femmes avant le Mariage, et autres après le Mariage. Avant le mariage, chez l’un et l’autre sexe il y a deux états, l’un avant l’inclination au mariage et l’autre après ; les changements de l’un et de l’autre état, et par suite les formations des mentals, procèdent en ordre successif selon leurs continuels accroissements ; mais ce n’est pas ici le lieu de décrire ces changements, car ils sont variés et divers dans les sujets : les inclinations au mariage, avant qu’il soit contracté, sont elles-mêmes seulement imaginatives dans le mental, et elles deviennent de plus en plus sensitives dans le corps ; mais leurs états après le mariage sont des états de conjonction et aussi de prolification ; que ces états diffèrent des précédents comme les effets diffèrent des intentions, cela est évident.

191. VI. Les États de la vie après le mariage chez les époux sont changés, et se succèdent selon les conjonctions de leurs mentals par l’amour conjugal. Que les changements et les successions d’état après le mariage chez l’un et chez l’autre, le mari et l’épouse, soient selon l’amour conjugal chez eux, ainsi ou conjonctifs ou disjonctifs des mentals, c’est parce que l’amour conjugal est non-seulement varié, mais aussi divers chez les époux ; varié, chez ceux qui s’aiment intérieurement, car chez eux il y a parfois des intermittences, néanmoins en dedans il reste constamment dans sa chaleur ; mais il est divers chez ces époux qui ne s’aiment qu’extérieurement ; chez ceux-ci ce n’est pas par des causes semblables qu’il y a parfois des intermittences, mais c’est par des alternatives de froid et de chaleur ; la raison de ces différences, c’est que chez ceux-ci le corps tient le premier rang, et que son ardeur se répand tout autour, et entraîne en communion avec lui les intérieurs du mental ; mais chez ceux qui s’aiment intérieurement le mental tient le premier rang et porte le corps en communion avec lui. Il semble que l’amour monte du corps dans l’âme, parce que aussitôt que le corps saisit les attraits, il entre par les yeux, comme par des portes, dans le mental, et ainsi par la vue, comme vestibule, dans les pensées et sur le champ dans l’âme ; mais toujours est-il qu’il descend du mental, et agit dans les inférieurs selon leur disposition ; c’est pourquoi un mental lascif agit lascivement, et un mental chaste chastement, et celui-ci dispose le corps, mais celui-là est disposé par le corps.

192. VII. Les Mariages aussi introduisent d’autres formes dans les âmes et dans les mentals des Époux. Que les mariages introduisent d’autres formes dans les âmes et dans les mentals, on ne peut pas le remarquer dans le Monde naturel, parce que les âmes et les mentals y sont enveloppés d’un corps matériel, à travers lequel le mental se fait rarement voir ; et, en outre, les hommes de ce siècle, bien plus que les anciens, apprennent dès l’enfance à introduire dans leur face une physionomie par laquelle ils cachent profondément les affections du mental ; c’est là ce qui fait qu’on ne peut pas discerner quelles sont les formes des mentals avant le mariage, et quelles elles sont après le mariages : que cependant les formes des âmes et des mentals soient après le mariage autres qu’elles n’étaient auparavant, c’est ce qui devient bien manifeste d’après les mêmes dans le Monde spirituel ; car ce sont alors des Esprits et des Anges, lesquels ne sont autre chose que des mentals et des Âmes en forme humaine, dégagés des dépouilles qui avaient été composées d’éléments aqueux et terrestres, et de vapeurs émanées de ces éléments et répandues de tous côtés dans l’air ; ces dépouilles étant rejetées, les formes des mentals sont vues telles qu’elles avaient été à l’intérieur dans leurs corps ; et alors il est bien évident qu’elles sont autres chez ceux qui vivent dans le mariage, et autres chez ceux qui n’y vivent point. En général les époux ont une beauté intérieure de physionomie, car l’époux tire de l’épouse la gracieuse rougeur de son amour, et l’épouse tire de l’époux la brillante blancheur de sa sagesse ; car là deux époux sont unis quant aux âmes ; et, de plus, dans l’un et dans l’autre se manifeste la plénitude humaine ; cela a lieu dans le Ciel, parce qu’il n’y a pas de Mariages ailleurs ; au-dessous du Ciel il n’y a que des unions connubiales qui se forment et se rompent.

193. VIII. La Femme est en actualité formée en Épouse selon la description dans le Livre de la Création. Dans ce Livre il est dit que la femme fut créée d’une côte du mari ; et que, quand elle fut amenée vers l’homme, il dit : « Celle-ci est os de mes os et chair de ma chair ; et elle sera appelée Ischah (Épouse), parce que de Isch (le Mari, vir), elle a été prise », – Chap. II. 21, 22, 23 ; – dans la Parole, par une Côte de la poitrine il n’est pas, dans le sens spirituel, signifié autre chose que le Vrai naturel ; ce vrai est signifié par les côtes que l’ours portait parmi ses dents, – Daniel, VII. 5 ; – car par les ours sont signifiés ceux qui lisent la Parole dans le sens naturel, et y voient les vrais sans l’entendement ; par la Poitrine de l’homme il est entendu cet essentiel et le propre, qui est distingué de la poitrine de la femme ; que ce soit la sagesse, on le voit ci-dessous, No 187 ; car le vrai soutient la sagesse, comme la côte soutient la poitrine ; c’est là ce qui est signifié, parte que c’est dans la poitrine que toutes les choses de l’homme sont comme dans leur centre. D’après cela, il est évident que la femme a été créée de l’homme par transcription de la propre sagesse de celui-ci, c’est-à-dire, d’après le vrai naturel ; que l’amour de ce vrai a été transféré de l’homme dans la femme, pour devenir l’amour conjugal ; et que cela a été fait pour que dans l’homme il y eût non l’amour de soi, mais l’amour de l’épouse ; celle-ci, d’après le caractère inné en elle ne peut faire autrement que de tourner chez l’homme l’amour de soi en amour de l’homme envers elle-même, et j’ai été informé que cela se fait d’après l’amour même de l’épouse, sans que l’époux le sache, ni l’épouse non plus ; de là vient que quelqu’un qui est dans le faste de la propre intelligence d’après l’amour de soi, ne peut jamais aimer son épouse d’une manière vraiment conjugale. Quand cet arcane de la création de la femme d’après l’homme a été compris, on peut voir que la femme est pareillement comme créée ou formée d’après l’homme dans le mariage, et que cela est fait par l’épouse, ou plutôt au moyen de l’épouse par le Seigneur, qui a infusé dans les femmes les inclinations à agir ainsi ; car l’épouse reçoit en elle l’image de l’époux ; par là elle s’approprie ses affections, voir ci-dessus, No 183 ; et par là elle conjoint la volonté interne de l’époux avec la sienne, ainsi qu’il sera montré ; et aussi par là elle s’approprie les productions (propagines) de l’âme de l’époux, comme il sera aussi montré. D’après ces explications il est évident que, selon la description intérieurement entendue dans le Livre de la Création, la femme est formée en épouse par les choses qu’elle tire du mari et de la poitrine du mari, et qu’elle inscrit en elle-même.

194. IX. Cette Formation se fait de la part de l’Épouse par des moyens secrets, et cela est entendu en ce que la femme a été créée pendant que l’homme dormait. On lit dans le Livre de la Création que Jéhovah Dieu fit tomber un assoupissement sur Adam pour qu’il s’endormît, et qu’alors il prit une de ses côtes, et l’édifia en femme. – Chap. II. 21, 22. – Que par l’assoupissement et le sommeil de l’homme, il soit signifié sa complète ignorance que l’épouse est formée et comme créée de lui, cela est évident d’après ce qui a été montré dans le Chapitre précédent, et aussi dans celui-ci, sur la prudence et la circonspection insitées dans les épouses de ne rien divulguer de leur amour ni de l’appropriation des affections de la vie du mari, ni par conséquent de la transcription de la sagesse en elles ; que cela se fasse de la part de l’épouse, à l’insu et comme pendant le sommeil du mari, ainsi par des moyens secrets, cela est évident d’après ce qui a été expliqué ci-dessus, Nos 166, 167, 168, et suiv., où même il est illustré que la prudence d’agir ainsi a été insitée dans les femmes par création et conséquemment par naissance, pour des raisons qui sont des nécessités, afin que l’amour conjugal, l’amitié et la confiance, et ainsi la béatitude de la cohabitation et la félicité de la vie soient assurés ; c’est pourquoi, afin que cela se fasse selon les règles, il a été enjoint au mari de laisser son père et sa mère, et de s’attacher à son épouse, – Gen. II. 24, Matth. XIX. 4, 5 ; – par le père et la mère que le mari laissera, il est entendu dans le sens spirituel le propre de sa volonté et le propre de son entendement, or le propre de la volonté de l’homme est de s’aimer, et le propre de son entendement est d’aimer sa sagesse ; et par s’attacher il est entendu se vouer à l’amour de l’épouse ; que ces deux Propres soient des maux mortels pour le mari s’ils restent chez lui, et que l’amour de ces deux propres soit changé en amour conjugal, selon que le mari s’attache à l’épouse, c’est-à-dire, reçoit l’amour de l’épouse, on le voit ci-dessus, No 193, et ailleurs. Que par dormir, il soit signifié être dans l’ignorance et dans l’insouciance ; par le père et la mère, les deux propres de l’homme, l’un de la volonté et l’autre de l’entendement ; et par s’attacher, se vouer à l’amour de quelqu’un, on peut le confirmer suffisamment par des passages ailleurs dans la Parole, mais ce n’est pas ici le lieu.

195. X. Cette Formation de la part de l’Épouse se fait par la conjonction de sa volonté avec la volonté interne de l’époux. Que chez l’époux il y ait la sagesse rationnelle et la sagesse morale, et que l’épouse se conjoigne avec les choses qui appartiennent à la sagesse morale chez l’époux, on le voit, Nos 163, 164, 165 ; les choses qui appartiennent à la sagesse rationnelle constituent l’entendement de l’époux, et celles qui appartiennent à la sagesse morale constituent sa volonté ; l’épouse se conjoint avec celles qui constituent la volonté de l’époux : dire que l’épouse se conjoint, ou dire qu’elle conjoint sa volonté à la volonté de l’époux, c’est la même chose, parce que l’épouse est née volontaire, et par suite ce qu’elle fait elle le fait d’après la volonté. S’il est dit « avec la volonté interne de l’époux », c’est parce que la volonté de l’époux a son siège dans son entendement, et que l’intellectuel de l’homme est l’intime de la femme, selon ce qui a été exposé concernant la formation de la femme d’après l’homme, ci-dessus, No 32, et plusieurs fois ensuite ; les hommes ont aussi une volonté externe, mais celle-ci tient souvent de la feinte et de la dissimulation ; l’épouse la distingue clairement, mais elle ne se conjoint pas avec elle, si ce n’est par feinte ou pour s’en faire un jeu.

196. XI. Le but de cela, c’est que la volonté de l’un et celle de l’autre deviennent une seule Volonté, et qu’ainsi ils soient tous deux un seul Homme. En effet, celui qui se conjoint la volonté d’un autre se conjoint aussi son entendement ; car l’entendement, considéré en lui-même, n’est absolument que le ministre et le serviteur de la volonté ; qu’il en soit ainsi, on le voit bien clairement par l’affection de l’amour, en ce qu’elle pousse l’entendement à penser selon son gré ; toute affection de l’amour est une propriété de la volonté, car ce que l’homme aime, il le veut aussi ; il suit de là que celui qui se conjoint la volonté de l’homme se conjoint l’homme tout entier ; de là vient qu’il a été insité dans l’amour de l’épouse d’unir la volonté du mari à sa volonté, car ainsi l’épouse devient la chose du mari, et le mari la chose de l’épouse ; ainsi tous deux sont un seul homme.

197. XII. Cette formation de la part de l’Épouse se fait par l’appropriation des affections du mari. Ceci fait un avec les deux Articles qui précèdent, parce que les affections appartiennent à la volonté ; car les affections, qui ne sont autre chose que des dérivations de l’amour, forment la volonté, et elles la font et la composent ; mais chez les hommes elles sont dans l’entendement, et chez les femmes dans la volonté.

198. XIII. Cette formation se fait par la réception des propagations de l’âme du mari, avec le délice tirant sa source de ce que l’épouse veut être l’amour de la sagesse de son mari. Ceci coïncide avec ce qui a été expliqué ci-dessus, Nos 172, 173 ; c’est pourquoi une plus grande explication est inutile. Les délices conjugales chez les épouses ne tirent leur origine que de ce qu’elles veulent être un avec les maris, comme le Bien est un avec le Vrai dans le Mariage spirituel ; que l’Amour conjugal descende de ce Mariage, c’est ce qui a été démontré dans le Chapitre qui traite spécialement de ce sujet ; de là, on peut voir, comme en effigie, que l’épouse se conjoint l’époux de même que le bien se conjoint le vrai, et que l’époux réciproquement se conjoint à l’épouse selon la réception de l’amour de l’épouse en lui, de même que le vrai se conjoint réciproquement au bien selon la réception du bien en lui ; et qu’ainsi l’amour de l’épouse se forme par la sagesse de l’époux, de même que le bien se forme par le vrai ; car le vrai est la forme du bien. D’après cela, il est encore évident que les délices conjugales chez l’épouse viennent principalement de ce qu’elle veut être un avec le mari, par conséquent de ce qu’elle veut être l’amour de la sagesse de son mari ; car alors elle sent les délices de sa chaleur dans la lumière de l’homme, selon l’explication donnée dans l’Article IV, No 188.

199. XIV. Ainsi une vierge est formée en épouse, et un jeune homme en mari. Ceci découle, comme conséquence, de ce qui a été dit ci-dessus dans ce Chapitre, et dans le Chapitre précédent sur la Conjonction des Époux en une seule chair. Si la Vierge devient ou est devenue épouse, c’est parce que dans l’épouse il y a des choses prises du mari, et ainsi accessoires, qui n’étaient pas auparavant en elle comme vierge ; si le jeune homme devient ou est devenu mari, c’est parce que dans le mari il y a des choses prises de l’épouse, qui exaltent la réceptibilité de l’amour et de la sagesse chez lui, et qui n’étaient pas auparavant en lui comme jeune homme ; mais cela a lieu chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal ; que ce soit entre ceux qui sentent que par union ils sont l’homme, et comme une seule chair, on le voit dans le Chapitre précédent, No 178. Par là il est évident que le virginal est changé en ce qui tient de l’épouse chez les femmes, et le juvénile en marital chez les hommes. Qu’il en soit ainsi, c’est ce dont j’ai eu la confirmation dans le Monde spirituel par cette expérience : Quelques maris disaient que la conjonction avec une femme avant le mariage est semblable à la conjonction avec une épouse après le mariage. Les épouses, ayant entendu ces paroles, en furent très-indignées, et dirent : « Il n’y a absolument aucune ressemblance, il existe entre elles une différence comme entre le chimérique et le réel. » Les maris répliquèrent : « N’êtes-vous pas femmes comme auparavant. » Les épouses répondirent d’une voix plus élevée : « Nous sommes, non pas des femmes, mais des épouses ; vous, vous êtes dans un amour chimérique, et non dans un amour réel ; c’est pourquoi vous parlez en insensés. » Alors les maris dirent : « Si vous n’êtes point des femmes (fæminæ), vous êtes du moins des femmes mariées (mulieres). » Et elles répondirent : « Dans les premiers temps du mariage nous étions des femmes mariées, mais maintenant nous sommes des épouses (uxores). »

200. XV. Dans le Mariage d’un homme avec une épouse, entre lesquels existe l’amour vraiment conjugal, l’Épouse devient de plus en plus épouse, et le Mari de plus en plus mari. Que l’amour vraiment conjugal conjoigne de plus en plus les deux en un seul homme, en le voit ci-dessus, Nos 178, 179 ; et comme l’épouse devient épouse d’après la conjonction avec le mari et selon cette conjonction, il en est de même du mari avec l’épouse ; et comme l’amour vraiment conjugal dure éternellement, il s’ensuit que l’épouse devient de plus en plus épouse, et le mari de plus en plus mari ; la raison même de cela, c’est que dans le mariage de l’amour vraiment conjugal l’un et l’autre devient de plus en plus homme intérieur, car cet amour ouvre les intérieurs de leurs mentals, et selon que ces intérieurs sont ouverts, l’homme devient de plus en plus homme, et devenir davantage homme, c’est chez l’épouse devenir davantage épouse, et chez le mari devenir davantage mari. J’ai entendu dire par les Anges que l’épouse devient de plus en plus épouse selon que le mari devient de plus en plus mari, mais non de même vice versa ; parce qu’il arrive rarement, pour ne pas dire jamais, qu’une épouse chaste n’aime pas son mari, mais il arrive que le retour d’amour manque de la part du mari, et ce retour manque parce qu’il n’y a pas une élévation de la sagesse qui seule reçoit l’amour de l’épouse ; sur cette sagesse, voir Nos 130, 163, 164, 165. Mais ils disaient cela des mariages dans les terres.

201. XVI. De même aussi successivement leurs formes se perfectionnent et s’ennoblissent par l’intérieur. Il y a forme humaine très-parfaite et très-noble, quand deux formes deviennent par mariage une seule forme, ainsi quand deux chairs deviennent une seule chair, selon la création ; qu’alors le Mental de l’époux soit élevé dans une lumière supérieure, et le Mental de l’épouse dans une chaleur supérieure, et qu’alors ils croissent, fleurissent et fructifient, comme les arbres dans la saison du printemps, on le voit ci-dessus, Nos 188, 189. Que de l’ennoblissement de cette forme naissent de nobles fruits, spirituels dans les Cieux, naturels dans les terres, on le verra dans l’Article qui va suivre.

202. XVII. Les Enfants nés de deux époux qui sont dans l’amour vraiment conjugal tiennent de leurs Parents le Conjugal du bien et du vrai, d’où leur viennent l’inclination et la faculté, si c’est un fils, pour percevoir les choses qui appartiennent à la sagesse, et si c’est une fille, pour aimer les choses que la sagesse enseigne. Que les enfants tiennent des parents les Inclinations aux choses qui ont appartenu à l’amour et à la vie des parents, cela est très-connu en général d’après les histoires et en particulier d’après les expériences ; mais qu’ils ne tiennent pas d’eux ou n’héritent pas d’eux les affections elles-mêmes, ni par conséquent leurs vies, mais seulement les inclinations et aussi les facultés qui les concernent, c’est ce qui a été mis en évidence dans le Monde spirituel par les sages, dont il a été parlé dans les deux MÉMORABLES rapportés ci-dessus. Que d’après les inclinations innées, si elles ne sont point brisées, les descendants soient portés dans des affections, des pensées, des expressions de langage et dans des vies semblables à celles des parents, on le voit bien clairement par la nation Juive, en ce qu’aujourd’hui les Juifs sont semblables à leurs Pères en Égypte, au désert, dans la terre de Canaan, et au temps du Seigneur ; et en ce que non-seulement ils sont semblables à eux par le mental, mais encore par la face ; qui est-ce qui au premier aspect ne connaît pas un Juif ? Il en est de même des autres races. De là on peut infailliblement conclure que les enfants naissent avec des inclinations pour des choses semblables à celles pour lesquels leurs parents inclinaient. Mais afin que les pensées et les actes ne se continuent pas, il est de la Divine Providence que les inclinations mauvaises puissent être rectifiées ; et pour cela même il a été implanté une faculté d’après laquelle il y a efficacité d’amendement de mœurs par les parents et par les maîtres, et plus tard par soi-même, quand on est parvenu à l’âge de discrétion.

203. Il est dit que les enfants tiennent des parents le Conjugal du bien et du vrai, parce que ce conjugal a été mis par création dans l’âme de chacun, car c’est là ce qui influe du Seigneur dans l’homme, et fait sa vie humaine : mais ce Conjugal passe dans les choses qui suivent depuis l’âme jusque dans les derniers du corps ; mais dans les unes et dans les autres il est changé en chemin par l’homme lui-même de diverses manières, et parfois en l’opposé, qui est appelé Conjugal ou Connubial du mal et du faux ; quand cela arrive, le Mental est fermé par le bas, et parfois entortillé comme une spirale en sens inverse ; mais chez quelques-uns il n’est pas fermé, il reste à demi-ouvert par le haut, et chez quelques-uns il est ouvert : c’est de ce conjugal-ci et de celui-là que les enfants tiennent des parents les inclinations, d’une manière le fils et d’une autre manière la fille : que cela vienne du conjugal, c’est parce que l’amour conjugal est l’amour fondamental de tous les amours, comme il a été démontré ci-dessus, No 65.

204. Si les enfants nés de ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal tirent les inclinations et les facultés, si c’est un fils, pour percevoir les choses qui appartiennent à la sagesse, et si c’est une fille, pour aimer les choses que la sagesse enseigne, c’est parce que le Conjugal du bien et du vrai a été implanté par création dans l’âme de chacun, et aussi dans les choses qui dérivent de l’âme ; car il a déjà été montré que ce Conjugal remplit l’univers depuis les premiers jusqu’aux derniers, et depuis l’homme jusqu’au vermisseau ; et il a été aussi montré ci-dessus que la faculté pour ouvrir les inférieurs du mental jusqu’à la conjonction avec ses supérieurs, qui sont dans la lumière et dans la chaleur du ciel, a été mise par création dans chaque homme ; de là il est évident que l’habileté et la facilité à conjoindre le bien au vrai et le vrai au bien, par conséquent à devenir sage, sont reçus de naissance en héritage par ceux qui sont nés d’un tel mariage, plus que par tous les autres ; que par conséquent il en est aussi de même de l’habileté et de la facilité à se pénétrer des choses qui appartiennent à l’Église et au Ciel ; que l’Amour conjugal ait été conjoint avec ces choses, c’est ce qui a déjà été montré plusieurs fois. Par ces explications la raison voit clairement la fin pour laquelle le Seigneur Créateur a pourvu et pourvoit encore aux Mariages de l’amour vraiment conjugal.

205. J’ai été informé par les Anges que ceux qui ont vécu dans les temps très-anciens vivent aujourd’hui dans les Cieux, distingués par maisons, familles et nations, de même qu’ils vivaient dans les terres, et qu’il manque à peine quelqu’un dans une maison ; et que la raison de cela, c’est que chez eux il y avait l’Amour vraiment conjugal, et que par suite les enfants héritaient des inclinations au Conjugal du bien et du vrai, et qu’ils y étaient facilement initiés de plus en plus intérieurement par leurs parents au moyen de l’éducation, et introduits ensuite par le Seigneur comme par eux-mêmes, quand ils étaient parvenus à l’âge de discrétion.

206. XVIII. Cela a lieu ainsi, parce que l’âme de l’enfant vient du père, et que l’enveloppe de cette âme vient de la mère. Que l’âme vienne du père, aucun homme sage ne le met en doute : c’est même ce qu’on voit clairement par les mentals (animi), et aussi par les faces qui sont les types de ces mentals, dans les descendants qui procèdent des pères de famille dans une série régulière ; car le père revient comme en effigie, sinon dans les fils, du moins dans les petits-fils et arrière-petits-fils ; et cela a lieu parce que l’âme constitue l’intime de l’homme, et que cet intime peut être voilé à la première génération, mais néanmoins se montrer et se révéler dans les générations suivantes. Que l’âme vienne du père, et son enveloppe de la mère, c’est ce qui peut être illustré par des analogues dans le Règne végétal, dans lequel la Terre ou l’Humus est la mère commune ; celle-ci reçoit les semences en elle comme dans un utérus, et leur donne l’enveloppe ; et même elle les conçoit en quelque sorte, les porte, les engendre et les élève, comme la mère ses progénitures issues du père.

 

 

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207. À ce qui précède j’ajouterai deux MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Quelque temps après, je portai mes regards vers la Ville d’Athénée, dont il a été dit quelque chose dans un précédent Mémorable, et j’entendis provenant de là une clameur extraordinaire ; il y avait dans ce bruit quelque chose du rire, dans le rire quelque chose de l’indignation, et dans l’indignation quelque chose de la tristesse ; néanmoins cette clameur n’était pas pour cela dissonante, mais il y avait consonance, parce que ce n’était pas un son avec un autre, mais c’était un son au dedans d’un autre ; dans le Monde spirituel on perçoit distinctement dans le son la variété et le mélange des affections. Je demandai de loin ce que c’était ; et on me dit : « Un messager est arrivé du lieu où apparaissent d’abord les nouveaux venus du Monde chrétien, disant que là il avait appris de trois nouveaux venus que dans le Monde d’où ils sont arrivés, ils ont cru avec tous les autres que ceux qui jouiraient du bonheur et de la félicité après la mort seraient dans un repos complet sans aucun travail, et que comme les administrations, les emplois et les occupations sont des travaux, il y aurait repos à l’égard de ces charges ; et comme ces trois-là viennent d’être amenés par notre Émissaire, et qu’ils sont à la porte et attendent, une clameur s’est élevée, et après en avoir délibéré, on a décidé qu’ils seraient introduits, non pas dans le Palladium sur le Parnasse, comme les précédents, mais dans le grand Auditoire, pour y faire connaître leurs Nouvelles du Monde Chrétien ; et quelques-uns de nous ont été députés pour les introduire arec solennité. » Comme j’étais en esprit, et que pour les esprits les distances sont selon les états de leurs affections ; et comme alors j’avais l’affection de les voir et de les entendre, je me vis là présent, et je les vis introduire et les entendis parler. Les plus Anciens ou les plus Sages s’assirent dans l’Auditoire sur les côtés, et tous les autres étaient au milieu ; et devant ceux-ci il y avait une estrade ; c’est là que les trois nouveaux venus avec le messager, accompagnés solennellement par les plus jeunes, furent conduits à travers le milieu de l’Auditoire ; et quand on eut fait silence, ils furent salués par un des plus Anciens, et il leur demanda : « QU’Y A-T-IL DE NOUVEAU DE LA TERRE ? » Et ils dirent : « Il y a beaucoup de Nouvelles ; mais dis, s’il te plaît, sur quel sujet. » Et l’Ancien répondit : « QU’Y A-T-IL DE NOUVEAU DE LA TERRE AU SUJET DE NOTRE MONDE ET DU CIEL ? » Et ils répondirent : « En arrivant tout récemment dans ce Monde, nous avons appris qu’ici et dans le Ciel il y a des Administrations, des Charges, des Fonctions, des Commerces, des Études de sciences, et des Occupations admirables ; et cependant nous avions cru qu’après notre émigration ou translation du Monde naturel dans ce Monde spirituel, nous viendrions dans un repos éternel sans aucun travail ; or, que sont les fonctions sinon des travaux ? » Alors l’Ancien leur dit : « Est-ce que par un repos éternel sans aucun travail vous avez entendu une éternelle oisiveté, dans laquelle vous seriez continuellement assis et couchés, aspirant les délices par la poitrine, et humant les joies par la bouche ? » À ces mots, les trois Nouveaux venus souriant légèrement dirent qu’ils s’étaient figuré quelque chose de semblable ; et alors on leur fit cette réponse : « Qu’est-ce que les joies et les délices, et par suite la félicité, ont de commun avec l’oisiveté ? Par l’oisiveté le mental s’affaisse et ne s’étend point, ou bien l’homme tombe dans un état de mort et n’est point vivifié ; qu’on suppose quelqu’un assis dans une oisiveté complète, les bras croisés, les yeux baissés ou élevés, et qu’on suppose qu’il soit en même temps entouré d’une atmosphère d’allégresse, un assoupissement profond ne s’emparerait-il pas et de sa tête et de son corps, l’expansion vitale de la face ne s’éteindrait-elle pas et enfin les fibres se relâchant, ne chancellerait-il pas de plus en plus, jusqu’à ce qu’il tombât par terre ? Qu’est-ce qui tient dans l’expansion et dans la tension le système de tout le corps, si ce n’est la contention du mental (animus) ? Et d’où vient la contraction de ce mental, si ce n’est des choses à administrer et des occupations, quand on s’y livre avec plaisir ? C’est pourquoi je vous apprendrai une Nouvelle du Ciel, c’est que là il y a des administrations, des ministères, des tribunaux grands et petits, et aussi des métiers et des occupations. » Quand les trois nouveaux venus apprirent que dans le Ciel il y avait des Tribunaux, grands et petits, ils dirent : « Pourquoi ces tribunaux ? Est-ce que tous dans le Ciel ne sont pas inspirés et conduits par Dieu, et ne savent pas par suite ce que c’est que le juste et le droit ? Qu’est-il alors besoin de juges ? » Et le Sage ancien répondit : « Dans ce Monde, on nous enseigne et nous apprenons ce que c’est que le bien et le vrai, et aussi ce que c’est que le juste et l’équitable, comme dans le Monde naturel, et nous l’apprenons non pas immédiatement de Dieu, mais médiatement par les autres ; et tout Ange, de même que tout homme, pense le vrai et fait le bien comme par lui-même ; et cela est, selon l’état de l’Ange, mélangé et non pas pur ; et parmi les Anges il y a aussi des simples et des sages, et les sages doivent juger, lorsque les simples par simplicité et par ignorance sont dans le doute sur le juste ou s’en éloignent. Mais vous, puisque vous êtes récemment arrivés dans ce Monde, suivez-moi dans notre ville, si cela vous est agréable, et nous vous montrerons tout. Et ils sortirent de l’Auditoire, et quelques-uns des Anciens les accompagnèrent aussi ; et d’abord ils entrèrent dans une vaste Bibliothèque qui était, selon les sciences, divisée en Bibliothèques plus petites : les trois nouveaux venus, en voyant tant de livres, furent très étonnés, et dirent : « Il y a aussi des Livres dans ce Monde ! où prend-on le parchemin et le papier ? d’où tirez-vous les plumes et l’encre ? » Les Anciens leur répondirent : « Nous percevons que vous avez cru, dans le Monde d’où vous venez, que ce Monde-ci est vide, parce qu’il est spirituel ; et si vous avez cru cela, c’est parce que vous avez entretenu au sujet du spirituel une idée abstraite du matériel ; et ce qui est abstrait du matériel vous a semblé comme rien, ainsi comme vide ; et cependant ici est la plénitude de toutes choses ; ici toutes les choses sont SUBSTANTIELLES et non matérielles, et les choses matérielles tirent leur origine des substantielles ; nous qui sommes ici, nous sommes hommes spirituels, parce que nous sommes substantiels et non matériels ; de là vient qu’ici il y a dans leur perfection toutes les choses qui sont dans le Monde naturel, même des livres et des écritures, et beaucoup d’autres choses encore. » Quand les trois nouveaux venus entendirent parler de choses SUBSTANTIELLES, ils pensèrent que cela devait être ainsi, tant parce qu’ils avaient vu les Livres écrits, que parce qu’ils avaient entendu cette sentence, que les matières viennent originairement des substances. Afin qu’ils fussent encore confirmés dans ces vérités, ils furent conduits dans les Demeures des écrivains qui copiaient des exemplaires d’ouvrages composés par les sages de la ville, et ils examinèrent les écritures, et ils furent étonnés de les voir si nettes et si brillantes. Ensuite ils furent conduits dans les Musées, Gymnases et Collèges, et dans les lieux où se tenaient leurs Jeux littéraires, dont quelques-uns étaient nommés jeux des Héliconides ; d’autres, jeux des Parnassides ; d’autres, jeux des Athénéïdes ; et d’autres, jeux des Vierges de la fontaine ; on leur dit que ceux-ci sont ainsi appelés, parce que les Vierges signifient les affections des sciences, et que chacun a de l’intelligence selon l’affection des sciences ; les Jeux ainsi nommés étaient des exercices et des luttes spirituels. Ensuite ils furent conduits dans la ville chez les Gouverneurs, les Administrateurs et leurs Officiers, et par ceux-ci auprès des ouvrages merveilleux qui sont exécutés d’une manière spirituelle par des artistes. Après qu’ils eurent tout vu, le Sage ancien s’entretint de nouveau avec eux sur le Repos éternel de travaux, dans lequel viennent ceux qui jouissent de la béatitude et de la félicité après la mort, et il leur dit : « Le repos éternel n’est point l’oisiveté, parce que de l’oisiveté résultent, pour le mental, et par suite pour tout le corps, la langueur, l’engourdissement, la stupeur et l’assoupissement, et cela est la mort et non la vie, et encore moins la vie éternelle, dans laquelle sont les Anges du Ciel ; c’est pourquoi le Repos éternel est un repos qui chasse ces inconvénients et fait que l’homme vit ; et ce n’est autre chose que ce qui élève le mental ; c’est donc une étude et un ouvrage d’après lesquels le mental est excité, vivifié et réjoui ; et cela se fait selon l’usage d’après lequel, dans lequel et pour lequel on opère ; de là vient que tout le Ciel est regardé par le Seigneur comme le contenant des usages ; et chaque Ange est Ange selon l’usage qu’il fait ; le plaisir de l’usage le pousse comme un courant favorable entraîne un navire, et fait qu’il est dans une paix éternelle, et dans le repos de la paix ; c’est ainsi qu’est entendu le repos éternel de travaux. Que l’Ange soit vivifié selon l’étude du mental d’après l’usage, cela est bien évident en ce que chaque Ange a l’Amour conjugal avec sa force, sa puissance et ses délices, selon l’étude de l’usage réel dans lequel il est. » Après que ces trois nouveaux venus eurent été confirmés sur ce point, que le repos éternel est, non pas l’oisiveté, mais le plaisir de faire quelque chose qui soit pour l’usage, quelques Vierges vinrent avec de la broderie et du filet, ouvrages de leurs mains, et elles leur en firent présent ; et quand ces esprits novices se retirèrent, les Vierges chantèrent une ode, par laquelle elles exprimaient avec une mélodie angélique l’affection des œuvres de l’usage avec ses charmes.

208. SECOND MÉMORABLE : Comme j’étais en méditation sur les arcanes de l’Amour conjugal cachés chez les épouses, la PLUIE D’OR, qui a été décrite ci-dessus, apparut de nouveau ; et je me rappelai qu’elle tombait sur un Palais dans l’orient, où vivaient trois Amours conjugaux, c’est-à-dire, trois couples d’époux, qui s’aimaient tendrement ; dès que je la vis, me trouvant comme invité par la douceur de la méditation sur cet amour, je me hâtai d’aller vers ce lieu, et tandis que j’en approchais, cette Pluie d’or devint de pourpre, ensuite écarlate, et quand je fus auprès, elle était étincelante comme la rosée ; et je frappai, et la porte fut ouverte ; et je dis au concierge : « Annonce aux Maris que celui qui est déjà venu avec un Ange se présente de nouveau, en demandant qu’il lui soit permis d’entrer pour un entretien. » Et le concierge revint, et il avait le consentement des maris, et j’entrai ; et les trois Maris avec leurs Épouses étaient ensemble dans l’Hypèthre ; et, les ayant salués, ils me rendirent le salut avec bienveillance ; et je demandai aux Épouses si cette colombe blanche avait depuis reparu à la fenêtre ; elles dirent : « Aujourd’hui même ; et elle a aussi étendu ses ailes ; nous en avons auguré ta présence, et que tu nous solliciterais de te découvrir encore un arcane de l’amour conjugal. » Et je répliquai : « Pourquoi dites-vous un ? et cependant je suis venu ici pour en savoir plusieurs. » Et elles répondirent : « Ce sont des arcanes, et quelques-uns surpassent tellement votre sagesse, que l’entendement de votre pensée ne peut les saisir ; vous vous glorifiez sur nous de votre sagesse ; mais nous, nous ne nous glorifions pas sur vous de la nôtre, et cependant la nôtre surpasse la vôtre, parce qu’elle entre dans vos inclinations et dans vos affections, et qu’elle les voit, les perçoit et les sent ; vous, vous ne savez absolument rien des inclinations et des affections de votre amour, et cependant c’est d’après elles et selon elles que votre entendement pense, par conséquent c’est d’après elles et selon elles que vous, vous êtes sages ; et cependant les épouses les connaissent si bien dans leurs maris, qu’elles les voient dans leurs faces, et les entendent d’après le son de leur langage, et même elles les palpent sur leur poitrine, leurs bras et leurs joues : mais nous, par un zèle d’amour pour votre félicité et en même temps pour la nôtre, nous feignons de ne pas les connaître, et cependant nous les modérons avec tant de prudence, que nous suivons tout ce qui est du gré, du bon plaisir et de la volonté de nos maris, en permettant et supportant, et seulement en changeant la direction s’il est possible, mais jamais en forçant. » Je fis cette question : « D’où vous vient cette sagesse ? » Elles répondirent : « Elle est insitée en nous par création et de là par naissance ; nos maris l’assimilent à l’instinct ; mais nous, nous disons qu’elle vient de la Divine Providence, afin que les hommes soient rendus heureux par leurs épouses ; nous avons appris de nos maris que le Seigneur veut que l’homme mâle agisse d’après le libre selon la raison, et que pour cela le Seigneur modère Lui-Même par l’intérieur le libre de l’homme concernant les inclinations et les affections, et le modère par l’extérieur au moyen de son épouse, et qu’ainsi il forme l’Homme avec son Épouse en Ange du Ciel ; et, en outre, l’Amour change son essence, et il ne devient point cet Amour, s’il est contraint. Mais nous allons parler plus ouvertement ; nous, nous sommes portées à cela, c’est-à-dire, à la prudence de modérer les inclinations et les affections de nos maris de telle manière qu’il leur semble qu’ils agissent d’après le libre selon leur raison, et cela, parce que nous trouvons nos délices dans leur amour, et que nous n’aimons rien plus que de les voir trouver leurs délices dans les nôtres, qui, si elles sont peu estimées chez eux, s’émoussent aussi chez nous. » Quand elles eurent ainsi parlé, l’une des épouses entra dans la chambre à coucher, et revenant elle dit : « Ma colombe bat encore des ailes ; c’est un signe que nous pouvons dévoiler encore plusieurs arcanes. » Et elles dirent : « Nous avons observé divers changements des inclinations et des affections des hommes ; par exemple, que les maris deviennent froids pour les épouses quand ils pensent des choses vaines contre le Seigneur et l’Église ; qu’ils deviennent froids quand ils sont dans le faste de la propre intelligence ; qu’ils deviennent froids quand ils regardent les autres femmes avec convoitise ; qu’ils deviennent froids quand leur amour est remarqué par les épouses ; sans parler de plusieurs autres cas ; et que le froid qui s’empare d’eux est de divers genres ; nous remarquons cela en ce que le sens se retire de leurs yeux, de leurs oreilles et de leur corps à la présence de nos sens. Par ce peu de remarques tu peux voir que nous savons mieux que les hommes si cela va bien pour eux, ou si cela va mal ; s’ils sont froids pour les épouses, cela va mal pour eux, mais s’ils sont chauds pour les épouses, cela va bien pour eux ; c’est pourquoi les épouses sont continuellement occupées à trouver des moyens pour que les maris deviennent chauds et non froids pour elles, et elles s’en occupent avec une perspicacité impénétrable aux maris. » Après qu’elles eurent prononcé ces paroles, on entendit une sorte de gémissement de la colombe ; et alors les épouses dirent : « Ceci est un indice que nous désirons dévoiler des arcanes plus profonds, que cependant il ne nous est pas permis de découvrir ; peut-être révéleras-tu aux hommes ce que tu as entendu ? » Et je répondis : « C’est mon intention ; quel préjudice peul-il en résulter ? » Après en avoir parlé entre elles, les épouses dirent : « Révèle, si tu le veux ; nous n’ignorons pas quelle est chez les épouses la puissance de persuasion ; elles diront à leurs maris : Cet homme plaisante, ce sont des fables, il badine d’après les apparences et d’après les sornettes habituelles des maris ; ne le croyez point, mais croyez-nous ; nous savons, nous, que vous êtes les Amours, et que nous sommes les Obéissances ; révèle donc, si tu veux ; les maris feront toujours attention, non pas aux paroles qui sortent de ta bouche, mais à celles qui sortent de la bouche de leurs épouses avec des baisers. »

 

 

 

UNIVERSAUX CONCERNANT LES MARIAGES.

 

 

209. Il y a sur les Mariages un grand nombre de choses qui, si on les traitait en particulier, feraient de cet opuscule un gros volume ; car on peut traiter en particulier de la Ressemblance et de la Dissemblance entre époux ; de l’Élévation de l’amour conjugal naturel en amour conjugal spirituel, et de leur Conjonction ; des Accroissements de l’un et des Décroissements de l’autre ; des Variétés et des Diversités de l’un et de l’autre ; de l’Intelligence des épouses ; de la Sphère conjugale universelle procédant du Ciel, et de sa Sphère opposée provenant de l’Enfer ; de leur Influx et de leur Réception ; et de beaucoup d’autres choses, qui, si elles étaient exposées en détail, feraient de cet Ouvrage un volume d’une telle étendue, qu’il fatiguerait le lecteur : pour cette raison, et pour éviter une inutile prolixité, ces particularités seront resserrées dans des UNIVERSAUX CONCERNANT LES MARIAGES. Mais ceux-ci seront, comme ce qui précède, divisés en Articles, à savoir : I. Le Sens propre de l’amour conjugal est le sens du Toucher. II. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, la faculté de devenir sage s’accroît ; mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal elle décroît. III. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, le bonheur de la cohabitation s’accroît, mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal il décroît. IV. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, la Conjonction des mentals s’accroît, et avec elle l’Amitié ; mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal l’une et l’autre décroît. V. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal veulent continuellement être un seul homme ; mais ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal veulent être deux. VI. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal regardent l’éternel dans le mariage ; c’est le contraire chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal. VII. L’Amour conjugal réside chez les Épouses chastes, mais toujours est-il que leur amour dépend des Maris. VIII. Les Épouses aiment les liens du mariage, pourvu que les Hommes aiment ces liens. IX. L’Intelligence des femmes est en elle-même modeste, élégante, pacifique, flexible, molle, tendre ; mais l’Intelligence des hommes est en elle-même grave, âpre, rigoureuse, hardie, amie de la licence. X. Les Épouses ne sont pas comme les hommes dans une excitation, mais il y a chez elles un état de préparation pour la réception. XI. Il y a abondance chez les hommes selon l’amour de propager les vrais de leur sagesse, et selon l’amour de faire des usages. XII. Les déterminations sont dans le bon plaisir du mari. XIII. Il y a une Sphère conjugale qui influe du Seigneur par le ciel dans toutes et dans chacune des choses de l’Univers jusqu’à ses derniers. XIV. Cette Sphère est reçue par le Sexe féminin, et transférée par lui dans le Sexe masculin ; et non vice versa. XV. Là où est l’Amour vraiment conjugal, cette Sphère est reçue par l’Épouse, et elle n’est reçue par le Mari qu’au moyen de l’épouse. XVI. Là où n’est point l’Amour conjugal, cette Sphère est reçue, il est vrai, par l’épouse, mais non par le mari au moyen de l’épouse. XVII. L’Amour vraiment conjugal peut exister chez l’un des époux et non en même temps chez l’autre. XVIII. Il y a diverses ressemblances, et diverses dissemblances, tant internes qu’externes, chez les époux. XIX. Les diverses ressemblances peuvent être conjointes, mais non avec les dissemblances. XX. Le Seigneur pourvoit à des ressemblances pour ceux qui désirent l’Amour vraiment conjugal, si ce n’est pas dans les terres, il y pourvoit dans les Cieux. XXI. L’homme, selon le défaut d’amour conjugal et la perte de cet amour, approche de la nature de la bête. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

210. I. Le sens propre de l’amour conjugal est le sens du Toucher. Chaque amour a son sens ; l’amour de voir, procédant de l’amour de comprendre, a le sens de la vue, et les charmes de ce sens sont les symétries et les beautés ; l’amour d’entendre, procédant de l’amour d’écouler et d’obéir, a le sens de l’ouïe, et les charmes de ce sens sont les harmonies ; l’amour de connaître les choses qui dans l’air flottent autour de soi, procédant de l’amour de percevoir, a le sens de l’odorat, et les charmes de ce sens sont les exhalaisons odoriférantes ; l’amour de se nourrir, procédant de l’amour d’être imbu de biens et de vrais, a le sens du goût, et les plaisirs de ce sens sont des mets délicats ; l’amour de connaître les objets, procédant de l’amour de voir autour de soi et de se garantir, a le sens du toucher, et ses charmes sont les chatouillements. Si l’amour de se conjoindre avec son semblable, procédant de l’amour d’unir le bien et le vrai, a le Sens du toucher, c’est parce que ce Sens est commun à tous les autres sens, et par suite tire d’eux quelque chose ; il est bien connu que cet amour porte en communion avec lui tous les sens susmentionnés, et s’en applique les charmes. Que le Sens du toucher ait été consacré à l’amour conjugal, et qu’il en soit le sens propre, cela est évident par tout son jeu et par l’élévation de sa finesse vers ce qu’il y a de plus exquis ; mais il est laissé aux amants de tirer de plus amples déductions de ce sujet.

211. II. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, la faculté de devenir sage s’accroît ; mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal elle décroît. Si la faculté de devenir sage s’accroît chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, c’est parce que cet Amour est chez les époux d’après la sagesse, et selon la sagesse, ainsi qu’il a été pleinement prouvé dans les Chapitres qui précèdent ; puis aussi, parce que le sens de cet Amour est le toucher, et que ce sens est commun à tous les sens, et plein aussi de délices ; par suite cet amour ouvre les intérieurs des mentals, comme il ouvre les intérieurs des sens, et avec eux les parties organiques de tout le corps : il s’ensuit que ceux qui sont dans cet amour n’aiment rien plus que de devenir sages ; car l’homme devient sage, en tant que les intérieurs de son mental sont ouverts ; en effet, par cette ouverture les pensées de l’entendement sont élevées dans une lumière supérieure, et les affections de la volonté dans une chaleur supérieure ; or, la lumière supérieure est la sagesse, et la chaleur supérieure est l’amour de cette sagesse ; les délices spirituelles conjointes aux délices naturelles qu’éprouvent ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, constituent l’amabilité, et par suite la faculté de devenir sage. De là vient que les Anges ont l’Amour conjugal selon la sagesse, et aussi les accroissements de cet amour et en même temps de ses délices selon les accroissements de leur sagesse ; et que les progénitures spirituelles, qui naissent de leurs mariages, sont des choses appartenant à la sagesse d’après le père, et des choses appartenant à l’amour d’après la mère, choses qu’ils aiment d’un storge spirituel ; cet amour s’ajoute à leur amour conjugal et l’élève continuellement, et il les conjoint.

212. Le contraire arrive chez ceux qui ne sont dans aucun amour conjugal en raison de ce qu’ils ne sont dans aucun amour de la sagesse ; ceux-là ne se marient que pour une fin de lasciveté, et dans cette fin il y a même l’amour de devenir insensé ; en effet, toute fin, considérée en elle-même, est un amour, et la lasciveté dans son origine spirituelle est une folie ; par folie il est entendu le délire du mental d’après des faux, et le délire à un haut degré est le délire du mental d’après des vrais falsifiés au point de croire qu’ils sont la sagesse. Que ceux-là soient contre l’amour conjugal, il en est donné une confirmation ou une preuve manifeste dans le Monde spirituel ; là, à la première odeur de l’amour conjugal, ils s’enfuient dans des cavernes, et ils en ferment les portes ; et si les portes sont ouvertes, ils extravaguent comme les fous dans le Monde.

213. III. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, le bonheur de la cohabitation s’accroît ; mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal il décroît. Si le bonheur de la cohabitation s’accroît chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, c’est parce qu’ils s’aiment mutuellement par tous les sens ; l’épouse ne voit rien de plus aimable que l’époux, et l’époux ne voit rien de plus aimable que l’épouse ; bien plus, l’un et l’autre n’entendent, ne sentent et ne touchent rien de plus aimable ; de là pour eux le bonheur de la cohabitation dans la maison, dans la chambre et dans le lit. Qu’il en soit ainsi, vous, mari, vous pouvez en avoir la confirmation d’après les premières délices du mariage, qui sont dans leur plénitude, parce qu’alors l’épouse seule d’entre tout le sexe est aimée. Que ce soit le contraire chez ceux qui ne sont dans aucun amour conjugal, cela est notoire.

214. IV. Chez ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal, la conjonction des mentals s’accroît, et avec elle l’Amitié ; mais chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal l’une et l’autre décroît. Que la conjonction des mentals chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal s’accroisse, c’est ce qui a été démontré dans le Chapitre où il a été traité de la conjonction des âmes et des mentals par le mariage, conjonction qui est entendue par les paroles du Seigneur, qu’ils ne sont plus deux mais une seule chair, voir Nos 156 à 181. Mais que cette conjonction s’accroisse selon que l’amitié se conjoint à l’amour, c’est parce que l’amitié est comme la face de cet amour, et est aussi comme son vêtement, car non-seulement elle s’adjoint à l’amour comme vêlement, mais aussi elle se conjoint à lui comme face ; l’amour qui précède l’amitié est semblable à l’amour du sexe, amour qui s’en va après le désir accompli, mais l’amour conjoint à l’amitié demeure après le désir accompli, et aussi s’affermit ; il entre même intérieurement dans la poitrine, l’amitié l’introduit, et le rend vraiment conjugal ; et alors cet amour rend même conjugale cette sienne amitié, qui diffère beaucoup de l’amitié de tout autre amour, car elle est pleine. Que le contraire arrive chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal, cela est connu ; chez eux la première amitié, qui a été insinuée à l’époque des fiançailles, et ensuite dans les premiers jours après les noces, se retire de plus en plus des intérieurs du mental, et de là successivement enfin jusqu’à l’épiderme ; et chez ceux qui pensent aux séparations, elle s’éloigne entièrement ; mais chez ceux qui ne pensent pas aux séparations, l’amour demeure dans les externes, mais dans les internes, il est froid.

215. V. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal veulent continuellement être un seul homme ; mais ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal veulent être deux. L’Amour conjugal dans son essence n’est autre chose que la volonté ou le désir que deux soient un, c’est-à-dire, que deux vies deviennent une seule vie ; cette volonté est le perpétuel effort de cet amour, d’où découlent tous ses effets ; que l’effort soit l’essence même du mouvement, et que la volonté soit l’effort vif chez l’homme, cela est confirmé par les recherches des philosophes, et est évident aussi pour ceux qui font usage d’une raison éclairée ; de là il suit que ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal sont continuellement en effort, c’est-à-dire, veulent être un seul homme. Que ce soit le contraire chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal, eux-mêmes le savent très-bien ; comme ils se croient continuellement deux d’après la désunion des âmes et des mentals, c’est pour cela qu’ils ne saisissent pas non plus ce qui est entendu par les paroles du Seigneur, « ils ne sont plus deux, mais une seule chair », – Matth. XIX. 6.

216. VI. Ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal regardent l’éternel dans le mariage ; c’est le contraire chez ceux qui ne sont pas dans l’amour conjugal. Si ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal regardent l’éternel, c’est parce que dans cet amour il y a l’éternité, et que son éternité vient de ce que cet amour chez l’épouse, et la sagesse chez le mari, s’accroissent éternellement, et que dans cet accroissement ou progression les époux entrent de plus en plus profondément dans les béatitudes du ciel, qui sont renfermées dans leur sagesse et en même temps dans l’amour de cette sagesse ; si donc l’idée de l’éternel était arrachée, ou que par quelque évènement elle est effacée de leurs mentals, ce serait comme si eux-mêmes étaient précipités du ciel. Quel est dans le ciel l’état des Époux, lorsque l’idée de l’éternel échappe de leurs mentals, et que l’idée du temporaire y tombe à sa place, je l’ai vu clairement par cette expérience : Un jour, par permission donnée, deux époux descendus du Ciel étaient chez moi, et alors l’idée de l’éternel concernant le mariage leur fut enlevée par un certain fourbe qui parlait avec astuce ; aussitôt qu’elle leur fut enlevée, ils commencèrent à se lamenter, disant qu’ils ne pouvaient plus vivre, et qu’ils ressentaient un chagrin qu’ils n’avaient jamais éprouvé auparavant ; cela ayant été perçu dans le Ciel par les Anges leurs compagnons, le fourbe fut éloigné et précipité ; puis, aussitôt revint en eux l’idée de l’éternel, par laquelle ils éprouvèrent l’allégresse du cœur, et ils s’embrassèrent mutuellement avec la plus grande tendresse. Outre cela, j’entendis deux époux qui, au sujet de leur mariage, entretenaient tantôt l’idée de l’éternel, tantôt l’idée du temporaire ; la raison de cela, c’est qu’il y avait en eux une dissemblance interne ; quand ils étaient dans l’idée de l’éternel, ils se réjouissaient entre eux ; mais quand ils étaient dans l’idée du temporaire, ils disaient : « Il n’y a plus mariage. » Et l’épouse : « Je ne suis plus une épouse, je suis une concubine. » Et le mari : « Je ne suis plus un mari, je suis un débauché. » C’est pourquoi lorsque leur dissemblance interne leur eut été découverte, l’homme quitta la femme, et la femme quitta l’homme ; et dans la suite, comme ils avaient eu l’un et l’antre l’idée de l’éternel concernant le mariage, chacun d’eux se consocia avec son pareil de ressemblance. Par ces deux exemples on peut voir clairement que ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal regardent l’éternel, et que si cette idée s’échappe des intimes de la pensée, ils sont désunis quant à l’amour conjugal, quoiqu’ils ne le soient pas en même temps quant à l’amitié, car celle-ci habite dans les externes, mais celui-là dans les internes ! Il en est de même dans les mariages sur terre ; là, les époux, quand ils s’aiment tendrement, pensent à l’éternel concernant leur alliance, et ne pensent nullement à sa fin par la mort ; et s’ils y pensent, ils gémissent jusqu’à ce qu’ils soient ravivés d’espoir par la pensée de sa continuation après le décès.

216 (bis). VII. L’Amour conjugal réside chez les Épouses chastes, mais toujours est-il que leur amour dépend des Maris. Cela vient de ce que les épouses sont nées amours, et que par suite il a été insité en elles de vouloir être un avec les maris, et qu’elles repaissent continuellement leur amour de cette pensée de leur volonté ; c’est pourquoi renoncer à l’effort de s’unir à leurs maris, ce serait renoncer à elles-mêmes ; il en est autrement des maris ; comme ils ne sont point nés amours, mais qu’ils sont des récipients de cet amour qui vient des épouses, il en résulte que, autant ils le reçoivent, autant les épouses entrent avec leur amour, mais qu’autant ils ne le reçoivent point, autant les épouses se tiennent dehors avec leur amour, et attendent : mais cela a lieu chez les épouses chastes ; il en est autrement chez celles qui ne sont pas chastes. D’après cela, on voit que l’amour conjugal réside chez les épouses, mais que leur amour dépend des maris.

217. VIII. Les Épouses aiment les liens du mariage, pourvu que les hommes aiment ces liens. Ceci résulte de ce qui a été dit dans l’Article précédent : qu’on y ajoute que les épouses d’après l’insite veulent être épouses, et être nommées épouses ; c’est pour elles un nom de respect et d’honneur ; c’est pourquoi elles aiment les liens du mariage : et comme les épouses chastes veulent être épouses non pas seulement de nom, mais aussi en actualité, et cela a lieu par une liaison de plus en plus étroite avec les maris, c’est pour cela qu’elles aiment les liens du mariage d’après l’affermissement de son alliance, et cela d’autant plus qu’il y a retour d’amour de la part des maris, ou ce qui est la même chose, selon que les hommes aiment ces liens.

218. IX. L’Intelligence des femmes est en elle-même modeste, élégante, pacifique, flexible, molle, tendre ; et l’Intelligence des hommes est en elle-même grave, âpre, rigoureuse, hardie, amie de la licence. Que telles soient les femmes, et que tels soient les hommes, cela est bien évident d’après le corps, la face, le ton de voix, le langage, les gestes et les mœurs des uns et des autres ; d’après le CORPS, en ce qu’il y a de la dureté dans la peau et dans la chair des hommes, et de la mollesse dans celles des femmes ; d’après la FACE, en ce qu’elle est plus dure, plus raide, plus rude, plus jaune, couverte aussi de barbe, ainsi moins belle chez les hommes, tandis que chez les femmes elle est plus douce, plus flexible, plus tendre, plus brillante, et par suite plus belle ; d’après le TON DE VOIX, en ce que chez les hommes il est rude, et tendre chez les femmes ; d’après le LANGAGE, en ce que chez les hommes il est ami de la licence et animé, tandis que chez les femmes il est modeste et pacifique ; d’après les GESTES, en ce que chez les hommes ils sont plus forts et plus fermes, et que chez les femmes ils sont plus légers et plus faibles ; d’après les MŒURS, en ce que chez les hommes elles sont plus libres, et que chez les femmes elles sont plus élégantes. Combien, dès la naissance même, le génie des hommes diffère du génie des femmes, c’est ce qui est devenu évident pour moi, en voyant les jeunes garçons et les jeunes filles dans leurs réunions ; je les ai quelquefois examinés par une fenêtre dans une grande ville sur une place, où plus d’une vingtaine se réunissaient chaque jour ; là, les petits garçons, selon le caractère qu’ils tiennent de naissance, jouaient en tumulte, criant, se battant, se frappant, se lançant des pierres, tandis que les petites filles étaient paisiblement assises aux portes des maisons, les unes jouant avec des enfants, d’autres habillant des poupées, d’autres cousant de petits chiffons, d’autres s’embrassant ; et, ce qui m’étonnait, elles regardaient toujours d’un air gracieux les petits garçons, dont les jeux étaient si bruyants. Par là, j’ai pu voir clairement que l’homme naît entendement, et la femme amour, et quels sont l’entendement et l’amour dans leurs principes ; et ainsi quel serait l’entendement de l’homme dans sa progression sans la conjonction avec l’amour féminin, et plus tard avec l’amour conjugal.

219. X. Les Épouses ne sont pas comme les hommes dans une excitation, mais il y et chez elles un état de préparation pour la réception. Que chez les hommes il y ait sémination et par suite excitation, et que chez les femmes il n’y ait pas excitation parce qu’il n’y a pas sémination, cela est évident ; mais que chez les femmes il y ait un état de préparation pour la réception, et ainsi pour la conception, je le rapporte d’après ce que j’ai appris ; mais il ne m’est pas permis de décrire quel est cet état chez les femmes, et même il n’est connu que d’elles seules ; mais si leur amour, quand elles sont dans cet état, est dans son plaisir, ou dans le déplaisir, comme quelques-unes le disent, c’est ce qui n’a pas été divulgué par elles ; ce qui est seulement connu en général, c’est qu’il n’est pas permis au mari de dire à l’épouse qu’il peut et ne veut pas, car par là est notablement blessé l’état de réception, qui est préparé selon l’état de puissance du mari.

220. XI. Il y a abondance chez les hommes selon l’amour de propager les vrais de leur sagesse, et selon l’amour de faire des usages. Qu’il en soit ainsi, c’est un des arcanes qui étaient connus des Anciens, et qui aujourd’hui sont entièrement perdus ; les Anciens savaient que toutes et chacune des choses qui se font dans le corps, se font d’après une origine spirituelle, par exemple, que les actions découlent de la volonté qui en elle-même est spirituelle ; que les paroles découlent de la pensée qui aussi est spirituelle ; que la vue naturelle vient de la vue spirituelle qui est celle de l’entendement ; que l’ouïe naturelle vient de l’ouïe spirituelle qui est l’attention de l’entendement et en même temps l’accommodation de la volonté ; que l’odorat naturel vient de l’odorat spirituel, qui est la perception, et ainsi du reste ; que pareillement la sémination virile vienne d’une origine spirituelle, les Anciens l’ont vu ; de plusieurs enseignements, non-seulement de la raison mais aussi de l’expérience, ils avaient conclu qu’elle vient des vrais dont se compose l’entendement ; et ils disaient que du mariage spirituel, qui est celui du bien et du vrai, et qui influe dans toutes et dans chacune des choses de l’univers, il n’est reçu par les mâles rien autre chose que le vrai et ce qui se réfère au vrai ; et que cela en avançant dans le corps est formé en semence ; et que c’est de là que les semences entendues spirituellement sont les vrais ; que, quant à la formation, l’âme masculine, étant intellectuelle, est par conséquent le vrai, car l’intellectuel n’est pas autre chose, c’est pourquoi lorsque l’âme descend, le vrai descend aussi ; que cela a lieu parce que l’âme, qui est l’intime de l’homme et de tout animal, et qui dans son essence est spirituelle, par un effort de propagation insité en elle, suit dans la descente et veut se procréer, et que quand cela se fait, l’âme entière se forme, s’enveloppe et devient semence ; et que cela peut être fait mille et mille fois, parce que l’âme est une substance spirituelle, pour laquelle il y a, non pas extension, mais supplétion, et de laquelle il n’est pas pris de parties, mais il y a production du tout, sans la moindre perte de ce tout ; de là vient qu’elle est pleinement dans les réceptacles les plus petits, qui sont les semences, de même qu’elle est dans son réceptacle le plus grand, qui est le corps. Puis donc que le Vrai de l’âme est l’origine de la semence, il s’ensuit qu’il y a abondance chez les hommes selon l’amour de propager les vrais de leur sagesse : s’il y a aussi abondance selon l’amour de faire des usages, c’est parce que les usages sont des biens qui produisent des vrais. Dans le Monde aussi, quelques-uns savent qu’il y a abondance chez les hommes actifs, et non chez les oisifs. J’ai demandé comment par l’âme virile est propagé le féminin, j’ai reçu pour réponse que c’est d’après le bien intellectuel, parce que ce bien dans son essence est le vrai ; car l’entendement peut penser que telle chose est le bien, qu’ainsi il est vrai que cette chose est le bien ; il en est autrement de la volonté, elle ne pense ni le bien ni le vrai, mais elle les aime et les fait : c’est pour cela que dans la Parole par les fils sont signifiés les vrais, et par les filles les biens, comme on le voit ci-dessus, No 120 ; et que par la semence, dans la Parole, il est signifié le vrai, voir dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 565.

221. XII. Les déterminations sont dans le bon plaisir du mari. Cela résulte de ce que l’abondance, dont il vient d’être parlé, est chez les hommes, et qu’elle varie chez eux tant selon les états de leur mental que selon les états de leur corps ; car l’entendement n’est pas aussi constant dans ses pensées que la volonté dans ses affections ; en effet, il est porté tantôt en haut, tantôt en bas, il est tantôt dans un état serein et clair, tantôt dans un état turbulent et obscur, tantôt dans des objets agréables, tantôt dans des objets désagréables ; et comme le mental, quand il agit, est aussi dans le corps, il s’ensuit que le corps a de semblables états : de là vient que le mari tantôt s’éloigne de l’amour conjugal et tantôt s’en approche, et que l’abondance dans le premier état est enlevée, et dans le second est rétablie. Ce sont là les raisons pour lesquelles les déterminations doivent être laissées au bon plaisir du mari ; de là vient que les épouses, d’après la sagesse insitée en elles, ne donnent jamais aucun avertissement sur de tels sujets.

222. XIII. Il y a une Sphère conjugale qui influe du Seigneur par le Ciel dans toutes et dans chacune des choses de l’Univers jusqu’à ses derniers. Que du Seigneur procèdent l’Amour et la Sagesse, ou ce qui est la même chose, le Bien et le Vrai, cela a été montré ci-dessus dans un Chapitre sur ce sujet ; ces deux dans le mariage procèdent continuellement du Seigneur, parce qu’ils sont Lui-Même, et parce que toutes choses sont par Lui ; et les choses qui procèdent de Lui remplissent l’Univers, car sans cela rien de ce qui a existé ne subsisterait. Il y a plusieurs Sphères qui procèdent de Lui, par exemple, la Sphère de conservation de l’Univers créé, la Sphère de protection du bien et du vrai contre le mal et le faux, la Sphère de réformation et de régénération, la Sphère d’innocence et de paix, la Sphère de miséricorde et de grâce, outre plusieurs autres ; mais la Sphère universelle de toutes est la Sphère conjugale, parce que celle-ci est aussi la Sphère de propagation, par conséquent la Sphère suréminente de conservation de l’univers créé par les générations successives. Que cette Sphère conjugale remplisse l’Univers, et le parcoure depuis les premiers jusqu’aux derniers, cela est évident d’après ce qui a été précédemment montré, en ce qu’il y a des Mariages dans les Cieux, et les mariages les plus parfaits dans le Troisième Ciel ou Ciel Suprême, et qu’outre ceux qui sont chez les hommes, il y en a dans tous les sujets du Règne animal dans les terres, jusqu’aux vermisseaux ; et que, de plus, il y en a dans tous les sujets du Règne végétal, depuis les oliviers et les palmiers jusqu’aux herbes les plus petites. Que cette Sphère soit plus universelle que la sphère de la chaleur et de la lumière qui procède du Soleil de notre Monde, la raison peut s’en convaincre par cela qu’elle opère aussi en l’absence de la chaleur de ce soleil comme dans l’hiver, et en l’absence de sa lumière, comme dans la nuit, principalement chez les hommes ; si elle opère ainsi, c’est parce qu’elle procède du Soleil du Ciel Angélique, et que par suite il y a égalité constante de chaleur et de lumière, c’est-à-dire, conjonction du bien et du vrai, car elle est dans un continuel printemps ; les changements du bien et du vrai, ou de sa chaleur et de sa lumière, n’en sont pas des variations, comme sont dans les terres les variations produites par les changements de la chaleur et de la lumière provenant du soleil naturel, mais ces changements-là ont leur origine dans les sujets qui reçoivent.

223. XlV. Cette Sphère est reçue par le Sexe féminin, et transférée par lui dans le Sexe masculin. Que chez le Sexe masculin il n’y ait aucun amour conjugal, mais que cet amour soit seulement chez le Sexe féminin, et soit transféré par lui dans le Sexe masculin, je l’ai vu prouvé par une expérience, rapportée ci-dessus, No 161, avec laquelle s’accorde cette raison que la Forme masculine est la forme intellectuelle, et la Forme féminine la forme volontaire ; et la forme intellectuelle ne peut pas par elle-même s’échauffer de la chaleur conjugale ; mais elle peut s’échauffer de la chaleur conjonctive de quelqu’un en qui cette chaleur a été implantée par création ; par conséquent elle ne peut recevoir cet amour que par la forme volontaire de la femme, laquelle forme lui est adjointe, parce que celle-ci est aussi la forme de l’amour. Cette même proposition pourrait être confirmée davantage par le Mariage du bien et du vrai ; et, devant l’homme naturel, par le Mariage du cœur et du poumon, parce que le cœur correspond à l’amour, et le poumon à l’entendement ; mais comme la connaissance de ces sujets manque à la plupart des hommes, la confirmation par ces mariages jetterait plus d’ombre que de lumière. De la translation de cette Sphère du Sexe féminin dans le Sexe masculin il résulte que le Mental est embrasé même par la seule pensée sur le sexe ; que par suite aussi il y ait formation propagative, et ainsi excitation, c’en est la conséquence ; car si dans les terres la chaleur ne s’approche pas de la lumière, rien n’y est en vigueur, et rien n’y est excité à produire un fruit.

224. XV. Là où est l’amour vraiment conjugal, cette Sphère est reçue par l’Épouse, et elle n’est reçue par le Mari qu’au moyen de l’épouse. Que cette sphère, chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, ne soit reçue par le mari qu’au moyen de l’épouse, c’est aujourd’hui un arcane, et cependant en soi ce n’est point un arcane, parce que le fiancé et le nouveau-marié peuvent le savoir ; tout ce qui procède de la fiancée et de la nouvelle-mariée n’affecte-t-il pas d’une manière conjugale, sans qu’alors il en soit de même de ce qui procède des autres personnes du sexe ? La même chose a lieu pour ceux qui vivent ensemble dans l’amour vraiment conjugal : et comme la sphère de la vie entoure chacun, tant homme que femme, avec densité par la poitrine, et avec peu de densité par le dos, on voit clairement d’où vient que les maris qui aiment passionnément leurs épouses se tournent vers elles, et pendant le jour les regardent d’un air de satisfaction, et que vice versa, ceux qui n’aiment pas leurs épouses se détournent d’elles, et pendant le jour les regardent d’un air de dédain. Par la réception, de la part du mari, de la sphère conjugale uniquement au moyen de l’épouse, on connaît l’amour vraiment conjugal, et on le distingue de l’amour conjugal bâtard, faux et froid.

225. XVI. Là où n’est point l’Amour conjugal, cette Sphère est reçue, il est vrai, par l’épouse, mais non par le mari au moyen de l’épouse. Dans son origine cette sphère conjugale qui influe dans l’univers est Divine ; dans sa progression dans le ciel chez les Anges, elle est céleste et spirituelle ; chez les hommes, naturelle ; chez les bêtes et chez les oiseaux, animale ; chez les vermisseaux, purement corporelle ; chez les végétaux, elle est privée de vie ; et en outre dans chacun des sujets, elle varie selon leurs formes. Maintenant, comme cette Sphère est reçue immédiatement par le Sexe féminin, et médiatement par le Sexe masculin, et comme elle est reçue selon les formes, il s’ensuit que cette Sphère, qui est sainte dans son origine, peut être changée en une Sphère non-sainte dans les sujets, et bien plus même en une Sphère opposée ; la Sphère opposée est appelée Sphère de prostitution chez de telles femmes, et Sphère scortatoire chez de tels hommes ; et comme de tels hommes et de telles femmes sont dans l’Enfer, c’est de l’enfer que vient cette sphère ; mais il existe aussi pour cette Sphère beaucoup de variété, et par suite elle est de plusieurs espèces ; mais telle espèce est attirée et saisie par tel homme, parce qu’elle lui convient, et qu’elle est conforme et correspond à son caractère. D’après ces explications, on peut voir que le mari qui n’aime pas son épouse reçoit cette Sphère d’autre part que de son épouse ; il arrive néanmoins qu’elle est inspirée aussi par l’épouse, mais à l’insu du mari, et quand il s’échauffe.

226. XVII. L’Amour vraiment conjugal peut exister chez l’un des époux et non en même temps chez l’autre. En effet, l’un peut désirer de tout cœur un mariage chaste, tandis que l’autre ne sait pas ce c’est que le chaste ; l’un peut aimer les choses qui appartiennent à l’Église, tandis que l’autre aime celles qui appartiennent au monde seul ; l’un peut quant au mental être dans le ciel, l’autre quant au sien être dans l’enfer ; de là l’amour conjugal peut être chez l’un et ne pas être chez l’autre : leurs mentals, parce qu’ils sont tournés en sens contraire, sont intérieurement en collision entre eux, et s’ils n’y sont pas extérieurement, toujours est-il que celui qui n’est pas dans l’amour conjugal regarde celui qui est lié à son sort comme une vieille fastidieuse ; et ainsi du reste.

227. XVIII. Il y a diverses ressemblances et diverses dissemblances, tant internes qu’externes, chez les époux. Il est notoire qu’entre les époux il y a des ressemblances, et qu’il y a des dissemblances, et que les externes se manifestent, mais non les internes, si ce n’est aux époux eux-mêmes après quelque temps de cohabitation, et aux autres par des indices ; mais il serait inutile de les énumérer pour les faire connaître, parce que l’énumération et la description des variétés pourraient remplir plusieurs pages. Les ressemblances peuvent en partie être déduites et conclues des dissemblances pour lesquelles l’amour conjugal est changé en froideur, et dont il sera traité dans le Chapitre suivant. Les ressemblances et les dissemblances tirent en général leur origine des inclinations innées (connatæ), variées par l’éducation, les sociétés et les persuasions dont on s’est imbu.

228. XIX. Les diverses ressemblances peuvent être conjointes, mais non avec des dissemblances. Les variétés des ressemblances sont en très-grand nombre, et diffèrent plus ou moins ; mais néanmoins celles qui diffèrent peuvent avec le temps être conjointes par diverses choses, spécialement par des accommodations aux désirs, par les devoirs mutuels, les politesses, l’abstention d’actes non-chastes, le commun amour des enfants, et le soin de leur éducation ; mais principalement par les conformités dans les choses de l’Église ; car par les choses de l’Église il se fait une conjonction des ressemblances qui diffèrent intérieurement ; par les autres choses il n’y a conjonction que pour les ressemblances qui diffèrent extérieurement. Mais avec les dissemblances il ne peut pas se faire de conjonction, parce qu’elles sont antipathiques.

229. XX. Le Seigneur pourvoit à des ressemblances pour ceux qui désirent l’Amour vraiment conjugal, et si ce n’est pas dans les terres, il y pourvoit dans les cieux. La raison de cela, c’est qu’il est pourvu par le Seigneur à tous les mariages d’amour vraiment conjugal ; que ces mariages viennent du Seigneur, on le voit ci-dessus, Nos 130, 131 ; mais comment il y est pourvu dans les cieux, c’est ce que j’ai entendu décrire de cette manière par les Anges : La Divine Providence du Seigneur est très-singulière et très-universelle au sujet des mariages et dans les mariages, parce que tous les plaisirs du Ciel découlent des plaisirs de l’amour conjugal, comme des eaux douces jaillissent de la source d’une fontaine ; et c’est pour cela qu’il est pourvu à ce qu’il naisse des Couples conjugaux ; et ceux-ci sont, sous l’auspice du Seigneur, continuellement élevés pour leur mariage, sans que le jeune garçon et la jeune fille en sachent rien ; et, après le temps exigé, elle alors Vierge nubile, et lui alors Jeune homme apte au mariage, se rencontrent quelque part comme par hasard, et s’examinent mutuellement, et aussitôt comme par une sorte d’instinct ils connaissent qu’ils sont assortis, et d’après une sorte de dictamen intérieur ils pensent en eux-mêmes, le jeune homme : – « Celle-ci est la mienne » ; et la jeune fille : « Celui-ci est le mien » ; et après que cette pensée a résidé quelque temps dans les mentals de l’un et de l’autre, ils s’adressent la parole de propos délibéré, et ils se promettent l’un à l’autre. Il est dit comme par hasard, comme par une sorte d’instinct, comme d’après une sorte de dictamen, et il est entendu d’après la Divine Providence, parce qu’elle apparaît ainsi lorsqu’elle n’est pas connue ; car le Seigneur ouvre les ressemblances internes, afin qu’elles se voient.

230. XXI. L’homme, selon le défaut d’amour conjugal et la perte de cet amour, approche de la nature de la bête. La raison de cela, c’est que, autant l’homme est dans l’amour conjugal, autant il est spirituel, et autant il est spirituel, autant il est homme ; car l’homme naît pour la vie après la mort, et il l’atteint parce qu’il y a en lui une âme spirituelle, et l’homme peut être élevé à cette vie par la faculté de son entendement ; si alors la volonté, par la faculté qui lui a aussi été donnée, est élevée en même temps, après la mort il vit la vie du ciel. C’est le contraire, s’il est dans un amour opposé à l’amour conjugal ; car autant il y est, autant il est naturel, et l’homme purement naturel est semblable à la bête quant aux cupidités, aux appétits et à leurs plaisirs, avec la seule différence qu’il a la faculté d’élever l’entendement dans la lumière de la sagesse, et aussi la faculté d’élever la volonté dans la chaleur de l’amour céleste ; ces facultés ne sont ôtées à aucun homme ; c’est pour cela que l’homme purement naturel, quoiqu’il soit semblable à la bête quant aux convoitises, aux appétits et à leurs plaisirs, vit néanmoins après la mort, mais dans un état qui correspond à sa vie passée dans le monde. D’après ces explications, on peut voir que l’homme, selon le défaut d’amour conjugal, approche de la nature de la bête. Ceci semble pouvoir être contredit, par cela qu’il y a défaut d’amour conjugal et perte de cet amour chez ceux qui sont cependant des hommes ; mais il ne s’agit ici que de ceux qui, d’après l’amour scortatoire, ne font aucun cas de l’amour conjugal, et qui sont ainsi dans le défaut d’amour conjugal, et dans la perte de cet amour.

 

 

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231. À ce qui précède seront ajoutés TROIS MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour, j’entendis de grands cris qui sortaient des enfers, comme à travers des eaux ; l’un à gauche ; « Ô QU’ILS SONT JUSTES ! » l’autre à droite : « Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS ! » et un troisième par derrière : « Ô QU’ILS SONT SAGES ! », et comme il me vint à la pensée si dans l’Enfer il y avait aussi des Justes, des Érudits et des Sages, je fus affecté du désir de voir s’il y en avait réellement ; et il me fut dit du Ciel : « Tu verras et tu entendras » ; et je sortis de la maison en esprit, et je vis devant moi une Ouverture ; j’en approchai, et je regardai ; et voici, un escalier par lequel je descendis ; et, quand je fus en bas, je vis des plaines couvertes d’arbustes entremêlés d’épines et d’orties ; et je demandai si c’était là l’Enfer ; on me dit : « C’est la Terre inférieure, qui est immédiatement au-dessus de l’Enfer » ; et alors je m’avançai selon les Cris en suivant l’ordre ; vers le premier Cri : « Ô QU’ILS SONT JUSTES ! » et je vis une Assemblée de ceux qui dans le Monde avaient été des Juges d’amitié et de présents ; ensuite vers le second Cri : « Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS ! » et je vis une Assemblée de ceux qui dans le Monde avaient été des Raisonneurs ; et enfin vers le troisième Cri : « Ô QU’ILS SONT SAGES ! » et je vis une Assemblée de ceux qui dans le Monde avaient été des Confirmateurs : mais de ceux-ci je revins vers la première Assemblée où étaient les Juges d’amitié et de présents qu’on proclamait Justes ; et je vis sur le côté une sorte d’Amphithéâtre construit de briques, et couvert de tuiles noires ; et il me fut dit que c’était là leur TRIBUNAL ; on y arrivait par trois entrées du côté septentrional, et trois du côté occidental, mais il n’y en avait point du côté méridional ni du côté oriental, indice que leurs Jugements n’étaient pas des Jugements de Justice, mais étaient arbitraires. Au milieu de l’Amphithéâtre je vis un foyer, où des serviteurs chargés de ce soin jetaient des torches sulfureuses et bitumineuses, dont les lueurs en vibrant sur les murailles recrépies présentaient des images peintes d’oiseaux de soir et de nuit ; mais ce foyer, et par suite les vibrations de la lumière dans les formes de ces images, étaient des représentations de leurs Jugements, en ce qu’ils pouvaient farder le fond de toute question, et le revêtir de formes selon la faveur. Une demi-heure après je vis entrer, en robes longues et en manteaux, des Vieillards et des Jeunes gens, qui, après avoir ôté leurs toques, se placèrent sur des Sièges près des Tables pour rendre des Jugements ; et j’écoutai, et je perçus avec quelle adresse et quelle sagacité, en vue de l’amitié, ils faisaient pencher et tourner les jugements en des apparences de justice, et cela au point qu’eux-mêmes voyaient l’injuste non autrement que comme juste, et vice versa le juste non autrement que comme injuste ; les persuasions sur le juste et l’injuste se montraient telles d’après leurs visages, et étaient entendues telles d’après les sons de leur langage ; alors il me fut donné du Ciel une illustration, par laquelle je perçus si chacune des choses était conforme ou non conforme au droit ; et je vis avec quelle adresse ils voilaient l’injuste, et lui donnaient l’apparence du juste, et avec quelle habileté ils choisissaient parmi les lois celle qui était favorable, et mettaient de côté par d’adroits raisonnements toutes les autres. Après les jugements, les Sentences étaient portées aux clients, amis et partisans, et ceux-ci, pour les récompenser de leur faveur, criaient tout le long du chemin ; « Ô QU’ILS SONT JUSTES ! Ô QU’ILS SONT JUSTES ! » Après cela, je parlai d’eux avec les Anges du Ciel, et je leur racontai en partie ce que j’avais vu et entendu ; et les Anges me dirent : « De tels juges semblent aux autres avoir un entendement d’une pénétration très-subtile, lorsque cependant ils ne voient pas la moindre chose du juste et de l’équitable ; si tu ôtes l’amitié pour l’une des parties, ils sont muets dans les jugements comme des statues, et disent seulement : J’acquiesce, je me range à l’opinion de celui-ci ou de celui-là ; et cela, parce que tous leurs jugements sont établis sur des préventions, et que la prévention jointe à la faveur suit la cause depuis le commencement jusqu’à la fin ; ainsi ils ne voient que ce qui est favorable à l’ami ; quant à tout ce qui lui est contraire, ils le mettent de côté ; et s’il est de nouveau question de cela, ils l’enveloppent de raisonnements comme l’araignée enveloppe de fils sa proie, et ils l’anéantissent ; de là vient que s’ils ne suivent pas la toile de leur prévention, ils ne voient rien du droit ; il a été examiné s’ils pouvaient en voir quelque chose, et il a été trouvé qu’ils ne peuvent pas ; les habitants de ton Monde seront étonnés qu’il en soit ainsi ; mais dis-leur que c’est là une vérité reconnue incontestable par les Anges du Ciel. Comme ceux-là ne voient rien de juste, nous les considérons, dans le Ciel, non comme des hommes, mais comme des monstres, dont les têtes constituent les choses qui sont d’amitié, les poitrines celles qui sont d’injustice, les pieds celles qui sont de confirmation, et les plantes des pieds celles qui sont de justice, lesquelles ils renversent et foulent aux pieds, si elles ne sont pas favorables à l’ami. Mais quels ils nous apparaissent du Ciel, tu vas le voir, car leur fin est proche. » Et voici, aussitôt le sol s’entrouvrit, et les tables tombèrent sur les tables, et ils furent engloutis avec tout l’Amphithéâtre, et jetés dans des Cavernes, et incarcérés ; et alors il me fut dit : « Veux-tu les voir là ? » Et voici, ils furent vus quant à la face comme d’acier poli, quant au corps depuis le cou jusqu’aux lombes comme des statues de pierre vêtues de peaux de léopard, et quant aux pieds comme des couleuvres : et je vis les Livres de Loi, qu’ils avaient placés sur les Tables, changés en Cartes à jouer ; et alors, au lieu de juger, il leur fut donné pour emploi de préparer du vermillon en fard, pour mettre sur le visage des prostituées et les changer ainsi en beautés.

Après que j’eus vu ces choses, je voulus aller vers les deux autres Assemblées, où, dans l’une étaient de purs Raisonneurs, et dans l’autre de purs Confirmateurs ; et alors il me fut dit : « Repose-toi un peu ; des Anges de la Société la plus Près au-dessus d’eux te seront donnés pour compagnons ; par eux le Seigneur te donnera la lumière, et tu verras des choses surprenantes. »

232. SECOND MÉMORABLE : Peu de temps après, j’entendis de nouveau de la Terre inférieure ces exclamations qui s’étaient déjà fait entendre : « Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS ! Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS ! » et je regardai de tous côtés pour voir quels Anges étaient alors présents ; et voici, c’étaient des Anges qui, dans le Ciel, étaient immédiatement au-dessus de ceux pour lesquels on criait : « Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS ! » Je m’entretins avec eux sur ce Cri, et ils me dirent : « Ces Érudits sont de ceux qui en raisonnant cherchent seulement si une chose est ou n’est pas et qui pensent rarement qu’elle est de telle manière ; aussi sont-ils comme des vents qui soufflent et passent ; et comme des écorces autour d’arbres qui n’ont point de moelle ; ou comme des coquilles autour d’amandes sans noyau ; ou comme la superficie de fruits sans chair ; car leurs mentals sont sans jugement intérieur, et ne sont unis qu’aux Sens du corps ; c’est pourquoi, si les sens mêmes ne jugent point, ils ne peuvent rien conclure ; en un mot, ils sont purement sensuels, et nous les appelons RAISONNEURS ; ils sont appelés Raisonneurs, parce qu’ils ne concluent jamais rien, mais s’emparent de tout ce qu’ils entendent, et discutent si la chose est, en contredisant continuellement ; ils n’aiment rien plus qu’à attaquer les vérités elles-mêmes, et ainsi à les réduire en pièces en les soumettant à des débats ; ce sont eux qui se croient dans le Monde plus Érudits que tous les autres. » Après avoir reçu ces informations, je priai les Anges de me conduire vers eux ; et ils me conduisirent à une Cavité, d’où des degrés menaient vers la terre inférieure, et nous descendîmes, et nous suivîmes le Cri : « Ô QU’ILS SONT ÉRUDITS!, et voici, ils étaient quelques centaines qui se tenaient debout dans un même lieu, en frappant des pieds la terre ; d’abord étonné de cela, je demandai pourquoi ils se tenaient ainsi debout et frappaient des pieds la terre, et j’ajoutai : « Ils peuvent ainsi avec les pieds faire une excavation dans le sol. » À ces mots, les Anges sourirent, et ils dirent : « Ils apparaissent se tenir ainsi debout, parce que, sur n’importe quel sujet, ils ne pensent nullement que la chose est ainsi, mais ils se demandent seulement si la chose est, et ils discutent ; et quand la pensée ne va pas plus loin, ils apparaissent seulement fouler et piler avec les pieds une motte de terre, sans avancer. » Mais alors je m’approchai de l’Assemblée ; et voici, ils m’apparurent comme des hommes d’assez bonne mine et décemment vêtus ; et les Anges dirent : « Ils apparaissent tels dans leur propre lumière, mais quand la lumière influe du Ciel, les faces changent et les vêtements aussi. » C’est ce qui arriva ; et alors ils apparurent, avec des faces livides, couvertes de sacs noirs ; mais cette lumière ayant été retirée, ils furent vus comme auparavant. Peu après je parlai à quelques-uns de l’assemblée, et je dis : « J’ai entendu la foule qui vous entoure crier : Ô qu’ils sont Érudits ! Qu’il me soit donc permis de discourir avec vous sur des sujets qui sont de la plus profonde Érudition » ; et ils répondirent : « Dis ce qu’il te plaira, et nous te satisferons » ; et je posai cette question : « Quelle doit être la Religion par laquelle l’homme est sauvé ? » et ils dirent : « Nous diviserons la question en plusieurs autres, et avant d’avoir conclu sur celles-ci, nous ne pouvons donner de réponse ; il faut d’abord mettre en discussion, 1o si une Religion est quelque chose ; 2o s’il y a salvation ou non ; 3o s’il y a une Religion qui soit plus efficace qu’une autre ; 4o s’il y a un Ciel et un Enfer ; 5o s’il y a une vie éternelle après la mort ; outre bien d’autres points. » Et je demandai qu’ils traitassent le premier point : Si une Religion est quelque chose ? et ils se mirent à discuter ce point par une foule d’arguments : Y a-t-il une Religion, et ce qu’on nomme ainsi est-il quelque chose ? et je les priai d’en référer à l’Assemblée, et ils le firent, et la réponse commune fut que cette Proposition exigeait de si nombreuses recherches qu’elle ne pourrait pas être résolue dans la soirée. » Mais, demandai-je, pourrait-elle l’être en un an ? » et l’un d’eux me dit qu’elle ne pourrait l’être en cent ans ; et je dis : « En attendant vous êtes sans religion » ; et il répondit : « Ne doit-il pas d’abord être démontré s’il y a une Religion, et si ce qui est appelé Religion est quelque chose ? s’il y en a une, elle sera aussi pour les sages ; s’il n’y en a point, ce qui est appelé religion sera seulement pour le vulgaire ; on sait que la Religion est nommée Lien ; mais on demande pour qui est ce lien ; si c’est seulement pour le vulgaire, elle n’est pas en elle-même quelque chose ; si c’est aussi pour les sages elle est quelque chose. » Après avoir entendu cette réponse, je leur dis : « Vous n’êtes rien moins que des Érudits, car vous ne pouvez que penser, si une chose est, ou n’est pas, et l’examiner dans l’un et l’autre sens ; qui est-ce qui peut devenir Érudit, à moins de savoir quelque chose avec certitude, et d’avancer dans cette chose, comme un homme avance de pas en pas et successivement dans la sagesse ? Autrement, vous ne touchez pas même du doigt les vérités, mais vous les éloignez de plus en plus de la vue ; raisonner seulement si une chose est ou n’est pas n’est-ce pas raisonner sur un bonnet sans jamais le mettre sur sa tête, ou sur un soulier sans le chausser ? Que s’ensuit-il, sinon que vous ne savez pas si quoi que ce soit existe, même s’il y a une salvation, s’il y a une vie éternelle après la mort, si une Religion vaut mieux qu’une autre, s’il y a un Ciel et un Enfer ; vous ne pouvez rien penser sur ces sujets, tant que vous vous arrêtez au premier pas et que vous y battez le sable, sans porter un pied devant l’autre et sans avancer. Prenez garde que vos Mentals, tandis qu’ils se tiennent ainsi en dehors du jugement, ne s’endurcissent intérieurement, et ne deviennent des statues de sel, et vous, des amis de l’épouse de Loth. » Après avoir ainsi parlé, je m’en allai ; et eux, dans leur indignation, jetèrent des pierres après moi ; et alors ils m’apparurent comme des statues de pierre, dans lesquelles il n’y a aucune chose de la raison humaine. Et je questionnais les Anges sur le sort de ces esprits ; et ils me dirent : « Leur sort est d’être précipités dans le profond, et là dans un désert, et d’être réduits à porter des fardeaux ; et alors, comme ils ne peuvent rien dire de conforme à la raison, ils babillent et parlent de choses frivoles ; et là, de loin, ils apparaissent comme des ânes portant leurs charges. »

233. TROISIÈME MÉMORABLE : Ensuite un des Anges me dit : « Suis-moi vers le lieu où l’on crie : Ô QU’ILS SONT SAGES ! » et il dit : « Tu verras des prodiges d’hommes ; tu verras des faces et des corps, qui sont d’homme, et cependant ce ne sont point des hommes » ; et je dis : « Ce sont donc des bêtes ? » Il répondit : « Ce ne sont pas des bêtes, mais ce sont des bêtes-hommes, car ils sont tels qu’ils ne peuvent nullement voir si le vrai est vrai ou non, et cependant ils peuvent faire que tout ce qu’ils veulent soit vrai ; ceux-là chez nous sont appelés CONFIRMATEURS. » Et nous suivîmes le Cri, et nous arrivâmes à l’endroit ; et voici, une Assemblée d’hommes, et autour de l’Assemblée une foule, et dans la foule quelques personnes de distinction, qui, ayant entendu qu’ils confirmaient tout ce qu’ils disaient, et que, par un acquiescement si manifeste, ils leur étaient favorables, se retournèrent et dirent : « Ô QU’ILS SONT SAGES ! » Mais l’Ange me dit : « N’allons pas auprès d’eux, mais appelons-en un de l’Assemblée » ; et nous en appelâmes un, et nous nous retirâmes avec lui à l’écart, et nous parlâmes de diverses choses ; et il confirmait toutes ces choses, au point qu’elles apparaissaient absolument comme vraies ; et nous lui demandâmes s’il pouvait aussi confirmer les choses contraires ; il dit qu’il le pouvait aussi bien que pour les précédentes ; alors il dit ouvertement et du fond du cœur : « Qu’est-ce que le vrai ? Est-ce que dans la nature des choses il y a d’autre vrai que ce que l’homme fait vrai ? Dis tout ce qu’il te plaira, et je ferai que cela soit vrai » ; et je dis : « Fais vrai ceci, que la Foi est le tout de l’Église » ; et il le fit avec tant d’adresse et d’habileté, que les Érudits qui se tenaient alentour furent dans l’admiration et applaudirent : puis, je lui demandai de faire vrai que la Charité est le tout de l’Église ; et il le fit ; et ensuite, que la Charité n’appartient en rien à l’Église ; et il enveloppa l’une et l’autre proposition et les orna d’apparences, de sorte que les assistants se regardaient entre eux, et disaient : « N’est-ce point là un Sage ? » Et je dis : « Ne sais-tu pas que bien vivre c’est la Charité, et que bien croire c’est la Foi ? N’est-ce pas que celui qui vit bien croit bien aussi, et qu’ainsi la foi appartient à la charité, et la charité à la foi ? Ne vois-tu pas que cela est vrai ? » Il répondit : « Je ferai cela vrai, et je verrai » ; et il le fit, et il dit : « Maintenant je vois » ; mais peu après il fit que le contraire était vrai, et alors il dit : « Je vois aussi que cela est vrai » ; à ces mots, nous sourîmes et nous dîmes : « Ne sont-ce pas là des contraires ? comment deux contraires peuvent-ils être vus vrais ? » À cela il répondit tout indigné : « Vous êtes dans l’erreur, l’un et l’autre est vrai, puisqu’il n’y a de vrai que ce que l’homme fait vrai. » Près de là se tenait quelqu’un qui dans le Monde avait été Ambassadeur de première classe ; il fut étonné de ce qu’il venait d’entendre, et il dit : « Je reconnais qu’il y a quelque chose de semblable dans le Monde, mais néanmoins tu déraisonnes ; fais, si tu peux, qu’il soit vrai que la Lumière est l’Obscurité, et que l’Obscurité est la Lumière » ; et il répondit : « Je le ferai facilement ; qu’est-ce que la Lumière et l’Obscurité, sinon un État de l’Œil ? Est-ce que la lumière n’est pas changée en ombre, lorsque l’œil vient d’être exposé aux rayons du soleil, comme aussi lorsqu’on regarde fixement le soleil ? Qui ne sait qu’alors l’état de l’œil est changé, et que par la suite la lumière apparaît comme ombre ; et que, vice versa, quant l’état de l’œil revient, cette ombre apparaît comme lumière ? Le Hibou ne voit-il pas l’obscurité de la nuit comme une lumière de jour, et la lumière du jour comme une obscurité de nuit, et alors le soleil lui-même comme un globe opaque et sombre ? Si un homme avait les yeux comme le hibou, qu’appellerait-il lumière, et qu’appellerait-il obscurité ? Alors, qu’est-ce que la Lumière, sinon un état de l’œil ? Et si c’est seulement un état de l’œil, la Lumière n’est-elle pas l’Obscurité, et l’Obscurité la Lumière ? donc l’un est vrai et l’autre est vrai. » Ensuite l’Ambassadeur pria le Confirmateur de faire vrai ceci, que le corbeau est blanc et non pas noir ; et il répondit : « Je le ferai encore facilement » ; et il dit : « Prends une aiguille ou un couteau, et ouvre les ailes et les plumes du corbeau, ne sont-elles pas blanches en dedans ? Puis, repousse les ailes et les plumes, et examine le Corbeau par la peau, n’est-il pas blanc ? Qu’est-ce que le noir qui l’environne, sinon une ombre d’après laquelle il ne faut pas juger de la couleur du Corbeau ? Que le noir ne soit que l’ombre, consulte ceux qui possèdent la Science de l’optique, et ils te le diront ; ou bien, pulvérise une pierre noire, ou du verre noir, et tu verras que la poudre en est blanche. » Mais, répondit l’Ambassadeur, « est-ce que le Corbeau n’apparaît pas noir devant la vue ? » « Quoi ! répliqua ce Confirmateur, tu veux, toi qui es un homme, penser quelque chose d’après l’apparence ! tu peux dire, il est vrai, d’après l’apparence, que le Corbeau est noir, mais tu ne peux le penser ; ainsi, par exemple, tu peux dire, d’après l’apparence, que le Soleil se lève, monte, descend et se couche, mais comme tu es un homme, tu ne peux pas le penser, car le Soleil reste immobile, et la Terre tourne ; il en est de même du Corbeau ; une apparence est une apparence ; dis tout ce que tu voudras, le corbeau est tout entier blanc ; il blanchit aussi quand il devient vieux, c’est ce que j’ai vu. » Ensuite nous le priâmes de dire du fond du cœur s’il plaisantait, ou s’il croyait qu’il n’y a de vrai que ce que l’bomme fait vrai ; et il répondit : « Je jure que je le crois. » Après cela l’Ambassadeur lui fit cette question : « Peux-tu faire vrai ceci, que tu es fou ? » et il dit : « Je le pourrais, mais je ne le veux pas ; qui est-ce qui n’est pas fou ? » Après cette conversation, ce Confirmateur universel fut envoyé vers les Anges, afin qu’ils examinassent quel il était ; et, après l’avoir examiné, ils dirent qu’il ne possédait pas même un grain d’entendement, parce que tout ce qui est au dessus du rationnel était fermé chez lui, et qu’il n’y avait d’ouvert que ce qui est au-dessous du rationnel ; au-dessus du Rationnel est la Lumière céleste, et au-dessous du Rationnel est la Lumière naturelle, et chez l’homme celle-ci est telle qu’il peut confirmer tout ce qui lui plaît ; mais si la Lumière céleste n’influe pas dans la Lumière naturelle, l’homme ne voit pas si ce qui est vrai est vrai, ni par conséquent non plus si ce qui est faux est faux ; or voir l’un et l’autre dépend de la lumière céleste dans la lumière naturelle, et la lumière céleste vient du Dieu du Ciel, qui est le Seigneur ; c’est pour cela que ce Confirmateur universel n’est ni homme ni bête, mais il est bête-homme. Je demandai à l’Ange quel était le sort de ces confirmateurs, et s’ils pouvaient être avec les vivants, puisque la vie est chez l’homme d’après la Lumière céleste, et que son entendement vient de cette lumière ; et il me dit que ces confirmateurs, quand ils sont seuls, ne peuvent rien penser, ni par suite rien dire, mais qu’ils sont debout muets comme des machines, et comme plongés dans un profond sommeil, mais qu’ils se réveillent dès que quelque chose frappe leurs oreilles ; et il ajouta que tels deviennent ceux qui sont intimement méchants ; la lumière céleste ne peut pas influer en eux par la partie supérieure, mais il influe seulement par le Monde quelque spirituel, d’où leur vient la faculté de confirmer. Après ces explications, j’entendis une voix venant des Anges qui l’avaient examiné, et disant : « Fais de tout ce que tu as entendu une Conclusion générale » ; et je fis celle-ci : « Pouvoir confirmer tout ce qui plaît n’est pas le fait d’une homme intelligent, mais pouvoir voir que ce qui est vrai est vrai et que ce qui est faux est faux, et le confirmer, c’est là le fait d’un homme intelligent. » Je portai ensuite mes regards vers l’Assemblée où étaient les Confirmateurs ; et autour d’eux la foule criait : « Ô QU’ILS SONT SAGES ! » et voici, une Nuée sombre les enveloppa, et dans la Nuée volaient des chouettes et des chauves-souris ; et il me fut dit : « Les chouettes et les chauves-souris qui volent dans la Nuée noire sont les correspondances et par suite les apparences des pensées de ces Confirmateurs ; car les confirmations des faussetés, au point qu’elles apparaissent comme des vérités, sont représentées dans ce Monde-ci sous des formes d’oiseaux de nuit, dont les yeux sont éclairés en dedans par une lumière chimérique, d’après laquelle ils voient les objets dans les ténèbres comme dans une lumière : une telle lumière chimérique spirituelle est chez ceux qui confirment les faux au point de les voir comme des vrais, et ensuite de les dire et de les croire des vrais ; tous ceux-là sont dans la vision postérieure, et ne sont dans aucune vue antérieure. »

 

 

 

DES CAUSES DES FROIDEURS, DES SÉPARATIONS ET DES DIVORCES DANS LES MARIAGES.

 

 

234. En traitant ici des Causes des Froideurs dans les Mariages, je traiterai aussi en même temps des Causes des Séparations et des Divorces, parce qu’elles sont liées les unes aux autres ; en effet, les Séparations ne viennent d’autre part que des Froideurs nées successivement après le Mariage, ou de causes découvertes après le Mariage et dont vient aussi la froideur ; quant aux Divorces, ils viennent des Adultères, parce que les adultères sont entièrement opposés aux Mariages, et que les opposés introduisent la froideur, sinon chez les deux époux, du moins chez l’un d’eux. Voilà la raison pour laquelle les Causes des froideurs, des séparations et des divorces seront placées ensemble dans un seul Chapitre. Mais la liaison des causes entre elles sera plus clairement discernée, si on les voit en série ; leur série est celle-ci : I. Il y a une Chaleur spirituelle, et il y a une Froideur spirituelle ; la Chaleur spirituelle est l’amour, et la Froideur spirituelle est la privation de cet amour. II. La Froideur spirituelle dans les Mariages est la désunion des âmes et la disjonction des mentals, d’où naissent l’Indifférence, la Discorde, le Mépris, le Dégoût, l’Aversion, par suite desquels chez plusieurs il y a enfin Séparation quant au lit, à la chambre et à la maison. III. Les Causes des froideurs dans leurs successions sont en grand nombre, quelques-unes sont Internes, d’autres Externes, et d’autres Accidentelles. IV. Les Causes internes des froideurs viennent de la Religion. V. La Première de ces causes est le rejet de la Religion par l’un et par l’autre. VI. La Seconde, c’est quand l’un a de la Religion, et que l’autre n’en a point. VII. La Troisième, c’est quand l’un est d’une Religion ; et que l’autre est d’une autre. VIII. La Quatrième, la fausseté imbue de la Religion. IX. Ce sont là les Causes de froideur interne, mais non en même temps externe, chez plusieurs. X. Il y a aussi plusieurs Causes externes de froideur ; et la Première est la dissemblance des mentals (animi) et des mœurs. XI. La Seconde, c’est que l’on croit que l’Amour conjugal est le même que l’amour scortatoire, avec la seule différence que celui-ci d’après la loi est illicite, tandis que celui-là est licite. XII. La Troisième est la rivalité de prééminence entre les époux. XIII. La Quatrième est le manque de détermination pour quelque étude ou pour quelque occupation, d’où résulte une cupidité vague. XlV. La Cinquième est l’inégalité d’état et de condition dans les externes. XV. Il y a aussi certaines Causes de séparation. XVI. La première de ces causes est un Vice du mental. XVII. La Seconde est un Vice du corps. XVIII. La Troisième est l’Impuissance avant le mariage. XIX. L’Adultère est la cause du Divorce. XX. Il y a aussi plusieurs Causes accidentelles, et la Première de ces causes est le commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission. XXI. La Seconde, c’est que la Cohabitation avec le conjoint, d’après l’alliance et la loi, semble forcée et non libre. XXII. La Troisième est l’affirmation de la part de l’épouse, et des propos sur l’amour par elle. XXIII. La Quatrième est la pensée du mari, jour et nuit, que son épouse veut ; et, de l’autre côté, la pensée de l’épouse, que son mari ne veut pas. XXIV. Selon que la froideur est dans le mental, elle est aussi dans le corps ; et selon les accroissements de cette froideur, les externes du corps aussi sont fermés. Suit maintenant l’Explication de ces Articles.

235. I. Il y a une Chaleur spirituelle, et il y a une Froideur spirituelle ; la Chaleur spirituelle est l’amour, et la Froideur spirituelle est la privation de cet amour. La Chaleur spirituelle ne vient d’autre part que du Soleil du monde spirituel ; car là il y a un Soleil procédant du Seigneur qui y est au milieu ; et comme il procède du Seigneur, ce Soleil-là est dans son existence le pur Amour ; ce Soleil devant les Anges apparaît igné, absolument comme apparaît le Soleil de notre Monde devant les hommes ; et il apparaît igné parce que l’Amour est le feu spirituel : de ce Soleil procèdent et une Chaleur et une Lumière ; mais comme ce Soleil est le pur Amour, la chaleur qui en procède est dans son essence l’amour, et la lumière qui en procède est dans son essence la sagesse ; par là on voit clairement d’où vient la chaleur spirituelle, et que cette chaleur est l’amour. Il sera aussi exposé en peu de mots d’où vient la Froideur spirituelle ; elle vient du Soleil du Monde naturel, et de sa chaleur et de sa lumière ; le Soleil du Monde naturel est créé, afin que sa chaleur et sa lumière reçoivent en elles la chaleur et la lumière spirituelles, et qu’au moyen des atmosphères elles les portent jusques dans les derniers dans la terre, pour qu’elles produisent les effets des fins, lesquelles appartiennent au Seigneur dans son Soleil, et aussi pour qu’elles enveloppent les spirituels de vêtements adéquats, c’est-à-dire, de matières, pour opérer les fins dernières dans la nature ; ces choses ont lieu quand la chaleur spirituelle a été jointe à la chaleur naturelle : mais le contraire a lieu, quand la chaleur naturelle est séparée de la chaleur spirituelle ; cela arrive chez ceux qui aiment les naturels et rejettent les spirituels ; chez ceux-ci la chaleur spirituelle devient froideur. Si ces deux amours, qui de création sont d’accord, deviennent ainsi opposés, c’est parce qu’alors la chaleur maîtresse devient la chaleur servante, et vice versa ; et pour que cela n’arrive point, la chaleur spirituelle, qui par son origine est la maîtresse, se retire ; et alors dans ces sujets la chaleur spirituelle se refroidit, parce qu’elle devient opposée : d’après ces explications on voit clairement ce que c’est que la froideur spirituelle, et que cette froideur est la privation de chaleur spirituelle. Dans ce qui vient d’être dit, par la chaleur il est entendu l’amour, parce que cette chaleur, vivant dans les sujets, est sentie comme amour. J’ai appris, dans le Monde spirituel, que les Esprits entièrement naturels sont saisis d’un froid intense quand ils s’appliquent au côté d’un Ange qui est dans un état d’amour ; et qu’il en est de même des esprits de l’enfer, quand la Chaleur influe du ciel vers eux ; et que cependant entre eux, quand la chaleur du ciel s’en est retirée, ils brûlent d’une grande chaleur.

236. II. La Froideur spirituelle dans les Mariages est la désunion des âmes, et la disjonction des mentals, d’où naissent l’indifférence, la discorde, le mépris, le dégoût, l’aversion, par suite desquels chez plusieurs il y a enfin séparation quant au lit, à la chambre et à la maison. Que ce soit là ce qui arrive chez les époux, quand leur primitif amour s’éloigne et devient froideur, cela est trop connu pour qu’il soit besoin d’explication. La raison, c’est que la froideur conjugale réside au-dessus de toutes les autres froideurs dans les mentals humains ; car le Conjugal même est inscrit dans l’âme, pour cette fin qu’une âme soit propagée par une âme, et l’âme du père dans les enfants : de là vient que cette froideur y commence, et découle successivement dans les choses qui suivent, et les infecte, et ainsi change les joies et les plaisirs de l’amour primitif en des tristesses et des déplaisirs.

237. III. Les Causes des froideurs dans leurs successions sont en grand nombre, quelques-unes sont Internes, d’autres Externes, et d’autres Accidentelles. Que les causes des froideurs dans les mariages soient en grand nombre, on le sait dans le monde ; on sait aussi qu’elles ont leur origine dans beaucoup de causes externes ; mais on ne sait pas que les origines des causes sont profondément cachées dans les intimes, et que de là elles dérivent dans les choses qui suivent jusqu’à ce qu’elles apparaissent dans les externes. Afin donc qu’on sache que les causes externes ne sont point des causes en elles-mêmes, mais sont dérivées de causes en elles-mêmes qui, comme il vient d’être dit, sont dans les intimes, les causes par conséquent sont d’abord distinguées généralement en Internes et en Externes, et sont ensuite examinées particulièrement.

238. IV. Les Causes internes des froideurs viennent de la Religion. Que l’origine même de l’amour conjugal réside dans les intimes chez l’homme, c’est-à-dire, dans son Âme, tout homme en est convaincu par ces considérations seules, à savoir, que l’Âme de l’enfant vient du père, et que cela est connu d’après la ressemblance des inclinations et des affections, et aussi d’après la commune ressemblance des faces qui se perpétue du père dans la postérité même la plus éloignée ; puis, d’après la faculté propagative insitée dans les Âmes par création ; et en outre par l’analogue dans les sujets du règne végétal, en ce que dans les intimes des germinations est cachée la propagation de la semence même, et par conséquent du tout, que ce soit un arbre, ou un arbuste, ou une plante. Cette force propagative ou plastique dans les semences de ce règne, et dans les âmes de l’autre règne, ne vient pas d’autre part que de la Sphère conjugale, qui est celle du bien et du vrai, et qui émane et influe continuellement du Seigneur Créateur et Conservateur de l’Univers, voir ci-dessus, Nos 222 à 225 ; et de l’effort de ces deux, le bien et le vrai, là, pour se conjoindre en un ; c’est de cet effort conjugal, qui a son siège dans les âmes, qu’existe originairement l’amour conjugal : que ce même mariage, d’où procède cette Sphère Universelle, fasse l’Église chez l’homme, c’est ce qui a été suffisamment montré dans le Chapitre sur LE MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI, et plusieurs fois ailleurs : par là, devant la raison, il est de toute évidence que l’origine de l’Église et l’origine de l’amour conjugal sont dans une même demeure, et qu’elles sont dans un continuel embrassement ; mais sur ce sujet, voir de plus grands détails, ci-dessus No 130, où il a été démontré que l’amour conjugal est selon l’état de l’Église chez l’homme, ainsi dépend de la religion, puisque la religion constitue cet état. L’homme aussi a été créé, afin qu’il puisse devenir de plus en plus intérieur, et être ainsi de plus en plus introduit ou élevé vers ce mariage, et par conséquent dans l’amour vraiment conjugal, et cela au point qu’il en perçoive l’état de béatitude ; que l’unique moyen d’introduction ou d’élévation soit la Religion, on le voit clairement par ce qui a été dit ci-dessus, que l’origine de l’Église et l’origine de l’amour conjugal sont dans une même demeure, et y sont dans un mutuel embrassement, et que par suite elles ne peuvent ne pas être conjointes.

239. De ce qui vient d’être dit, il suit que, où il n’y a pas de Religion, là non plus il n’y a pas d’amour conjugal ; et que, où n’est pas cet amour, là il y a la froideur ; que la froideur conjugale soit la privation de cet amour, ou le voit ci-dessus, No 235. Par conséquent la froideur conjugale est aussi la privation de l’état l’Église, ou de Religion. Une confirmation assez évidente que la chose est ainsi pour être tirée de l’ignorance générale aujourd’hui sur l’amour vraiment conjugal. Qui est-ce aujourd’hui qui sait, et qui est-ce aujourd’hui qui veut reconnaître, et qui est-ce aujourd’hui qui ne s’étonnera pas que l’amour conjugal tire de là son origine ? Mais cela vient uniquement de ce que, quoiqu’il y ait religion, il n’y a cependant point de vrais de religion ; et qu’est-ce qu’une religion sans vrais ? Qu’il n’y ait point de vrais, c’est ce qui a été pleinement démontré dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE ; voir aussi dans ce Traité le MÉMORABLE No 566.

240. V. La première des causes internes des froideurs est le rejet de la Religion par l’un et par l’autre époux. Chez ceux qui rejettent de la face vers l’occiput, ou de la poitrine vers le dos, les choses saintes de l’Église, il n’y a aucun amour bon ; s’il s’en présente d’après le corps, il n’y en a néanmoins aucun dans l’esprit ; chez de tels hommes les biens se placent au dehors des maux, et les couvrent comme un habit brillant d’or couvre un corps gangrené ; les maux, qui résident à l’intérieur et sont couverts, sont en général des haines, et par conséquent des guerres intestines contre tout spirituel ; car toutes les choses de l’Église qu’ils rejettent sont en elles-mêmes les spirituels ; et comme l’amour vraiment conjugal est l’amour fondamental de tous les amours spirituels, ainsi qu’il a été montré ci-dessus, il est évident qu’il y a contre lui une haine intrinsèque, et que chez eux l’amour intrinsèque ou propre est en faveur de l’opposé, qui est l’amour de l’adultère ; eux donc, plus que les autres, se moqueront de cette vérité que chacun a l’amour conjugal selon l’état de l’Église ; et même peut-être éclateront-ils de rire au seul nom d’amour vraiment conjugal ; mais soit ; qu’on leur pardonne cependant, parce qu’au sujet des embrassements dans les mariages, penser autre chose que ce qu’ils pensent des embrassements dans les scortations, cela leur est aussi impossible qu’il l’est à un chameau de passer par le trou d’une aiguille. Ceux-là, qui sont tels, éprouvent quant à l’amour conjugal plus de froideur que tous les autres ; s’ils sont attachés à leurs épouses, ce n’est que par quelques-unes des causes externes, mentionnées ci-dessus, No 153, qui retiennent et qui lient. Chez eux les intérieurs, qui appartiennent à l’âme et par suite au mental, sont de plus en plus fermés, et dans le corps ils sont bouchés, et alors l’amour du sexe devient vil aussi, ou tombe dans une extravagante lasciveté dans les intérieurs de leur corps, et par suite dans les infimes de leur pensée ; ce sont eux aussi qui sont entendus dans le MÉMORABLE No 79 ; qu’ils le lisent, si cela leur plaît.

241. VI. La Seconde des causes internes des froideurs, c’est quand l’un a de la Religion, et que l’autre n’en a point. Cela vient de ce que leurs âmes ne peuvent pas ne pas être en désaccord ; car l’âme de l’un est ouverte pour la réception de l’amour conjugal, mais l’autre est fermée pour la réception de cet amour ; l’âme est fermée chez celui qui n’a point de religion, et elle est ouverte chez celui qui a de la religion ; par suite aucune cohabitation n’y est possible ; et quand l’amour conjugal en est banni, la froideur arrive, mais chez celui des époux qui n’a point de religion ; cette froideur n’est dissipée que par la réception d’une religion conforme à celle de l’autre, si celle-ci est la vraie ; autrement, chez l’époux qui n’a aucune religion, il s’ensuit une froideur qui descend de l’âme dans le corps jusqu’à la peau, d’où il arrive qu’enfin il ne supporte pas de regarder directement en face l’autre époux, ni de lui parler en respirant le même air, ou autrement que d’un ton sec, ni de le toucher de la main, et à peine du dos ; sans faire mention des folies qui, d’après cette froideur, s’insinuent dans les pensées, et qu’ils ne divulguent pas : c’est ce qui est cause que de tels mariages se rompent d’eux-mêmes : de plus, l’on sait que l’impie méprise son conjoint ; et tous ceux qui sont sans religion sont des impies.

242. VII. La Troisième des causes internes des froideurs, c’est quand l’un est d’une Religion, et que l’autre est d’une autre. La raison de cela, c’est que chez eux le bien ne peut pas être conjoint avec son vrai correspondant, car l’épouse est le bien du vrai du mari, et le mari est le vrai du bien de l’épouse, comme il a été montré ci-dessus ; de deux âmes il ne peut donc pas être fait une seule âme ; par suite la source de cet amour est fermée ; une fois fermée, on vient dans un conjugal qui a son siège au dessous, et qui est le conjugal du bien avec un autre vrai que le sien, ou du vrai avec un autre bien que le sien, entre lesquels il n’existe pas d’amour concordant ; de là, chez celui des époux qui est dans les faux de religion, commence une froideur, qui devient d’autant plus intense qu’il diffère de principes avec l’autre époux. Un jour, dans une grande ville, je parcourais les rues pour y trouver un logement, et j’entrai dans une maison où demeuraient des époux de différentes religions ; alors, comme je n’en savais rien, les anges, m’adressant la parole, dirent : « Nous ne pouvons pas demeurer avec toi dans cette maison, parce que les époux y sont de religions discordantes. » Ils percevaient cela d’après la désunion interne de leurs âmes.

243. VIII. La Quatrième des causes internes est la fausseté de la Religion. C’est parce que la fausseté dans les choses spirituelles ou enlève la religion, ou la souille ; elle l’enlève à ceux chez qui les vérités réelles ont été falsifiées ; elle la souille dans ceux chez qui il y a, il est vrai, des faussetés, mais non des vérités réelles, lesquelles par conséquent n’ont pu être falsifiées ; chez ceux-ci il peut y avoir des biens avec lesquels ces faux peuvent être conjoints par le Seigneur au moyen d’applications, car ces faux sont comme divers tons discordants, qui, par des arrangements et des combinaisons habiles, sont mis en harmonie, d’où vient même l’agrément du chant ; chez eux il peut y avoir quelque amour conjugal, mais chez ceux qui ont falsifié en eux les vrais réels de l’Église, il ne peut pas y en avoir : de ceux-ci vient l’ignorance qui règne au sujet de l’Amour vraiment conjugal, ou le doute négatif que cet amour puisse exister ; et d’eux aussi vient cette extravagance qui s’empare des mentals de plusieurs, à savoir, que les adultères ne sont pas des maux de religion.

244. IX. Les Causes exposées ci-dessus sont les causes de froideur interne, mais non en même temps externe, chez plusieurs. Si les causes jusqu’ici indiquées et confirmées, qui sont les causes de froideur dans les internes, produisaient une semblable froideur dans les externes ; il se ferait autant de séparations qu’il y aurait de froideurs internes ; et il y a autant de ces froideurs qu’il y a de mariages entre personnes qui sont dans des faux de religion, ou dans des religions différentes, ou qui n’ont aucune religion, et dont il vient d’être parlé ; et cependant il est notoire qu’un grand nombre cohabitent comme des amours et comme de mutuelles amitiés ; mais d’où cela provient-il chez ceux qui sont dans la froideur interne, c’est ce qui sera dit dans le Chapitre suivant, concernant les Causes d’une apparence d’amour, d’amitié et de bons offices entre époux. Il y a plusieurs causes qui conjoignent les mentals (animi), mais néanmoins ne conjoignent pas les âmes ; parmi ces causes il y en a quelques-unes de celles dont il a été parlé, No 183, mais toujours est-il que la froideur est profondément cachée à l’intérieur, et est çà et là remarquée et sentie. Chez eux les affections s’éloignent de part et d’autre, mais les pensées, quand elles se produisent dans le langage et dans les manières, se rapprochent pour l’apparence d’amitié et de bons offices ; c’est pourquoi ceux-là ne savent rien des charmes et des plaisirs, ni, à plus forte raison, rien du bonheur et de la béatitude de l’Amour vraiment conjugal ; tout cela pour eux est à peine autre chose que des fables. Ils sont du nombre de ceux qui donnent aux origines de l’amour conjugal les mêmes causes que lui attribuaient les neuf assemblées de sages réunis de divers royaumes ; voir ci-dessus le MÉMORABLE Nos 103 à 114.

245. Contre les choses confirmées ci-dessus, on peut faire cette objection que néanmoins l’âme d’après le père est propagée, quoiqu’elle n’ait pas été conjointe à l’âme de la mère, et même quoique la froideur qui y réside fasse séparation. Mais si les âmes ou progénitures sont néanmoins propagées ; c’est parce que l’entendement du mari n’est point fermé, qui plus est, il peut être élevé dans la lumière dans laquelle est l’âme ; mais l’amour de sa volonté n’est élevé dans la chaleur correspondante à la lumière, là, que par la vie qui de naturel le fait spirituel ; de là vient que l’âme est néanmoins procréée ; mais dans la descente, quand elle devient semence, elle est voilée par des choses qui appartiennent à son amour naturel ; de là jaillit le mal héréditaire. À ces explications j’ajouterai un arcane qui vient du Ciel, à savoir, qu’entre les âmes disjointes de deux personnes, surtout de deux époux, se fait une conjonction dans un amour moyen, et qu’autrement chez les hommes les conceptions n’auraient pas lieu. Outre cela, quant à la froideur conjugale, et à l’endroit où elle a son siège, on verra dans le dernier MÉMORABLE de ce Chapitre, No 270, que c’est dans la région suprême du mental.

246. X. Il y a aussi plusieurs Causes externes de froideur ; et la Première est la dissemblance des mentals (animi) et des mœurs. Il y a des ressemblances et des dissemblances internes, et il y en a d’externes ; les internes ne tirent leur origine que de la Religion ; car celle-ci est implantée dans les âmes, et par les âmes elle passe des parents dans les enfants comme suprême inclination ; en effet, l’âme de chaque homme tire la vie du mariage du bien et du vrai, et de ce mariage vient l’Église ; et comme l’Église est diverse et différente dans les Parties du Globe, c’est aussi pour cela que les âmes de tous les hommes sont diverses et différentes ; de là viennent donc les ressemblances et les dissemblances internes, et selon elles les conjonctions conjugales dont il a été question. Quant aux ressemblances et dissemblances externes, elles viennent non pas des âmes, mais des mentals (animi) ; par les Mentals (Animi) sont entendues les affections et par suite les inclinations externes, qui sont principalement insinuées après l’enfantement par l’Éducation, par les Sociétés, et conséquemment par les Habitudes ; en effet, on dit, « mon intention (animus) est de faire telle ou telle chose » ; par là il est perçu que c’est l’affection et l’inclination pour cette chose ; les persuasions prises touchant tel ou tel genre de vie ont costume aussi de former ces mentals (animi) ; de là viennent les inclinations à contracter des mariages même avec des personnes non-sortables, et aussi à se refuser à des mariages avec des personnes sortables ; mais néanmoins ces mariages après un certain temps de cohabitation varient selon les ressemblances et les dissemblances contractées par héritage et en même temps par l’éducation ; et les dissemblances amènent la froideur. Il en est de même des dissemblances de mœurs ; par exemple, un homme grossier avec une femme polie, ou une femme grossière avec un homme poli ; un homme propre avec une femme sale, ou une femme propre avec un homme sale ; un homme ou une femme qui aime les querelles avec une femme ou un homme qui aime la paix ; en un mot, un homme immoral avec une femme morale, ou une femme immorale avec un homme moral. Les mariages entre personnes si dissemblables ressemblent assez aux conjonctions de diverses espèces d’animaux entre eux, par exemple, de brebis et de boucs, de cerfs et de mulets, de poules et d’oies, de passereaux et d’oiseaux d’un genre plus noble, et même de chiens et de chats, qui à cause des dissemblances ne se consocient pas ; mais dans le genre humain les faces n’indiquent pas les dissemblances ; mais les habitudes les manifestent, c’est donc de là que viennent les froideurs.

247. XI. La Seconde des causes externes de froideur, c’est que l’on croit que l’Amour conjugal est le même que l’amour scortatoire, avec la seule différence que celui-ci d’après la loi est illicite, tandis que celui-là est licite. Que de là vienne la froideur, la raison le voit clairement, quand elle considère que l’amour scortatoire est diamétralement opposé à l’amour conjugal ; lors donc qu’on croit que l’amour conjugal est un avec l’amour scortatoire, ces deux amours deviennent semblables dans l’idée, et alors l’épouse est regardée comme une prostituée, et le mariage comme une impudicité ; l’homme aussi est lui-même adultère, sinon de corps, du moins d’esprit : que de là découlent entre l’homme et sa femme le mépris, le dédain et la répugnance, et ainsi une froideur excessive, c’est une inévitable conséquence ; car rien ne renferme davantage en soi la froideur conjugale que l’amour scortatoire ; et comme l’amour scortatoire passe aussi dans cette froideur, il peut non sans raison être appelé la froideur conjugale même.

248. XII. La Troisième des causes externes est la rivalité de prééminence entre les époux. La raison de cela, c’est que l’amour conjugal met au nombre de ses principales choses l’union des volontés, et par suite la liberté de ce qui plaît ; la rivalité de prééminence ou au sujet du commandement chasse du mariage cette union et cette liberté ; car elle divise et partage les volontés, et change en servitude la liberté de ce qui plaît : tant que dure cette rivalité, l’esprit de l’un médite les violences contre l’autre ; si alors leurs mentals s’ouvraient et étaient examinés par la vue spirituelle, ils apparaîtraient comme combattant avec des poignards, et comme se regardant tantôt avec haine, et tantôt d’un œil favorable, avec haine quand ils sont dans la violence de la rivalité, et d’un œil favorable quand ils ont l’espoir de dominer, et quand ils sont dans un désir libidineux. Après la victoire de l’un sur l’autre, ce combat s’éloigne des externes, et se retire dans les internes du mental, et il y reste caché avec inquiétude ; de là vient la froideur chez celui qui a été subjugué ou est devenu esclave, et aussi chez l’épouse qui a été victorieuse ou est devenue maîtresse ; s’il y a aussi froideur chez celle-ci, c’est parce qu’il n’y a plus amour conjugal, et que la privation de cet amour est la froideur, No 235 ; au lieu de l’amour conjugal, celle-ci a la chaleur provenant de la prééminence, mais cette chaleur est entièrement discordante avec la chaleur conjugale, néanmoins elle peut concorder extérieurement au moyen du désir libidineux. Après une convention tacite entre eux, il semble que l’amour conjugal soit devenu amitié ; mais la différence entre l’amitié conjugale et l’amitié servile dans les mariages est comme la différence entre la lumière et l’ombre, entre un feu vif et un feu follet, et même comme entre un homme charnu et un homme qui n’a que les os et la peau.

249. XIII. La Quatrième des causes externes de la froideur est le manque de détermination pour quelque étude, ou pour quelque occupation, d’où résulte une cupidité vague. L’homme a été créé pour les usages, parce que l’usage est le contenant du bien et du vrai, du mariage desquels procèdent la création, et aussi l’amour conjugal, comme il a été montré dans le Chapitre concernant le mariage. Par étude et par occupation, il est entendu toute application aux usages ; quand donc l’homme est dans quelque étude ou quelque occupation, on est dans l’usage, son mental est alors limité et circonscrit comme par un cercle, au dedans duquel il est successivement coordonné dans une forme vraiment humaine, d’où, comme d’une maison, il voit hors de lui les diverses convoitises, et d’après une raison saine en dedans il les extermine, par conséquent il extermine aussi les folies bestiales du désir libidineux de la scortation ; de là vient que la chaleur conjugale reste mieux et plus longtemps chez ceux-là que chez les autres. Le contraire arrive à ceux qui s’adonnent à la paresse et à l’oisiveté ; le mental de ceux-ci est sans limite et sans borne, et par suite l’homme y admet pleinement tout l’inutile et le frivole qui influe du monde et du corps, et il l’y porte dans l’amour ; qu’alors l’amour conjugal soit même jeté en exil, cela est évident ; car par la paresse et par l’oisiveté le mental devient stupide et le corps s’engourdit, et l’homme tout entier devient insensible à tout amour vital, principalement à l’amour conjugal, d’où émanent, comme d’une source, les activités et les vivacités de la vie. Mais chez eux la froideur conjugale est différente de cette froideur chez les autres ; elle est, il est vrai, une privation de l’amour conjugal, mais par défaut.

250. XlV. La Cinquième des causes externes est l’inégalité d’état et de condition dans les externes. Il y a plusieurs inégalités d’état et de condition, qui pendant la cohabitation détruisent l’amour conjugal commencé avant les noces ; mais elles peuvent être rapportées à des inégalités quant aux Âges, quant aux Dignités, et quant à l’Opulence. Que l’inégalité d’Âges, comme d’un jeune homme avec une vieille, et d’une jeune fille avec un vieillard, amène la froideur dans les mariages, cela n’a pas besoin d’être prouvé. Que l’inégalité de Dignités produise un semblable effet, comme dans le mariage d’un prince avec une servante, ou d’une dame distinguée avec un valet, cela aussi est reconnu sans qu’il soit besoin de preuve. Qu’il en soit de même de l’opulence, à moins que la ressemblance des mentals (animi) et des manières, et l’application de l’un des époux aux inclinations et aux désirs natifs de l’autre, ne les consocient, cela est évident. Mais, dans tous ces cas, les complaisances de l’un à cause de la prééminence de l’état et de la condition de l’autre, ne conjoignent que servilement ; et cette conjonction est une conjonction froide ; car chez eux le conjugal appartient, non pas à l’esprit ni au cœur, mais seulement à la bouche et au nom, dont l’inférieur tire vanité, et dont le supérieur rougit avec honte. Mais dans les Cieux il n’y a point d’inégalité d’âges, de dignités, ou d’opulence ; quant aux Âges, tous y sont dans la fleur de la jeunesse, et y restent éternellement ; quant aux Dignités, tous y regardent les autres selon les usages qu’ils accomplissent ; ceux qui sont plus éminents par la condition regardent les autres comme des frères, et ils ne mettent pas la dignité au-dessus de l’excellence de l’usage, mais ils placent l’excellence de l’usage au-dessus de la dignité ; et, en outre, quand les vierges sont données en mariage, on ne sait pas de quelle souche elles descendent, car personne n’y connaît le père qu’il a eu sur la terre, mais le Seigneur est le Père de tous : quant à l’Opulence, il en est de même ; là, elle consiste dans les facultés de devenir sage, facultés selon lesquelles les richesses leur sont données à suffisance. Comment dans les Cieux sont formés les mariages, ou le voit ci-dessus, No 229.

251. XV. Il y a aussi certaines Causes de Séparation. Il y a des Séparations du lit, et des Séparations de la maison. Il y a plusieurs causes de séparation du lit, et aussi plusieurs causes de séparation de la maison ; mais ici il s’agit des causes légitimes. Comme les Causes de séparation coïncident avec les causes du Concubinage, dont il sera traité dans la seconde Partie de cet Ouvrage, dans un Chapitre spécial, le Lecteur y est renvoyé, pour qu’il voie ces causes dans leur ordre. Les causes légitimes de séparation sont les suivantes.

252. XVI. La Première cause de légitime Séparation est un vice du mental. C’est parce que l’amour conjugal est la conjonction des mentals ; si donc le mental de l’un prend une direction contraire au mental de l’autre, cette conjonction est rompue, et par cette rupture l’amour s’évanouit. On peut voir, par leur énumération, les vices qui causent la séparation ; ce sont, quant à la plus grande partie, ceux-ci : La manie, la frénésie, la fureur, la folie actuelle et l’idiotisme, la perte de la mémoire, une violente maladie hystérique, une extrême simplicité au point de n’avoir aucune perception du bien et du vrai, une excessive obstination à ne point obtempérer à ce qui est juste et équitable, un suprême plaisir à ne s’entretenir et à ne parler que de choses frivoles et insignifiantes ; un désir effréné de divulguer les secrets de la maison, puis aussi, de quereller, de frapper, de se venger, de faire du mal, de voler, de mentir, de tromper, de blasphémer ; le manque de soin pour les enfants, l’intempérance, la luxure, l’excessive prodigalité, l’ivrognerie, la malpropreté, l’impudicité, l’application à la magie et aux prestiges, l’impiété, et plusieurs autres vices. Par causes légitimes ici, il n’est pas entendu des causes judiciaires, mais des causes légitimes pour l’autre époux ; les séparations de la maison ont même rarement lieu par décision du juge.

253. XVII. La Seconde cause de légitime Séparation est un vice du corps. Par vices du corps il n’est pas entendu les maladies accidentelles qui surviennent à l’un ou à l’autre des époux pendant le mariage, et qui se guérissent, mais il est entendu des maladies inhérentes, qui ne passent pas ; la pathologie les fait connaître ; il y en a de plusieurs espèces, par exemple, les maladies dont le corps entier est infecté, au point que la contagion peut devenir funeste, telles sont les fièvres malignes et pestilentielles, les lèpres, les maux vénériens, les gangrènes, les cancers, et d’autres semblables. Puis, les maladies, par lesquelles tout le corps est tellement affaissé qu’il n’admet plus de consociabilité, et par lesquelles sont exhalées des effluves pernicieuses et des vapeurs nuisibles, soit de la surface du corps, soit de ses intérieurs, spécialement de l’estomac et du poumon : de la surface du corps ; les varioles malignes, les verrues, les pustules, la phtisie scorbutique, les dartres virulentes, surtout si la face en a été rongée : de l’estomac ; les rapports infects, fétides, puants, crus : du poumon ; les haleines fortes et corrompues, provenant d’apostèmes, d’ulcères, d’abcès, ou d’un sang vicié, ou d’une lymphe corrompue. Outre ces maladies, il y en a encore d’autres de différents noms, comme la lipothymie, qui est une faiblesse totale du corps et un manque de forces ; la paralysie, qui est une résolution et un relâchement des membranes et des ligaments qui servent au mouvement ; certaines maladies chroniques qui tirent leur origine de la perte de la sensibilité et de l’élasticité des nerfs, ou de trop d’épaisseur, de ténacité et d’acrimonie des humeurs ; l’épilepsie ; une infirmité permanente provenant d’apoplexie ; certaines phtisies par lesquelles le corps se consume ; la passion iliaque, l’affection cœliaque, les hernies, et d’autres maladies de ce genre.

254. XVIII. La Troisième cause de légitime Séparation est l’impuissance avant le mariage. Que ce soit là une cause de séparation, c’est parce que la fin du mariage est la procréation des enfants, et que celle-ci n’est pas possible de la part d’impuissants ; et comme ils le savent d’avance, ils privent, de propos délibéré, les épouses de l’espérance de cette procréation, espérance qui cependant nourrit et fortifie leur amour conjugal.

255. XIX. L’Adultère est la cause du Divorce. Il y en a plusieurs raisons, qui sont dans la lumière rationnelle, et néanmoins cachées aujourd’hui ; par la lumière rationnelle on peut voir que les Mariages sont saints, et que les Adultères sont profanes, et qu’ainsi les Mariages et les Adultères sont diamétralement opposés entre eux ; et que, quand un opposé agit contre son opposé ; l’un détruit l’autre jusqu’à la dernière étincelle de la vie ; c’est ce qui arrive à l’Amour conjugal quand l’un des époux par principe confirmé, et ainsi de propos délibéré, commet des Adultères. Chez ceux qui ont quelque connaissance du Ciel et de l’Enfer, ces choses viennent davantage dans une claire lumière de la raison ; car ceux-ci savent que les Mariages sont dans le ciel et viennent du ciel, et que les Adultères sont dans l’enfer, et viennent de l’enfer, et que le mariage et l’adultère ne peuvent pas être conjoints, de même que le ciel ne peut pas être conjoint avec l’enfer, et que s’ils sont conjoints chez l’homme, aussitôt le ciel se retire, et l’enfer entre. De là vient donc que l’Adultère est la cause du Divorce ; c’est pourquoi le Seigneur dit : « Quiconque répudie son épouse, si ce n’est pour cause de Scortation, et se marie à une autre, commet adultère. » – Matth. XIX. 9 ; – il dit : S’il répudie et se marie à une autre, si ce n’est pour cause de scortation, il commet adultère, parce que la répudiation pour cette cause est la complète séparation des mentals, qui est appelée Divorce ; mais les autres répudiations provenant de leurs causes particulières sont des Séparations, dont il vient d’être parlé ci-dessus ; après ces séparations, si l’homme prend une autre épouse il commet adultère ; mais non après le divorce.

256. XX. Il y a aussi plusieurs causes accidentelles de froideur, et la Première de ces causes est le Commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission. Que le Commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission soit une cause accidentelle de froideur, c’est parce que cela arrive à ceux qui pensent lascivement sur le mariage et sur l’épouse, et non à ceux qui pensent saintement sur le mariage, et en pleine sécurité sur l’épouse. Que par le Commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission les joies deviennent même des indifférences, et aussi des ennuis, cela est évident par les jeux et les spectacles, par les concerts, les bals, les festins, et autres choses semblables, qui en elles-mêmes sont des agréments, parce qu’elles sont des vivifications ; il en est de même des communautés et des liaisons entre époux, surtout entre ceux qui n’ont pas éloigné de l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre l’amour inchaste du sexe ; et quand ils pensent au commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission, ils pensent vainement en l’absence de la faculté : que pour ceux-ci ce commun soit une cause de froideur, le fait est évident par lui-même : cela est dit accidentel, parce que cela se joint à la froideur intrinsèque comme cause, et se range de son côté comme raison. Pour éloigner la froideur qui tire de là son origine, les épouses par une prudence insitée en elles font, par diverses résistances, que ce droit n’est pas un droit. Mais il en est tout autrement chez ceux qui jugent chastement des épouses ; c’est pourquoi, chez les Anges, le Commun qui résulte de ce qu’il y a continuellement permission est le délice même de l’âme, et est le contenant de leur amour conjugal ; car ils sont continuellement dans le plaisir de cet amour, et aussi dans les derniers selon la présence des mentals non-interrompue par des soucis, ainsi d’après le bon plaisir du jugement chez les maris.

257. XXI. La Seconde des causes accidentelles de froideur, c’est que la cohabitation avec le conjoint, d’après l’alliance et la loi, semble forcée et non libre. Cette cause concerne seulement ceux chez qui l’amour conjugal est froid dans les intimes, et comme elle se joint au froid intérieur, elle devient une cause accessoire ou accidentelle ; chez ceux-ci c’est l’amour extra-conjugal, qui, par le consentement et la faveur de ce consentement, est intrinsèquement dans la chaleur, car la froideur de l’un des deux amours est la chaleur de l’autre ; si cette chaleur n’est pas sentie, elle y est néanmoins, et même au milieu de la froideur ; si elle n’y était pas même alors, il n’y aurait pas de réparation : c’est cette chaleur qui fait la contrainte, laquelle augmente, selon que d’un côté l’alliance d’après le pacte, et la loi d’après le juste, sont considérées comme des liens qu’on ne doit pas violer ; la chose se passe autrement si de part et d’autre ils sont brisés. Le contraire a lieu chez ceux qui ont en abomination l’amour extra-conjugal, et pensent que l’amour conjugal est céleste et est le ciel, et plus encore s’ils perçoivent cela ; chez ceux-ci, cette alliance avec ses pactes, et cette loi avec ses sanctions, ont été inscrites dans leurs cœurs, et y sont continuellement inscrites de plus en plus ; chez eux, le lien de cet amour n’est pas formé par l’alliance contractée, ni par la loi décrétée, mais l’alliance et la loi sont insitées de création dans l’amour même dans lequel ils sont ; c’est d’après celles-ci que celles-là sont dans le monde, mais non vice versa ; de là vient que tout ce qui appartient à cet amour est senti comme le libre ; il n’y a aucun libre qui n’appartienne pas à l’amour ; et j’ai entendu dire par les anges que le libre de l’amour vraiment conjugal est le Libre suprême, parce que cet amour est l’amour des amours.

258. XXII. La Troisième des causes accidentelles de froideur, c’est l’affirmation de la part de l’épouse, et des propos sur l’amour par elle. Chez les anges, dans le ciel, il n’y a aucun refus ni aucune répugnance de la part des épouses, comme il y en a chez quelques-unes dans les terres ; chez les anges, dans le ciel, il y a aussi des propos sur l’amour de la part des épouses, et non pas silence comme chez quelques-unes dans les terres ; mais les causes de ces différences, il ne m’est pas permis de les rapporter, parce que cela n’est pas convenable pour moi ; mais on peut les voir rapportées par les épouses des anges, lesquelles les exposent librement devant leurs maris, dans quatre MÉMORABLES à la fin des Chapitres, par trois épouses dans le Palais sur lequel fut vue une Pluie d’or, et par sept qui étaient assises dans un Bosquet de roses ; ces Mémorables ont été rapportés afin qu’on voie à découvert toutes les choses qui appartiennent à l’amour conjugal, dont il s’agit ici tant en général qu’en particulier.

259. XXIII. La Quatrième des causes accidentelles de froideur, c’est la pensée du mari, jour et nuit, que son épouse veut ; et, de l’autre côté, la pensée de l’épouse, que son mari ne veut pas. Que ceci soit une cause de la cessation de l’amour chez les épouses, et que cela soit une cause de la froideur chez les maris, c’est ce sur quoi on peut passer sans commentaire. En effet, que le mari soit refroidi jusqu’aux extrémités, si, au sujet de son épouse qu’il a devant les yeux pendant le jour et à ses côtés pendant la nuit, il pense qu’elle désire ou veut ; et que, de son côté, l’épouse perde son amour, si au sujet de son mari elle pense qu’il peut et ne veut pas, ce sont là de ces choses connues des maris qui s’appliquent aux arcanes relatifs à l’amour conjugal. Ces choses ont aussi été rapportées afin que cet Ouvrage soit complet, et que les Délices de la sagesse sur l’amour conjugal soient pleinement exposées.

260. XXIV. Selon que la froideur est dans le mental, elle est aussi dans le corps ; et selon les accroissements de cette froideur, les externes du corps sont aussi fermés. On croit aujourd’hui que le Mental de l’homme est dans la tête, et qu’il n’y en a rien dans le corps, lorsque cependant et l’Âme et le Mental sont non-seulement dans la tête, mais aussi dans le corps ; en effet, l’Âme et le Mental sont l’homme, car l’une et l’autre constituent l’Esprit qui vit après la mort, et qui est dans une parfaite forme humaine, ainsi qu’il a été pleinement montré dans nos Traités : de là vient que l’homme, dès qu’il pense quelque chose, peut à l’instant le prononcer par la bouche du corps, et en même temps l’exprimer par le geste ; et que, dès qu’il veut quelque chose, il peut à l’instant le faire et l’effectuer par les membres du corps ; ce qui n’aurait pas lieu si l’Âme et le Mental n’étaient pas ensemble dans le corps, et ne constituaient pas son homme spirituel. Puisqu’il en est ainsi, on peut voir que, quand l’Amour conjugal est dans le Mental, il est semblable à lui-même dans le Corps ; et que, puisque l’amour est chaleur, il ouvre par les intérieurs les externes du corps ; mais que, vice versa, la privation de l’amour, qui est la froideur, ferme d’après les intérieurs les externes du corps : par là on voit clairement la cause de la faculté qui dure pour l’éternité chez les anges, et la cause du manque de faculté chez les hommes qui sont dans la froideur.

 

 

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261. À ce qui précède j’ajouterai TROIS MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Dans la Plage septentrionale supérieure près de l’Orient, dans le Monde Spirituel, il y a des lieux d’instruction pour les enfants, il y en a pour les jeunes hommes, il y en a pour les hommes adultes, et aussi pour les vieillards ; tous ceux qui meurent dans leur enfance sont envoyés dans ces lieux, et leur éducation se fait dans le Ciel ; là pareillement sont envoyés tous ceux qui arrivent nouvellement du Monde, et qui désirent des connaissances sur le Ciel et sur l’Enfer : cette Contrée est près de l’Orient, afin que tous soient instruits par l’influx procédant du Seigneur ; car le Seigneur est l’Orient, parce qu’il est là dans le Soleil, qui par Lui est pur Amour ; de là, la Chaleur de ce Soleil est dans son essence l’Amour, et la Lumière qui en procède est dans son essence la Sagesse ; ces choses, l’amour et la sagesse procédant de ce Soleil, leur sont inspirées par le Seigneur, et elles sont inspirées selon la réception, et la réception est selon l’amour de devenir sage. Après le temps d’instruction, ceux qui sont devenus intelligents sont congédiés et sont appelés disciples du Seigneur ; ils sont d’abord envoyés de là dans l’Occident, et ceux qui ne restent pas dans cette plage sont envoyés dans le Midi, et quelques-uns par le Midi dans l’Orient, et ils sont introduits dans les Sociétés où doivent être leurs demeures. Un jour, pendant que je méditais sur le Ciel et sur l’Enfer, je commençai à désirer une universelle connaissance sur l’état de l’un et de l’autre, sachant que celui qui connaît les universaux peut ensuite saisir les singuliers, parce que ceux-ci sont dans ceux-là comme les parties sont dans le commun. Dans ce désir, je portai mes regards vers cette Contrée dans la plage septentrionale près de l’Orient, où étaient les Lieux d’instruction ; et, par un chemin qui me fut alors ouvert, j’y allai, et j’entrai dans un Collège où étaient de jeunes hommes ; et je m’adressai aux principaux Maîtres qui instruisaient, et je leur demandai s’ils connaissaient des universaux sur le Ciel et sur l’Enfer ; et ils répondirent : « Nous en connaissons peu ; mais si nous regardons du côté de l’Orient vers le Seigneur, nous serons illustrés et nous saurons. » Et ils regardèrent du côté de l’orient, vers le Seigneur, et ils dirent : « Il y a trois Universaux de l’Enfer ; mais les Universaux de l’Enfer sont diamétralement opposés aux Universaux du Ciel ; les Universaux de l’Enfer sont ces trois Amours : L’Amour de dominer d’après l’amour de soi ; l’Amour de posséder les biens des autres d’après l’amour du monde ; et l’Amour scortatoire. Les Universaux du Ciel qui leur sont opposés sont ces trois Amours : L’Amour de dominer d’après l’amour de l’usage ; l’Amour de posséder les biens du monde d’après l’amour de faire des usages par ces biens ; et l’Amour vraiment Conjugal. » Après ces paroles et un souhait de paix, je m’en allai et revins chez moi. Lorsque je fus chez moi, il me fut dit du Ciel : « Examine ces trois Universaux en dessus et en dessous, et ensuite nous les verrons dans ta main. » Il m’était dit : « Dans ta main », parce que toutes les choses que l’homme examine par l’entendement apparaissent aux Anges comme inscrites dans les mains.

262. Aussitôt, j’examinai le Premier Amour universel de l’Enfer, qui était l’Amour de dominer d’après l’amour de soi, et ensuite l’Amour universel du Ciel, qui y correspond, c’est-à-dire, l’Amour de dominer d’après l’amour des usages ; en effet, il ne me fut pas permis d’examiner l’un de ces amours sans examiner l’autre, parce que l’Entendement ne perçoit pas l’un sans l’autre, car ils sont opposés ; c’est pourquoi, pour que l’un et l’autre soient perçus ils doivent être placés en opposition l’un contre l’autre ; car un visage beau et régulier brille avec éclat quand on lui oppose un visage laid et difforme. Lorsque j’eus bien examiné l’Amour de dominer d’après l’amour de soi, il me fut donné de percevoir que cet Amour était infernal au suprême degré, et par suite chez ceux qui sont dans l’Enfer le plus profond ; et que l’Amour de dominer d’après l’amour des usages était céleste au suprême degré, et par suite chez ceux qui sont dans le Ciel suprême. Si l’Amour de dominer d’après l’amour de soi est infernal au suprême degré, c’est parce que dominer d’après l’amour de soi, c’est dominer d’après le propre ; or le propre de l’homme est par naissance le mal même, et le mal même est diamétralement contre le Seigneur ; c’est pourquoi plus on fait de progrès dans ce mal, plus on nie Dieu et les choses saintes de l’Église et plus on s’adore soi-même et la nature ; que ceux qui sont dans ce mal examinent cela en eux, je les en prie, et ils verront : cet amour aussi est tel que, autant on lui lâche les freins, ce qui arrive lorsque l’impossible n’y fait pas obstacle, autant il s’élance de degré en degré, et jusqu’au plus haut ; et il ne se borne pas là, mais s’il n’y a pas un degré plus élevé, il se plaint et gémit. Cet Amour, chez les politiques, monte au point qu’ils voudraient être Rois et Empereurs ; et, s’il était possible, dominer sur le monde entier, et être appelés rois des rois et empereurs des empereurs ; et chez les Ecclésiastiques, ce même Amour monte à un tel point qu’ils voudraient être des dieux, et en tant qu’il est possible, dominer sur le Ciel entier, et être appelés dieux des dieux. Que ni les uns ni les autres ne reconnaissent de cœur aucun Dieu, on le verra dans ce qui suit. Mais, au contraire, ceux qui veulent dominer d’après l’amour des usages veulent dominer non d’après eux-mêmes, mais d’après le Seigneur, parce que l’Amour des usages vient du Seigneur, et est le Seigneur Lui-Même ; ceux-ci ne regardent les dignités que comme des moyens pour faire des usages ; ils placent les usages bien au-dessus des dignités, tandis que les premiers placent les dignités bien au-dessus des usages.

263. Pendant que je méditais sur ce sujet, il me fut dit par un Ange d’après le Seigneur : « Maintenant, tu vas voir, et d’après la vue tu te confirmeras quel est cet Amour infernal. » Et alors la terre s’ouvrit tout à coup à gauche, et je vis monter de l’Enfer un diable la tête couverte d’un bonnet carré enfoncé sur le front jusqu’aux yeux, la face pleine de pustules comme celles d’une fièvre ardente, les yeux hagards, la poitrine gonflée en rhombe ; de sa bouche il lançait de la fumée comme une fournaise, ses lombes étaient entièrement ignés ; au lieu de pieds il avait des talons osseux sans chair, et de son corps s’exhalait une chaleur infecte et immonde. À sa vue je fus effrayé, et je lui criai : « N’approche point ; dis-moi d’où tu es ? » Et il répondit d’une voix rauque : « Je suis des enfers et j’y demeure avec deux cents autres dans une Société qui est la plus éminente de toutes les sociétés ; là, nous sommes tous empereurs des empereurs, rois des rois, ducs des ducs, et princes des princes ; nul n’y est simplement empereur, simplement roi, duc, prince ; nous y sommes assis sur les trônes des trônes, et de là nous envoyons nos ordres sur tout le globe, et au delà. » Alors je lui dis : « Ne vois-tu pas que la fantaisie de la prééminence te fait déraisonner ? » et il me répondit : « Comment peux-tu parler ainsi ? car nous nous voyons nous-mêmes tels, et nous sommes aussi reconnus tels par nos compagnons. » À cette réponse, je ne voulus pas lui dire de nouveau : « Tu déraisonnes » ; parce que la fantaisie le faisait déraisonner : et il me fut donné de connaître que ce diable, quand il vivait dans le monde, avait seulement été intendant d’une maison ; et qu’alors il s’était enorgueilli en son esprit, au point qu’il méprisait tout le genre humain en le comparant à lui-même, et se complaisait dans la fantaisie qu’il était plus capable qu’un roi, et même plus capable qu’un empereur ; d’après cet orgueil il avait nié Dieu, et considéré toutes les choses saintes de l’Église comme rien pour lui, mais comme de quelque utilité pour la stupide populace. Enfin je lui dis : « Vous qui êtes là deux cents, combien de temps vous glorifierez-vous ainsi entre vous ? » Il dit : « Éternellement ; mais ceux de nous qui tourmentent les autres, parce qu’ils nient notre prééminence, sont engloutis ; car il nous est permis de nous glorifier, mais non de faire du mal à qui que ce soit. » Je lui fis encore cette question : « Sais-tu quel est le sort de ceux qui sont engloutis ? » Il me répondit : « Ils tombent dans une sorte de prison, où ils sont appelés plus vils que les vils, ou les plus vils ; et ils travaillent. » Alors je dis à ce diable : « Prends donc garde, toi, d’être aussi englouti. »

264. Après cela, la terre s’ouvrit de nouveau, mais à droite ; et je vis monter un autre diable, sur la tête duquel il y avait une sorte de Tiare entourée des replis d’une espèce de couleuvre dont la tête brillait au sommet ; sa face était couverte de lèpre depuis le front jusqu’au menton, et aussi l’une et l’autre main ; ses lombes étaient nus et noirâtres comme de la suie au travers de laquelle a passé le feu sombre d’un foyer, et les talons de ses pieds étaient comme deux vipères : le premier diable, l’ayant aperçu, se jeta à genoux et l’adora : je lui demandai : « Pourquoi fais-tu cela ? » Il dit : « Celui-là est le Dieu du ciel et de la terre, et il est tout-puissant. » Et alors je dis à l’autre diable : « Toi, que dis-tu à cela ? » Il répondit : « Que dirai-je ? tout pouvoir sur le Ciel et sur l’Enfer est à moi : le sort de toutes les âmes est dans ma main. » Je lui demandai de nouveau : « Comment celui-ci, qui est empereur des empereurs, peut-il ainsi se soumettre ? Et toi, comment peux-tu recevoir son adoration ? » Il répondit : « C’est néanmoins mon serviteur ; qu’est-ce qu’un empereur devant un Dieu ? j’ai dans ma droite la foudre d’excommunication. » Et alors je lui dis : « Comment peux-tu déraisonner ainsi ? Dans le Monde tu n’étais qu’un chanoine ; et parce que tu as été tourmenté de la fantaisie que tu avais les clefs, et par suite le pouvoir de lier et de délier, tu as porté ton esprit à un tel degré de folie, que maintenant tu crois être Dieu même. » Indigné de ces paroles, il jura qu’il l’était, et que le Seigneur n’a aucun pouvoir dans le Ciel ; « car », ajouta-t-il, « il a transporté tout pouvoir en nous ; nous n’avons qu’à commander, et le Ciel et l’Enfer obéissent respectueusement ; si nous envoyons quelqu’un dans l’enfer, les diables aussitôt le reçoivent ; de même les Anges reçoivent celui que nous envoyons dans le Ciel. » Ensuite je lui demandai : « Combien êtes-vous dans votre société ? » Il dit : « Trois cents ; et tous, là, nous sommes dieux ; mais moi, je suis dieu des dieux. » Après cela, la terre s’ouvrit sous les pieds de l’un et de l’autre, et ils tombèrent profondément dans leurs enfers ; et il me fut donné de voir que sous leurs enfers il y avait des prisons où tombaient ceux qui font du mal aux autres ; en effet, dans l’enfer la fantaisie de chacun lui est laissée, et même la manie de s’en glorifier, mais il n’est pas permis de faire du mal à autrui : si là ils sont tels, c’est parce qu’alors l’homme est dans son esprit, et que l’esprit, après avoir été séparé du corps, vient dans la pleine liberté d’agir selon ses affections et selon les pensées qui en proviennent. Ensuite il me fut donné de regarder dans leurs enfers ; et l’enfer où étaient les empereurs des empereurs et les rois des rois était rempli de choses immondes, et ceux qui l’habitaient me parurent comme diverses bêtes féroces, aux yeux menaçants : de même dans l’autre enfer où étaient les dieux et le dieu des dieux, et dans celui-ci je vis voler autour d’eux de féroces oiseaux de nuit, qui sont appelés ochim et ijim ; c’est ainsi que les images de leurs fantaisies m’étaient représentées. Par là je vis clairement quel est l’Amour de soi chez les Politiques, et quel est l’Amour de soi chez les Ecclésiastiques ; que celui-ci consiste à vouloir être des dieux, et celui-là à vouloir être des empereurs ; et que c’est ainsi qu’ils veulent, et aussi à cela qu’ils aspirent, en tant que les freins sont lâchés à ces amours.

265. Ensuite fut ouvert un Enfer, où je vis deux Esprits, l’un assis sur un banc, et ayant les pieds dans un panier plein de serpents, qui paraissaient ramper en haut par la poitrine jusqu’au cou ; et l’autre assis sur un âne igné, aux côtés duquel rampaient des serpents rouges, qui élevaient le cou et la tête, et suivaient le cavalier. Il me fut dit que c’étaient des Papes, qui déclarèrent déchus du pouvoir des Empereurs, et les maltraitèrent en paroles et en actions à Rome, où ils étaient venus les supplier et les adorer ; mais que le panier dans lequel étaient des serpents, et l’âne igné avec les serpents à ses côtés, étaient les représentations de leur amour de dominer d’après l’amour de soi, et que de semblables choses n’apparaissaient qu’à ceux qui de loin regardent vers ce lieu. Il y avait quelques chanoines présents, auxquels je demandai si c’était là réellement ces mêmes Papes. Ils dirent qu’ils les connaissaient, et qu’ils savaient que c’étaient eux.

266. Après avoir vu ces tristes et hideux spectacles, je portai mes regards autour de moi, et je vis non loin de moi deux Anges debout et conversant ensemble ; l’un était vêtu d’une robe de laine resplendissante d’une couleur propre enflammée, et avait sous cette robe une tunique de lin d’une blancheur éblouissante ; l’autre avait de semblables vêtements en écarlate, avec une tiare, dont le côté droit était enrichi de quelques escarboucles ; je m’approchai d’eux, et leur donnai le salut de paix ; et je leur fis d’un ton respectueux cette question : « Pourquoi êtes-vous ici en bas ? » Et ils répondirent : « Nous sommes descendus du Ciel ici par l’ordre du Seigneur, pour nous entretenir avec toi sur le sort heureux de ceux qui veulent dominer d’après l’amour des usages ; nous, nous sommes des adorateurs du Seigneur ; moi, Prince d’une Société ; lui, Grand-Prêtre de la même société. » Et le Prince dit qu’il était le serviteur de sa société, parce qu’il la servait en faisant des usages ; et l’autre dit qu’il y était ministre de l’Église, parce qu’il servait ses consociés en leur faisant connaître les choses saintes pour les usages de leurs âmes ; qu’ils étaient tous deux dans de perpétuelles joies provenant de la félicité éternelle qui est en eux par le Seigneur ; et que dans cette société tout est resplendissant et magnifique, resplendissant par l’or et par les pierres précieuses, et magnifique par les palais et par les paradis ; et ils ajoutèrent : « Cela vient de ce que notre amour de dominer procède, non de l’amour de soi, mais de l’amour des usages ; et comme l’amour des usages vient du Seigneur, c’est pour cela que tous les bons usages dans les Cieux resplendissent et brillent avec éclat ; et comme dans notre société nous sommes tous dans cet amour, c’est pour cela que l’atmosphère y apparaît de couleur d’or d’après la lumière qui, là, tient de l’enflammé du Soleil, et l’enflammé du Soleil correspond à cet amour. » Après qu’ils eurent prononcé ces paroles, je vis aussi autour d’eux une semblable sphère, et je sentis une odeur aromatique qui en sortait ; je le leur dis même, et je les priai d’ajouter quelque chose de plus à ce qu’il avaient dit de l’amour de l’usage ; et ils continuèrent, en disant : « Les dignités dans lesquelles nous sommes, nous les avons ambitionnées, il est vrai, mais ce n’a été pour aucune autre fin que de pouvoir faire plus pleinement des usages et de les étendre plus largement ; et même nous sommes environnés d’honneur, et nous l’acceptons, non pour nous, mais pour le bien de la société ; car nos confrères et consociés qui sont d’entre la foule savent à peine autre chose, sinon que les honneurs de nos dignités sont en nous, et qu’en conséquence les usages que nous faisons sont de nous ; mais nous, nous sentons autrement, nous sentons que les honneurs des dignités sont hors de nous, et qu’ils sont comme des habits dont nous sommes revêtus, mais que les usages que nous remplissons procèdent de l’amour des usages en nous par le Seigneur ; et cet amour reçoit sa béatitude de la communication avec d’autres au moyen des usages ; et nous savons par l’expérience qu’autant nous faisons les usages d’après l’amour des usages, autant cet amour s’accroît, et avec l’amour la sagesse d’après laquelle se fait la communication ; mais qu’autant nous retenons en nous les usages et ne les communiquons pas autant périt la béatitude ; et alors l’usage devient comme un aliment renfermé dans l’estomac, et qui, ne s’étant pas dispersé çà et là, ne nourrit ni le corps ni les parties du corps, mais reste sans être digéré, d’où résulte le vomissement : en un mot, tout le Ciel n’est que le contenant de l’usage depuis ses premiers jusqu’à ses derniers : qu’est-ce que l’usage, si ce n’est l’amour actuel du prochain ? et qu’est-ce qui maintient les Cieux, si ce n’est cet amour ? » Après avoir entendu ses explications, je leur fis cette question : « Comment quelqu’un peul-il savoir s’il fait les usages d’après l’amour de soi, ou d’après l’amour des usages ? Tout homme, soit bon, soit méchant, fait des usages, et il fait des usages d’après un amour ; qu’on suppose que dans le Monde il y ait une Société entièrement composée de diables, et une Société entièrement composée d’Anges ; et je crois que les diables, dans leur société, feront d’après le feu de l’amour de soi, et d’après la splendeur de leur gloire, autant d’usages que les Anges dans la leur ; qui donc peut savoir de quel Amour et de quelle origine proviennent les usages ? » À cela les deux Anges répondirent : « Les diables font les usages pour eux-mêmes et pour la réputation, afin d’être élevés aux honneurs, ou d’acquérir des richesses ; mais les Anges font les usages non pour de tels motifs, mais pour les usages d’après l’amour des usages ; l’homme ne peut discerner ces usages, mais le Seigneur les discerne ; quiconque croit au Seigneur et fuit les maux comme péchés, fait les usages d’après le Seigneur ; mais quiconque ne croit pas au Seigneur, et ne fuit pas les maux comme péchés, fait les usages d’après soi-même et pour soi-même : c’est là la distinction entre les usages faits par les diables et les usages faits par les Anges. » Les deux Anges, ayant ainsi parlé, s’en allèrent ; et de loin ils furent vus portés sur un char de feu, comme Élie, et enlevés dans leur Ciel.

267. SECOND MÉMORABLE. Après un certain espace de temps, j’entrai dans un Bois, et je m’y promenai en méditant sur ceux qui sont dans la convoitise et par suite dans la fantaisie de posséder les choses qui sont du monde ; et alors, à quelque distance de moi, je vis deux Anges qui causaient ensemble et parfois me regardaient ; c’est pourquoi je m’approchais plus près, et tandis que je m’approchais ils m’adressèrent la parole, en disant : « Nous avons perçu en nous que tu médites sur un sujet dont nous nous entretenons, ou que nous nous entretenons d’un sujet sur lequel tu médites, ce qui provient d’une communication réciproque des affections. » En conséquence, je leur demandai de quoi ils parlaient ; ils répondirent : « De la Fantaisie, de la Convoitise et de l’Intelligence, et pour le moment même, de ceux qui se délectent de la vision et de J’imagination de posséder toutes les choses du Monde. » Et alors je les priai de mettre en évidence leur mental sur ces trois sujets, la Convoitise, la Fantaisie et l’Intelligence ; et, ayant commencé à parler, ils dirent : « Chacun est dans la Convoitise intérieurement par naissance, mais dans l’Intelligence extérieurement par éducation ; et personne n’est dans l’Intelligence, ni à plus forte raison dans la Sagesse, intérieurement, ainsi quant à l’esprit, à moins que ce ne soit par le Seigneur ; car tout homme est détourné de la convoitise du mal, et tenu dans l’intelligence, selon qu’il regarde vers le Seigneur, et en même temps selon la conjonction avec le Seigneur ; sans cela l’homme n’est que convoitise ; mais néanmoins dans les externes, ou quant au corps, il est dans l’intelligence par éducation ; en effet, l’homme convoite les honneurs et les richesses, ou la prééminence et l’opulence ; et il n’acquiert ni l’une ni l’autre, à moins qu’il ne se montre moral et spirituel, par conséquent intelligent et sage ; et il apprend dès l’enfance à se montrer ainsi ; c’est là ce qui fait que, dès qu’il vient parmi les hommes ou qu’il entre dans la société, il retourne son esprit et l’éloigne de la convoitise ; il parle et agit d’après les choses décentes et honnêtes qu’il a apprises dès l’enfance, et qu’il retient dans la mémoire du corps ; et il prend surtout garde qu’il ne se manifeste rien de la folie de la convoitise dans laquelle est son esprit : de là tout homme qui n’est pas intérieurement conduit par le Seigneur est dissimulé, trompeur, hypocrite, ainsi homme on apparence, et non homme cependant ; on peut dire de lui que son écorce ou son corps est sage, et que son noyau ou son esprit est fou ; que son externe est d’un homme, et que son interne est d’une bête ; de tels hommes regardent par l’occiput en haut, et par le sinciput en bas ; ainsi, ils marchent la tête penchée en avant, et le visage incliné vers la terre, comme ceux qui sont en proie à un violent mal de tête ; quand ils se dépouillent du corps et deviennent esprits, et qu’alors ils sont affranchis, ils deviennent les folies de leur convoitise ; car ceux qui sont dans l’amour de soi désirent ardemment dominer sur l’univers, et même en étendre les limites afin de rendre plus grande la domination, ils ne voient jamais de bornes ; ceux qui sont dans l’amour du monde désirent ardemment posséder tout ce qu’il renferme, et ils sont en proie au chagrin et à l’envie, s’il y a des trésors renfermés chez d’autres ; de peur donc que ceux qui sont tels ne deviennent purement des convoitises, et ainsi ne cessent d’être hommes, il leur est donné dans le Monde spirituel de penser d’après la crainte de la perte de la réputation, et par conséquent de la perte de l’honneur et du gain, comme aussi d’après la crainte de la loi et de la peine qu’elle inflige ; et il leur est aussi donné d’appliquer leur mental à quelque étude ou à quelque ouvrage, par lesquels ils sont tenus dans les externes et ainsi dans un état d’intelligence, quoiqu’ils soient intérieurement dans le délire et dans la folie. » Ensuite, je leur demandai si tous ceux qui sont dans la convoitise, sont aussi dans sa fantaisie ; ils répondirent que dans la fantaisie de leur convoitise sont ceux qui pensent intérieurement en eux-mêmes, et qui se livrent trop à leur imagination en parlant avec eux-mêmes ; car ils séparent presque leur esprit du lien avec le corps, et ils inondent leur entendement de visions, et s’en réjouissent follement comme s’ils possédaient l’univers : dans ce délire est plongé après la mort l’homme qui a détaché du corps son esprit, et n’a pas voulu abandonner le délice de son délire ; pensant, d’après la religion, quelque chose sur les maux et les faux, et ne pensant point du tout, au sujet de l’amour effréné de soi, qu’il est destructif de l’amour envers le Seigneur, ni au sujet de l’amour effréné du monde, qu’il est destructif de l’amour à l’égard du prochain.

268. Après cela, il survint aux deux Anges et aussi à moi un désir de voir ceux qui sont d’après l’amour du monde dans la convoitise visionnaire ou fantaisie de posséder toutes les richesses ; et nous perçûmes que ce désir nous était inspiré afin qu’ils fussent connus : Leurs Domiciles étaient sous la terre où se trouvaient nos pieds, mais au-dessus de l’enfer ; c’est pourquoi nous nous regardâmes réciproquement, et nous dîmes : « Allons. » Et nous vîmes une ouverture, et là un escalier par lequel nous descendîmes ; et il nous fut dit qu’il fallait les aborder par l’orient, afin de ne point entrer dans le brouillard de leur fantaisie, et de n’être point plongés dans l’ombre quant à l’entendement et alors en même temps quant à la vue ; et voici, nous vîmes une Maison construite en roseaux, ainsi pleine de fentes, au milieu d’un brouillard qui, comme une fumée, effluait continuellement par les fentes sur trois côtés du bâtiment ; nous entrâmes et vîmes cinquante personnages d’un côté, et cinquante de l’autre, assis sur des bancs ; et, tournant le dos à l’Orient et au Midi, ils regardaient vers l’occident et vers le septentrion ; devant chacun d’eux il y avait une table, et sur la table des bourses étendues, et autour des bourses une grande quantité de pièces d’or ; et nous leur dîmes : « Sont-ce là les richesses de tous les habitants du Monde ? » Et ils répondirent : « Non pas de tous les habitants du Monde, mais de tous ceux du Royaume. » Le son de leur voix était sifflant ; eux-mêmes apparaissaient avec une face ronde, qui reluisait comme la coquille d’un limaçon ; et la pupille de l’œil, dans un plan vert, lançait comme des éclairs, ce qui provenait de la lumière de la fantaisie : nous nous tînmes debout au milieu d’eux, et nous dîmes : « Croyez-vous posséder toutes les richesses du Royaume ? » Et ils répondirent : « Nous les possédons. » Ensuite nous leur demandâmes : « Qui d’entre vous ? » Ils dirent : « Chacun. » Et nous dîmes : « Comment, chacun ! n’êtes-vous pas en grand nombre ? » Ils répondirent : « Chacun de nous sait que tout ce qu’il a est à moi ; il n’est permis à aucun de penser, et encore moins de dire : Ce qui est à moi n’est pas à toi ; mais il est permis de penser et de dire : Ce qui est à toi est à moi. » Les pièces de monnaie sur les Tables apparaissaient comme d’or pur, même devant nous ; mais quand nous eûmes fait tomber sur elles la lumière venant de l’orient, c’étaient de petits grains d’or, qu’ils rendaient ainsi plus gros par la réunion de la fantaisie commune ; ils disaient qu’il faut que chacun de ceux qui entrent apporte avec lui un peu d’or, qu’ils coupent en petits morceaux, et les petits morceaux en petits grains, et par la force unanime de la fantaisie ils les étendent en pièces de monnaie du plus grand module : et alors nous dîmes : « Est-ce que vous n’êtes pas nés hommes raisonnables ? d’où vous vient cette folie visionnaire ? » Ils dirent : « Nous savons que c’est une vanité imaginaire ; mais comme elle fait le plaisir des intérieurs de notre mental, nous entrons ici, et nous y trouvons des délices comme si nous possédions tout ; cependant nous n’y restons que quelques heures, après lesquelles nous sortons, et chaque fois alors le bon sens nous revient ; mais néanmoins notre amusement visionnaire revient alternativement, et fait que successivement nous rentrons et ressortons ; ainsi nous sommes alternativement sages et fous. Nous savons aussi qu’un sort cruel attend ceux qui par ruse enlèvent aux autres leurs biens. » Nous leur demandâmes quel était ce sort ; ils dirent : « Ils sont engloutis, et sont jetés nus dans une prison infernale, où ils sont obligés de travailler pour le vêtement et pour la nourriture, et dans la suite pour quelques petites pièces de monnaie, dans lesquelles ils mettent la joie de leur cœur ; mais s’ils font du mal à leurs compagnons, il faut qu’ils donnent une partie de cette monnaie pour amende. »

269. Après cela, nous montâmes de ces enfers vers le midi, où nous avions été auparavant, et là les Anges racontèrent plusieurs particularités remarquables sur la convoitise non visionnaire ou fantastique, dans laquelle tout homme est par naissance. « Quand ceux-ci », disaient-ils, « sont dans cette convoitise, ils sont comme fous, et cependant ils se voient comme souverainement sages ; et de temps en temps ils sont replacés de cette folie dans le Rationnel, qui chez eux est dans les externes ; dans cet état ils voient, reconnaissent et avouent leur folie, mais néanmoins ils désirent ardemment passer de leur état rationnel dans leur état de folie, et ils s’y élancent aussi comme s’ils passaient du contraint et du déplaisir dans le libre et dans le plaisir ; ainsi c’est la convoitise, et non l’intelligence, qui les réjouit intérieurement. Il y a trois Amours universels, dont tout homme par création a été composé : L’Amour du prochain, qui est aussi l’Amour de faire des usages ; l’Amour du Monde, qui est aussi l’Amour de posséder des richesses ; et l’Amour de soi, qui est aussi l’Amour de dominer sur les autres : l’Amour du prochain ou de faire des usages est un amour spirituel ; l’Amour du monde ou l’amour de posséder des richesses est un amour matériel ; et l’Amour de soi ou l’amour de dominer sur les autres est un amour corporel ; l’homme est homme, lorsque l’Amour du prochain ou l’amour de faire des usages fait la Tête, que l’Amour du Monde fait le Corps, et que l’Amour de soi fait les Pieds ; mais si l’Amour du monde fait la Tête, l’homme n’est homme que comme un bossu ; et si l’Amour de soi fait la Tête, il est comme un homme qui se tient, non sur les pieds, mais sur les paumes des mains, la tête en bas et les jambes en haut. Quand l’Amour du prochain fait la Tête, et que les deux autres amours font en ordre le Corps et les Pieds, cet homme, vu du Ciel, apparaît d’une face angélique avec un bel arc-en-ciel autour de la tête ; mais si l’Amour du monde fait la tête, l’homme, vu du Ciel, apparaît d’une face pâle comme celle d’un mort, avec un cercle jaune autour de la tête ; et si l’Amour de soi fait la tête, l’homme, vu du Ciel, apparaît d’une face noire avec un cercle blanc autour de la tête. » Alors je demandai ce que représentaient les Cercles autour des têtes ; ils répondirent : « Ils représentent l’intelligence ; le cercle blanc autour de la tête de la face noire représente que l’intelligence de l’homme est dans les externes ou autour de lui, et que la folie est dans les internes ou en lui ; et même l’homme qui est tel est sage lorsqu’il est dans le corps, et fou lorsqu’il est dans l’esprit ; et nul homme n’est sage dans l’esprit, si ce n’est par le Seigneur, ce qui arrive quand il est de nouveau engendré et créé par le Seigneur. » Après qu’ils eurent ainsi parlé, la terre s’ouvrit à ma gauche, et par l’ouverture je vis monter un Diable ayant un cercle blanc autour de la Tête, et je lui demandai : « Qui es-tu ? » Il dit : « Je suis Lucifer, fils de l’aurore ; et, comme je me suis fait semblable au Très-Haut, j’ai été précipité. » Toutefois, ce n’était pas Lucifer, mais il croyait l’être ; et je lui dis : « Puisque tu as été précipité, comment peux-tu t’élever de l’Enfer ? » Et il répondit : « Là, je suis Diable, mais ici je suis un Ange de lumière ; ne vois-tu pas ma tête entourée d’une sphère lumineuse ; et même, si tu veux, tu verras que je suis le plus moral parmi ceux qui sont moraux, et le plus rationnel parmi ceux qui sont rationnels, et même le plus spirituel parmi ceux qui sont spirituels ; je peux aussi prêcher, et même j’ai prêché. » Je lui dis : « Comment as-tu prêché ? » Il répondit : « Contre les fourbes, contre les adultères ; et contre tous les amours infernaux ; et même alors, moi Lucifer, j’ai appelé Lucifer Diable, et me suis maudit en le maudissant ; et, comblé de louanges pour cela, j’ai été élevé jusqu’au Ciel ; de là vient que j’ai été appelé fils de l’aurore ; et, ce qui m’a étonné moi-même, c’est que, lorsque j’étais dans la chaire, je pensais absolument que tout ce que je disais était juste et bien ; mais la cause m’en a été découverte, c’est que j’étais dans les externes, et qu’alors les externes avaient été séparés de mes internes ; et, quoique cela m’eût été découvert, je n’ai pu néanmoins me changer, parce que, à cause de mon faste, je n’ai point porté mes regards vers Dieu. » Je lui fis ensuite cette question : « Comment as-tu pu parler ainsi, quand toi-même tu es un fourbe, un adultère et un diable ? » Il répondit : « Autre je suis quand je me trouve dans les externes ou dans le corps, et autre quand je suis dans les internes ou dans l’esprit ; dans le corps, je suis ange ; mais dans l’esprit, je suis diable ; car dans le corps, je suis dans l’entendement ; mais dans l’esprit, je suis dans la volonté ; or, l’entendement me porte en haut, mais la volonté me porte en bas ; et lorsque je suis dans l’entendement, un cercle blanc entoure ma tête, mais lorsque l’entendement se soumet entièrement à la volonté et qu’il est tout à elle, ce qui est notre dernier sort, le cercle noircit et se dissipe ; une fois dans cet état, je ne puis plus monter dans cette lumière. » Ensuite il parla de son double état, l’état externe et l’état interne, avec plus de rationalité qu’aucun autre ; mais tout à coup, ayant vu les Anges qui étaient chez moi, sa face et sa voix s’enflammèrent, et il devint noir, même quand au cercle qui était autour de sa tête, et il tomba dans l’Enfer par l’ouverture par laquelle il était monté. Ceux qui étaient présents tirèrent de ce qu’ils venaient de voir cette conclusion, que l’homme est tel qu’est son amour, et non tel qu’est son entendement, puisque l’amour entraîne facilement de son côté l’entendement, et le soumet. Alors je demandai aux Anges d’où venait aux diables la rationalité ; et ils dirent qu’elle venait de la gloire de l’amour de soi, car l’amour de soi est entouré de gloire, et la gloire élève l’entendement jusque dans la lumière du ciel, car l’entendement chez chaque homme est susceptible d’être élevé selon les connaissances, mais la volonté ne peut être élevée que par la vie selon les vrais de l’Église et de la Raison ; de là vient que les Athées eux-mêmes, qui sont dans la gloire de la renommée d’après l’amour de soi, et par suite dans le faste de la propre intelligence, jouissent d’une rationalité plus sublime que beaucoup d’autres ; mais c’est lorsqu’ils sont dans la pensée de l’entendement, et non lorsqu’ils sont dans l’affection de la volonté ; et l’affection de la volonté possède l’interne de l’homme, mais la pensée de l’entendement possède l’externe de l’homme. Enfin l’Ange nous donna le motif pour lequel l’homme a été composé de ces trois Amours, à savoir, de l’amour de l’Usage, de l’amour du Monde et de l’amour de Soi ; c’est afin que l’homme pense d’après Dieu, quoique absolument comme d’après lui-même ; il nous dit que dans l’homme les suprêmes ont été tournés en haut vers Dieu, les moyens en dehors vers le Monde, et les infimes en bas vers Soi ; et, comme les infimes ont été tournés en bas, l’homme pense absolument comme d’après lui-même, quoique cependant ce soit d’après Dieu.

270. TROISIÈME MÉMORABLE : Un matin, après le sommeil, ma pensée se plongea profondément dans quelques arcanes de l’amour conjugal, et enfin dans celui-ci : Dans quelle région du Mental humain réside l’Amour vraiment conjugal, et par suite dans quelle région réside la Froideur conjugale ? Je savais qu’il y a trois Régions du mental humain, l’une au-dessus de l’autre, et que dans la plus basse région habite l’amour naturel, dans la supérieure l’amour spirituel, et dans la suprême l’amour céleste, et que dans chaque région, il y a le Mariage du bien et du vrai ; que, comme le bien appartient à l’amour, et le vrai à la sagesse, il y a, dans chaque région, le mariage de l’amour et de la sagesse ; et que ce mariage est le même que le mariage de la volonté et de l’entendement, puisque la volonté est le réceptacle de l’amour, et l’entendement le réceptacle de la sagesse. Tandis que j’étais dans la profondeur de cette pensée, voici, je vis deux Cygnes voler vers le septentrion, et incontinent deux Oiseaux de paradis voler vers le midi, et aussi deux Tourterelles voler dans l’orient ; et comme je suivais du regard leur vol, je vis que les deux Cygnes tournaient leur marche du septentrion vers l’orient, et de même les deux Oiseaux de paradis du midi vers l’orient, et qu’ils se joignaient aux deux Tourterelles dans l’orient, et volaient ensemble vers un Palais très-élevé, là, autour duquel étaient des oliviers, des palmiers et des hêtres ; dans ce Palais il y avait trois rangs de fenêtres, l’une au-dessus de l’autre ; et quand je les remarquai, je vis les Cygnes voler dans le palais par les fenêtres ouvertes dans le rang le plus bas, les Oiseaux de paradis par les fenêtres ouvertes dans le rang du milieu, et les Tourterelles par les fenêtres ouvertes dans le rang le plus haut. Après que j’eus vu cela, un Ange se présenta, et dit : « Comprends-tu ce que tu as vu ? » et je répondis : « Quelque peu. » Il dit : « Ce Palais représente les habitations de l’Amour conjugal, telles qu’elles sont dans les mentals humains ; sa partie la plus élevée, dans laquelle se sont retirées les Tourterelles, représente la suprême région du mental, où habite l’amour conjugal dans l’amour du bien avec sa sagesse ; la partie moyenne, dans laquelle se sont retirés les Oiseaux de paradis, représente la moyenne région où habite l’amour conjugal dans l’amour du vrai avec son intelligence ; et la partie la plus basse, dans laquelle se sont retirés les Cygnes, représente la région infime du mental, où habite l’amour conjugal dans l’amour du juste et du droit avec sa science ; ces trois paires d’oiseaux signifient aussi ces choses, la paire de tourterelles l’amour conjugal de la région suprême, la paire d’oiseaux de paradis l’amour conjugal de la région moyenne, et la paire de cygnes l’amour conjugal de la région infime ; les trois espèces d’arbres autour de ce palais, oliviers, palmiers et hêtres, signifient les mêmes choses. Nous, dans le Ciel, nous appelons Céleste la région suprême du mental, Spirituelle la région moyenne, et Naturelle la région infime ; et nous les percevons comme des habitations dans une maison, l’une au-dessus de l’autre, et comme une montée de l’une dans l’autre par des degrés semblables à des marches d’escalier ; et dans chaque partie comme deux chambres, l’une pour l’amour, l’autre pour la sagesse, et sur le devant comme une Chambre à coucher, où l’amour avec sa sagesse, ou le bien avec son vrai, ou, ce qui est la même chose, où la volonté avec son entendement, se consocient dans un lit ; dans ce Palais sont présentés comme en effigie tous les arcanes de l’amour conjugal. » Lorsque j’eus entendu ces explications, brûlant du désir de voir ce Palais, je demandai si, puisque c’était un palais représentatif, il était permis à quelqu’un d’entrer et de le voir. Il répondit : « Cela n’est permis qu’à ceux qui sont dans le Troisième Ciel, parce que pour eux tout Représentatif de l’amour et de la sagesse devient réel ; j’ai appris d’eux ce que je t’ai rapporté, et aussi ceci, que l’Amour vraiment conjugal habite dans la région suprême au milieu de l’amour mutuel dans la chambre nuptiale ou appartement de la volonté, et aussi au milieu des perceptions de la sagesse dans la chambre nuptiale ou appartement de l’entendement, et qu’ils se consocient dans un lit dans la Chambre à coucher qui est sur le devant, et à l’Orient. » Et je demandai : « Pourquoi deux Chambres nuptiales ? » Il dit : « Le Mari est dans la Chambre nuptiale de l’entendement, et l’Épouse dans la Chambre nuptiale de la volonté. » Et je demandai. : « Quand l’Amour conjugal y habile, où est alors la froideur conjugale ? » Il répondit : « Elle est aussi dans la région suprême, mais seulement dans la Chambre nuptiale de l’entendement, la Chambre nuptiale de la volonté y étant fermée ; car l’entendement avec ses vrais peut, toutes les fois qu’il lui plaît, monter par l’escalier en limaçon à la région suprême dans sa chambre nuptiale, mais si la volonté avec le bien de son amour ne monte pas en même temps dans la chambre nuptiale consociée, cette chambre est fermée, et la froideur arrive dans l’autre, et c’est là la Froideur conjugale. Lorsqu’une telle froideur existe à l’égard de l’épouse, l’entendement regarde de la région suprême en bas vers la région infime ; et même, si la crainte ne le retient, il descend pour s’y échauffer d’un feu illicite. » Après avoir dit ces choses, il voulait encore en exposer plusieurs autres sur l’Amour conjugal d’après les effigies de cet amour dans ce Palais ; mais il dit : « Assez pour cette fois ; examine d’abord si celles-ci sont au-dessus de l’entendement commun ; si elles sont au-dessus, à quoi servirait d’en dire davantage ; mais si elles ne sont pas au-dessus, plusieurs autres seront dévoilées. »

 

 

 

DES CAUSES D’AMOUR APPARENT, D’AMITIÉ APPARENTE, ET DE FAVEUR DANS LES MARIAGES.

 

 

271. Puisqu’il a été traité des Causes des Froideurs et des Séparations, l’ordre exige qu’il soit aussi traité des Causes d’amour apparent, d’amitié apparente et de faveur dans les Mariages : en effet, on sait que, quoique les froideurs séparent aujourd’hui les mentals (animi) des époux, néanmoins ils cohabitent et procréent, ce qui n’aurait pas lieu s’il n’y avait aussi des amours apparents, et parfois semblables à la chaleur de l’amour réel, ou imitant cette chaleur : que ces apparences soient des nécessités et des utilités, et que sans elles les maisons ne subsisteraient pas ni par suite les sociétés, on le verra dans ce qui suit. Outre cela, quelques gens consciencieux peuvent être tourmentés par l’idée que les différences des mentals entre eux et leur conjoint, et par suite les éloignements internes, viennent de leur faute, et leur sont imputés, et pour cela même en souffrir dans leur cœur ; mais comme il n’est pas en leur pouvoir de prévenir les dissidences internes, il suffit pour eux d’apaiser par des amours apparents et par des faveurs ces tourments suscités par leur conscience ; par là aussi peut revenir l’amitié, dans laquelle, de leur côté, se cache l’amour conjugal, quoiqu’il n’existe pas du côté de l’autre. Mais ce Chapitre, en raison de la grande variété du sujet, sera, comme les précédents, divisé en articles. Voici ces Articles : I. Dans le Monde naturel, presque tous peuvent être conjoints quant aux affections externes, mais non quant aux affections internes, si celles-ci diffèrent et apparaissent. II. Dans le Monde spirituel, tous sont conjoints selon les affections internes, mais non selon les affections externes, à moins que celles-ci ne fassent un avec les affections internes. III. Les affections selon lesquelles les Mariages (Matrimonia) sont communément contractés dans le Monde sont externes. IV. Mais si en elles il n’y a pas des affections internes qui conjoignent les mentals, les liens du mariage sont rompus dans la maison. V. Cependant les liens du mariage dans le Monde doivent durer jusqu’à la fin de la vie de l’un des époux. VI. Dans les Mariages (Matrimonia) dans lesquels les affections internes ne conjoignent pas, il y a des affections externes qui imitent les internes, et consocient. VII. De là, amour apparent, ou amitié apparente, et faveur entre les époux. VIII. Ces Apparences sont des feintes conjugales, qui sont louables, parce qu’elles sont utiles et nécessaires. IX. Chez un homme (homo) Spirituel conjoint à un Naturel, ces feintes conjugales tirent leur sagesse de la justice et du jugement. X. Ces feintes conjugales chez les hommes naturels tirent leur sagesse de la prudence, pour diverses raisons. XI. Elles sont pour les amendements et pour les convenances. XII. Elles sont pour conserver l’ordre dans les affaires domestiques, et pour le secours mutuel. XIII. Elles sont pour l’unanimité dans le soin des petits enfants et dans l’éducation des enfants. XlV. Elles sont pour la paix dans la maison. XV. Elles sont pour la réputation hors de la maison. XVI. Elles sont pour diverses faveurs qu’on attend du conjoint ou de ses parents ; et ainsi par crainte de perdre ces faveurs. XVII. Elles sont pour faire excuser les défauts, et par suite pour éviter le déshonneur. XVIII. Elles sont pour les réconciliations. XIX. Si chez l’épouse la faveur ne cesse pas quand cesse la faculté chez le mari, il peut se former une amitié qui imite l’amitié conjugale quand les époux vieillissent. XX. Il y a diverses espèces d’amour apparent et d’amitié apparente entre les époux, dont l’un est subjugué, et par suite soumis à l’autre. XXI. Il y a dans le Monde des Mariages infernaux entre des époux qui sont intérieurement ennemis acharnés, et extérieurement comme amis très-unis. Suis maintenant l’explication de ces Articles.

272. I. Dans le Monde naturel, presque tous peuvent être conjoints quant aux affections externes, mais non quant aux affections internes, si celles-ci diffèrent et apparaissent. La raison de cela, c’est que l’homme, dans le Monde, est revêtu d’un corps matériel, et que ce corps est rempli de cupidités, lesquelles y sont comme la lie qui se précipite au fond quand le moût du vin se clarifie ; en de telles choses consistent les matières dont ont été composés dans le Monde les corps des hommes ; de là vient que les affections internes, qui appartiennent au mental, n’apparaissent point, et que chez beaucoup d’entre eux il en transpire à peine un grain ; car, ou le corps les absorbe et les enveloppe de sa lie, ou, par une dissimulation enseignée dès l’enfance, il les cache profondément hors de la vue des autres ; et par là il se place dans l’état de chaque affection qu’il observe dans un autre, et il attire à lui cette affection, et ainsi ils se conjoignent ; s’ils se conjoignent, c’est parce que chaque affection porte avec elle son plaisir, et que les plaisirs lient ensemble les mentals (animi). Il en serait autrement si les affections internes, comme les externes, apparaissaient devant la vue dans la face et dans le geste, et devant l’ouïe dans le son du langage, ou si leurs plaisirs étaient sentis par la narine ou odorés, comme il arrive dans le Monde spirituel ; si alors elles différaient jusqu’au point d’être en discorde, elles sépareraient les mentals (animi) l’un de l’autre, et selon la perception de l’antipathie elles se retireraient loin. D’après ces considérations, il est évident que dans le Monde naturel presque tous peuvent être conjoints quant aux affections externes, mais non quant aux affections internes, si celles-ci diffèrent et apparaissent.

273. II. Dans le Monde spirituel, tous sont conjoints selon les affections internes, mais non selon les affections externes, à moins que celles-ci ne fassent un avec les affections internes. La raison de cela, c’est qu’alors a été rejeté le corps matériel qui a pu recevoir et manifester les formes de toutes les affections, comme il vient d’être dit, et que l’homme, dépouillé de ce corps, est dans ces affections internes que son corps cachait précédemment ; de là vient que, dans le Monde spirituel, les homogénéités et les hétérogénéités, ou les sympathies et les antipathies, non-seulement sont senties, mais même apparaissent sur les faces, dans le langage et dans les gestes ; là donc les ressemblances sont conjointes, et les dissemblances sont séparées : c’est par cette raison que tout le Ciel a été disposé en ordre par le Seigneur selon toutes les variétés des affections de l’amour du bien et du vrai, et que, d’après l’opposé, l’Enfer a été disposé selon toutes les variétés des affections de l’amour du mal et du faux. Comme les Anges et les Esprits ont des affections internes et des affections externes, de même que les hommes dans le Monde, et comme les affections internes ne peuvent y être cachées par les externes, elles transpirent et se manifestent ; de là les unes et les autres chez eux sont amenées à la ressemblance et à la correspondance, après quoi leurs affections internes sont effigiées par les externes dans les faces, sont perçues dans les sons du langage, et apparaissent aussi dans les gestes et dans les manières. Si les Anges et les Esprits ont des affections internes et des affections externes, c’est parce qu’ils ont un mental et un corps ; or, les affections avec les pensées qui en dérivent appartiennent au mental, et les sensations avec les voluptés qui en dérivent appartiennent au corps. Il y arrive souvent qu’après la mort les amis se retrouvent, et se ressouviennent de leurs amitiés dans le Monde précédent, et alors ils croient qu’ils vont vivre unis dans l’amitié comme auparavant ; mais quand cette union qui ne provient que des affections externes est perçue dans le Ciel, il se fait une séparation selon les affections internes ; et alors de cette réunion d’amis les uns sont relégués dans le septentrion, et d’autres dans l’occident, et chacun à de telles distances, qu’ils ne se voient plus jamais, et ne se connaissent plus ; car dans les lieux de leur demeure leurs faces, qui deviennent les effigies de leurs affections internes, sont changées. D’après ces explications, il est évident que, dans le Monde spirituel, tous sont conjoints selon les affections internes, et non selon les affections externes, à moins que celles-ci ne fassent un avec les internes.

274. III. Les affections selon lesquelles les Mariages (Matrimonia) sont communément contractés dans le Monde sont externes. C’est parce que les affections internes sont rarement consultées ; et si elles sont consultées, la ressemblance de ces affections n’est point vue dans la femme, car celle-ci, par un talent qu’elle tient de naissance, retire ses affections internes dans les plus profonds replis de son mental. Il y a plusieurs affections externes qui portent les hommes à contracter mariage ; dans ce siècle la première affection est d’augmenter son patrimoine par des richesses, tant pour devenir riche, que pour avoir abondamment ce qui est nécessaire ; la seconde est l’aspiration aux honneurs, soit pour acquérir de l’estime, soit pour augmenter l’état de sa fortune ; outre ces affections, il y a diverses séductions et diverses convoitises ; celles-ci non plus ne donnent pas lieu à examiner les conformités des affections internes. D’après le peu qui vient d’être dit, il est évident que les Mariages sont communément contractés dans le Monde selon les affections externes.

275. IV. Mais si en elles il n’y a pas des affections internes qui conjoignent les mentals, les liens du mariage sont rompus dans la maison. Il est dit dans la maison, parce que c’est en particulier entre les deux époux ; cela arrive quand les premiers feux, allumés dans le temps des fiançailles, et enflammés par l’approche des noces, s’éteignent ensuite successivement à cause de la discordance des affections internes, et deviennent enfin des froideurs ; l’on sait qu’alors les affections externes, qui les avaient portés et attirés l’un et l’autre au mariage, disparaissent au point que même elles ne conjoignent plus. Que les froideurs naissent de diverses causes internes, externes et accidentelles, qui toutes ont leur origine dans la dissemblance des inclinations internes, c’est ce qui a été confirmé dans le Chapitre précédent. D’après cela, on voit clairement cette vérité, que si dans les affections externes il n’y a pas des affections internes qui conjoignent les mentals, les liens du mariage sont rompus dans la maison.

276. V. Cependant les liens du mariage dans le Monde doivent durer jusqu’à la fin de la vie de l’un des époux. Cette proposition est présentée afin de manifester plus clairement devant la raison la nécessité, l’utilité et la vérité que l’amour conjugal, lorsqu’il n’est pas réel, doit néanmoins être imité ou se présenter comme s’il existait réellement ; il en serait autrement si les mariages contractés ne devaient pas durer jusqu’à la fin de la vie, mais pouvaient être dissous à volonté, comme ils l’étaient chez la nation Israélite, qui avait réclamé pour elle la liberté de répudier les épouses pour quelque sujet que ce fût, comme on le voit clairement par ces passages, dans Matthieu : « Les Pharisiens vinrent vers Jésus, et lui dirent : Est-il permis à un homme de répudier son épouse pour quelque sujet que ce soit ? Et comme Jésus répondit qu’il n’est pas permis de répudier une épouse et d’en prendre une autre, si ce n’est pour cause de scortation, ils répliquèrent que cependant Moïse a commandé de lui donner une lettre de divorce, et de la répudier ; et les disciples dirent : Si telle est la condition de l’homme avec la femme, il ne convient pas de se marier. » – XIX. 3 à 10. – Puis donc que l’alliance du mariage est une alliance pour la vie, il s’ensuit que les apparences de l’amour et de l’amitié entre les époux sont des nécessités. Que les Mariages contractés doivent durer dans le monde jusqu’à la fin de la vie, c’est d’après la Loi Divine, et comme c’est d’après cette loi, c’est aussi d’après la loi rationnelle, et par suite d’après la loi civile ; d’après la Loi Divine, puisqu’il n’est pas permis de répudier son épouse et d’en prendre une autre, si ce n’est pour cause de scortation, comme ci-dessus ; d’après la loi rationnelle, parce que cette loi est fondée sur la loi spirituelle, car la Loi Divine et la loi rationnelle sont une seule loi : d’après celle-ci et celle-là ensemble, ou par celle-ci d’après celle-là, on peut voir combien il y aurait d’énormités, de destructions de sociétés, de dissolutions de mariages, ou de répudiations d’épouses par le caprice des maris, avant la mort. Ces énormités et ces destructions de sociétés peuvent être vues en assez grande quantité dans le MÉMORABLE sur l’origine de l’Amour conjugal, discutée par une réunion d’Esprits de neuf royaumes, Nos 103 à 115 ; il est inutile d’y ajouter d’autres raisons. Mais ces Causes n’empêchent pas que les Séparations, dont il a été parlé ci-dessus, Nos 252, 253, 254, ne soient permises pour des causes spéciales ; et aussi les Concubinages, dont il sera parlé dans la Seconde Partie.

277. VI. Dans les Mariages (Matrimonia), dans lesquels les affections internes ne conjoignent pas, il y a des affections externes qui imitent les internes, et consocient. Par les affections internes il est entendu les inclinations mutuelles qui dans le mental de l’un et de l’autre viennent du Ciel ; mais par les affections externes il est entendu les inclinations qui dans le mental de l’un et de l’autre viennent du Monde ; ces affections- ci ou ces inclinations-ci appartiennent, il est vrai, également au mental, mais elles en occupent la région inférieure, tandis que celles-là occupent la région supérieure ; toutefois, comme les unes et les autres ont leur siège dans le mental, on peut croire qu’elles sont semblables, et qu’elles s’accordent ; mais quoiqu’elles ne soient pas semblables, elles peuvent néanmoins apparaître comme semblables, mais chez quelques-uns elles existent comme convenances, et chez d’autres comme de flatteuses feintes. Dès la première alliance du mariage, il existe implantée dans les deux époux une certaine communauté qui, malgré la dissidence des mentals (animi), reste néanmoins insitée ; par exemple, la communauté des possessions, et chez un grand nombre une communauté d’usages et de diverses nécessités de la maison, et par suite aussi une communauté de pensées et de certains secrets : il y a encore la communauté du lit, et la communauté de l’amour des enfants ; outre plusieurs autres, qui, parce qu’elles ont été inscrites dans l’alliance conjugale, le sont aussi dans les mentals des époux. De là viennent principalement les affections externes qui ressemblent aux affections internes ; celles, au contraire, qui ne font que les imiter, viennent en partie de la même origine, et en partie d’une autre ; mais il sera parlé des unes et des autres dans ce qui suit.

278. VII. De là, amour apparent, amitié apparente, et faveur entre les époux. Les amours apparents, les amitiés apparentes et les faveurs entre les époux sont une conséquence de l’alliance conjugale contractée pour durer jusqu’à la fin de la vie, et une conséquence de la communauté conjugale inscrite par suite chez les contractants, de laquelle naissent les affections externes qui ressemblent aux affections internes, comme il vient d’être indiqué ; et, en outre, ces amours, ces amitiés et ces faveurs viennent de causes qui sont des utilités et des nécessités, d’où existent en partie les affections externes conjonctives, ou feintes, par lesquelles l’amour externe apparaît comme amour interne, et l’amitié externe comme amitié interne.

279. VIII. Ces Apparences sont des feintes conjugales, qui sont louables, parce qu’elles sont utiles et nécessaires. Elles sont appelées des feintes, parce qu’elles existent entre ceux dont les mentals sont en dissidence, et qui par suite de cette dissidence sont intérieurement dans la froideur ; quand néanmoins dans les externes ils vivent en union, comme ils le doivent et comme il convient, alors les liaisons de leur cohabitation peuvent être appelées des feintes, mais feintes conjugales, lesquelles, étant louables à cause des usages, sont entièrement distinguées des feintes hypocrites ; car par elles il est pourvu à tous ces biens qui sont énumérés en ordre, ci-dessous, depuis l’Article XI jusqu’à l’Article XX ; qu’elles soient louables à cause des nécessités, c’est parce que autrement ces biens seraient bannis ; et cependant la cohabitation a été enjointe par l’alliance et par la loi, et elle est par conséquent comme un devoir pour l’un et pour l’autre.

280. IX. Chez un homme (homo) Spirituel conjoint à un Naturel, ces feintes conjugales tirent leur sagesse de la justice et du jugement. Cela vient de ce que c’est avec justice et jugement que l’homme spirituel fait ce qu’il fait ; c’est pourquoi il regarde ces feintes non pas comme séparées de ses affections internes, mais comme liées avec elles ; en effet, il agit sérieusement, et considère l’amendement comme fin, et s’il ne l’obtient pas, il considère l’accommodement, pour l’ordre dans la maison, pour le secours mutuel, pour le soin des enfants, pour la paix et la tranquillité ; il est porté à cela par justice, et il le fait avec jugement. Si l’homme spirituel cohabite ainsi avec un conjoint naturel, c’est parce que l’homme spirituel agit spirituellement, même avec l’homme naturel.

281. X. Ces feintes conjugales chez les hommes naturels tirent leur sagesse de la prudence, pour diverses raisons. Entre deux époux dont l’un est spirituel et l’autre naturel (par le spirituel il est entendu celui qui aime les choses spirituelles et ainsi tire sa sagesse du Seigneur, et par le naturel il est entendu celui qui aime seulement les choses naturelles, et ainsi tire sa sagesse de lui-même), quand les deux sont consociés par mariage, l’amour conjugal chez le spirituel est chaleur, et chez le naturel il est froideur ; que la chaleur et la froideur ne puissent être ensemble, et que la chaleur ne puisse échauffer celui qui est dans la froideur à moins que d’abord celle-ci ne soit dissipée, et que la froideur ne puisse influer en celui qui est dans la chaleur à moins que d’abord celle-ci ne soit éloignée, cela est évident ; de là vient qu’il ne peut pas y avoir un amour intérieur entre deux époux dont l’un est spirituel et l’autre naturel, mais qu’il peut y avoir de la part de l’époux spirituel un amour qui imite l’amour intérieur, comme il a été dit dans l’Article précédent. Mais entre deux époux naturels l’amour intérieur n’est pas possible, parce qu’ils sont l’un et l’autre dans la froideur ; s’ils sont dans la chaleur, c’est d’après l’inchaste ; ceux-ci, cependant, peuvent néanmoins, avec des mentals (animi) séparés, cohabiter dans la même maison, et aussi composer leurs visages comme s’il y avait entre eux amour et amitié, quelle que soit la discordance qui existe entre leurs mentals (mentes). Chez eux, les affections externes, qui pour la plupart concernent les richesses et les possessions, ou l’honneur et les dignités, peuvent pour ainsi dire s’embraser ; et comme cette ardeur introduit la crainte de perdre ces choses, il en résulte que les feintes conjugales sont pour eux des nécessités, lesquelles sont principalement celles qui sont rapportées plus bas dans les Articles XV, XVI, XVII ; les autres causes énumérées avec celles-ci peuvent avoir quelque chose de commun avec celles qui concernent l’homme spirituel, et dont il a été parlé ci-dessus, No 280, mais seulement si la prudence chez l’homme naturel tire de l’intelligence sa sagesse.

282. XI. Elles sont pour les amendements et pour les convenances. Que les Feintes conjugales, qui sont des apparences de l’amour et de l’amitié entre des époux dont les mentals (animi) sont en dissidence, soient pour l’amendement, c’est parce que l’homme (homo) Spirituel, lié par alliance matrimoniale avec un conjoint Naturel, n’a d’autre but que l’amendement de la vie, ce qu’il effectue par des entretiens sages et polis, et par des complaisances qui flattent le goût de l’autre ; mais si cela ne produit rien, il a recours aux accommodements, pour la conservation de l’ordre dans les affaires domestiques, pour les secours mutuels, pour les petits enfants et les enfants, et pour d’autres choses semblables, car les paroles et les actions qui procèdent d’un homme spirituel tirent leur sagesse de la justice et du jugement, comme il a été montré ci-dessus, No 280. Toutefois, chez les époux dont ni l’un ni l’autre n’est spirituel, ou qui sont tous deux naturels, la même chose peut avoir lieu, mais pour d’autres fins ; si c’est pour l’amendement et pour l’accommodement, la fin est ou pour que l’autre soit amené à la ressemblance de ses mœurs, et soit subordonné à ses désirs ; ou pour quelques emplois, afin qu’ils deviennent utiles aux siens ; ou pour la paix au dedans de la maison, ou la bonne renommée au dehors, ou pour les faveurs qu’on espère du conjoint ou de ses parents, outre plusieurs autres fins ; mais ces fins, chez quelques-uns, procèdent de la prudence de leur raison ; chez d’autres, d’une civilité native ; chez d’autres, des plaisirs de cupidités familières depuis la naissance, et dont ils craignent la perte ; outre d’autres fins, d’après lesquelles les faveurs prises pour de l’amour conjugal deviennent plus ou moins feintes. Il y a aussi des faveurs comme d’amour conjugal hors de la maison, sans qu’il y en ait aucune dans la maison ; mais elles ont pour fin la réputation de l’un et de l’autre, et si elles ne l’ont pas pour fin, elles sont un jeu.

283. XII. Elles sont pour conserver l’ordre dans les affaires domestiques, et pour le secours mutuel. Chaque maison, où il y a aussi des enfants, leurs précepteurs et des domestiques, est une petite société à l’imitation de la grande ; elle aussi coexiste d’après eux tous, comme le commun d’après les parties ; et de même que le salut de la grande société dépend de l’ordre, de l’ordre aussi dépend le salut de cette petite société ; de même donc qu’il importe aux magistrats de veiller et de pourvoir à ce que l’ordre existe et soit conservé dans une société composée, de même il importe aux époux d’agir ainsi dans leur société particulière : mais cet ordre n’est pas possible si le mari et l’épouse sont en dissidence quant aux mentals (animi), car par cette dissidence les conseils et les secours mutuels sont dirigés en sens divers, et sont divisés comme les mentals, et ainsi la forme de la petite société est détruite ; c’est pourquoi, afin de conserver l’ordre, et de pourvoir par l’ordre à soi-même et en même temps à la maison, ou à la maison et en même temps à soi-même, pour éviter une décadence et une ruine complète, la nécessité exige que le maître et la maîtresse soient d’accord et fassent un ; si cela ne peut avoir lieu à cause de la différence des mentals (mentes), néanmoins pour qu’il y ait avantage, il faut et même il convient que cela se fasse par une amitié conjugale représentative. Que de là il s’établisse dans les maisons une concorde pour des nécessités et par suite pour des utilités, cela est notoire.

284. XIII. Elles sont pour l’unanimité dans le soin des petits enfants et dans l’éducation des enfants. Qu’il y ait entre les époux, à cause des petits enfants et des enfants, des feintes conjugales qui sont des apparences de l’amour et de l’amitié, à l’imitation de l’amour et de l’amitié vraiment conjugale, cela est bien connu ; l’amour commun pour eux fait que chacun des époux regarde l’autre avec bonté et faveur ; l’amour des petits enfants et des enfants chez la mère et chez le père se conjoignent, comme le cœur et le poumon dans la poitrine ; cet amour chez la mère est comme le cœur, et l’amour à leur égard chez le père est comme le poumon ; la raison de cette comparaison, c’est que le cœur correspond à l’amour, et le poumon à l’entendement, et que l’amour d’après la volonté est chez la mère, et l’amour d’après l’entendement chez le père. Chez les hommes spirituels il y a conjonction conjugale par cet amour d’après la justice et le jugement ; d’après la justice, parce que la mère les a portés dans son sein, les a enfantés avec douleur, et qu’ensuite avec un soin infatigable elle les allaite, les nourrit, les nettoie, les habille et les élève (et d’après le jugement, parce que le père pourvoit à leur instruction dans les connaissances, l’intelligence et la sagesse [1]).

285. XIV. Elles sont pour la paix dans la maison. Les feintes conjugales, ou les amitiés externes pour la paix et la tranquillité de la maison, sont principalement chez les maris, à cause de leur naturel caractéristique, parce que, ce qu’ils font, ils le font d’après l’entendement ; et comme c’est l’entendement qui pense, il agite différentes choses qui rendent le mental (animus) inquiet, le brouillent et le troublent ; si donc à la maison il n’y avait pas tranquillité, il arriverait que leurs esprits vitaux languiraient, et que leur vie intérieure expirerait pour ainsi dire, et qu’ainsi la santé de leur mental et de leur corps s’altérerait ; les craintes de ces dangers et de plusieurs autres assiégeraient les mentals des maris, si, pour apaiser les troubles de leur entendement, il n’y avait pas des asiles à la maison auprès des épouses : de plus, la paix et la tranquillité donnent de la sérénité aux mentals, et les disposent à recevoir avec gratitude les bienveillances offertes par les épouses, qui emploient tous leurs soins pour dissiper les nuages des mentals, que leur perspicacité leur fait découvrir chez les maris ; et, en outre, cette paix et cette tranquillité donnent des charmes à leur présence ; il est donc évident que la feinte d’un amour comme vraiment conjugal pour la paix et la tranquillité à la maison est une nécessité et aussi une utilité : qu’on ajoute à cela que chez les épouses il n’y a pas de feinte comme chez les maris ; mais s’il apparaît quelque chose qui y ressemble, cela appartient à l’amour réel, parce que les femmes sont nées amours de l’entendement des hommes ; c’est pour cela qu’elles acceptent avec bonté les faveurs des maris, sinon de bouche, au moins de cœur.

286. XV. Elles sont pour la réputation hors de la maison. Les fortunes des maris dépendent le plus souvent de leur réputation de justice, de sincérité et de droiture ; et cette réputation dépend aussi de l’épouse qui connaît la vie familière de son mari ; si donc les dissidences de leurs mentals éclataient en inimitiés ouvertes, en querelles, et en menaces de haine, et que ces choses fussent divulguées par l’épouse, par ses amies et par les domestiques, elles seraient facilement tournées en histoires scandaleuses, qui imprimeraient au nom du mari le déshonneur et l’infamie ; pour éviter de tels malheurs, le mari n’a d’autre moyen que de feindre de la faveur à l’égard de l’épouse, ou de se séparer quant à la maison.

287. XVI. Elles sont pour diverses faveurs qu’on attend du conjoint ou de ses parents ; et ainsi par crainte de perdre ces faveurs. Cela a principalement lieu dans les mariages où il y a différence d’état et de condition, voir ci-dessus, No 250 ; par exemple, quand on épouse une femme très-riche, et que celle-ci renferme son or dans des bourses, ou ses richesses dans des coffres ; et, plus encore, si elle prétend avec audace qu’il est du devoir du mari de soutenir la maison de ses fonds et de son revenu : que par suite il y ait des ressemblances forcées d’un amour comme conjugal, cela est généralement connu. La même chose arrive quand on épouse une femme dont les parents, les proches et les amis sont dans des dignités éminentes, dans des emplois lucratifs, dans des commerces avantageux, et peuvent rendre l’état du mari plus prospère ; qu’en raison de ces avantages, il y ait aussi des feintes d’un amour comme conjugal, cela est généralement connu. Que ces diverses feintes aient lieu par crainte de perdre ces faveurs, cela est évident.

288. XVII. Elles sont pour faire excuser les défauts, et par suite pour éviter le déshonneur. Les défauts pour lesquels les époux craignent le déshonneur sont en grand nombre, les uns criminels, et d’autres non criminels ; il y a des défauts du mental, et des défauts du corps plus légers que ceux qui ont été énumérés dans le Chapitre précédent, Nos 252 et 253, lesquels sont des causes de séparation ; ici donc sont entendus les défauts sur lesquels, à cause du déshonneur, l’autre époux garde un profond silence : outre ces défauts, il peut y avoir, chez quelques-uns, des crimes fortuits, qui, s’ils étaient divulgués, seraient passibles des peines de la loi ; sans parler du défaut de la faculté de laquelle les hommes se glorifient ordinairement. Que les excuses de ces défauts, pour éviter le déshonneur, soient des causes de feintes de l’amour et de l’amitié avec le conjoint, on le voit clairement sans qu’il soit besoin de plus de confirmation.

289. XVIII. Elles sont pour les réconciliations. Qu’entre les époux dont les mentals, par diverses causes, ne sont pas d’accord, il y ait alternativement de la défiance et de la confiance, des désunions et des conjonctions, et même des disputes et des compromis, ainsi des réconciliations, puis aussi que les amitiés apparentes amènent les réconciliations, c’est ce qui est connu dans le Monde. Il y a aussi des réconciliations qui ont lieu après les séparations, et qui ne sont pas de même alternatives et transitoires.

290. XIX. Si chez l’épouse la faveur ne cesse pas quand cesse la faculté chez le mari, il peut se former une amitié qui imite l’amitié conjugale quand les époux vieillissent. La principale cause de la séparation des mentals (animi) entre époux, c’est le manque de faveur chez l’épouse, quand cesse la faculté chez le mari, et par suite le manque d’amour ; car de même que les chaleurs se communiquent entre elles, de même aussi les froideurs : que par le manque d’amour chez l’un et l’autre l’amitié cesse, et que la faveur cesse de même, s’il n’y a pas à craindre une ruine domestique, cela est évident d’après la raison et l’expérience. Si donc le mari s’impute tacitement la cause, et que l’épouse persévère toujours dans une chaste faveur à son égard, il peut en résulter une amitié, qui, parce qu’elle existe entre des époux, apparaît comme un amour imitant l’amour conjugal. Qu’il y ait entre de vieux époux une amitié qui imite cet amour, l’expérience l’atteste d’après la tranquillité, la sécurité, l’amabilité et l’affabilité qui existent dans leur compagnie, leurs liaisons et leur société.

291. XX. Il y a diverses espèces d’amour apparent et d’amitié apparente entre les époux, dont l’un est subjugué, et par suite soumis à l’autre. Qu’après que les premiers temps du mariage sont passés, il s’élève entre les époux des rivalités au sujet du droit et du pouvoir ; au sujet du droit, en ce que, selon les statuts du pacte d’alliance, il y a égalité, et pour chacun dignité dans les devoirs de sa fonction ; et au sujet du pouvoir, en ce que la supériorité dans toutes les choses de la maison est réclamée par les hommes, parce qu’ils sont hommes, et que l’infériorité est pour les femmes, parce qu’elles sont femmes, cela est au nombre des choses connues dans le Monde d’aujourd’hui. De telles rivalités, aujourd’hui très-fréquentes, ne découlent d’autre part que du manque de conscience au sujet de l’amour vraiment conjugal, et du manque de perception du sens au sujet des béatitudes de cet amour ; par cette absence de conscience et de perception, au lieu de cet amour, il y a une cupidité qui en prend le masque ; et, l’amour réel étant rejeté, il découle de cette cupidité une ambition pour le pouvoir ; chez quelques-uns elle vient du plaisir de l’amour de dominer, chez d’autres elle a été implantée avant le mariage par des femmes adroites, et chez d’autres elle est ignorée. Les Maris qui sont dans cette ambition, et qui, après des alternatives de rivalité, obtiennent l’empire, réduisent leurs épouses ou à la possession de leur droit, ou à la soumission à leur caprice, ou à l’esclavage, chacun selon le degré et l’état qualifié de cette ambition, insité et caché en lui ; mais si les Épouses sont dans cette ambition, et qu’après des alternatives de rivalité elles obtiennent l’empire, elles réduisent leurs maris ou à une égalité de droit avec elles, ou à la soumission à leur caprice, ou à l’esclavage ; mais comme chez les épouses, après qu’elles ont obtenu les faisceaux de l’empire, il reste la cupidité qui prend le masque de l’amour conjugal, cupidité réfrénée par la loi et par la crainte d’une séparation légitime si elles étendaient leur pouvoir au-delà de ce qui est permis, c’est pour cela qu’elles vivent en consociation avec les maris. Mais quel est l’amour et quelle est l’amitié entre une épouse maîtresse et un mari esclave, puis aussi entre un mari maître et une épouse esclave, cela ne peut pas être décrit en peu de mots ; bien plus, si leurs différences étaient classées en espèces, et que celles-ci fussent énumérées, des pages ne suffiraient pas ; en effet, elles sont variées et diverses, variées selon la nature de l’ambition chez les maris, variées pareillement chez les épouses ; et diverses, parce que chez les hommes elles diffèrent de celles qui sont chez les femmes ; en effet, de tels hommes ne sont dans aucune amitié d’amour, si ce n’est dans une amitié folle ; et de telles épouses sont dans une amitié d’amour bâtard provenant de la cupidité. Mais par quel art les épouses s’acquièrent le pouvoir sur les maris, c’est ce qui sera dit dans l’Article qui va suivre.

292. XXI. Il y a dans le Monde des mariages infernaux entre des époux qui sont intérieurement ennemis acharnés, et extérieurement comme amis très-unis. Il m’est défendu, il est vrai, par les épouses de cette sorte, qui sont dans le Monde Spirituel, de présenter au grand jour ces mariages ; car elles craignent qu’en même temps ne soit divulgué l’art qu’elles emploient pour obtenir le pouvoir sur les maris, art qu’elles désirent excessivement tenir caché : mais comme je suis excité par les maris, dans ce monde-là, à dévoiler les causes de leur haine intestine et d’une sorte de fureur excitée dans leur cœur contre les épouses en raison de leurs artifices clandestins, je vais seulement rapporter les particularités suivantes. Les maris disaient qu’à leur insu ils avaient contracté vis-à-vis des épouses une crainte effroyable, par suite de laquelle ils ne pouvaient faire autrement que d’obéir avec une entière soumission à leurs décisions, et de se plier à leurs caprices avec plus de servilité que des valets, de sorte qu’ils étaient devenus comme des hommes de néant ; et qu’ainsi étaient devenus vis-à-vis des épouses nous seulement ceux qui n’étaient constitués en aucune dignité, mais aussi ceux qui en avaient une éminente, et même de braves et illustres généraux ; et ils disaient qu’après avoir conçu cette terreur, ils n’avaient pu avoir la hardiesse de parler avec les épouses autrement qu’avec amitié, et de leur faire autre chose que ce qui leur plaisait, quoique dans leur cœur ils entretinssent contre elles une haine mortelle ; et qu’en outre les épouses parlaient et agissaient toujours poliment avec eux, et écoutaient d’un air soumis les demandes qu’ils leur faisaient. Or, comme les maris eux-mêmes, grandement étonnés, avaient désiré savoir d’où avait pu naître une telle antipathie dans leurs internes, et une telle sympathie en apparence dans leurs externes, ils en avaient demandé les causes à des femmes qui connaissaient cet art secret ; et ils m’ont dit qu’ils tenaient de leur bouche que les femmes cachent profondément en elles la science par laquelle elles excellent à soumettre, si elles le veulent, les hommes au joug de leur empire ; et que chez les épouses sans éducation cela est mis à exécution au moyen de reproches et d’égards qui se succèdent alternativement ; chez d’autres, au moyen de regards durs et continuellement désagréables, et chez d’autres du même genre, en agissant d’une autre manière ; mais chez les épouses bien élevées, c’est au moyen de vives instances dans leurs demandes sans jamais cesser de persister, et de résistances opiniâtres contre les maris si elles en souffrent de mauvais traitements, s’appuyant sur leur droit d’égalité établi par la loi, d’après lequel elles s’obstinent audacieusement ; bien plus, si elles sont mises hors de la maison, elles y rentrent quand il leur plaît et continuent leurs instances ; car elles savent que les maris par leur nature ne peuvent nullement résister aux persistances de leurs épouses, et qu’après avoir cédé, ils se soumettent à leurs décisions ; et qu’alors les épouses, exerçant l’empire, se montrent polies et caressantes envers les maris : la cause réelle de la domination des épouses par cette ruse, c’est que l’homme agit d’après l’entendement, et la femme d’après la volonté, et que la volonté peut s’obstiner, mais non l’entendement : il m’a été dit que les plus méchantes de cette sorte, qui se sont entièrement abandonnées à l’ambition de dominer, peuvent s’attacher avec ténacité à leurs instances jusqu’au dernier effort de la vie. J’ai aussi entendu ces femmes s’excuser d’être entrées dans l’exercice de cet art ; elles disaient qu’elles n’y seraient pas entrées si elles n’avaient pas prévu le souverain mépris et le futur abandon, et par suite leur perte, dans le cas où elles auraient été subjuguées par les maris, et qu’ainsi elles avaient pris les armes par nécessité : elles ajoutèrent à cela un avis pour les maris ; c’était de laisser aux épouses leurs droits ; et, quand il leur arrive d’être dans des froideurs, de ne pas les considérer comme plus viles que des servantes ; elles disaient aussi que plusieurs de leur sexe ne sont pas en état d’exercer cet art à cause d’une timidité innée (connata), mais j’ajoutais : « À cause d’une modestie innée. » D’après ce qui vient d’être rapporté, on peut maintenant savoir quels mariages sont entendus par les mariages infernaux dans le Monde entre des époux qui sont intérieurement ennemis acharnés, et extérieurement comme amis très-unis.

 

 

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293. À ce qui précède seront ajoutés DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour, je regardais par une fenêtre vers l’Orient, et je vis sept Femmes assises sur un parterre de roses près d’une fontaine, buvant de l’eau ; j’avais le regard fortement tendu pour voir ce qu’elles faisaient, et cette tension de ma vue les frappa ; c’est pourquoi l’une d’elles me fit une invitation par signe ; et moi, je sortis de la maison, et je m’approchai à la hâte ; et quand je fus près, je leur demandai avec politesse d’où elles étaient ; et elles dirent : « Nous sommes des Épouses, et nous nous entretenons ici des Délices de l’amour conjugal, et d’après de nombreuses confirmations nous concluons que ces délices sont aussi les délices de la sagesse. » Cette réponse récréa tellement mon mental (animus), qu’il me semblait être en esprit, et par suite en perception, plus intérieurement et avec plus d’illustration que je n’avais jamais été auparavant. C’est pourquoi je leur dis : « Permettez-moi quelques questions sur ces charmes. » Et elles consentirent ; et je fis cette question : « Comment, vous, épouses, savez-vous que les délices de l’amour conjugal sont les mêmes que les délices de la sagesse ? » Et elles répondirent : « Nous le savons par la correspondance de la sagesse chez les maris avec les délices de l’amour conjugal chez nous ; car les délices de cet amour chez nous sont exaltées et diminuées, et ont absolument leur qualité selon la sagesse chez nos maris. Après avoir entendu leur réponse, je fis une autre question, en disant : « Je sais que les paroles de douceur des maris et l’enjouement de leur mental vous affectent ; et que vous, vous en ressentez dans toute la poitrine de grandes délices ; mais je m’étonne de ce que vous me dites que leur sagesse produit cet effet ; dites-moi au moins ce que c’est que la sagesse, et quelle sagesse. » À ces mots, les épouses indignées répondirent : « Tu t’imagines que nous, nous ne savons pas ce que c’est que la sagesse, ni quelle sagesse ; et cependant sur elle chez nos maris continuellement nous réfléchissons, et chaque jour de leur bouche nous l’apprenons ; car nous, épouse, nous pensons sur l’état de nos maris depuis le matin jusqu’au soir ; à peine est-il dans le jour une heure de relâche, ou dans laquelle notre pensée intuitive se retire entièrement d’eux ou dans laquelle elle en soit absente ; de leur côté, les maris dans le cours de la journée pensent fort peu sur notre état ; de là vient que nous savons quelle sagesse chez eux produit des délices en nous ; cette Sagesse, les maris l’appellent sagesse spirituelle-rationnelle, et spirituelle-morale ; la Sagesse spirituelle-rationnelle ils la disent appartenir à l’entendement et aux connaissances, et la Sagesse spirituelle-morale ils la disent appartenir à la volonté et à la vie ; mais ils les conjoignent toutes deux, et en font une seule, et ils décident que les charmes de cette sagesse sont transcrits de leurs mentals en délices dans nos poitrines, et des nôtres dans leurs poitrines, et ainsi reviennent à la sagesse, leur origine. » Et alors je demandai : « Savez-vous quelque chose de plus sur la sagesse des maris qui devient des délices en vous ? » Elles dirent : « Oui ; il y a une sagesse spirituelle, et par suite une sagesse rationnelle et une sagesse morale ; la sagesse spirituelle est de reconnaître le Seigneur Sauveur pour Dieu du Ciel et de la Terre, et d’acquérir de Lui les vrais de l’Église, ce qui se fait par la Parole et par les prédications d’après la Parole, d’où résulte la rationalité spirituelle, et de vivre par Lui selon ces vrais, d’ou résulte la moralité spirituelle ; ces deux, la rationalité spirituelle et la moralité spirituelle, les maris les appellent la Sagesse, qui produit en général l’amour vraiment conjugal : nous en avons aussi appris d’eux la cause, c’est que par cette sagesse sont ouverts les intérieurs de leur mental, et par suite les intérieurs de leur corps, d’où existe un libre passage depuis les premiers jusqu’aux derniers pour la veine de l’amour, et c’est de l’afflux, de la suffisance et de la vertu de cette veine que dépend et vit l’amour conjugal. La sagesse spirituelle rationnelle et morale de nos maris, spécialement quant au mariage, a pour fin et pour but d’aimer une seule épouse, et de dépouiller toute convoitise pour les autres ; et autant cela a lieu, autant cet amour est exalté quant au degré, et perfectionné quant à la qualité, et autant aussi nous sentons en nous d’une manière plus distincte et plus exquise, les délices qui correspondent aux plaisirs des affections et aux charmes des pensées de nos maris. » Ensuite je demandai si elles savaient comment se fait la communication. Elles dirent : « Dans toute conjonction par amour, il doit y avoir action, réception et réaction ; l’état délicieux de notre amour est l’agent ou l’action, l’état de la sagesse des maris est le récipient ou la réception, et est aussi le réagent ou la réaction selon la perception ; et cette réaction est perçue par nous avec délices dans la poitrine selon l’état continuellement étendu et préparé à recevoir ces choses, qui, en quelque rapport, sont cohérentes avec la vertu chez les maris, par conséquent aussi avec l’état extrême de l’amour chez nous, et qui en procèdent. » De plus, elles dirent : « Garde-toi d’entendre par les délices, dont nous venons de parler, les dernières délices de cet amour ; de celles-ci, nous n’en disons jamais rien, mais nous parlons de nos délices pectorales, dont il existe une perpétuelle correspondance avec l’état de la sagesse de nos maris. » Après cela, il apparut de loin comme une Colombe qui volait avec une feuille d’arbre dans le bec ; mais comme elle approchait, au lieu d’une colombe, on vit un enfant avec un papier à la main ; et, s’avançant vers nous, il me le présenta, et dit : « Lis-le devant ces Vierges de la fontaine. » Et je lus ceci : « Dis aux habitants de la terre, avec lesquels tu es, qu’il y a un amour vraiment conjugal, dont les délices sont par myriades ; le monde, jusqu’à présent, en connaît à peine quelques-unes ; mais il les connaîtra, parce que l’Église se fiance à son Seigneur et se marie. » Et alors je fis cette question : « Pourquoi cet enfant vous a-t-il appelées Vierges de la fontaine ? » Elles répondirent : « Nous sommes appelées Vierges quand nous sommes assises à cette fontaine, parce que nous sommes les affections des vérités de la sagesse de nos maris, et que l’affection du vrai est appelée vierge ; la fontaine aussi signifie le vrai de la sagesse, et le parterre de roses sur lequel nous sommes assises en signifie les délices. » Alors l’une des sept fit une guirlande de roses, y répandit de l’eau de la fontaine, et la plaça sur le bonnet de l’enfant autour de sa petite tête, et dit : « Reçois les délices de l’intelligence ; sache que le bonnet signifie l’intelligence, et cette guirlande de roses les délices. » Et l’enfant, ainsi décoré, s’en alla ; et de loin, il fut vu de nouveau comme une colombe qui vole, mais avec une couronne sur la tête.

294. SECOND MÉMORABLE : Quelques jours après, je vis de nouveau ces sept Épouses dans un bosquet de roses, mais non dans le même qu’auparavant ; c’était un bosquet de roses magnifique, tel que je n’en avais jamais vu ; il était rond, et les roses y formaient comme un arc-en-ciel ; les roses ou fleurs de couleur pourpre en composaient le cercle le plus extérieur, d’autres de couleur jaune d’or le cercle le plus près de celui-là, d’autres de couleur bleu céleste le cercle au dedans de celui-ci, et le cercle le plus intérieur était d’une brillante couleur verte ; et au dedans de ce bosquet en arc-en-ciel il y avait un petit lac d’eau limpide. Ces sept épouses, appelées précédemment Vierges de la fontaine, qui étaient assises dans ce bosquet, m’ayant vu à la fenêtre, m’appelèrent de nouveau vers elles ; et, quand je fus arrivé, elles dirent : « As-tu jamais rien vu de plus beau sur la terre ? » Et je dis : « Jamais. » Et elles dirent : « Une telle merveille est créée en un instant par le Seigneur, et représente quelque chose de nouveau sur la terre, car tout objet créé par le Seigneur représente ; mais celui-ci, qu’est-ce qu’il représente ? Devine, si tu peux ; nous, nous devinons les délices de l’amour conjugal. » Ayant entendu cela, je dis : « Quoi ! les délices de l’amour conjugal, desquelles vous m’avez déjà dit tant de choses avec sagesse, et aussi avec éloquence ! Après que je vous eus quittées, je rapportai vos discours à des épouses qui demeurent dans notre région ; et je leur dis : D’après ce que je viens d’apprendre, je sais qu’il y a en vous, dans votre poitrine, des délices ayant pour source votre amour conjugal, délices que vous pouvez communiquer à vos maris selon leur sagesse ; et que pour cela même, vous regardez continuellement du matin au soir vos maris avec les yeux de votre esprit, et vous vous étudiez à plier et diriger leurs mentals (animi) vers la sagesse, dans le but de saisir ces délices. Je leur rapportai aussi ce que vous entendez par la sagesse, que c’est la sagesse spirituelle rationnelle et morale, et que quant au mariage elle consiste à aimer une seule épouse et à dépouiller toute convoitise pour les autres : mais alors les épouses de notre région répondirent en riant, et en disant : Qu’est-ce que tout cela ? Ces paroles sont des frivolités ; nous ne savons ce que c’est que l’amour conjugal ; s’il y a quelque amour conjugal chez les maris, toujours est-il que chez nous il n’y en a aucun ; d’où viendraient alors chez nous ses délices ? Bien plus, quant aux délices que vous appelez dernières délices, parfois nous les refusons violemment, car elles nous sont désagréables, à peu près comme le seraient des viols : et même, si vous y faites attention, vous ne verrez pas de signe d’un semblable amour sur nos visages ; ainsi vous vous moquez ou vous badinez, si vous dites aussi, vous, avec ces sept épouses, que du matin au soir nous pensons à nos maris, et que continuellement nous faisons attention à ce qui peut leur plaire et leur être agréable, dans le but d’obtenir d’eux de telles délices. Voilà de leur réponse les paroles que j’ai retenues pour vous les rapporter, parce qu’elles sont en opposition et aussi en pleine contradiction avec celles que, près de la fontaine, j’ai entendues de vous et ai si avidement saisies, et auxquelles aussi j’ai cru. » À cela, les épouses assises dans le bosquet de roses répondirent : « Ami, tu ne connais pas la sagesse, ni la prudence des épouses, parce qu’elles la cachent entièrement aux maris, et elles la cachent dans le seul but d’être aimées ; car dans chaque homme, qui est seulement rationnel et moral naturellement et non spirituellement, il y a de la froideur pour son épouse ; cette froideur chez lui est cachée dans les intimes ; l’épouse sage et prudente le remarque parfaitement bien et finement, et elle cache d’autant son amour conjugal, le retire dans son sein, et l’y renferme si profondément, qu’il ne s’en manifeste pas la moindre partie sur la face, ni dans le son de voix, ni dans le geste ; la raison de cela, c’est que, autant il s’en manifeste, autant la froideur conjugale du mari se répand depuis les intimes de son mental, où elle réside, jusque dans ses derniers, et introduit dans le corps un refroidissement total, et par suite un effort pour une séparation de lit et de chambre. » Alors je fis cette question : « D’où vient une telle froideur, appelée par vous froideur conjugale ? » Elles répondirent : « Elle vient de leur folie dans les choses spirituelles ; et quiconque est insensé dans les choses spirituelles, a intimement de la froideur pour l’épouse, et intimement de la chaleur pour les prostituées ; et comme l’amour conjugal et l’amour scortatoire sont opposés entre eux, il s’ensuit que l’amour conjugal devient froideur, lorsque l’amour scortatoire est chaleur ; et le mari, quand la froideur règne en lui, ne supporte de la part de l’épouse aucun sens d’amour, ni par conséquent son haleine ; c’est pour cela que l’épouse cache avec tant de sagesse et de prudence son amour, et autant elle le cache en le niant et en le refusant, autant le mari est échauffé et ravivé par la sphère de prostitution qui influe ; de là vient que pour l’épouse d’un tel homme, il n’y a pas de délices pectorales, telles qu’il y en a pour nous, mais qu’il y a seulement des voluptés, qui de la part du mari doivent être appelées voluptés de la folie, parce qu’elles sont les voluptés de l’amour scortatoire. Toute épouse chaste aime son mari, lors même qu’il est inchaste ; mais comme la sagesse est uniquement le récipient de son amour, c’est pour cela que l’épouse emploie tous ses efforts pour changer en sagesse la folie du mari, c’est-à-dire, pour qu’il ne convoite pas les autres plus qu’elle ; c’est ce qu’elle fait par mille moyens, en prenant surtout garde qu’aucun de ces moyens ne soit découvert par le mari, car elle sait très-bien que l’amour ne peut être forcé, mais qu’il est insinué dans le libre : c’est pourquoi, il a été donné aux femmes de connaître par la vue, par l’ouïe et par le toucher, tout l’état du mental (animus) de leurs maris ; mais, de l’autre côté, il n’a été donné aux maris de connaître aucun état du mental (animus) de leurs épouses. L’épouse chaste peut regarder le mari d’un air austère, lui parler d’un ton rude, et même s’emporter et quereller, et cependant entretenir toujours dans son cœur un amour doux et tendre pour lui : mais que ces emportements et ces feintes aient pour but la sagesse et par suite la réception de l’amour chez le mari, on le voit bien clairement par cela qu’elle peut à l’instant se réconcilier ; en outre, ces moyens de cacher l’amour insité dans leur cœur et dans leurs moelles, les épouses les emploient afin que la froideur conjugale chez le mari ne se répande pas et n’éteigne aussi le foyer de sa chaleur scortatoire, et ainsi au lieu de bois vert ne fasse de lui un tronc sec. » Après que ces sept épouses eurent dit ces choses et plusieurs autres semblables, leurs maris vinrent, ayant dans leurs mains des grappes de raisin, dont les unes étaient d’un goût délicat, et les autres d’un goût très-désagréable ; et les épouses dirent : « Pourquoi avez-vous apporté aussi ces mauvais raisins ou ces grappes de vigne sauvage ? » Les maris répondirent : « Parce que dans nos âmes, avec lesquelles les vôtres ont été unies, nous avons perçu que vous vous entreteniez avec cet homme sur l’amour vraiment conjugal, en cela que ses délices étaient les délices de la sagesse, et aussi sur l’amour scortatoire, en cela que ses délices étaient les voluptés de la folie ; ces délices-ci sont des raisins d’un goût très-désagréable ou grappes de vigne sauvage ; et celles-là sont les raisins d’un goût délicat. » Et ils confirmèrent le discours de leurs épouses, ajoutant que dans les externes les voluptés de la folie paraissent semblables aux délices de la sagesse, mais non dans les internes, absolument comme les bons raisins et les mauvais raisins qu’ils avaient apportés ; car il y a, tant chez les chastes, que chez les inchastes, une semblable sagesse dans les externes, mais elle est tout à fait dissemblable dans les internes. » Après cela, l’enfant vint de nouveau avec un papier à la main, et il me le présenta, en disant : « Lis. » Et je lus ceci : « Sachez que les délices de l’amour conjugal montent vers le Ciel suprême, et qu’en chemin et dans ce Ciel elles se conjoignent avec les délices de tous les amours célestes, et entrent ainsi dans leur félicité qui dure éternellement ; et cela, parce que les délices de cet amour sont aussi les délices de la sagesse. Et sachez aussi que les voluptés de l’amour scortatoire descendent jusqu’à l’enfer le plus profond, et qu’en chemin et dans cet enfer elles se conjoignent avec les voluptés de tous les amours infernaux, et entrent ainsi dans leur infélicité, qui consiste dans les misères de tous les plaisirs du cœur ; et cela, parce que les voluptés de cet amour sont aussi les voluptés de la folie. » Après cela, les maris se retirèrent avec les épouses, et accompagnèrent l’enfant jusqu’au chemin de son ascension dans le Ciel ; et ils connurent que la Société d’où il avait été envoyé était une société du nouveau Ciel, avec lequel la nouvelle Église dans les terres doit être conjointe.

 

 

DES FIANÇAILLES ET DES NOCES

 

295. Le sujet des Fiançailles et des Noces, et aussi des Solennités qui les accompagnent, est principalement traité ici d’après la raison de l’entendement ; car les choses qui sont écrites dans ce Livre ont pour but que le Lecteur voie d’après son Rationnel les vérités, et donne ainsi son assentiment, car de cette manière son esprit est convaincu ; et les choses dont l’esprit est convaincu obtiennent une place au-dessus de celles qui, sans que la raison ait été consultée, entrent d’après l’autorité et la foi en l’autorité ; car celles-ci ne vont pas dans la tête plus profondément que dans la mémoire, et s’y mêlent avec les illusions et les faux, ainsi elles sont au-dessous des rationnels qui appartiennent à l’entendement ; chaque homme peut d’après celles-ci parler comme rationnellement, mais à rebours ; car il pense alors comme marche l’écrevisse, la vue suivant la queue : il en est autrement si c’est d’après l’entendement ; quand il en est ainsi, la vue rationnelle choisit d’après la mémoire les choses qui conviennent, par lesquelles elle confirme la vérité considérée en soi. C’est pour cette raison que, dans ce Chapitre, il sera rapporté plusieurs choses qui sont des coutumes reçues ; par exemple, que le choix appartient aux hommes ; que les parents doivent être consultés ; que des gages doivent être donnés ; que l’alliance conjugale doit être contractée avant les noces ; qu’elle doit être consacrée par le prêtre ; et que des noces doivent être célébrées ; outre plusieurs autres particularités, qui sont rapportées dans ce but, que l’homme par son rationnel voie que de telles choses ont été inscrites dans l’amour conjugal, comme lui étant nécessaires pour l’étendre et le compléter. Les Articles dans lesquels est divisé ce Chapitre sont dans leur ordre ceux qui suivent : I. Le choix appartient à l’homme, et non à la femme. II. Il faut que l’homme recherche et demande la femme en mariage, et non vice versa. III. Il faut que la femme consulte ses parents, ou ceux qui lui tiennent lieu de parents, et qu’ensuite elle délibère en elle-même avant de consentir. IV. Après la déclaration du consentement, des gages doivent être donnés. V. Le consentement doit être affirmé et établi par de solennelles fiançailles. VI. Par les fiançailles l’un et l’autre sont préparés à l’amour conjugal. VII. Par les fiançailles le mental de l’un est conjoint au mental de l’autre, afin que le mariage de l’esprit se fasse avant le mariage du corps. VIII. Cela a lieu chez ceux qui pensent chastement des mariages ; il en est autrement chez ceux qui en pensent inchastement. IX. Pendant le temps des fiançailles il n’est pas permis d’être conjoint corporellement. X. Quand le temps des fiançailles est complété, des noces doivent être faites. XI. Avant la célébration des noces, l’Alliance conjugale doit être contractée en présence de témoins. XII. Le Mariage doit être consacré par le Prêtre. XIII. Les Noces doivent être célébrées avec réjouissance. XIV. Après les noces, le mariage de l’esprit devient aussi celui du corps, et ainsi le mariage est complet. XV. Tel est l’ordre de l’amour conjugal avec ses moyens depuis sa première chaleur jusqu’à son premier flambeau. XVI. L’Amour conjugal précipité sans ordre et sans des moyens d’ordre brûle les moelles, et est consumé. XVII. Les états des mentals de l’un et de l’autre, procédant dans un ordre successif, influent dans l’état du mariage ; cependant, autrement chez les spirituels, et autrement chez les naturels. XVIII. Il y a un ordre successif et un ordre simultané, et celui-ci vient de celui-là, et est selon celui-là. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

296. I. Le choix appartient à l’homme, et non à la femme. C’est parce que l’homme est né pour être entendement, et la femme pour être amour ; et aussi parce que chez les hommes il y a communément l’amour du sexe, mais chez les femmes l’amour d’un seul du sexe ; puis encore parce qu’il n’est pas indécent pour les hommes de parler de l’amour, et de le rendre public, mais que cela est indécent pour les femmes ; néanmoins, aux femmes appartient le droit de choisir l’un de ceux qui les recherchent en mariage. Quant à ce qui concerne la première raison, que le choix appartient aux hommes, parce qu’ils sont nés pour l’entendement, elle est fondée sur ce que l’entendement peut voir clairement les choses qui conviennent et celles qui ne conviennent pas, en faire la distinction, et choisir avec jugement ce qui est avantageux ; il en est autrement chez les femmes, parce qu’elles sont nées pour l’amour ; il n’y a pas pour elles la même clarté de lumière, et par conséquent leurs déterminations au mariage ne procéderaient que des inclinations de leur amour ; s’il y a en elles la science de discerner entre hommes et hommes, leur amour néanmoins est porté vers les apparences. Quant à la seconde raison, que le choix appartient aux hommes et non aux femmes, parce que chez les hommes il y a communément l’amour du sexe, et chez les femmes l’amour d’un seul du sexe, elle est fondée sur ce que ceux chez qui il y a l’amour du sexe ont une libre circonspection, et aussi une libre détermination ; il en est autrement des femmes, chez qui a été insité l’amour pour un seul du sexe ; pour en avoir la confirmation, interroge, si cela te plaît, sur le mariage monogamique, et sur le mariage polygamique, les hommes que tu rencontreras, et tu trouveras rarement quelqu’un qui ne te répondra pas en faveur du mariage polygamique, et c’est là aussi l’amour du sexe ; mais interroge les femmes sur ces mariages, et presque toutes, à l’exception des prostituées, rejetteront les mariages polygamiques ; il suit de là que les femmes ont l’amour d’un seul du sexe, ainsi l’amour conjugal. Quant à la troisième raison, qu’il n’est pas indécent pour les hommes de parler de l’amour et de le rendre public, et que cela est indécent pour les femmes, elle est évidente par elle-même ; de là aussi il suit que la déclaration appartient aux hommes, et si la déclaration leur appartient, de même aussi le choix. Qu’aux femmes appartienne le droit du choix entre leurs prétendants, cela est notoire ; mais cette espèce de choix est peu étendue et limitée, tandis que le choix des hommes est étendu et illimité.

297. II. Il faut que l’homme recherche et demande la femme en mariage, et non vice versa. C’est là une conséquence résultant du choix ; et, de plus, rechercher et demander les femmes en mariage est en soi honnête et décent pour les hommes, mais non pour les femmes ; si les femmes recherchaient et demandaient, non-seulement elles seraient blâmées, mais même après les demandes elles seraient regardées comme viles, ou après le mariage comme des femmes impudiques, avec lesquelles il ne peut y avoir que des cohabitations froides et fastidieuses ; c’est pourquoi les mariages seraient ainsi changés en scènes tragiques ; aussi les épouses se font-elles gloire de ce qu’elles n’ont cédé aux instances de la demande des hommes que comme vaincues. Qui est-ce qui ne prévoit pas que les femmes, si elles recherchaient les hommes, seraient rarement acceptées, ou seraient indignement rejetées, ou seraient attirées à des actions lascives, et même prostitueraient leur pudeur ? En outre, aucun amour du sexe n’est inné chez les hommes, comme il a été prouvé ci-dessus, et sans cet amour il n’y a pas de charme intérieur de la vie ; c’est pourquoi, pour exalter leur vie par cet amour, il appartient aux hommes de gagner les femmes en les recherchant avec politesse, prévenance et déférence, et en demandant d’elles ce doux accroissement de leur vie. La beauté du visage, du corps et des mœurs de ce sexe, en comparaison de l’autre sexe, est un motif de plus pour l’obligation d’agir ainsi.

298. III. Il faut que la femme consulte ses parents, ou ceux qui lui tiennent lieu de parents, et qu’ensuite elle délibère en elle-même avant de consentir. Si les parents doivent être consultés, c’est parce que ceux-ci délibèrent et donnent des conseils avec jugement, connaissance et amour ; avec jugement, parce qu’ils sont dans un âge avancé, et qu’à cet âge on jouit du jugement, et que l’on voit clairement ce qui convient et ce qui ne convient pas. Avec connaissance, tant du prétendant que de la fille ; quant au prétendant, ils prennent des informations ; quant à la tille, ils la connaissent ; ils concluent donc avec discernement sur l’un et sur l’autre en même temps. Avec amour, parce que veiller au bien de la fille et pourvoir à sa maison, c’est aussi veiller et pourvoir à leur maison et à eux-mêmes.

299. Il en serait tout autrement si la fille, sans consulter les parents, ou ceux qui en tiennent lieu, consentait d’elle-même à la demande du prétendant ; en effet, elle ne peut pas peser avec jugement, connaissance et amour, cette affaire dont dépend son sort futur ; elle ne le peut pas avec jugement, parce que le sien au sujet de la vie conjugale est encore dans l’ignorance, et non en état de comparer les raisons entre elles, et de voir clairement les mœurs des hommes d’après leurs goûts : ni avec connaissance, parce qu’elle connaît peu de choses au-delà de celles qui se passent chez ses parents, et chez quelques compagnes ; et qu’elle est inhabile à s’enquérir des choses qui sont familières et propres à son prétendant : ni avec amour, parce que l’amour des filles dans leur premier âge nubile, et aussi dans le second, obéit aux convoitises qui proviennent des sens, et non encore aux désirs qui procèdent d’un mental épuré. Si cependant la fille doit délibérer en elle-même sur ce sujet avant de consentir, c’est afin qu’elle ne soit pas entraînée malgré elle à s’unir à un mari qu’elle n’aimerait pas ; car de la sorte il n’y aurait pas consentement de son côté, et cependant le consentement fait le mariage, et initie l’esprit dans l’amour conjugal ; et un consentement contraint ou extorqué n’initie point l’esprit, mais il peut initier le corps ; et il change ainsi la chasteté, qui réside dans l’esprit, en un désir libidineux, par lequel l’amour conjugal est vicié dans sa première chaleur.

300. IV. Après la déclaration du consentement, des gages doivent être donnés. Par gages il est entendu des présents qui, après les consentements, sont des confirmations, des témoignages, des premières faveurs, et des allégresses. Ces présents sont des Confirmations, parce qu’ils sont les marques des consentements ; aussi dit-on, quand de part et d’autre il y a consentement pour une affaire : Donne-moi un gage ; et, de deux personnes qui se sont promis le mariage et ont consolidé leurs promesses par des présents, l’on dit qu’elles se sont engagées, par conséquent qu’elles ont confirmé. Ils sont des Témoignages, parce que ces gages sont comme de continuels témoins oculaires de l’amour mutuel ; par suite aussi ils en sont des ressouvenirs, surtout si ce sont des anneaux, des boîtes de parfum et des objets attachés que l’on porte exposés aux regards ; il y a en eux une certaine image représentative des mentals (animi) du fiancé et de la fiancée. Ces gages sont les Premières faveurs, parce que l’amour conjugal se promet une faveur perpétuelle, dont les prémices sont ces présents. Qu’ils soient des Allégresses de l’amour, cela est notoire ; car à leur vue le mental est réjoui, et comme l’amour est en eux, ces faveurs sont plus chères et plus précieuses que tout autre présent, c’est comme si les cœurs étaient en elles. Comme ces gages sont les affermissements de l’amour conjugal, c’est pour cela que les dons après les consentements avaient aussi été admis en usage chez les Anciens, et que lorsqu’ils avaient été acceptés, les parties étaient déclarées fiancés et fiancées. Mais il faut qu’on sache qu’on est libre de donner ces présents avant ou après l’acte des fiançailles ; si c’est avant, ils sont des confirmations et des témoignages du consentement pour les fiançailles ; si c’est après, ils le sont pour les noces.

301. V. Le consentement doit être affirmé et établi par de solennelles fiançailles. Les raisons des fiançailles sont celles-ci : 1. Afin qu’après les fiançailles les âmes des deux fiancés aient mutuellement de l’inclination l’une pour l’autre. 2. Afin que l’amour universel pour le sexe soit déterminé vers un seul ou vers une seule du sexe. 3. Ain que les affections intérieures soient mutuellement connues, et que par des applications elles soient conjointes dans la gaieté interne de l’amour. 4. Afin que les esprits de l’un et de l’autre entrent en mariage, et soient consociés de plus en plus. 5. Afin qu’ainsi l’amour conjugal avance régulièrement depuis sa première chaleur jusqu’à la flamme nuptiale ; et par conséquent, 6. afin que l’amour conjugal à partir de son origine spirituelle s’avance et s’accroisse dans un ordre juste. L’état des fiançailles peut être comparé à l’état du printemps avant l’été, et les charmes internes de cet état à la floraison des arbres avant la fructification. Comme les initiations et les progressions de l’amour conjugal procèdent en ordre à cause de leur influx dans l’amour effectif, qui commence aux noces, c’est pour cela que dans les Cieux il y a aussi des fiançailles.

302. VI. Par les fiançailles l’un et l’autre sont préparés à l’amour conjugal. Que par les fiançailles le mental ou l’esprit de l’un soit préparé à l’union avec le mental ou l’esprit de l’autre, ou, ce qui est la même chose, que l’amour de l’un soit préparé à l’union avec l’amour de l’autre, on le voit par les arguments rapportés dans l’Article précédent. Outre ces arguments, ceci est à remarquer : Dans l’amour vraiment conjugal il a été inscrit cet ordre, qu’il monte et descende ; il monte de sa première chaleur progressivement en haut du côté des âmes avec un effort pour y effectuer les conjonctions, et cela par de continuelles ouvertures intérieures des mentals ; et il n’y a pas d’amour qui provoque avec plus d’intensité ces ouvertures, ou qui ouvre les intérieurs des mentals avec plus de force et d’habileté que l’amour conjugal, car l’âme de l’un et de l’autre a cela pour but ; mais dans les mêmes moments où cet amour monte du côté des âmes, il descend aussi du côté du corps, et par là il se fait un vêtement. Mais il faut savoir que l’amour conjugal est dans sa descente tel qu’il est dans la hauteur à laquelle il monte ; s’il est dans la hauteur, il descend chaste, mais s’il n’est pas dans la hauteur, il descend inchaste ; la raison de cela, c’est que les inférieurs du mental sont inchastes, tandis que ses supérieurs sont chastes ; car les inférieurs du mental sont adhérents au corps, et les supérieurs s’en séparent ; mais, sur ce sujet, il en sera dit davantage ci-dessous, voir No 305. Par ce peu d’explications il est évident que par les fiançailles le mental de l’un et de l’autre est préparé à l’amour conjugal, quoique de diverse manière selon les affections.

303. VII. Par les fiançailles le mental de l’un est conjoint au mental de l’autre, afin que le mariage de l’esprit se fasse avant le mariage du corps. Ceci étant la conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, Nos 301, 302, il sera passé outre, sans emprunter à la raison de nouvelles confirmations.

304. VIII. Cela a lieu chez ceux qui pensent chastement des mariages ; il en est autrement chez ceux qui en pensent inchastement. Chez les chastes, et ce sont ceux qui pensent sur les mariages d’après la religion, le mariage de l’esprit précède, et le mariage du corps suit ; et ceux-là sont ceux chez qui l’amour monte du côté de l’âme, et de cette hauteur par suite descend, voir ci-dessus, No 302 ; leurs âmes se séparent de l’amour illimité du sexe, et s’attachent à un seul ou une seule, avec lequel ou laquelle elles regardent une union perpétuelle et éternelle, et ses béatitudes croissantes, comme les soutiens d’une espérance qui récrée continuellement leurs mentals. Mais il en est autrement chez les inchastes, et ce sont ceux qui ne pensent pas d’après la religion sur les mariages et sur leur sainteté ; chez ceux-ci il y a un mariage du corps, et il n’y a aucun mariage de l’esprit ; si quelque chose du mariage de l’esprit apparaît durant l’état des fiançailles, toujours est-il que si cela monte par une élévation des pensées sur ce mariage, cela cependant retombe vers les convoitises qui d’après la chair sont dans la volonté ; et ainsi, d’après les choses inchastes qui y sont, cela se précipite dans le corps, et souille les derniers de son amour par une ardeur séduisante ; de même que par cette ardeur dans le commencement il est plein de feu, de même il cesse tout à coup d’être en feu, et passe à un froid de glace, ce qui accélère le manque (de puissance). L’état des fiançailles chez ceux-ci sert à peine à autre chose qu’à remplir leurs convoitises d’idées lascives, et d’en souiller le conjugal de l’amour.

305. IX. Pendant le temps des fiançailles il n’est pas permis d’être conjoint corporellement ; car s’il en est autrement l’ordre qui a été inscrit dans l’amour conjugal périt. En effet, il y a dans les mentals humains trois régions, dont la suprême est appelée céleste, la moyenne spirituelle, et l’infime naturelle ; dans cette région intime naît l’homme, mais dans la région au-dessus, qui est appelée spirituelle, il monte par la vie selon les vrais de la religion, et dans la suprême, par le mariage de l’amour et de la sagesse : dans la région infime, qui a été appelée naturelle, résident toutes les convoitises du mal, et toutes les lascivetés ; mais dans la région au-dessus, qui a été appelée spirituelle, il n’y a aucune convoitise du mal ni aucune lasciveté, car l’homme, quand il renaît, est introduit dans cette région par le Seigneur ; et dans la région suprême, qui a été appelée céleste, il y a la chasteté conjugale dans son amour ; l’homme est élevé dans cette région par l’amour des usages ; et comme les usages qui procèdent des mariages sont les plus éminents, il y est élevé par l’amour vraiment conjugal : d’après ces explications en abrégé on peut voir que l’amour conjugal, dès les premiers commencements de sa chaleur, doit être élevé de la région infime dans une région supérieure, pour qu’il devienne chaste, et pour qu’ainsi du chaste il descende dans le corps par la région moyenne et par la région infime ; quand cela arrive, cette région infime est purifiée de ses choses inchastes par le chaste qui descend ; par suite le dernier de cet amour devient chaste aussi. Maintenant, si l’ordre successif de cet amour est hâté par des conjonctions du corps avant leur temps, il en résulte que l’homme agit d’après la région infime, qui de naissance est inchaste : que de là commence et naisse la froideur pour le mariage, et la négligence avec le dégoût pour l’épouse, cela est notoire. Néanmoins il y a des dangers divers d’évènements résultant de conjonctions précoces, puis aussi d’un trop long délai, et d’une trop grande accélération du temps des fiançailles ; mais ces évènements, à cause de leur grand nombre et de leurs variétés, peuvent difficilement être exposés.

306. X. Quand le temps des fiançailles est complété, des noces doivent être faites. Il y a des Solennités qui sont seulement des formalités, et il y a des Solennités qui aussi en même temps sont essentielles ; parmi celles-ci sont les Noces. Que les noces soient du nombre des choses essentielles qui doivent être manifestées avec solennité et être célébrées avec formalité, cela est confirmé par les raisons suivantes : 1. Les Noces constituent la fin de l’état antérieur inauguré par les fiançailles, état qui a été principalement celui de l’esprit, et constituent le commencement de l’état postérieur à inaugurer par le mariage, état qui est à la fois celui de l’esprit et du corps ; car alors l’esprit entre dans le corps, et il y agit ; c’est pourquoi, dans ce jour, les futurs quittent l’état et aussi le nom de fiancé et de fiancée, et prennent l’état et le nom d’époux, et partagent le même lit. 2. I.es Noces sont l’introduction et l’entrée dans le nouvel état, qui consiste en ce que la vierge devient épouse, et le jeune homme mari, et l’un et l’autre une seule chair, ce qui arrive quand l’amour au moyen des derniers les unit : que le mariage change en actualité la vierge en épouse, et le jeune homme en mari, cela a été démontré dans ce qui précède ; puis aussi que le mariage unit les deux en une seule forme humaine, de sorte qu’ils ne sont plus deux, mais sont une seule chair. 3. Les Noces sont l’entrée vers la complète séparation de l’amour du sexe d’avec l’amour conjugal, ce qui a lieu quand, par une pleine faculté de conjonction, l’amour de l’un s’attache étroitement à l’amour de l’autre. 4. Il semble que les Noces constituent seulement un interstice entre ces deux états, et qu’ainsi elles ne sont que des formalités qui peuvent être omises ; mais néanmoins il y a aussi en elles cet essentiel, que ce nouvel état, dont il vient d’être parlé, doit alors commencer par le contrat d’alliance, et que le consentement doit être déclaré en présence de témoins, et aussi être consacré par le prêtre, outre plusieurs autres choses qui établissent ce consentement. Comme dans les noces il y a des choses essentielles, et que le mariage ne devient légitime qu’après les noces, c’est pour cela aussi que des Noces sont célébrées dans les Cieux ; voir ci-dessus, No 21, et ensuite, Nos 27 à 41.

307. XI. Avant la célébration des noces, l’alliance conjugale doit être contractée en présence de témoins. Il faut que l’alliance conjugale soit contractée avant que les noces soient célébrées, afin que les statuts et les lois de l’amour vraiment conjugal soient connus, et qu’on se les l’appelle après les noces ; puis aussi afin qu’il y ait un lien qui unisse étroitement les mentals pour un juste mariage ; car après les premiers temps du mariage, l’état qui précède les fiançailles revient parfois, et dans cet état le ressouvenir se perd, et il est remplacé par l’oubli de l’alliance contractée ; et même d’après des entraînements de choses inchastes en choses inchastes, cette alliance est entièrement mise en oubli, et si alors elle est rappelée à la mémoire, elle devient un sujet de reproche : mais pour détourner ces transgressions, la société elle-même a pris cette alliance sous sa protection, et a prononcé des peines contre ceux qui la briseraient. En un mot, l’alliance anténuptiale manifeste les statuts sacrés de l’amour vraiment conjugal, elle les établit, et astreint les libertins à les observer : qu’on ajoute à cela que par cette alliance le droit de donner naissance à des enfants, et pour les enfants le droit d’hériter des biens des parents, deviennent légitimes.

308. XII. Le mariage doit être consacré par le prêtre. C’est parce que, considérés en eux-mêmes, les mariages sont spirituels, et par suite saints ; en effet, ils descendent du mariage céleste du bien et du vrai, et les choses conjugales correspondent au Divin Mariage du Seigneur et de l’Église ; et par conséquent ces choses procèdent du Seigneur Lui-Même, et sont selon l’état de l’Église chez les contractants : maintenant, comme l’ordre ecclésiastique dans les terres administre les choses qui chez le Seigneur appartiennent au Sacerdoce, c’est-à-dire, à son amour, par conséquent aussi celles qui appartiennent à la Bénédiction, il faut que les mariages soient consacrés par ses ministres ; et comme alors ils sont aussi les chefs des témoins, il faut que le consentement de l’alliance soit aussi entendu, accepté, assuré, et ainsi consolidé par eux.

309. XIII. Les Noces doivent être célébrées avec réjouissance. Les raisons de cela, c’est que l’amour anténuptial, qui était l’amour du fiancé et de la fiancée, descend alors dans leurs cœurs ; et que par son expansion de là dans toutes les parties du corps, ils sentent les délices du mariage, d’après lesquelles leurs mentals pensent des choses réjouissantes, et se livrent aussi à des réjouissances autant qu’il est permis et qu’il est décent ; pour que cela soit favorisé, il importe que les réjouissances de leurs mentals se fassent en communion, et qu’ainsi eux-mêmes soient introduits dans les joies de l’amour conjugal.

310. XIV. Après les Noces, le mariage de l’esprit devient aussi celui du corps, et ainsi le mariage est complet. Toutes les choses qui sont faites dans le corps par l’homme influent de son esprit ; on sait, en effet, que la bouche ne parle pas d’elle-même, mais que c’est la pensée du mental qui parle par la bouche ; puis aussi que les mains n’agissent pas d’elles-mêmes et que les pieds ne marchent pas d’eux-mêmes, mais que c’est la volonté du mental qui fait cela par eux ; que par conséquent le mental parle par son organe, et que le mental agit dans le corps par ses organes ; de là il est évident que tel est le mental, telles sont les paroles de la bouche, et telles sont les actions du corps : il suit de là, comme conclusion, que le mental, par un continuel influx, dispose le corps pour des activités conformes et synchrones avec lui ; c’est pourquoi, considérés intérieurement, les corps des hommes ne sont que les formes des mentals organisés extérieurement pour exécuter les desseins de l’Âme. Ceci a été dit par avance, afin qu’on perçoive pourquoi les mentals ou les esprits doivent d’abord être unis entre eux comme par un mariage, avant qu’il y ait union des corps, c’est-à-dire que c’est afin que les mariages appartiennent déjà à l’esprit quand ils deviennent mariages du corps, par conséquent afin que les époux s’aiment d’abord mutuellement d’esprit, et ensuite de corps. Maintenant, d’après ces explications, considérons le mariage : Quand l’amour conjugal conjoint les mentals des deux, et les forme pour le mariage, alors aussi il conjoint et forme leurs corps pour ce mariage ; car, ainsi qu’il a été dit, la forme du mental est aussi intérieurement la forme du corps, avec la seule différence que celle-ci a été extérieurement organisée pour exécuter ce à quoi la forme intérieure du corps est déterminée par le mental : mais le mental, formé d’après l’amour conjugal, est non-seulement intérieurement dans tout le corps, de tout côté, en quelque endroit que ce soit, mais de plus il est intérieurement dans les organes destinés à la génération, qui dans leur région ont été placés au-dessous de toutes les autres régions du corps ; dans ces organes sont terminées les formes du mental chez ceux qui sont unis par l’amour conjugal ; par conséquent les affections et les pensées de leurs mentals y sont déterminées : en cela diffèrent les activités des mentals produits par les autres amours ; les autres amours ne parviennent pas jusque-là : la conclusion qu’on tire de là, c’est que tel est l’amour conjugal dans les mentals ou les esprits de deux époux, tel il est intérieurement dans ces organes qui lui appartiennent. Mais que le mariage de l’esprit après les noces devienne aussi le mariage du corps, et soit ainsi le mariage complet, la chose est évidente par elle-même· ; par conséquent, si un mariage dans l’esprit est chaste, et tient de la sainteté du mariage, il est chaste aussi quand il est à son complet dans le corps ; et pareillement, si un mariage dans l’esprit est inchaste, il est inchaste aussi dans le corps.

311. XV. Tel est l’ordre de l’amour conjugal avec ses moyens depuis sa première chaleur jusqu’à son premier flambeau. Il est dit depuis sa première chaleur jusqu’à son premier flambeau, parce que la chaleur vitale est l’amour, et que la chaleur conjugale ou l’amour croît successivement, et devient enfin comme une flamme ou un flambeau : il est dit jusqu’à son premier flambeau, parce qu’il est entendu le premier état après les noces, quand cet amour est dans l’ardeur. Ce que devient cet amour, dans le mariage lui-même, après cette flamme, cela a été décrit dans les Chapitres qui précèdent ; mais, dans cette partie du Traité, l’ordre de cet amour a été exposé depuis la première barrière de sa course jusqu’à cette première borne. Que tout ordre s’avance des premiers vers les derniers, et que les derniers deviennent les premiers de l’ordre qui suit ; puis aussi que toutes les choses d’un ordre moyen soient les derniers de l’ordre antérieur et les premiers de l’ordre postérieur, et qu’ainsi les fins s’avancent continuellement par les causes dans les effets, c’est ce qui peut être suffisamment confirmé et illustré devant la raison d’après des choses connues et visibles dans le Monde ; mais comme ici il s’agit uniquement de l’ordre dans lequel l’amour s’avance de son premier poste vers sa borne, ces confirmations et ces illustrations sont passées sous silence, et sur ce point il est seulement dit que tel est l’ordre de cet amour depuis sa première chaleur jusqu’à son premier flambeau, tel le plus souvent il est et se trouve dans sa progression dans la suite ; car dans cette progression il se développe tel qu’a été en lui la première chaleur ; si elle a été chaste, son chaste est corroboré dans les progressions ; mais si elle a été inchaste, son inchaste augmente en avançant jusqu’à ce que l’amour soit privé de tout le chaste dans lequel, depuis le temps des fiançailles, il était par le dehors, mais non par le dedans.

312. XVI. L’amour conjugal précipité sans ordre et sans des moyens d’ordre brûle les moelles, et est consumé. C’est ce que quelques-uns disent dans le Ciel ; et par les moelles ils entendent les intérieurs du mental et du corps : si ces intérieurs sont brûlés, c’est-à-dire, consumés par un amour conjugal précipité, c’est parce que cet amour commence alors par la flamme, qui ronge et corrompt ces sanctuaires dans lesquels, comme dans ses principes, l’amour conjugal doit résider, et par lesquels il doit commencer ; c’est ce qui arrive si l’homme et la femme précipitent sans ordre le mariage, en ne tournant pas leurs regards vers le Seigneur, en ne consultant pas la raison, en rejetant les fiançailles, et en n’obéissant qu’à la chair ; si cet amour commence par l’ardeur de la chair, il devient externe et non interne, ainsi non conjugal ; et il peut être appelé coquille sans amande, ou charnel, maigre et sec, parce qu’il est privé de son essence réelle. Sur ce sujet, voir de plus grands détails ci-dessus, No 305.

313. XVII. Les états des mentals de l’un et de l’autre, procédant dans un ordre successif, influent dans l’état du mariage ; cependant, autrement chez les spirituels, et autrement chez les naturels. Que le dernier état soit tel qu’est l’ordre successif d’après lequel il est formé et existe, c’est une règle qui doit être reconnue pour une vérité dans le monde savant ; car ainsi l’on découvre ce qu’est l’influx, et ce qu’il opère : par l’influx il est entendu tout ce qui précède, et compose le suivant, et par les suivants, en ordre, le dernier ; par exemple, tout ce qui précède chez l’homme, et compose sa sagesse ; ou, tout ce qui précède chez le politique, et compose sa prudence ; ou, tout ce qui précède chez le théologien, et compose son érudition ; pareillement tout ce qui procède de l’enfance, et compose un homme ; puis aussi, tout ce qui procède en ordre de la semence et du scion, et fait l’arbre, et ensuite ce qui procède de la fleur et fait le fruit : pareillement tout ce qui précède et procède chez le fiancé et la fiancée, et fait leur mariage ; ainsi est entendu l’influx. Que toutes les choses qui précèdent dans les mentals forment des séries, et que les séries se lient l’une près de l’autre, et l’une après l’autre, et composent ensemble le dernier, c’est ce qui est encore inconnu dans le monde ; mais comme c’est une vérité du Ciel, elle est rapportée ici ; car par elle on découvre ce que l’influx opère, et quel est le dernier, dans lequel les séries susmentionnées, successivement formées, coexistent. D’après ces explications, on peut voir que les états des mentals de l’un et de l’autre procédant en ordre successif influent dans l’état du mariage : mais les époux, après le mariage, sont absolument dans l’ignorance sur les successifs qui, insinués dans leurs mentals (animi) d’après les antécédents, y résident ; toujours est-il, cependant, que ce sont eux qui donnent la forme à l’amour conjugal, et constituent l’état de leurs mentals, état d’après lequel ils agissent l’un envers l’autre. Que chez les Spirituels il soit, d’après un autre ordre, formé un autre état que chez les Naturels, c’est parce que les Spirituels procèdent dans un ordre juste, et que les Naturels procèdent dans un ordre non juste ; car les Spirituels portent leurs regards vers le Seigneur, et le Seigneur pourvoit à l’ordre et le dirige, tandis que les Naturels portent leurs regards sur eux-mêmes, et par suite procèdent dans un ordre renversé ; c’est pourquoi l’état du mariage de ceux-ci est intérieurement rempli de choses inchastes ; et autant il y a de choses inchastes, autant il y a de froideurs, et autant il y a de froideurs, autant il y a d’obstructions de la vie intime, d’après lesquelles la veine est bouchée et la source est tarie.

314. XVIII. Il y a un ordre successif et un ordre simultané, et celui-ci vient de celui-là, et est selon celui-là. Ceci est rapporté comme raison confirmative de ce qui précède. Qu’il y ait un successif et qu’il y ait un simultané, cela est connu ; mais que l’ordre simultané vienne du successif et soit selon le successif, on l’ignore ; or, il est très-difficile de présenter à la perception comment les successifs s’introduisent dans les simultanés, et quel ordre ils y forment, parce que chez les érudits il n’y a jusqu’à présent aucune idée qui serve à jeter de la lumière sur ce point ; et comme la première idée concernant cet arcane ne peut être suggérée en peu de mots, et que la présenter ici avec développement, ce serait détourner les mentals d’une vue plus claire concernant l’amour conjugal, il suffira, pour illustrer ce point, de présenter sur ces deux ordres, le successif et le simultané, et sur l’influx de celui-là dans celui-ci, ce qui a été rapporté en abrégé dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, où on lit ce qui suit : « Il existe dans le Ciel et dans le Monde un Ordre successif et un Ordre simultané ; dans l’Ordre successif une chose suit après l’autre, depuis les suprêmes jusqu’aux infimes ; mais dans l’Ordre simultané une chose est près de l’autre, depuis les intimes jusqu’aux extimes. L’Ordre successif est comme une Colonne avec des degrés depuis le plus haut jusqu’au plus bas ; mais l’ordre simultané est comme un ouvrage cohérent depuis le centre jusqu’à la surface. L’ordre successif devient simultané dans le dernier de cette manière : Les suprêmes de l’ordre successif deviennent les infimes de l’ordre simultané, et les intimes de l’ordre successif deviennent les extimes de l’ordre simultané ; c’est, par comparaison, comme une colonne de degrés qui, en s’affaissant, devient un corps cohérent dans un plan. Ainsi le simultané est formé de successifs ; et cela, dans toutes et dans chacune des choses du Monde spirituel, et aussi dans toutes et dans chacune des choses du Monde naturel », voir les Nos 38, 65, de cette DOCTRINE, et plusieurs autres choses sur ce sujet dans la SAGESSE ANGÉLIQUE SUR LE DIVIN AMOUR ET LA DIVINE SAGESSE, Nos 205 à 229. Il en est de même de l’ordre successif conduisant au mariage, et de l’ordre simultané dans le mariage, à savoir, que celui-ci vient de celui-là, et est selon celui-là. Celui qui connaît l’influx de l’ordre successif dans l’ordre simultané peut comprendre pourquoi les Anges peuvent voir dans la main de l’homme toutes les pensées et les intentions de son mental ; et aussi pourquoi les épouses sentent les affections de leurs maris lorsque les mains de ceux-ci sont sur leur poitrine, chose dont il a été fait mention quelquefois dans les MÉMORABLES ; la raison de cela, c’est que les Mains sont les derniers de l’homme, dans lesquels les choses qu’il a agitées et conclues dans son mental se terminent, et y constituent le simultané : c’est pourquoi aussi dans la Parole il est dit : « Cela a été inscrit dans les mains. »

 

 

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315. À ce qui précède j’ajouterai DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour, non loin de moi, je vis un Météore : Je vis une Nuée divisée en petits nuages, dont quelques-uns étaient bleus, et d’autres opaques ; et je les vis comme se heurtant les uns contre les autres ; à travers ces nuages brillaient, disposés en stries, des rayons qui paraissaient, tantôt pointus comme des épées, tantôt émoussés comme des épées brisées ; ces stries tantôt s’élançaient en avant, tantôt se repliaient sur elles-mêmes, absolument comme des athlètes ; ainsi ces petits nuages de diverses couleurs paraissaient combattre les uns contre les autres, mais c’était un jeu. Et comme ce Météore se présentait non loin de moi, je levai les yeux, et je regardai attentivement, et je vis des enfants, des jeunes gens et des vieillards entrer dans une Maison qui était construite en marbre, et dont les fondements étaient de porphyre ; ce phénomène était au-dessus de cette Maison ; et alors m’adressant à l’un de ceux qui entraient, je lui demandai ce qu’il y avait là ; et il me répondit : « Il y a un Gymnase où les jeunes gens sont initiés dans les diverses choses qui concernent la sagesse. » Ayant entendu cette réponse, j’entrai avec eux ; j’étais en esprit, c’est-à-dire, dans un état semblable à celui où sont les hommes du Monde spirituel, qui sont appelés Esprits et Anges ; et voici, dans ce Gymnase je vis sur le devant une Chaire ; au milieu, des bancs ; sur les côtés tout autour, des sièges ; et au-dessus de l’entrée, un Orchestre : la Chaire était pour les jeunes gens qui devaient cette fois répondre sur un Problème qui allait être proposé ; les bancs étaient pour les auditeurs ; les sièges sur les côtés, pour ceux qui avaient précédemment répondu avec sagesse, et l’Orchestre, pour les Anciens qui devaient être arbitres et juges ; au milieu de l’Orchestre il y avait une Tribune, où était assis un Sage, qu’on appelait le Grand-Maître, qui proposait les problèmes sur lesquels de la Chaire devaient répondre les jeunes gens ; et après que tous furent assemblés, l’Homme de la tribune se leva et dit : « Répondez maintenant, je vous prie, sur ce Problème, et résolvez-le si vous pouvez : QU’EST-CE QUE L’ÂME, ET QUELLE EN EST LA QUALITÉ ? » À cette proposition, tous furent très-étonnés, et il y eut chuchotement, et quelques-uns de l’Assemblée, parmi ceux qui étaient sur les bancs, s’écrièrent : « Qui d’entre les hommes, depuis le siècle de Saturne jusqu’au nôtre, a pu par une pensée de la raison voir et concevoir ce que c’est que l’Âme, et, qui plus est, quelle en est la qualité ? Cela n’est-il pas au dessus de la sphère de l’entendement de tous ? » Mais à cette exclamation on répondit de l’orchestre : « Cela est, non pas au-dessus de l’Entendement, mais dans l’Entendement et devant lui, répondez seulement. » Et les jeunes gens choisis ce jour-là pour monter dans la Chaire et répondre sur le Problème se levèrent ; ils étaient cinq qui avaient été examinés par les Anciens et trouvés pourvus de sagacité, et ils étaient alors assis sur des lits aux côtés de la chaire ; eux donc montèrent ensuite dans l’ordre selon lequel ils étaient assis ; et chacun d’eux, quand il montait, se revêtait d’une tunique de soie couleur opale, sur laquelle il mettait une robe de fine laine brodée en fleurs, et sur sa tête un bonnet au sommet duquel était une rosace entourée de petits saphirs. Et je vis monter ainsi vêtu le Premier, qui dit : « Depuis le jour de la Création il n’a été révélé à personne ce que c’est que l’âme, ni quelle en est la qualité, c’est là un arcane dans les trésors de Dieu seul ; toutefois, ce qui a été découvert, c’est que l’Âme réside dans l’homme comme une Reine ; mais où est la cour de cette reine ? Des Érudits ont donné sur ce sujet leurs inspirations ; quelques-uns ont conjecturé que c’est dans un petit tubercule, entre le Cerveau et le Cervelet, qu’on nomme Glande pinéale : ils se sont figuré le siège de l’Âme dans cette glande, par la raison que l’homme tout entier est gouverné d’après ces deux Cerveaux, et que c’est ce tubercule qui les dispose ; ce qui dispose à son gré les cerveaux dispose donc aussi l’homme tout entier de la tête aux pieds. » Et il ajouta : « Cela par conséquent a semblé vrai ou vraisemblable à plusieurs dans le Monde, mais a été, un siècle après, rejeté comme une fiction. » Quand il eut ainsi parlé, il ôta la robe, la tunique et le bonnet, dont se revêtit le Second des jeunes gens choisis, et celui-ci entra dans la chaire ; son sentiment sur l’Âme fut que « dans le Ciel entier et dans le Monde entier on ignore ce que c’est que l’Âme, et quelle en est la qualité ; on sait que l’Âme existe, et qu’elle est dans l’homme ; mais où ? On cherche à le deviner ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle est dans la Tête, puisque là l’Entendement pense, et la Volonté a l’intention, et que sur le devant, dans la face de la Tête, il y a les Organes les cinq Sens de l’homme ; rien ne donne la vie aux uns et aux autres, sinon l’Âme qui réside intérieurement dans la Tête ; mais où y tient-elle sa Cour ? Je n’oserais le dire ; cependant j’ai penché tantôt pour ceux qui lui ont assigné son siège dans les trois Ventricules du Cerveau, tantôt pour ceux qui l’ont placé là dans les Corps striés, tantôt pour ceux qui l’ont placé dans la Substance médullaire de l’un et de l’autre Cerveau, tantôt pour ceux qui l’ont placé dans la Substance corticale, tantôt pour ceux qui l’ont placé dans la Dure-Mère ; car les suffrages résultant des confirmations pour chacun de ces sièges n’ont pas manqué. Pour les trois Ventricules du Cerveau, les suffrages provenaient de ce que ces ventricules sont les réceptacles des esprits animaux et de toutes les lymphes du Cerveau : pour les Corps striés, les suffrages provenaient de ce que ces corps font la Moelle par laquelle sortent les nerfs, et la Moelle par laquelle l’un et l’autre Cerveau se prolonge dans l’Épine, et que de l’une et de l’autre émanent les fibres dont tout le corps a été tissu : pour la Substance médullaire de l’un et de l’autre Cerveau, les suffrages provenaient de ce qu’elle est la réunion et l’assemblage de toutes les fibres, qui sont les commencements de tout l’homme : pour la Substance corticale, les suffrages provenaient de ce que là sont les fins premières et dernières, et par suite les principes de toutes les fibres, et par conséquent des sens et des mouvements : pour la Dure-Mère, les suffrages provenaient de ce qu’elle est le tégument commun de l’un et de l’autre Cerveau, et que de là par une certaine continuité elle s’étend sur le cœur et sur les viscères du corps. Quant à moi, je ne me décide pas plus pour l’un que pour l’autre de ces sièges ; vous, je vous prie, examinez, et choisissiez celui qui est préférable. » Après qu’il eut ainsi parlé, il descendit de la Chaire, et il donna la tunique, la robe et le bonnet au Troisième, qui, montant dans la Chaire, s’exprima en ces termes : « Que puis-je, moi jeune homme, en présence d’un théorème si sublime ? J’en appelle aux Érudits qui siègent ici sur les côtés ; j’en appelle à vous, Sages, qui êtes dans l’orchestre ; et même j’en appelle aux Anges du Ciel suprême ; est-il quelqu’un qui, d’après sa lumière rationnelle, puisse se former une idée de l’Âme ? Quant au siège de l’Âme dans l’homme ; je puis, moi, comme d’autres, tirer des conjectures ; et je conjecture qu’il est dans le Cœur, et par suite dans le Sang ; et ma conjecture est basée sur ce que le cœur par son sang gouverne et le Corps et la Tête ; car il envoie dans tout le Corps une grande artère appelée Aorte, et dans toute la Tête des artères appelées Carotides ; de là il est généralement admis que l’Âme d’après le cœur soutient, nourrit, vivifie par le sang tout le système organique et du Corps et de la Tête ; à l’appui de cette assertion ajoutez que dans l’Écriture-Sainte il est très-souvent dit l’Âme et le Cœur, par exemple, qu’il faut aimer Dieu de toute Âme et de tout Cœur ; et que Dieu crée en l’homme une Âme nouvelle et un Cœur nouveau, – Deutér. VI. 5. X. 12. XI. 13. XXVI. 16. Jérém. XXXII. 41. Matth. XXII. 37. Marc, XII. 30, 33. Luc, X. 27, et ailleurs ; – et il est dit ouvertement que le Sang est l’Âme de la chair, – Lévit. XVII. 11, 14. – » Quelques-uns, après avoir entendu ces citations, élevèrent la voix, en disant : « Bien ! Bien ! » C’étaient des prêtres. Ensuite le Quatrième, ayant pris les vêtements de celui-ci, et étant entré dans la Chaire, dit : « Je soupçonne aussi, moi, qu’il n’y a personne d’un génie si subtil et si pénétrant, qu’il puisse découvrir ce que c’est que l’Âme, et quelle en est la qualité ; c’est pourquoi je pense que chez celui qui veut la scruter, la subtilité ne sert à rien ; mais néanmoins depuis mon enfance je suis resté dans la foi de l’opinion dans laquelle étaient les Anciens, que l’Âme de l’homme est dans le tout et dans chaque partie de l’homme, et ainsi tant dans la Tête et dans chacune de ses parties que dans le Corps et dans chacune de ses parties, et que c’est une invention frivole de la part des Modernes d’assigner à l’Âme un siège en quelque endroit et non partout ; de plus, l’Âme est une substance spirituelle à laquelle s’appliquent non pas l’extension ni le lieu, mais l’habitation et l’implétion ; et même qui est-ce qui ne comprend la vie, quand il nomme l’âme ? la vie n’est-elle pas dans le tout et dans chaque partie ? » Ce sentiment fut approuvé par un grand nombre dans l’Auditoire. Après celui- ci le Cinquième se leva, et décoré des mêmes insignes il prononça de la Chaire ces paroles : « Je ne m’arrête pas à dire où est l’Âme, si elle est dans quelque partie, ou si elle est de tout côté dans le tout ; mais d’après ce que je trouve en moi je découvrirai mon sentiment sur cette proposition : Qu’est-ce que l’Âme, et quelle en est la qualité ? Quand quelqu’un pense à l’âme, il n’y pense que comme à quelque chose de pur, qui peut être assimilé à l’éther, ou à l’air ou au vent, dans lequel il y a le vital d’après la rationalité que l’homme possède de plus que les bêtes : j’ai fondé cette opinion sur ce qu’on dit de l’homme, quand il expire, qu’il rend le souffle ou qu’il rend l’Âme ou l’esprit ; de là aussi l’on croit que l’Âme qui vit après la mort est un tel souffle, dans lequel il y a une vie cogitative qu’on appelle Âme ; quelle autre chose l’Âme peut-elle être ? Mais comme j’ai entendu dire de l’Orchestre que le problème concernant l’Âme, ce qu’elle est, et quelle en est la qualité, n’est pas au-dessus de l’entendement, mais qu’il est dans l’entendement et devant lui, je vous prie et vous supplie de dévoiler vous-mêmes cet éternel Arcane. » Et les Anciens dans l’Orchestre portèrent leurs regards sur le Grand-Maître qui avait proposé ce problème, et qui comprit par leurs signes qu’ils désiraient qu’il descendît et instruisît l’Assemblée ; et aussitôt il descendit de la Tribune, traversa l’Auditoire et monta dans la Chaire ; et là, étendant la main, il dit : « Écoulez, je vous prie ; qui est-ce qui ne croit pas que l’Âme est l’intime et très-subtile Essence de l’homme ? Mais une Essence sans Forme, qu’est-ce autre chose qu’un être de raison ? L’Âme est donc une Forme ; mais quelle forme ? C’est ce que je vais dire : C’est la forme de toutes les choses qui appartiennent à l’amour et de toutes celles qui appartiennent à la sagesse ; toutes celles qui appartiennent à l’amour sont appelées affections, et toutes celles qui appartiennent à la sagesse sont appelées perceptions ; les perceptions proviennent des affections, et ainsi font avec elles une seule forme, dans laquelle des choses innombrables sont dans un tel ordre, une telle série et une telle cohérence, qu’elles peuvent être nommées un ; et elles peuvent être nommées un, parce que, pour qu’elle soit telle, il n’en peut être rien retranché, et il ne peut y être rien ajouté ; qu’est-ce que l’Âme humaine, sinon une telle forme ? Toutes les choses qui appartiennent à l’Amour et toutes celles qui appartiennent à la Sagesse ne sont-elles pas les essentiels de cette forme ? Et ces essentiels chez l’homme sont dans l’Âme, et d’après l’Âme dans la tête et dans le corps : vous, vous êtes appelés Esprits et Anges, et vous avez cru dans le Monde que les Esprits et les Anges étaient comme des vents ou des éthers, et ainsi des mentals (mentes et animi) ; et maintenant vous voyez clairement que vous êtes véritablement, réellement et en actualité des hommes, qui dans le Monde avez vécu et pensé dans un corps matériel, et qui avez su que ce n’est pas le Corps matériel qui vit et pense, mais que c’est une Substance spirituelle dans ce corps, et avez appelé Âme cette Substance dont sous ne connaissiez pas la forme, et cependant vous l’avez vue à présent et vous la voyez ; vous tous, vous êtes des Âmes, sur l’immortalité desquelles vous avez entendu, pensé, dit et écrit tant de choses ; et comme vous êtes des formes de l’amour et de la sagesse procédant de Dieu, vous ne pouvez point mourir dans l’éternité : l’Âme est donc la forme humaine, de laquelle rien ne peut être retranché, et à laquelle rien ne peut être ajouté, et elle est la forme intime de toutes les formes du corps entier ; et comme les formes qui sont au dehors reçoivent de la forme intime et l’essence et la forme, c’est pour cela que vous, ainsi que vous apparaissez devant vous-mêmes et devant nous, vous êtes des Âmes ; en un mot, l’Âme est l’homme lui-même, parce qu’elle est l’homme intime ; c’est pourquoi sa forme est pleinement et parfaitement la forme humaine ; cependant elle n’est point la vie, mais elle est le plus proche réceptacle de la vie procédant de Dieu, et ainsi l’habitacle de Dieu. » Cette explication fut applaudie par le plus grand nombre ; mais quelques-uns disaient : « Nous examinerons. » Moi, alors, je m’en allai à ma demeure ; et voici, sur ce Gymnase, au lieu du premier Météore, il apparut une Nuée blanche sans stries ou sans rayons combattant entre eux ; cette Nuée, traversant le toit, entra et éclaira les murailles ; et j’appris qu’ils voyaient des Écritures, et entre autres aussi celle-ci : « Jéhovah Dieu souffla dans les narines de l’homme une ÂME DE VIE, et fut fait l’Homme en ÂME VIVANTE. » – Gen. II. 7.

316. SECOND MÉMORABLE. Un jour que je me promenais jouissant d’un repos du mental (animus) et d’une douce paix du mental (mens), je vis de loin un Bocage au milieu duquel il y avait un Portique qui conduisait à un petit Palais ; et je vis des vierges et des jeunes hommes, des maris et des épouses, qui entraient ; je m’en approchai aussi en esprit, et je demandai à une sorte de gardien qui se tenait à l’entrée, s’il m’était aussi permis d’entrer. Il me regarda ; et je lui dis : « Pourquoi me regardes-tu ? » Il répondit : « Je te regarde pour voir si le plaisir de la paix, qui est dans ta face, tire quelque chose du plaisir de l’amour conjugal ; après ce Portique il y a un petit Jardin, et au milieu de ce jardin une Maison, où sont deux nouveaux Époux, que leurs amis des deux sexes viennent visiter aujourd’hui pour leur présenter leurs félicitations ; ceux que je laisse entrer, je ne les connais point, moi ; mais il m’a été dit que je les connaîtrais à leurs faces, et que, si je voyais en elles le plaisir de l’Amour conjugal, je les admettrais, et non d’autres. » Tous les Anges peuvent, d’après les faces, voir les plaisirs du cœur des autres ; et le plaisir de cet amour, qu’il vit dans ma face, c’était que je méditais sur l’Amour conjugal ; cette méditation brillait par mes yeux, et par suite elle entra dans les intérieurs de ma face ; aussi me dit-il qu’il m’était permis d’entrer. Le Portique par lequel j’entrai était composé d’arbres fruitiers liés mutuellement entre eux par les branches, qui formaient de chaque côté un espalier continu ; par le Portique j’entrai dans le petit Jardin, dont les arbustes et les fleurs répandaient une odeur agréable ; les arbustes et les fleurs étaient par paires ; et j’appris que de tels jardins apparaissent autour des maisons où il y a et où il y a eu des noces, et que de là ils sont appelés Jardins nuptiaux. J’entrai ensuite dans la maison, où je vis les deux époux qui se tenaient par les mains, et qui s’entretenaient d’après l’amour vraiment conjugal ; et alors d’après leurs faces il me fut donné de voir l’image de l’amour conjugal, et d’après leur entretien le vital de cet amour. Après que je leur eus, avec plusieurs autres personnes, présenté mes vœux et mes félicitations, je sortis dans le Jardin nuptial, et je vis à la droite une Compagnie de jeunes hommes, vers laquelle accouraient tous ceux qui sortaient de la Maison ; si tous y accouraient, c’était par cette raison que là on s’entretenait de l’Amour conjugal, et qu’un tel entretien attire à soi les mentals (animi) de tous par une certaine force occulte. J’écoutai alors le Sage qui parlait sur ce point, et ce que j’entendis était en somme ce qui suit : Que la Divine Providence du Seigneur est très-singulière et par suite très-universelle au sujet des Mariages et dans les Mariages dans les Cieux, parce que toutes les félicités du Ciel découlent des plaisirs de l’Amour conjugal, comme des eaux douces découlent de la veine douce d’une fontaine ; qu’en conséquence il est pourvu par le Seigneur à ce qu’il naisse des Couples Conjugaux, et qu’ils soient continuellement élevés pour le mariage sans que la petite fille et le petit garçon en sachent rien ; qu’après un certain temps, elle étant devenue vierge nubile, et lui étant devenu propre au mariage, ils se rencontrent quelque part comme par hasard, et se voient mutuellement ; qu’aussitôt alors, comme par une sorte d’instinct, ils connaissent qu’ils sont faits l’un pour l’autre, et que par une sorte de dictamen intérieur ils pensent en eux-mêmes, le jeune homme, « celle-ci est la mienne », et la jeune fille, « celui-ci est le mien » ; qu’après que cette pensée a résidé quelque temps dans les mentals de l’un et de l’autre, ils s’adressent la parole de propos délibéré et se promettent l’un à l’autre. Il est dit comme par hasard, et comme par instinct, et il est entendu par la Divine Providence, parce que la Divine Providence apparaît ainsi quand elle n’est point connue. Qu’il naisse des Couples conjugaux, et qu’ils soient élevés pour le mariage, à l’insu de l’un et de l’autre, ce sage le confirma par la ressemblance conjugale visible dans les faces de l’un et de l’autre ; puis aussi par l’union intime et éternelle des mentals (animi) et des mentals (mentes), qui ne peuvent pas exister, comme cela a lieu dans le Ciel, sans que le Seigneur l’ait prévu et y ait pourvu. Après que le Sage eut dit ces choses, et que la Compagnie y eut applaudi, il ajouta que dans les très-singuliers chez l’homme, tant mâle que femelle, il y a le Conjugal, mais que cependant autre est le Conjugal chez le mâle, et autre il est chez la femelle ; puis aussi, que dans le Conjugal masculin il y a le conjonctif avec le Conjugal féminin, et vice versa, même dans les très-singuliers ; il confirma cela par le mariage de la volonté et de l’entendement dans chacun, ces deux facultés agissant ensemble dans les très-singuliers du mental et dans les très-singuliers du corps, d’où l’on peut voir que dans chaque substance, même la plus petite, il y a le Conjugal ; et que cela se manifeste par les substances composées qui ont été formées de substances simples ; par exemple, en ce qu’il y a deux yeux, deux oreilles, deux narines, deux joues, deux lèvres, deux bras et deux mains, deux lombes, deux pieds, et à l’intérieur dans l’homme deux hémisphères du cerveau, deux ventricules du cœur, deux lobes du poumon, deux reins, deux testicules, et que partout où il n’y a pas deux, il y a toujours division en deux ; s’ils sont deux, c’est parce que l’un appartient à la volonté et l’autre à l’entendement, qui agissent admirablement en eux pour ne présenter qu’un seul ; c’est pourquoi les deux yeux font une seule vue, les deux oreilles une seule ouïe, les deux narines un seul odorat, les deux lèvres un seul langage, les deux mains un seul labeur, les deux pieds une seule marche, les deux hémisphères du cerveau une seule habitation du mental, les deux chambres du cœur une seule vie du corps au moyen du sang, les deux lobes du poumon une seule respiration, et ainsi du reste ; mais le masculin et le féminin, unis par l’amour vraiment conjugal, font une seule vie pleinement humaine. Pendant qu’il disait ces choses, il apparut à la droite un éclair qui était rouge, et à la gauche un éclair qui était d’un blanc éclatant ; l’un et l’autre étaient doux, et ils entraient par les yeux dans les mentals, et les éclairaient aussi ; et après ces éclairs il y eut aussi du tonnerre, c’était un léger murmure qui découlait du Ciel angélique et allait en s’accroissant. Après avoir vu et entendu ces éclairs et ce tonnerre, le Sage dit : « C’est là pour moi un signe et un avertissement d’ajouter à ce que je viens de dire ces explications : La droite de ces couples signifie leur bien, et la gauche signifie leur vrai ; et cela vient du mariage du bien et du vrai, qui a été inscrit chez l’homme dans son commun et dans chacun de ses singuliers, et le bien se réfère à la volonté et le vrai à l’entendement, et tous deux ensemble à un ; de là vient que dans le Ciel l’œil droit est le bien de la vue, et que l’œil gauche en est le vrai ; que l’oreille droite est le bien de l’ouïe, et que l’oreille gauche en est le vrai, que la main droite est le bien de la puissance de l’homme, et que la main gauche en est le vrai ; et pareillement pour les autres couples ; et comme la Droite et la Gauche ont ces significations, le Seigneur a dit : Si ton œil droit est pour toi un sujet de chute, arrache-le ; et : Si ta main droite est pour toi un sujet de chute, coupe-la (Matth. V. 29, 30) ; par là il entendait que si le bien devient mal, il doit être rejeté ; il a dit aussi aux Disciples de jeter le filet du côté droit de la barque, et lorsqu’ils l’eurent jeté ils prirent une grande multitude de poissons (Jean, XXI. 6, 7) ; par là il entendait qu’ils devaient enseigner le bien de la charité, et qu’ainsi ils ramasseraient des hommes. » Quand il eut dit ces choses, les deux éclairs apparurent de nouveau, mais plus doux que la première fois, et il semblait alors que l’éclair de gauche tirait son blanc éclatant du feu rutilant de l’éclair de droite ; à cette vue il dit : « C’est là un signe du Ciel pour confirmer mon discours, car l’igné dans le Ciel est le bien, et le blanc éclatant y est le vrai ; et comme il a semblé que l’éclair de gauche tirait son blanc éclatant du feu rutilant de l’éclair de droite, c’est un signe démonstratif que le blanc éclatant de la lumière, ou la lumière, n’est autre chose que la splendeur du feu. » Après avoir entendu ces paroles, tous s’en retournèrent chez eux, embrasés du bien et du vrai d’une allégresse produite par ces éclairs et par l’explication qui en avait été donnée.

 

 

 

DES MARIAGES RÉITÉRÉS.

 

 

317. Il est possible qu’on pose pour question si l’amour conjugal, qui est celui d’un seul mari avec une seule épouse, peut, après la mort de l’un des époux, être séparé, ou transféré, ou revêtu ; puis aussi, si les mariages réitérés ont quelque chose de commun avec la Polygamie, et par conséquent s’ils peuvent être appelés de successives polygamies ; sans parler de plusieurs autres choses qui ont coutume d’ajouter scrupules sur scrupules chez les hommes d’un esprit raisonneur ; afin donc que les maîtres en recherches curieuses, qui raisonnent dans l’ombre sur ces mariages, voient quelque lumière, j’ai pensé qu’il serait à propos de présenter sur ce sujet à leur jugement les Articles qui suivent : I. Après la mort de l’un des époux, contracter de nouveau un mariage dépend du précédent amour conjugal. II. Cela dépend aussi de l’état du mariage dans lequel les époux ont vécu. III. Pour ceux chez qui il n’y a pas eu d’amour vraiment conjugal, il n’y a ni obstacle ni préjudice à contracter de nouveau un mariage. IV. Ceux qui ont vécu entre eux dans l’amour vraiment conjugal ne veulent pas de mariage réitéré, si ce n’est pour des raisons séparées d’avec l’amour conjugal. V. Autre est l’état du mariage d’un jeune homme avec une vierge, et autre celui du mariage d’un jeune homme avec une veuve. VI. Autre aussi est l’état du mariage d’un veuf avec une vierge, et autre celui du mariage d’un veuf avec une veuve. VII. Les variétés et les diversités de ces mariages, quant à l’amour et à ses attributs, sont innombrables. VIII. L’état de veuve est plus fâcheux que celui de veuf. Suit maintenant l’explication des Articles.

318. I. Après la mort de l’un des époux, contracter de nouveau un mariage dépend du précédent amour conjugal. L’amour vraiment conjugal est comme une balance dans laquelle sont pesées les inclinations à des mariages réitérés ; autant l’amour conjugal précédent approche de l’amour vraiment conjugal, autant s’éloigne l’inclination à un mariage réitéré ; mais autant l’amour précédent s’éloigne de cet amour, autant l’inclination à un autre mariage a coutume de s’approcher : la raison en est évidente, c’est que l’amour conjugal est en semblable degré la conjonction des mentals, laquelle reste dans la vie du corps de l’un après le décès de l’autre, et cette conjonction tient l’inclination comme une balance en équilibre, et fait un surpoids selon l’appropriation du véritable amour ; mais comme aujourd’hui on approche rarement de cet amour, sinon de quelques pas, c’est pour cela que l’échelle du surpoids de l’inclination s’élève pour l’ordinaire à l’état d’équilibre, et de là vacille et tend vers l’autre côté, c’est-à-dire, vers le mariage. Le contraire a lieu chez ceux dont l’amour précédent dans le premier mariage s’est éloigné de l’amour vraiment conjugal ; et cela, parce que l’éloignement de cet amour est en semblable degré la disjonction des mentals, laquelle aussi reste dans la vie du corps de l’un après le décès de l’autre, et celle-ci entre dans la volonté disjointe d’avec celle de l’autre, et forme l’inclination pour une nouvelle conjonction, pour laquelle la pensée poussée par l’inclination de la volonté apporte l’espoir d’une cohabitation plus unie, et par conséquent plus agréable. Que les inclinations pour des mariages réitérés tirent leur origine de l’état de l’amour précédent, cela est connu, et la raison aussi le voit ; en effet, dans l’amour vraiment conjugal il y a la crainte de sa perte, et après la perte il y a une douleur, et cette douleur et cette crainte sont dans les intimes mêmes des mentals ; de là vient que, autant il y a de cet amour, autant l’âme incline et de volonté et de pensée, c’est-à-dire, d’intention, à être dans le sujet avec lequel et dans lequel elle a été ; il suit de là que le mental est tenu en balance vers un second mariage selon le degré d’amour où il a été dans le premier ; c’est de là qu’après la mort les mêmes se réunissent, et s’aiment mutuellement de la même manière que dans le monde : mais, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, cet amour est rare aujourd’hui, et il en est peu qui l’atteignent du doigt ; et ceux qui ne l’atteignent pas et plus encore ceux qui s’en éloignent beaucoup, ceux-là, de même qu’ils ont désiré ardemment la séparation dans la vie précédemment passée ensemble, vie qui a été froide, de même après la mort ils désirent ardemment une conjonction, l’homme avec une autre femme, et la femme avec un autre homme ; mais dans la suite il en sera dit davantage sur ces divers sujets.

319. II. Après la mort de l’un des époux, contracter de nouveau un mariage dépend aussi de l’état du mariage dans lequel les époux ont vécu. Par l’état du mariage il n’est pas entendu ici l’état de l’amour, dont il a été parlé dans l’Article précédent, parce que cet état de l’amour fait l’inclination interne pour le mariage ou d’après le mariage, mais il est entendu l’état du mariage qui fait l’inclination externe pour ou d’après le mariage, et cet état avec ces inclinations est multiple ; par exemple, 1o S’il y a des enfants dans la maison, et qu’il faille les pourvoir d’une nouvelle mère. 2o Si l’on désire avoir encore plusieurs enfants. 3o Si la maison est considérable, et qu’il y ait des domestiques de l’un et de l’autre sexe. 4o Si les affaires du dehors détournent le mental du soin des affaires domestiques, et que d’après cela il y ait crainte de malheur et de ruine sans une nouvelle maîtresse de maison. 5o Si de mutuels secours et devoirs l’exigent ; par exemple, dans divers négoces et travaux. 6o En outre, c’est le caractère de l’époux, veuf ou veuve, qui décide si, après le premier mariage, il peut ou ne peut pas vivre seul ou sans une nouvelle compagnie. 7o Le mariage précédent aussi, ou donne de la crainte pour la vie conjugale, ou lui est favorable. 8o J’ai été informé que l’amour polygamique, et l’amour du sexe, puis aussi le désir libidineux de la défloration, et le désir libidineux de la variété, induisaient les mentals (animi) de quelques-uns à désirer avec ardeur de nouveaux mariages ; comme aussi les mentals (animi) de quelques autres y étaient induits par la crainte de la loi et de la perte de la réputation, s’ils se livraient à la fornication ; outre plusieurs autres motifs, qui poussent les inclinations externes vers le mariage.

320. III. Pour ceux chez qui il n’y a pas eu d’amour vraiment conjugal, il n’y a ni obstacle ni préjudice à contracter de nouveau un mariage. Pour ceux chez qui il n’y a pas eu d’amour conjugal, il n’y a aucun lien spirituel ou interne, mais seulement il y a un lien naturel ou externe ; et si un lien interne ne contient pas le lien externe dans son ordre et dans sa teneur, celui-ci ne persiste que comme une écharpe qui, n’étant pas retenue par un nœud, s’étend selon le jet ou le vent ; cela vient de ce que le naturel tire son origine du spirituel, et que dans son existence il n’est autre chose qu’un assemblage massif de spirituels ; si donc le naturel est séparé de son spirituel qui le produit et pour ainsi dire l’engendre, il n’est plus contenu intérieurement, mais il ne l’est qu’extérieurement par le spirituel qui l’entoure et le lie dans le commun, sans l’unir ni le tenir uni dans le singulier : de là vient que le naturel séparé du spirituel chez deux époux ne fait aucune conjonction des mentals, ni par conséquent des volontés, mais fait seulement une conjonction de quelques affections externes, qui sont cohérentes aux sens du corps. Si pour ceux qui sont tels, il n’y a ni obstacle ni préjudice à contracter de nouveau un mariage, c’est parce que les essentiels du mariage n’ont pas été en eux, et que par conséquent il n’y en a aucun en eux après la séparation par la mort ; c’est pour cela qu’ils sont alors en pleine liberté de lier leurs affections sensuelles, le veuf avec une femme quelconque, et la veuve avec quiconque lui plaît, pourvu qu’il n’existe pas d’empêchement : eux-mêmes ne pensent au sujet des mariages que d’une manière naturelle, et d’après des avantages concernant diverses nécessités et utilités externes, qui après la mort de l’un d’eux peuvent être de nouveau rétablies par une autre personne à la place de la précédente ; et peut-être même, si leurs pensées intérieures étaient clairement vues, comme elles le sont dans le Monde spirituel, on ne trouverait en eux aucune distinction entre les conjonctions conjugales et les copulations extra-conjugales. S’il leur est permis de contracter des mariages de nouveau et de nouveau, c’est, comme il a été dit ci-dessus, parce que les conjonctions seulement naturelles sont dissoutes d’elles-mêmes et détruites après la mort ; car par la mort les affections externes suivent le corps et sont ensevelies avec lui, il ne reste que celles qui sont cohérentes avec les internes. Mais il faut qu’on sache que les mariages intérieurement conjonctifs peuvent difficilement être introduits dans les terres, parce que le Seigneur n’y peut pas pourvoir, comme dans les Cieux, à des choix de ressemblances internes, car elles ont été limitées de bien des manières ; par exemple, à l’égalité d’état et de condition, en dedans de la contrée, de la ville, et de la bourgade où l’on demeure, et là pour l’ordinaire ce sont les externes qui lient les futurs époux, et non par conséquent les internes, lesquels ne se montrent qu’après quelque temps de mariage, et ne sont connus que quand ils se mêlent avec les externes.

IV. Ceux qui ont vécu entre eux dans l’amour vraiment conjugal, ne veulent pas de mariage réitéré, si ce n’est pour des raisons séparées d’avec l’amour conjugal. Si ceux qui ont vécu dans l’amour vraiment conjugal ne veulent pas, après la mort de leur conjoint, contracter de nouveau un mariage, en voici les raisons : 1o C’est qu’ils ont été unis quant aux âmes, et par suite quant aux mentals, et que cette union, étant spirituelle, est une adjonction actuelle de l’âme et du mental de l’un à l’âme et au mental de l’autre, adjonction qui ne peut nullement être dissoute ; que telle soit la conjonction spirituelle, cela a déjà été montré plusieurs fois. 2o C’est qu’ils ont été unis quant au corps par la réception des propagations de l’âme du mari de la part de l’épouse, et ainsi par l’insertion de sa vie dans la sienne, ce qui fait que la jeune fille devient épouse ; et réciproquement par la réception de l’amour conjugal de l’épouse de la part du mari, réception qui dispose les intérieurs de son mental, et en même temps les intérieurs et les extérieurs de son corps, dans l’état réceptible de l’amour et perceptible de la sagesse, ce qui fait que le jeune homme devient mari, voir ci-dessus, No l98. 3o C’est que la sphère de l’amour procédant de l’épouse, et la sphère de l’entendement procédant du mari, effluent sans cesse, et perfectionnent les conjonctions, et que ces sphères avec leurs douces exhalaisons sont autour d’eux et les unissent, voir aussi ci-dessus, No 223. 4o C’est que les époux ainsi unis dans le mariage pensent et aspirent à l’éternité, et que sur cette idée est fondée leur félicité éternelle, voir No 216. 5o Il résulte de ces diverses considérations qu’ils ne sont plus deux, mais sont un seul homme, c’est-à-dire, une seule chair. 6o Un tel un ne peut pas être divisé par la mort de l’un des deux ; cela est bien manifeste devant la vue oculaire de l’esprit. 7o À ces raisons il sera ajouté cette nouvelle information ; c’est que ces deux, après la mort de l’un, ne peuvent néanmoins être séparés, puisque l’esprit du défunt ou de la défunte cohabite sans cesse avec l’esprit de celle ou de celui qui a survécu, et cela jusqu’à la mort du survivant, quand de nouveau ils se rejoignent et se réunissent, et qu’ils s’aiment plus tendrement qu’auparavant, parce qu’ils sont dans le Monde spirituel. De là découle cette conséquence irréfragable, que ceux qui ont vécu dans l’amour vraiment conjugal ne veulent pas de mariage réitéré. Or, si plus tard ils contractent quelque chose de semblable au mariage, c’est pour des raisons séparées d’avec l’amour conjugal, et ces raisons sont toutes externes ; par exemple, s’il y a des enfants dans la maison, et qu’il faille pourvoir à leur soin ; si la maison est considérable, et qu’il y ait des domestiques des deux sexes ; si les affaires du dehors détournent le mental des affaires domestiques ; si des secours et devoirs mutuels sont des nécessités ; et autres choses semblables.

322. V. Autre est l’état du mariage d’un jeune homme avec une vierge, et autre celui du mariage d’un jeune homme avec une veuve. Par les états du mariage il est entendu les états de la vie de l’un et de l’autre, du mari et de l’épouse, après les noces, ainsi dans le mariage, telle qu’est alors la cohabitation, soit qu’il y ait cohabitation interne des âmes et des mentals, ce qui dans l’idée principale est la cohabitation, ou qu’il n’y ait que la cohabitation externe des mentals (animi), des sens et du corps. L’état du mariage d’un jeune homme avec une vierge est l’état initial même pour le mariage réel, car entre eux l’amour conjugal peut procéder dans son ordre juste, c’est-à-dire, depuis la première chaleur jusqu’au premier tombeau, et ensuite depuis la première semence chez le jeune homme-mari, et la première fleur chez la vierge-épouse, et ainsi germer, croître et fructifier, et s’introduire mutuellement en eux ; s’il en est autrement, le jeune homme n’a été jeune homme, et la vierge n’a été vierge, que dans la forme externe. Mais entre un jeune homme et une veuve, il n’y a pas une semblable initiation au mariage à partir des prémices, ni une semblable progression dans le mariage, puisque la veuve dispose davantage de sa liberté et de son droit que la vierge ; c’est pourquoi le jeune homme adresse ses caresses à l’épouse-veuve d’un autre œil qu’à l’épouse-vierge. Mais en cela il y a beaucoup de variété et de diversité, c’est pourquoi il n’est rapporté que ce point commun.

323. VI. Autre aussi est l’état du mariage d’un veuf avec une vierge, et autre celui du mariage d’un veuf avec une veuve. En effet, le veuf a déjà été initié à la vie conjugale, et la vierge doit y être initiée, et cependant l’amour conjugal perçoit et sent son charme et son plaisir dans une mutuelle initiation ; dans tout ce qui survient, le jeune homme-mari et la vierge-épouse perçoivent et sentent des choses toujours nouvelles, d’après lesquelles ils sont dans une sorte d’initiation continuelle, et par suite dans une agréable progression : il en arrive autrement dans l’état du mariage d’un veuf avec une vierge ; il y a dans la vierge-épouse une inclination interne, mais chez le mari elle est passée ; toutefois en cela il y a beaucoup de variété et de diversité ; pareillement dans le mariage entre un veuf et une veuve ; c’est pourquoi, outre cette notion commune, il ne sera rien ajouté de particulier.

324. VII. Les variétés et les diversités de ces mariages, quant à l’amour et à ses attributs, sont innombrables. Il y a de toutes choses une Variété infinie, et il y a aussi une diversité infinie : par Variétés, ici, il est entendu les variétés entre les choses qui sont d’un même genre ou d’une même espèce, puis aussi entre les genres, et entre les espèces ; et par Diversités, ici, il est entendu les diversités entre les choses qui sont dans l’opposé : notre idée sur la distinction des variétés et des diversités peut être illustrée par ceci : Le Ciel angélique, qui est cohérent comme un, est dans une variété infinie, il n’y a pas là un seul ange absolument semblable à un autre, ni quant aux âmes et aux mentals, ni quant aux attractions, aux perceptions et par conséquent aux pensées, ni quant aux inclinations et par suite aux intentions, ni quant au son de la voix, à la face, au corps, aux gestes, à la marche et à plusieurs autres choses ; et cependant, quoiqu’il y ait des myriades de myriades d’anges, ils ont été et sont mis en ordre par le Seigneur dans une seule forme, dans laquelle il y a pleinement unanimité et concorde, ce qui ne serait pas possible si tous ces anges si différents, universellement et singulièrement, n’étaient pas conduits par un Seul. Ce sont là les choses que nous entendons ici par Variétés. Mais par Diversités nous entendons les opposés de ces variétés, lesquels sont dans l’Enfer ; car là tous et chacun sont diamétralement opposés à ceux qui sont dans le Ciel ; et l’Enfer, qui en est composé, est contenu comme un par des variétés entre eux absolument contraires aux variétés dans le Ciel, ainsi par des diversités perpétuelles. D’après ces explications, on voit ce qui est perçu par variété infinie, et ce qui est perçu par diversité infinie. Il en est de même des Mariages, à savoir, qu’il y a des variétés infinies chez ceux qui sont dans l’Amour conjugal et des variétés infinies parmi ceux qui sont dans l’Amour scortatoire, et qu’ainsi il y a des diversités infinies entre ceux-ci et ceux-là. De ces prémices découle cette conclusion que les variétés et les diversités dans les mariages de tout genre et de toute espèce, soit d’un jeune homme et d’une vierge, soit d’un jeune homme avec une veuve, soit d’un veuf avec une vierge, soit d’un veuf avec une veuve, sont innombrables ; qui est-ce qui peut diviser l’infinité en nombres ?

325. VIII. L’état de veuve est plus fâcheux que celui de veuf. Il y a de cela des causes externes, et il y a des causes internes ; les causes externes sont à la vue de chacun, par exemple : 1o La Veuve ne peut pas pourvoir pour elle-même et pour sa maison aux nécessités de la vie, ni disposer des choses acquises, comme le peut le mari, et comme elle le pouvait auparavant par le mari, et avec le mari. 2o Elle ne peut non plus défendre ni soi-même ni sa maison, comme il le faut ; car le mari, quand elle était épouse, était son soutien et comme son bras ; et lorsqu’elle était elle-même son propre soutien, elle comptait néanmoins sur son mari. 3o D’elle-même elle est irrésolue dans les choses qui appartiennent à la sagesse intérieure et par suite à la prudence. 4o La Veuve est sans réception de l’amour dans lequel elle est comme femme, ainsi elle est dans un état étranger à l’état inné et introduit en elle par le mariage. Ces causes externes, qui sont naturelles, tirent aussi leur origine des causes internes, qui sont spirituelles, comme toutes les autres choses dans le monde et dans le corps, ainsi qu’il a été montré ci-dessus, No 220 : ces causes externes naturelles sont perçues d’après les causes internes spirituelles, qui procèdent du mariage du bien et du vrai, et principalement d’après celles-ci : Que le bien ne peut pourvoir à aucune chose, ni disposer aucune chose, que par le vrai ; que le bien ne peut non plus se défendre que par le vrai, que par conséquent le vrai est le soutien et comme le bras du bien ; que le bien sans le vrai est irrésolu, parce qu’il n’a la résolution, la sagesse et la prudence que par le vrai. Or, comme le Mari par création est le vrai, et que l’Épouse par création est le Bien de ce vrai, ou, ce qui est la même chose, comme le Mari par création est l’entendement, et que l’Épouse par création est l’amour de cet entendement, il est évident que les causes externes ou naturelles, qui rendent plus fâcheux le veuvage de la femme, tirent leur origine des causes internes ou spirituelles. Ces causes spirituelles sont celles qui, jointes aux causes naturelles, sont entendues dans la Parole par ce qui est dit des veuves en beaucoup d’endroits ; voir l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 764.

 

 

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326. À ce qui précède j’ajouterai DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Après que le Problème sur l’Âme eut été discuté et résolu dans le Gymnase, je vis sortir en ordre les membres de l’Assemblée, et devant eux le Grand Maître, après lui les Anciens, au milieu desquels étaient les cinq jeunes gens qui avaient répondu, et après eux tous les autres ; et quand ils furent sortis, ils se retirèrent sur les côtés autour de la maison, où étaient des promenades environnées d’arbustes ; et, s’y étant rassemblés, ils se divisèrent en petits groupes, formant autant de compagnies de jeunes gens qui discouraient ensemble sur des sujets de sagesse ; dans chaque groupe il y avait un des Sages de l’Orchestre. Les ayant vus de mon logement, je devins en esprit, et je sortis en esprit vers eux, et je m’approchai du Grand-Maître qui venait de proposer le problème sur l’Âme. Quand celui-ci me vit, il me dit : « Je suis bien étonné ; depuis que je l’ai vu dans le chemin t’approcher, tantôt tu tombais sous ma vue, et tantôt tu m’échappais, ou tantôt je te voyais, et tout à coup je ne te voyais plus ; certainement tu n’es point dans l’état de vie des nôtres. » À cela je répondis en souriant : « Je ne suis ni un bouffon, ni un vertumne, mais je suis alternatif, tantôt dans votre lumière, et tantôt dans votre ombre, par conséquent étranger ici et aussi indigène. » À cette réponse le Grand-Maître me regarda et me dit : « Tes paroles sont étranges et surprenantes ; dis-moi qui tu es » ; et je dis : « Je suis dans le Monde ou vous avez été, et d’où vous êtes sortis, qui est appelé MONDE NATUREL, et je suis aussi dans le Monde où vous êtes venus, et où vous êtes, qui est appelé MONDE SPIRITUEL ; de là vient que je suis dans l’état naturel, et en même temps dans l’état spirituel ; dans l’état naturel, avec les hommes de la terre, et dans l’état spirituel avec vous ; et quand je suis dans l’état naturel, je ne suis pas visible pour vous ; mais quand je suis dans l’état spirituel, je deviens visible ; si je suis tel, cela m’a été donné par le Seigneur : quant à Toi, Homme illustré, tu sais que l’homme du Monde naturel ne voit pas l’homme du Monde spirituel, et vice versa ; c’est pourquoi quand je plongeais mon esprit dans le corps, je n’étais pas visible pour toi, mais quand je le retirais du corps, je devenais visible : tu as aussi enseigné dans le Gymnase que vous, vous êtes des âmes, et que les âmes voient les âmes, parce qu’elles sont des formes humaines ; et tu sais que vous ne vous êtes point vus, ou n’avez point vu vos âmes dans vos corps, quand vous étiez dans le monde naturel ; et cela existe à cause de la différence qu’il y a entre le Spirituel et le Naturel. » Lorsqu’il eut entendu parler de différence entre le Spirituel et le Naturel, il dit : « Qu’est-ce que cette différence ? N’est-ce pas comme entre ce qui est plus pur et ce qui est moins pur ? Ainsi, qu’est-ce que le Spirituel sinon un Naturel plus pur ? » Et je répondis : Telle n’est pas la différence ; mais elle est telle qu’est la différence entre l’antérieur et le postérieur, entre lesquels il n’y a pas de raison finie, car l’antérieur est dans le postérieur comme la cause est dans son effet, et le postérieur vient de l’antérieur comme l’effet vient de sa cause ; c’est de là que l’un n’apparaît pas à l’autre. » Alors le Grand-Maître dit : « J’ai médité et réfléchi sur cette différence, mais en vain jusqu’à présent ; oh ! que je désirerais la percevoir ! » Et je dis : « Non-seulement tu percevras la différence entre le Spirituel et le Naturel, mais même tu la verras. » Et alors je lui parlai ainsi : « Toi, tu es dans l’état spirituel quand tu es chez les tiens, mais dans l’état naturel quand tu es chez moi, car avec les tiens tu parles la Langue spirituelle, qui est commune à tout Esprit et à tout Ange, mais avec moi tu parles ma Langue propre ; car tout Esprit et tout Ange qui parle avec un homme parle la Langue propre de cet homme, ainsi la Langue française avec un Français, l’anglaise avec un Anglais, la grecque avec un Grec, l’arabe avec un Arabe, et ainsi du reste. Afin donc que tu connaisses la différence entre le Spirituel et le Naturel quant aux Langues, fais ainsi : Rentre vers les tiens, et là prononce quelque chose et retiens-en les mots, et reviens avec ces mots dans la mémoire, et prononce-les devant moi » ; et il fit ainsi, et il revint vers moi avec ces mots dans la bouche, et il les prononça, et il n’en comprit aucun ; c’étaient des mots tout à fait étranges et inconnus, qui n’existent dans aucune Langue du Monde naturel ; par cette expérience plusieurs fois répétée, il devint évident pour lui que tous dans le Monde spirituel ont une Langue spirituelle, qui n’a rien de commun avec aucune Langue du Monde naturel, et que tout homme après la mort vient de lui-même dans cette Langue spirituelle : il fit aussi en même temps l’expérience que le son même de la Langue spirituelle différait tellement du son de la Langue naturelle, qu’un son spirituel même élevé n’était pas du tout entendu par l’homme naturel, ni un son naturel par l’homme spirituel. Ensuite je priai le Grand-Maître, et ceux qui l’entouraient, d’entrer vers les leurs, et d’écrire quelque sentence sur un papier, et de revenir vers moi avec ce papier, et de le lire ; ils firent ainsi, et ils revinrent avec le Papier à la main, mais quand ils voulurent lire, ils ne purent y rien comprendre, parce que l’Écriture ne se composait que de quelques lettres alphabétiques avec des accents au-dessus, dont chacune signifiait quelque sens de la chose : puisque chaque lettre dans l’Alphabet signifie là quelque sens, on voit clairement pourquoi le Seigneur est appelé l’Alpha et l’Oméga : comme ceux-ci de nouveau et de nouveau entraient, écrivaient et revenaient, ils découvrirent que cette Écriture enveloppait et contenait des choses innombrables que jamais aucune Écriture naturelle ne pourrait exprimer ; mais il leur fut dit que cela est ainsi, parce que l’homme spirituel pense des choses incompréhensibles et ineffables pour l’homme naturel, et que ces choses ne peuvent influer ni être mises dans une autre Écriture ni dans une autre Langue. Alors comme les assistants ne voulaient pas comprendre que la pensée spirituelle surpassât la pensée naturelle, au point qu’elle est relativement ineffable, je leur dis : « Faites une expérience ; entrez dans votre Société spirituelle, et pensez une chose quelconque, et retenez-la, et revenez, et exprimez-la devant moi » ; et ils entrèrent, pensèrent, retinrent, revinrent, mais lorsqu’ils voulurent exprimer la chose pensée, ils ne purent ; en effet, ils ne trouvèrent aucune idée de la pensée naturelle adéquate à une seule idée de la pensée purement spirituelle, ainsi aucun mot pour l’exprimer, car les idées de la pensée deviennent les mots du langage ; et alors ils rentraient et revenaient et se confirmaient que les idées spirituelles étaient surnaturelles, inexprimables, ineffables et incompréhensibles pour l’homme naturel ; et parce qu’elles sont si suréminentes, ils disaient que les idées ou les pensées spirituelles, relativement aux naturelles, étaient les idées des idées et les pensées des pensées et que pour cela même par elles étaient exprimées les qualités des qualités et les affections des affections ; que, par conséquent, les pensées spirituelles étaient les commencements et les origines des pensées naturelles ; de là il devint encore évident que la sagesse spirituelle était la sagesse de la sagesse, par conséquent non-perceptible pour aucun sage dans le Monde Naturel. Alors il leur fut dit du Troisième Ciel qu’il y a encore une sagesse intérieure ou supérieure, qui est appelée céleste, dont le rapport à la sagesse spirituelle est semblable au rapport de-celle-ci à la sagesse naturelle, et que ces sagesses, en ordre selon les Cieux, influent de la Divine Sagesse du Seigneur, qui est Infinie.

327. Après cela, je dis aux assistants : « Par ces trois enseignements de l’expérience, vous voyez quelle est la différence entre le Spirituel et le Naturel, et aussi la raison pour laquelle l’homme naturel n’est pas visible pour l’homme Spirituel, ni l’homme Spirituel pour l’homme Naturel, quoiqu’ils aient été consociés quant aux affections et aux pensées, et par suite quant aux présences ; de là vient que toi, Grand-Maître, dans le chemin tantôt tu me voyais, et tantôt tu ne me voyais pas. » Ensuite, une voix venant du Ciel supérieur fut entendue, disant au Grand-Maître : « Monte ici. » Et il monta, et il revint, et il dit que, de même que lui, les Anges n’avaient pas connu auparavant les différences entre le Spirituel et le Naturel, par la raison qu’auparavant il n’y avait eu aucun moyen de confrontation chez un homme qui est en même temps dans l’un et l’autre Monde, et que sans une telle confrontation ces différences ne peuvent pas être connues.

328. Ensuite nous nous retirâmes, et nous nous entretînmes de nouveau sur ce sujet, et je dis : « Ces différences ne viennent que de ce que vous, qui êtes dans le Monde spirituel, et par conséquent spirituels, vous êtes dans les substantiels et non dans les matériels, et que les substantiels sont les commencements des matériels ; vous, vous êtes dans les principes, et ainsi dans les singuliers ; mais nous, nous sommes dans les principiés et dans les composés ; vous, vous êtes dans les particuliers ; mais nous, nous sommes dans les communs ; et de même que les communs ne peuvent entrer dans les particuliers, de même aussi les naturels, qui sont matériels, ne peuvent entrer dans les spirituels qui sont des substantiels, absolument de même qu’un câble de navire ne peut entrer ou passer par le trou d’une aiguille à coudre, ou de même qu’un nerf ne peut entrer ou être introduit dans l’une des fibres dont il est composé, ni une fibre dans l’une des fibrilles dont elle est composée ; cela est même connu dans le Monde, aussi des Érudits accordent-ils qu’il y a influx, non pas du naturel dans le spirituel, mais du spirituel dans le naturel. C’est donc là la raison pour laquelle l’homme Naturel ne peut pas penser les choses que pense l’homme Spirituel, ni par conséquent les prononcer ; aussi. Paul appelle-t-il ineffables celles qu’il entendit du Troisième Ciel. Ajoutez à cela que penser Spirituellement, c’est penser sans le temps et sans l’espace, et que penser Naturellement, c’est penser avec le temps et l’espace ; car à toute idée de la pensée naturelle il s’attache quelque chose du temps et de l’espace, mois non à aucune idée spirituelle ; cela vient de ce que le Monde Spirituel n’est pas comme le Monde Naturel, dans l’espace et le temps, mais il est dans l’apparence de l’espace et du temps ; en cela diffèrent aussi les pensées et les perceptions : c’est pourquoi vous, vous pouvez penser à l’Essence et à la Toute-Présence de Dieu de toute éternité, c’est-à-dire, à Dieu avant la Création du Monde, parce que vous pensez à l’Essence de Dieu de toute éternité sans le temps, et à sa Toute-Présence sans l’espace, et ainsi vous saisissez des choses qui sont au-dessus des idées naturelles de l’homme » : et alors je racontai qu’une fois j’avais pensé à l’Essence et à la Toute-Présence de Dieu de toute éternité, c’est-à-dire, à Dieu avant la Création du Monde, et que, comme je n’avais pas encore pu éloigner des idées de ma pensée les espaces elles temps, je devins inquiet, parce que l’idée de la Nature entrait au lieu de Dieu ; mais il me fut dit : « Éloigne les idées de l’espace et du temps, et tu verras » ; et il me fut donné de les éloigner, et je vis ; et depuis ce temps j’ai pu penser Dieu de toute éternité, et nullement la Nature de toute éternité, parce que Dieu est dans tout temps sans le temps, et dans tout espace sans l’espace, tandis que la Nature est dans tout temps dans le temps, et dans tout espace dans l’espace, et parce que la Nature avec son temps et son espace a dû nécessairement commencer et naître, mais non pas Dieu qui est sans le temps et sans l’espace ; c’est pourquoi la Nature vient de Dieu, non pas de toute éternité, mais dans le temps, c’est-à-dire, à la fois avec son temps et son espace.

320. Après que le Grand-Maître et les autres m’eurent quitté, quelques jeunes garçons, qui avaient aussi assisté aux exercices du Gymnase, me suivirent à la maison, et y restèrent quelque temps près de moi pendant que j’écrivais ; et voici, ils virent alors une mite qui courait sur mon papier, et tout étonnés ils demandèrent ce que c’était que cet animalcule si agile ; et je dis qu’on l’appelait mite, et que j’allais leur en raconter des choses merveilleuses : et je dis que dans un si petit être vivant, il y a autant de membres et de viscères que dans un chameau ; qu’ainsi il y a des cerveaux, un cœur, des canaux pulmonaires, les organes des sens, des mouvements et de la génération, un estomac, des intestins, et bien d’autres choses : que chaque partie est tissue de fibres, de nerfs, de vaisseaux sanguins, de muscles, de tendons, de membranes, et que chacune de ces choses est composée de choses encore plus pures qui échappent entièrement à la pénétration de tout œil. Eux alors dirent que, néanmoins, ce petit être vivant ne leur paraissait que comme une substance simple ; et je dis : « Il y a cependant au dedans de lui des choses innombrables ; je vous dis ceci afin que vous sachiez qu’il en est de même de tout objet qui devant vous apparaît comme étant un, simple et très-petit, tant dans vos actions que dans vos affections et dans vos pensées ; je peux vous assurer que chaque parcelle de votre pensée et chaque goutte de votre affection est divisible jusqu’à l’infini ; et que, selon que vos idées sont divisibles, vous, vous devenez sages : sachez que tout ce qui est divisé est de plus en plus multiple, et non pas de plus en plus simple, parce que ce qui est continuellement divisé approche de plus en plus de l’infini, dans lequel toutes choses sont à l’infini (infinité) ; ce que je vous rapporte là est nouveau, et on ne l’a pas entendu dire jusqu’à présent. » Après que je leur eus parlé ainsi, les jeunes garçons me quittèrent pour aller vers le Grand-Maître, et ils le prièrent de proposer pour problème, quelque jour dans le Gymnase, une chose dont on n’a pas encore entendu parler. Et il dit : « Quoi ? » Ils répondirent : « Que tout ce qui est divisé devient de plus en plus multiple, et non pas de plus en plus simple, parce que cela approche de plus en plus de l’infini, dans lequel toutes choses sont à l’infini (infinité). » Et il promit de le proposer ; et il dit : « Je vois cela, parce que j’ai perçu qu’une seule idée naturelle est le contenant d’innombrables idées spirituelles ; et aussi, qu’une seule idée spirituelle est le contenant d’innombrables idées célestes ; de là vient la différence entre la Sagesse céleste dans laquelle sont les Anges du troisième Ciel, et la Sagesse spirituelle dans laquelle sont les Anges du second Ciel, et la différence entre celle-ci et la Sagesse naturelle dans laquelle sont les Anges du dernier Ciel, et aussi les hommes. »

330. SECOND MÉMORABLE : Un jour, j’entendis des maris discuter d’une manière agréable, au sujet du sexe féminin, si une femme qui aime constamment sa beauté, c’est-à-dire, qui s’aime à cause de sa forme, peut aimer son mari ; ils décidèrent d’abord entre eux qu’il y a pour les femmes deux beautés, l’une naturelle, qui est celle de la face et du corps, et l’autre spirituelle, qui est celle de l’amour et des mœurs ; ils décidèrent aussi que ces deux beautés sont très-souvent divisées dans le Monde naturel, et qu’elles sont toujours réunies dans le Monde spirituel, car la beauté dans le Monde spirituel est la forme de l’amour et des mœurs ; aussi, après la mort, arrive-t-il très souvent que les femmes difformes deviennent des beautés, et que les femmes belles deviennent des difformités. Pendant que les maris agitaient la question, quelques épouses vinrent et dirent : « Admettez notre présence ; car ce que vous discutez, la science vous l’enseigne, mais nous, l’expérience nous l’apprend ; et même vous avez si peu de connaissance de l’amour des épouses, que vous en savez à peine quelque chose : est-ce que vous savez que la prudence de la sagesse des épouses consiste à cacher leur amour pour leurs maris dans l’intime de leur poitrine, ou au milieu de leur cœur ? » La discussion commença, et la PREMIÈRE CONCLUSION des maris fut que toute femme veut paraître belle de face et belle de mœurs, parce qu’elle est née affection d’amour, et que la forme de cette affection est la beauté ; c’est pourquoi la femme qui ne veut pas être belle n’est pas une femme qui veut aimer et être aimée, et par conséquent n’est pas vraiment femme. Alors les épouses dirent : « La beauté de la femme réside dans une douce délicatesse, et par suite dans une exquise sensation ; de là vient l’amour de la femme pour l’homme, et l’amour de l’homme pour la femme ; vous, peut-être, vous ne comprenez pas cela. » La SECONDE CONCLUSION des maris fut que la femme avant le mariage veut être belle pour les hommes ; mais qu’après le mariage, si elle est chaste, elle veut être belle pour son mari seul, et non pour les hommes. Là dessus les épouses dirent : « Le mari, après avoir goûté la beauté naturelle de l’épouse, ne voit plus cette beauté, mais il voit sa beauté spirituelle, et d’après celle-ci il aime de nouveau, et il rappelle la beauté naturelle, mais sous un autre aspect. » La TROISIÈME CONCLUSION de leur discussion fut que si la femme, après le mariage, veut pareillement paraître belle comme avant le mariage, elle aime les hommes et non le mari, parce que la femme qui s’aime à cause de sa beauté veut continuellement que sa beauté soit goûtée ; et comme cette beauté ne paraît plus devant son mari, ainsi que vous l’avez dit, elle veut qu’elle soit goûtée par les hommes devant qui elle paraît ; qu’une telle femme ait l’amour du sexe et non l’amour d’un seul du sexe, cela est évident. Là-dessus les épouses gardèrent le silence ; cependant elles disaient tout bas : « Quelle est la femme, si exempte de vanité, qui ne veuille paraître belle aussi aux hommes en même temps qu’elle le paraît à son mari ? » Quelques épouses du Ciel, qui étaient belles, parce qu’elles étaient des affections célestes, entendaient cette discussion, et confirmaient les trois conclusions des maris ; mais elles ajoutèrent : « Qu’elles aiment seulement leur beauté et leur parure pour leurs maris, et d’après leurs maris. »

331. Ces trois épouses, indignées de ce que les trois Conclusions des maris avaient été confirmées par des épouses du Ciel, dirent aux maris : « Vous, vous avez recherché si une femme qui s’aime à cause de sa beauté aime son mari ; nous donc, à notre tour, nous allons examiner si un mari qui s’aime à cause de son intelligence peut aimer son épouse ; restez présents et écoutez. » Et elles prirent cette PREMIÈRE CONCLUSION : Une épouse aime son mari non pas à cause de sa face, mais à cause de son intelligence dans son emploi et dans ses mœurs ; sachez donc que l’épouse s’unit avec l’intelligence du mari, et ainsi avec le mari ; c’est pourquoi si le mari s’aime à cause de son intelligence, il la relire de son épouse en lui-même, de là résulte la désunion et non l’union ; de plus, aimer son intelligence, c’est être sage par soi-même, et c’est là être fou, c’est donc aimer sa folie. Là-dessus les maris dirent : « Peut-être l’épouse s’unit-elle avec la puissance du mari ? » À ces mots les épouses sourirent, en disant : « La puissance ne manque point, tant que le mari aime l’épouse d’après l’intelligence ; mais elle manque, si c’est d’après la folie ; l’intelligence consiste à aimer l’épouse seule, et la puissance ne manque pas à cet amour ; la folie, au contraire, consiste à aimer non pas l’épouse mais le sexe, et la puissance manque à cet amour ; comprenez-vous cela ? » La SECONDE CONCLUSION fut celle-ci ; Nous, femmes, nous naissons dans l’amour de l’intelligence des hommes ; c’est pourquoi si les maris aiment leur propre intelligence, l’intelligence ne peut pas être unie avec son amour réel, qui est chez l’épouse, et si l’intelligence du mari n’est pas unie avec son amour réel, qui est chez l’épouse, l’intelligence devient folie d’après l’orgueil, et l’amour conjugal devient froideur ; quelle est donc la femme qui peut unir son amour à la froideur ? et quel est l’homme qui peut unir la folie de son orgueil à l’amour de l’intelligence ? Mais les maris dirent : « Comment le mari sera-t-il honoré par l’épouse, s’il n’exalte pas son intelligence ? » Les épouses répondirent : « Il le sera par l’amour, parce que l’amour honore, l’honneur ne peut pas être séparé de l’amour, mais l’amour peut être séparé de l’honneur. » Ensuite, pour TROISIÈME CONCLUSION, elles donnèrent celle-ci : Il vous semble que vous aimez vos épouses, et vous ne voyez pas que vous êtes aimés par vos épouses, et qu’ainsi vous les aimez par retour ; et que votre intelligence est le réceptacle ; si donc vous aimez votre intelligence en vous, elle devient le réceptacle de votre amour, et comme l’amour du propre ne supporte pas d’égal, il ne devient jamais conjugal, mais tant qu’il a de la force, il demeure scortatoire. Là-dessus, les maris gardèrent le silence ; cependant ils disaient tout bas : « Qu’est-ce que l’Amour conjugal ? » Quelques Maris, dans le Ciel, entendaient cette discussion, et ils confirmaient de là les trois Conclusions des épouses.

 

 

 

DE LA POLYGAMIE.

 

 

332. Si l’on recherche la raison pour laquelle les mariages polygamiques ont été absolument condamnés par le monde Chrétien, nul homme, de quelque talent qu’il soit doué pour voir ingénieusement les choses, ne peut la découvrir avec évidence, à moins qu’auparavant il n’ait été instruit, QU’IL Y A UN AMOUR VRAIMENT CONJUGAL : QUE CET AMOUR NE PEUT EXISTER QU’ENTRE DEUX : QU’IL N’EXISTE ENTRE DEUX QUE PAR LE SEIGNEUR SEUL : ET QUE LE CIEL AVEC TOUTES SES FÉLICITÉS A ÉTÉ INSCRIT DANS CET AMOUR. À moins que ces connaissances ne précèdent, et ne posent pour ainsi dire la première pierre, le mental s’efforce en vain de tirer de l’entendement quelques raisons auxquelles il acquiesce, et sur lesquelles il subsiste, comme une maison sur sa pierre ou sur son fondement, pour en déduire la condamnation de la Polygamie par le Monde Chrétien. On sait que l’institution du Mariage monogamique a été fondée sur ces paroles du Seigneur, que quiconque répudie son épouse, si ce n’est pour cause de scortation, et se marie à une autre, commet adultère ; et qu’il a été du commencement, ou de la première instauration des mariages, que les deux devinssent une seule chair ; et que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni. – Matth. XIX. 3 à 11. – Mais, quoique le Seigneur ait dicté ces paroles d’après la Loi Divine inscrite dans les Mariages, toutefois si l’Entendement ne peut étayer cette Loi Divine par quelques raisons à lui, il peut néanmoins, par des tournures qui lui sont habituelles, et par des interprétations de travers, la faire plier, et l’amener à une obscure ambiguïté, et enfin dans l’affirmatif négatif ; dans l’affirmatif, parce que cela est conforme aussi à la Loi civile, et dans le négatif, parce que cela n’est pas conforme à une vue rationnelle de ces paroles : c’est dans le négatif que tombera le Mental humain, à moins qu’auparavant il n’ait été instruit des connaissances ci-dessus rapportées, qui doivent servir à l’entendement pour introduction dans ses raisons ; et ces connaissances sont qu’il y a un Amour vraiment conjugal ; que cet amour ne peut exister qu’entre deux ; qu’il n’existe entre deux que par le Seigneur Seul ; et que le Ciel avec toutes ses félicités a été inscrit dans cet Amour. Mais ces choses, et plusieurs autres particularités sur la condamnation de la Polygamie par le Monde Chrétien, vont être démontrées en ordre selon les Articles suivants : I. Ce n’est qu’avec une seule épouse qu’il peut y avoir Amour vraiment conjugal, et par conséquent amitié vraiment conjugale, confiance, puissance, et une conjonction des mentals telle que deux soient une seule chair. II. Ainsi, ce n’est qu’avec une seule épouse que peuvent avoir lieu les béatitudes célestes, les bonheurs spirituels et les plaisirs naturels, auxquels il a été pourvu dès le commencement pour ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal. III. Toutes ces choses ne peuvent exister que par le Seigneur Seul ; et elles n’existent que pour ceux qui s’adressent à Lui Seul, et vivent en même temps selon ses préceptes. IV. Par conséquent, l’amour vraiment conjugal, avec ses félicités, ne peut exister que chez ceux qui sont de l’Église Chrétienne. V. De là vient qu’il n’est permis à un Chrétien de se marier qu’à une seule épouse. VI. Si un Chrétien se marie à plusieurs épouses, il commet non-seulement un adultère naturel, mais aussi un adultère spirituel. VII. Il a été permis à la Nation Israélite d’avoir plusieurs épouses, parce que chez elle il n’y avait pas Église Chrétienne, et que par suite il ne pouvait pas y avoir amour vraiment conjugal. VIII. Aujourd’hui il est permis aux Mahométans d’avoir plusieurs épouses, parce qu’ils ne reconnaissent point le Seigneur Jésus-Christ un avec Jéhovah le père, ni par conséquent pour Dieu du Ciel et de la Terre, et qu’ainsi ils ne peuvent recevoir l’amour vraiment conjugal. IX. Le Ciel des Mahométans est hors du Ciel Chrétien ; il est divisé en deux Cieux, l’un inférieur et l’autre supérieur ; et dans leur Ciel supérieur ne sont élevés que ceux qui renoncent aux concubines et vivent avec une seule épouse, et qui reconnaissent notre Seigneur comme égal à Dieu le Père, et comme ayant reçu la domination sur le Ciel et sur la Terre. X. La Polygamie est une lasciveté. XI. Chez les Polygames il ne peut y avoir ni chasteté, ni pureté, ni sainteté conjugales. XII. Les Polygames, tant qu’ils restent polygames, ne peuvent devenir spirituels. XIII. La Polygamie n’est point un péché chez ceux qui vivent en elle d’après la religion. XIV. La Polygamie n’est point un péché chez ceux qui sont dans l’ignorance au sujet du Seigneur. XV. Quoique Polygames, ceux d’entre eux qui reconnaissent un Dieu, et qui vivent par religion selon les lois civiles de la justice, sont sauvés. XVI. Mais nul des uns ni des autres ne peut être consocié avec les Anges dans les cieux Chrétiens. Suit maintenant l’explication des Articles.

333. I. Ce n’est qu’avec une seule épouse qu’il peut y avoir Amour vraiment conjugal, et par conséquent amitié vraiment conjugale, confiance, puissance, et une conjonction des mentals telle que deux soient une seule chair. Que l’Amour vraiment conjugal soit aujourd’hui si rare, qu’il est généralement inconnu, c’est ce qui a été montré plusieurs fois ci-dessus ; que cependant il existe en actualité, cela a été démontré dans un Chapitre spécial, et parfois ensuite dans les Chapitres postérieurs. D’ailleurs qui est-ce qui ne sait pas qu’il existe un tel amour, qui surpasse tous les autres amours en excellence et en charme, au point que tous les amours sont peu de chose au prix de lui ? Qu’il soit au-dessus de l’amour de soi, de l’amour du monde, et même de l’amour de la vie, des expériences l’attestent : N’y a-t-il pas eu et n’y a-t-il pas encore des hommes qui, pour obtenir une femme qu’ils désirent et demandent pour fiancée, se jettent à ses genoux, l’adorent comme une déesse, et se soumettent comme de très-vils esclaves à tous ses caprices ? Preuve que cet amour l’emporte sur l’amour de soi. N’y a-t-il pas eu et n’y a-t-il pas encore des hommes qui, pour une femme qu’ils désirent et demandent pour fiancée, regardent comme rien les richesses et même des trésors, s’ils en possédaient, et qui aussi les prodiguent ? Preuve que cet amour l’emporte sur l’amour du monde. N’y a-t-il pas eu et n’y a-t-il pas encore des hommes qui, pour une femme qu’ils désirent et demandent pour fiancée, font peu de cas de leur propre vie, et désirent ardemment mourir s’ils n’obtiennent pas l’objet de leurs vœux ? Cela aussi est attesté par plusieurs combats à mort entre des rivaux ; preuve que cet amour l’emporte sur l’amour de la vie. N’y a-t-il pas eu et n’y a-t-il pas encore des hommes qui, pour une femme qu’ils désirent et demandent pour fiancée, sont devenus et deviennent fous par un refus ? Qui est-ce qui, d’après le commencement de cet amour chez un grand nombre d’hommes, ne peut pas conclure rationnellement que cet amour, par son essence, domine en souverain sur tout autre amour, et que l’âme de l’homme est alors dans cet amour, et se promet des béatitudes éternelles avec la femme désirée et demandée ? Qui est-ce qui peut voir, de quelque côté qu’il cherche, d’autre cause, sinon que l’homme a consacré son âme et son cœur à une seule ? En effet, lorsqu’un amant est dans cet état, si on lui donnait de choisir parmi tout le sexe la plus digne, la plus riche et la plus belle, ne dédaignerait-il pas l’option, et ne s’attacherait-il pas à celle qu’il a déjà choisie ; car son cœur est pour elle seule ? Ces observations sont faites afin qu’on reconnaisse qu’il existe un amour conjugal d’une telle suréminence, et qu’il existe lorsqu’une seule du sexe est uniquement aimée. Quel est l’entendement qui, lorsqu’il considère avec attention l’enchaînement des raisons, ne puisse en conclure que si par l’âme ou par les intimes l’amant persiste constamment dans l’amour pour cette femme, il obtiendra ces béatitudes éternelles qu’il s’est promises avant le consentement, et qu’il se promet dans le consentement ? que même il les obtienne, s’il s’adresse au Seigneur, et que par Lui il vive de la vraie religion, cela a été montré ci-dessus : en est-il un autre qui entre dans la vie de l’homme par la région supérieure, et y implante les joies célestes internes, et les transporte dans les choses qui suivent, et d’autant plus, quand en même temps il donne aussi une puissance constante ? De ce qu’il n’y a pas un tel amour chez soi, ni chez tel ou tel, on ne peut pas en conclure qu’il n’existe pas et qu’il ne peut pas exister.

334. Puisque l’amour vraiment conjugal conjoint les âmes et les cœurs des deux époux, il a par conséquent été uni aussi avec l’amitié, et par celle-ci avec la confiance, et il rend conjugale l’une et l’autre ; ainsi elles l’emportent sur les autres amitiés et sur les autres confiances, au point que, comme cet amour est l’amour des amours, de même cette amitié est l’amitié des amitiés, pareillement la confiance ; qu’il en soit aussi de même de la puissance, il y en a plusieurs raisons, dont quelques-unes sont dévoilées dans le SECOND MÉMORABLE, à la suite de ce Chapitre ; et de cette puissance résulte la persévérance de cet amour. Que par l’Amour vraiment conjugal les deux époux deviennent une seule Chair, cela a été montré dans un Chapitre spécial No 156 (bis) à 183.

335. Ainsi, ce n’est qu’avec une seule épouse que peuvent avoir lieu les béatitudes célestes, les bonheurs spirituels, et les plaisirs naturels, auxquels il a été pourvu dès le commencement pour ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal. Il est dit les béatitudes célestes, les bonheurs spirituels, et les plaisirs naturels, parce que le Mental humain a été distingué en trois Régions, dont la suprême est appelée céleste, la seconde spirituelle, et la troisième naturelle ; et ces trois régions chez ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal se tiennent ouvertes, et l’influx suit en ordre selon les ouvertures : or, comme les charmes de cet amour dans la région suprême sont les plus éminents, ils sont perçus comme béatitudes, et comme dans la région moyenne ils sont moins éminents, ils sont perçus comme bonheurs, et enfin dans la région infime comme plaisirs ; que ces charmes existent, soient perçus et soient sentis, on le voit d’après les MÉMORABLES dans lesquels ils sont décrits. Que dès le commencement il ait été pourvu à toutes ses félicités pour ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, c’est parce que l’infinité de toutes les béatitudes est dans le Seigneur, et qu’il est Lui-même le Divin Amour, et que l’essence de l’amour est de vouloir communiquer tous ses biens à un autre qu’il aime ; voilà pourquoi le Seigneur a créé cet amour en même temps que l’homme, et a inscrit en lui la faculté de recevoir et de percevoir ces choses. Quel est l’homme assez stupide et assez insensé pour ne pouvoir voir qu’il existe un certain amour dans lequel le Seigneur a mis toutes les béatitudes, tous les bonheurs et tous les plaisirs qu’il est possible d’y mettre ?

336. III. Toutes ces choses ne peuvent exister que par le Seigneur seul ; et elles n’existent que pour ceux qui s’adressent à Lui Seul, et vivent en même temps selon ses préceptes. Ceci a été démontré précédemment en plusieurs endroits ; il faut y ajouter que toutes ces béatitudes, ces bonheurs et ces plaisirs ne peuvent être donnés que par le Seigneur, et que par conséquent il ne faut pas s’adresser à un autre ; à quel autre s’adresserait-on, puisque tout ce qui a été fait a été fait par Lui, – Jean, 1. 3 ; – puisqu’il est Lui-Même le Dieu du Ciel et de la Terre, – Matth. XXVIII. 18 ; – puisque jamais aucun aspect de Dieu le Père n’a été vu, ni aucune voix de Lui n’a été entendue qu’au moyen du Seigneur, – Jean, I. 18. V. 37. XIV. 6 à 11 ? – par ces passages de la Parole et par beaucoup d’autres, on voit que le mariage de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai, d’où les mariages tirent uniquement leur origine, procède de Lui Seul. Si cet Amour avec ses félicités n’est donné qu’à ceux qui s’adressent au Seigneur, c’est la conséquence de ce qui vient d’être dit ; et s’il est donné à ceux qui vivent selon ses préceptes, c’est parce que le Seigneur a été conjoint avec eux par l’amour, – Jean, XIV. 21 à 24.

337. IV. Par conséquent l’amour vraiment conjugal avec ses félicités ne peut exister que chez ceux qui sont de l’église Chrétienne. Si l’amour conjugal, tel qu’il a été décrit dans son Chapitre, Nos 57 à 73, et dans les Chapitres suivants, par conséquent tel qu’il est dans son essence, n’existe que chez ceux qui sont de l’Église Chrétienne, c’est parce que cet amour vient du Seigneur Seul, et que le Seigneur n’est pas connu ailleurs au point qu’on puisse s’adresser à Lui comme Dieu ; puis aussi parce que cet amour est selon l’état de l’Église chez chacun, No 130, et l’état réel de l’Église ne procède que du Seigneur seul, ainsi n’est que chez ceux qui le reçoivent de Lui. Que ces deux points soient les commencements, les introductions et les affermissements de cet amour, cela a été établi jusqu’ici par une telle abondance de raisons évidentes et concluantes, qu’il est absolument inutile d’y ajouter quelque chose. Si cependant l’amour vraiment conjugal est rare dans le Monde Chrétien, Nos 58, 59, c’est parce que là il en est peu qui s’adressent au Seigneur ; et que parmi ce petit nombre quelques-uns, il est vrai, ont de l’Église la croyance, mais ils n’en ont pas la vie ; outre plusieurs autres raisons, qui ont été dévoilées dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, où l’état de l’Église Chrétienne d’aujourd’hui a été complètement décrit : mais néanmoins subsiste avec force cette vérité qu’il ne peut y avoir d’amour vraiment conjugal que chez ceux qui sont de l’Église Chrétienne ; c’est même pour cela que la Polygamie y a été absolument condamnée ; que cela vienne aussi de la Divine Providence du Seigneur, c’est ce que voient clairement ceux qui pensent juste de la Providence.

338. V. De là vient qu’il n’est permis à un Chrétien de se marier qu’à une seule épouse. Cela résulte des propositions confirmées dans les Articles précédents ; il faut y ajouter que le Conjugal réel a été inscrit dans les mentals des Chrétiens plus profondément que dans les mentals des Gentils qui ont embrassé la Polygamie ; et que par suite les mentals des Chrétiens sont plus propres à recevoir cet amour que les mentals des polygames, car ce Conjugal a été inscrit dans les intérieurs du mental des Chrétiens, parce qu’ils reconnaissent le Seigneur et son Divin, et dans les extérieurs de leur mental par les Lois civiles.

339. VI. Si un Chrétien se marie à plusieurs épouses, il commet non-seulement un adultère naturel, mais aussi un adultère spirituel. Qu’un Chrétien qui se marie à plusieurs épouses commette un adultère naturel, cela est conforme aux paroles du Seigneur, à savoir, qu’il n’est pas permis de répudier l’épouse, parce qu’au commencement ils ont été créés pour être une seule chair ; et que celui qui répudie son épouse sans juste cause et en prend une autre commet adultère, – Matth. XIX. 3 à 11 ; – ainsi, à plus forte raison, celui qui ne répudie pas son épouse, mais la retient et en ajoute une autre. Cette loi, portée par le Seigneur sur les mariages, tire sa cause interne du mariage spirituel, car tout ce que le Seigneur a prononcé était en soi spirituel ; c’est ce qui est entendu par ces expressions : « Les paroles que moi je vous énonce sont esprit et sont vie. » – Jean, VI. 63. – Le spirituel qui y est contenu, c’est que par le mariage polygamique dans le Monde Chrétien, le Mariage du Seigneur et de l’Église est profané ; pareillement le mariage du bien et du mal ; et, en outre, la Parole ; et avec la Parole, l’Église ; et la profanation de ces choses est un adultère spirituel. Que la profanation du bien et du mal de l’Église fondée sur la Parole corresponde à l’adultère, et que par suite ce soit un adultère spirituel, et qu’il en soit de même de la falsification du bien et du vrai, mais dans un moindre degré, on le voit confirmé dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 134. Que par les mariages polygamiques chez les Chrétiens le Mariage du Seigneur et de l’Église serait profané, c’est parce qu’il y a une correspondance entre ce Divin Mariage et les mariages des Chrétiens, voir ci-dessus, Nos 83 à 102, correspondance qui est entièrement détruite, quand une épouse est ajoutée à une épouse, et lorsque la correspondance est détruite, l’homme époux n’est plus un Chrétien. Que par les mariages polygamiques chez les Chrétiens, le Mariage du bien et du vrai soit profané, c’est parce que de ce Mariage Spirituel sont dérivés les mariages dans les terres ; et les mariages des Chrétiens diffèrent des mariages des autres nations en ce que, de même que le bien aime le vrai, et le vrai le bien, et sont un, de même l’épouse et le mari doivent s’aimer mutuellement et être un ; si donc un Chrétien ajoutait une épouse à une épouse, il romprait chez lui ce Mariage Spirituel, par conséquent il profanerait l’origine de son mariage, et commettrait ainsi un Adultère spirituel ; que les mariages dans les terres soient dérivés du Mariage du bien et du vrai, on le voit ci-dessus, Nos 116 à 131. Que par un mariage polygamique le Chrétien profanerait la Parole et l’Église, c’est parce que la Parole, considérée en elle-même, est le Mariage du bien et du vrai, et que l’Église l’est pareillement, en tant qu’elle est fondée sur la Parole, voir ci-dessus, Nos 128 à 131. Maintenant, puisque l’homme Chrétien, parce qu’il connaît le Seigneur, a la Parole, et que l’Église qui procède du Seigneur est chez lui par la Parole, il est évident qu’il a, plus qu’un homme qui n’est pas Chrétien, la faculté de pouvoir être régénéré, et par conséquent de devenir spirituel, et aussi d’acquérir l’amour vraiment conjugal, car ces choses sont cohérentes. Puisque, d’entre les Chrétiens, ceux qui prennent en mariage plusieurs épouses commettent non-seulement un adultère naturel, mais aussi en même temps un adultère spirituel, il s’ensuit que la condamnation des polygames chrétiens après la mort est plus rigoureuse que la condamnation de ceux qui commettent seulement un adultère naturel ; m’étant informé de l’état de ceux-là après la mort, je reçus pour réponse que le Ciel est entièrement fermé pour eux ; qu’ils apparaissent dans l’Enfer comme étendus dans une baignoire d’eau chaude ; que c’est ainsi qu’ils apparaissent de loin, quoiqu’ils soient sur les pieds et qu’ils marchent ; que cela vient d’une frénésie intestine ; et que quelques-uns d’eux ont été jetés dans des gouffres qui sont aux limites des Mondes.

340. VII. Il a été permis à la Nation Israélite d’avoir plusieurs épouses, parce que chez elle il n’y avait pas Église Chrétienne, et que par suite il ne pouvait pas y avoir amour vraiment conjugal. Il y en a aujourd’hui dont les pensées sont en suspens au sujet de l’Institution des Mariages monogamiques, ou d’un seul mari avec une seule épouse, et qui discutent en eux-mêmes à l’aide de la raison, estimant que, puisque les mariages polygamiques ont été ouvertement permis à la Nation Israélite, et à ses rois, et à David et à Salomon, ils devraient aussi être en eux-mêmes permis aux Chrétiens ; mais ceux-là ne savent distinctement rien de la Nation Israélite et des Nations Chrétiennes, ni des internes et des externes de l’Église, ni du changement de l’Église d’Externe en Interne par le Seigneur, ni par conséquent rien d’après un jugement intérieur sur les Mariages. En général, il faut tenir pour certain que l’homme est né naturel pour devenir spirituel, et que, tant qu’il reste naturel, il est comme dans la nuit et comme dans le sommeil au sujet des spirituels, et qu’alors il ne connaît pas même de différence entre l’homme Externe naturel et l’homme Interne spirituel. Que chez la Nation Israélite il n’y ait pas eu Église Chrétienne, on le sait d’après la Parole, car les Israélites attendaient, comme ils attendent encore, un Messie qui les élevât au-dessus de toutes les nations et de tous les peuples du Monde ; si donc on leur eût dit, et si on leur disait maintenant, que le Royaume du Messie est sur les Cieux, et par suite sur toutes les nations, ils auraient mis cela et ils le mettraient au nombre des plaisanteries ; c’est de là que non-seulement ils n’ont pas reconnu le Christ ou le Messie, notre Seigneur, quand il est venu dans le Monde, mais aussi qu’ils l’ont enlevé du Monde d’une manière atroce ; d’après cela, il est évident que chez cette Nation il n’y pas eu Église Chrétienne, comme il n’y en a pas non plus aujourd’hui ; et ceux chez qui il n’y a pas Église Chrétienne sont naturels à l’externe et à l’interne ; et pour eux la polygamie n’est pas préjudiciable, car elle est inscrite dans l’homme naturel ; en effet, cet homme ne perçoit sur l’amour dans les mariages que ce qui appartient au désir libidineux ; c’est ce qu’entendait le Seigneur par ces paroles, « que Moïse à cause de leur dureté de cœur a permis de répudier les épouses ; mais qu’au commencement il n’en était pas ainsi ». – Matth. XIX. 8 ; – Il dit que Moïse a permis, afin qu’on sache que ce n’est pas le Seigneur. Mais que le Seigneur ait enseigné l’homme Interne spirituel, cela est notoire d’après Ses préceptes, et d’après l’abrogation des Rites qui servaient seulement pour usage à l’homme Naturel ; d’après Ses préceptes sur l’Ablution, en ce que c’est la purification de l’homme Interne, – Matth. XV. 1, 17 à 20. XXIII. 25, 26, Marc, VII. 14 à 23 ; – sur l’Adultère, en ce que c’est la cupidité de la volonté, – Matth. V. 28 ; – sur la Répudiation des épouses, en ce qu’elle est illicite ; et sur la Polygamie, en ce qu’elle n’est point d’accord avec la Loi Divine, – Matth. XIX. 3 à 9 ; – ces choses, et plusieurs autres qui concernent l’homme interne spirituel, le Seigneur les a enseignées, parce que Lui seul ouvre les internes des mentals humains et les rend spirituels, et les introduit dans les naturels, afin que ceux-ci aussi en tirent une essence spirituelle, ce qui même arrive quand on s’adresse à Lui, et qu’on vit selon ses préceptes, qui, en somme, consistent à croire en Lui, et à fuir les maux parce qu’ils sont du diable et viennent du diable ; puis, à faire les biens parce qu’ils sont du Seigneur, et viennent du Seigneur, et à fuir ceux-là et faire ceux-ci comme par soi-même, et croire en même temps que cela est fait par le Seigneur, au moyen de l’homme. La raison même pour laquelle le Seigneur seul ouvre l’homme Interne spirituel, et l’introduit dans l’homme Externe naturel, c’est que tout homme pense naturellement, et agit naturellement ; et, par conséquent, ne pourrait percevoir aucune chose spirituelle, ni en recevoir aucune dans son naturel, si Dieu n’eût pas pris l’Humain Naturel, et ne l’eût pas fait Divin aussi. Ces explications rendent maintenant évidente cette vérité qu’il a été permis à la Nation Israélite d’avoir plusieurs épouses, parce que chez elle il n’y avait pas Église Chrétienne.

341. VIII. Aujourd’hui il est permis aux Mahométans d’avoir plusieurs épouses, parce qu’ils ne reconnaissent point le Seigneur Jésus-Christ un avec Jéhovah le Père, ni par conséquent pour Dieu du Ciel et de la Terre, et qu’ainsi ils ne peuvent recevoir l’amour vraiment conjugal. Les Mahométans, selon la Religion que Mahomet leur a donnée, reconnaissent que Jésus-Christ est Fils de Dieu et très-grand Prophète, et qu’il a été envoyé dans le Monde par Dieu le Père pour instruire les hommes, mais non pas que Dieu le Père et Lui sont un, ni que le Divin et son Humain sont une seule Personne, unis comme l’âme et le corps, selon la foi de tous les Chrétiens d’après la confession Athanasienne ; c’est pourquoi les sectateurs de Mahomet n’ont pas pu reconnaître notre Seigneur pour un Dieu de toute éternité, mais ils l’ont reconnu pour un homme naturel parfait ; et puisque telle a été l’opinion de Mahomet, et que telle est par suite l’opinion de ses disciples, et puisqu’ils ont connu que Dieu est un, et que c’est ce Dieu qui a créé l’Univers, ils n’ont pu faire autrement que d’exclure de leur culte le Seigneur, et d’autant plus qu’ils déclarent aussi Mahomet comme très-grand Prophète ; ils ne connaissent pas non plus ce que le Seigneur a enseigné. C’est par cette raison que les intérieurs de leur mental, qui en eux-mêmes sont spirituels, n’ont pas pu être ouverts ; que ces intérieurs ne soient ouverts que par le Seigneur seul, on vient de le voir ci-dessus, No 340. S’ils sont ouverts par le Seigneur, lorsqu’il est reconnu pour Dieu du Ciel et de la Terre, et qu’on s’adresse à Lui, et chez ceux qui vivent selon ses préceptes, la cause réelle, c’est qu’autrement il n’y a point de conjonction, et que sans conjonction il n’y a point de réception : chez l’homme il y a présence du Seigneur, et il y a conjonction avec le Seigneur ; s’adresser à Lui fait la présence, et vivre selon ses préceptes fait la conjonction ; sa présence seule est sans la réception, mais la présence et en même temps la conjonction sont avec la réception. Sur ce sujet je rapporterai du Monde spirituel une chose nouvelle : Là, chacun se trouve présent d’après la pensée qu’on a de lui, mais personne n’est conjoint à un autre que d’après l’affection de l’amour, et l’affection de l’amour est insinuée par faire ce que l’autre dit et ce qui lui plaît ; ceci, qui est ordinaire dans le Monde spirituel, tire son origine du Seigneur, qui est présent ainsi, et conjoint ainsi. Ces observations ont été faites, afin qu’on sache pourquoi il a été permis aux Mahométans d’avoir plusieurs épouses, et que c’est parce que l’amour vraiment conjugal, qui existe seulement entre un seul mari et une seule épouse, ne pouvait leur être donné, puisque d’après la religion ils ne reconnaissaient pas le Seigneur égal à Dieu le Père, ni par conséquent comme Dieu du Ciel et de la Terre ; que l’amour conjugal chez chacun soit selon l’état de l’Église, on le voit ci-dessus, No 130, et un grand nombre de fois dans ce qui précède.

342. IX. Le Ciel des Mahométans est hors du Ciel Chrétien ; il est divisé en deux Cieux, l’un inférieur et l’autre supérieur ; et dans leur Ciel supérieur ne sont élevés que ceux qui renoncent aux concubines et vivent avec une seule épouse, et qui reconnaissent notre Seigneur comme égal à Dieu le Père, et comme ayant reçu la domination sur le Ciel et sur la Terre. Avant de rien dire de particulier sur cet Article, il est important de parler d’abord de la Divine Providence du Seigneur au sujet de l’origine de la Religion Mahométane. Que cette Religion ait été reçue par plus de Royaumes que la Religion Chrétienne, cela peut être un scandale pour ceux qui pensent à la Divine Providence, et en même temps croient qu’on ne peut être sauvé que si l’on est né Chrétien ; mais la Religion Mahométane n’est pas un scandale pour ceux qui croient que toutes choses viennent de la Divine Providence ; ceux-ci cherchent en quoi la Providence y est, et ils le trouvent aussi : C’est en ce que la Religion Mahométane reconnaît notre Seigneur pour le Fils de Dieu, pour le plus Sage des hommes, et pour le plus grand Prophète, lequel est venu dans le Monde pour instruire les hommes ; mais comme ils ont fait de l’Alcoran le seul livre de leur religion, et que par suite Mahomet qui l’a écrit est présent à leurs pensées, et reçoit d’eux un certain culte, c’est pour cela qu’ils pensent peu à notre Seigneur. Pour qu’on sache pleinement que cette Religion a été suscitée par la Divine Providence du Seigneur, afin de détruire les idolâtries d’un grand nombre de nations, ce sujet va être exposé dans un certain ordre ; en conséquence il sera d’abord parlé de l’origine des idolâtries. Avant cette Religion, le culte des idoles était commun sur toute la terre ; cela provenait de ce que les Églises avant l’avènement du Seigneur avaient toutes été des Églises Représentatives ; telle avait été aussi l’Église Israélite ; là, le tabernacle, les habits d’Aaron, les sacrifices, toutes les choses du Temple de Jérusalem, et aussi les statuts, étaient représentatifs ; et, chez les Anciens, il y avait la science des Correspondances, qui aussi est la science des Représentations, la science même des sages, cultivée principalement par les Égyptiens ; de là leurs Hiéroglyphes. Par cette science ils savaient ce que signifiaient les animaux de tout genre, ce que signifiaient les arbres de tout genre, ce que signifiaient les montagnes, les collines, les fleuves, les fontaines, ce que signifiaient le soleil, la lune, les étoiles ; par cette science ils avaient aussi connaissance des spirituels, puisque ces spirituels qui étaient représentés, lesquels étaient de ceux qui appartiennent à la sagesse spirituelle chez les Anges, étaient les origines (des choses qui représentaient) : or, comme tout leur culte était un culte représentatif, consistant en de pures correspondances, c’est pour cela qu’ils le célébraient sur des montagnes et des collines, et aussi dans des bocages et des jardins ; et qu’ils consacraient des fontaines, et tournaient leurs faces vers le soleil levant quand ils adoraient ; et qu’en outre ils faisaient des images taillées de chevaux, de bœufs, de veaux, d’agneaux, et même d’oiseaux, de poissons, de serpents, et les plaçaient dans leurs maisons et dans d’autres lieux dans un certain ordre selon les spirituels de l’Église auxquels ils correspondaient, ou qu’ils représentaient. Ils plaçaient aussi de semblables objets dans leurs Temples, pour rappeler à leur souvenir les choses saintes du culte qu’ils signifiaient. Après ce temps, quand la science des correspondances fut oblitérée, leur postérité commença à adorer ces images taillées comme saintes en elles-mêmes, ne sachant pas que leurs ancêtres n’avaient rien vu de saint en elles, mais qu’ils les considéraient seulement comme représentant et par suite signifiant des choses saintes selon leurs correspondances. De là sont nées les idolâtries qui ont rempli toute la terre, tant l’Asie avec les îles adjacentes, que l’Afrique et l’Europe. Afin que toutes ces idolâtries fussent extirpées, il est arrivé que, par la Divine Providence du Seigneur, il s’éleva une nouvelle Religion accommodée aux génies des Orientaux, dans laquelle il y eut quelque chose de l’un et de l’autre Testament de la Parole, et qui enseigna que le Seigneur est venu dans le Monde, et qu’il était le plus grand Prophète, le plus sage de tous, et le Fils de Dieu : cela a été fait par Mahomet, de qui cette Religion a été nommée Religion Mahométane. D’après cela, il est évident que cette Religion a été suscitée par la Divine Providence du Seigneur, et accommodée, comme il a été dit, aux génies des Orientaux, afin de détruire les idolâtries de tant de nations et de leur donner quelque connaissance du Seigneur, avant qu’ils vinssent dans le Monde spirituel, ce qui arrive après la mort de chacun ; cette Religion n’aurait pas été reçue par tant de Royaumes, et n’aurait pas pu y extirper les idolâtries, si elle n’avait pas été faite de manière à être conforme à leurs idées ; surtout si la Polygamie n’eût pas été permise ; et aussi par ce motif, que les Orientaux, sans cette permission, se seraient livrés avec encore plus d’ardeur que les Européens à de honteux adultères, et auraient péri.

343. Si les Mahométans ont aussi un Ciel, c’est parce que tous ceux qui, sur le Globe terrestre, reconnaissent un Dieu, et fuient par Religion les maux comme péchés contre Lui, sont sauvés. Que le Ciel Mahométan ait été divisé en deux, l’un inférieur et l’autre supérieur, c’est ce que j’ai appris d’eux-mêmes ; puis aussi que dans le Ciel inférieur ils vivent avec plusieurs femmes, tant épouses que concubines, comme dans le Monde ; mais que ceux qui renoncent aux concubines et vivent avec une seule épouse sont élevés dans le Ciel supérieur : j’ai aussi appris qu’il leur est impossible de penser à notre Seigneur comme étant un avec Dieu le Père, mais qu’il leur est possible de penser qu’il lui est égal et qu’il lui a été donné domination sur le Ciel et sur la Terre, parce qu’il est son Fils : c’est pourquoi cette foi est chez ceux auxquels il est donné par le Seigneur de monter dans leur Ciel supérieur.

344. Un jour, il m’a été donné de percevoir quelle est la chaleur de l’amour conjugal des polygames ; je conversai avec un qui a fait le personnage de Mahomet ; Mahomet lui-même ne se présente jamais, mais un substitut est mis à sa place, afin que ceux qui sont récemment arrivés du monde voient pour ainsi dire Mahomet ; ce substitut, après une conversation que j’eus de loin avec lui, me fit passer une cuiller d’ébène et d’autres objets qui étaient des preuves qu’ils venaient de lui, et en même temps il fut ouvert une communication pour la chaleur de l’amour conjugal de ceux qui étaient là ; et cette chaleur fut perçue par moi comme une vapeur fétide de bain chaud ; dès que je la sentis, je me détournai, et l’ouverture de communication fut fermée.

345. X. La Polygamie est une lasciveté. C’est parce que son amour est divisé entre plusieurs, et est l’amour du sexe ; c’est aussi l’amour de l’homme externe ou naturel, et non par conséquent l’amour conjugal, le seul qui soit chaste. Que l’amour polygamique soit un amour divisé entre plusieurs, cela est notoire ; or, un amour divisé n’est point l’amour conjugal, car celui-ci est un amour non divisible provenant d’une seule personne du sexe ; par conséquent l’amour polygamique est lascif, et la Polygamie est une lasciveté. Que l’amour polygamique soit l’amour du sexe, c’est parce qu’il n’en diffère qu’en ce qu’il est limité au nombre que le polygame peut admettre, et en ce que le polygame est astreint à observer certaines lois établies pour le bien public ; puis aussi en ce qu’il lui est permis de joindre des concubines aux épouses ; et ainsi comme c’est l’amour du sexe, c’est l’amour de la lasciveté. Que l’amour polygamique soit l’amour de l’homme externe ou naturel, c’est parce qu’il est gravé dans cet homme ; or, tout ce que l’homme naturel fait de lui-même est un mal, dont il ne peut être retiré que par une élévation dans l’homme interne spirituel, ce qui n’est fait que par le Seigneur ; et le mal qui est dans l’homme naturel concernant le sexe est la scortation ; mais comme la scortation est la destruction de la société, à la place de la scortation a été mise sa ressemblance, qui est appelée polygamie : tout mal dans lequel l’homme naît par ses parents est implanté dans son homme naturel, mais il n’est implanté aucun mal dans son homme spirituel, parce que l’homme naît dans celui-ci par le Seigneur. D’après ces considérations, et aussi d’après plusieurs autres raisons, on peut voir avec évidence que la Polygamie est une lasciveté.

346. XI. Chez les Polygames il ne peut y avoir ni chasteté, ni pureté, ni sainteté conjugales. Cela résulte de ce qui vient d’être confirmé, et évidemment de ce qui été démontré dans le Chapitre DU CHASTE ET DU NON-CHASTE, principalement où il a été établi que le chaste, le pur et le saint ne se disent que des Mariages monogamiques, ou d’un seul mari avec une seule épouse, No 141 ; puis aussi que l’amour vraiment conjugal est la chasteté même, et que par suite toutes les délices de cet amour, même les dernières, sont chastes, Nos 143, 144. Et, en outre, cela résulte de ce qui a été rapporté dans le Chapitre sur l’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL, à savoir, que l’Amour vraiment conjugal, qui est l’amour d’un seul mari avec une seule épouse, d’après son origine et sa correspondance, est céleste, spirituel, saint et pur plus que tout autre amour, No 64, et suiv. Maintenant, comme la chasteté, la pureté et la sainteté n’existent que dans l’amour vraiment conjugal, il s’ensuit que dans l’amour polygamique il n’y a et ne peut y avoir ni chasteté, ni pureté, ni sainteté.

347. XII. Le Polygame, tant qu’il reste polygame, ne peut devenir spirituel. Devenir spirituel, c’est être élevé du naturel, c’est-à-dire, de la lumière et de la chaleur du monde dans la lumière et la chaleur du ciel ; nul ne sait rien de cette élévation, si ce n’est celui qui a été élevé ; cependant l’homme naturel non-élevé ne perçoit jamais autrement sinon qu’il a été élevé ; et cela, parce que, de même que l’homme spirituel peut élever son entendement dans la lumière du ciel, et penser et parler spirituellement, de même l’homme naturel le peut ; mais si en même temps la volonté ne suit pas l’entendement dans cette hauteur, il n’a pas cependant été élevé, car il ne se tient pas dans cette élévation, mais après quelques moments il s’abaisse vers sa volonté, et il y établit son poste : il est dit la volonté, et il est entendu en même temps l’amour, parce que la volonté est le réceptacle de l’amour, car ce que l’homme aime, il le veut. Par ces quelques observations on peut voir que le polygame, tant qu’il reste polygame, ou, ce qui est la même chose, l’homme naturel, tant qu’il reste naturel, ne peut devenir spirituel.

348. XIII. La Polygamie n’est point un péché chez ceux qui vivent en elle d’après la religion. Tout ce qui est contre la Religion est réputé être un péché, parce que cela est contre Dieu ; et d’un autre côté tout ce qui est avec la Religion est réputé ne pas être un péché, parce que cela est avec Dieu ; or, comme la Polygamie chez les fils d’Israël venait de la Religion, et qu’il en est de même aujourd’hui chez les Mahométans, elle n’a pu ni ne peut leur être imputée comme péché. De plus, afin qu’elle ne soit pas pour eux un péché, ils restent naturels, et ne deviennent point spirituels ; et l’homme naturel ne peut pas voir qu’il y ait quelque péché dans des choses qui appartiennent à une religion admise ; l’homme spirituel seulement le voit : c’est pour cette raison que, quoique d’après l’Alcoran les mahométans reconnaissent notre Seigneur pour le Fils de Dieu, ils s’adressent néanmoins non à Lui, mais à Mahomet ; et ainsi ils restent naturels, et par suite ne savent pas qu’il y ait quelque mal, ni même quelque lasciveté dans la polygamie ; le Seigneur dit aussi : « Si aveugles vous étiez vous n’auriez point de péché ; mais maintenant vous dites : Nous voyons ; c’est pourquoi votre péché demeure. » – Jean, IX. 41. – Puisque la Polygamie ne peut les accuser de péché, c’est pour cela qu’après la mort ils ont leurs Cieux, No 342, et ils y ont des joies selon leur vie.

349. XIV. La Polygamie n’est point un péché chez ceux qui sont dans l’ignorance au sujet du Seigneur. C’est parce que l’Amour vraiment conjugal vient du Seigneur seul, et que cet amour ne peut être donné par le Seigneur qu’à ceux qui Le connaissent, Le reconnaissent, croient en Lui, et vivent de la vie qui vient de Lui ; et ceux à qui cet amour ne peut être donné ne savent autre chose sinon que l’amour du sexe et l’amour conjugal sont un ; par conséquent aussi la polygamie : qu’on ajoute à cela que les Polygames, qui ne savent rien du Seigneur, restent naturels ; car l’homme devient spirituel uniquement par le Seigneur, et à l’homme naturel n’est pas imputé comme péché ce qui est conforme aux lois de la Religion et en même temps de la Société ; celui-là aussi agit conformément à sa raison, et la raison de l’homme naturel est dans une pleine obscurité sur l’Amour vraiment conjugal ; et cet amour est par excellence spirituel ; néanmoins la raison des polygames est instruite par expérience qu’il importe à la paix publique et privée que le désir libidineux de promiscuité en général soit restreint, et soit laissé à chacun dans l’intérieur de sa maison ; de là vient la Polygamie.

350. On sait que l’homme en naissant est plus vil que la bête ; toutes les bêtes naissent dans les sciences qui correspondent à l’amour de leur vie ; car dès qu’elles sont mises bas, ou dès qu’elles sont écloses, elles voient, entendent, marchent, connaissent leurs aliments, leur mère, leurs amis et leurs ennemis ; et peu de temps après, elles connaissent le sexe, et elles savent aimer, et aussi élever leurs petits : l’homme seul, quand il naît, ne sait rien de semblable, car rien de science ne naît avec lui ; il est seulement faculté et inclination pour recevoir les choses qui appartiennent à la science et à l’amour, et s’il ne les reçoit pas des autres, il reste plus vil que la bête. Que l’homme naisse tel pour cette fin qu’il ne s’attribue rien, mais qu’il attribue aux autres, et enfin à Dieu Seul, le tout de la sagesse et de l’amour de la sagesse, et que par suite il puisse devenir l’image de Dieu, on le voit dans le MÉMORABLE, Nos 132 à 136. Il suit de là que l’homme qui ne sait pas par d’autres que le Seigneur est venu dans le Monde et qu’il est Dieu, et qui a seulement puisé quelques connaissances sur la Religion selon les lois de son pays, n’est point en faute si sur l’amour conjugal il ne pense pas plus que sur l’amour du sexe, et s’il croit que l’amour polygamique est le seul amour conjugal : le Seigneur conduit ceux-ci dans leur ignorance, et par son Auspice Divin il retire providentiellement de l’imputation de la faute ceux qui par religion fuient les maux comme péchés, dans le but d’être sauvés ; car chaque homme naît pour le ciel, et nul ne naît pour l’enfer ; et chacun vient dans le Ciel par le Seigneur, ou dans l’enfer par soi-même.

351. XV. Quoique Polygames, ceux d’entre eux qui reconnaissent un Dieu, et qui vivent par Religion selon les lois civiles de la justice, sont sauvés. Tous ceux qui, sur tout le Globe terrestre, reconnaissent un Dieu, et vivent par religion selon les lois civiles de la justice, sont sauvés ; par les lois civiles de la justice sont entendus les préceptes, tels qu’ils sont dans le Décalogue, à savoir, qu’il faut ne point tuer, ne point commettre adultère, ne point voler, ne point porter de faux témoignages ; ces préceptes sont les lois civiles de la justice dans tous les Royaumes de la terre, car sans elles un Royaume ne subsisterait point. Mais on y conforme sa vie, les uns par la crainte des peines de la loi, d’autres par obéissance civile, d’autres aussi par religion ; et ceux qui y conforment aussi leur vie par religion sont sauvés ; cela vient de ce qu’alors Dieu est en eux, et que l’homme, en qui est Dieu, est sauvé. Qui est-ce qui ne voit pas que chez les fils d’Israël, après qu’ils furent partis d’Égypte, il y avait au nombre de leurs Lois qu’il faut ne point tuer, ne point commettre adultère, ne point voler, ne point porter de faux témoignage, puisque sans ces lois leur communauté ou société n’aurait pu subsister ? Et cependant ces mêmes Lois furent promulguées par Jéhovah Dieu sur la montagne de Sinaï avec un Miracle étonnant ; mais la cause de leur promulgation était que ces mêmes Lois fussent aussi faites lois de la religion, et qu’ainsi ils les observassent non-seulement pour le bien de la Société, mais aussi pour Dieu, et qu’ils fussent sauvés quand par religion ils les observeraient pour Dieu. D’après ces considérations on peut voir que les Païens, qui reconnaissent un Dieu et vivent selon les lois civiles de la Justice, sont sauvés ; car ce n’est pas leur faute s’ils ne savent rien du Seigneur, ni par conséquent rien de la chasteté du mariage avec une seule épouse : en effet, il est contre la Justice Divine que ceux qui reconnaissent un Dieu et vivent par religion selon les lois de la justice, qui consistent à fuir les maux parce qu’ils sont contre Dieu, et à faire les biens parce qu’ils sont avec Dieu, soient condamnés.

352. XVI. Mais nul des uns ni des autres ne peut être consocié avec les Anges dans les Cieux Chrétiens. C’est parce que dans les Cieux Chrétiens il y a la Lumière céleste qui est la Divine Vérité, et la chaleur céleste qui est le Divin Amour ; et ces deux dévoilent quels sont les vrais et les biens, puis aussi quels sont les maux et les faux ; que là vient qu’entre les Cieux Chrétiens et les Cieux Mahométans il n’existe aucune communication ; il en est de même pour les Cieux des Gentils ; s’il y avait communication, il ne pourrait y avoir de sauvés que ceux qui seraient par le Seigneur dans la lumière céleste et en même temps dans la chaleur céleste ; et même ceux-ci ne pourraient être sauvés s’il y avait conjonction des Cieux ; car par cette conjonction tous les Cieux seraient ébranlés, au point que les Anges ne pourraient subsister ; en effet, l’inchaste et le lascif influeraient des Mahométans dans le Ciel Chrétien, ce qui ne pourrait y être supporté ; et le chaste et le pur influeraient des Chrétiens dans le Ciel Mahométan, ce qui ne pourrait pas non plus y être supporté ; et alors par la communication et par suite par la conjonction, les Anges Chrétiens deviendraient naturels et ainsi adultères, ou s’ils restaient spirituels, ils sentiraient continuellement autour d’eux le lascif, qui intercepterait toute béatitude de leur vie ; quelque chose de semblable arriverait au Ciel des Mahométans, car les spirituels du Ciel Chrétien les entoureraient continuellement et les tourmenteraient, et enlèveraient tout plaisir de leur vie, et de plus insinueraient que la polygamie est un péché, et de cette manière ils seraient sans cesse réprimandés. C’est pour cette raison que tous les Cieux sont absolument distincts, afin qu’entre eux il n’y ait de conjonction que par l’influx de la lumière et de la chaleur procédant du Seigneur par le Soleil, au milieu duquel il est ; et cet influx illustre et vivifie chacun selon la réception, et la réception est selon la religion ; cette communication existe, mais non celle des Cieux entre eux.

 

 

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353. À ce qui précède j’ajouterai DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE. Un jour, je me trouvai au milieu des Anges, et j’entendis leur conversation ; leur conversation était sur l’Intelligence et sur la Sagesse ; ils disaient que l’homme ne sent et ne perçoit pas autrement, si ce n’est qu’elles sont l’une et l’autre en lui, et qu’ainsi tout ce qu’il pense d’après l’entendement et se propose d’après la volonté vient de lui, tandis que cependant de l’homme il ne vient pas la moindre chose de cela, excepté la faculté de recevoir de Dieu les choses qui appartiennent à l’entendement et à la volonté ; et, comme tout homme par naissance incline à s’aimer, afin donc que l’homme ne périsse pas par l’amour de soi et par le faste de la propre intelligence, il a été pourvu par création à ce que cet amour du mari fût transcrit dans l’épouse, et que par naissance il fût implanté dans celle-ci d’aimer l’intelligence et la sagesse de son mari, et ainsi le mari ; c’est pourquoi l’épouse attire continuellement à elle le faste de la propre intelligence de son mari, et elle l’éteint chez lui et le vivifie chez elle, et ainsi le change en amour conjugal, et le remplit de charmes outre mesure ; il a été pourvu à cela par le Seigneur, de peur que le faste de la propre intelligence n’infatue le mari au point qu’il croie être intelligent et sage par lui-même et non par le Seigneur, et qu’ainsi il veuille manger de l’arbre de la science du bien et du mal, et par suite se croire semblable à Dieu, et aussi Dieu, comme le serpent, qui était l’amour de la propre intelligence, le dit et le persuada ; c’est pourquoi l’homme, après en avoir mangé, fut chassé du Paradis, et le chemin vers l’Arbre de vie fut gardé par un Chérubin. Le Paradis, spirituellement entendu, est l’intelligence ; manger de l’arbre de vie, dans le sens spirituel, c’est être intelligent et sage par le Seigneur ; et manger de l’arbre de la science du bien et du mal, dans le sens spirituel, c’est être intelligent et sage par soi-même.

354. Les Anges, ayant terminé cette conversation, se retirèrent, et il vint deux Prêtres avec un Homme qui dans le Monde avait été Ambassadeur d’un Royaume, et je leur racontai ce que j’avais entendu dire par les Anges. Dès qu’ils l’eurent entendu, ils se mirent à discuter tous trois sur l’Intelligence et sur la Sagesse, et par suite sur la Prudence, afin de décider si elles venaient de Dieu ou de l’homme ; la discussion était vive ; tous les trois croyaient également de cœur qu’elles viennent de l’homme, parce qu’elles sont dans l’homme, et que la perception même et la sensation même qu’il en est ainsi le confirment ; mais les Prêtres, qui étaient alors dans le zèle théologique, disaient que rien de l’Intelligence ni de la Sagesse, ni par conséquent rien de la Prudence, ne venait de l’homme ; or, comme l’Ambassadeur rétorquait qu’ainsi rien de la pensée ne venait non plus de l’homme, ils disaient que rien n’en venait : mais comme il fut perçu dans le Ciel qu’ils avaient tous trois la même croyance, il fut dit à l’Ambassadeur : « Prends des vêtements de prêtre, et crois que tu es prêtre, et alors parle. » Et il en prit et se crut prêtre, et alors il dit à haute voix que rien de l’Intelligence, ni de la Sagesse, ni par conséquent rien de la Prudence ne pouvait exister que par Dieu ; et il le démontra avec son éloquence habituelle, pleine d’arguments rationnels ; il est ordinaire, dans le Monde Spirituel, qu’un esprit s’imagine être le personnage dont il a sur lui le vêtement, par la raison que là l’entendement revêt chacun. Ensuite il fut dit aussi du Ciel aux deux Prêtres : « Ôtez vos vêtements, et prenez des vêtements de Ministres Politiques, et croyez que vous êtes ces Ministres. » Et ils firent ainsi ; et alors ils pensèrent en même temps d’après leur intérieur, et ils parlèrent d’après les arguments qu’ils avaient intérieurement embrassés pour la propre intelligence. En ce moment il apparut un Arbre près du chemin, et il leur fut dit : « C’est l’Arbre de la science du bien et du mal ; gardez-vous d’en manger. » Néanmoins tous les trois, infatués de la propre intelligence, brûlaient du désir d’en manger : et ils se disaient entre eux : « Pourquoi non ? n’est-ce pas un bon fruit ? » Et ils s’approchèrent et en mangèrent. Immédiatement tous les trois, parce qu’ils étaient dans une croyance semblable, devinrent amis de cœur, et ils prirent ensemble le chemin de la propre intelligence, qui conduisait en Enfer ; mais néanmoins je les en vis revenir, parce qu’ils n’étaient pas encore préparés.

355. SECOND MÉMORABLE. Un jour que je regardais dans le Monde des Esprits, je vis dans une certaine prairie des hommes vêtus d’habillements semblables à ceux des hommes de notre Monde, d’où je connus qu’ils en étaient nouvellement arrivés : je m’approchai d’eux, et je me tins à leur côté pour entendre ce qu’entre eux ils disaient ; ils parlaient du Ciel ; et l’un d’eux, qui avait quelque connaissance du Ciel, dit : « Il y a là des choses admirables que nul ne peut croire, à moins de les avoir vues ; par exemple, des Jardins paradisiaques, des Palais magnifiques construits selon les règles de l’architecture, parce que ce sont des œuvres de l’art même, resplendissants comme d’or, devant lesquels sont des Colonnes en argent, et sur les colonnes des Formes célestes faites de pierres précieuses ; puis aussi, des Maisons de jaspe et de saphir, avec de magnifiques Portiques par lesquels entrent les Anges ; et, à l’intérieur des maisons, des Décorations que ni l’art ni la parole ne peuvent exprimer. Quant aux Anges eux-mêmes, ils sont de l’un et de l’autre sexe ; il y a des jeunes hommes et des maris, et il y a des vierges et des épouses ; des vierges si belles, qu’il n’y a pas d’exemple d’une telle beauté dans le Monde, mais des épouses encore plus belles qui apparaissent comme des effigies réelles de l’amour céleste, et leurs maris comme des effigies de la sagesse céleste ; et tous sont de jeunes adolescents ; et qui plus est, on ne sait pas là ce que c’est qu’un amour du sexe autre que l’amour conjugal ; et, ce qui vous étonnera, les maris sont dans une perpétuelle faculté d’en goûter les délices. » Quand ces Esprits novices apprirent que, là, il n’y avait pas d’amour du sexe autre que l’amour conjugal, et qu’on y était dans une perpétuelle faculté d’en goûter les délices, ils rirent entre eux et dirent : « Tu nous parles de choses incroyables ; une telle faculté n’est pas possible, tu racontes sans doute des fables. » Mais alors un Ange, descendu inopinément du Ciel, se tint au milieu d’eux, et dit : « Écoutez-moi, je vous prie ; je suis un Ange du Ciel, et j’y vis avec mon Épouse depuis mille ans, et durant ce temps, dans la même fleur de l’âge où vous me voyez ici ; je dois cela à mon Amour conjugal pour mon épouse ; et je puis affirmer que j’ai eu et que j’ai cette perpétuelle faculté ; et comme je perçois que vous croyez, vous, que cela n’est pas possible, je vais vous en parler d’après des raisons conformes à la lumière de votre entendement : Vous ne savez rien de l’état primordial de l’homme, qui est appelé par vous l’état d’intégrité : dans cet état, tous les intérieurs du mental étaient ouverts jusqu’au Seigneur, et étaient par suite dans le mariage de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai ; et comme le bien de l’amour et le vrai de la sagesse s’aiment perpétuellement, ils veulent perpétuellement être unis ; et quand les intérieurs du mental ont été ouverts, cet amour spirituel conjugal découle librement avec son perpétuel effort, et présente cette faculté. L’âme de l’homme elle-même, parce qu’elle est dans le mariage du bien et du vrai, est non-seulement dans le perpétuel effort de cette union, mais aussi dans le perpétuel effort de la fructification et de la production de sa ressemblance ; et quand les intérieurs de l’homme sont ouverts, d’après ce mariage, à partir de l’âme, et que les intérieurs regardent continuellement l’effet dans les derniers comme la fin pour qu’ils existent, il en résulte que ce perpétuel effort de fructifier et de produire son semblable, effort qui appartient à l’âme, devient l’effort du corps ; et comme le dernier de l’opération de l’âme dans le corps chez deux époux y est dans les derniers de l’amour, et que ces derniers dépendent de l’état de l’âme, on voit clairement d’où leur vient cette perpétuité. Qu’il y ait aussi une perpétuelle fructification, c’est parce que la Sphère Universelle pour engendrer et propager les célestes qui appartiennent à l’amour, et les spirituels qui appartiennent à la sagesse, et par suite les naturels qui appartiennent aux progénitures, procède du Seigneur et remplit le Ciel tout entier et le Monde tout entier, et que cette Sphère céleste remplit les âmes de tous les hommes, et descend par leurs mentals dans le corps jusqu’à ses derniers, et donne la force d’engendrer : mais cette force ne peut être donnée qu’à ceux chez qui est ouvert un passage de l’âme, par les supérieurs et les inférieurs du mental, dans le corps jusqu’à ses derniers, ce qui a lieu chez ceux qui se laissent ramener par le Seigneur dans l’état primordial de création : je puis affirmer que depuis mille ans il ne m’a jamais manqué ni faculté, ni force, ni vertu, et que je n’ai absolument rien connu de la diminution des forces, puisque celles-ci, par le continuel influx de la Sphère universelle susmentionnée, sont continuellement renouvelées, et même alors réjouissent le mental (animus), et ne l’attristent pas comme chez ceux qui en souffrent la perte. Outre cela, l’Amour vraiment conjugal est absolument comme la Chaleur du printemps, par l’influx de laquelle tout aspire à germer et à fructifier ; il n’y a pas non plus d’autre Chaleur dans notre Ciel ; c’est pourquoi il y a là chez les Époux un printemps dans son perpétuel effort, et c’est de ce perpétuel effort que vient cette vertu. Mais les fructifications chez nous, dans les Cieux, sont autres que chez les hommes dans les terres ; chez nous, ce sont des fructifications spirituelles, qui appartiennent à l’amour et à la sagesse, ou au bien et au vrai ; l’Épouse d’après la sagesse du Mari reçoit en elle l’amour de cette sagesse, et le Mari d’après l’amour de la sagesse dans l’Épouse reçoit en lui la sagesse ; et même l’Épouse est en actualité formée pour l’amour de la sagesse du Mari, ce qui a lieu par les réceptions des propagations de l’âme du mari avec le délice provenant de ce qu’elle veut être l’amour de la sagesse de son Mari ; ainsi de Vierge elle devient Épouse, et ressemblance ; de là aussi l’amour avec son amitié intime chez l’épouse, et la sagesse avec sa félicité chez le Mari, croissent continuellement, et cela à éternité ; c’est là l’État des Anges du Ciel. » Quand l’Ange eut ainsi parlé, il regarda ceux qui étaient récemment arrivés du Monde, et il leur dit : « Vous savez que vous, lorsque vous avez été dans la vertu de l’amour, vous avez aimé vos épouses, et qu’après le délice vous vous en êtes détournés ; mais vous ne savez pas que nous, dans le Ciel, ce n’est pas d’après cette vertu que nous aimons les épouses, mais que cette vertu en nous vient de l’amour, et que comme nous aimons continuellement les épouses, elle est perpétuelle chez nous ; si donc vous pouvez retourner en l’état, vous pouvez comprendre cela ; celui qui aime perpétuellement son épouse, ne l’aime-t-il pas de tout son mental et de tout son corps ? Car, l’amour tourne toutes les choses du mental et toutes celles du corps vers ce qu’il aime, et comme cela est fait réciproquement il conjoint les époux à un tel point qu’ils deviennent comme un. » De plus, il dit : « Je ne vous parlerai point de l’Amour conjugal insité par création dans les mâles et dans les femelles, et de leur inclination à une légitime conjonction, ni de la faculté de prolifier dans les Mâles, laquelle fait un avec la faculté de multiplier la sagesse d’après l’amour du vrai ; ni de ce fait que, autant l’homme aime la sagesse d’après l’amour de la sagesse, ou le vrai d’après le bien, autant il est dans l’amour vraiment conjugal et dans la vertu qui l’accompagne. »

356. Après avoir dit ces choses, l’Ange garda le silence ; et, d’après l’esprit du discours de l’Ange, les nouveaux venus comprirent que la perpétuelle faculté de goûter ces délices est possible ; et comme cette idée réjouissait leurs mentals (animi), ils dirent : « Oh ! combien est heureux l’état des Anges ! Nous percevons que vous, dans les Cieux, vous demeurez à éternité dans l’état de l’adolescence, et par suite dans la vertu de cet âge ; mais dis-nous comment nous pourrons, nous aussi, jouir de cette vertu. » Et l’Ange répondit : « Fuyez les Adultères comme infernaux, et adressez-vous au Seigneur, et vous l’aurez. » Et ils dirent : « Nous les fuirons ainsi, et nous nous adresserons au Seigneur. » Mais l’Ange répliqua : « Vous ne pouvez fuir les adultères comme maux infernaux, à moins que vous ne fuyiez pareillement les autres maux, parce que les adultères sont le complexe de tous les maux ; et, à moins que vous ne les fuyiez, vous ne pouvez vous adresser au Seigneur ; les Seigneur n’en reçoit pas d’autres. » Après cela, l’Ange se retira, et ces nouveaux esprits s’en allèrent tristes.

 

 

 

DE LA JALOUSIE.

 

 

357. Il est traité ici de la Jalousie, parce qu’elle appartient aussi à l’Amour conjugal ; mais il y a une Jalousie juste et une Jalousie injuste ; une Jalousie juste existe chez les époux qui s’aiment mutuellement ; chez eux, c’est un zèle juste et prudent pour que leur amour conjugal ne soit pas violé, et par suite une douleur juste, s’il est violé ; mais une Jalousie injuste existe chez ceux qui par nature sont soupçonneux, et dont le mental est malade par suite d’un sang visqueux et bilieux. De plus, toute jalousie est regardée par quelques-uns comme un vice, et principalement par les scortateurs, qui déversent même le blâme sur une jalousie juste : le mot jalousie (Zelotypia) est dérivé de ZELI TYPUS (Type de zèle), et il y a un type ou une image de zèle juste, et un type ou une image de zèle injuste ; mais ces distinctions seront développées dans ce qui va suivre ; ce sera dans cette série : I. Le Zèle, considéré en lui-même, est comme le feu embrasé de l’amour. II. L’embrasement ou la flamme de cet amour, qui est un zèle, est un embrasement ou une flamme spirituelle, ayant son origine dans une infestation et une attaque dirigées contre l’amour. III. Le Zèle de l’homme est tel qu’est son amour ; ainsi, autre chez celui dont l’amour est bon, et autre chez celui dont l’amour est mauvais. IV. Le Zèle de l’amour bon et le Zèle de l’amour mauvais sont semblables dans les externes, mais absolument différents dans les internes. V. Le Zèle de l’amour bon renferme dans ses internes l’amour et l’amitié ; mais le zèle de l’amour mauvais renferme dans ses internes la haine et la vengeance. VI. Le zèle de l’Amour conjugal est appelé Jalousie. VII. La Jalousie est comme un feu embrasé contre ceux qui infestent l’amour avec le conjoint, et elle est comme une crainte terrible de la perte de cet amour. VIII. Il y a Jalousie spirituelle chez les monogames, et Jalousie naturelle chez les polygames. IX. La Jalousie, chez ces époux qui s’aiment tendrement, est une juste douleur, d’après une raison saine, par crainte que l’amour conjugal ne soit divisé, et ainsi ne périsse. X. La Jalousie, chez les époux qui ne s’aiment pas, existe pour plusieurs causes ; chez quelques-uns, elle vient de diverses maladies du mental. XI. Chez d’autres, il n’y a aucune Jalousie, et aussi par diverses causes. XII. Il y a aussi Jalousie à l’égard des maîtresses, mais non de même qu’à l’égard des épouses. XIII. Il y a aussi Jalousie chez les bêtes et chez les oiseaux. XIV. La Jalousie chez les hommes et chez les maris est autre que chez les femmes et chez les épouses. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

358. 1. Le Zèle, considéré en lui-même, est comme le (eu embrasé de l’amour. Ce que c’est que la Jalousie, ou ne peut le connaître, à moins qu’on ne connaisse ce que c’est que le zèle, car la Jalousie est le zèle de l’amour conjugal. Que le Zèle soit comme le feu embrasé de l’amour, c’est parce que le Zèle appartient à l’amour, et que l’amour est la chaleur spirituelle, et cette chaleur dans son origine est comme celle du feu : quant au premier point, que le zèle appartient à l’amour, cela est notoire ; par être zélé et agir par zèle, il n’est pas entendu autre chose qu’agir par la force de l’amour, mais parce que, quand il existe, il se présente non pas comme amour, mais comme adversaire et ennemi, harcelant et combattant celui qui blesse l’amour, il en résulte qu’il peut aussi être appelé défenseur et protecteur de l’amour ; car tout amour est tel qu’il éclate en indignation et en colère, et même en fureur, quand il est troublé dans ses plaisirs : si donc l’amour, et surtout l’amour dominant, est touché, il y a émotion du mental (animus), et si ce toucher blesse, il y a emportement : d’après cela on peut voir que le zèle n’est pas le plus haut degré de l’amour, mais qu’il est l’amour embrasé. L’amour de l’un et l’amour correspondant de l’autre sont comme deux confédérés ; mais quand l’amour de l’un se lève contre l’amour de l’autre, ils deviennent comme deux ennemis ; la raison de cela, c’est que l’amour est l’être de la vie de l’homme ; c’est pourquoi celui qui attaque l’amour attaque la vie même ; et alors contre celui qui attaque il y a un état d’emportement, tel qu’est l’état de tout homme qu’un autre cherche à tuer. Il y a un semblable emportement dans chaque amour, même dans l’amour le plus pacifique, comme on le voit d’après les poules, les oies et les oiseaux de toute espèce, en ce qu’ils se lèvent sans crainte et s’élancent contre ceux qui blessent leurs petits ou qui enlèvent leur nourriture ; qu’il y ait colère chez quelques bêtes et fureur chez les bêtes féroces si leurs petits sont attaqués, ou si leur proie est enlevée, cela est connu. Si l’amour est dit s’embraser comme le feu, c’est parce que l’amour n’est autre chose que la chaleur spirituelle, tirant son origine du feu du Soleil Angélique, qui est le pur Amour : que l’amour soit une chaleur comme celle du feu, on le voit clairement par la chaleur des corps vivants, qui ne vient d’autre part que de leur amour ; puis aussi en ce que les hommes s’échauffent et s’enflamment selon les exaltations de l’amour. D’après ces considérations, il est évident que le zèle est comme le feu embrasé de l’amour.

359. II. L’embrasement ou la flamme de cet amour, qui est un zèle, est un embrasement ou une flamme spirituelle, ayant son origine dans une infestation et une attaque dirigées contre l’amour. Que le Zèle soit un embrasement ou une flamme spirituelle, on le voit clairement d’après ce qui a été dit ci-dessus : comme l’Amour, dans le Monde spirituel, est une chaleur qui a son origine dans le Soleil de ce monde, c’est pour cela aussi que l’amour y apparaît de loin comme une flamme ; ainsi apparaît l’amour céleste chez les anges du ciel ; ainsi apparaît aussi l’amour infernal chez les esprits de l’enfer : toutefois, il faut qu’on sache que cette flamme ne brûle pas comme la flamme du Monde naturel. Si le Zèle a son origine dans l’attaque dirigée contre l’amour, c’est parce que l’amour est la chaleur de la vie de chacun ; lors donc que l’amour de la vie est attaqué, la chaleur de la vie s’enflamme, résiste, et s’élance contre l’agresseur, et elle agit en ennemi d’après sa force et sa puissance, de même que la flamme qui s’élance du feu contre celui qui l’attise ; que cette chaleur soit comme un feu, on le voit d’après les yeux, en ce qu’ils étincellent, d’après la face, en ce qu’elle s’enflamme, puis aussi d’après le son de la voix et d’après les gestes ; l’amour, parce qu’il est la chaleur de la vie, agit ainsi pour prévenir l’extinction de cette chaleur, et avec elle l’extinction de toute activité, de toute vivacité et de toute perceptibilité du plaisir procédant de son amour.

360. Il va être dit comment, quand il est attaqué, l’amour s’embrase et éclate en zèle comme le feu s’embrase et éclate en flamme quand il est attisé : L’amour réside dans la volonté de l’homme ; toutefois, il s’enflamme non pas dans la volonté elle-même, mais dans l’entendement ; car il est dans la volonté comme un feu, et dans l’entendement comme une flamme ; l’amour dans la volonté ne sait rien de ce qui le concerne, parce qu’il n’y sent rien de ce qui lui appartient, et n’y fait rien par lui même, mais cela a lieu dans l’entendement et dans la pensée de l’entendement ; lors donc que l’amour est attaqué, il s’irrite dans l’entendement, ce qui a lieu par divers raisonnements ; ces raisonnements sont comme des morceaux de bois que le feu embrase, et qui par suite s’enflamment ; ils sont donc comme autant d’aliments, ou comme autant de matières combustibles d’où provient cette flamme spirituelle, qui est d’une grande variété.

361. La raison même pour laquelle l’homme s’enflamme, quand son amour est attaqué, va être dévoilée : La forme humaine dans ses intimes est par création la forme de l’amour et de la sagesse ; dans l’homme sont toutes les affections de l’amour, et par suite toutes les perceptions de la sagesse, composées dans un ordre très parfait, de telle sorte qu’ensemble elles fassent une unanimité, et par conséquent un ; elles sont substanciées, car des substances sont leurs sujets. Puis donc que la forme humaine en a été composée, il est évident que, si l’amour est attaqué, toute cette forme, avec toutes et chacune des choses qui la constituent, est aussi attaquée à l’instant ou en même temps : et comme par création il a été donné à tous les êtres vivants de vouloir demeurer dans leur forme, l’assemblage commun le veut par chacune des parties, et chacune des parties le veut par l’assemblage commun ; par suite, quand l’amour est attaqué, il se défend par son entendement, et l’entendement se défend par des choses rationnelles et par des choses imaginatives, par lesquelles il se représente l’évènement, surtout par celles qui font un avec l’amour qui est attaqué ; si cela ne se faisait pas, toute cette forme, par la privation de cet amour, serait détruite. De là vient que l’amour, pour résister aux attaques, endurcit les substances, de sa forme, et les dresse comme en crêtes, tout autant d’aiguillons, c’est-à-dire qu’il se crispe ; telle est l’irritation de l’amour, qui est appelée Zèle : si donc l’amour n’a pas la faculté de résister, il en résulte de l’anxiété et de la douleur, parce qu’il prévoit l’extinction de la vie intérieure avec ses plaisirs. Mais, au contraire, si l’amour est favorisé et flatté, cette forme se relâche, s’amollit, se dilate, et les substances de la forme deviennent douces, tendres, paisibles et attrayantes.

362. III. Le Zèle de l’homme est tel qu’est son amour ; ainsi, autre chez celui dont l’amour est bon, et autre chez celui dont l’amour est mauvais. Puisque le Zèle appartient à l’Amour, il s’ensuit qu’il est tel qu’est l’amour ; et comme il y a en général deux amours, l’amour du bien et du vrai d’après le bien, et l’amour du mal et du faux d’après le mal, de là en général il y a le Zèle pour le bien et par suite pour le vrai, et le Zèle pour le mal et par suite pour le faux. Mais il faut qu’on sache que l’un et l’autre amour sont d’une variété infinie ; cela est bien évident d’après les Anges du ciel et les Esprits de l’enfer ; les uns et les autres dans le monde spirituel sont les formes de leur amour, et cependant il n’y a pas un seul ange du Ciel absolument semblable à un autre, quant à la face, au langage, à la démarche, aux gestes, et aux mœurs ; ni aucun esprit de l’enfer semblable à un autre, et même il ne peut pas y en avoir dans toute l’éternité, quelque multipliés qu’ils soient par myriades de myriades : de là il est évident que les Amours sont d’une variété infinie, puisque telles en sont les formes : il en est de même du Zèle, puisque le Zèle appartient à l’amour, c’est-à-dire que le Zèle de l’un ne peut pas être absolument semblable au Zèle d’un autre, ou être le même Zèle : en général, il y a le Zèle de l’amour bon, et le Zèle de l’amour mauvais.

363. IV. Le Zèle de l’amour bon et le Zèle de l’amour mauvais sont semblables dans les externes, mais absolument différents dans les internes. Le Zèle dans les externes se présente chez chacun comme de la colère et de l’emportement ; car c’est un amour embrasé et enflammé pour se défendre contre le violateur, et pour le repousser. Si le Zèle de l’amour bon et le Zèle de l’amour mauvais paraissent semblables dans les externes, c’est parce que l’amour, lorsqu’il est dans le Zèle, s’embrase chez l’un et chez l’autre, mais seulement dans les externes chez l’homme bon, et tant dans les externes que dans les internes chez l’homme méchant ; et lorsque les internes ne sont point vus, les Zèles paraissent semblables dans les externes : mais qu’ils soient absolument différents dans les internes, on le verra dans l’Article qui va suivre. Que le Zèle se présente dans les externes comme de la colère et de l’emportement, on peut le voir et l’entendre en examinant ceux qui agissent et parlent d’après le Zèle ; par exemple, un prêtre, lorsqu’il prêche avec Zèle ; le ton de sa voix est élevé, véhément, aigu et âpre ; sa face s’enflamme et se couvre de sueur ; il s’emporte, frappe la chaire, et évoque contre les pécheurs le feu de l’enfer : il en est de même pour beaucoup d’autres.

354. Pour qu’on ait une idée distincte du Zèle chez les bons et du Zèle chez les méchants, et de la différence de ces Zèles, il est nécessaire qu’on se forme quelque idée des Internes et des Externes chez les hommes ; pour qu’on s’en forme une, soit à ce propos une idée populaire, car ceci aussi est pour le peuple : Soit donc pour exemple une noix ou un fruit à noyau, et leurs amandes ; les internes chez les bons sont comme les amandes à l’intérieur dans leur intégrité et leur bonté, entourées de leur coque ordinaire et native ; mais il en est tout autrement chez les méchants, leurs Internes sont comme les amandes qu’on ne peut manger à cause de leur amertume, ou qui sont pourries, ou qui sont véreuses, tandis que leurs Externes sont comme les coques ou coquilles des bonnes, ou semblables à des coques natives, ou brillantes comme des coquillages, ou nuancées comme des pierres d’iris. Tels apparaissaient leurs externes, au dedans desquels sont cachés les internes dont il vient d’être parlé. Il en est de même de leurs Zèles.

365. V. Le Zèle de l’amour bon renferme dans ses internes l’amour et l’amitié ; mais le Zèle de l’amour mauvais renferme dans ses internes la haine et la vengeance. Il a été dit que le Zèle dans les externes se présente comme de la colère et de l’emportement, tant chez ceux qui sont dans l’amour bon que chez ceux qui sont dans l’amour mauvais ; mais comme les Internes sont autres, autres aussi sont ces colères et ces emportements ; et les différences sont celles-ci : 1o le Zèle de l’amour bon est comme une flamme céleste, qui jamais ne s’élance contre un autre, mais seulement se défend, et se défend contre le méchant, comme lorsque celui-ci s’élance dans le feu et se brûle : mais le Zèle de l’amour mauvais est comme une flamme infernale, qui s’élance et se précipite, et veut consumer l’adversaire. 2o Le Zèle de l’amour bon s’éteint et s’adoucit, lorsque l’adversaire cesse d’attaquer ; mais le Zèle de l’amour mauvais continue et ne s’éteint pas. 3o La raison de cela, c’est que l’Interne de celui qui est dans l’amour du bien est en soi doux, tendre, amical et bienveillant ; c’est pourquoi lorsque l’Externe pour se défendre s’exaspère, se crispe et se dresse, et ainsi agit avec dureté, il est toujours tempéré par le bien dans lequel est son interne ; il en est autrement chez les méchants, chez eux l’Interne est ennemi, sans pitié, dur, respirant la haine et la vengeance, et se repaissant des plaisirs qu’il y trouve ; et, quoiqu’il se réconcilie, ces maux sont toujours cachés comme des feux dans des tisons sous la cendre ; et ces feux éclatent sinon dans le Monde, du moins, après la mort.

366. Comme le Zèle dans les externes, tant chez l’homme bon que chez l’homme méchant, paraît semblable, et comme le dernier sens de la Parole consiste en des correspondances et des apparences, il est très-souvent dit de Jéhovah qu’il se met en colère, qu’il s’emporte, qu’il se venge, qu’il punit, qu’il jette en enfer, outre plusieurs autres expressions qui sont les apparences du Zèle dans les externes ; de là vient aussi qu’il est appelé Jaloux (Zelotes) ; et cependant il n’y a en Lui rien de la colère, ni de l’emportement, ni de la vengeance ; car il est la Miséricorde Même, la Grâce Même et la Clémence Même, ainsi le Bien Même, dans lequel il n’y a rien de semblable. Mais sur ce sujet, voir de plus grands détails dans le Traité DU CIEL ET DE L’ENFER, Nos 545 à 550 ; et dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, Nos 494, 498, 525, 714, 806.

367. VI. Le Zèle de l’Amour conjugal est appelé Jalousie. Le Zèle pour l’Amour vraiment conjugal est le Zèle des zèles, parce que cet amour est l’Amour des amours, et que ses plaisirs, pour lesquels aussi le Zèle est excité, sont les plaisirs des plaisirs ; car cet Amour, ainsi qu’il a été montré ci-dessus, est la tête de tous les amours ; cela vient de ce que cet Amour introduit dans l’épouse la forme de l’amour, et dans le mari la forme de la sagesse, et que de ces formes unies en une, il ne peut procéder autre chose que ce qui a de la saveur d’après la sagesse et en même temps d’après l’amour. Comme le Zèle de l’Amour conjugal est le Zèle des zèles, il est pour cela même appelé d’un nom nouveau Jalousie (Zelotypia), c’est-à-dire type même du Zèle.

318. VII. La Jalousie est comme un feu embrasé contre ceux qui infestent l’Amour avec le conjoint, et elle est comme une crainte horrible de la perte de cet amour. Il s’agit ici de la Jalousie de ceux qui sont dans un amour Spirituel avec le conjoint ; dans l’Article suivant il s’agira de la Jalousie de ceux qui sont dans un amour Naturel ; et après cela de la Jalousie de ceux qui sont dans l’Amour vraiment conjugal. Chez ceux qui sont dans un amour spirituel la Jalousie est diverse, parce que leur amour est divers, car il n’y a jamais un seul amour, soit spirituel, soit naturel, absolument semblable chez deux personnes, ni à plus forte raison chez plusieurs. Que la Jalousie spirituelle, ou chez les spirituels soit comme un feu, s’embrasant contre ceux qui infestent leur amour conjugal, c’est parce que le principe de l’amour chez eux est dans les internes de l’un et de l’autre, et que de son principe leur amour suit les principiés jusque dans les derniers par lesquels, et aussi en même temps par les premiers, sont tenus dans une agréable chaîne les intermédiaires qui appartiennent au mental et au corps. Comme ceux-ci sont spirituels, dans leur mariage ils ont pour fin l’union, et dans l’union le repos spirituel et les charmes de ce repos ; or, comme ils ont rejeté de leurs mentals (animi) la désunion, c’est pour cela que cette Jalousie est comme un feu attisé et s’élançant contre ceux qui infestent. Qu’elle soit aussi comme une crainte horrible, c’est parce que leur amour spirituel tend à ce qu’ils soient un ; si donc il existe un cas, ou qu’il survienne une apparence de séparation, il en résulte une crainte pleine d’horreur, comme si deux parties unies étaient déchirées. Cette description de la Jalousie m’a été donnée du Ciel par ceux qui sont dans l’amour conjugal spirituel ; car il y a un amour conjugal naturel, un amour conjugal spirituel, et un amour conjugal céleste ; quant à l’amour conjugal naturel et à l’amour conjugal céleste, et quant à la Jalousie de ces amours, il en sera parlé dans les deux Articles qui suivent.

369. VIII. Il y a Jalousie spirituelle chez les monogames, et Jalousie naturelle chez les polygames. S’il y a Jalousie spirituelle chez les monogames, c’est parce que ceux-ci seulement peuvent recevoir l’amour conjugal spirituel, comme il a été suffisamment montré ci-dessus ; il est dit qu’il y a chez eux cette jalousie, mais il est entendu qu’elle peut y être ; qu’elle ne soit que chez un très-petit nombre dans le Monde Chrétien, où les mariages sont monogamiques, mais que néanmoins elle puisse y être, c’est même ce qui a été confirmé ci-dessus. Que l’amour conjugal chez les polygames soit naturel, on le voit dans le Chapitre de la Polygamie, Nos 345, 347 ; il en est alors de même de la Jalousie, parce que celle-ci suit l’amour. Quelle est la Jalousie des polygames, les relations de quelques hommes qui en ont vu eux-mêmes les effets chez les Orientaux nous l’enseignent ; c’est que les épouses et les concubines sont gardées comme des captives dans des prisons, et sont privées et éloignées de toute communication avec des hommes ; que dans les appartements des femmes ou dans les chambres de leur prison, il n’est permis à aucun homme d’entrer, à moins qu’il ne soit accompagné d’un eunuque ; qu’on observe avec attention si quelqu’une d’elles regarde d’un œil ou d’un air lascif un passant ; et que si on s’en aperçoit, la femme est punie de coups, et si elle se livre à des actes lascifs avec quelque homme introduit par ruse dans l’appartement, ou au dehors, elle est punie de mort.

370. Par ces relations, il a été montré avec évidence quel est le feu de Jalousie dont s’embrase l’amour conjugal polygamique, en ce qu’il éclate en colère et en vengeance, en colère chez les hommes doux, et en vengeance chez les hommes durs ; et cela a lieu parce que leur amour est naturel, et ne participe point du spirituel ; c’est une conséquence de ce qui a été démontré dans le Chapitre de la Polygamie, à savoir, que la Polygamie est une lasciveté, No 345 ; et que le polygame, tant qu’il reste polygame, est naturel et ne peut devenir spirituel, No 347. Mais autre est le feu de Jalousie chez les monogames naturels ; l’amour de ceux-ci ne s’enflamme pas ainsi contre les femmes, mais contre les violateurs ; contre eux il devient colère, et contre elles froideur : il en est autrement chez les polygames, dont le feu de Jalousie s’embrase aussi d’une fureur de vengeance : c’est même là une des raisons pour lesquelles les concubines et les épouses des polygames sont en grande partie affranchies après la mort, et sont envoyées dans des sérails non gardés pour s’y livrer à diverses choses, qui sont des ouvrages de femmes.

371. IX. La Jalousie, chez ces époux qui s’aiment tendrement, est une juste douleur, d’après une raison saine, par crainte que l’amour conjugal ne soit divisé, et ainsi ne périsse. Dans tout amour il y a crainte et douleur, il y a crainte qu’il ne périsse, et douleur s’il périt ; il en est de même de l’amour conjugal ; mais sa crainte et sa douleur sont appelées Zèle ou Jalousie. Que ce Zèle chez les époux qui s’aiment tendrement soit juste, et vienne d’une raison saine, c’est parce que c’est en même temps une crainte de la perte de la félicité éternelle, non-seulement pour soi, mais encore pour son conjoint, et parce que c’est aussi une défense contre l’adultère : quant au premier point, que c’est une juste crainte de la perte de la félicité éternelle pour soi et pour le conjoint, il résulte de toutes les choses qui ont été rapportées jusqu’ici de l’amour vraiment conjugal, et de celles-ci, que par cet amour il y a béatitude pour leurs âmes, bonheur pour leurs mentals, plaisir pour leurs cœurs, et volupté pour leurs corps ; et comme tout cela reste à éternité, ils craignent pour la félicité éternelle de l’un et de l’autre. Que ce Zèle soit une juste défense contre les adultères, cela est évident ; par suite il est comme un feu qui s’embrase contre la violation et se défend contre elle. D’après ces explications il est évident que celui qui aime tendrement le conjoint est jaloux aussi, mais juste et sensé selon la sagesse de l’homme.

372. Il a été dit que dans l’Amour conjugal il a été insité la crainte qu’il ne soit divisé, et la douleur dans le cas où il périt, et que son Zèle est comme un feu contre la violation ; un jour que je méditais sur ce sujet, j’interrogeai des Anges jaloux sur le siège de la Jalousie ; ils répondirent qu’il est dans l’entendement du mari qui reçoit l’amour de l’épouse, et lui rend amour pour amour, et que la qualité de la Jalousie est là selon la sagesse du mari : ils dirent en outre que la Jalousie a quelque chose de commun avec l’honneur qui est aussi dans l’amour conjugal, car celui qui aime son épouse l’honore aussi. Quant à la résidence du Zèle chez le mari dans son entendement, ils donnèrent pour raison que l’amour conjugal se défend lui-même par l’entendement, comme le bien par le vrai ; ainsi l’épouse défend les choses qui sont communes avec l’homme, par son mari ; et que c’est pour cela que le Zèle est insité dans les hommes, et par les hommes, et à cause des hommes, dans les femmes. À ma demande dans quelle région du mental chez les hommes réside la Jalousie, ils répondirent : Dans leur Âme, parce qu’elle est aussi une défense contre les adultères, et que, comme les adultères détruisent principalement l’amour conjugal, l’entendement du mari s’endurcit dans les périls de violation, et devient comme s’il frappait de la corne l’adultère.

373. X. La Jalousie, chez les époux qui ne s’aiment pas, existe pour plusieurs causes ; chez quelques-uns, elle vient de diverses maladies du mental. Les causes pour lesquelles les époux qui ne s’aiment pas mutuellement sont Jaloux aussi, sont principalement l’honneur de la puissance, la crainte de la diffamation de son nom et aussi de l’épouse, et la peur que les affaires domestiques ne tombent en décadence. Que chez les hommes il y ait l’honneur de la puissance, c’est-à-dire, que les hommes veuillent être considérés en raison de cet honneur, cela est notoire ; car tant qu’ils ont cet honneur, ils ont le mental comme élevé, et ne vont pas le front baissé parmi les hommes et les femmes ; à cet honneur se joint même une réputation de courage ; aussi existe-t-il chez les chefs militaires plus que chez les autres. Quant à la crainte de la diffamation de son nom et aussi de l’épouse, cette cause a de la cohérence avec la précédente ; il faut y ajouter que la cohabitation avec une prostituée, et des pratiques de débauche dans une maison, sont des infamies. Que chez quelques-uns il y ait jalousie de peur que les affaires domestiques ne tombent en décadence, c’est parce que dans ce cas le mari est méprisé, et que les devoirs et les secours mutuels sont suspendus ; mais cette Jalousie chez quelques-uns cesse avec le temps et devient nulle, et chez d’autres elle est changée en une pure feinte d’amour.

374. Que chez quelques-uns la Jalousie vienne de diverses maladies du mental, cela n’est pas ignoré dans le Monde ; car il y a des jaloux qui pensent continuellement que leurs épouses sont infidèles, et qui les croient des prostituées, pour peu qu’ils les entendent ou les voient parler amicalement à des hommes ou au sujet des hommes ; il y a plusieurs vices du mental qui produisent cette maladie ; le principal de ces vices est une fantaisie soupçonneuse, qui, si elle est longtemps entretenue, porte le mental dans des sociétés d’esprits semblables, dont il peut difficilement s’arracher ; elle s’affermit aussi dans le corps, par cela que le sérum, et par suite le sang, devient visqueux, tenace, épais, lent, âcre ; le défaut de forces l’augmente même, car il fait que le mental ne peut être élevé au-dessus de ses soupçons ; en effet, la présence des forces élève, et leur absence abat, car cette absence fait que le mental s’affaisse, tombe en défaillance et se flétrit ; et alors il se plonge de plus en plus dans cette fantaisie jusqu’à tomber dans le délire, et par suite il prend son plaisir dans les reproches, et, autant qu’il est permis, dans les injures.

375. Il y a aussi des groupes de contrées qui sont travaillés plus que les autres par la maladie de Jalousie ; dans ces lieux, les épouses sont emprisonnées, tyranniquement éloignées de toute conversation avec les hommes, privées de les voir à travers les fenêtres, qu’on garnit de grillages abaissés, et elles sont effrayées par des menaces de mort si le soupçon entretenu contre elles était reconnu bien fondé ; outre plusieurs autres duretés que les épouses y souffrent de la part de leurs maris jaloux. Mais il y a deux causes de cette Jalousie : l’une est la captivité des pensées et leur étouffement dans les choses spirituelles de l’Église ; l’autre est un désir intérieur de vengeance : quant à la première cause, – la captivité et l’étouffement des pensées dans les choses spirituelles de l’Église, – ce qu’elle opère peut être conclu de ce qui a été démontré ci-dessus, que pour chacun l’Amour conjugal est selon l’état de l’Église chez lui, et que, comme l’Église vient du Seigneur, cet Amour vient uniquement du Seigneur, Nos 130, 131 ; lors donc qu’au lieu du Seigneur, c’est à des hommes vivants et à des hommes morts qu’on s’adresse et qu’on rend un culte, il suit de là qu’il n’y a pas d’état de l’Église avec lequel l’Amour conjugal puisse faire un ; et d’autant moins quand leurs mentals sont poussés avec frayeur à ce culte par les menaces d’une horrible prison ; de là il arrive que les pensées, en même temps que les paroles, sont tenues violemment captives et étouffées ; une fois étouffées, il influe des choses qui sont ou contraires à l’Église, ou chimériques en faveur de l’Église ; il n’en résulte autre chose que de l’ardeur pour des prostituées, et de la glace pour l’épouse ; c’est de cette ardeur et de cette glace réunies dans un même sujet que découle ce feu indompté de la Jalousie. Quant à la seconde cause, – le désir intérieur de vengeance, – elle arrête entièrement l’influx de l’amour conjugal, elle l’absorbe, et l’engloutit, et elle en change le plaisir, qui est céleste, en un plaisir de vengeance qui est infernal, et la plus proche détermination de ce plaisir infernal est contre l’épouse. D’après l’apparence il résulte aussi que la malignité de l’atmosphère, qui y est imprégnée des exhalaisons virulentes de la contrée d’alentour, est une cause supplémentaire (succenturiata).

376. XI. Chez d’autres, il n’y a aucune Jalousie, et aussi par diverses causes. S’il n’y a aucune Jalousie, et si la Jalousie cesse, il y a de cela plusieurs causes ; il n’y a point de Jalousie principalement chez ceux qui n’estiment pas plus l’amour conjugal que l’amour scortatoire, et qui en même temps sont sans gloire, ne faisant aucun cas de leur réputation ; ceux-là ressemblent assez aux maris qui prostituent leurs épouses. Il n’y a point non plus de Jalousie chez ceux qui l’ont rejetée, parce qu’ils se sont confirmés qu’elle infeste le mental (animus) ; que c’est en vain que l’épouse est surveillée ; que la surveiller, c’est l’exciter ; que par conséquent il vaut mieux fermer les yeux, et ne pas même regarder par le trou de la serrure, de peur de découvrir quelque chose : quelques-uns l’ont rejetée à cause de la flétrissure attachée au nom de Jalousie, pensant que l’homme qui est homme ne craint rien : d’autres ont été forcés de la rejeter, de peur que les affaires domestiques n’en souffrissent, puis aussi de peur d’encourir le blâme public, si l’épouse était accusée du libertinage dont elle est coupable. En outre, la Jalousie devient nulle chez ceux qui, en raison de leur impuissance, accordent toute liberté aux épouses, afin d’avoir des enfants qui soient leurs héritiers ; puis aussi, chez quelques-uns pour des motifs d’intérêt ; et ainsi du reste. Il y a aussi des mariages scortatoires, dans lesquels, par un mutuel consentement, on se donne l’un à l’autre entière liberté d’intrigue amoureuse, et cependant on s’aborde d’un air poli quand on se rencontre.

177. XII. Il y a aussi Jalousie à l’égard des maîtresses, mais non de même qu’à l’égard des épouses. La Jalousie à l’égard des épouses a sa source dans les intimes chez l’homme ; mais la Jalousie à l’égard des maîtresses a sa source dans les externes ; elles sont donc d’un genre différent : si la Jalousie à l’égard des épouses a sa source dans les intimes, c’est parce que l’Amour conjugal y réside ; et il y réside, parce que le mariage, d’après son éternité établie par une alliance, et aussi d’après l’égalité du droit que l’un appartienne à l’autre, unit les âmes, et lie plus haut les mentals ; ce lien et cette union, une fois formés, restent indissolubles, quel que soit l’amour, chaud ou froid, qui ensuite intervienne. C’est de là que l’invitation à l’amour de la part de l’épouse refroidit entièrement le mari depuis les intimes jusqu’aux derniers, tandis que l’invitation à l’amour de la part de la maîtresse n’agit pas ainsi sur son amant. À la Jalousie au sujet de l’épouse se joint l’ambition de la réputation en vue de l’honneur ; et cet accessoire de la Jalousie n’existe pas au sujet de la maîtresse. Mais néanmoins l’une et l’autre Jalousie varie selon le siège de l’amour reçu de l’épouse et reçu de la maîtresse, et en même temps selon l’état du jugement de l’homme qui reçoit cet amour.

378. XIII. Il y a aussi Jalousie chez les bêtes et chez les oiseaux. Qu’il y ait jalousie chez les bêtes féroces, comme lions, tigres, ours, et plusieurs autres, quand ils ont des petits, cela est connu ; puis aussi chez les taureaux, quoiqu’ils n’aient pas de veaux ; et, au plus haut degré, chez les coqs qui combattent avec des rivaux jusqu’à la mort pour leurs poules : si chez ceux-ci il y a une telle Jalousie, c’est parce que ce sont des amoureux glorieux, et que la gloire de cet amour ne supporte pas un égal ; qu’ils soient des amoureux glorieux plus que tout genre et toute espèce d’oiseaux, on le voit par leurs gestes, leurs mouvements de tête, leur marche, et le ton de leur voix. Que la gloire de l’honneur chez les maris, tant amoureux que non amoureux, introduise, exalte et aiguise la Jalousie, cela a été confirmé ci-dessus.

379. XIV. La Jalousie citez les hommes et chez les maris est autre que chez les femmes et chez les épouses. Mais ces différences ne peuvent pas être présentées distinctement, puisque autre est la Jalousie chez les époux qui s’aiment spirituellement, autre chez les époux qui ne s’aiment que naturellement, autre chez les époux dont les mentals (animi) sont en désaccord, et autre chez les époux dont l’un a mis l’autre sous le joug de son obéissance. Les jalousies des hommes et les Jalousies des femmes, considérées en elles-mêmes, sont diverses, parce qu’elles ont une origine différente ; l’origine des Jalousies des hommes est dans l’entendement, mais celle des Jalousies des femmes est dans la volonté appliquée à l’entendement de leur mari ; c’est pourquoi la Jalousie de l’homme est comme une flamme d’emportement et de colère, mais celle de la femme est comme un feu retenu par une crainte diverse, par un aspect divers sur le mari, par une considération diverse pour son propre amour, et par une prudence diverse pour ne pas découvrir par la Jalousie cet amour aux maris ; elles diffèrent, parce que les épouses sont les amours, et que les maris en sont les récipients ; et il est préjudiciable aux épouses de prodiguer leur amour chez les maris, mais il n’est pas de même préjudiciable aux récipients de le prodiguer chez les épouses. Toutefois, il en est autrement chez les spirituels ; chez eux la Jalousie du mari est transférée dans l’épouse, de même que l’amour de l’épouse est transféré dans le mari, c’est pourquoi de part et d’autre elle apparaît semblable contre les efforts du violateur ; mais la Jalousie de l’épouse est inspirée au mari contre les efforts de la prostituée violatrice ; c’est comme une douleur qui pleure et qui émeut la conscience.

 

 

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380. J’ajouterai DEUX MÉMORABLES. PREMIER MÉMORABLE : Un jour j’étais très-étonné de l’immense multitude d’hommes qui attribuent à la Nature la Création, et par suite tout ce qui est au-dessous du Soleil et tout ce qui est au-dessus du Soleil, disant, en le reconnaissant du fond du cœur, quand ils voient quelque chose : « Cela n’est-il pas de la nature ? » Et quand on leur demande pourquoi ils attribuent cela à la nature et non à Dieu, lorsque cependant ils disent parfois, avec la communion de l’Église, que Dieu a créé la Nature, et que par suite ils pourraient aussi bien dire que les choses qu’ils voient sont de Dieu, que de dire qu’elles sont de la nature ; alors ils répondent avec un son de voix interne presque tacite : « Qu’est-ce que Dieu, sinon la Nature ? » Tous ceux-là se montrent glorieux de la persuasion que l’Univers a été créé par la Nature, et de cette folie comme d’une sagesse, au point qu’ils regardent tous ceux qui reconnaissent la Création de l’Univers par Dieu comme des fourmis qui se traînent sur la terre et suivent le chemin battu, et quelques-uns, comme des papillons qui volent dans l’air, appelant leurs dogmes des songes, parce qu’ils voient ce qu’eux ne voient pas, disant : « Qui a vu Dieu, et qui est-ce qui ne voit pas la Nature ? » Pendant que je m’étonnais de la multitude de ces hommes, un Ange parut devant moi sur le côté et me dit : « Sur quoi médites-tu ? » et je répondis : « Sur la multitude de ceux qui croient que la Nature a créé l’Univers » ; et l’Ange me dit : « Tout l’Enfer est composé de tels hommes, et ils y sont appelés Satans et Diables ; Satans, ceux qui se sont confirmés pour la Nature, et ont par suite nié Dieu ; Diables, ceux qui ont vécu dans les crimes, et ont ainsi rejeté de leurs cœurs toute reconnaissance de Dieu : mais je vais te conduire à des Gymnases situés dans la Plage méridionale-occidentale, où résident ceux qui sont tels, et qui ne sont pas encore dans l’Enfer » : et il me prit par la main, et me conduisit ; et je vis des maisonnettes dans lesquelles il y avait des Gymnases, et, au milieu d’elles, une qui était comme le Prétoire de toutes les autres ; ce prétoire était construit en pierres de poix qui étaient recouvertes de lamines comme de verre brillantes comme d’or et d’argent, telles que sont celles qu’on appelle glaces de Marie ; et çà et là elles étaient parsemées de coquillages qui brillaient pareillement. Nous nous approchâmes de cette maison, et nous frappâmes à la porte ; et bientôt quelqu’un l’ouvrit, et dit : « Soyez les bienvenus » ; et il courut à une table, et il apporta quatre livres, et il dit : « Ces Livres sont la Sagesse, à laquelle une multitude de Royaumes applaudit aujourd’hui ; à ce Livre ou à cette Sagesse applaudissent nombre d’hommes en France, à celui-ci nombre d’hommes en Allemagne, à celui-ci quelques-uns en Hollande, et à celui-ci quelques-uns en Angleterre » : puis il dit : « Si vous voulez voir, je ferai que ces quatre Livres vont briller à vos yeux » ; et alors il exhala et répandit tout à l’entour la gloire de sa réputation, et les Livres aussitôt resplendirent comme de lumière ; mais cette lumière devant nos yeux se dissipa sur le champ : et alors nous lui demandâmes ce qu’il écrivait maintenant ; et il répondit : « En ce moment je tire de mes trésors et j’expose les choses qui appartiennent à la sagesse intime, lesquelles en résumé sont celles-ci : I. La Nature appartient-elle à la Vie, ou la Vie appartient-elle à la Nature. II. Le Centre appartient-il à l’Étendue, ou l’Étendue appartient-elle au Centre. III. Sur le Centre et l’Étendue de la Nature et de la Vie. » Après avoir ainsi parlé, il se remit sur un Siège vers la table ; mais nous, nous parcourûmes son Gymnase qui était spacieux ; il avait sur la table une Chandelle, parce que là, il y avait non pas une Lumière de Soleil, mais une Lumière nocturne de lune ; et, ce qui m’étonna, la chandelle paraissait être portée là de tout côté et éclairer ; mais comme elle n’était pas mouchée, elle éclairait peu ; et pendant qu’il écrivait, nous voyions voltiger de la table sur les murs des images de forme différente, qui, dans cette lumière nocturne de lune, apparaissaient comme de beaux oiseaux des Indes, mais quand nous ouvrions la porte, voici, ces images, dans la Lumière diurne du Soleil, apparaissaient comme des oiseaux de nuit dont les ailes sont en forme de filet ; en effet, c’étaient les vraisemblances qui, par des confirmations, étaient devenues des illusions, qu’il avait ingénieusement liées en série. Après avoir vu cela, nous approchâmes de la table, et nous lui demandâmes ce qu’il écrivait dans ce moment : il dit : « Sur ce Premier Point : LA NATURE APPARTIENT-ELLE À LA VIE, OU LA VIE APPARTIENT-ELLE À LA NATURE » ; et, sur ce point, il dit qu’il pouvait confirmer l’un et l’autre, et faire que l’un et l’autre soit vrai ; mais comme il y avait au dedans de lui quelque chose de caché qu’il redoutait, il n’osait confirmer que cette proposition que la Nature appartient à la Vie, c’est-à-dire, vient de la Vie ; et non l’autre, que la Vie appartient à la Nature, c’est-à-dire, vient de la Nature. Nous lui demandâmes avec honnêteté ce qu’il y avait au dedans de lui de caché qu’il redoutait ; il répondit que c’était d’être appelé Naturaliste, et par conséquent Athée par les Prêtres, et Homme d’une raison peu saine par les Laïques, parce que les uns et les autres ou croient d’après une loi aveugle, ou voient d’après la vue de ceux qui confirment cette foi. Alors poussés par une sorte d’indignation de zèle pour la vérité, nous l’interpellâmes, en disant : « Ami, tu te trompes beaucoup ; la sagesse, qui consiste à écrire avec talent, t’a séduit, et la gloire de la réputation t’a induit à confirmer ce que tu ne crois pas ; ne sais-tu pas que le Mental humain peut s’élever au-dessus des sensuels, lesquels sont ce qui, dans les pensées, provient des sens du corps ; et que, lorsqu’il est élevé, il voit en haut les choses qui appartiennent à la Vie, et en bas celles qui appartiennent à la Nature ? Qu’est-ce que la Vie, sinon l’Amour et la Sagesse, et qu’est-ce que la Nature, sinon le réceptacle par lequel l’Amour et la Sagesse opèrent leurs effets ou les usages ? Est-ce que la Vie et la Nature peuvent être un autrement que comme le principal et l’instrumental ? Est-ce que la lumière peut être un avec l’œil, ou le son avec l’oreille ? D’où viennent les sens de l’œil et de l’oreille, sinon de la vie ; et leurs formes, sinon de la nature ? Qu’est-ce que le Corps humain, sinon un Organe de la Vie ? Tout ce qui le compose, en général et en particulier, n’a-t-il pas été organiquement formé pour produire les choses que l’Amour veut et que l’Entendement pense ? Les organes du corps ne viennent-ils pas de la nature ; et l’Amour et la Pensée ne procèdent-ils pas de la Vie ? Ces choses ne sont-elles pas absolument distinctes entre elles ? Élève encore un peu plus haut la perspicacité de ton génie, et tu verras que c’est le propre de la vie d’être affecté et de penser, et qu’être affecté appartient à l’amour, que penser appartient à la sagesse, et que l’un et l’autre appartient à la vie ; car, ainsi qu’il a été dit, l’amour et la sagesse sont la vie : si tu élèves encore un peu plus haut la faculté de comprendre, tu verras que l’Amour et la Sagesse ne peuvent exister à moins que leur origine ne soit quelque part, et que leur origine est l’Amour Même et la Sagesse Même, et par conséquent la Vie Même ; et ces choses sont Dieu de qui provient la Nature. » Ensuite nous parlâmes avec lui du Second point : LE CENTRE APPARTIENT-IL À L’ÉTENDUE, ou L’ÉTENDUE APPARTIENT-ELLE AU CENTRE ; et nous lui demandâmes pourquoi il agitait cette question ; il répondit : « Dans le but de conclure sur le Centre et l’Étendue de la Nature et de la Vie, ainsi sur l’origine de l’une et de l’autre » ; et quand nous lui eûmes demandé quelle était son opinion sur ce point ; il répondit, comme sur le premier point, qu’il pouvait confirmer l’une et l’autre partie de la proposition, mais que, dans la crainte de perdre sa réputation, il confirmait que l’Étendue appartient au Centre, c’est-à-dire, vient du Centre ; quoique je sache, ajouta-t-il, qu’avant le Soleil il y a eu quelque chose, et que ce quelque chose était partout dans l’Univers, et a conflué de soi-même en ordre, ainsi dans le Centre. Alors nous l’interpellâmes de nouveau avec une indignation excitée par le zèle, et nous dîmes : « Ami, tu es fou » ; et dès qu’il eut entendu ces mots, il recula son siège de la table, et nous regarda avec timidité ; et alors il prêta l’oreille, mais en riant ; cependant nous continuâmes en ces termes : « Quoi de plus insensé que de dire que le Centre vient de l’Étendue, – par ton Centre nous entendons le Soleil, et par ton Étendue nous entendons l’Univers, – et qu’ainsi l’Univers aurait existé sans le Soleil ! Est-ce que le soleil ne fait pas la Nature et toutes ses propriétés, qui dépendent uniquement de la Chaleur et de la Lumière procédant du Soleil par les Atmosphères ? Où la Nature aurait-elle été auparavant ? Mais d’où elle vient, c’est ce que nous dirons lorsque le troisième point sera agité ; les Atmosphères et toutes les choses qui sont sur la Terre ne sont-elles point comme des Superficies, et le Soleil n’est-il point leur Centre ? Qu’est-ce que toutes ces choses sans le Soleil ? Est-ce qu’elles peuvent subsister un seul instant ? Par conséquent, qu’est-ce que toutes ces choses avant le Soleil ? Est-ce qu’elles ont pu exister ? La subsistance n’est-elle pas une perpétuelle existence ? Puis donc que la subsistance de toutes les choses de la Nature vient du Soleil, il s’ensuit que l’existence de toutes choses en vient aussi ; chacun le voit et le reconnaît par intuition ; de même que le postérieur existe d’après l’antérieur, ne subsiste-t-il pas aussi d’après lui ? Si la superficie était l’antérieur, et le centre le postérieur, l’antérieur ne subsisterait-il pas d’après le postérieur, ce qui est cependant contre les lois de l’ordre ? Comment les postérieurs peuvent-ils produire les antérieurs, ou les extérieurs les intérieurs, ou les plus grossiers les plus purs ? En conséquence comment les superficies qui constituent l’Étendue peuvent-elles produire les centres ? Qui ne voit pas que cela est contre les lois de la nature ? Nous t’avons donné ces arguments tirés de l’analyse de la raison, pour confirmer que l’Étendue existe d’après le Centre, et non vice versa, quoique quiconque pense juste le voir sans ces arguments. Tu as dit que l’Étendue avait d’elle-même conflué dans le Centre, ainsi ce serait fortuitement dans un ordre tellement admirable et surprenant, que chaque chose est pour une autre, et que tout en général et en particulier est pour l’homme et pour sa vie éternelle ; est-ce que la Nature peut d’après quelque amour au moyen de quelque sagesse pourvoir à de telles choses ? Et peut-elle avec des hommes faire des Anges, et de ceux-ci constituer le Ciel (et faire que ceux qui y sont vivent éternellement) ? Pose-toi ces propositions et réfléchis, et alors tombera ton idée de l’existence de la nature par la nature. » Après cela, nous lui demandâmes ce qu’il avait pensé, et ce qu’il pensait à présent du troisième point : SUR LE CENTRE ET L’ÉTENDUE DE LA NATURE ET DE LA VIE ; s’il croyait que le Centre et l’Étendue de la Vie fussent la même chose que le Centre et l’Étendue de la Nature. Il répondit qu’il était en suspens ; que d’abord il avait pensé que l’activité intérieure de la Nature était la Vie ; et que l’Amour et la Sagesse, qui font essentiellement la vie de l’homme, en provenaient ; et que le feu du Soleil par la chaleur et la lumière, les atmosphères servant de moyens, la produisait ; mais que, maintenant, d’après ce qu’il venait d’entendre sur la vie éternelle des hommes, il était dans l’incertitude, et que cette incertitude portait son mental tantôt en haut, tantôt en bas ; quand c’est en haut, il reconnaît un Centre dont il n’avait eu auparavant aucune notion ; et quand c’est en bas, il voit le Centre qu’il avait cru unique ; que la Vie vient du Centre dont il n’avait eu auparavant aucune notion ; que la Nature vient du Centre qu’il avait cru auparavant être unique ; et que l’un et l’autre Centre a une Étendue autour de lui. » À ces mots, nous dîmes : « C’est bien, pourvu qu’aussi, du Centre et de l’étendue de la Vie, tu veuilles considérer le Centre et l’Étendue de la Nature, et non vice versa » : et nous lui apprîmes qu’au-dessus du Ciel Angélique il y a un Soleil, qui est pur Amour, et en apparence igné comme le Soleil du monde ; que c’est d’après la Chaleur qui procède de ce Soleil que les Anges et les hommes ont la Volonté et l’Amour, et que c’est d’après la Lumière qu’ils ont l’Entendement et la Sagesse ; que les choses qui appartiennent à la vie sont dites spirituelles, et que celles qui procèdent du Soleil du Monde sont les contenants de la vie, et sont dites Naturelles ; que l’Étendue du Centre de la Vie est appelée MONDE SPIRITUEL, lequel subsiste par son Soleil, et que l’Étendue de la Nature est appelée MONDE NATUREL, lequel subsiste par son Soleil. Or, comme les Espaces et les Temps ne peuvent se dire de l’Amour et de la Sagesse, et sont remplacés par les États, l’Étendue autour du Soleil du Ciel Angélique n’est pas une Étendue, mais elle est néanmoins dans l’Étendue du Soleil Naturel, et là selon les réceptions chez les sujets vivants, et les réceptions sont selon les formes. Mais alors il demanda d’où venait le feu du Soleil du Monde ou de la nature ; nous répondîmes qu’il vient du Soleil du Ciel Angélique, qui est non pas un feu, mais le Divin Amour procédant immédiatement de Dieu, qui est l’Amour Même : comme il en était étonné, nous le lui démontrâmes ainsi : L’Amour dans son essence est le feu spirituel ; c’est pour cela que le feu, dans le sens spirituel de la Parole, signifie l’amour ; de là les Prêtres, dans les Temples, prient que les cœurs soient remplis du Feu céleste, par lequel ils entendent l’amour ; le feu de l’Autel et le feu du Chandelier dans le Tabernacle, chez les Israélites, ne représentait pas autre chose que le Divin Amour ; la Chaleur du sang, ou la Chaleur vitale des hommes et en général des animaux, n’a pas d’autre origine que l’amour qui fait leur vie ; de là vient que l’homme s’échauffe, s’embrase et s’enflamme, lorsque son amour est exalté en zèle, en colère et en emportement : c’est pourquoi de ce que la Chaleur spirituelle, qui est l’Amour, produit chez les hommes une chaleur naturelle, au point d’échauffer et d’enflammer leurs faces et leurs membres, il devient évident que le Feu du Soleil naturel n’existe que d’après le Feu du Soleil spirituel, qui est le Divin Amour. Maintenant, puisque l’Étendue vient du Centre, et non vice versa, comme nous l’avons dit plus haut, et que le Centre de la vie, lequel est le Soleil du Ciel Angélique, est le Divin Amour procédant immédiatement de Dieu, qui est au milieu de ce Soleil ; et puisque c’est de là que vient l’Étendue de ce Centre, Étendue qui est appelée Monde spirituel, et que c’est par ce Soleil qu’a existé le Soleil du Monde, et par celui-ci son Étendue qui est appelée Monde naturel, il est évident que l’Univers a été créé par Dieu seul. » Après cela, nous nous en allâmes, et lui nous accompagna au-delà du portique de son Gymnase, et s’entretint avec nous sur le Ciel et l’Enfer, et sur le Divin auspice, avec une nouvelle sagacité de génie.

381. SECOND MÉMORABLE : Un jour, comme je jetais les yeux autour de moi dans le Monde des esprits, je vis de loin un Palais entouré et comme assiégé par une foule d’esprits, et j’en voyais aussi un grand nombre qui accouraient ; étonné de cela, je sortis précipitamment de la maison, et demandai à l’un de ceux qui accouraient ce qu’il y avait en cet endroit. Il répondit : « Trois nouveaux venus du Monde ont été élevés au Ciel, et y ont vu des choses magnifiques, et aussi des Vierges et des Épouses d’une beauté étonnante ; et, descendus du Ciel, ils sont entrés dans ce Palais, et ont raconté ce qu’ils avaient vu, et principalement que ces beautés étaient telles que jamais leurs yeux n’en ont vu, et n’en peuvent voir, à moins d’être éclairés par la lumière de l’aure céleste : ils disaient, parlant d’eux-mêmes, que dans le Monde ils avaient été Orateurs ; qu’ils étaient du Royaume de France, et s’étaient adonnés à l’éloquence, et qu’ils avaient maintenant le désir de parler sur l’Origine de la beauté. Comme cette nouvelle s’est répandue dans le voisinage, la foule est accourue pour les entendre. » Ayant reçu cette réponse, je me halai aussi, moi ; et j’entrai, et je vis ces trois hommes debout au milieu, vêtus de robes de couleur de saphir, qui, par des fils d’or entrelacés, brillaient comme si elles eussent été d’or, selon le changement de position ; ils se tenaient derrière une sorte de tribune, prêts à parler, et bientôt l’un des trois monta sur un gradin derrière la tribune pour parler sur l’Origine de la beauté du Sexe féminin, et il s’exprima ainsi :

382. « L’Origine de la beauté, qu’est-ce autre chose que l’Amour qui, influant dans les yeux des jeunes gens, et les enflammant, devient beauté ? L’Amour et la Beauté sont donc la même chose ; car par l’intime l’Amour colore la face d’une vierge nubile d’une sorte de flamme, dont la transparence est l’aurore et la pourpre de sa vie ; qui ne sait que cette flamme envoie des rayons dans ses yeux, et d’eux comme centres se répand dans l’orbe de la face, et aussi descend dans la poitrine, et embrase le cœur, et ainsi affecte, non autrement que le feu par la chaleur et la lumière, celui qui se tient auprès ? Cette chaleur est l’amour, et cette lumière est la beauté de l’amour. Le monde entier affirme d’un commun accord que chacun est aimable et beau selon son amour ; mais néanmoins autre est l’amour du Sexe masculin, et autre l’amour du Sexe féminin ; l’amour masculin est l’amour d’être sage, et l’amour féminin est l’amour d’aimer l’amour d’être sage dans le masculin ; autant donc un jeune homme est l’amour d’être sage, autant il est aimable et beau aux yeux d’une jeune fille, et autant une jeune fille est l’amour de la sagesse d’un jeune homme, autant elle est aimable et belle aux yeux d’un jeune homme ; c’est pourquoi, de même qu’un amour va au-devant de l’amour d’un autre et le baise, de même font aussi les beautés. Je conclus donc que l’amour forme les beautés à sa ressemblance. »

383. Après lui, le second se leva pour dévoiler par un discours agréable l’Origine de la beauté ; il dit : « Je viens d’entendre dire que l’Amour est l’Origine de la beauté ; mais je ne puis me ranger à cette opinion. Quel est l’homme qui connaît ce que c’est que l’Amour ? Qui est-ce qui l’a contemplé par quelque idée de la pensée ? Qui est-ce qui l’a vu de l’œil ? Qu’on me dise où il est. Mais moi j’affirme que la Sagesse est l’origine de la beauté, dans les Femmes la sagesse qui se tient intimement cachée et renfermée, dans les Hommes la sagesse qui se manifeste et est apparente. D’où l’homme est-il homme, si ce n’est d’après la sagesse ? S’il n’en était ainsi, l’homme serait une statue ou un tableau. À quoi une jeune fille fait-elle attention chez un jeune homme, sinon à quel degré il est sage ? Et à quoi un jeune homme fait-il attention chez une jeune fille, sinon au degré de l’affection qu’elle a pour sa sagesse ? Par la sagesse j’entends la moralité réelle, parce que celle-ci est la sagesse de la vie ; de là vient que, quand la sagesse qui se tient cachée approche et embrasse la sagesse qui se manifeste, ce qui a lieu intérieurement dans l’esprit de l’un et de l’autre, elles se baisent et se conjoignent mutuellement, et cela est appelé l’Amour, et alors elles se présentent de part et d’autre comme des beautés. En un mot, la Sagesse est comme la lumière ou la splendeur du feu qui frappe les yeux ; et, selon qu’elle les frappe, elle forme la beauté. »

384. Après celui-ci se leva le troisième, et il s’exprima en ces termes : « Ce n’est ni l’Amour seul, ni la Sagesse seule, qui est l’Origine de la beauté, mais c’est l’union de l’amour et de la sagesse, l’union de l’amour avec la sagesse dans le jeune homme, et l’union de la sagesse avec l’amour de la sagesse dans la jeune fille ; car la jeune fille aime la sagesse, non pas dans elle-même, mais dans le jeune homme, et par suite elle le voit comme beauté ; et, quand le jeune homme voit cela dans la jeune fille, il la voit comme beauté ; c’est pourquoi, l’amour par la sagesse forme la beauté, et la sagesse d’après l’amour la reçoit : qu’il en soit ainsi, c’est ce qui devient bien évident dans le Ciel ; j’y ai vu des vierges et des épouses, j’ai fait attention à leur beauté, et je l’ai vue tout autre dans les vierges, et tout autre dans les épouses, dans les vierges seulement dans son brillant, mais dans les épouses dans sa splendeur ; j’ai vu la différence comme celle du diamant qui brille de lumière et du rubis qui en même temps étincelle de feu. Qu’est-ce que la beauté, sinon le délice de la vue ? D’où vient l’origine de ce délice, sinon du jeu de l’amour et de la sagesse ? Ce jeu donne du brillant à la vue, et ce brillant est dardé de l’œil à l’œil, et présente la beauté. Qu’est-ce qui fait la beauté de la face, sinon la rougeur et la blancheur, et leur aimable mélange ? La rougeur ne vient-elle pas de l’amour, et la blancheur ne vient-elle pas de la sagesse ? Car l’amour est rouge d’après son feu, et la sagesse est blanche d’après sa lumière ; je les ai clairement vues l’une et l’autre dans les faces de deux époux dans le Ciel, la rougeur de la blancheur dans l’épouse, et la blancheur de la rougeur dans le mari ; et j’ai remarqué qu’elles resplendissaient de leur regard mutuel. » Quand le troisième se fut ainsi exprimé, l’Assemblée applaudit et cria : « Celui-ci est le vainqueur. » Et alors tout à coup une lumière enflammée, qui est aussi la lumière de l’amour conjugal, remplit de splendeur la maison, et en même temps de charme les cœurs de ceux qui étaient présents.

 

 

 

DE LA CONJONCTION DE L’AMOUR CONJUGAL AVEC L’AMOUR DES ENFANTS.

 

 

385. Il y a des indices qui montrent clairement que l’Amour conjugal et l’Amour des enfants, qui est appelé Storge, ont été conjoints ; il y a aussi des indices qui peuvent porter à croire qu’ils n’ont pas été conjoints ; car l’amour des enfants existe chez les époux qui s’aiment de cœur, et il existe chez des époux qui de cœur sont en division, et aussi chez des époux séparés l’un de l’autre, et parfois il est plus tendre et plus fort chez ceux-ci que chez les autres ; mais que cependant l’amour des enfants ait été conjoint à perpétuité avec l’amour conjugal, c’est ce qu’on peut voir par son origine, de laquelle il influe : car quoique cette origine varie chez ceux qui reçoivent, ces amours demeurent toujours inséparables, absolument comme la fin première dans la fin dernière, qui est l’effet ; la fin première de l’amour conjugal, c’est la procréation des enfants, et la fin dernière qui est l’effet, ce sont les enfants procréés ; que la fin première se porte dans l’effet, et y soit comme dans son commencement (primordium), et ne s’en retire point, on peut le voir par l’intuition rationnelle de la progression des fins et des causes dans leur ordre vers les effets : mais comme les raisonnements d’un très-grand nombre d’hommes ne partent que des effets, et vont de ces effets à quelques conséquences qui en résultent, et ne commencent pas par des causes, en allant analytiquement des choses aux effets, et ainsi de suite, il en résulte que les choses rationnelles de la lumière ne peuvent que devenir des choses obscures de la nuée ; de là les déviations des vrais, lesquelles ont leur source dans les apparences et dans les illusions. Or, afin qu’un voie que l’amour conjugal et l’amour des enfants sont intérieurement conjoints, quoiqu’extérieurement disjoints, cela sera démontré dans cet ordre : I. Deux Sphères universelles procèdent du Seigneur pour conserver l’Univers dans l’état créé ; l’une est la Sphère de procréation, et l’autre est la Sphère de protection des choses procrées. Il. Ces deux Sphères universelles font un avec la Sphère de l’Amour conjugal et la Sphère de l’Amour des enfants. III. Ces deux Sphères influent universellement et singulièrement dans toutes les choses du Ciel et dans toutes celles du Monde, depuis les premiers jusqu’aux derniers. IV. La Sphère de l’amour des enfants est la sphère de la protection et de la sustentation de ceux qui ne peuvent ni se protéger ni se sustenter eux-mêmes. V. Cette Sphère affecte aussi bien les méchants que les bons, et dispose chacun à aimer, à protéger et à sustenter sa progéniture d’après le propre amour. VI. Cette Sphère affecte principalement le sexe féminin, ainsi les mères, mais d’après elles le sexe masculin ou les pères. VII. Cette Sphère est aussi la sphère de l’innocence et de la paix procédant du Seigneur. VIII. La Sphère de l’innocence influe dans les enfants, et par eux dans les parents, et les affecte. IX. Elle influe aussi dans les âmes des parents, et se conjoint avec la même sphère chez les enfants ; et elle est principalement insinuée par le toucher. X. Au même degré où se retire l’innocence chez les enfants, l’affection et la conjonction diminuent aussi, et cela successivement jusqu’à la séparation. XI. L’état rationnel d’innocence et de paix chez les parents à l’égard des enfants, consiste en ce que par eux-mêmes ceux-ci ne savent rien et ne peuvent rien, mais qu’ils savent et peuvent par les autres, surtout par le père et par la mère ; et cet état aussi se retire successivement, à mesure qu’ils savent et peuvent par eux-mêmes et non par les autres. XII. Cette Sphère s’avance, en ordre, de la fin par les causes dans les effets, et fait des périodes, par lesquelles la Création est conservée dans l’état qui a été prévu, et auquel il a été pourvu. XIII. L’Amour des enfants descend et ne monte pas. XIV. Autre est l’état de l’amour chez les épouses avant la conception, et autre il est après la conception jusqu’à l’enfantement. XV. L’Amour conjugal est conjoint chez les amants avec l’amour des enfants par des causes spirituelles, et de là par des causes naturelles. XVI. L’amour des jeunes enfants et des enfants est autre chez les époux spirituels, et autre chez les époux naturels. XVII. Chez les spirituels cet amour vient de l’intérieur ou de l’antérieur, mais chez les naturels il vient de l’extérieur ou du postérieur. XVIII. C’est de là que cet amour est chez les époux qui s’aiment mutuellement, et aussi chez les époux qui ne s’aiment nullement. XIX. L’amour des enfants reste après la mort, principalement chez les femmes. XX. Les enfants sont élevés par elles sous l’auspice du Seigneur, et croissent en stature et en intelligence comme dans le Monde. XXI. Là, il est pourvu par le Seigneur à ce que chez eux l’innocence de l’enfance devienne l’innocence de la sagesse, et qu’ainsi les enfants deviennent des anges. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

386. I. Deux Sphères universelles procèdent du Seigneur pour conserver l’Univers dans l’état créé ; l’une est la Sphère de procréation, et l’autre est la Sphère de protection des choses procréées. Le Divin procédant du Seigneur est appelé Sphère, parce qu’il sort de Lui, L’entoure, remplit l’un et l’autre Monde, le Spirituel et le Naturel, et opère les effets des fins que le Seigneur a prédestinées dans la création, et auxquelles il pourvoit après elle. Tout ce qui efflue d’un sujet, et qui l’entoure et l’environne, est appelé Sphère ; par exemple, la sphère de la lumière et de la chaleur effluant du soleil autour de lui, la sphère de la vie effluant de l’homme autour de lui, la sphère de l’odeur effluant d’une plante autour d’elle, la sphère d’attraction effluant de l’aimant autour de lui, et ainsi du reste. Mais les Sphères universelles, dont il s’agit ici, sont d’après le Seigneur autour de Lui, et procèdent du Soleil du Monde spirituel dans le milieu duquel il est Lui-même ; du Seigneur par ce Soleil procède une Sphère de chaleur et de lumière, ou, ce qui est la même chose, une Sphère d’amour et de sagesse pour opérer les fins qui sont les usages ; mais cette Sphère, selon les usages, porte différents noms ; la Divine Sphère qui, par des générations successives, pourvoit à la conservation de l’Univers dans l’état créé, est appelé Sphère de procréation ; et la Divine Sphère qui pourvoit à la conservation des générations dans leurs commencements, et ensuite dans leurs progressions, est appelée Sphère de protection des choses procréés. Outre ces deux Sphères, il y a plusieurs autres Sphères Divines qui sont nommées selon les usages, ainsi autrement, voir ci-dessus, No 222. Les opérations des usages par ces Sphères sont la Divine Providence.

387. II. Ces deux Sphères universelles font un avec les Sphère de l’amour conjugal et la Sphère de l’amour des enfants. Que la Sphère de l’amour conjugal fasse un avec la Sphère de procréation, cela est évident ; car la procréation est la fin, et l’amour conjugal est la cause moyenne per quam (par laquelle la fin s’avance) ; or la fin et la cause dans les choses à effectuer et dans les effets font un, parce qu’elles agissent ensemble. Que la Sphère de l’amour des enfants fasse un avec la Sphère de la protection des choses procréées, cela est encore évident, parce qu’elle est la fin procédant de la fin antérieure, qui a été la procréation, et l’amour des enfants en est la cause moyenne per quam : en effet, les fins s’avancent en série, l’une après l’autre, et en s’avançant la fin dernière devient première, et ainsi ultérieurement, jusqu’au terme dans lequel elles s’arrêtent ou cessent : mais sur ce sujet on verra de plus grands détails dans l’explication de l’Article XII.

388. III. Ces deux Sphères influent universellement et singulièrement dans toutes les choses du Ciel et dans toutes celles du Monde, depuis les premiers jusqu’aux derniers. Il est dit universellement et singulièrement, parce que, quand il est fait mention d’un universel, les singuliers dont il se compose sont entendus en même temps ; car c’est d’après eux qu’il existe et c’est en eux qu’il consiste, ainsi c’est d’après eux qu’il est nommé, comme le commun d’après les parties ; si donc tu ôtes les singuliers, l’universel est seulement un mot, et il est comme une superficie au dedans de laquelle il n’y a rien ; c’est pourquoi, attribuer à Dieu le gouvernement universel, et en ôter les singuliers, c’est un mot vide, et une sorte d’attribution vaine. La comparaison avec le gouvernement universel des rois de la terre ne saurait être admise. C’est donc de là qu’il est dit que ces deux Sphères influent universellement et singulièrement.

389. Si les Sphères de procréation et de protection des choses procréées, ou les Sphères de l’amour conjugal et de l’amour des enfants influent dans toutes les choses du Ciel et dans toutes celles du Monde, depuis les premiers jusqu’aux derniers, c’est parce que toutes les choses qui procèdent du Seigneur, ou du Soleil qui est d’après Lui, et dans lequel Il est, traversent l’Univers créé jusqu’aux derniers de toutes les choses qui le composent ; la raison de cela, c’est que les Divins, qui, dans la progression, sont nommés Célestes et Spirituels, sont sans espace et sans temps ; que l’étendue ne puisse pas se dire des spirituels, parce que l’espace et le temps ne peuvent pas s’y appliquer, cela est notoire ; de là vient que tout ce qui procède du Seigneur est à l’instant des premiers dans les derniers : que la Sphère de l’amour conjugal soit ainsi universelle, on le voit ci-dessus, Nos 222 à 225. Qu’il en soit de même de la Sphère de l’amour des enfants, cela est évident d’après cet amour dans le Ciel, où sont des enfants venus de la terre, et d’après cet amour dans le Monde chez les hommes, chez les bêtes, chez les oiseaux, chez les serpents, chez les insectes : il y a aussi des analogues de cet amour dans les règnes végétal et minéral ; dans le végétal, en ce que les semences sont gardées par les enveloppes comme par des langes, et de plus dans le fruit comme dans une maison, et sont nourries de suc comme d’un lait ; qu’il y ait quelque chose de semblable dans les minéraux, cela est évident par les matrices et les gaines dans lesquelles les pierres précieuses et les métaux précieux sont renfermés et gardés.

390. Si la sphère de procréation et la sphère de protection des choses procréées font un dans une continuelle série, c’est parce que l’amour de procréer est continué dans l’amour du procréé : quel est l’amour de procréer, on le sait par son plaisir, qui est suréminent et transcendant ; en lui est l’état de procréation chez les hommes, et d’une manière remarquable l’état de réception chez les femmes : ce suprême plaisir suit avec son amour jusqu’à l’enfantement, et là il se remplit.

391. IV. La Sphère de l’amour des enfants est la sphère de la protection et de la sustentation de ceux qui ne peuvent ni se protéger ni se sustenter eux-mêmes. Que les opérations des usages par le Seigneur au moyen des sphères qui procèdent de Lui soient la Divine Providence, cela a été dit ci-dessus, No 386 ; c’est donc la Divine Providence qui est entendue par la sphère de protection et de sustentation de ceux qui ne peuvent ni se protéger ni se sustenter eux-mêmes : en effet, il est de création que les choses créées doivent être conservées, gardées, protégées et sustentées, autrement l’univers tomberait en ruine ; mais comme cela ne peut être fait immédiatement par le Seigneur chez les êtres vivants, auxquels l’arbitre a été laissé, cela est fait médiatement par son amour implanté dans les pères, dans les mères, dans les nourrices ; que leur amour soit l’amour procédant du Seigneur chez eux, ils ne le savent pas parce qu’ils ne perçoivent pas l’influx, ni à plus forte raison la toute-présence du Seigneur : mais qui ne voit pas que cela appartient non à la nature, mais à la Divine Providence opérant dans la nature au moyen de la nature ; et qu’un tel Universel ne peut exister que par Dieu au moyen d’un Soleil spirituel, qui est au Centre de l’Univers, et dont l’opération, parce qu’elle est sans espace ni temps, est instante et présente des premiers dans les derniers ? Quant à la manière dont cette Divine opération, qui est la Divine Providence du Seigneur, est reçue par les êtres animés, il en sera parlé dans la suite. Que les mères et les pères protègent et sustentent les enfants, parce que ceux-ci ne peuvent ni se protéger ni se sustenter eux-mêmes, ce n’est pas là la cause de cet amour, mais il y a une cause rationnelle dérivée de cet amour tombant dans l’entendement ; car l’homme, d’après cette cause seule, sans un amour inspiré et inspirant cette cause, ou sans une loi et sans une peine qui le contraignent, ne pourvoirait pas plus aux enfants qu’une statue.

392. V. Cette Sphère affecte aussi bien les méchants que les bons, et dispose chacun à aimer, à protéger et à sustenter sa progéniture d’après le propre amour. L’expérience prouve que l’Amour des enfants ou le Storge est aussi bien chez les méchants que chez les bons, pareillement chez les bêtes douces et chez les bêtes féroces, et que même chez les hommes méchants, comme chez les bêtes féroces, il est parfois plus fort et plus ardent ; la raison de cela, c’est que tout amour procédant du Seigneur et influant est changé dans le sujet en amour de sa vie ; car chaque sujet animé ne sent pas autrement, sinon que c’est par lui-même qu’il aime ; en effet, il ne perçoit pas l’influx ; et quand aussi en actualité il s’aime, il fait l’amour des enfants son propre amour, car il se voit comme en eux et  les voit comme en lui, et se voit uni ainsi avec eux. De là vient aussi que cet amour chez les bêtes féroces, ainsi chez les lions et les lionnes, les ours et les ourses, les léopards et les léopardes, les loups et les louves, et autres semblables, est plus violent que chez les chevaux, les cerfs, les boucs, les béliers ; et cela, parce que chez ces bêtes féroces il y a domination sur les bêtes douces, et par suite amour de soi prédominant ; et cet amour s’aime dans sa progéniture ; c’est pourquoi, ainsi qu’il a été dit, l’amour influé est changé en un propre amour. Un tel changement de l’amour influé en un propre amour, et par suite la protection et la sustentation des progénitures et des petits par les parents méchants, viennent de la Divine Providence du Seigneur ; car autrement il ne resterait du genre humain que peu d’individus, et aucune des bêtes féroces, qui cependant remplissent un usage. D’après ces considérations il est évident que chacun est disposé à aimer, à protéger et à sustenter sa progéniture d’après le propre amour.

393. VI. Cette Sphère affecte principalement le sexe féminin, ainsi les mères, et d’après elles le sexe masculin ou les pères. Ceci est de cette même origine, dont il a été parlé ci-dessus, à savoir, que la Sphère de l’amour conjugal est reçue par les femmes, et est transférée au moyen des femmes dans les hommes, par cette raison que les femmes sont nées amours de l’entendement des hommes, et que l’entendement est récipient ; il en est de même de l’amour des enfants, parce qu’il vient originairement de l’amour conjugal : que chez les mères l’amour des enfants soit très-tendre, et que chez les pères il le soit moins, cela est notoire. Que l’amour des enfants ait été inscrit dans l’amour conjugal dans lequel sont nées les femmes, on le voit clairement par l’aimable et sociable affection des jeunes filles pour les enfants, et pour leurs poupées qu’elles portent, qu’elles habillent, qu’elles couvrent de baisers, et qu’elles pressent sur leur poitrine ; il n’y a pas une telle affection chez les petits garçons. Il semble que l’amour des enfants chez les mères vient de ce que, dans l’utérus, elles les ont nourris de leur propre sang, et vient par conséquent de l’appropriation de leur vie, et ainsi, d’une union sympathique ; mais cependant, ce n’est pas là l’origine de cet amour, puisque si, à l’insu de la mère, on substituait après l’enfantement un autre enfant au sien propre, elle l’aimerait avec la même tendresse que si c’était le sien ; en outre, les enfants parfois sont aimés de leurs nourrices plus que de leurs mères. Il suit de là que cet amour n’a pas d’autre origine que l’amour conjugal insité dans chaque femme, auquel a été adjoint l’amour de concevoir, amour dont le plaisir prépare l’épouse à la réception. C’est là le premier de cet amour, qui, avec son plaisir après l’enfantement, passe pleinement dans l’enfant.

394. VII. Cette Sphère est aussi la sphère de l’innocence et de la paix. L’Innocence et la Paix sont les deux intimes du Ciel ; elles sont dites intimes, parce qu’elle procèdent immédiatement du Seigneur ; car le Seigneur est l’Innocence Même et la Paix Même ; d’après l’Innocence le Seigneur est appelé Agneau, et d’après la Paix il dit : « Paix je vous laisse, ma Paix je vous donne », – Jean, XIV, 27 ; – et il est aussi entendu par la Paix, dont les disciples devaient saluer la ville ou la maison dans laquelle ils entraient, et de laquelle il est dit que la Paix viendrait sur elle, si elle en était digne, et que si elle n’en était pas digne, elle retournerait sur eux ; – Matth. X. 11 à 15 ; – de là aussi le Seigneur est appelé Prince de Paix, – Ésaïe, IX. 5, 6. – Si l’Innocence et la Paix sont les intimes du Ciel, c’est aussi par cette raison, que l’Innocence est l’être de tout bien, et que la Paix est la béatitude de tout plaisir qui appartient au bien ; voir le Traité DU CIEL ET DE L’ENFER, sur l’état d’innocence des Anges dans le Ciel, Nos 276 à 283 ; et sur l’état de Paix dans le Ciel, Nos 284 à 290.

395. VIII. La Sphère de l’innocence influe dans les enfants, et par elle dans les parents, et les affecte. Que les enfants soient des innocences, cela est connu ; mais que leur innocence influe du Seigneur, cela n’est point connu ; elle influe du Seigneur, parce qu’il est l’innocence même, comme il vient d’être dit ; et aucune chose ne peut influer que de son principe, parce qu’elle ne peut exister que par ce principe, qui est le Cela-Même. Mais quelle est l’innocence de l’enfance, qui affecte les parents, cela sera dit en peu de mots : Elle se manifeste avec éclat sur leur face, par quelques-uns de leurs gestes, et par leur premier langage, et elle affecte : l’innocence est en eux, parce qu’ils ne pensent pas par l’intérieur, car ils ne savent pas encore ce que c’est que le bien ni le mal, ni ce que c’est que le vrai et le faux, d’après lesquels les hommes pensent ; par suite ils n’ont ni prudence provenant du propre, ni résolution prise par délibération, par conséquent aucun mal pour fin ; ils n’ont point le propre acquis par l’amour de soi et du monde ; ils ne s’attribuent rien ; toutes les choses qu’ils reçoivent, ils les rapportent à leurs parents ; ils se contentent des moindres choses qu’on leur donne ; ils n’ont aucune inquiétude sur la nourriture et sur le vêtement, ni aucune sur l’avenir ; ils ne portent pas leurs regards sur le monde, et par suite ne désirent pas beaucoup de choses ; ils aiment leurs parents, leurs nourrices, et les enfants de leur âge, avec lesquels ils jouent dans l’innocence ; il se laissent conduire, ils écoutent et obéissent : c’est là l’innocence de l’enfance, qui est la cause de l’amour appelé storge.

396. IX. Elle influe aussi dans les âmes des parents, et se conjoint avec la même sphère chez les enfants ; et elle est principalement insinuée par le toucher. L’Innocence du Seigneur influe dans les Anges du troisième Ciel, où tous sont dans l’Innocence de la sagesse, et elle passe à travers les Cieux inférieurs, mais seulement à travers les innocences des anges de ces cieux, et ainsi immédiatement et médiatement dans les enfants ; eux sont à peine autre chose que des formes sculptées, mais néanmoins capables de recevoir la vie procédant du Seigneur par les Cieux. Toutefois, si les parents ne recevaient pas aussi cet influx dans leurs âmes et dans les intimes de leurs mentals, ils seraient en vain affectés par l’innocence des enfants ; il faut qu’il y ait dans un autre quelque chose d’adéquat et d’homogène, par quoi sera fait la communication, et qui fera la réception, l’affection, et par suite la conjonction ; autrement, ce serait comme une semence tendre tombant sur un caillou, ou comme un agneau lancé vers un loup : de là vient donc que l’innocence, qui influe dans les âmes des parents, se conjoint avec l’innocence des enfants. Que cette conjonction se fasse au moyen des sens du corps, mais principalement par le toucher, chez les parents, l’expérience peut l’enseigner ; par exemple, la vue est intimement réjouie par leur présence, l’ouïe par leur langage, l’odorat par leur odeur : que la communication et par suite la conjonction des innocences se fassent principalement par le toucher, on le voit clairement par le charme qu’ils éprouvent à les porter sur leurs bras, par leurs embrassements et leurs baisers, surtout chez les mères, qui trouvent des délices par l’application de leur bouche et de leur face sur le sein, et alors en même temps par le toucher de leurs mains ; en général par le sucement des mamelles et par l’allaitement, et en outre par l’attouchement de leur corps nu, et par un soin infatigable pour les emmailloter et les nettoyer sur leurs genoux. Que les communications de l’amour et de ses délices entre les époux se fassent par le sens du toucher, c’est ce qui a déjà été démontré quelquefois ; si les communications du mental se font aussi par ce sens, c’est parce que les mains sont les derniers de l’homme, et que ses premiers sont ensemble dans les derniers, par là aussi toutes les choses du corps et toutes les choses du mental, qui sont intermédiaires, sont contenues dans un enchaînement indissoluble ; de là vient que Jésus touchait les enfants, – Matth. XIX. 13, 15. Marc, X. 13, 16 ; – et qu’il guérissait les malades par le toucher ; et que ceux qui L’ont touché furent guéris ; c’est aussi pour cela que les inaugurations dans le sacerdoce se font aujourd’hui par l’imposition des mains. D’après ces explications il est évident que l’innocence des parents et l’innocence des enfants vont au devant l’une de l’autre par le toucher, surtout par le toucher des mains, et qu’ainsi elles se conjoignent comme par des baisers.

397. Que l’Innocence produise aussi par les contacts chez les bêtes et chez les oiseaux de semblables effets, comme chez les hommes, cela est notoire ; si elle en produit de semblables, c’est parce que tout ce qui procède du Seigneur se répand en un instant dans l’univers, voir ci-dessus, Nos 388 à 390 ; et comme cela va par des degrés et par de continuelles médiations, cela par conséquent passe non-seulement jusque dans les animaux, mais même au-delà jusque dans les végétaux et dans les minéraux, No 389 ; cela passe aussi dans la terre elle-même, qui est la mère de tous les végétaux et de tous les minéraux ; car, dans la saison du printemps, elle est dans un état préparé pour recevoir les semences comme dans un utérus ; et, quand elle les a reçues, elle les conçoit pour ainsi dire, les échauffe, les porte, les fait éclore, les allaite, les nourrit, les revêt, les élève, les conserve, et pour ainsi dire aime ce qui en est produit, et ainsi du reste. Puisque la sphère de procréation va jusque-là, pourquoi alors ne parviendrait-elle pas aux animaux de tout genre, jusqu’aux vers ? Que, de même que la terre est la mère commune des végétaux, il y ait aussi une mère commune des abeilles dans chaque ruche, c’est ce que l’observation démontre.

398. X. Au même degré où se retire l’innocence chez les enfants, l’affection et la conjonction diminuent aussi, et cela successivement jusqu’à la séparation. Que l’amour des enfants, ou le storge, se retire des parents, selon que l’innocence se retire des enfants, et que chez les hommes il se retire jusqu’à la séparation des enfants hors de la maison, et chez les bêtes et les oiseaux jusqu’à l’éloignement des petits hors de leur présence, et jusqu’à l’oubli qu’ils ont de leur progéniture, cela est connu : par là, comme par un indice confirmé, on peut aussi voir que l’innocence, influant de part et d’autre, produit l’amour appelé storge.

399. XI. L’état rationnel d’innocence et de paix chez les parents à l’égard des enfants, consiste en ce que par eux-mêmes ceux-ci ne savent rien et ne peuvent rien, mais qu’ils savent et peuvent par les autres, surtout par le père et par la mère ; et cet état aussi se retire successivement, à mesure qu’ils savent et peuvent par eux-mêmes et non par les autres. Que la Sphère de l’amour des enfants soit la Sphère de la protection et de la sustentation de ceux qui ne peuvent ni se protéger ni se sustenter eux-mêmes, cela a été montré ci-dessus dans un Article spécial, No 391 ; que cette cause soit seulement une cause rationnelle chez l’homme, mais ne soit pas la cause même de l’amour chez les parents, il en a aussi été fait mention dans ce même Article. La cause originaire même de cet amour est l’innocence qui procède du Seigneur, laquelle influe à l’insu de l’homme, et produit cette cause rationnelle ; c’est pourquoi à mesure que la première cause fait qu’on s’éloigne de cet amour, cette seconde cause le fait aussi en même temps, ou, ce qui est la même chose, à mesure que la communication de l’innocence se retire, la raison persuadante l’accompagne aussi : mais cela a lieu seulement chez l’homme, afin que ce qu’il fait il le fasse d’après le libre selon la raison, et que, d’après la raison, comme d’après une loi rationnelle et en même temps morale, il sustente sa progéniture adulte selon les nécessités et les utilités. Cette seconde cause n’existe pas pour les animaux privés de raison ; il y a seulement chez eux la première cause, qui pour eux est l’instinct.

400. XII. La Sphère de l’amour de procréation s’avance, en ordre, de la fin par les causes dans les effets, et fait des périodes par lesquelles la création est conservée dans l’état qui a été prévu, et auquel il a été pourvu. Toutes les opérations dans l’Univers s’avancent des fins par les causes dans les effets ; ces trois sont en eux-mêmes indivisibles, quoique dans les idées ils semblent divisés ; toutefois, la fin n’est pas quelque chose, si en même temps l’effet auquel on tend n’est point vu, et l’une et l’autre ne deviennent pas quelque chose, si la cause ne soutient pas, ne pourvoit pas et ne conjoint pas Une telle progression a été inscrite en chaque homme dans le commun et dans tout singulier, absolument comme la volonté, l’entendement et l’action ; toute fin y appartient à la volonté, toute cause à l’entendement, et tout effet à l’action ; pareillement, toute fin appartient à l’amour, toute cause per quam à la sagesse, et tout effet à l’usage ; la raison de cela, c’est que le réceptacle de l’amour est la volonté, le réceptacle de la sagesse est l’entendement, et le réceptacle de l’usage est l’action ; lors donc que les opérations dans le commun et dans le singulier chez l’homme vont de la volonté par l’entendement dans l’acte, elles vont, aussi de l’amour par la sagesse dans l’usage ; mais par la sagesse ici il est entendu tout ce qui appartient au jugement et à la pensée ; que ces trois soient un dans l’effet, cela est évident ; qu’ils fussent aussi un dans les idées avant l’effet, on le perçoit en ce que la terminaison seulement manque ; car dans le mental la fin part de la volonté, et produit pour elle une cause dans l’entendement, et se présente à elle-même une intention, et l’intention est comme un acte avant la terminaison ; de là vient que l’intention est reçue comme l’acte par le sage, et ainsi par le Seigneur. Quel est l’homme rationnel qui ne puisse voir, ou, quand il l’entend dire, qui ne puisse reconnaître, que ces trois découlent de quelque première cause, et que cette cause consiste en ce que du Seigneur Créateur et Conservateur de l’Univers procèdent continuellement l’Amour, la Sagesse et l’Usage, et ces trois, comme un ? Qu’on dise, si on le peut, de quelle autre source cela peut venir.

401. Une semblable progression de la fin par la cause dans l’effet appartient aussi à la Sphère de procréation et à la Sphère de protection des choses procréées. La fin y est la Volonté ou l’Amour de procréer, la cause moyenne par laquelle et dans laquelle la fin se porte est l’Amour conjugal, la série progressive des causes efficientes est l’amour, la conception et la gestation de l’embryon ou du fœtus à procréer, et l’effet est le fœtus même procréé : cependant, quoique la fin, la cause et l’effet marchent successivement comme trois, toujours est-il que dans l’amour de procréer, et intérieurement dans chacune des causes, et dans l’effet lui-même, ils font un ; ce sont seulement les causes efficientes qui marchent à travers les temps, parce qu’elles sont dans la nature, la fin, ou la volonté, ou l’amour, restant continuellement la même ; car les fins, dans la nature, marchent à travers les temps sans le temps, mais ne peuvent se produire et se manifester avant que l’effet ou l’usage existe et devienne sujet ; avant cela, cet amour n’a pu aimer que la progression, mais il n’a pu ni s’affermir ni se fixer. Qu’il existe des périodes de telles progressions, et que par elles il y ait conservation de la création dans l’état qui a été prévu et auquel il a été pourvu, cela est notoire. Mais la série de l’amour des enfants, depuis son plus haut degré jusqu’au plus bas, ainsi jusqu’au terme dans lequel il s’arrête ou cesse, est rétrograde, puisque cet amour est selon le décroissement de l’innocence dans le sujet, et aussi en raison des périodes.

402. XIII. L’Amour des enfants descend et ne monte pas ; c’est-à-dire qu’il descend de génération en génération, ou des fils et des filles aux petits-fils et aux petites filles, et qu’il ne monte pas de ceux-ci aux pères et aux mères de famille ; cela est bien connu. La cause de son accroissement dans la descente est l’amour de fructifier ou de produire des usages ; et, quant au Genre Humain, c’est l’amour de le multiplier ; mais cela tire uniquement son origine du Seigneur, en ce que Lui-Même, dans la multiplication du Genre humain, considère la conservation de la Création, et comme fin dernière de la création, le Ciel Angélique, qui est uniquement composé du genre humain ; et comme le Ciel Angélique est la fin des fins, et par suite l’amour des amours chez le Seigneur, c’est pour cela que dans les âmes des hommes il a été implanté l’amour non-seulement de procréer, mais aussi d’aimer les choses procréées dans les successions ; de là vient aussi que cet amour est donné seulement chez l’homme, et non chez aucune bête ni chez aucun oiseau. Que cet amour chez l’homme descende en s’accroissant, c’est aussi d’après la gloire de l’honneur, qui pareillement chez lui s’accroît selon les augmentations ; que l’amour de l’honneur et de la gloire reçoive en soi l’amour des enfants, qui influe du Seigneur, et le fasse comme sien, on le verra dans l’Article XVI, ci-après.

403. XIV. Autre est l’état de l’amour chez les épouses avant la conception, et autre il est après la conception jusqu’à l’enfantement. Ceci est présenté afin qu’on sache que l’Amour de procréer, et par suite l’Amour de ce qui a été procréé, ont été insités dans l’amour conjugal chez les femmes, et que ces deux amours chez elles sont divisés, quand la fin, qui est l’amour de procréer, commence sa progression : qu’alors l’Amour storge soit transféré de l’épouse dans le mari, et qu’alors aussi l’Amour de procréer qui, chez la femme, fait un avec son amour conjugal, ainsi qu’il a été dit, ne soit pas semblable, cela est évident d’après plusieurs indices.

404. XV. L’Amour conjugal est conjoint chez les parents avec l’amour des enfants par des causes spirituelles, et de là par des causes naturelles. Les causes spirituelles sont, que le Genre humain soit multiplié, et que par lui le Ciel angélique soit augmenté, qu’ainsi il naisse des hommes qui deviendront des Anges, servant au Seigneur à faire des usages dans le Ciel, et aussi dans les terres pur leur consociation avec des hommes ; car à chaque homme il a, par le Seigneur, été associé des Anges avec lesquels il y a une telle conjonction, que s’ils étaient ôtés, l’homme succomberait à l’instant. Les causes naturelles de la conjonction de ces deux amours sont, qu’il naisse des hommes qui portent des usages dans les sociétés humaines, et qu’ils y soient incorporés comme membres. Que ces causes naturelles et ces causes spirituelles appartiennent à l’amour des enfants et à l’amour conjugal, les époux eux-mêmes le pensent aussi et parfois le déclarent, en disant qu’ils ont enrichi le Ciel d’autant d’anges qu’ils ont eu de descendants, et qu’ils ont fourni pour l’ornement de la Société autant de serviteurs qu’ils ont eu d’enfants.

405. XVI. L’Amour des jeunes enfants et des enfants est autre chez les époux spirituels, et autre chez les époux naturels. Chez les époux spirituels l’amour des jeunes enfants est, quant à l’apparence, semblable à l’amour de ces enfants chez les époux naturels ; mais il est intérieur et par suite plus tendre, parce que cet amour vient de l’innocence, et d’une plus prochaine réception de l’innocence, et ainsi d’une plus présente perception chez eux, car les spirituels sont spirituels en tant qu’ils participent de l’innocence. Mais les pères et les mères spirituels, après avoir goûté la douceur de l’innocence chez leurs jeunes enfants (infantes) aiment leurs enfants (liberi) tout autrement que les pères et les mères naturels ; les spirituels aiment les enfants d’après l’intelligence spirituelle et la vie morale de ceux-ci, ainsi ils les aiment d’après leur crainte de Dieu et leur piété actuelle ou piété de la vie, et en même temps d’après leur affection et leur application aux usages servant à la Société, ainsi d’après les vertus et les bonnes mœurs chez eux ; c’est principalement selon l’amour de ces choses qu’ils pourvoient et subviennent aux nécessités de leurs enfants ; c’est pourquoi s’ils ne voient pas en eux ces qualités, ils se détachent d’eux, et ne font pour eux que ce qui est de devoir. Chez les pères et les mères naturels, l’amour des jeunes enfants vient aussi de l’innocence, il est vrai ; mais cette innocence reçue par eux est roulée autour de leur propre amour, et par suite c’est d’après cet amour et en même temps d’après cette innocence, qu’ils aiment leurs jeunes enfants, qu’ils les baisent, les embrassent, les portent, les pressent contre leur poitrine, et les caressent outre mesure, et qu’ils les regardent comme ne faisant qu’un seul cœur et qu’une seule âme avec eux ; et ensuite après l’état de leur enfance jusqu’à la puberté et au-delà, quand l’innocence n’opère plus rien, ils les aiment, non d’après la crainte de Dieu et la piété actuelle ou piété de la vie, ni d’après quelque intelligence rationnelle et morale chez eux, et ils regardent peu, ou regardent à peine, à leurs affections internes, et par conséquent aux vertus et aux bonnes mœurs, mais seulement aux choses externes auxquelles ils sont favorables ; ils y adjoignent, attachent et accolent leur amour ; par suite même ils ferment les yeux sur leurs vices, en les excusant et les favorisant : la raison de cela, c’est que chez eux l’amour de leur progéniture est aussi l’amour d’eux-mêmes, et cet amour-ci s’attache au sujet à l’extérieur et n’entre pas en lui, comme lui-même non plus n’entre pas en soi.

406. La qualité de l’amour des jeunes enfants et de l’amour des enfants chez les époux spirituels et la qualité de ces deux amours chez les époux naturels sont clairement discernées d’après eux après la mort ; en effet, la plupart des pères, lorsqu’ils arrivent dans le monde des esprits, se ressouviennent de leurs enfants qui sont morts avant eux, et ils se trouvent aussi en présence les uns des autres, et se reconnaissent mutuellement. Les pères spirituels jettent seulement les regards sur eux, et s’informent dans quel état ils sont ; et ils se réjouissent si leur sort est heureux, et s’affligent s’il est malheureux ; et après une conversation, une instruction et un avis sur la vie morale-céleste, ils se séparent d’avec eux, et avant la séparation ils les instruisent qu’ils ne doivent plus se ressouvenir d’eux comme Pères, parce que le Seigneur est l’unique Père pour tous dans le Ciel, selon ses paroles, – Matth. XXIII. 9, – et qu’ils ne se ressouviennent nullement d’eux comme enfants. Quant aux pères naturels, dès qu’après la mort ils se voient vivants, et qu’ils rappellent à leur mémoire leurs enfants qui sont morts avant eux, et que selon leur désir ils sont en présence les uns des autres, ils se conjoignent aussitôt, et se tiennent attachés comme des faisceaux liés ensemble ; et alors le père trouve continuellement son plaisir à les voir et à s’entretenir avec eux ; si l’on dit au père que quelques-uns de ces enfants, là présents, sont des satans, et qu’ils ont causé du tort aux bons, ils les relient néanmoins groupés autour de lui, ou en troupe devant lui ; s’il voit lui-même qu’ils causent du dommage et commettent de mauvaises actions, il n’y fait pas non plus attention, et il n’en sépare aucun d’avec lui ; afin donc qu’une telle troupe dangereuse ne reste point là, ils sont par nécessité envoyés ensemble dans l’enfer, et là le père est renfermé devant les enfants dans une prison, et les enfants sont séparés, et renvoyés chacun dans le lieu qui convient à sa vie.

407. À ce qui précède, j’ajouterai une chose surprenante ; c’est que, dans le Monde Spirituel, j’ai vu des pères qui regardaient avec haine, et comme avec fureur, des enfants offerts à leurs yeux, et avec tant de férocité que, s’ils l’eussent pu, ils auraient voulu les massacrer ; mais dès qu’on leur disait, par feinte, que c’étaient leurs propres enfants, aussitôt leur fureur et leur férocité cessaient, et ils les aimaient éperdument. Cet amour et cette haine sont ensemble chez ceux qui, dans le Monde, avaient été intérieurement fourbes, et avaient fait de leur mental un ennemi du Seigneur.

408. XVII. Chez les spirituels cet amour vient de l’intérieur ou de l’antérieur, mais chez les naturels il vient de l’extérieur ou du postérieur. Penser et conclure d’après l’intérieur et l’antérieur, c’est d’après les fins et les causes penser et conclure aux effets ; mais penser et conclure d’après l’extérieur ou le postérieur, c’est d’après les effets penser et conclure aux causes et aux fins ; cette progression-ci est contre l’ordre, mais celle-là est selon l’ordre ; car penser et conclure d’après les fins et les causes, c’est d’après les biens et les vrais, clairement vus dans la région supérieure du mental, penser et conclure aux effets dans la région inférieure ; la rationalité humaine elle-même est telle par création : mais penser et conclure d’après les effets, c’est, d’après la région inférieure du mental où sont les sensuels du corps avec leurs apparences et leurs illusions, conjecturer les causes et les fins, ce qui en soi n’est autre chose que confirmer les faussetés et les convoitises, et après la confirmation voir et croire qu’elles sont des vérités de la sagesse et des bontés de l’amour de la sagesse. Il en est de même de l’amour des jeunes enfants et des enfants chez les spirituels et les naturels ; les spirituels les aiment d’après l’antérieur, ainsi selon l’ordre ; mais les naturels les aiment d’après le postérieur, ainsi contre l’ordre. Ces observations ont été présentées seulement pour la confirmation de l’Article précédent.

409. XVIII. C’est de là que cet amour est chez les époux qui s’aiment mutuellement, et aussi chez les époux qui ne s’aiment nullement ; par conséquent chez les naturels de même que chez les spirituels ; mais chez ceux-ci il y a l’amour conjugal, tandis que chez ceux-là il n’est qu’apparent et feint. Si néanmoins l’amour des jeunes enfants et l’amour conjugal font un, c’est parce que dans toute femme a été implanté par création l’amour conjugal, et en même temps avec lui l’amour de procréer, qui se fixe et abonde sur l’enfant procréé, et est communiqué des femmes aux hommes ; comme il a été dit ci-dessus : de là vient que dans les maisons où n’existe pas l’Amour conjugal entre le mari et l’épouse, il y a toujours cependant chez l’épouse l’amour de procréer, et par cet amour quelque conjonction externe avec le mari. C’est d’après cette même cause, que des femmes débauchées aiment aussi leurs enfants ; car ce qui a été implanté par création dans les âmes, et qui concerne la propagation, est indélébile et ne peut être extirpé.

410. XIX. L’amour des enfants reste après la mort, principalement chez les femmes. Dès que les enfants ont été ressuscités, ce qui arrive aussitôt après leur mort, ils sont enlevés au Ciel et sont donnés à des Anges du sexe féminin, qui, dans la vie de leur corps dans le Monde, ont aimé les enfants, et ont en même temps craint Dieu ; comme elles ont aimé tous les enfants avec une tendresse maternelle, elles les reçoivent comme les leurs, et les enfants alors comme d’après un insite les aiment de même que leurs mères ; il y a chez elles autant d’enfants qu’elles en désirent d’après le storge spirituel. Le Ciel, où sont les enfants, apparaît sur le devant vis-à-vis du front, dans la ligne ou le rayon suivant lequel les anges regardent directement le Seigneur ; là est situé ce Ciel, parce que tous les enfants sont élevés sous l’auspice immédiat du Seigneur ; le Ciel de l’innocence, qui est le troisième Ciel, influe aussi chez eux : après ce premier âge passé, ils sont transportés dans un autre Ciel, où ils sont instruits.

411. XX. Les Enfants sont élevés par elles sous l’auspice du Seigneur, et croissent en stature et en intelligence comme dans le Monde. Les enfants dans le Ciel sont élevés de cette manière : Celle qui est chargée de les élever leur apprend à parler ; leur premier langage est seulement un son d’affection, dans lequel cependant il y a quelque commencement de pensée, par quoi l’humain dans le son est distingué du son de l’animal ; ce langage devient par degrés plus distinct, à mesure que les idées provenant de l’affection entrent dans la pensée ; toutes leurs affections, qui croissent aussi, procèdent de l’innocence : il leur est d’abord insinué des choses qui apparaissent devant les yeux, et qui sont agréables ; et comme ces choses sont d’origine spirituelle, en elles influent en même temps des choses qui sont du Ciel, par lesquelles les intérieurs de leur mental sont ouverts. Ensuite, à mesure qu’ils sont perfectionnés en intelligence, les enfants croissent en stature, et ils sont vus aussi plus adultes quant à l’intelligence ; la raison de cela, c’est que l’intelligence et la sagesse sont la nourriture spirituelle même ; c’est pourquoi ces choses, qui nourrissent leurs mentals, y nourrissent aussi leurs corps. Mais les enfants dans le Ciel ne croissent pas au-delà de la première jeunesse, ils s’y arrêtent et y restent éternellement : et, quand ils sont dans cet âge, ils sont donnés en mariage, ce à quoi il est pourvu par le Seigneur, et le mariage est célébré dans le Ciel où réside le jeune homme, qui aussitôt suit l’épouse dans son ciel, ou dans sa maison s’ils sont dans la même société. Pour que j’eusse l’entière certitude que les enfants croissent et grandissent en stature de même qu’en intelligence, il m’a été donné de parler avec quelques-uns, quand ils étaient enfants, et plus tard avec les mêmes quand ils furent devenus grands, et je les vis jeunes hommes d’une stature semblable à celles des jeunes hommes dans le monde.

412. Les enfants sont principalement instruits au moyen de Représentatifs adéquats et conformes à leur génie ; et l’on pourrait à peine croire dans le Monde combien ces représentatifs sont beaux et en même temps pleins d’une sagesse intérieure : il m’est permis de rapporter ici deux Représentations, d’après lesquelles on pourra juger des autres. Un jour, ils représentaient le Seigneur montant hors du sépulcre, et en même temps l’union de son Humain avec le Divin ; ils présentaient d’abord l’idée du sépulcre, mais non en même temps l’idée du Seigneur, si ce n’est en l’éloignant tellement, qu’on percevait à peine que c’était le Seigneur sinon comme de loin, et cela parce que l’idée du sépulcre renferme quelque chose de funèbre qu’ils écartaient ainsi : ensuite, ils introduisaient avec prudence dans le sépulcre une sorte d’atmosphère qui paraissait toutefois comme légèrement aqueuse, par laquelle ils signifiaient, aussi au moyen d’un éloignement convenable, la vie spirituelle dans le Baptême. Je les vis ensuite représenter la descente du Seigneur vers ceux qui étaient dans les liens, et son ascension dans le Ciel avec eux ; et, ce qui était enfantin, c’est qu’ils faisaient descendre des fils presque imperceptibles, très-légers et très-souples, avec lesquels ils soutenaient le Seigneur dans son ascension, étant toujours dans une sainte crainte que quelque partie de leur représentatif ne touchât à quelque chose qui ne renfermerait pas le céleste. Outre d’autres représentations, par lesquelles ils sont en même temps conduits dans les connaissances du vrai et dans les affections du bien, comme par des jeux conformes aux caractères des enfants. Les enfants sont portés à ces choses, et à d’autres semblables, par le Seigneur au moyen de l’innocence qui traverse le troisième Ciel ; et ainsi les spirituels sont insinués dans leurs affections et de là dans leurs tendres pensées, de manière que ces enfants ne savent autre chose, sinon qu’ils font et pensent de telles choses par eux-mêmes ; par là est initié leur entendement.

413. XXI. Là, il est pourvu par le Seigneur à ce que chez eux l’innocence de l’enfance devienne l’innocence dé la sagesse. Beaucoup de personnes peuvent croire que les enfants restent enfants, et deviennent anges aussitôt après la mort ; mais c’est l’intelligence et la sagesse qui font l’Ange ; c’est pourquoi tant que les enfants ne les possèdent pas, ils sont, il est vrai, chez les Anges, mais ils ne sont pas Anges ; ils deviennent Anges, dès qu’ils sont devenus intelligents et sages. Les enfants sont donc conduits de l’innocence de l’enfance à l’innocence de la sagesse, c’est-à-dire, de l’innocence externe à l’innocence interne ; cette innocence est la fin de toute leur instruction et de toute leur progression ; c’est pourquoi, quand ils parviennent à l’innocence de la sagesse, l’innocence de l’enfance, qui leur avait pendant ce temps-là servi de plan, leur est adjointe. J’ai vu représenté quelle est l’innocence de l’enfance par quelque chose de ligneux, presque privé de vie, et qui est vivifié à mesure que les enfants s’imbibent de connaissances du vrai et d’affections du bien ; et ensuite il a été représenté quelle est l’innocence de la sagesse par un enfant vivant et nu ; les Anges du troisième Ciel, qui sont par le Seigneur plus que tous les autres dans l’état d’innocence, apparaissent comme des enfants nus aux yeux des esprits qui sont au-dessous des Cieux, et comme ils sont plus sages que tous les autres, ils sont plus vivants aussi ; la raison de cela, c’est que l’innocence correspond à l’enfance et aussi à la nudité ; c’est pourquoi il est dit d’Adam et de son épouse, quand ils étaient dans l’état d’innocence, qu’ils étaient nus et n’en rougissaient pas mais qu’après qu’ils eurent perdu leur état d’innocence, ils rougirent de leur nudité et se cachèrent, – Gen. II. 25. III. 7, 10, 11 ; – en un mot, plus les Anges sont sages, plus ils sont innocents. Quelle est l’Innocence de la sagesse, on peut en quelque sorte le voir par l’innocence de l’enfance décrite ci-dessus, No 395, pourvu qu’au lieu des parents on mette comme Père le Seigneur, par Qui ils sont conduits, et à Qui ils rapportent toutes les choses qu’ils ont reçues.

414. J’ai eu, au sujet de l’Innocence, diverses conversations avec les Anges, et ils m’ont dit que l’Innocence est l’Être de tout bien, et que le bien n’est le bien, qu’autant qu’en lui il y a l’innocence ; et que la Sagesse, parce qu’elle appartient à la vie et par suite au bien, n’est la sagesse qu’autant qu’elle participe de l’innocence ; pareillement l’amour, la charité et la foi ; et que de là vient que nul ne peut entrer dans le Ciel s’il n’y a en lui l’innocence ; et que cela est entendu par ces paroles du Seigneur : « Laissez les petits enfants venir à Moi, et ne les en empêchez pas ; car à ceux qui sont tels appartient le Royaume des Cieux. En vérité, je vous dis, quiconque ne recevra pas le Royaume des Cieux comme un petit enfant, n’y entrera point. » – Marc, X. 14, 15. Luc, XVIII. 16, 17 : – là, comme aussi ailleurs dans la Parole, par les petits enfants sont entendus ceux qui sont dans l’innocence. La raison pour laquelle le bien n’est le bien qu’autant qu’il y a en lui l’innocence, c’est que tout bien vient du Seigneur, et que l’innocence est d’être conduit par le Seigneur.

 

 

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415. À ce qui précède sera joint ce MÉMORABLE : Un matin, à mon réveil, méditant dans une lumière matinale et sereine avant la pleine veille, je vis à travers la fenêtre comme un brillant éclair, et aussitôt après j’entendis comme un éclatant coup de tonnerre ; comme je me demandais d’où cela venait, j’entendis du Ciel, ces paroles : « Ce sont quelques Esprits qui, non loin de toi, raisonnent avec acharnement sur Dieu et sur la NATURE ; la vibration de la lumière semblable à un éclair, et la secousse de l’air semblable à un coup de tonnerre, sont les correspondances et par suite les apparences du combat et de la collision des arguments, d’un côté pour Dieu, et de l’autre pour la Nature. »La cause de ce combat spirituel était celle-ci : Il y avait dans l’enfer quelques Satans qui avaient dit entre eux : « Que ne nous est-il permis de converser avec les Anges du Ciel ! nous leur démontrerions d’une manière complète et absolue que la Nature est ce qu’ils appellent Dieu de qui tout procède, et qu’ainsi Dieu est seulement un mot, à moins que par Dieu on n’entende la Nature. » Et comme ces Satans avaient cru cela de tout leur cœur et de toute leur âme, et avaient désiré aussi s’entretenir avec les Anges du Ciel, il leur avait été donné de monter de la fange et des ténèbres de l’Enfer, et de converser avec deux Anges qui venaient de descendre du Ciel ; la scène se passait dans le Monde des esprits, qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer. Là, les Satans ayant vu ces Anges, accoururent avec vitesse et crièrent d’une voix furieuse : « Êtes-vous les Anges du Ciel avec lesquels il nous est permis de nous rencontrer pour raisonner sur Dieu et sur la Nature ? Vous êtes appelés sages, parce que vous reconnaissez Dieu ; mais, oh ! que vous êtes simples ! Qui a vu Dieu ? Qui comprend ce que c’est que Dieu ? Qui conçoit que Dieu gouverne et puisse gouverner l’Univers, et toutes et chacune des choses qu’il renferme ? Qui reconnaît, à l’exception de la populace et du vulgaire, ce qu’il ne voit pas et ne comprend pas ? Qu’y a-t-il de plus évident, sinon que la Nature est tout dans tout ? Qui a vu avec l’œil autre chose que la nature ? Qui a entendu avec l’oreille autre chose que la nature ? Qui a odoré avec les narines autre chose que la nature ? Qui a savouré avec la langue autre chose que la nature ? Qui a senti par le toucher de la main et du corps autre chose que la nature ? Les sens de notre corps ne sont-ils pas les seuls témoins des vérités ? Qui ne peut d’après eux jurer que telle chose est de telle manière ? Vos têtes ne sont-elles pas dans la nature ? D’où vient l’influx dans les pensées des têtes, sinon de la nature ? Si la nature était enlevée, pourriez-vous penser quelque chose ? » Outre plusieurs autres arguments de même espèce. Les Anges, après les avoir écoutés, répondirent : « Vous parlez ainsi, parce que vous êtes entièrement sensuels ; tous, dans les Enfers, ont les idées des pensées plongées dans les sens du corps, et ne peuvent élever les mentals au-dessus de ces sens, nous vous pardonnons donc ; la vie du mal et par suite la foi du faux ont bouché les intérieurs de votre mental, au point que chez vous l’élévation au-dessus des sensuels n’est pas possible, sinon dans un état éloigné des maux de la vie et des faux de la foi ; car un Satan peut, aussi bien qu’un Ange, comprendre le vrai quand il l’entend prononcer, mais il ne le retient pas parce que le mal oblitère le vrai et introduit le faux ; mais nous percevons que vous, maintenant, vous êtes dans cet état éloigné, et qu’ainsi vous pouvez comprendre le vrai que nous prononçons, faites donc attention aux paroles que nous dirons. » Et ils dirent : « Vous avez été dans le Monde naturel, et vous y êtes morts, et maintenant vous êtes dans le Monde spirituel ; avez-vous su auparavant quelque chose sur la vie après la mort ? Ne l’avez-vous pas niée, et ne vous êtes-vous pas faits pareils aux bêtes ? Avez-vous su auparavant quelque chose sur le Ciel et l’Enfer, quelque chose sur la lumière et la chaleur de ce Monde ? sur ce que vous n’êtes plus en dedans de la Nature, mais au-dessus de la Nature ? Car ce Monde, et tout ce qu’il renferme, est spirituel, et les spirituels sont au-dessus des naturels, à un tel point que la plus petite chose de la nature ne peut pas même influer dans ce Monde ; mais vous, parce que vous avez cru la Nature Dieu ou Déesse, vous avez cru aussi que la lumière et la chaleur de ce Monde étaient la lumière et la chaleur du Monde naturel, lorsque cependant il n’en est rien ; car la lumière naturelle est ici l’obscurité, et la chaleur naturelle est ici le froid ; avez-vous su quelque chose sur le Soleil de ce Monde-ci, d’où procèdent notre Lumière et notre Chaleur ? avez-vous su que ce Soleil est le pur Amour, et que le Soleil du Monde Naturel est un pur feu ? avez-vous su que le Soleil du Monde, qui est pur feu, est ce d’après quoi la Nature a existé et subsiste, et que le Soleil du Ciel, qui est le pur Amour, est ce d’après quoi a existé et subsiste la Vie même, qui est l’Amour uni à la Sagesse ; et qu’ainsi la Nature, que vous faites Dieu ou Déesse, est entièrement morte ? Vous pouvez, s’il vous est donné une garde, monter avec nous dans le Ciel, et nous pouvons, s’il nous est donné une garde, descendre avec vous dans l’Enfer, et vous verrez dans le Ciel des objets magnifiques et resplendissants, et dans l’Enfer des objets difformes et immondes ; ces différences viennent de ce que dans les Cieux tous adorent Dieu, et que dans les Enfers tous adorent la Nature ; ces objets magnifiques et resplendissants dans les Cieux sont les correspondances des affections du bien et du vrai, et ces objets difformes et immondes dans les Enfers sont les correspondances des cupidités du mal et du faux. D’après toutes ces considérations, concluez maintenant si c’est Dieu, ou la Nature, qui est tout dans tout. » À cela les Satans répondirent : « Dans l’état où nous sommes maintenant, nous pouvons, de ce que nous venons d’entendre, conclure que c’est Dieu, mais quand le plaisir du mal s’empare de nos mentals, nous ne voyons que la Nature. » Ces deux Anges et les deux Satans se tenaient non loin de moi à droite, c’est pourquoi je les vis et les entendis ; et voici, je vis autour d’eux un grand nombre d’Esprits qui, dans le Monde naturel, avaient été célèbres par leur érudition, et j’étais étonné de ce que ces Érudits se tenaient tantôt près des Anges, tantôt près des Satans, et se déclaraient pour ceux près desquels il se tenaient ; et il me fut dit : « Leurs changements de position sont les changements d’état de leur mental qui favorise tantôt un parti tantôt l’autre, car ce sont des Vertumnes ; et nous te dirons le mystère : Nous avons jeté nos regards sur la terre vers les hommes d’érudition, qui d’après leur jugement ont pensé sur Dieu et sur la nature ; et sur mille nous en avons trouvé six cents pour la Nature et les autres pour Dieu, mais ceux-ci étaient pour Dieu parce qu’ils en avaient parlé fréquemment, non d’après quelque entendement, mais seulement d’après ce qu’ils avaient entendu dire que la Nature vient de Dieu, et parce qu’un langage habituel d’après la mémoire et la réminiscence, et non en même temps d’après la pensée et l’intelligence, produit une espèce de foi. » Après cela, une garde fut donnée aux Satans, et ils montèrent dans le Ciel avec les deux Anges, et ils virent des objets magnifiques et resplendissants, et étant alors dans l’illustration par la lumière du Ciel ils y reconnurent qu’il y a un Dieu, et que la Nature a été créée pour servir d’instrument à la vie qui est en Dieu et procède de Dieu, et que la Nature en elle-même est morte, et qu’ainsi par elle-même elle n’a aucune activité, mais qu’elle est mise en action par la vie. Après avoir vu et perçu ces choses, ils descendirent ; et comme ils descendaient, l’amour du mal revint, et boucha leur entendement en dessus et l’ouvrit en dessous, et alors au-dessus apparut comme un voile lançant des éclairs d’un feu infernal ; et aussitôt que de leurs pieds ils eurent touché la terre, le sol s’entrouvrit sous eux, et ils retombèrent vers les leurs.

416. Après cela, ces deux Anges, me voyant près d’eux, dirent de moi à ceux qui nous entouraient : « Nous savons que cet homme a écrit sur Dieu et sur la Nature, entendons-le. » Et ils s’approchèrent, et demandèrent que les choses qui avaient été écrites sur Dieu et sur la Nature fussent lues devant eux ; et je lus en conséquence ce qui suit : « Ceux qui croient à la Divine opération dans chaque chose de la nature, peuvent, par un grand nombre de faits qu’ils voient dans la Nature, se confirmer pour le Divin, autant et même plus que ceux qui se confirment pour la Nature : ceux, en effet, qui se confirment pour le Divin, font attention aux Merveilles qu’on aperçoit tant dans les Productions des Végétaux que dans celles des Animaux : Dans les PRODUCTION DES VÉGÉTAUX, en ce que d’une très-petite semence jetée en terre il sort une racine, par la racine une tige, et successivement des rameaux, des feuilles, des fleurs, des fruits, jusqu’à de nouvelles semences, absolument comme si la semence savait l’ordre de succession, ou le procédé par lequel elle doit se renouveler. Un homme rationnel peut-il penser que le Soleil, qui est pur feu, sache cela, ou puisse insinuer à sa chaleur et à sa lumière de faire de telles choses, et qu’il puisse y former ces merveilles et avoir en vue l’usage ? Lorsque l’homme dont le rationnel a été élevé voit ces merveilles et les examine attentivement, il ne peut faire autrement que de penser qu’elles viennent de Celui dont la Sagesse est infinie, par conséquent de Dieu : ceux qui reconnaissent le Divin voient aussi cela et le pensent ; mais ceux qui ne le reconnaissent pas ne le voient pas et ne le pensent pas parce qu’ils ne le veulent pas ; et ainsi ils abaissent leur rationnel dans le sensuel qui tire toutes ses idées de la lueur où sont les sens du corps, et il en confirme les illusions, en disant : Ne voit-on pas le Soleil opérer ces choses par sa chaleur et par sa lumière ? Ce qu’on ne voit pas, qu’est-ce que c’est ? Est-ce quelque chose ? Ceux qui se confirment pour le Divin font attention aux merveilles qu’ils voient dans les PRODUCTIONS DES ANIMAUX ; et pour ne parler ici que de celles qui sont dans les Œufs, ils y voient le petit caché dans son germe, ou commencement, avec tout ce qui est nécessaire jusqu’à l’éclosion, et aussi avec tout ce qui concerne l’accroissement après l’éclosion jusqu’à ce qu’il devienne oiseau ou volatile dans la forme de celui qui l’a engendré ; et, si l’on fait attention à la forme, elle est telle qu’on ne peut pas, si l’on pense profondément, ne pas être saisi de surprise, en découvrant que dans les plus petits comme dans les plus grands, dans ceux qui sont invisibles comme dans ceux qui sont visibles, c’est-à-dire, dans les plus petits insectes comme dans les oiseaux et les animaux les plus grands, il y a les organes des sens, qui sont la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher ; et les organes des mouvements, qui sont les muscles, car ils volent et marchent ; puis aussi les viscères autour du cœur et des poumons, qui sont mis en activité par les cerveaux. Que de vils insectes aient aussi une telle organisation, cela est connu par l’anatomie qui en a été décrite par quelques savants, surtout par SWAMMERDAM dans sa Bible de la Nature. Ceux qui attribuent tout à la nature voient, il est vrai, de telles choses, mais ils pensent seulement qu’elles sont, et disent que la Nature les produit et ils disent cela parce qu’ils ont détourné leur mental de toute pensée sur le Divin ; et ceux qui se sont détournés de toute pensée sur le Divin, quand ils voient des merveilles dans la nature, ne peuvent y penser rationnellement, ni à plus forte raison spirituellement ; mais ils y pensent sensuellement et matériellement, et alors ils pensent dans la nature d’après la nature et non au dessus de la nature, de la même manière que ceux qui sont dans l’enfer diffèrent seulement des bêtes en ce qu’ils jouissent de la rationalité, c’est-à-dire, en ce qu’ils peuvent comprendre, et ainsi penser autrement s’ils veulent. Quand ceux qui se sont détournés de toute pensée sur le Divin voient des merveilles dans la Nature et par là deviennent sensuels, ils ne pensent pas que la vue de l’œil est si grossière, qu’elle voit plusieurs petits insectes comme une seule chose obscure, et que cependant chaque petit insecte a été organisé pour sentir et pour se mouvoir, et qu’ainsi il a été doué de fibres et de vaisseaux, et aussi de petits cœurs, de canaux pulmonaires, de petits viscères et de cerveaux, et que ces organes ont été tissus des plus pures substances qui sont dans la nature, et que ces tissus correspondent à quelque chose de la vie, par laquelle leurs parties les plus déliées sont distinctement mises en action. Puisque la vue de l’œil est si grossière qu’un grand nombre de ces insectes, avec les parties innombrables que chacun renferme, apparaissent comme un petit point obscur, et que cependant ceux qui sont sensuels pensent et jugent d’après cette vue, on voit clairement combien leur mental est devenu épais, et par suite dans quelle obscurité ils sont sur les choses spirituelles.

417. « Chacun par les choses visibles dans la Nature peut se confirmer pour le Divin, s’il veut ; et aussi se confirme celui qui pense à Dieu d’après la Vie ; par exemple, lorsqu’il voit les Volatiles du ciel ; chaque espèce connaît ses aliments et sait où ils sont, connaît ses pareils au son et à la vue ; et parmi les autres, ceux qui sont amis et ceux qui sont ennemis ; ils forment des mariages, connaissent le lieu de l’accouplement, construisent avec art des nids, y déposent leurs œufs, les couvent, savent le temps de l’incubation ; est-il écoulé, ils font éclore leurs petits, qu’ils aiment avec tendresse ; ils les réchauffent sous leurs ailes, leur préparent des aliments, et leur donnent la becquée, et cela, jusqu’à ce qu’ils soient en état d’agir par eux-mêmes, et puissent faire comme eux et procréer une famille pour perpétuer leur race. Quiconque veut penser à l’influx Divin venant par le Monde spirituel dans le monde naturel, peut voir cet influx dans ces sciences ; il peut aussi, s’il le veut, dire en son cœur : Le Soleil ne peut donner de telles sciences à ces volatiles par les rayons de sa lumière, car le Soleil, d’où la Nature tire son origine et son essence, est un pur feu, et par suite les rayons de sa lumière sont absolument morts ; et ainsi l’on peut conclure que de telles choses viennent de l’influx de la Divine Sagesse dans les derniers de la nature.

418. « Chacun par les choses visibles dans la Nature peut se confirmer pour le Divin, quand il voit les Vers qui, d’après le plaisir d’un certain amour, sont portés et aspirent à changer leur état terrestre en un état qui est l’analogue de l’état céleste, et pour cela se traînent dans des lieux convenables, et se mettent comme dans un utérus afin de renaître, et là deviennent chrysalides, aurélies, nymphes, et enfin papillons ; et quand ils ont subi cette Métamorphose, et ont, selon leur espèce, été décorés d’ailes magnifiques, ils volent dans l’air comme dans leur ciel, ils y folâtrent joyeusement, et forment des mariages, déposent des œufs, et pourvoient à leur postérité ; et alors ils se nourrissent d’un aliment agréable et doux qu’ils tirent des fleurs. Parmi ceux qui se confirment pour le Divin par les choses visibles dans la nature, est-il quelqu’un qui ne voie dans ces êtres, comme vers, une sorte d’image de l’état terrestre de l’homme, et dans ces mêmes êtres, comme papillons, une sorte d’image de l’état céleste ? Ceux, au contraire, qui se confirment pour la nature voient, il est vrai, ces merveilles ; mais, comme ils ont rejeté loin d’eux l’état céleste de l’homme, ils les appellent de purs instincts de la nature.

419. « Chacun par les choses visibles dans la Nature peut se confirmer pour le Divin, quand il fait attention à tout ce que l’on connaît des Abeilles. Elles savent des plantes et des fleurs recueillir la cire, en sucer le miel, construira des cellules comme de petites maisons, et les disposer en forme de ville, avec des places par lesquelles elles entrent et par lesquelles elles sortent ; elles odorent de loin les fleurs et les plantes, dont elles recueillent la cire pour la maison et le miel pour la nourriture ; et, quand elles en sont chargées, elles revolent selon la plage vers leur ruche, ainsi elles pourvoient à leur nourriture et à leur habitation pour l’hiver suivant, comme si elles en avaient connaissance et le prévoyaient : elles mettent aussi à leur tête comme reine une souveraine, par qui la race sera propagée, et elles construisent pour elle une sorte de palais au-dessus de leurs cellules, en plaçant des gardes tout autour : quand le temps de la ponte arrive, la reine, accompagnée de la garde, va de cellule en cellule et pond des œufs, que la troupe qui la suit entoure d’un enduit, pour qu’ils ne soient point altérés par l’air ; de là pour elles une race nouvelle : plus tard, quand cette génération est parvenue à l’âge nécessaire pour pouvoir faire les mêmes travaux, elle est chassée de la ruche ; l’essaim chassé se réunit d’abord, puis se forme en masse, afin que la consociation ne soit pas rompue, et ensuite il s’envole pour se chercher un domicile : vers l’automne, les faux-bourdons inutiles sont aussi chassés et sont privés de leurs ailes, pour qu’ils ne reviennent pas et ne consomment pas des aliments, à l’approvisionnement desquels ils n’ont coopéré en rien ; sans parler de plusieurs autres faits remarquables : d’après cela on peut voir que c’est en raison de l’usage rendu par elles au Genre Humain qu’elles reçoivent de l’influx par le Monde Spirituel une forme de gouvernement, telle qu’elle existe chez les hommes dans les terres, et même chez les Anges dans les Cieux. Quel est l’homme, pourvu d’une raison saine, qui ne voie que de telles choses chez ces insectes ne viennent pas du Monde Naturel ? Qu’est-ce que le Soleil, d’où provient la nature, a de commun avec un gouvernement pareil et analogue au gouvernement céleste ? D’après ces observations et autres semblables chez les bêtes brutes, celui qui reconnaît et adore la nature se confirme pour la nature, tandis que celui qui reconnaît et adore Dieu se confirme pour le Divin, car l’homme spirituel y voit des choses spirituelles, et l’homme naturel y voit des choses naturelles, ainsi chacun selon ce qu’il est lui-même. Quant à ce qui me concerne, de telles observations ont été pour moi des témoignages de l’influx du spirituel dans le naturel, ou du Monde spirituel dans le Monde naturel, ainsi procédant de la Divine Sagesse du Seigneur. Qu’on examine encore si, au sujet de quelque forme de gouvernement, ou de quelque loi civile, ou de quelque vertu morale, ou de quelque vérité spirituelle, il est possible de penser analytiquement, à moins que le Divin, d’après sa Sagesse, n’influe par le Monde Spirituel ; quant à moi, cela m’a été et m’est impossible ; j’ai, en effet, remarqué cet influx d’une manière perceptible et sensible depuis vingt-cinq années continuellement ; j’en parle donc d’après un témoignage certain.

420. « La Nature peut-elle avoir pour fin l’usage, et disposer les usages dans des ordres et dans des formes ? Il n’y a que le Sage qui le puisse ; et il n’y a que Dieu, en Qui la Sagesse est Infinie, qui puisse ainsi ordonner et former l’Univers ; quel autre peut prévoir pour les hommes ce qui est nécessaire à la nourriture et au vêtement, et y pourvoir ; à la nourriture, par les fruits de la terre, et par les animaux ; aux vêlements, par ces mêmes choses et ces mêmes animaux ? N’est-il pas au nombre des merveilles que ces vils insectes que l’on nomme vers à soie fournissent de vêlements et décorent avec magnificence et les femmes et les hommes, depuis les reines et les rois jusqu’à des femmes de chambre et à des valets ; et que ces vils insectes, que l’on nomme abeilles, fournissent la cire pour la lumière qui remplit de splendeur les Temples et les Palais ? Ces choses et plusieurs autres sont des preuves existantes que le Seigneur opère de Soi-Même par le Monde Spirituel toutes les choses qui sont dans la Nature.

421. « À cela je dois ajouter que, dans le Monde spirituel, j’ai vu ceux qui, par les choses visibles dans le Monde, s’étaient confirmés pour la nature jusqu’à devenir athées ; et que leur entendement dans la lumière spirituelle m’a apparu ouvert par le bas, mais fermé par le haut ; et cela, parce que par la pensée ils ont regardé en bas vers la terre, et non en haut vers le Ciel : au-dessus du sensuel, qui est l’infime de l’entendement, il apparaissait comme un voile, chez quelques-uns brillant par un feu infernal, chez d’autres noir comme la suie, et chez d’autres livide comme un cadavre. Que chacun se garde donc des confirmations pour la Nature, mais qu’il se confirme pour le Divin ; les moyens ne manquent pas.

422. « Il est vrai que quelques-uns sont excusables d’avoir attribué à la Nature certaines choses visibles ; et cela, parce qu’ils n’ont rien su du Soleil du Monde spirituel, où est le Seigneur, ni de l’influx qui en procède ; ni rien de ce Monde et de son état, ni même rien de sa présence chez l’homme ; et que par suite ils n’ont pu que penser que le spirituel était un naturel plus pur ; qu’ainsi les Anges étaient ou dans l’éther ou dans les étoiles ; qu’à l’égard du Diable, c’était ou le mal de l’homme, ou que, s’il existait effectivement, il était ou dans l’air ou dans les lieux profonds ; que les âmes des hommes, après la mort, étaient ou dans l’intime de la terre, ou dans un on ne sait où (ubi seu pu) jusqu’au jour du jugement ; et autres choses semblables que la fantaisie a introduites par ignorance du Monde spirituel et de son Soleil : c’est là ce qui rend excusables ceux qui ont cru que la Nature produit les choses visibles d’après un insite par création ; mais toujours est-il que ceux qui, par des confirmations pour la Nature, se sont faits athées, ne sont pas excusables, parce qu’ils ont pu se confirmer pour le Divin ; l’ignorance excuse, il est vrai, mais elle n’enlève pas le faux confirmé ; car ce faux est cohérent au mal, et le mal est cohérent à l’Enfer. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES VOLUPTÉS DE LA FOLIE

 

SUR

 

L’AMOUR SCORTATOIRE

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DE L’OPPOSITION DE L’AMOUR SCORTATOIRE ET DE L’AMOUR CONJUGAL.

 

 

423. « À l’entrée de ce sujet, il faut d’abord déclarer ce qui, dans ce Chapitre, est entendu par l’Amour Scortatoire : Par l’Amour Scortatoire il n’est pas entendu l’Amour fornicatoire qui précède le mariage, ni celui qui le suit après la mort de l’un des deux époux ; ni le Concubinage qui a lieu par des causes légitimes, justes et consciencieuses ; il n’est pas entendu non plus les genres légers d’Adultère, ni les genres graves, dont l’homme se repent réellement, car ceux-ci ne deviennent pas opposés à l’Amour Conjugal, et ceux-là n’y sont pas opposés ; qu’ils n’y soient pas opposés on le verra dans la suite, où il sera traité de chacun de ces genres. Mais, par l’Amour Scortatoire opposé à l’Amour Conjugal, il est entendu ici l’Amour de l’Adultère, lorsqu’il est tel qu’il est considéré, non comme péché, ni comme mal et action déshonnête contre la raison, mais comme permis avec raison. Cet Amour Scortatoire fait non-seulement l’Amour Conjugal semblable à lui, mais même il le renverse, le détruit, et enfin le prend en dégoût. Dans ce Chapitre, il s’agit de l’opposition de cet amour contre l’amour conjugal ; qu’il ne soit pas question d’un autre amour, on peut le voir d’après les Chapitres suivants sur la Fornication, le Concubinage et les divers genres d’Adultère. » Mais afin que cette Opposition soit mise en évidence devant la vue rationnelle, elle va être démontrée dans cette série : I. On ne sait pas quel est l’Amour scortatoire, à moins qu’on ne sache quel est l’Amour conjugal. II. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal. III. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal, comme l’homme naturel, considéré en lui-même, est opposé à l’homme spirituel. IV. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal, comme la connexion (connubium) du mal et du faux est opposée au mariage du bien et du vrai. V. De là l’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal comme l’Enfer est opposé au Ciel. VI. L’impureté de l’Enfer vient de l’Amour Scortatoire, et la pureté du Ciel vient de l’Amour conjugal. VII. Pareillement, dans l’Église, l’impureté et la pureté. VIII. L’Amour scortatoire fait de plus en plus l’homme (homo) non homme (homo) et non homme (vir), et l’Amour conjugal fait l’homme de plus en plus homme (homo) et homme (vir). IX. Il y a une Sphère de l’amour scortatoire et une Sphère de l’amour conjugal. X. La Sphère de l’amour scortatoire monte de l’Enfer, et la Sphère de l’amour conjugal descend du Ciel. XI. Ces deux Sphères se rencontrent l’une l’autre dans l’un et l’autre Monde, mais ne se conjoignent point. XII. Entre ces deux Sphères il y a un équilibre, et l’homme est dans cet équilibre. XIII. L’homme peut se tourner vers celle qui lui plaît, mais autant il se tourne vers l’une, autant il se détourne de l’autre. XIV. L’une et l’autre Sphère porte avec elle des plaisirs. XV. Les plaisirs de l’amour scortatoire commencent par la chair, et appartiennent à la chair, même dans l’esprit ; mais les plaisirs de l’amour conjugal commencent dans l’esprit, et appartiennent à l’esprit, même dans la chair. XVI. Les plaisirs de l’amour scortatoire sont les voluptés de la folie, mais les plaisirs de l’amour conjugal sont les délices de la sagesse. Suit maintenant l’Explication des Articles.

424. I. On ne sait pas quel est l’Amour scortatoire, à moins qu’on ne sache quel est l’Amour conjugal. Par Amour scortatoire il est entendu l’Amour de l’adultère qui détruit l’Amour conjugal, comme ci-dessus, No 423. Qu’on ne sache pas quel est l’Amour scortatoire, à moins qu’on ne sache quel est l’Amour conjugal, cela n’a pas besoin d’être démontré ; il suffit de l’illustrer par des comparaisons ; par exemple : Qui peut connaître ce que c’est que le mal et le faux, s’il ne sait pas ce que c’est que le bien et le vrai ? Qui peut connaître ce que c’est que l’inchaste, le déshonnête, l’indécent et le laid, s’il ne sait pas ce que c’est que le chaste, l’honnête, le décent et le beau ? Et qui peut discerner les folies, si ce n’est celui qui est sage, ou celui qui sait ce que c’est que la sagesse ? Puis aussi, qui peut percevoir avec justesse les sons désharmonieux, si ce n’est celui qui est bien versé dans la science et l’étude des nombres harmonieux ? Pareillement, qui peut clairement discerner quel est l’adultère, s’il n’a pas clairement discerné quel est le mariage ? Et qui peut présenter au jugement l’impureté des voluptés de l’amour scortatoire, si ce n’est celui qui d’abord a présenté à son jugement la pureté de l’amour conjugal ? Maintenant, comme j’ai terminé le Traité des Délices de la sagesse sur l’Amour conjugal, je puis, d’après l’intelligence acquise par là, décrire les Voluptés de la folie sur l’Amour scortatoire.

425. II. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal. Il n’y a pas dans l’Univers une seule chose qui n’ait son opposé, et les opposés sont, l’un à l’égard de l’autre, non des relatifs, mais des contraires ; les relatifs existent entre le maximum et le minimum d’une même chose, mais les contraires viennent de l’opposé contre eux, et ceux-ci, les uns à l’égard des autres, sont des relatifs, de même que ceux-là ; les relations aussi sont donc elles-mêmes opposées. Que toutes choses, en général et en particulier, aient leurs opposés, cela est évident d’après la lumière, la chaleur, les temps du monde, les affections, les perceptions, les sensations, et beaucoup d’autres choses ; l’opposé de la lumière est l’obscurité, l’opposé de la chaleur est le froid ; les opposés des temps du monde sont le jour et la nuit, l’été et l’hiver ; les opposés des affections sont les joies et les afflictions, les allégresses et les tristesses ; les opposés des perceptions sont les biens et les maux, les vrais et les faux ; et les opposés des sensations sont les plaisirs et les déplaisirs : de là on peut conclure, en toute évidence, que l’amour conjugal a son opposé ; que cet opposé soit l’adultère, chacun, s’il le veut, peut le voir d’après tous les enseignements d’une saine raison ; dites, si vous le pouvez, quelle autre chose en est l’opposé ; il y a plus, c’est que, comme la saine raison a pu par sa propre lumière voir clairement cela, elle a établi des lois, qui sont appelées lois civiles de la justice, en faveur des mariages et contre les adultères. Pour qu’il devienne encore plus manifeste que le mariage et l’adultère sont des opposés, il m’est permis de rapporter ce que j’ai vu très-souvent dans le Monde spirituel : Quand ceux qui, dans le Monde naturel, ont été adultères d’après un principe confirmé, perçoivent la sphère de l’amour conjugal découlant du Ciel, à l’instant ils s’enfuient dans des cavernes et s’y cachent, ou, s’ils s’opiniâtrent contre elle, ils sont transportés de fureur et deviennent comme des furies ; s’il en est ainsi, c’est parce que dans le Monde spirituel tout l’agréable et le désagréable des affections est perçu, et parfois aussi clairement que l’odeur est perçue par l’odorat, car on n’y a pas un corps matériel qui absorbe ces sortes de choses. Mais si l’opposition de l’amour scortatoire et de l’amour conjugal est ignorée de beaucoup de personnes dans le Monde naturel, cela est dû aux plaisirs de la chair qui imitent, en apparence, les plaisirs de l’Amour conjugal dans les extrêmes, et ceux qui sont dans les plaisirs seulement ne savent rien de cette opposition ; et je peux assurer que si tu disais que chaque chose a son opposé, et que tu en conclusses que l’Amour conjugal a aussi le sien, les adultères répondraient que cet Amour n’a point d’opposé, parce que l’Amour scortatoire ne s’en distingue en aucun sens ; de là il est encore évident que celui qui ne sait pas quel est l’amour conjugal ne sait pas quel est l’amour scortatoire ; et il y a plus, d’après l’amour scortatoire on ne sait pas quel est l’amour conjugal, mais d’après l’amour conjugal on sait quel est l’amour scortatoire ; personne d’après le mal ne connaît le bien, mais d’après le bien on connaît le mal ; car le mal est dans l’obscurité, mais le bien est dans la lumière.

425. III. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal, comme l’homme naturel, considéré en lui-même, est opposé à l’homme spirituel. Que l’homme naturel et l’homme spirituel soient opposés l’un à l’autre, au point que l’un ne veut pas ce que l’autre veut, et que même ils combattent l’un contre l’autre, cela est connu dans l’Église, mais n’a pas cependant été expliqué ; il va donc être dit ce qui divise l’homme spirituel et l’homme naturel, et excite celui-ci contre celui-là : L’homme naturel est celui dans lequel chacun, en grandissant, est d’abord introduit, ce qui se fait par les sciences et les connaissances, et par les rationnels de l’entendement ; mais l’homme spirituel est celui dans lequel on est introduit par l’amour de faire des usages, amour qui est aussi appelé charité ; c’est pourquoi, autant quelqu’un est dans la charité, autant il est spirituel, mais autant on n’est pas dans la charité, autant on est naturel, lors même qu’on aurait un génie perspicace et un jugement sage. Que cet homme qui est appelé naturel, séparé de l’homme spirituel, quelle que soit son élévation dans la lumière de la raison, se mette néanmoins sous la direction de ses désirs libidineux et s’y livre, on le voit clairement d’après son penchant seul, en ce qu’il manque de charité ; et celui-là qui manque de charité s’abandonne à toutes les lascivetés de l’amour scortatoire ; c’est pourquoi, si on lui dit que cet Amour libidineux est opposé au chaste Amour conjugal, et qu’on le prie de consulter sa lueur rationnelle, il ne consulte néanmoins cette lueur qu’en conjonction avec le plaisir du mal insité par naissance dans l’homme Naturel, ce qui le fait conclure que sa raison ne voit rien de contraire aux doux attraits sensitifs de son corps ; et après qu’il s’y est confirmé, sa raison s’étonne de toutes ces choses douces qui sont dites de l’Amour conjugal ; bien plus, il combat contre elles, comme il a été dit ci-dessus, et il en triomphe ; et, de même qu’un vainqueur après le carnage, il détruit depuis les extrêmes jusqu’aux intimes le camp de l’Amour conjugal chez lui : voilà ce que fait l’homme naturel d’après son Amour scortatoire. Ceci est dit pour qu’on sache d’où vient l’opposition de ces deux amours ; car, ainsi qu’il a déjà été montré en beaucoup d’endroits, l’Amour conjugal considéré en lui-même est un Amour spirituel, et l’Amour scortatoire considéré en lui-même est un Amour naturel.

427. IV. L’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal, comme la connexion (connubium) du mal et du faux est opposée au mariage du bien et du vrai. Que l’origine de l’amour conjugal vienne du mariage du bien et du vrai, cela a été démontré dans son propre Chapitre, Nos 83 à 102 ; il suit de là que l’origine de l’amour scortatoire vient de la connexion (connubium) du mal et du faux, et que par suite ces deux amours sont opposés, comme le mal est opposé au bien, et le faux du mal au vrai du bien ; ce sont les plaisirs de l’un et de l’autre amour qui sont ainsi opposés, car un Amour sans ses plaisirs n’est rien. Que ces plaisirs soient ainsi opposés les uns aux autres, on ne le voit nullement ; si on ne le voit pas, c’est parce que le plaisir de l’Amour du mal dans les externes ressemble au plaisir de l’Amour du bien ; mais dans les internes le plaisir de l’amour du mal consiste en de pures convoitises du mal, le mal lui-même est la masse conglobée ou l’agglomération de ces convoitises ; au contraire, le plaisir de l’amour du bien consiste en d’innombrables affections du bien, le bien en lui-même est comme le faisceau co-uni de ces affections ; ce faisceau et cette agglomération ne sont sentis par l’homme que comme un seul plaisir ; et puisque le plaisir du mal dans les externes ressemble au plaisir du bien, ainsi qu’il a été dit, c’est pour cela aussi que le plaisir de l’adultère ressemble au plaisir du mariage ; mais après la mort, lorsque chacun dépose les externes, et que les internes sont mis à nu, il est sensiblement manifeste que le mal de l’adultère est l’agglomération des convoitises du mal, et que le bien du mariage est le faisceau des affections du bien, qu’ainsi ils sont absolument opposés l’un à l’autre.

428. Quant à ce qui concerne la connexion (connubium) même du mal et du faux, il faut qu’on sache que le mal aime le faux, et veut qu’il soit un avec lui, et même ils se conjoignent ; que pareillement le bien aime le vrai et veut qu’il soit un avec lui, et même ils se conjoignent ; de là il est évident que, comme l’origine spirituelle du mariage est le mariage du bien et du vrai, de même l’origine spirituelle de l’adultère est la connexion (connubium) du mal et du faux ; c’est de là que cette connexion est entendue, dans le sens spirituel de la Parole, par les adultères, les scortations et les prostitutions, voir l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 134. C’est d’après ce principe que celui qui est dans le mal et épouse le faux, ou qui est dans le faux et admet le mal en partage de son lit, confirme l’adultère par l’alliance qu’il a contractée, et le commet autant qu’il l’ose et le peut ; il le confirme d’après le mal par le faux, et il le commet d’après le faux par le mal ; et qu’aussi, vice versa, celui qui est dans le bien et épouse le vrai, ou qui est dans le vrai et admet le bien en communauté de lit avec lui, se confirme contre l’adultère, et en faveur du mariage, et embrasse l’heureuse vie conjugale.

429. V. De là l’Amour scortatoire est opposé à l’Amour conjugal comme l’Enfer est opposé au Ciel. Tous ceux qui sont dans l’Enfer sont dans le connubium du mal et du faux, et tous ceux qui sont dans le Ciel sont dans le mariage du bien et du vrai ; et comme le connubium du mal et du faux est aussi l’adultère, ainsi qu’il vient d’être montré, Nos 427, 428, l’enfer est aussi ce connubium ; de là vient que tous y sont dans le désir libidineux, la lasciveté et l’impudicité de l’amour scortatoire, et qu’ils fuient et ont en horreur les choses chastes et pudiques de l’amour conjugal, voir ci-dessus, No 428. D’après ces considérations, on peut voir que ces deux amours, le scortatoire et le conjugal, sont opposés l’un à l’autre, comme l’enfer est opposé au ciel, et le ciel à l’enfer.

430. VI. L’impureté de l’Enfer vient de l’Amour scortatoire, et la pureté du Ciel vient de l’Amour conjugal. Tout l’enfer regorge d’impuretés, et leur origine universelle est l’impudique et obscène Amour scortatoire ; en de telles impuretés sont changés ses plaisirs : qui est-ce qui peut croire que, dans le Monde spirituel, tout plaisir de l’amour se présente à la vue sous diverses apparences, à l’odorat sous diverses odeurs, et aux regards sous diverses formes de bêtes et d’oiseaux ? Les Apparences sous lesquelles, dans l’enfer, les plaisirs lascifs de l’Amour scortatoire se présentent à la vue sont des fumiers et des fanges ; les Odeurs par lesquelles ils s’y font sentir sont des puanteurs et des infections ; et les Formes de bêtes et d’oiseaux sous lesquelles ils s’y présentent aux regards sont des pourceaux, des serpents, et des oiseaux appelés Ochim et Tziim. C’est le contraire au sujet des chastes plaisirs de l’Amour conjugal dans le Ciel ; les Apparences sous lesquelles ils s’y présentent à la vue sont des jardins et des plaines fleuries ; les Odeurs par lesquelles ils s’y font sentir sont de doux parfums de fruits et de suaves exhalaisons de fleurs ; et les Formes d’animaux sous lesquelles ils s’y présentent aux regards sont des agneaux, des chevreaux, des tourterelles et des oiseaux de paradis. Que les plaisirs des amours soient changés en de telles et de semblables formes, c’est parce que toutes les choses qui existent dans le Monde spirituel sont des correspondances ; les internes des mentals des habitants sont changés en ces correspondances, quand ils se transportent et deviennent externes devant les sens. Mais il faut qu’on sache qu’il y a des variétés innombrables d’impuretés, dans lesquelles sont changées les lascivetés des scortations, quand elles passent dans leurs correspondances ; et les variétés sont selon les genres et les espèces de lascivetés, qu’on peut voir dans les Articles suivants, où il est traité des Adultères et de leurs degrés ; toutefois, de telles impuretés ne sortent pas des plaisirs de l’amour de ceux qui s’en sont repentis, parce que dans le Monde ils en ont été lavés.

431. VII. Pareillement, dans l’Église, l’impureté et la pureté. La raison de cela, c’est que l’Église est le Royaume du Seigneur dans les terres, correspondant à son Royaume dans les Cieux ; et aussi le Seigneur conjoint ces royaumes, afin qu’ils fassent un ; il distingue même ceux qui sont dans l’Église, comme il distingue le Ciel et l’Enfer, et il les distingue selon les amours ; ceux qui sont dans les plaisirs impudiques et obscènes de l’amour scortatoire attirent à eux de semblables esprits de l’Enfer ; mais ceux qui sont dans les pudiques et chastes plaisirs de l’amour conjugal sont associés par le Seigneur à de semblables anges du Ciel : quand ces anges chez l’homme se tiennent près des adultères par confirmation et de propos déterminé, ils sentent ces puanteurs, dont il vient d’être parlé, No 430, et ils se retirent un peu. C’est à cause de la correspondance des amours impurs avec les fumiers et les fanges qu’il avait été commandé aux fils d’Israël « de porter avec eux un pic pour couvrir leurs excréments, de peur que Jéhovah Dieu, en marchant au milieu de leur camp, ne vît la nudité de la chose, et ne s’en retournât », – Deutér. XXIII, 14, 15 ; – cela a été commandé, parce que le camp des fils d’Israël représentait l’Église, et que ces impuretés correspondaient aux lascivetés des scortations ; et par Jéhovah Dieu, marchant au milieu de leur camp, était signifiée sa présence avec les anges ; s’ils les couvraient, c’était parce que dans l’enfer tous les lieux où habitent les troupes de tels esprits ont été couverts et fermés, c’est pourquoi il est dit aussi « de peur qu’il ne vît la nudité de la chose » ; que tous les lieux dans l’Enfer soient fermés, il m’a été donné de le voir ; et même quand ils étaient ouverts, ce qui arrivait lorsqu’un nouveau démon y entrait, il s’en exhalait une telle puanteur qu’elle me causait au ventre une pesanteur douloureuse ; et, ce qui est étonnant, ces puanteurs sont pour les habitants aussi agréables que le sont des fumiers pour les pourceaux. D’après ces considérations on voit comment il faut entendre que dans l’Église l’impureté vient de l’amour scortatoire, et que la pureté vient de l’amour conjugal.

432. VIII. L’Amour scortatoire fait de plus en plus l’homme (homo) non homme (homo) et l’homme (vir) non homme (vir), et l’Amour conjugal fait l’homme (homo) de plus en plus homme (homo) et homme (vir). Que l’Amour conjugal fasse l’homme, c’est ce qu’illustrent et confirment toutes les choses qui ont été démontrées avec lumière devant la raison dans la Première Partie de ce Traité sur l’Amour et les délices de sa Sagesse ; par exemple : 1o Que celui qui est dans l’Amour vraiment conjugal devient de plus en plus spirituel, et plus quelqu’un est spirituel, plus il est homme (homo). 2o Qu’il devient de plus en plus sage, et plus quelqu’un est sage, plus il est homme (homo). 3o Que chez lui sont de plus en plus ouverts les intérieurs du mental, tellement qu’il voit ou reconnaît intuitivement le Seigneur, et plus quelqu’un est dans cette vue ou dans cette reconnaissance, plus il est homme. 4o Qu’il devient de plus en plus moral et civil, parce qu’il y a une âme spirituelle dans sa moralité et dans sa civilité, et plus quelqu’un est moralement civil, plus il est homme. 5o Qu’il devient aussi Ange du ciel après la mort ; et l’Ange par essence et par forme est homme, et aussi l’humain réel brille dans sa face d’après son langage et ses mœurs : d’après cela on voit que l’Amour conjugal fait l’homme (homo) de plus en plus homme (homo). Que ce soit le contraire pour les adultères, l’opposition même de l’adultère et du mariage, dont il a été traité dans ce Chapitre, et dont il est encore traité, le prouve clairement ; par exemple : 1o En ce que les adultères ne sont point spirituels, mais sont extrêmement naturels ; or, l’homme naturel, séparé de l’homme spirituel, est seulement homme quant à l’entendement, mais non quant à la volonté ; il la plonge dans le corps et dans les convoitises de la chair, et à l’instant même l’entendement l’accompagne ; qu’il ne soit qu’un demi-homme (homo), lui-même d’après la raison de son entendement, s’il l’élève, peut le voir. 2o Que les adultères ne sont sages que dans leurs discours et leurs gestes, quand ils sont en société avec des personnes éminentes en dignité, célèbres par l’érudition, et de mœurs exemplaires ; mais que seuls chez eux ils soient insensés, regardant comme rien les choses Divines et les choses Saintes de l’Église, et souillant les principes moraux de la vie par des choses impudiques et inchastes, c’est ce qui sera prouvé dans le Chapitre sur les Adultères ; qui est-ce qui ne voit que de tels bateleurs sont hommes seulement quant à la figure externe, et non hommes quant à la forme interne ? 3o Que les adultères deviennent de plus en plus non hommes, c’est ce que j’ai vu moi-même de mes propres yeux, dans l’enfer, ce qui a été pour moi une confirmation évidente ; car là il y a des démons qui, lorsqu’ils sont vus dans la lumière du ciel, apparaissaient comme ayant la face couverte de pustules, le corps voûté, la voix rauque, et des gestes de bateleurs. « Mais il faut qu’on sache que tels sont les adultères de propos déterminé et par confirmation, mais non les adultères sans délibération ; car il y a quatre genres d’adultères, dont il sera traité dans le Chapitre concernant les adultères et leurs degrés ; les adultères de propos déterminé sont ceux qui le sont d’après le désir libidineux de la volonté ; les adultères par confirmation, ceux qui le sont d’après la persuasion de l’entendement ; les adultères par délibération, ceux qui le sont d’après les amorces des sens ; et les adultères sans délibération, ceux qui n’ont pas la faculté, ou n’ont pas la liberté de consulter l’entendement. Les deux premiers genres d’adultères sont ceux qui deviennent de plus en plus non hommes ; mais les deux derniers genres deviennent hommes, à mesure qu’ils se retirent de leurs erreurs ; et dans la suite ils deviennent sages. »

433. Que l’Amour conjugal fasse l’homme (homo) de plus en plus homme (vir), cela aussi est illustré par les choses qui ont été rapportées dans la Partie précédente sur l’Amour conjugal et sur ses délices, à savoir : 1o Que la faculté et la vertu, qui est appelée virile, accompagne la sagesse, selon que celle-ci est animée par les spirituels de l’Église, et que par suite elle réside dans l’Amour conjugal ; et que la sagesse de cet amour ouvre une veine dès sa source dans l’Âme, et ainsi donne de la vigueur à la vie intellectuelle, qui est la vie masculine même, et la rend continuellement heureuse. 2o Que c’est de là que les Anges du Ciel sont éternellement dans cette faculté, selon leurs propres paroles, dans le MÉMORABLE, Nos 355, 356 ; que les Très-Anciens, dans les siècles d’or et d’argent, aient aussi été dans cette perpétuelle efficacité, parce qu’ils aimaient les caresses de leurs épouses, et avaient en horreur les caresses des prostituées, je l’ai appris de leur propre bouche, voir les MÉMORABLES, Nos 75, 76. Que cette suffisance spirituelle soit aussi dans le naturel, et qu’elle ne manquerait pas aujourd’hui à ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui ont en abomination les adultères comme infernaux, cela m’a été dit du Ciel. Mais le contraire arrive aux Adultères de propos déterminé, et aux Adultères par confirmation, dont il vient d’être parlé à la fin du No 432 ; que chez eux la faculté et la vertu, qui est appelée virile, perde sa vigueur jusqu’à devenir nulle, et, qu’après elle, commence la Froideur même pour le sexe, et que cette froideur soit suivie d’une sorte de dédain qui approche du dégoût, cela est connu, quoique peu divulgué. Que tels soient ces Adultères dans l’enfer, c’est ce que j’ai entendu dire de loin par des sirènes, qui sont des désirs libidineux d’un amour usé, et aussi, là, par des débauchés. De ces explications il résulte que l’Amour scortatoire fait l’homme (homo) de plus en plus non homme (homo) et non homme (vir), et que l’Amour conjugal fait l’homme (homo) de plus en plus homme (homo) et homme (vir).

434. IX. Il y a une Sphère de l’amour scortatoire, et une Sphère de l’amour conjugal. Ce qui est entendu par Sphères, et qu’il y en ait un grand nombre, et que celles qui appartiennent à l’Amour et à la Sagesse procèdent du Seigneur, descendent par les Cieux Angéliques dans le Monde, et y pénètrent jusqu’à ses derniers, cela a été montré ci-dessus, Nos 222 à 225, et Nos 386 à 397. Que dans l’Univers il n’y ait aucune chose qui n’ail son opposé, on le voit ci-dessus, No 425 ; il suit de là que, comme il y a une Sphère de l’amour conjugal, il y a aussi une Sphère opposée, qui est appelée la Sphère de l’amour scortatoire : en effet, ces Sphères sont opposées l’une à l’autre, comme l’amour de l’adultère est opposé à l’amour du mariage ; il a été traité de cette opposition dans le préliminaire de ce Chapitre.

435. X. La Sphère de l’amour scortatoire monte de l’Enfer, et la Sphère de l’amour conjugal descend du Ciel. Que la Sphère de l’amour conjugal descende du Ciel, c’est ce qui a été montré dans les endroits qui viennent d’être cités, No 434. Mais si la Sphère de l’amour scortatoire monte de l’enfer, c’est parce que cet amour vient de l’enfer, No 429. Cette sphère s’en élève des impuretés dans lesquelles sont changés les plaisirs de l’adultère de ceux de l’un et de l’autre sexe qui sont dans l’enfer ; sur ces impuretés, voir ci-dessus, Nos 430, 431.

436. XI. Ces deux Sphères se rencontrent l’une l’autre dans l’un et l’autre Monde, mais ne se conjoignent point. Par l’un et l’autre Monde, il est entendu le Monde spirituel et le Monde naturel ; dans le Monde spirituel ces Sphères se rencontrent dans le Monde des esprits, parce que ce monde tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer ; mais dans le Monde naturel elles se rencontrent chez l’homme dans le Plan rationnel qui aussi tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer ; car dans ce plan influe d’en haut le mariage du bien et du vrai, et influe d’en bas le mariage du mal et du faux, celui-ci influe par le Monde, et celui-là par le Ciel : de là vient que le Rationnel humain peut se tourner de l’un ou de l’autre côté, et recevoir l’influx ; si l’homme se tourne vers le bien ; il reçoit l’influx d’en haut, et alors son Rationnel est formé de plus en plus pour la réception du Ciel ; mais s’il se tourne vers le mal, il reçoit cet influx d’en bas, et alors son Rationnel est formé de plus en plus pour la réception de l’Enfer. Si ces deux Sphères ne se conjoignent point, c’est parce qu’elles sont opposées, et que deux opposés n’agissent entre eux que comme des ennemis, dont l’un brûlant d’une haine mortelle attaque l’autre avec fureur, tandis que l’autre n’est dans aucune haine, mais est seulement animé de zèle pour se défendre : d’après ces considérations, il est évident que ces deux Sphères se rencontrent seulement, mais ne se conjoignent point. L’interstice mitoyen qu’elles font existe d’une part d’après le mal du non-faux et le faux du non-mal, et de l’autre part d’après le bien du non-vrai et le vrai du non-bien, qui tous deux peuvent, il est vrai, s’atteindre, mais non cependant se conjoindre.

437. XII. Entre ces deux Sphères il y a un équilibre, et l’homme est dans cet équilibre. L’équilibre entre elles est un équilibre spirituel, parce qu’il est entre le bien et le mal ; d’après cet équilibre l’homme a le libre arbitre ; dans ce libre et au moyen de ce libre l’homme pense et veut, et par suite parle et agit comme par lui-même ; son Rationnel est dans l’option et le choix, soit qu’il veuille recevoir le bien, soit qu’il veuille recevoir le mal, par conséquent soit qu’il veuille rationnellement d’après le libre se disposer pour l’amour conjugal, soit qu’il veuille rationnellement d’après le libre se disposer pour l’amour scortatoire ; si c’est pour celui-ci, il tourne l’occiput et le dos au Seigneur ; si c’est pour celui-là, il tourne le front et la poitrine vers le Seigneur ; s’il se tourne vers le Seigneur, sa rationalité et sa liberté sont dirigées par le Seigneur ; mais s’il tourne le dos au Seigneur, sa rationalité et sa liberté sont dirigées par l’enfer.

438. XIII. L’homme peut se tourner vers la Sphère qui lui plaît, mais autant il se tourne vers t’une, autant il se détourne de l’autre. L’homme a été créé afin que, d’après le libre selon la raison, et absolument comme par lui-même, il fasse ce qu’il fait ; sans le libre et sans la raison, il ne serait pas un homme, mais il serait une bête ; car il ne recevrait aucune chose influant du Ciel vers lui, et ne s’en approprierait aucune comme sienne, et par conséquent aucune chose de la vie éternelle ne pourrait être inscrite en lui ; car pour qu’elle soit sienne, une chose doit être inscrite en lui comme lui appartenant ; et puisqu’il n’existe aucun libre pour un côté, à moins qu’il n’en existe aussi un semblable pour l’autre côté, comme il n’y a pas de balance à moins que les plateaux ne puissent de part et d’autre sortir de l’équilibre, de même si l’homme n’a pas le libre d’après la raison d’accéder aussi au mal, d’aller ainsi de droite à gauche et de gauche à droite, pareillement vers la Sphère infernale, qui est la sphère de l’adultère, comme vers la Sphère céleste qui est celle du mariage.

439. XIV. L’une et l’autre Sphère porte avec elle des plaisirs ; c’est-à-dire, que l’une et l’autre Sphère, celle de l’amour scortatoire, qui monte de l’Enfer, et celle de l’amour conjugal, qui descend du Cid, affectent de plaisirs l’homme (homo) qui reçoit. Cela résulte de ce que le dernier plan, dans lequel les plaisirs de l’un et de l’autre amour se terminent, et où ils se remplissent et se complètent, et qui les présente à son propre sens, est le même : de là vient que les caresses scortatoires et les caresses conjugales sont perçues semblables dans les extrêmes, quoiqu’elles soient absolument dissemblables dans les internes ; que par suite elles soient dissemblables aussi dans les extrêmes, c’est un point non décidé d’après un sens de différence ; car les dissemblances provenant des différences dans les extrêmes ne sont senties que par ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal ; en effet, le mal est connu d’après le bien, mais le bien n’est pas connu d’après le mal, de même qu’une odeur douce n’est pas discernée par une narine à laquelle s’est attachée une odeur désagréable. J’ai entendu dire par des anges qu’ils discernent dans les extrêmes le lascif du non-lascif, comme on discerne un feu de fiente ou de corne brûlée d’après sa puanteur, d’avec un feu d’aromates ou de cinnamome d’après son odeur agréable ; et que cela vient de la différence des plaisirs internes qui entrent dans les plaisirs externes et les composent.

440. XV. Les plaisirs de l’amour scortatoire commencent par la chair, et appartiennent à la chair, même dans l’esprit ; mais les plaisirs de l’amour conjugal commencent dans l’esprit, et appartiennent à l’esprit, même dans la chair. Si les plaisirs de l’amour scortatoire commencent par la chair, c’est parce que les ardeurs de la chair en sont les commencements ; si ces plaisirs infectent l’esprit, et appartiennent à la chair, même dans l’esprit, c’est parce que la chair ne sent pas les choses qui surviennent dans la chair, mais c’est l’esprit qui les sent ; il en est de ce sens comme de tous les autres, ainsi ce n’est pas l’œil qui voit et qui discerne les diverses choses dans les objets, mais c’est l’esprit ; ce n’est pas non plus l’oreille qui entend et qui discerne l’harmonie des modulations dans le chant, et les concordances de l’articulation des sons dans le langage, mais c’est l’esprit ; et l’esprit sent tout selon son élévation dans la sagesse ; l’esprit qui n’a point été élevé au-dessus des sensuels du corps, et qui par conséquent y reste attaché, ne sent d’autres plaisirs que ceux qui influent de la chair et du monde par les sens du corps, il les saisit, il s’en délecte et les fait siens. Or, comme les commencements de l’amour scortatoire ne sont que des ardeurs et dés prurits de la chair, il est évident que, dans l’esprit, ce sont de sales amorces qui excitent et embrasent à mesure qu’elles montent et descendent, et agissent tour à tour. En général, les cupidités de la chair, considérées en elles-mêmes, ne sont que les convoitises agglomérées du mal et du faux ; de là vient ce vrai dans l’Église, que la chair convoite contre l’esprit, c’est-à-dire, contre l’homme spirituel ; il s’ensuit donc que les plaisirs de la chair, quant aux plaisirs de l’amour scortatoire, ne sont que des effervescences de désirs libidineux, qui, dans l’esprit, deviennent des bouillonnements d’impudicités.

441. Mais les plaisirs de l’amour conjugal n’ont rien de commun avec les plaisirs fangeux de l’amour scortatoire ; ceux-ci, il est vrai, sont dans la chair de chaque homme, mais ils sont séparés et éloignés, à mesure que l’esprit de l’homme est élevé au-dessus des sensuels du corps, et que de cette hauteur il voit leurs apparences et leurs illusions en bas ; pareillement alors il perçoit les plaisirs charnels d’abord comme des plaisirs apparents et trompeurs, puis comme des plaisirs libidineux et lascifs qu’il faut fuir, et successivement comme dangereux et nuisibles à l’âme, et enfin il les sent comme désagréables, hideux et dégoûtants ; et dans ce degré où il perçoit et sent ainsi ces plaisirs, il perçoit aussi dans le même degré les plaisirs de l’amour conjugal comme innocents et chastes, et enfin comme délicieux et heureux. Si les plaisirs de l’amour conjugal deviennent aussi des plaisirs de l’esprit dans la chair, c’est parce que, après que les plaisirs de l’amour scortatoire ont été éloignés, comme il vient d’être dit, l’esprit qui en est délivré entre chaste dans le corps, et remplit des délices de sa béatitude la poitrine, et aussi d’après la poitrine les derniers de cet amour dans le corps ; par suite l’esprit avec eux, et eux avec l’esprit, agissent plus tard en pleine communion.

44.2. XVI. Les plaisirs de l’amour scortatoire sont les voluptés de la folie, mais les plaisirs de l’amour conjugal sont les délices de la sagesse. Si les plaisirs de l’amour scortatoire sont les voluptés de la folie, c’est parce qu’il n’y a que les hommes naturels qui soient dans cet amour, et que l’homme naturel est insensé dans les choses spirituelles, car il est contre elles, et par cela même il embrasse seulement les plaisirs naturels, sensuels et corporels : il est dit qu’il embrasse les plaisirs naturels, sensuels et corporels, parce que le Naturel est distingué en trois degrés ; dans le suprême degré sont les hommes naturels qui d’après la vue rationnelle voient les folies, et sont néanmoins entraînés par les plaisirs de ces folies, comme une barque par le cours d’un fleuve ; dans le degré inférieur sont les hommes naturels qui seulement voient et jugent d’après les sens du corps, et qui méprisent et rejettent comme rien les rationnels contraires aux apparences et aux illusions ; dans le degré infime sont les hommes naturels, qui sans jugement sont emportés par les ardeurs séductrices de leur corps ; ce sont ceux-ci qui sont appelés naturels-corporels, les précédents sont appelés naturels-sensuels, et les premiers sont appelés naturels. L’Amour scortatoire, ses folies et ses voluptés, chez eux, appartiennent à de semblables degrés.

443. Si les plaisirs de l’amour conjugal sont les délices de la sagesse, c’est parce qu’il n’y a que les hommes spirituels qui soient dans cet amour, et que l’homme spirituel est dans la sagesse, et par suite n’embrasse d’autres plaisirs que ceux qui concordent avec la sagesse spirituelle. Quels sont les plaisirs de l’amour scortatoire, et quels sont les plaisirs de l’amour conjugal, on peut le faire voir par comparaison avec des maisons ; les plaisirs de l’amour scortatoire, avec une maison dont les murailles brillent à l’extérieur comme des coquillages de mer, ou comme des pierres transparentes appelées sélénites, d’une fausse couleur d’or, tandis que dans les appartements au dedans des murailles il y a des ordures et des saletés de toute espèce ; mais les plaisirs de l’amour conjugal peuvent être assimilés à une maison dont les murailles brillent comme de l’or fin, et dont les appartements en dedans resplendissent comme des cassettes remplies de diverses pierres précieuses.

 

 

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444. À ce qui précède sera ajouté ce MÉMORABLE. Quand j’eus terminé les méditations sur l’Amour conjugal, et que j’eus commencé les méditations sur l’Amour scortatoire, soudain deux Anges se présentèrent, et dirent : « Nous avons perçu et compris les choses que tu as d’abord méditées, mais quant à celles que tu médites maintenant, elles nous échappent, et nous ne les percevons point ; mets-les donc de côté, car elles ne sont d’aucune importance. » Mais je répondis : « Cet amour, sur lequel je médite maintenant, n’est point de nulle importance, car il existe. » Mais ils dirent : « Comment peut-il exister un Amour qui ne soit pas de création ? L’Amour conjugal n’est-il pas de création ? Cet amour n’existe-t-il pas entre deux qui peuvent devenir un ? Comment peut-il y avoir un amour qui divise et sépare ? Quel jeune homme peut aimer une autre vierge que celle qui lui rend amour pour amour ? Est-ce que l’amour de l’un ne doit pas connaître et reconnaître l’amour de l’autre ? Dès qu’ils se rencontrent, ces deux amours ne se conjoignent-ils pas d’eux-mêmes ? Qui est-ce qui peut aimer le non-amour ? L’amour conjugal n’est-il pas le seul amour mutuel et réciproque ? S’il n’est pas réciproque, est-ce qu’il ne rebondit pas et ne devient pas nul ? » Après avoir entendu ces paroles, je demandai aux deux Anges de quelle Société du Ciel ils étaient ; et ils dirent : « Nous sommes du Ciel de l’Innocence ; nous sommes venus enfants dans ce Monde céleste, et avons été élevés sous l’auspice du Seigneur, et après que je fus devenu jeune homme, et que mon épouse, qui est ici avec moi, fut devenue jeune fille nubile, nous avons été fiancés, et sommes tombés d’accord, et nous nous sommes unis sous les premières impressions favorables ; et comme nous n’avons pas eu connaissance d’un amour autre que l’amour vraiment nuptial et conjugal, c’est pour cela que quand les idées de ta pensée sur un amour étranger, complètement opposé à notre amour, nous ont été communiquées, nous n’avons rien compris ; c’est pourquoi nous sommes descendus, afin de te demander pourquoi tu médites sur des choses non-perceptibles. Dis-nous donc comment un amour, qui non-seulement n’est point de création, mais qui est même contraire à la création, peut exister. Nous, nous regardons les choses opposées à la création comme des objets dont on ne doit tenir aucun compte. » Lorsqu’ils eurent ainsi parlé, je ressentis de la joie dans le cœur de ce qu’il m’était donné de m’entretenir avec des Anges d’une telle innocence, qui ignoraient entièrement ce que c’était que la scortation ; c’est pourquoi je pris la parole et les instruisis, en disant : « Ne savez-vous pas qu’il y a le bien et le mal, et que le bien est de création, mais non le mal, et que cependant le mal, considéré en lui-même, n’est pas rien, quoiqu’il ne soit rien du bien ? Par création existe le bien, et aussi le bien dans le degré le plus grand et dans le degré le plus petit, et quand ce plus petit devient rien, de l’autre côté surgit le mal ; il n’existe donc ni relation ni progression du bien au mal ; mais il y a relation et progression du bien à un plus grand et à un moindre bien, et du mal à un plus grand et à un moindre mal, car ils sont opposés en toutes choses en général et en particulier ; et parce que le bien et le mal sont opposés, il y a un intermédiaire, et là un équilibre, dans lequel le mal agit contre le bien ; mais comme il ne prévaut pas, il reste en effort ; tout homme est élevé dans cet équilibre, qui, parce qu’il existe entre le bien et le mal, ou, ce qui est la même chose, entre le Ciel et l’Enfer, est un équilibre spirituel, lequel, chez ceux qui y sont, produit le Libre ; d’après cet équilibre le Seigneur attire tous les hommes vers Lui, et il retire du mal dans le bien, et ainsi dans le Ciel, l’homme qui Le suit d’après le libre : il en est de même de l’amour, principalement de l’amour conjugal, et de l’amour scortatoire, cet amour-ci est le mal, et celui-là est le bien ; tout homme qui écoute la voix du Seigneur, et d’après le libre la suit, est introduit par le Seigneur dans l’amour conjugal, et dans tous ses plaisirs et toutes ses félicités ; mais celui qui n’écoute pas et ne suit pas s’introduit lui-même dans l’amour scortatoire, et d’abord dans ses plaisirs, ensuite dans ses déplaisirs, et enfin dans ses infélicités. » Après que j’eus parlé ainsi, ces deux Anges firent cette question : « Comment le mal a-t-il pu exister, puisque par création il n’a existé que le bien ? Pour qu’une chose existe, il faut qu’elle ait une origine ; le bien n’a pu être l’origine du mal, parce que le mal n’est rien du bien, car il est le privatif et le destructif du bien ; toutefois, cependant, puisqu’il existe et est senti, ce n’est pas rien, mais c’est quelque chose ; dis-nous donc d’où ce quelque chose a existé après rien. » À cela je répondis : « Cet Arcane ne peut être ouvert, à moins qu’on ne sache que nul n’est bon que Dieu Seul, et qu’il n’y a aucun bien qui en lui-même soit le bien, si ce n’est d’après Dieu ; c’est pourquoi, celui qui porte ses regards vers Dieu, et veut être conduit par Dieu, est dans le bien ; mais celui qui se détourne de Dieu, et veut être conduit par soi-même, n’est pas dans le bien, car le bien qu’il fait est, ou pour lui-même, ou pour le monde, par conséquent ou méritoire, ou simulé, ou hypocrite ; de là il est évident que l’homme lui-même est l’origine du mal, non pas que cette origine ait été implantée dans l’homme par création, mais lui-même se l’est implantée en se détournant de Dieu pour se tourner vers soi. Cette origine du mal n’a été ni dans Adam ni dans son épouse ; mais quand le serpent a dit au jour que vous mangerez de l’arbre de la science du bien et du mal, vous serez comme Dieu, – Gen. III, 5, – et qu’alors ils se détournèrent de Dieu et se tournèrent vers eux-mêmes comme vers un dieu, ils firent en eux l’origine du mal ; manger de cet arbre signifiait croire qu’on sait le bien et le mal et qu’on est sage par soi-même, et non d’après Dieu. » Mais alors les deux Anges dirent : « Comment l’homme a-t-il pu se détourner de Dieu, et se tourner vers lui-même, lorsque cependant l’homme ne peut rien vouloir, rien penser, ni par suite rien faire que d’après Dieu ? Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? » Mais je répondis : « L’homme a été créé de manière que tout ce qu’il veut, pense et fait, lui apparaisse comme en lui, et ainsi comme venant de lui ; l’homme, sans cette apparence, ne serait pas homme, car il ne pourrait recevoir, retenir, ni pour ainsi dire s’approprier, aucune chose du bien et du vrai, ou de l’amour et de la sagesse, d’où il suit que, sans cette apparence comme vive, il n’y aurait pas pour l’homme de conjonction avec Dieu, ni par conséquent de vie éternelle : mais si d’après cette apparence il introduit en lui la croyance qu’il veut, qu’il pense, et que par suite il fait le bien par lui-même, et non d’après le Seigneur, quoique ce soit en toute apparence comme par lui-même, il change chez lui le bien en mal, et ainsi il fait en lui l’origine du mal : ce fut là le péché d’Adam. Mais je vais exposer ce sujet un peu plus clairement : Le Seigneur regarde chaque homme au front, et ce regard passe dans l’occiput ; sous le front est le Cerveau, et sous l’occiput le Cervelet, celui-ci a été destiné à l’amour et aux biens de l’amour, et celui-là a été destiné à la sagesse et aux vrais de la sagesse ; c’est pourquoi celui qui de face regarde le Seigneur reçoit de Lui la sagesse, et par elle l’amour ; mais celui qui regarde en arrière du Seigneur reçoit l’amour et non la sagesse, et l’amour sans la sagesse est l’amour qui vient de l’homme et non du Seigneur ; et cet amour, parce qu’il se conjoint avec les faux, ne reconnaît pas Dieu, mais se reconnaît pour dieu, et il confirme cela facilement par la faculté de comprendre et de devenir sage comme par lui-même implantée en lui par création ; c’est pourquoi cet amour est l’origine du mal. Qu’il en soit ainsi, c’est ce qui peut être démontré à l’œil : Je vais appeler ici quelque mauvais Esprit, qui s’est détourné de Dieu, et je lui parlerai par derrière ou à l’occiput, et tu verras que les choses qui sont dites se changent en choses contraires. » Et j’appelai un mauvais Esprit ; il se présenta, et je lui parlai par derrière, en disant : « Sais-tu quelque chose concernant l’Enfer, la damnation et les tourments infernaux ? » Et aussitôt, quand il se fut tourné vers moi, je lui demandai ce qu’il avait entendu ; il répondit : « J’ai entendu ces mots : Sais-tu quelque chose concernant le Ciel, la Salvation et la Félicité céleste. » Et ensuite, quand cette phrase-ci lui eut été dite par derrière, il dit qu’il avait entendu la phrase précédente. Puis, ces paroles lui furent dites par derrière : « No sais-tu pas que ceux qui sont dans l’Enfer sont fous d’après les faux ? » Et questionné par moi sur ce qu’il avait entendu, il dit : « J’ai entendu : Ne sais-tu pas que ceux qui sont dans le Ciel sont sages d’après les vrais ? » Et quand ces paroles-ci lui eurent été dites, il dit qu’il avait entendu : « Ne sais-tu pas que ceux qui sont dans l’Enfer sont fous d’après les faux ? » Et ainsi du reste. D’après ces expériences il est bien évident que, quand le mental se détourne du Seigneur, il se tourne vers lui-même, et qu’alors il perçoit les contraires. « C’est là, comme vous le savez, la raison pour laquelle dans ce Monde spirituel il n’est permis à qui que ce soit de se tenir derrière un autre, et de lui parler ; car de cette manière il lui est inspiré un Amour auquel, à cause de son plaisir, la propre intelligence est favorable et obéit ; mais comme cet amour vient de l’homme et non de Dieu, c’est l’amour du mal ou l’amour du faux. Outre cela je vous rapporterai quelque chose de semblable, à savoir que parfois j’ai entendu des biens et des vrais tomber du Ciel dans l’Enfer, et que dans la descente ils avaient été progressivement changés en opposés, le bien en mal et le vrai en faux ; la raison de ce changement est la même, c’est parce que tous ceux qui sont dans l’Enfer se détournent du Seigneur. » Après avoir entendu ces choses, ces deux Anges me remercièrent, et dirent : « Puisque maintenant tu médites et écris sur un amour opposé à notre Amour conjugal, et que ce qui est opposé à cet amour attriste nos mentals, nous nous en irons. » Et quand ils m’eurent dit : « Paix à toi », je les priai de ne point parler de cet Amour à leurs frères et à leurs sœurs dans le Ciel, parce qu’il blesserait leur Innocence. Que ceux qui meurent Enfants grandissent dans le Ciel, et que, quand ils ont atteint la stature dans laquelle sont les jeunes gens de dix-huit ans et les jeunes filles de quinze ans dans notre Monde, ils restent dans cette stature, et qu’alors il soit pourvu par le Seigneur à des mariages pour eux ; puis aussi, que tant avant qu’après le mariage ils ignorent complètement ce que c’est que la scortation, et qu’elle peut exister, c’est ce que je puis positivement affirmer.

 

 

 

DE LA FORNICATION.

 

 

444 (bis). Par Fornication il est entendu l’acte libidineux d’un adolescent ou d’un jeune homme avec une femme prostituée, avant le mariage ; mais l’acte libidineux avec une femme non prostituée, c’est-à-dire, avec une vierge ou avec l’épouse d’autrui, n’est point une fornication ; avec une vierge, c’est un acte de corruption (stuprum) ; avec l’épouse d’autrui, c’est un adultère. Comment ces deux actes diffèrent de la fornication, nul homme rationnel ne peut le voir, à moins qu’il n’examine avec perspicacité l’amour du Sexe dans ses degrés et dans ses diversités, et d’une part les choses chastes de cet amour, et de l’autre ses choses inchastes, et qu’il ne divise l’une et l’autre part en genres et en espèces, et ainsi ne les distingue ; autrement, dans l’idée de chacun il ne peut y avoir de différence entre le plus et le moins chaste, ni entre le plus et le moins inchaste, et sans ces distinctions toute relation périt, et avec elle la perspicacité dans les choses de jugement, et l’entendement est enveloppé d’une telle ombre, qu’il ne sait pas distinguer la Fornication d’avec l’Adultère, ni à plus forte raison les espèces légères de Fornication d’avec celles qui sont graves ; pareillement pour l’Adultère ; ainsi il mêle les maux, et de divers maux il fait une seule sauce, et de divers biens une seule pâte. Afin donc que l’Amour du sexe soit distinctement connu, quant à cette partie par laquelle il incline et s’avance vers l’amour scortatoire entièrement opposé à l’amour conjugal, il convient d’en examiner le commencement, qui est la Fornication, ce qui sera fait dans cette série : I. La Fornication appartient à l’amour du sexe. II. Cet amour prend naissance quand un jeune homme commence à penser et à agir d’après son propre entendement, et que le son de sa voix commence à devenir mâle. III. La Fornication appartient à l’homme naturel. IV. La Fornication est un désir libidineux (libido), mais non le désir libidineux de l’adultère. V. Chez quelques-uns l’amour du sexe ne peut pas sans dommages être totalement empêché de se produire en fornication. VI. C’est pour cela que dans les cités populeuses des lieux de prostitution sont tolérés. VII. Le désir libidineux de forniquer est léger, en tant qu’il a une tendance à l’amour conjugal, et qu’il préfère cet amour. VIII. Le désir libidineux de forniquer est grave, en tant qu’il a une tendance à l’adultère. IX. Le désir libidineux de forniquer est plus grave, selon qu’il se tourne vers le désir ardent des variétés, et vers le désir ardent de la défloration. X. La sphère du désir libidineux de forniquer, telle qu’elle est dans le commencement, tient le milieu entre la sphère de l’amour scortatoire et la sphère de l’amour conjugal, et fait équilibre. XI. Il faut veiller avec soin à ce que l’amour conjugal ne se perde pas par des fornications désordonnées et immodérées. XII. Puisque le Conjugal d’un mari avec une épouse est le Trésor de la vie humaine, et le Réservoir de la religion chrétienne. XIII. Chez ceux qui, pour diverses causes, ne peuvent pas encore contracter mariage, et qui pour cause de lubricité (de tempérament) ne peuvent modérer les désirs libidineux, ce conjugal peut être conservé, si l’amour vague du sexe est restreint à une seule maîtresse. XIV. Le Pellicat (commerce avec une maîtresse) est préférable à un vague désir libidineux, pourvu qu’il ne soit pas formé avec plusieurs, ni avec une vierge ou fille intacte, ni avec une femme mariée, et qu’il soit tenu séparé de l’amour conjugal. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

445. I. La Fornication appartient à l’amour du sexe. Il est dit que la fornication appartient à l’amour du sexe, parce que la fornication n’est pas l’amour du sexe, mais vient de cet amour ; l’amour du sexe est comme une source d’où peuvent être dérivés et l’amour conjugal et l’amour scortatoire, et ces amours peuvent être dérivés par la fornication, et ils peuvent l’être sans elle ; car l’amour du sexe est dans chaque homme, et ou il se produit, ou il ne se produit pas ; s’il se produit avec une prostituée avant le mariage, il est appelé fornication ; s’il ne se produit pas avant que ce soit avec l’épouse, il est appelé mariage ; si c’est avec une autre femme après le mariage il est appelé adultère ; c’est pourquoi, ainsi qu’il a été dit, l’amour du sexe est comme une source d’où il peut découler tant l’amour chaste que l’amour inchaste ; mais avec quelle précaution et quelle prudence l’amour chaste conjugal peut procéder par la fornication, et d’après quelle imprudence procède par la fornication l’amour inchaste ou scortatoire, cela sera exposé dans ce qui suit. Qui est-ce qui peut conclure que celui qui a forniqué n’est plus capable d’être chaste dans le mariage ?

446. II. L’Amour du sexe, d’où vient la fornication, prend naissance quand un jeune homme commence à penser et à agir d’après son propre entendement, et que le son de sa voix commence à devenir mâle. Ceci est ajouté afin que l’on connaisse l’origine de l’amour du sexe, et par suite l’origine de la fornication, à savoir, que cette origine a lieu quand l’entendement commence à devenir de lui-même rationnel, ou à discerner et à prévoir d’après la propre raison les choses qui sont avantageuses et utiles ; à cela alors sert de plan ce qui dans la mémoire vient des parents et des maîtres : il se fait à cette époque un renversement dans le mental ; il ne pensait auparavant que d’après les choses introduites dans la mémoire, les méditant et y obéissant ; depuis, il pense sur elles d’après la raison : et alors, sous la direction de l’amour, il dispose dans un nouvel ordre les choses placées dans la mémoire, et il commence une propre vie d’une manière convenable à cet ordre, et successivement de plus en plus il pense selon sa raison et veut d’après son libre. Que l’amour du sexe suive l’initiation du propre entendement, et progresse selon sa vigueur, cela est notoire ; c’est une preuve que cet amour monte selon que l’entendement monte, et qu’il descend selon que l’entendement descend ; par monter il est entendu monter dans la sagesse, et par descendre il est entendu descendre dans la folie ; et la sagesse consiste à restreindre l’amour du sexe, et la folie à le laisser s’étendre ; s’il se produit dans la fornication, qui est le commencement de son activité, il doit être modéré par les principes d’honnêteté et de moralité qui ont été implantés dans la mémoire et de là dans la raison, et qui sont à implanter plus tard dans la raison et de là dans la mémoire. Si en même temps que commence le propre entendement, la voix aussi commence à devenir mâle, c’est parce que l’entendement pense, et qu’il parle par la pensée, ce qui prouve que l’entendement fait l’homme (vir), et en fait aussi le principe mâle ; que, par conséquent, de même que son entendement est élevé, de même il devient homme-homme (homo vir), et aussi homme mâle (masculus vir) ; voir ci-dessus, Nos 432, 433.

447. III. La fornication appartient à l’homme naturel, de la même manière que l’amour du sexe, qui, s’il devient actif avant le mariage, est appelé fornication. Tout homme naît corporel, devient sensuel, ensuite naturel, et successivement rationnel, et si alors il ne s’arrête pas, il devient spirituel ; s’il s’avance ainsi, c’est afin que soient formés les Plans sur lesquels s’appuient les supérieurs, comme un palais sur ses fondations ; le dernier plan, avec les plans dressés dessus, peut être comparé aussi à un humus dans lequel, quand il a été préparé, sont jetées de nobles semences. Quant à ce qui concerne spécialement l’Amour du sexe, il est aussi, lui, d’abord corporel, car il commence par la chair, ensuite il devient sensuel, car les cinq sens trouvent leurs délices dans son principe commun, puis il devient naturel, semblable au même amour chez les animaux, parce que c’est l’amour vague du sexe ; mais comme l’homme est né pour devenir spirituel, cet amour ensuite devient naturel-rationnel, et de naturel-rationnel il devient spirituel, et enfin spirituel-naturel, et alors cet amour devenu spirituel influe et agit dans l’amour rationnel, et par lui dans l’amour sensuel, et par celui-ci enfin dans cet amour qui est dans le corps et dans la chair ; et comme celle-ci est son dernier plan, il y agit spirituellement, et en même temps rationnellement et sensuellement ; et il influe et agit ainsi successivement lorsque l’homme est en méditation à son égard, mais simultanément lorsqu’il est dans son dernier. Si la fornication appartient à l’homme naturel, c’est parce qu’elle procède très-prochainement de l’amour naturel du sexe ; et elle peut être naturelle-rationnelle, mais non spirituelle ; parce que l’amour du sexe ne peut devenir spirituel avant de devenir conjugal ; et l’amour du sexe, de naturel qu’il était, devient spirituel, lorsque l’homme se retire d’un vague désir libidineux, et s’attache à une seule épouse, à l’âme de laquelle il unit son âme.

448. IV. La fornication est un désir libidineux (libido), mais non le désir libidineux de l’adultère. Que la fornication soit un désir libidineux, en voici les raisons : 1o Parce qu’elle vient de l’homme naturel, et que dans tout ce qui vient de lui il y a convoitise et désir libidineux, car l’homme naturel n’est absolument que le domicile et le réceptacle des convoitises et des désirs libidineux, car tous les penchants vicieux hérités des parents y résident. 2o Parce que le fornicateur porte vaguement et indistinctement ses regards vers le sexe, et non encore vers une seule personne du sexe, et tant qu’il est dans cet état, le désir libidineux l’excite à faire ce qu’il fait ; mais à mesure qu’il porte ses regards sur une seule, et qu’il aime à conjoindre sa vie avec la vie de celle-là, la convoitise devient une affection chaste, et le désir libidineux devient un amour humain.

449. Que le désir libidineux de la fornication ne soit pas le désir libidineux de l’adultère, chacun le voit clairement d’après la commune perception ; quelle est la loi, et quel est le juge, qui impute au fornicateur un semblable crime qu’à l’adultère ? Si cela est vu d’après la commune perception, c’est parce que la fornication n’est point opposée à l’amour conjugal, comme l’est l’adultère : l’amour conjugal peut-être intérieurement enfermé dans la fornication, de même que le spirituel peut l’être dans le naturel ; bien plus, le spirituel est aussi en actualité dégagé du naturel, et quand il a été dégagé, alors le naturel l’entoure, comme le liber entoure le bois, et comme le fourreau entoure l’épée, et il sert aussi au spirituel de défense contre les violences. D’après ces considérations, il est évident que l’amour naturel, qui est l’amour pour le sexe, précède l’amour spirituel qui est l’amour pour une seule du sexe ; or, si la fornication se produit d’après l’amour naturel du sexe, elle peut même être effacée, pourvu que l’amour conjugal soit regardé, désiré et cherché comme principal bien. Il en est tout autrement de l’amour libidineux et obscène de l’adultère, qui est opposé à l’amour conjugal et qui en est le destructeur, ainsi qu’il a été montré dans le Chapitre précédent sur l’opposition de l’amour scortatoire et de l’amour conjugal ; c’est pourquoi, si un adultère de propos déterminé ou par confirmation entre pour diverses causes dans le lit conjugal, l’inverse a lieu ; le naturel, avec ses lascivetés et ses obscénités, est caché intérieurement, et l’apparence spirituelle le voile extérieurement ; d’après cela, la raison peut voir que le désir libidineux d’une fornication limitée est, par rapport au désir libidineux de l’adultère, comme est la première chaleur relativement au froid du milieu de l’hiver dans les contrées du nord.

450. V. Chez quelques-uns l’amour du sexe ne peut pas sans dommages être totalement empêché de se produire en fornication. Il est inutile d’énumérer les dommages qu’une trop grande retenue de l’amour du sexe peut causer et opérer chez ceux qui par surabondance sont tourmentés d’effervescence ; de là chez eux l’origine de certaines maladies du corps, et de certains désordres du mental, sans parler de maux inconnus qui ne doivent pas être nommés ; il en est autrement chez ceux pour qui l’amour du sexe est si faible, qu’ils peuvent résister aux efforts de son désir libidineux ; pareillement chez ceux à qui dans leur jeunesse, sans préjudice pour leur fortune mondaine, ainsi sous les premiers auspices favorables, il est permis de contracter un légitime mariage. Comme c’est là ce qui arrive dans le ciel aux enfants, quand ils sont parvenus à l’âge conjugal, c’est pour cela que là on ignore ce que c’est que la fornication ; mais il n’en est pas de même sur la terre, où les mariages ne peuvent être contractés que lorsque le temps de la jeunesse est passé, ce qui a lieu pour plusieurs dans les gouvernements où il faut du temps pour mériter les emplois, et acquérir les facultés nécessaires pour soutenir une maison et une famille, et alors seulement rechercher en mariage une épouse qui puisse convenir.

451. VI. C’est pour cela que dans les cités populeuses des lieux de prostitution sont tolérés. Ceci est rapporté comme confirmation de l’Article précédent : qu’ils soient tolérés par les Rois, les Magistrats, et par suite par les juges, les inquisiteurs et par le peuple, à Londres, à Amsterdam, à Paris, à Vienne, à Venise, à Naples, et aussi à Rome, et en outre dans beaucoup d’autres endroits, cela est notoire ; parmi les causes pour lesquelles on les tolère sont aussi celles mentionnées ci-dessus.

452. VII. Le désir libidineux de forniquer est léger, en tant qu’il a une tendance à l’amour conjugal et qu’il préfère cet amour. Il y a des degrés de qualités du mal, de même qu’il y a des degrés de qualités du bien ; c’est pourquoi chaque mal est plus léger et plus grave, de même que chaque bien est meilleur et plus excellent : il en est de même de la fornication, qui, parce qu’elle est un désir libidineux, et qu’elle appartient à l’homme naturel non encore purifié, est un mal ; mais comme tout homme peut être purifié, c’est pour cela que ce mal devient plus léger en tant qu’il approche de l’état purifié, car il s’efface en proportion ; ainsi, en tant que la fornication approche de l’amour conjugal, qui est l’état purifié de l’amour du sexe ; que le mal de la fornication soit plus grave, en tant qu’il approche de l’amour de l’adultère, on le verra dans l’Article suivant. Si la fornication est légère en tant qu’elle a une tendance à l’amour conjugal, c’est parce qu’alors l’homme, de l’état inchaste dans lequel il est, porte ses regards vers l’état chaste ; et qu’autant il préfère celui-ci, autant il y est aussi quant à l’entendement, et qu’autant non-seulement il le préfère, mais encore il l’aime de prédilection, autant il y est aussi quant à la volonté, ainsi quant à l’homme interne ; et alors la fornication, si néanmoins il y persiste, est pour lui une nécessité, dont il examine bien chez lui les causes. Il y a deux raisons qui font que la fornication, chez ceux qui préfèrent et aiment de prédilection l’état conjugal, est légère ; la première, c’est que pour eux la vie conjugale est le dessein, l’intention ou la fin ; la seconde, c’est que chez eux ils séparent le mal d’avec le bien. Quant au PREMIER POINT, que pour eux la vie conjugale est le dessein, l’intention ou la fin : C’est parce que l’homme est homme tel qu’il l’est dans son dessein, son intention ou sa fin, et tel il est aussi devant le Seigneur et devant les anges, et même tel il est considéré par les sages dans le monde ; car l’intention est l’âme de toutes les actions, et fait dans le monde les inculpations et les excuses, et après la mort les imputations. Quant au SECOND POINT, que ceux qui préfèrent l’amour conjugal au désir libidineux de la fornication séparent le mal d’avec le bien : C’est parce qu’ainsi ils séparent l’inchaste d’avec le chaste ; et ceux qui les séparent par la perception et par l’intention, avant d’être dans le bien ou le chaste, sont aussi séparés et purifiés du mal de ce désir libidineux, lorsqu’ils viennent dans l’état conjugal. Qu’il n’en soit pas de même pour ceux qui, dans la fornication, ont une tendance à l’adultère, on va le voir dans l’Article suivant.

453. VIII. Le désir libidineux de forniquer est grave, en tant qu’il y a une tendance à l’adultère. Tous ceux qui ne croient pas que les adultères sont des péchés, et qui pensent à l’égard des mariages les mêmes choses qu’à l’égard des adultères, avec la seule différence du licite et de l’illicite, ont une tendance à l’adultère dans le désir libidineux de la fornication ; ceux-ci aussi font de tous les maux un seul mal, et ils les mêlent ensemble, comme des ordures avec le manger dans un même plat, et comme de la lie avec le vin dans une même coupe, et ils mangent et boivent ainsi ; ils en agissent de même avec l’amour du sexe, avec la fornication, avec le pellicat, avec l’adultère moins grave, grave, et plus grave, et même avec l’action de déshonorer une jeune fille ou la défloration ; qu’on ajoute à cela que, non-seulement ils mêlent ensemble toutes ces choses, mais qu’ils les mêlent aussi avec les mariages, et souillent ceux-ci par une semblable notion ; mais à ceux-là, qui ne font pas même de différence entre ces choses et les mariages, après des habitudes vagues avec le sexe il survient des froideurs, des répugnances et des dégoûts, d’abord pour le conjoint, ensuite pour les autres, et enfin pour le sexe. Il est bien évident que chez eux il n’y a pas de dessein, ni d’intention ou fin du bien ou du chaste, pour qu’ils soient excusés, ni de séparation du mal d’avec le bien, ou de l’inchaste d’avec le chaste, pour qu’ils soient purifiés, comme il y en a chez ceux qui ont, par la fornication, une tendance à l’amour conjugal et le préfèrent, et dont il a été parlé dans l’Article précédent, No 452. Il m’est permis de confirmer ce qui précède par cette nouvelle information du Ciel : J’ai rencontré plusieurs esprits qui, dans le Monde, avaient vécu dans les externes de même que d’autres, en s’habillant avec luxe, se nourrissant avec recherche, trafiquant comme d’autres avec profit, fréquentant les spectacles, plaisantant sur des sujets amoureux comme d’après un désir libidineux, et faisant plusieurs autres actions semblables, et cependant les Anges considéraient chez les uns ces actions comme maux de péché, et chez les autres ils ne les considéraient pas comme des maux, et déclaraient ceux-ci innocents, et ceux-là coupables ; interrogés pourquoi ils décidaient ainsi puisque les actions étaient pareilles, ils répondaient qu’ils les examinent tous d’après le dessein, l’intention ou la fin, et par là les distinguent ; et que c’est pour cela qu’eux-mêmes excusent ou condamnent ceux que la fin excuse ou condamne, parce que la fin du bien est chez tous dans le Ciel, et la fin du mal chez tous dans l’Enfer ; et que c’est cela, et non autre chose, qui est entendu par les paroles du Seigneur : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point condamnés. » – Matth. VII. 1.

454. IX. Le désir libidineux de forniquer est plus grave, selon qu’il se tourne vers le désir ardent des variétés, et vers le désir ardent de la défloration. La raison de cela, c’est que ces deux désirs ardents sont des accessoires de l’adultère ; ainsi ils le rendent plus grave ; en effet, il y a des adultères peu graves, des adultères graves, et des adultères plus graves, et chacun de ces adultères est considéré selon l’opposition à l’amour conjugal, et par suite selon la destruction de cet amour ; que le désir ardent des variétés et le désir ardent de la défloration, renforcés par des actualités, ravagent l’amour conjugal, et le plongent comme au fond de la mer, on le verra quand il sera traité de ces deux sujets.

455. X. La sphère du désir libidineux de forniquer, telle qu’elle est dans le commencement, tient le milieu entre la sphère de l’amour scortatoire et la sphère de l’amour conjugal, et fait équilibre. Dans le Chapitre précédent, il a été traité de ces deux sphères, celle de l’Amour scortatoire et celle de l’Amour conjugal, et il a été montré que la sphère de l’amour scortatoire monte de l’Enfer, et que la sphère de l’amour conjugal descend du Ciel, No 435 ; que ces deux sphères se rencontrent l’une l’autre dans l’un et dans l’autre Monde, mais ne se conjoignent point, No 436 ; qu’entre ces deux sphères il y a un équilibre, et que l’homme est dans cet équilibre, No 437 ; que l’homme peut se tourner vers la sphère qui lui plaît, mais qu’autant il se tourne vers l’une, autant il se détourne de l’autre, No 438 ; puis, ce qui est entendu par sphères, No 434, et d’après les passages qui y sont cités. Si la sphère du désir libidineux de forniquer tient le milieu entre ces deux sphères, et fait équilibre, c’est parce que, lorsqu’on est dans cette sphère, on peut se tourner vers la sphère de l’amour conjugal, c’est-à-dire, vers cet amour, et aussi vers la sphère de l’amour de l’adultère, c’est-à dire, vers l’amour de l’adultère ; mais si c’est vers l’amour conjugal, on se tourne vers le Ciel, et si c’est vers l’amour de l’adultère, on se tourne vers l’Enfer ; l’un et l’autre est à l’arbitre, au gré et à la volonté de l’homme, afin qu’il puisse agir librement selon la raison, et non par instinct ; par conséquent, afin qu’il soit un homme et s’approprie l’influx, et non une bête qui ne s’en approprie rien. Il est dit, le désir libidineux de la fornication tel qu’il est dans le commencement, parce qu’alors il est dans un état qui tient le milieu : qui est-ce qui ne sait que tout ce que l’homme fait dans le commencement vient d’une convoitise, parce que cela vient de l’homme naturel ? et qui est-ce qui ne sait que cette convoitise n’est point imputée, quand de naturelle elle devient spirituelle ? Il en est de même du désir libidineux de la fornication, quand l’amour de l’homme devient conjugal.

456. XI. Il faut veiller avec soin à ce que l’amour conjugal ne se perde pas par des fornications immodérées et désordonnées. Par les fornications immodérées et désordonnées, par lesquelles se perd l’amour conjugal, il est entendu des fornications par lesquelles non-seulement sont énervées les forces, mais aussi sont enlevées toutes les délicatesses de l’amour conjugal ; car de leur licence effrénée naissent non-seulement les débilités et par suite le manque de puissance, mais aussi les impuretés et les impudicités, d’après lesquelles l’amour conjugal ne peut être ni perçu ni senti dans sa pureté et dans sa chasteté, ni par conséquent dans sa douceur et dans les délices de sa fleur ; sans parler des dommages pour le corps et pour le mental, et des amorces illicites qui non-seulement dépouillent l’amour conjugal de ses plaisirs délicieux, mais aussi l’enlèvent et le changent en froideur, et ainsi en dégoût : de telles fornications sont de violents excès par lesquels les jeux conjugaux sont tournés en scènes tragiques : en effet, les fornications immodérées et désordonnées sont comme des incendies, qui s’élèvent des extrêmes, et brûlent le corps, torréfient les fibres, corrompent le sang, et vicient les rationnels du mental ; car elles s’élancent comme un feu qui sort des fondements d’une maison et la consume tout entière. Les parents doivent pourvoir à ce que cela n’arrive point, parce qu’un jeune homme poussé par le désir libidineux ne peut pas encore par sa raison s’imposer à lui-même un frein.

457. XII. Puisque le conjugal d’un mari avec une épouse est le Trésor de la vie humaine, et le Réservoir de la religion chrétienne. Ce sont là deux choses qui ont été démontrées universellement et singulièrement, dans toute la Partie précédente sur l’Amour conjugal et sur les Délices de sa sagesse. Que ce soit le Trésor de la vie humaine, c’est parce que la vie de l’homme est telle qu’est chez lui cet amour, car il fait l’intime de sa vie ; en effet, il est la vie de la sagesse cohabitant avec son amour, et de l’amour cohabitant avec sa sagesse, et par suite il est la vie des délices de l’un et de l’autre ; en un mot, l’homme est une âme vivante par cet amour ; de là vient que le conjugal d’un mari avec une épouse est appelé le Trésor de la vie humaine. Ceci est confirmé par les propositions ci-dessus, qu’avec une seule épouse il y a amitié vraiment conjugale, confiance, puissance, parce qu’il y a union des mentals, Nos 333, 334 ; que dans ce conjugal et d’après ce conjugal il y a les béatitudes célestes, les bonheurs spirituels, et par suite les plaisirs naturels auxquels il a été pourvu dès le commencement pour ceux qui sont dans l’amour vraiment conjugal, No 335 ; que cet amour est l’amour fondamental de tous les amours célestes et spirituels, et par conséquent de tous les amours naturels, et qu’en lui ont été rassemblées toutes les joies, et toutes les allégresses, depuis les premières jusqu’aux dernières, Nos 65 à 69 ; et que, considéré dans son origine, il soit le jeu de la sagesse et de l’amour, c’est ce qui a été pleinement démontré dans LES DÉLICES DE LA SAGESSE SUR L’AMOUR CONJUGAL, qui forment la Première Partie de cet Ouvrage.

458. Que cet Amour soit le Réservoir de la religion chrétienne, c’est parce que cette religion fait un et cohabite avec cet amour ; en effet, il a été montré que dans cet amour ne viennent et ne peuvent être que ceux qui s’adressent au Seigneur, et qui aiment les vrais de son Église et en pratiquent les biens, Nos 70, 71 ; que cet amour vient du Seigneur seul, et par conséquent il existe chez ceux qui sont de la Religion Chrétienne, Nos 131, 335, 336 ; que cet amour est selon l’état de l’Église, parce qu’il est selon l’état de la sagesse chez l’homme, No 130. Que ces choses soient ainsi, cela a été confirmé dans tout le Chapitre sur la Correspondance de cet amour avec le Mariage du Seigneur et de l’Église, Nos 116 à 131 ; et dans le Chapitre sur l’Origine de cet amour d’après le Mariage du bien et du vrai, Nos 83 à 102.

459. XIII. Chez ceux qui, pour diverses causes, ne peuvent pas encore contracter mariage, et qui pour cause de lubricité (de tempérament) ne peuvent modérer les désirs libidineux, ce conjugal peut être conservé, si l’amour vague du sexe est restreint à une seule maîtresse. Que le désir libidineux immodéré et désordonné ne puisse être retenu par ceux qui sont lubriques, la raison le voit, et l’expérience l’enseigne ; afin donc que ce désir immodéré et désordonné soit réfréné chez ceux qui sont tourmentés d’effervescence, et qui pour plusieurs causes ne peuvent précipiter et avancer leur mariage, et afin qu’il soit ramené à une certaine modération et dans un certain ordre, il ne se présente d’autre refuge, et pour ainsi dire d’autre asile, que l’attachement pour une femme, qui en français est appelée maîtresse. Que dans les royaumes, où les formes du gouvernement sont multipliées, beaucoup de jeunes gens ne puissent contracter mariage que quand leur jeunesse est passée, parce qu’il faut d’abord mériter des emplois et acquérir des facultés pour soutenir une maison et une famille, et alors seulement rechercher une épouse qui soit convenable, c’est une chose connue ; et cependant, dans l’âge qui précède, la source de vertu virile ne peut que chez un bien petit nombre être tenue fermée et réservée pour l’épouse ; il importe, il est vrai, qu’elle soit réservée ; mais si, à cause de la violence effrénée de désir libidineux, elle ne peut l’être, on demande un moyen terme, afin de pouvoir pendant ce temps-là empêcher que l’amour conjugal ne périsse. Que ce soit le Pellicat (commerce avec une maîtresse), les considérations suivantes le persuadent : I. Par le Pellicat les fornications indistinctement désordonnées sont réfrénées et limitées, et ainsi s’introduit un état plus contraint, qui est moins éloigné de la vie conjugale. II. L’ardeur vénérienne, dans le commencement bouillonnante et comme brûlante, est apaisée et adoucie, et ainsi le lascif de lubricité de tempérament, qui est hideux, est modéré par quelque chose qui est comme l’analogue du mariage. III. Par le Pellicat les forces ne sont point prodiguées, et il n’est point contracté d’affaiblissements, comme par les satyriasis vagues et illimitées. IV. Par lui, aussi, les maladies contagieuses du corps et les frénésies du mental sont évitées. V. Par lui, pareillement, on se garde des adultères qui sont le commerce charnel avec les épouses, et des corruptions qui sont les viols des filles ; sans parler des actes criminels qu’on ne doit pas nommer : en effet, un jeune garçon, lorsqu’il est dans l’âge de puberté, ne pense pas que les adultères et les actes de corruption soient autre chose que des fornications, par conséquent il pense que l’un est la même chose que l’autre ; il ne sait pas non plus résister par sa raison aux agaceries de certaines personnes du sexe, qui ont étudié avec soin les artifices des courtisanes ; mais dans le pellicat, qui est une fornication moins désordonnée et moins nuisible à la santé, il peut apprendre et voir les différences. VI. Par le pellicat il n’y a pas non plus accès aux quatre genres de désirs libidineux qui sont au suprême degré destructifs de l’amour conjugal, lesquels sont le désir libidineux de la défloration, le désir libidineux des variétés, le désir libidineux du viol, le désir libidineux de séduire les innocences, désirs dont il sera parlé dans la suite. Mais ce qui vient d’être dit n’est point pour ceux qui peuvent modérer l’ardeur du désir libidineux ; ni pour ceux qui, dès qu’ils ont atteint la jeunesse, peuvent contracter mariage, et offrir à leur épouse et employer avec elle les prémices de leur force.

460. XIV. Le Pellicat est préférable à un vague désir libidineux, pourvu qu’il ne soit pas formé avec plusieurs maîtresses ni avec une vierge ou fille intacte, ni avec une femme mariée, et qu’il soit tenu séparé de l’amour conjugal. Quand et chez qui le Pellicat est préférable à un vague désir libidineux, c’est ce qui vient d’être montré au doigt. I. Que le Pellicat ne doive avoir lieu qu’avec une seule personne, c’est parce qu’avec plusieurs il y a une polygamie qui met l’homme dans l’état entièrement naturel, et le précipite dans l’état sensuel, au point qu’il ne peut pas être élevé dans l’état spirituel, où doit être l’amour conjugal ; voir Nos 338, 339. II. Qu’il ne doive pas avoir lieu avec une vierge ou fille intacte, c’est parce que l’amour conjugal chez les femmes fait un avec leur virginité ; de là vient la chasteté, la pureté, et la sainteté de cet amour ; c’est pourquoi promettre et livrer à un homme cette virginité, c’est donner un certificat qu’on l’aimera éternellement ; une jeune fille ne peut donc l’accorder par aucun consentement rationnel, à moins que ce ne soit avec promesse d’alliance conjugale ; cette virginité est aussi la couronne de son honneur ; c’est pourquoi ravir cette virginité sans l’alliance du mariage, et ensuite abandonner cette jeune fille, c’est, d’une jeune fille qui peut devenir une fiancée et une chaste épouse, faire une prostituée, ou priver un autre homme de ses droits ; et l’un et l’autre est pernicieux : c’est pourquoi celui qui prend une jeune fille pour maîtresse peut, il est vrai, cohabiter avec elle, et ainsi l’initier dans l’amitié de l’amour, mais cependant avec l’intention constante qu’elle soit ou devienne son épouse, si elle ne se livre pas à d’autres. III. Que le Pellicat ne doive pas avoir lieu avec une femme mariée, parce que c’est un adultère, cela est évident. IV. Que l’amour du pellicat doive être tenu séparé de l’amour conjugal, c’est parce que ces amours sont distincts, et ne doivent pas par conséquent être mêlés ensemble ; en effet, l’amour du pellicat est un amour inchaste, naturel et externe ; mais l’amour du mariage est chaste, spirituel et interne : l’amour du pellicat distingue les âmes des deux, et conjoint seulement les sensuels du corps ; mais l’amour du mariage unit les âmes, et aussi d’après l’union des âmes les sensuels du corps, au point que de deux ils deviennent comme un, c’est-à-dire, une seule chair. V. L’amour du pellicat entre seulement dans l’entendement, et dans les choses qui dépendent de l’entendement ; mais l’amour du mariage entre aussi dans la volonté et dans les choses qui dépendent de la volonté, par conséquent dans toutes et dans chacune des choses de l’homme ; c’est pourquoi si l’amour du pellicat devient l’amour du mariage, l’homme ne peut, par aucun droit, se retirer sans violation de l’union conjugale ; et s’il se retire et prend une autre femme, l’amour conjugal périt dans sa rupture. Il faut qu’on sache que l’amour du pellicat est tenu séparé de l’amour conjugal, par cela que l’homme ne promet pas mariage à sa maîtresse, et ne l’induit dans aucune espérance de mariage. Il vaut mieux cependant allumer d’abord le flambeau de l’amour du sexe avec une épouse.

 

 

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461. À ce qui précède sera ajouté ce MÉMORABLE. Un jour je conversais avec un Esprit novice qui, lorsqu’il était dans le Monde, avait beaucoup médité sur le Ciel et sur l’Enfer ; par Esprits novices sont entendus les hommes nouvellement décédés, qui, parce qu’ils sont alors hommes spirituels, sont appelés Esprits. Celui-ci, dès qu’il fut entré dans le Monde spirituel, commença à méditer, comme auparavant, sur le Ciel et sur l’Enfer ; et il se sentait dans l’allégresse quand c’était sur le Ciel, et dans la tristesse quand c’était sur l’Enfer. Lorsqu’il eut remarqué qu’il était dans le Monde spirituel, il demanda aussitôt où était le Ciel et où était l’Enfer, et aussi ce que c’était que le Ciel et l’Enfer, et quel était l’un et l’autre ; et on lui répondit : « Le Ciel est au-dessus de ta Tête, et l’Enfer est sous tes pieds ; car maintenant tu es dans le Monde des esprits, qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer ; mais ce que c’est que le Ciel et quel il est, et ce que c’est que l’Enfer et quel il est, nous ne pouvons te le dire en peu de mots. » Et alors, comme il brûlait du désir de connaître, il se jeta à genoux, et pria Dieu avec ferveur, afin d’être instruit ; et voici, un Ange apparut à sa droite, le releva et lui dit : « Tu as supplié afin d’être instruit sur le Ciel et sur l’Enfer ; CHERCHE ET APPRENDS CE QUE C’EST QUE LE PLAISIR, ET TU CONNAÎTRAS. » Et, après avoir ainsi parlé, l’Ange fut enlevé. Alors l’Esprit novice dit en lui-même : « Que signifient ces paroles : Cherche et apprends ce que c’est que le plaisir, et tu connaîtras ce que c’est que le Ciel, et ce que c’est que l’Enfer, et quels ils sont ? » Peu après, quittant ce lieu, il alla de tous côtés ; et, s’adressant à ceux qu’il rencontrait, il leur disait : « Dites-moi, je vous prie, s’il vous plaît, ce que c’est que le Plaisir. » Et les uns disaient : « Quelle question nous fais-tu là ? Qui ignore ce que c’est que le Plaisir ? N’est-ce pas la joie et l’allégresse ? Un plaisir est donc un plaisir, l’un aussi bien que l’autre, nous ne connaissons point de différence. » D’autres disaient : « Le Plaisir est le rire du mental, car lorsque le mental rit, la face est gaie, le langage joyeux, le geste plaisant, et l’homme tout entier dans le plaisir. » Mais d’autres disaient : « Le Plaisir n’est autre chose que d’être en festin, et de manger des mets délicats, de boire et de s’enivrer avec un vin généreux, et alors de causer de choses diverses, et surtout des jeux de Vénus et Cupidon. » Après avoir entendu ces paroles, l’Esprit novice indigné se dit en lui-même : « Ces réponses sont grossières et inciviles ; ces plaisirs ne sont ni le Ciel ni l’Enfer ; que ne puis-je trouver des sages ! » Et il quitta ces Esprits, et alla à la recherche d’Esprits sages ; et alors il fut vu par un Esprit angélique, qui lui dit : « Je perçois que tu es enflammé du désir de savoir ce qui est l’Universel du Ciel et l’Universel de l’Enfer ; et comme cela est le PLAISIR, je te conduirai sur une Colline, où s’assemblent chaque jour ceux qui scrutent les effets, ceux qui recherchent les Causes, et ceux qui examinent les Fins ; il y a trois Assemblées, et ceux qui scrutent les Effets sont appelés les Esprits des sciences, et abstractivement les Sciences ; ceux qui recherchent les Causes sont appelés les Esprits de l’intelligence, et abstractivement les Intelligences, et ceux qui examinent les Fins sont appelés les Esprits de la sagesse, et abstractivement les Sagesses ; directement au-dessus d’eux, dans le Ciel, il y a des Anges qui d’après les fins voient les causes, et d’après les causes les effets ; c’est d’après ces Anges que ces trois Assemblées ont l’illustration. » Alors, prenant l’Esprit novice par la main, il le conduisit sur la Colline, et vers l’Assemblée composée de ceux qui examinent les Fins, et sont appelés les Sagesses. L’Esprit novice leur dit : « Pardonnez-moi d’être monté vers vous ; en voici la raison : Dès ma jeunesse, j’ai médité sur le Ciel et sur l’Enfer, et je suis venu depuis peu dans ce Monde ; et quelques-uns, qui alors me furent associés, m’ont dit qu’ici le Ciel est au-dessus de ma tête, et l’Enfer sous mes pieds ; mais ils ne m’ont pas dit ce que c’est que le Ciel et l’Enfer, ni quels ils sont ; c’est pourquoi, étant devenu inquiet par suite de ma pensée constante sur ce sujet, j’ai prié Dieu ; et alors un Ange s’est présenté et m’a dit : CHERCHE ET APPRENDS CE QUE C’EST QUE LE PLAISIR, ET TU CONNAÎTRAS ; j’ai cherché, mais en vain jusqu’à présent ; je demande donc que vous m’appreniez, si cela vous plaît, ce que c’est que le Plaisir. » À cette demande les Sagesses répondirent : « Le Plaisir est le tout de la vie pour tous dans le Ciel, et le tout de la vie pour tous dans l’Enfer ; pour ceux qui sont dans le Ciel, c’est le Plaisir du bien et du vrai, mais pour ceux qui sont dans l’Enfer, c’est le Plaisir du mal et du faux ; car tout Plaisir appartient à l’amour, et l’Amour est l’Être de la vie de l’homme ; c’est pourquoi, de même que l’homme est homme selon la qualité de son Amour, de même il est homme selon la qualité de son Plaisir ; l’activité de l’amour fait le sens du plaisir ; son activité dans le Ciel est avec la sagesse, et son activité dans l’Enfer est avec la folie, l’une et l’autre fixe le Plaisir dans ses sujets ; or, les Cieux et les Enfers sont dans des Plaisirs opposés, parce qu’ils sont dans des Amours opposés, les Cieux dans l’Amour et par suite dans le Plaisir de bien faire, et les Enfers dans l’Amour et par suite dans le Plaisir de mal faire ; si donc tu connais ce que c’est que le Plaisir, tu connaîtras ce que c’est que le Ciel et l’Enfer, et quel est l’un et l’autre. Mais cherche et apprends encore ce que c’est que le Plaisir par ceux qui recherchent les Causes, et qui sont appelés les Intelligences ; ils sont ici sur la droite. » Et il se retira, et il y alla, et il dit la cause de son arrivée, et il les pria de lui apprendre ce que c’est que le plaisir ; et eux, ravis de sa question, lui dirent : « C’est une vérité que celui qui connaît le Plaisir connaît ce que c’est que le Ciel et l’Enfer, et quel est l’un et l’autre ; la volonté, d’après laquelle l’homme est homme, n’est pas même excitée un seul instant, si ce n’est par le Plaisir ; car la Volonté, considérée en elle-même, n’est autre chose que l’affection et l’effet de quelque amour, ainsi d’un plaisir, puisque ce qui fait vouloir est quelque chose qui plaît, qui est agréable et qui ravit ; et comme la Volonté pousse l’Entendement à penser, il n’existe pas la plus petite chose de l’idée d’une pensée, si ce n’est par l’influx du plaisir de la volonté ; s’il en est ainsi, c’est parce que le Seigneur met en action par Lui-même au moyen de son influx toutes les choses de l’âme, et toutes celles du mental chez les Anges, chez les Esprits, et chez les hommes ; et il les met en action par l’Influx de l’amour et de la sagesse, et cet influx est l’activité même, d’où procède tout plaisir, qui dans son origine est appelé béatitude, bonheur et félicité, et dans sa dérivation, plaisir, charme et agrément, et dans un sens universel, BIEN. Mais les Esprits de l’Enfer changent chez eux toutes choses, par conséquent aussi le Bien en Mal, et le Vrai en Faux, le Plaisir persistant continuellement ; car sans la permanence du Plaisir ils n’auraient point de Volonté, ni de Sensation, ainsi point de vie ; par là on voit clairement ce que c’est que le plaisir de l’Enfer, quel il est et d’où il vient, et ce que c’est que le Plaisir du Ciel, quel il est et d’où il vient. » Après avoir entendu ces explications, il fut conduit vers la troisième Assemblée, où étaient ceux qui scrutent les Effets, et qui sont appelés les Sciences ; ceux-ci lui dirent : « Descends sur la Terre inférieure, et monte sur la Terre supérieure, tu percevras et sentiras dans celle-ci les plaisirs des anges du Ciel, et dans celle-là les plaisirs des esprits de l’Enfer. » Mais voici qu’alors, à une certaine distance d’eux, s’ouvrit le Sol, et par l’ouverture montèrent trois diables qui paraissaient en feu d’après le plaisir de leur amour ; et comme ceux qui étaient consociés avec l’Esprit novice percevaient que ces trois diables étaient montés de l’Enfer d’après une Prévision, ils leur crièrent : « N’approchez pas plus près ; mais du lieu où vous êtes, racontez-nous quelque chose de vos Plaisirs. » Et ils répondirent : « Sachez que chacun, qu’il soit bon ou méchant, est dans son Plaisir ; le Bon, dans le plaisir de son bien ; et le Méchant, dans le plaisir de son mal. » Et on leur demanda : « Qu’est-ce que votre Plaisir ? » Ils dirent que c’était le Plaisir de commettre scortation, de se venger, de voler, de blasphémer ; et l’on demanda de nouveau : « Quels sont ces Plaisirs ? » Ils dirent : « Ils sont sentis par les autres comme des puanteurs d’excréments, et comme des infections de cadavres, et comme des odeurs d’urines croupies. » Et l’on demanda : « Ce sont donc là des choses agréables pour vous ? » Ils répondirent : « Très agréables. » Et on leur dit : « Alors vous êtes comme les bêtes immondes qui vivent dans de pareilles ordures. » Et ils répondirent : « Si nous le sommes, nous le sommes ; mais ces odeurs sont les délices de nos narines. » Et on leur demanda : « Qu’avez-vous encore à raconter ? » Ils dirent : « Il est permis à chacun de nous d’être dans son Plaisir, même le plus immonde, ainsi qu’on l’appelle, pourvu qu’il n’infeste ni les bons Esprits ni les Anges ; mais comme d’après notre plaisir nous n’avons pu faire autrement que de les infester, nous a vous été jetés dans des cachots, où nous souffrons cruellement ; être privé et retiré de nos plaisirs dans ces cachots, c’est ce qui est appelé le tourment de l’Enfer ; c’est aussi une douleur intérieure. » Alors on leur demanda : « Pourquoi avez-vous infesté les bons ? » Ils dirent : « Nous n’avons pu faire autrement ; c’est comme une fureur qui s’empare de nous, quand nous voyons un Ange, et que nous sentons la Sphère Divine autour de lui. » À cette réponse on leur dit : « Ainsi, vous êtes aussi comme des bêtes féroces. » Et peu après, quand ces diables virent l’Esprit novice avec les Anges, ils furent saisis d’une fureur qui apparut comme un feu de haine ; c’est pourquoi, de peur qu’ils ne causassent du dommage, ils furent replongés dans l’Enfer. Ensuite apparurent des Anges qui d’après les fins voyaient les causes, et par les causes les effets, et qui étaient dans le Ciel au-dessus de ces trois Assemblées, et ils furent vus dans une lumière éclatante qui, se développant par des sinuosités en spirale, porta avec elle une Guirlande de fleurs en forme ronde, et la posa sur la Tête de l’Esprit novice ; et alors de cette lumière sortit une voix qui lui dit : « Cette Couronne de Laurier t’est donnée, parce que tu as, dès la jeunesse, médité sur le Ciel et sur l’Enfer. »

 

 

 

DU CONCUBINAGE.

 

 

462. Dans le Chapitre précédent, où il a été traité de la Fornication, il a aussi été traité du Pellicat, et par ce terme il a été entendu la conjonction contractée entre un homme célibataire et une femme ; mais ici par Concubinage il est entendu la conjonction pareillement contractée entre un homme marié et une femme : ceux qui ne distinguent pas les genres se servent indistinctement de ces deux termes comme ayant la même portée, et par conséquent la même signification ; mais puisque ce sont deux genres, et que le terme de Pellicat convient au premier, parce qu’une maîtresse (pellex) est une courtisane, et le terme Concubinage au second, parce qu’une concubine est une compagne de lit par substitution, c’est pour cela que, pour cause de distinction, l’accord anténuptial avec une femme est signifié par Pellicat, et l’accord postnuptial par Concubinage. Il est traité ici du Concubinage à cause de l’ordre ; car d’après l’ordre on découvre quel est d’une part le Mariage, et quel est de l’autre l’Adultère. Que le Mariage et l’Adultère soient opposés, c’est ce dont il a d’abord été traité dans le Chapitre sur leur opposition ; et combien ils sont opposés, et de quelle manière ils le sont, c’est ce qui ne peut être montré que d’après les intermédiaires qui interviennent, au nombre desquels est aussi le Concubinage ; mais comme il y a deux genres de Concubinage, et qu’ils doivent être absolument distingués, c’est pour cela que cette Section, comme les précédentes, sera divisée en Articles, ce qui aura lieu dans cet ordre : I. Il y a deux genres de Concubinage, qui diffèrent beaucoup entre eux ; l’un conjointement avec l’épouse, l’autre séparément d’avec l’épouse. II. Le Concubinage conjointement avec l’épouse n’est nullement permis aux Chrétiens, et il est détestable. III. C’est une Polygamie qui a été condamnée, et doit être condamnée par le monde Chrétien. IV. C’est une Scortation, par laquelle le Conjugal, qui est le plus précieux Joyau de la vie Chrétienne, est détruit. V. Le Concubinage séparément d’avec l’épouse, quand il a lieu pour des causes légitimes, justes et vraiment consciencieuses, n’est point illicite. VI. Les causes légitimes de ce Concubinage sont les causes légitimes du divorce, quand l’épouse néanmoins est retenue à la maison. VII. Les causes justes de ce Concubinage sont les causes justes de la séparation de lit. VIII. Les causes consciencieuses de ce Concubinage sont réelles ou non réelles. IX. Les causes consciencieuses réelles sont celles qui sont fondées sur le juste. X. Mais les causes consciencieuses non réelles sont celles qui ne sont pas fondées sur le juste, bien qu’elles le soient sur l’apparence du juste. XI. Ceux qui sont dans ce Concubinage par des causes légitimes, justes et consciencieuses réelles, peuvent être en même temps dans l’amour conjugal. XII. Tant que ce Concubinage continue, la conjonction actuelle avec l’épouse n’est point permise. Suit maintenant l’Explication de ces Articles.

463. I. Il y a deux genres de Concubinage, qui diffèrent beaucoup entre eux ; l’un conjointement avec l’épouse, l’autre séparément d’avec l’épouse. Qu’il y ait deux genres de Concubinage qui diffèrent beaucoup entre eux ; que l’un de ces genres consiste à adjoindre par substitution une compagne de lit, et à vivre conjointement et en même temps avec elle et avec l’épouse ; que l’autre genre consiste, après une légitime et juste séparation d’avec l’épouse, à prendre en sa place une femme pour compagne de lit ; et que ces deux genres de Concubinage diffèrent autant l’un de l’autre qu’un linge sale diffère d’un linge lavé, c’est ce que peuvent voir ceux qui examinent les choses clairement et distinctement, mais non ceux qui les voient confusément et indistinctement ; et même ceux qui sont dans l’amour conjugal peuvent le voir, mais non ceux qui sont dans l’amour de l’adultère ; ceux-ci sont dans la nuit à l’égard de toutes les dérivations de l’amour du sexe, mais ceux-là sont dans le jour à l’égard de ces dérivations : néanmoins, ceux qui sont dans l’adultère peuvent voir ces dérivations et leurs différences, non pas, il est vrai, en eux d’après eux, mais d’après les autres quand ils en entendent parler, car la faculté d’élever son entendement existe chez l’adultère, semblable à celle qu’il y a chez l’époux chaste ; mais l’adultère, après avoir reconnu les différences dont il a entendu parler par les autres, les efface toujours de son souvenir, lorsqu’il plonge son entendement dans son impure volupté ; en effet, le chaste et l’inchaste, ce qui est sensé et ce qui est insensé, ne peuvent être ensemble ; mais ils peuvent être distingués par l’entendement séparé. Un jour, dans le Monde Spirituel, je demandais à ceux qui n’avaient pas considéré les adultères comme des péchés, s’ils connaissaient une différence entre la fornication, le pellicat, les deux genres de concubinage, et les degrés d’adultère ; ils répondirent qu’ils étaient l’un comme l’autre ; je leur demandai aussi s’il en était de même du mariage ; ils regardèrent autour d’eux s’il n’y avait pas quelque membre du Clergé, et n’en ayant point vu, ils dirent que le mariage, considéré en lui-même, était pareil. Il en fut autrement de ceux qui, dans les idées de leur pensée, avaient considéré les adultères comme des péchés ; ceux-ci dirent que dans les idées intérieures, qui appartiennent à la perception, ils avaient vu les différences, mais qu’ils ne s’étaient pas encore appliqués à les discerner, et à en faire la distinction : je peux affirmer que ces différences, jusqu’aux plus minutieuses, sont perçues par les Anges du Ciel. Afin donc qu’il soit bien manifeste qu’il y a deux genres de Concubinage opposés entre eux, l’un par lequel est détruit l’amour conjugal, l’autre par lequel il n’est point détruit, le genre damnable va d’abord être décrit, et ensuite l’autre, qui n’est point nuisible.

464. II. Le Concubinage conjointement avec l’épouse n’est nullement permis aux Chrétiens, et il est détestable. S’il n’est point permis, c’est parce qu’il est contre l’alliance conjugale ; et, s’il est détestable, c’est parce qu’il est contre la religion ; et ce qui est contre la religion, et en même temps contre l’alliance conjugale, est contre le Seigneur ; c’est pourquoi, dès que quelqu’un, sans cause consciencieuse réelle, adjoint une concubine à l’épouse, le Ciel lui est fermé, et il n’est plus compté par les Anges au nombre des Chrétiens : dès cet instant aussi, il méprise les choses qui appartiennent à l’Église et à la Religion, et dans la suite il ne lève pas la face au-dessus de la nature, mais il se tourne vers elle, comme vers une Déité, qui est favorable à son désir libidineux, et de son influx ensuite son esprit reçoit l’animation : la cause intérieure de cette apostasie est dévoilée dans ce qui suit. Que ce Concubinage soit détestable, cet homme lui-même ne le voit pas parce qu’après que le Ciel lui a été fermé, il est devenu folie spirituelle ; mais une épouse chaste le voit clairement, parce qu’elle est amour conjugal, et que cet amour a en dégoût un tel concubinage ; c’est pourquoi aussi plusieurs d’entre celles-ci refusent ensuite la conjonction actuelle avec leurs maris, comme une chose qui souillerait leur chasteté par la contagion du désir libidineux adhérent aux maris d’après les courtisanes.

465. III. C’est une Polygamie qui a été condamnée, et doit être condamnée par le monde Chrétien. Que le Concubinage simultané ou conjoint avec l’épouse soit une Polygamie, quoique non reconnue parce qu’elle n’est ni déclarée ni par conséquent nommée ainsi par aucune loi, chacun le voit, même celui qui n’a pas de perspicacité ; car une femme d’emprunt et participant à la couche conjugale est comme une épouse : que la polygamie ait été condamnée et doive être condamnée dans le monde Chrétien, c’est ce qui a été démontré dans le Chapitre sur la Polygamie, spécialement dans ces Articles : il n’est permis à un chrétien de se marier qu’à une seule épouse, No 338 ; si un Chrétien se marie à plusieurs épouses, il commet non-seulement un adultère naturel, mais aussi un adultère spirituel, No 339 ; cela a été permis à la nation Israélite, parce que chez elle il n’y avait pas Église Chrétienne, No 340. D’après ces explications, il est évident qu’adjoindre une concubine à l’épouse, et partager son lit avec l’une et avec l’autre, est une infâme polygamie.

466. IV. C’est une Scortation, par laquelle le Conjugal, qui est le plus précieux Joyau de la vie Chrétienne, est détruit. Que ce soit une scortation plus opposée à l’amour conjugal que la scortation commune, qui est appelée simple adultère, et qu’elle prive absolument de toute faculté et de toute inclination à la vie conjugale, qui est dans les Chrétiens par naissance, c’est ce qui peut être prouvé par de solides arguments devant la raison de l’homme sage. Quant au premier POINT, que le concubinage simultané ou conjoint avec l’épouse, est une scortation plus opposée à l’amour conjugal que la scortation commune, qui est appelée simple adultère, on peut le voir d’après ces considérations ; que dans la scortation commune, ou adultère simple, il n’y a pas un amour analogue à l’amour conjugal, car c’est seulement une ardeur de la chair, qui se refroidit aussitôt, et parfois ne laisse pas après elle de vestige d’amour pour la femme ; c’est pourquoi, si cette lasciveté effervescente n’a pas lieu par propos déterminé, ou par confirmation, et si l’adultère s’en repent, elle ne diminue que très-peu l’amour conjugal : il en est tout autrement de la scortation polygamique, il y a en elle un amour analogue à l’amour conjugal, car il ne se refroidit pas, il ne se dissipe pas et ne se réduit pas à rien après l’effervescence, comme le précédent ; mais il reste, il se renouvelle et s’affermit, et il enlève autant de l’amour dû à l’épouse, et à la place de cet amour il introduit de la froideur pour elle ; en effet, l’homme alors considère comme aimable la concubine à cause du libre de la volonté, en ce qu’il peut, s’il lui plaît, se retirer, ce qui est inné dans l’homme naturel, et cela, étant par suite agréable, soutient cet amour ; et de plus, par les amorces il y a avec la concubine une union plus proche qu’avec l’épouse ; et, vice versa, il ne regarde pas l’épouse comme aimable à cause de l’obligation où il est de cohabiter avec elle par suite d’une alliance contractée pour la vie, ce qu’il perçoit alors comme plus contraint en raison du libre où il est à l’égard de l’autre : que l’amour pour l’épouse se refroidisse, et qu’elle-même devienne un objet vil, dans le même degré que l’amour pour une courtisane s’échauffe et que celle-ci est en estime, cela est évident. Quant au second POINT, que le concubinage simultané ou conjoint avec l’épouse prive le mari de toute faculté et de toute inclination à la vie conjugale, qui est dans les chrétiens par naissance, on peut le voir d’après ces considérations ; que, autant l’amour pour l’épouse est transcrit en amour pour la concubine, autant il est retiré, épuisé et mis à néant pour l’épouse, comme il vient d’être montré ci-dessus ; que cela se fasse par la fermeture des intérieurs du mental naturel du mari, et par l’ouverture des inférieurs de ce mental, on peut le voir d’après le siège de l’inclination chez les Chrétiens à aimer une seule personne du sexe, en ce que cette inclination est dans les intimes du mental, et que ce siège peut être fermé, mais non être extirpé : si l’inclination à aimer une seule personne du sexe, et aussi la faculté de recevoir cet amour, ont été implantées dans les chrétiens par naissance, c’est parce que cet amour vient du Seigneur seul, et est devenu chose de religion ; or, dans le Christianisme, le Divin du Seigneur est reconnu et adoré, et la religion est fondée sur la Parole du Seigneur ; de là vient que cet amour est greffé et aussi transplanté de génération en génération : il a été dit que ce Conjugal Chrétien périt par la scortation polygamique, mais il est entendu que chez le polygame chrétien il est fermé et intercepté, mais néanmoins susceptible de ressusciter dans ses descendants, comme il arrive pour la ressemblance de l’aïeul et du bisaïeul se reproduisant dans le petit-fils et l’arrière-petit-fils : de là vient que ce Conjugal est appelé le plus précieux Joyau de la vie Chrétienne, et ci-dessus, Nos 457, 458, le Trésor de la vie humaine et le Réservoir de la religion chrétienne. Que ce Conjugal soit détruit par la scortation polygamique chez le Chrétien qui s’y livre, on le voit manifestement en ce que le Chrétien ne peut pas, de la même manière que le polygame mahométan, aimer la concubine et l’épouse ; mais que, autant il aime la concubine, ou s’échauffe pour elle, autant il n’aime pas l’épouse, ou se refroidit pour elle ; et, ce qui est plus détestable, autant aussi il reconnaît de cœur le Seigneur seulement comme homme naturel et Fils de Marie, et non en même temps comme fils de Dieu, et autant encore il regarde comme rien la religion. Mais il faut qu’on sache bien que cela arrive à ceux qui ajoutent une concubine à l’épouse, et se conjoignent en actualité avec l’une et avec l’autre, et nullement à ceux qui, pour des causes légitimes, justes et vraiment consciencieuses, se séparent, et quant à l’amour actuel se disjoignent de l’épouse, et prennent une femme d’emprunt ; c’est de ce genre de Concubinage qu’il va maintenant être truité.

467. V. Le Concubinage séparément d’avec l’épouse, quand il a lieu pour des causes légitimes, justes et vraiment consciencieuses, n’est point illicite. Quelles causes sont entendues par légitimes, quelles par justes, et quelles par vraiment consciencieuses, c’est ce qui va être dit en ordre ; il est fait ici d’avance une simple mention des causes, afin que ce Concubinage, dont il est question dans ce qui suit, soit distingué du Concubinage précédent.

468. VI. Les causes légitimes de ce Concubinage sont les causes légitimes du divorce, quand l’épouse néanmoins est retenue à la maison. Par divorce il est entendu l’annulation de l’alliance conjugale, et par suite la séparation complète, et après cette séparation l’entière liberté de prendre une autre épouse ; l’unique cause de cette totale séparation ou du divorce est la scortation, selon le précepte du Seigneur, – Matth. XIX. 9. – À cette même cause se réfèrent aussi les obscénités manifestes qui ôtent toute pudeur, et qui remplissent et infestent la maison d’intrigues criminelles, d’après lesquelles s’établit une impudicité scortatoire qui rend tout le mental dissolu. À ces choses peut se joindre une malicieuse désertion, qui enveloppe une scortation, et fait que l’épouse commet adultère, et par conséquent est répudiée, – Matth. V. 32. – Ces trois causes, parce qu’elles sont des causes légitimes de divorce, la première et la troisième devant le juge public, et la seconde devant le mari juge, sont aussi des causes légitimes du concubinage, mais quand l’épouse adultère est retenue à la maison. Si la scortation est l’unique cause de divorce, c’est parce qu’elle est diamétralement opposée à la vie de l’amour conjugal, et la détruit jusqu’à extinction ; voir ci-dessus, No 255.

469. Que néanmoins nombre de maris retiennent à la maison leur épouse adultère, les causes sont celles-ci : 1. Le mari craint d’engager un procès avec l’épouse, de l’accuser d’adultère, et ainsi de manifester en public son crime ; car si des témoignages oculaires ou des preuves semblables à ces témoignages n’établissaient pas la conviction, il serait couvert de sarcasmes indirectement dans les réunions d’hommes, et ouvertement dans les réunions de femmes. 2. Il craint aussi les astucieuses justifications de cette adultère, et même son patronage de la part des juges, et par conséquent la diffamation de son nom. 3. Outre cela, les usages domestiques offrent des avantages qui dissuadent de faire séparation de maison ; par exemple, s’il y a des enfants envers qui l’amour, même d’une femme adultère, est un amour maternel ; si des devoirs mutuels, qui ne peuvent être divisés, interviennent et conjoignent ; si, du côté paternel et du côté maternel, l’épouse a des parents et des protecteurs, et qu’il puisse en être espéré de la fortune ; si, dans le commencement, il a entretenu avec elle d’agréables intimités ; et si elle, après être devenue adultère, sait adroitement, par un caressant enjouement et par de feintes civilités, apaiser le mari, afin de n’être point inculpée ; outre d’autres motifs qui, étant en eux-mêmes des causes légitimes de divorce, sont aussi des causes légitimes de concubinage ; car les causes qui font retenir l’épouse à la maison n’enlèvent point la cause de divorce, quand celle-ci a commis scortation ; quel est l’homme, à moins qu’il ne soit vil, qui puisse conserver les droits du lit conjugal et partager sa couche avec une épouse adultère ? Si cela a lieu ici et là, aucune conclusion n’en peut être tirée.

470. VII. Les causes justes de ce Concubinage sont les causes justes de la séparation de lit. Il y a des causes légitimes de séparation, et il y a des causes justes ; les causes légitimes sont établies par les décisions des juges, et les causes justes par des décisions que le mari seul prononce : les causes de séparation de lit, et aussi de séparation de maison, tant légitimes que justes, ont été énumérées en abrégé, ci-dessus, Nos 252, 253 ; parmi elles, les VICES DU CORPS ; ce sont les maladies par lesquelles tout le corps est tellement infecté que la contagion peut être fatale ; telles sont les Fièvres malignes et pestilentielles, les Lèpres, les Maux vénériens, les Cancers : puis, les Maladies par lesquelles tout le corps a été tellement affaissé qu’il ne peut plus exister de consociabilité, et d’après lesquelles sont exhalées des effluves préjudiciables et des vapeurs nuisibles, soit de la surface du corps, soit de ses parties intérieures, spécialement de l’Estomac et du Poumon ; de la surface du corps, les Varioles malignes, les Verrues, les Pustules, la Phtisie scorbutique, les Dartres virulentes, surtout si la face en a été souillée ; de l’Estomac, les Rapports constamment infectes, puants et dégoûtants ; du Poumon, les Haleines fétides et putrides provenant d’apostèmes, d’ulcères ou d’abcès, ou d’un vice du sang ou du sérum. Outre ces Maladies, il en est d’autres de différents noms, comme la Lipothymie, qui est une complète langueur du corps, et un manque de forces ; la Paralysie, qui est une résolution et un relâchement des membranes et des ligaments qui servent au mouvement ; l’Épilepsie ; l’infirmité permanente provenant de l’Apoplexie ; certaines Maladies chroniques ; la Passion iliaque, la Hernie, outre d’autres maladies que la Pathologie fait connaître. Les VICES DU MENTAL, qui sont des causes justes de séparation de lit et de maison, sont, par exemple, la Manie, la Frénésie, le Transport furieux, la Folie actuelle et l’Imbécillité, la perle de la mémoire, et autres semblables. Que ces causes soient des causes justes de Concubinage, parce qu’elles sont des causes justes de séparation, la raison le voit sans l’aide d’un juge.

471. VIII. Les causes consciencieuses de ce Concubinage sont réelles ou non réelles. Puisque, outre les causes justes, qui sont de justes causes de séparation, et qui par suite deviennent de justes causes de concubinage, il y a aussi des causes consciencieuses qui dépendent du jugement et de la justice chez le mari, il doit aussi par conséquent en être fait mention ; mais comme les jugements de justice peuvent être pervertis, et être changés par des confirmations en des apparences du juste, c’est pour cela que ces causes sont distinguées en causes consciencieuses réelles et en causes consciencieuses non réelles, et qu’elles sont décrites séparément.

472. IX. Les causes consciencieuses réelles sont celles qui sont fondées sur le juste. Pour connaître les causes qui sont des causes consciencieuses réelles, il suffit d’en énumérer quelques-unes ; par exemple le manque de storge, et par conséquent l’apathie envers les enfants ; l’intempérance, l’ivrognerie, la malpropreté, l’impudicité ; le désir immodéré de divulguer les secrets de la maison, de disputer, de battre, de se venger, de faire le mal, de voler, de tromper ; une dissemblance interne d’où résulte l’antipathie ; une impudente exigence du devoir conjugal, par laquelle le mari devient froid comme la pierre ; l’application à des actes de magie et à des prestiges ; une excessive impiété ; et autres vices semblables.

473. Il y a aussi des causes moins graves, qui sont des causes consciencieuses réelles, et qui séparent du lit, mais non cependant de la maison ; la cessation de prolification chez l’épouse en raison de son âge avancé ; et par suite de la répugnance et la tergiversation pour l’amour actuel, l’ardeur chez le mari persistant toujours ; outre des cas semblables, dans lesquels le jugement rationnel voit le juste, et qui ne blessent pas la conscience.

474. X. Les causes consciencieuses non réelles sont celles qui ne sont pas fondées sur le juste, bien qu’elles le soient sur l’apparence du juste. Ces causes sont connues d’après les causes consciencieuses réelles ci-dessus énumérées, et, si elles ne sont pas bien examinées, elles peuvent apparaître comme justes, et cependant sont injustes ; par exemple, les temps d’abstinence requis après les couches, les indispositions transitoires des épouses, le préjudice qui en résulte pour le prolifique, les polygamies permises aux Israélites, et d’autres causes semblables qui, d’après la justice, ne sont d’aucune valeur ; celles-ci sont imaginées par les maris après des froideurs contractées, lorsque des désirs libidineux inchastes les ont privés de l’amour conjugal, et les ont infatués de l’idée de la ressemblance de cet amour avec l’amour scortatoire : ceux-ci, pour se mettre à l’abri de la diffamation quand ils entrent en concubinage, donnent pour légitimes et réelles ces causes bâtardes et captieuses, et même ordinairement ils répandent au sujet de l’épouse des mensonges, qui même selon la faveur obtiennent l’assentiment et l’approbation des concitoyens amis.

475. XI. Ceux qui sont dans ce Concubinage par des causes légitimes, justes et consciencieuses réelles, peuvent être en même temps dans l’amour conjugal. Il est dit qu’ils peuvent être en même temps dans l’amour conjugal, et il est entendu qu’ils peuvent tenir cet amour renfoncé chez eux ; car dans le sujet, dans lequel il est, cet amour ne périt pas mais il repose. Si l’amour conjugal chez ceux qui préfèrent le mariage au concubinage, et qui entrent dans le concubinage d’après les causes ci-dessus mentionnées, est conservé, en voici les raisons : C’est que ce concubinage ne répugne point à l’amour conjugal ; qu’il n’est pas une séparation d’avec cet amour ; qu’il est seulement un voile qui le couvre ; et que ce voile est ôté après la mort : I. Ce concubinage ne répugne point à l’amour conjugal. C’est la conséquence de ce qui a été ci-dessus démontré, que ce concubinage, quand il a lieu pour des causes légitimes, justes et consciencieuses réelles, n’est point illicite, Nos 467 à 473. II. Ce concubinage n’est pas une séparation d’avec l’amour conjugal. En effet, quand des causes légitimes, ou justes, ou consciencieuses réelles, surviennent, persuadent, contraignent, l’amour conjugal n’est pas séparé avec le mariage, mais il est seulement interrompu, et l’amour interrompu et non séparé reste dans le sujet ; il en est de cela comme d’un homme qui exerce un emploi qu’il aime, et qui en est détourné par les sociétés, ou par les spectacles, ou par les voyages ; l’amour de son emploi n’est pas néanmoins perdu : ou, comme d’un homme qui aime un vin généreux ; quand il en boit de moins bon, il ne perd pas pour cela son goût pour le vin généreux. III. Ce concubinage est seulement un voile qui couvre l’amour conjugal. C’est parce que l’amour du concubinage est naturel, et l’amour du mariage, spirituel ; et que l’amour naturel voile l’amour spirituel quand celui-ci est intercepté ; qu’il en soit ainsi, celui qui aime ne le sait pas parce que l’amour spirituel est senti non d’après lui-même, mais par l’amour naturel, et il est senti comme un plaisir dans lequel est une béatitude qui vient du Ciel ; mais l’amour naturel est senti par lui-même seulement comme un plaisir. IV. Ce voile est ôté après la mort. C’est parce qu’alors de naturel l’homme devient spirituel, et qu’au lieu d’un corps matériel il jouit d’un corps substantiel, dans lequel le plaisir naturel d’après le spirituel est senti dans sa prééminence : qu’il en soit ainsi, c’est ce que j’ai appris par la communication avec quelques-uns dans le Monde Spirituel, et même là par des Rois qui dans le Monde avaient été dans le Concubinage par des causes consciencieuses réelles.

476. XII. Tant que ce Concubinage continue, la conjonction actuelle avec l’épouse n’est point permise. C’est parce qu’alors l’Amour conjugal, qui en lui-même est spirituel, chaste, pur et saint, devient naturel, est souillé, n’a plus de vigueur, et ainsi périt ; c’est pourquoi, afin que cet amour soit conservé, il est utile que le concubinage d’après des causes consciencieuses réelles, Nos 472, 473, ait lieu avec une seule, et non avec deux en même temps.

 

 

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477. À ce qui précède sera ajouté ce MÉMORABLE. J’entendis un certain Esprit, un jeune homme, récemment venu du monde, se vantant de ses scortations, et cherchant à acquérir des louanges, de ce qu’il surpassait les autres en puissance virile ; au milieu de ses vanteries insolentes, il tenait aussi ces propos : « Quoi de plus triste que d’emprisonner son amour, et de vivre seul avec une seule femme ? et quoi de plus délicieux que de donner toute liberté à l’amour ? Qui est-ce qui ne se lasse pas d’une seule, et n’est pas remis en vigueur par plusieurs ? Quoi de plus agréable que la liberté sans réserve, la variété, les déflorations, les tours joués aux maris, et les hypocrisies scortatoires ? Est-ce que les choses qui sont obtenues par des astuces, des tromperies et des larcins ne réjouissent pas les intimes du mental ? » En entendant ces propos, ceux qui étaient présents disaient : « Ne parle pas ainsi ; tu ne sais pas où tu es, ni avec qui tu es ; tu ne fais que d’arriver ici ; il y a sous tes pieds l’Enfer, et au-dessus de ta tête le Ciel ; tu es maintenant dans un Monde qui tient le milieu entre le Ciel et l’Enfer, et qui est appelé Monde des Esprits ; ici arrivent, et ici sont recueillis tous ceux qui sortent du Monde ; ils sont examinés quant à leur qualité, et ils sont préparés, les méchants pour l’Enfer, et les bons pour le Ciel ; peut-être te rappelles-tu encore avoir entendu dire, dans le Monde, par des prêtres, que les scortateurs et les prostituées sont précipités dans l’Enfer, et que les époux chastes sont élevés au Ciel. » À ces mots, cet esprit novice se mit à rire, en disant : « Qu’est-ce que le Ciel, et qu’est-ce que l’Enfer ? Le Ciel, n’est-ce pas où chacun est libre, et n’est-il pas libre celui à qui il est permis d’aimer autant de femmes qu’il lui plaît ? Et l’Enfer, n’est-ce pas où chacun est esclave, et n’est-il pas esclave celui qui est obligé d’être attaché à une seule ? » Mais un certain Ange, regardant du Ciel en bas, entendit ce qu’il disait, et l’interrompit de peur qu’il n’allât plus avant pour profaner les mariages ; et il lui dit : « Monte ici, et je te montrerai au vif ce que c’est que le Ciel, et ce que c’est que l’Enfer, et quel est l’enfer pour les scortateurs confirmés. » Et il lui montra le chemin, et celui-ci monta ; et, après qu’il eut été admis, il fut d’abord conduit dans un Jardin paradisiaque, où étaient les arbres à fruits et des fleurs, dont la beauté, le charme et l’odeur remplissaient les mentals (animi) des délices de la vie ; dès qu’il les vit, il fut saisi d’une grande admiration ; mais il était alors dans la vue externe, telle qu’il l’avait dans le monde, quand il voyait de pareilles choses, et dans cette vue il était rationnel ; mais dans la vue interne, dans laquelle la scortation était le principal et occupait chaque point de la pensée, il n’était pas rationnel ; c’est pourquoi la vue externe fut fermée, et la vue interne fut ouverte ; dès qu’elle fut ouverte, il dit : « Qu’est-ce que je vois maintenant ? n’est-ce pas de la paille et du bois sec ? Et qu’est-ce que je sens maintenant ? n’est-ce pas de la puanteur ? Où sont donc ces objets paradisiaques ? » Et l’Ange dit : « Ils sont tout près et présents, mais ils n’apparaissent point devant la vue interne, qui est scortatoire ; car cette vue change les choses célestes en infernales, et ne voit que les opposés : il y a dans chaque homme un mental interne et un mental externe, par conséquent une vue interne et une vue externe ; chez les méchants le mental interne est insensé, et le mental externe est sage ; mais chez les bons le mental interne est sage, et aussi d’après lui le mental externe ; et de même qu’est le mental, de même l’homme dans le Monde Spirituel voit les objets. » Après cela l’Ange, par la puissance qui lui fut donnée, lui ferma la vue interne et ouvrit l’externe, et il le conduisit par des portes vers le point central des habitations ; et cet esprit vit de magnifiques palais d’albâtre, de marbre et de diverses pierres précieuses, et près de ces palais des portiques, et des colonnes à l’entour, superposées et chargées d’ornements et de décorations admirables ; lorsqu’il les vit, il fut dans un grand étonnement, et il dit : « Qu’est-ce que je vois ? Je vois des objets magnifiques dans leur magnificence même, et des ouvrages d’architecture dans leur art même. » Mais alors l’Ange lui ferma de nouveau la vue externe, et lui ouvrit l’interne, qui était mauvaise parce qu’elle était salement scortatoire ; aussitôt cet esprit s’écria, en disant : « Qu’est-ce que je vois maintenant ? Où suis-je ? Où sont donc ces palais et ces objets magnifiques ? Je vois des ruines, des décombres et des lieux pleins de cavernes. » Mais peu après il fut remis dans l’externe, et introduit dans l’un de ces palais ; et il vit les décorations des portes, des fenêtres, des murailles et des plafonds, principalement des meubles, sur lesquels et autour desquels étaient des formes célestes en or et en pierres précieuses, qui ne peuvent être décrites par aucun langage, ni dessinées par aucun art, car elles étaient au-dessus des idées du langage et au-dessus des notions de l’art. En voyant ces choses, il s’écria de nouveau, disant : « Ce sont là des objets merveilleux que jamais œil n’a vus. Mais alors sa vue interne fut ouverte, la vue externe ayant été fermée, comme auparavant ; et il lui fut demandé ce qu’il voyait en ce moment ; et il répondit qu’il ne voyait que des masures, ici en joncs, là en paille, et là en tisons. Puis il fut encore remis dans l’état externe du mental, et devant lui furent amenées des Vierges, qui étaient des beautés, parce qu’elles étaient des images de l’affection céleste ; et celles-ci, avec la douce voix de leur affection, lui adressèrent la parole ; et alors, d’après ce qu’il vit et entendit, sa face fut changée, et il revint de lui-même dans ses internes, qui étaient scortatoires ; et comme ces internes ne soutiennent rien de l’amour céleste, et que vice versa ils ne sont pas non plus soutenus par l’amour céleste, il en résulta que de part et d’autres ils disparurent, – les vierges de la présence de l’homme, et l’homme de la présence des vierges. – Après cela, l’Ange lui apprit d’où provenaient les changements d’état de ses vues, en lui disant : « Je perçois que dans le Monde d’où tu viens tu as été double, autre dans les internes, et autre dans les externes ; que dans les externes tu as été un homme civil, moral et rationnel, mais que dans les internes tu n’as été ni civil, ni moral, ni rationnel, parce que tu étais scortateur et adultère ; or, de telles personnes, quand il leur est permis de monter dans le Ciel, et qu’elles y sont tenues dans leurs externes, peuvent y voir les choses célestes, mais quand leurs internes sont ouverts, au lieu de choses célestes elles voient des choses infernales. Cependant, sache qu’ici, chez chacun, successivement sont fermés les externes et ouverts les internes, et qu’on est préparé ainsi pour le Ciel ou pour l’Enfer ; et comme le mal de la scortation souille plus que tout autre mal les internes du mental, il est impossible qu’il ne soit pas porté vers les choses impures de son amour, et ces choses sont dans les enfers, où les cavernes répandent des odeurs d’excréments. Qui est-ce qui ne peut, d’après la raison, savoir que dans le Monde spirituel l’inchaste et le lascif sont impurs et immondes, et qu’ainsi rien ne corrompt et ne souille davantage l’homme, et n’introduit davantage en lui l’infernal. Garde-toi donc de le glorifier dorénavant de la scortation, en ce que tu es en elle plus mâle que les autres ; je te prédis que tu deviendras faible, au point de savoir à peine où est la force mâle ; un tel sort attend ceux qui se glorifient de leur puissance scortatoire. » Après qu’il eut entendu ces paroles, il descendit et revint dans le Monde des Esprits et vers ses premiers compagnons, et il conversa avec eux avec modestie et chasteté, mais ce ne fut pas pour longtemps.

 

 

 

DES ADULTÈRES, DE LEURS GENRES ET DE LEURS DEGRÉS.

 

 

478. Quiconque ne juge de l’Adultère que par les externes, ne peut pas savoir qu’il a quelque mal dans cet acte, car dans les externes il est semblable au Mariage ; ces juges externes, quand on leur parle des Internes, et qu’on leur dit que les Externes tirent des Internes leur bien et leur mal, disent en eux-mêmes : « Qu’est-ce que les Internes ? Qui les voit ? N’est-ce pas là s’élever au-dessus de la sphère d’intelligence de qui que ce soit ? » Ceux-ci ressemblent à ceux qui acceptent tout prétendu bien pour un bien réel volontaire, et qui décident de la sagesse d’un homme d’après l’élégance de sa conversation, ou qui jugent de l’homme lui-même d’après la richesse de ses habits et la magnificence de ses équipages, et non d’après sa disposition interne qui appartient au jugement provenant de l’affection du bien ; cette manière de juger ressemble encore au jugement qu’on porterait sur le fruit d’un arbre, et sur quelques mets, seulement d’après la vue et le toucher, et non sur sa bonté d’après la saveur et la connaissance : ainsi font ceux qui ne veulent rien percevoir des internes de l’homme : de là cette folie de beaucoup d’hommes aujourd’hui, qu’ils ne voient rien de mal dans les adultères, et que même ils conjoignent dans la même couche les mariages avec les adultères, c’est-à-dire, les font absolument semblables ; et cela, seulement à cause de l’apparence de similitude dans les externes. Qu’il en soit ainsi, j’en ai acquis la conviction par cette preuve de l’expérience : Un jour, des Anges convoquèrent quelques centaines d’esprits d’entre ceux qui avaient été renommés en l’Europe par leur génie, leur érudition et leur sagesse ; on les interrogea sur la différence entre le Mariage et l’Adultère, et on les invita à examiner les raisons que leur entendement présenterait ; et, après examen, tous, à l’exception de dix, répondirent que la loi civile seule établit une différence en vue d’un certain intérêt, différence qu’on peut, il est vrai, connaître, mais néanmoins accommoder au moyen de la prudence civile : ensuite on leur demanda s’ils voyaient quelque bien dans le mariage, et quelque mal dans l’adultère ; ils répondirent qu’ils n’y voyaient ni mal rationnel ni bien rationnel. On leur fit cette question : « Y voyez-vous quelque péché ? » Ils dirent : « Où serait-il, ce péché ? Le fait n’est-il pas le même ? » Les Anges furent étonnés de ces réponses, et ils s’écrièrent : « Oh ! quelle est la stupidité du siècle, et combien elle est grande ! » En entendant cette exclamation, ces centaines de sages se tournèrent et dirent entre eux en riant : « Est-ce là de la stupidité ? Y a-t-il quelque sagesse qui puisse convaincre qu’aimer l’épouse d’un autre mérite la damnation éternelle ? » Mais que l’Adultère soit un mal spirituel, et par suite un mal moral et un mal civil, et diamétralement contraire à la sagesse de la raison ; puis aussi, que l’amour de l’adultère vienne de l’enfer et y retourne, et que l’amour du mariage vienne du ciel et y retourne, c’est ce qui a été démontré dans le Premier Chapitre de cette Partie, concernant l’Opposition de l’amour scortatoire et de l’amour conjugal. Mais comme tous les maux, de même que tous les biens, ont de la latitude et de l’altitude, et que leurs genres sont selon la latitude, et leurs degrés selon l’altitude, c’est pourquoi, afin que les adultères soient connus quant à l’une et à l’autre dimension, ils seront divisés d’abord en leurs genres, et ensuite en leurs degrés, ce qui aura lieu dans cette Série : I. Il y a trois Genres d’adultères, le Simple, le Double et le Triple. II. L’Adultère simple est celui d’un homme célibataire avec l’épouse d’un autre, ou d’une femme non mariée avec le mari d’une autre. III. L’Adultère double est celui d’un mari avec l’épouse d’un autre, ou d’une épouse avec le mari d’une autre. IV. L’Adultère triple est avec les consanguins. V. Il y a pour les adultères quatre Degrés, selon lesquels se font leurs dénominations, leurs inculpations, et après la mort leurs imputations. VI. Les Adultères du premier degré sont les adultères d’ignorance, lesquels sont commis par ceux qui ne peuvent pas encore ou qui ne peuvent pas du tout consulter l’entendement, ni par conséquent les réprimer. VII. Les Adultères commis par eux sont légers. VIII. Les Adultères du second degré sont les adultères de désir libidineux, lesquels sont commis par ceux qui, il est vrai, peuvent consulter l’entendement, mais qui par des causes contingentes ne le peuvent pas dans ces moments. IX. Les Adultères commis par eux sont imputatoires, selon que dans la suite l’entendement les favorise ou ne les favorise point. X. Les Adultères du troisième degré sont les adultères de la raison, lesquels sont commis par ceux qui confirment par l’entendement que ce ne sont point des maux de péché. XI. Les Adultères commis par eux sont graves, et sont imputés selon les confirmations. XII. Les adultères du quatrième degré sont les adultères de la volonté, lesquels sont commis par ceux qui les considèrent comme licites et agréables, et qui ne les croient pas d’une telle importance qu’on doive à leur égard consulter l’entendement. XIII. Les Adultères commis par eux sont très-graves, et leur sont imputés comme maux de propos déterminé, et restent en eux comme délits. XIV. Les Adultères du troisième et du quatrième degré sont des maux de péché, selon la quantité et la qualité de l’entendement et de la volonté en eux, soit qu’ils soient commis en acte, ou qu’ils ne soient pas commis en acte. XV. Les Adultères par propos déterminé de la volonté, et les adultères par confirmation de l’entendement, rendent les hommes naturels, sensuels et corporels. XVI. C’est au point qu’enfin ils rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion. XVII. Cependant ils jouissent toujours de la rationalité humaine comme les autres. XVIII. Mais ils se servent de cette rationalité quand ils sont dans les externes, et ils en abusent quand ils sont dans les internes. Suit maintenant l’Explication de ces Articles.

479. I. Il y a trois Genres d’adultères, le Simple, le Double et le Triple. Toutes et chacune des choses que le Créateur de l’univers a créées, il les a distinguées en genres, et chaque genre en espèces, et il a divisé chaque espèce, et pareillement chaque division, et ainsi de suite ; et cela, afin que dans la variété perpétuelle des qualités il existe une image de l’Infini : ainsi le Créateur de l’univers a distingué les biens et leurs vrais, et pareillement les maux et leurs faux après qu’ils eurent pris naissance. Qu’il ait distingué en genres, espèces et différences toutes et chacune des choses dans le Monde spirituel, et qu’il ait rassemblé dans le Ciel tous les biens et tous les vrais, et dans l’Enfer tous les maux et tous les faux, qu’il ait disposé ceux-ci diamétralement contre ceux-là, on peut le voir d’après ce qui a été montré dans le Traité DU CIEL ET DE L’ENFER publié à Londres en 1758. Que de même aussi, dans le Monde naturel, il ait distingué et qu’il distingue les biens et les vrais, les maux et les faux chez les hommes, ainsi les hommes eux-mêmes, cela peut être connu par leur sort après la mort, en ce que le ciel est pour les bons, et l’enfer pour les méchants. Or, puisque toutes les choses qui appartiennent au bien, et toutes celles qui appartiennent au mal, ont été distinguées en genres, espèces, et ainsi de suite, c’est pour cela que les Mariages ont été distingués de la même manière, et pareillement leurs opposés, qui sont les Adultères.

480. II. L’Adultère simple est celui d’un homme célibataire avec l’épouse d’un autre, ou d’une femme non mariée avec le mari d’une autre. Ici, et dans ce qui suit, par l’Adultère il est entendu une scortation opposée au mariage ; il est opposé, parce qu’il viole l’alliance de vie contractée entre les époux, il met en pièces leur amour, il le souille, et il arrête l’union commencée au temps des fiançailles et affermie au commencement du mariage ; car l’Amour conjugal du mari avec une seule épouse unit les âmes après l’engagement et l’alliance ; l’adultère ne rompt pas cette union, parce qu’elle ne peut pas être rompue, mais il l’arrête, comme celui qui bouche une fontaine à sa source, et ainsi le courant, et remplit d’eaux sales et puantes la citerne ; de même l’amour conjugal, dont l’origine est l’union des âmes, est couvert de fange et fermé par l’adultère ; et, quand il a été couvert de fange, d’en bas s’élève l’amour de l’adultère, qui, à mesure qu’il croît, devient charnel, et cet amour s’insurge contre l’amour conjugal et le détruit : de là l’opposition de l’adultère et du mariage.

481. Afin que de nouveau l’on connaisse quelle est la stupidité de ce siècle, en cela que ses sages ne voient aucun péché dans l’Adultère, ainsi qu’il a été découvert par les Anges, ci-dessus, No 478, j’ajouterai ici ce MÉMORABLE : « Il y avait certains Esprits qui, par une habitude contractée dans la vie du corps, m’infestaient avec une adresse particulière, et cela par un influx très-doux presqu’ondoyant, tel qu’a coutume d’être l’influx des esprits probes ; mais je perçus qu’il y avait en eux des astuces et autres choses semblables, dans le but de séduire et de tromper : enfin j’adressai la parole à l’un deux, qui, ainsi qu’il me fut dit, avait été Général d’armée quand il vivait dans le Monde : et comme je perçus qu’il y avait du lascif dans les idées de sa pensée, je m’entretins avec lui dans le langage spirituel avec représentatifs, langage qui exprime pleinement ce que l’on sent ; et plusieurs choses en un moment : il me dit que dans la vie du corps, dans le Monde précédent, il avait regardé, comme rien les Adultères : mais il me fut donné de lui dire que les Adultères sont abominables, quoiqu’aux yeux de ceux qui les commettent il semble, par suite du plaisir qu’ils y trouvent et du persuasif qui en provient, qu’ils ne sont pas tels, et qu’ils sont même licites ; qu’il pouvait aussi le savoir, en ce que les Mariages sont les Pépinières du Genre humain, et par cela même les Pépinières du Royaume céleste, et qu’en conséquence ils doivent ne pas être violés, mais être regardés comme saints ; puis, en ce qu’il doit savoir, puisqu’il est dans le Monde spirituel et dans l’état de perception, que l’Amour conjugal descend du Seigneur par le ciel, et que de cet amour, comme d’un père, dérive l’amour mutuel qui est le fondement du Ciel ; et en ce que les Adultères, pour peu qu’ils approchent des Sociétés célestes, sentent l’odeur infecte qui est en eux, et se précipitent de là vers l’Enfer ; que du moins il aurait pu savoir que violer les mariages, c’est agir contre les lois Divines, contre les lois civiles de tous les royaumes, et aussi contre la lueur réelle de la raison, et ainsi contre le droit des gens, parce que c’est agir non-seulement contre l’Ordre Divin, mais encore contre l’ordre humain ; je lui dis en outre beaucoup d’autres choses. Mais il me répondit qu’il n’avait pas pensé à ces choses dans la vie précédente : il voulait par des raisonnements examiner s’il en était ainsi ; mais il lui fut dit que la vérité n’admet pas les raisonnements, car ils prennent la défense des plaisirs de la chair contre les plaisirs de l’esprit, et la chair ignore quels sont les plaisirs de l’esprit ; et qu’il devait d’abord porter sa pensée sur les choses qui viennent d’être dites, parce qu’elles sont vraies ; ou sur ce principe, très-connu dans le Monde, que personne ne doit faire à autrui ce qu’il ne veut pas qu’un autre lui fasse : et ainsi, si quelqu’un eût séduit de cette manière son épouse, qu’il aurait aimée comme cela a lieu au commencement de tout mariage, alors quand il aurait été à ce sujet dans un état d’emportement, n’aurait-il pas, s’il eût parlé d’après cet état, eu aussi lui-même les adultères en abomination, et alors puisqu’il jouit d’une grande capacité, ne se serait-il pas plus, que tout autre, confirmé contre ces actions jusqu’au point de les condamner comme infernales ; et comme Général d’armée, et vivant avec des braves, n’aurait-il pas, afin que cela ne fût point pour lui un opprobre, ou tué l’adultère, ou chassé de sa maison l’épouse prostituée ? »

482. III. L’Adultère double est celui d’un mari avec l’épouse d’un autre, ou d’une épouse avec le mari d’une autre. Cet, Adultère est appelé double, parce qu’il est commis par deux, et que des deux côtés l’alliance du mariage est violée ; c’est pourquoi il est deux fois plus grave que le précédent. Il a été dit ci-dessus, No 480, que l’Amour conjugal d’un mari avec une seule épouse unit les âmes après l’engagement et l’alliance, et que cette union est cet Amour lui-même dans son origine, et qu’elle est fermée et bouchée par l’adultère, comme la source et le courant d’une fontaine : que les âmes des deux s’unissent, quand l’amour pour le sexe est restreint à une seule ou à un seul d’un autre sexe, ce qui a lieu quand une jeune fille se donne tout entière à un jeune homme par une alliance, et que réciproquement par cette alliance le jeune homme se donne tout entier à la jeune fille, c’est ce qui est bien évident en ce que les vies de l’un et de l’autre s’unissent, par conséquent les âmes, puisque celles-ci sont les principes de la vie : cette union des âmes est possible seulement dans les Mariages monogamiques, ou d’un seul mari avec une seule épouse, mais non dans les Mariages polygamiques, ou d’un mari avec plusieurs épouses, parce que dans ceux-ci l’Amour est divisé, et que dans ceux-là il est uni : si dans ce siège suprême l’Amour conjugal est spirituel, saint et pur, c’est que par son origine l’âme de chaque homme est céleste, aussi reçoit-elle du Seigneur immédiatement l’influx, car elle reçoit de Lui le mariage de l’amour et de la sagesse, ou du bien et du vrai, et cet influx le fait homme et le distingue des bêtes. De cette union des âmes, l’Amour conjugal, qui est là dans sa sainteté et dans sa pureté spirituelles, découle dans la vie de tout le corps, et la remplit de plaisirs délicieux, aussi longtemps que sa veine reste ouverte, ce qui a lieu chez ceux qui par le Seigneur deviennent spirituels. Qu’il n’y ait rien autre chose que l’adultère qui ferme et bouche ce siège de l’amour conjugal, cette origine ou fontaine, et sa veine, cela est évident par les paroles du Seigneur, que c’est seulement pour cause d’adultère qu’il est permis de répudier l’épouse, et d’en prendre une autre, – Matth. XIX. 4 à 9 ; – puis, par celles-ci, que celui qui se marie à une répudiée commet adultère, – Vers. 9. – Lors donc que cette pure et sainte fontaine est bouchée, elle est, comme il a été dit ci-dessus, entourée de saletés, comme une pierre précieuse entourée de fumier, ou comme du pain entouré de vomissement, saletés qui sont entièrement opposées à la pureté et à la sainteté de cette fontaine ou de l’Amour conjugal ; de cette opposition résulte la froideur conjugale, et selon cette froideur existe l’agrément lascif de l’amour scortatoire, qui se consume de lui-même : que ce soit là un mal de péché, c’est parce que le saint est couvert, et ainsi sa veine dans le corps est obstruée, et à sa place succède le profane, et sa veine dans le corps est ouverte ; par suite, de céleste l’homme devient infernal.

483. À ce qui précède j’ajouterai quelques particularités du Monde spirituel, qui sont dignes d’être rapportées : « J’y ai entendu dire que quelques hommes mariés sont embrasés du désir libidineux de commettre scortation avec des femmes intactes ou vierges ; d’autres, avec des femmes déflorées ou prostituées ; d’autres, avec des femmes mariées ou épouses ; d’autres, avec des femmes de noble race ; d’autres, avec des femmes de basse extraction : qu’il en soit ainsi, j’en ai eu la confirmation dans ce Monde d’après plusieurs esprits de divers royaumes. Comme je méditais sur la variété de ces désirs libidineux, je demandai s’il y en a qui trouvent tout leur plaisir avec les épouses des autres sans en éprouver aucun avec les femmes qui ne sont pas mariées ; afin donc que je connusse qu’il y en a, il m’en fut amené d’un certain royaume plusieurs qui furent contraints de parler selon leur désir libidineux. Ceux-ci dirent que leur unique volupté et leur unique plaisir était, et est encore, de commettre adultère avec les épouses des autres ; qu’ils jetaient leurs yeux sur de belles femmes, et les achetaient à grand prix selon leur opulence, et que pour l’ordinaire ils traitaient du prix avec elles. Je leur demandai pourquoi ils n’achetaient pas des femmes non mariées ; ils répondirent qu’ils regardaient cela comme une chose commune, vile en elle-même, ne procurant aucun plaisir. Je leur demandai aussi si ces épouses retournaient ensuite vers leurs maris et vivaient avec eux ; ils répondirent qu’elles n’y retournaient pas ou qu’elles vivaient froidement avec eux, parce qu’elles étaient devenues prostituées. Ensuite je leur demandai sérieusement s’ils avaient jamais pensé, ou s’ils pensaient à présent que cela est un double adultère, parce qu’ils le commettent étant eux-mêmes mariés, et qu’un tel adultère dépouille l’homme de tout bien spirituel ; mais à ces mots la plupart de ceux qui étaient présents se mirent à rire, disant : Qu’est-ce que c’est que le bien spirituel ? Cependant j’insistai, en disant : Quoi de plus détestable que de mêler son âme avec l’âme du mari dans son épouse ! Ne savez-vous pas que dans la semence il y a l’âme de l’homme ? Alors ils se détournèrent et dirent bas entre eux : Quel préjudice cela y cause-t-il ? Enfin je dis : Quoique vous ne craigniez pas les lois Divines, ne craignez-vous pas les lois civiles ? Ils répondirent : Non ; nous craignons seulement certains membres de l’ordre ecclésiastique, mais devant eux nous cachons cela, et si nous ne pouvons pas le cacher, nous agissons poliment avec eux. Ensuite je les vis divisés en troupes, et d’entre celles-ci quelques-uns jetés dans l’enfer. »

484. IV. L’Adultère triple est avec les consanguins. Cet adultère est appelé triple, parce qu’il est trois fois plus grave que les deux précédents. Quelles sont les Consanguinités, ou les Restes de la chair, vers lesquelles il ne faut point approcher, on le voit énuméré, – Lévit. XVIII. 6 à 17. – Les raisons pour lesquelles ces Adultères sont trois fois plus graves que les deux ci-dessus mentionnés, sont internes et externes ; les raisons internes procèdent de la correspondance de ces adultères avec la violation du mariage spirituel, qui est celui du Seigneur et de l’Église, et par conséquent du bien et du vrai ; les raisons externes sont qu’il faut veiller à ce que l’homme ne devienne pas une bête : mais ce n’est pas ici le moment de dévoiler davantage ces raisons.

485. V. Il y a pour les adultères quatre Degrés, selon lesquels se font leurs dénominations, leurs inculpations, et après la mort leurs imputations. Ces degrés ne sont point des genres, mais ils entrent dans chaque genre, et ils en constituent les différences entre un plus grand et un moindre mal, ou un plus grand et un moindre bien ; ici, par exemple, si l’Adultère de chaque genre, en raison des circonstances et des contingences, doit être réputé plus léger ou plus grave : que les circonstances et les contingences varient chaque chose, cela est notoire. Mais néanmoins autrement sont considérées les choses par l’homme d’après sa lueur rationnelle, autrement par le juge d’après la loi, et autrement par le Seigneur d’après l’état du mental de l’homme ; c’est pour cela qu’il est dit, dénominations, inculpations, et après la mort imputations ; car par l’homme selon sa lueur rationnelle se font les dénominations, par le juge selon la loi se font les inculpations, et par le Seigneur selon l’état du mental de l’homme se font les imputations ; que ces trois choses diffèrent beaucoup entre elles, on peut le voir sans une exposition : en effet, l’homme, d’après la conviction rationnelle selon les circonstances et les contingences, peut absoudre quelqu’un que le juge, assis sur son siège, ne peut absoudre d’après la loi ; et le juge aussi peut absoudre quelqu’un, qui après la mort est condamné ; et cela, parce que le juge établit sa sentence selon les faits, mais que chacun après la mort est jugé selon les intentions de la volonté et de l’entendement qui résulte de la volonté, et selon les confirmations de l’entendement et de la volonté qui résulte de l’entendement ; ces intentions et ces confirmations, le juge ne les voit pas ; mais néanmoins l’un et l’autre jugement est juste, l’un en raison du bien de la société civile, l’autre en raison du bien de la société céleste.

486. VI. Les Adultères du premier degré sont les adultères d’ignorance, lesquels sont commis par ceux qui ne peuvent pas encore ou qui ne peuvent pas du tout consulter l’entendement ni par conséquent les réprimer. Tous les maux, par conséquent aussi les Adultères, considérés en eux-mêmes, appartiennent en même temps à l’homme Interne et à l’homme Externe ; l’homme Interne les a en intention, et l’homme Externe les fait ; tel est donc l’homme interne dans les actes qui sont faits par l’homme externe, tels sont les actes considérés en eux-mêmes : mais comme l’homme interne ne se manifeste pas avec son intention devant l’homme, chacun doit être jugé au tribunal des hommes d’après les faits et les paroles selon la loi établie et selon les prévoyances de cette loi ; le sens intérieur de la loi doit aussi être pesé mûrement par le juge. Mais des exemples vont illustrer ce sujet : Si par aventure l’adultère est commis par un adolescent qui ne sait pas encore que l’adultère est un mal plus grand que la fornication : si, pareillement, il est commis par un homme d’une extrême simplicité : s’il l’est par un homme qu’une maladie a privé de la pénétration du jugement ; ou par un homme qui, ainsi qu’il arrive à quelques-uns, est parfois dans le délire, et est alors dans l’état où se trouvent ceux qui sont dans un délire réel : puis aussi, s’il l’est dans une ivresse qui tienne de la folie, et ainsi du reste ; qu’alors l’homme interne, ou le mental, ne soit présent dans l’homme externe à peine autrement qu’il ne l’est dans un homme irrationnel, cela est évident : les adultères de ceux-là sont dénommés par l’homme rationnel selon ces circonstances ; néanmoins par ce même homme rationnel, comme juge, celui qui a commis l’adultère est inculpé et puni d’après la loi ; mais après la mort ces adultères sont imputés d’après la présence, la qualité et la faculté de l’entendement dans la volonté de ceux qui les ont commis.

487. VII. Les Adultères commis par eux sont légers. D’après ce qui a été dit ci-dessus, No 486, on le voit sans confirmation ultérieure ; en effet, on sait que la qualité de toute action, en général la qualité de toute chose, dépend des circonstances, et que celles-ci mitigent ou aggravent : mais les adultères de ce degré sont légers dans les premiers temps qu’ils sont commis ; et aussi ils restent légers en tant que, dans le cours suivant de sa vie, celui ou celle qui les a commis s’en abstient pour ces motifs qu’ils sont des maux contre Dieu, ou qu’ils sont des maux contre le prochain, ou qu’ils sont des maux contre le bien de la cité, et, d’après l’un ou l’autre de ces motifs, parce qu’ils sont des maux contre la raison ; au contraire, ils sont mis aussi au nombre des adultères graves si l’on ne s’en abstient pas pour l’un de ces motifs mentionnés : ainsi, cela est conforme à la Loi Divine, – Ézéch. XVIII. 21, 22, 24, et ailleurs. – Mais ces adultères ne peuvent être excusés et inculpés, ou être dénommés et jugés par l’homme comme légers ou graves, d’après ces circonstances, parce qu’elles ne se manifestent point devant lui, et même ne sont point de la compétence de son jugement ; c’est pourquoi il est entendu que c’est après la mort qu’ils sont ainsi réputés et imputés.

488. VIII. Les Adultères du second degré sont les adultères de désir libidineux, lesquels sont commis par ceux qui, il est vrai, peuvent consulter l’entendement, mais qui par des causes contingentes ne le peuvent pas dans ces moments. Chez l’homme, qui de naturel devient spirituel, il y a dans le commencement deux choses qui combattent l’une contre l’autre, lesquelles communément sont appelées l’esprit et la chair ; et comme l’amour du mariage appartient à l’esprit, et que l’amour de l’adultère appartient à la chair, il se fait aussi alors un combat entre ces deux amours ; si l’amour du mariage est vainqueur, il dompte et subjugue l’amour de l’adultère, ce qui a lieu par un éloignement ; mais s’il arrive que le désir libidineux de la chair soit excité à une ardeur au-delà de ce que l’esprit peut réprimer par la raison, il en résulte que l’état est renversé, et que l’ardeur du désir libidineux répand des amorces dans l’esprit, au point qu’il n’est plus maître de sa raison, ni de lui-même ; cela est entendu par les adultères du second degré, lesquels sont commis par ceux qui, il est vrai, peuvent consulter l’entendement, mais qui par des causes contingentes ne le peuvent pas dans ces moments. Soient des exemples pour illustration : Si une épouse prostituée captive par astuce le mental (animus) d’un homme, l’attirant au lit et l’enflammant au point qu’il ne soit plus maître de son jugement ; et plus encore, si même alors elle lui expose la honte qui en résulterait s’il ne consentait pas : pareillement, si une épouse prostituée emploie des prestiges, ou par des stimulants enflamme un homme au point que l’ardeur de la chair enlève à l’entendement le libre de la raison : de même, si un homme par de séduisantes sollicitations amène l’épouse d’un autre au point que sa volonté embrasée ne soit plus maîtresse d’elle-même ; outre d’autres cas semblables. Que ces contingences et d’autres de même genre atténuent la gravité de l’adultère, et tournent vers un côté plus doux les dénominations de blâme contre l’homme séduit ou la femme séduite, la raison est favorable à ce sentiment et y acquiesce. L’imputation de ce degré d’Adultère est traitée dans ce qui suit.

489. IX. Les Adultères commis par eux sont imputatoires, selon que dans la suite l’entendement les favorise ou ne les favorise point. Autant l’entendement favorise les maux, autant l’homme se les approprie et les fait siens ; la faveur est le consentement, et le consentement introduit dans le mental l’état d’amour pour eux ; il en est de même des adultères qui dans le commencement ont été faits sans le consentement de l’entendement, et qui sont favorisés ; le contraire arrive si dans la suite ils ne sont point favorisés : la raison de cela, c’est que les maux ou les adultères, qui sont faits dans l’aveuglement de l’entendement, sont faits d’après la convoitise du corps ; ils ressemblent à peu près aux instincts, tels que ceux-ci sont chez les bêtes : chez l’homme, il est vrai, l’entendement est présent lorsqu’ils sont faits, mais il est dans une force passive ou morte, et non dans une force active ou vive : de ces explications il résulte évidemment que de tels adultères ne sont imputés qu’en tant que dans la suite ils sont favorisés ou ne sont point favorisés. Par imputation il est entendu ici l’accusation (incusatio) après la mort, et par suite le jugement (judicatio), qui se fait selon l’état de l’esprit de l’homme ; mais il n’est pas entendu l’inculpation par l’homme devant le juge, celle-ci a lieu non pas selon l’état de l’esprit de l’homme, mais selon l’état du corps dans l’action ; s’il n’y avait pas une différence, après la mort seraient absous ceux qui sont absous dans le Monde, et seraient condamnés ceux qui y sont condamnés, et ainsi il n’y aurait pour ceux-ci aucune espérance de salut.

490. X. Les Adultères du troisième degré sont les adultères de la raison, lesquels sont commis par ceux qui confirment par l’entendement que ce ne sont point des maux de péché. Chaque homme sait qu’il existe une volonté et un entendement ; car, lorsqu’il parle, il dit : « Je veux cela » ; et : « Je comprends cela » ; toutefois, cependant, il ne fait pas de distinction, mais il fait l’un la même chose que l’autre ; et cela, parce qu’il réfléchit seulement sur les choses qui appartiennent à la pensée d’après l’entendement, et non à celles qui appartiennent à l’amour d’après la volonté, car celles-ci ne se présentent pas dans la lumière comme celles-là. Cependant, celui qui ne fait pas de distinction entre la Volonté et l’Entendement ne peut pas faire de distinction entre les maux et les biens, et par suite ne peut absolument rien savoir sur la coulpe du péché. Mais qui est-ce qui ne sait que le bien et le vrai sont deux choses distinctes, comme l’amour et la sagesse ? et qui est-ce qui, lorsqu’il est dans la lueur rationnelle, ne peut conclure de là qu’il y a dans l’homme deux choses qui les reçoivent distinctement et se les appliquent, et que l’une est la Volonté et l’autre l’Entendement, par la raison que ce que la Volonté reçoit et reproduit est appelé Bien, et que ce que l’Entendement reçoit est appelé Vrai, car ce que la Volonté aime et fait est appelé Bien, et ce que l’Entendement perçoit et pense est appelé Vrai ? Maintenant, comme il a été traité du Mariage du bien et du vrai dans la première Partie de cet Ouvrage, et qu’il y a été rapporté sur la Volonté et l’Entendement, et sur divers attributs et prédicats de l’un et de l’autre, un grand nombre de choses qui, ainsi que je le présume, sont perçues même par ceux qui n’avaient pensé distinctement aucune chose sur l’entendement et la volonté ; – car la raison humaine est telle qu’elle comprend les vrais d’après leur lumière, quoiqu’auparavant elle ne les ait pas distingués ; – c’est pourquoi, pour que les différences de l’entendement et de la volonté soient plus clairement perçues, je présenterai ici quelques particularités, afin qu’on sache quels sont les Adultères de la raison ou de l’entendement, et ensuite quels sont les Adultères de la volonté ; que les propositions suivantes servent de connaissance sur ce sujet : I. La Volonté seule ne fait rien d’elle-même, mais tout ce qu’elle fait, elle le fait par l’entendement. II. De l’autre côté aussi, l’Entendement seul ne fait rien de lui-même, mais tout ce qu’il fait, il le fait d’après la volonté. III. La Volonté influe dans l’entendement, et l’Entendement n’influe pas dans la volonté ; mais l’entendement enseigne ce que c’est que le bien et le mal, et consulte la volonté afin de choisir entre ces deux et faire ce qui lui plaît. IV. Après cela il se fait une double conjonction, l’une dans laquelle la volonté agit en dedans et l’entendement en dehors : l’autre dans laquelle l’entendement agit en dedans et la volonté en dehors : ainsi les Adultères de la raison, dont il s’agit ici, sont distingués des Adultères de la volonté, dont il est question plus loin : ils sont distingués, parce que l’un est plus grave que l’autre ; car l’Adultère de la raison est moins grave que l’Adultère de la volonté ; et cela, parce que dans l’adultère de la raison l’entendement agit en dedans et la volonté en dehors, tandis que dans l’adultère de la volonté, la volonté agit en dedans et l’entendement en dehors ; or la volonté est l’homme lui-même, et l’entendement est l’homme d’après la volonté ; et ce qui agit en dedans domine sur ce qui agit en dehors.

491. XI. Les Adultères commis par eux sont graves, et sont imputés selon les confirmations. L’entendement seul confirme, et quand il confirme, il attire la volonté dans son parti, et il la place autour de lui, et ainsi la contraint à la condescendance : les confirmations se font par des raisonnements que le Mental s’efforce de tirer soit de sa région supérieure, soit de sa région inférieure ; si c’est de la région supérieure, qui communique avec le Ciel, il confirme les mariages et condamne les adultères ; mais si c’est de la région inférieure, qui communique avec le Monde, il confirme les adultères et méprise les mariages. Chacun peut confirmer le mal de même que le bien, pareillement le faux et le vrai, et la confirmation du mal est perçue avec plus de délices que la confirmation du bien, et la confirmation du faux apparaît avec plus de lucidité que la confirmation du vrai ; la raison de cela, c’est que la confirmation du mal et du faux tire ses raisonnements des plaisirs, des voluptés, des apparences et des illusions des sens du corps, tandis que la confirmation du bien et du vrai tire ses raisons de la région au-dessus des sensuels du corps. Maintenant, puisque les maux et les faux peuvent être confirmés de même que les biens et les vrais, et puisque l’entendement qui confirme entraîne la volonté dans son parti, et que la volonté avec l’entendement forme le mental, il s’ensuit que la forme du mental humain est, selon les confirmations, tournée vers le ciel si ses confirmations sont pour les mariages, mais tournée vers l’enfer si elles sont pour les adultères ; et telle est la forme du mental de l’homme, tel est l’esprit de l’homme, par conséquent tel est l’homme. D’après ces explications ou voit donc que les Adultères de ce degré sont imputés après la mort selon les confirmations.

492. XII. Les Adultères du quatrième degré sont les adultères de la volonté, lesquels sont commis par ceux qui les considèrent comme licites et agréables, et qui ne les croient pas d’une telle importance qu’on doive à leur égard consulter l’entendement. Ces Adultères sont distingués des précédents par leurs origines ; l’origine de ces adultères vient de la volonté dépravée née avec l’homme, ou du mal héréditaire auquel l’homme, après être entré en possession de son jugement, a obéi aveuglément, en ne jugeant nullement à leur sujet s’ils étaient ou n’étaient pas des maux, aussi est-il dit qu’il ne les croit pas d’une telle importance qu’on doive à leur égard consulter l’entendement. Quant à l’origine des adultères qui sont appelés adultères de la raison, ils viennent d’un entendement perverti, et sont commis par ceux qui confirment que ces adultères ne sont point des maux de péché ; chez ceux-ci, c’est l’Entendement qui tient le premier rang ; chez ceux-là, c’est la Volonté. Ces deux différences ne se manifestent à aucun homme dans le Monde naturel, mais elles sont clairement vues par les Anges dans le monde spirituel ; dans ce Monde spirituel, tous sont en général distingués selon les maux qui jaillissent originairement de la volonté ou de l’entendement, et qui sont acceptés et appropriés ; ils sont aussi séparés selon ces maux dans l’enfer ; là, ceux qui sont méchants d’après l’entendement, habitent la partie antérieure, et sont appelés Satans, mais ceux qui sont méchants d’après la volonté, habitent la partie postérieure, et sont appelés Diables ; c’est en raison de cette différence universelle que dans la Parole il est fait mention de Salan et du Diable. Chez ces méchants, et aussi chez les adultères qui sont appelés satans, l’entendement tient le premier rang, et chez ceux qui sont appelés diables, la volonté tient le premier rang. Mais exposer ces différences au point que l’entendement les voie, cela n’est pas possible, à moins qu’on ne connaisse auparavant les différences de la volonté et de l’entendement, et aussi à moins qu’il ne soit fait une description de la formation du mental d’après la volonté par l’entendement, et de sa formation d’après l’entendement par la volonté ; la connaissance de ces sujets donnera de la lumière pour que les différences susmentionnées soient vues par la raison ; mais c’est là un travail qui formerait un volume.

493. XIII. Les Adultères commis par eux sont très-graves, et leur sont imputés comme maux de propos déterminé, et restent en eux comme délits. S’ils sont très-graves, et plus graves que les précédents, c’est parce qu’en eux la volonté tient le premier rang, tandis que l’entendement le tient dans les précédents, et parce que la vie de l’homme appartient essentiellement à sa volonté, et formellement à son entendement ; la raison de cela, c’est que la volonté fait un avec l’amour, et que l’amour est l’essence de la vie de l’homme, et se forme dans l’entendement par des choses qui concordent ; aussi l’entendement, considéré en lui-même, n’est-il autre chose que la forme de la volonté ; et comme l’amour appartient à la volonté, et que la sagesse appartient à l’entendement, c’est pour cela que la sagesse n’est autre chose que la forme de l’amour, et que pareillement le vrai n’est autre chose que la forme du bien. Ce qui découle de l’essence même de la vie de l’homme, ainsi ce qui découle de sa volonté ou de son amour, est principalement appelé propos déterminé (propositum) ; mais ce qui découle de la forme de sa vie, ainsi ce qui découle de l’entendement et de la pensée de l’entendement est appelé intention : le délit (reatus) aussi se dit principalement de la volonté ; de là il est dit que le reatus du mal chez chacun vient de l’héritage, mais que le mal vient de l’homme. C’est de là que ces adultères du quatrième degré sont imputés comme maux de propos déterminé, et restent comme délits.

494. XIV. Les Adultères du troisième et du quatrième degré sont des maux de péché, selon la quantité et la qualité de l’entendement et de la volonté en eux, soit qu’ils soient commis en acte, ou qu’ils ne soient pas commis en acte. Que les adultères de la raison ou de l’entendement, qui sont du troisième degré, et les adultères de la volonté, qui sont du quatrième degré, soient graves, et par conséquent des maux de péché, selon la qualité de l’entendement et de la volonté en eux, c’est ce qu’on peut voir par le commentaire qui en a été fait ci-dessus, Nos 490 à 493 ; cela vient de ce que l’homme est homme d’après la Volonté et l’Entendement ; car d’après ces deux existent non-seulement toutes les choses qui se font dans le Mental, mais encore toutes celles qui se font dans le Corps ; qui est-ce qui ne sait pas que le corps n’agit pas de lui-même, mais que la volonté agit par le corps ; puis aussi, que la bouche ne parle pas d’elle-même, mais que la pensée parle par la bouche ? C’est pourquoi, si la volonté était enlevée, à l’instant s’arrêterait l’action ; et si la pensée était enlevée, à l’instant s’arrêterait le langage de la bouche : de là il est bien évident que les adultères qui sont commis en actes sont graves selon la quantité et la qualité de l’entendement et de la volonté en eux ; qu’ils soient pareillement graves, s’ils ne sont pas commis en acte, on le voit par ces paroles du Seigneur : « Il a été dit par les anciens : Tu ne commettras point adultère. Mais Moi, je vous dis que, si quelqu’un regarde la femme d’un autre pour la convoiter, il a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. » – Matth. V. 27, 28 ; – commettre adultère par le cœur, c’est par la volonté. Il y a plusieurs causes qui font qu’un adultère n’est point adultère en acte, et que néanmoins il l’est par la volonté et par l’entendement ; en effet, il y en a qui s’abstiennent des adultères quant à l’acte, par crainte de la loi civile et des peines qu’elle inflige ; par crainte de la perte de la réputation, et par conséquent de l’honneur ; par crainte des maladies qui en résultent ; par crainte de querelles à la maison de la part de l’épouse, et par conséquent de la perte de la tranquillité de la vie ; par crainte de la vengeance du mari ou de quelque parent, par conséquent aussi par crainte d’être battus par des valets ; par indigence ou par avarice ; par faiblesse provenant ou de maladie, ou d’abus, ou d’âge, ou d’impuissance, et par conséquent par honte ; si quelqu’un, par ces motifs et par d’autres semblables, s’abstient des adultères en acte, et que cependant par la volonté et par l’entendement il soit pour eux, il n’en est pas moins adultère ; car il ne croit pas moins qu’ils ne sont point des péchés, et il les rend devant Dieu non illicites dans son esprit, et ainsi en esprit il les commet, quoique non de corps dans le Monde ; c’est pourquoi après la mort, quand il devient esprit, il parle ouvertement en leur faveur.

495. XV. Les Adultères par propos déterminé de la volonté, et les adultères par confirmation de l’entendement, rendent les hommes naturels, sensuels et corporels. L’homme est homme, et est distingué de la bête, par cela que son mental a été distingué en trois régions, autant qu’il y a de Cieux, et qu’il peut être élevé de la région infime dans la supérieure, et aussi de celle-ci dans la suprême, et ainsi devenir Ange d’un Ciel, et même du Troisième : c’est pour cette fin qu’il a été donné à l’homme la faculté d’élever l’entendement jusque-là ; mais si l’amour de sa volonté n’est pas élevé en même temps, il ne devient point spirituel, mais il demeure naturel ; néanmoins il retient la faculté d’élever l’entendement : la raison pour laquelle il retient cette faculté, c’est afin qu’il puisse être réformé, car il est réformé au moyen de l’entendement, ce qui a lieu par les connaissances du bien et du vrai, et par une intuition rationnelle d’après ces connaissances ; s’il les examine rationnellement, et qu’il y conforme sa vie, alors l’amour de la volonté est en même temps élevé, et dans ce degré l’humain est perfectionné, et l’homme devient de plus en plus homme. Il en est autrement s’il ne vit pas selon les connaissances du bien et du vrai, alors l’amour de sa volonté reste naturel, et son entendement, par alternatives, devient spirituel : car il s’élève de temps à autre, comme un aigle, et regarde en bas ce qui est au-dessous de son amour ; quand il le voit, il y vole en s’abaissant et s’y conjoint ; si donc les convoitises de la chair appartiennent à son amour, il s’élance de sa hauteur vers elles, et dans la conjonction avec elles il trouve son plaisir dans le leur ; et de nouveau, dans la recherche de la renommée afin d’être cru sage, il s’élève en haut, et ainsi par bonds de temps à autre, comme il vient d’être dit. Si les adultères du troisième et du quatrième degré, c’est-à-dire, ceux qui se sont faits adultères par propos déterminé de la volonté et par confirmation de l’entendement, sont complètement naturels, et deviennent progressivement sensuels et corporels, c’est parce qu’ils ont plongé l’amour de leur volonté et en même temps leur entendement dans les impuretés de l’amour scortatoire, et qu’ils s’en sont délectés, de même que les oiseaux et les bêtes immondes se délectent de puanteurs et d’excréments comme de choses délicates et friandes ; car les effluves qui s’élèvent de leur chair remplissent de leurs lies l’habitacle du mental, et font que la volonté ne sent rien de plus délicieux ni de plus désirable : ce sont eux qui, après la mort, deviennent des esprits corporels, et c’est d’eux que jaillissent les impuretés de l’Enfer et de l’Église, dont il a été parlé ci-dessus, Nos 430, 431.

496. Il y a trois Degrés de l’homme naturel ; dans le Premier sont ceux qui seulement aiment le Monde, en plaçant leur cœur dans les richesses ; ceux-ci sont proprement entendus par les Naturels : dans le Second degré sont ceux qui seulement aiment les plaisirs des sens, en plaçant leur cœur dans les luxures et dans les voluptés de tout genre ; ceux-ci sont proprement entendus par les Sensuels : dans le Troisième degré sont ceux qui seulement s’aiment eux-mêmes, en plaçant leur cœur dans la recherche de l’honneur ; ceux-ci sont proprement entendus par les Corporels ; la raison de cela, c’est qu’ils plongent dans le corps toutes les choses de la volonté et par conséquent de l’entendement, et qu’en arrière des autres, ils se regardent eux-mêmes et aiment seulement leurs propres ; mais les Sensuels plongent toutes les choses de la volonté et par conséquent de l’entendement dans les amorces et dans les illusions des sens, en s’abandonnant à elles seules ; et les Naturels répandent dans le Monde toutes les choses de la volonté et de l’entendement, acquérant des richesses avec avarice et fraude, et ne voyant en elles et d’après elles d’autre usage que celui de la possession. Les Adultères ci-dessus nommés font tomber les hommes dans ces degrés dégénérés, l’un dans celui-ci, l’autre dans celui-là, chacun selon l’agrément qui lui plaît, dont se forme son génie particulier.

497. XVI. C’est au point, qu’enfin ils rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion. Si les Adultères par propos déterminé et par confirmation rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion, c’est parce que l’amour du mariage et l’amour de l’adultère sont opposés, No 425, et que l’amour du mariage fait un avec l’Église et avec la Religion, voir No 130, et ailleurs çà et là dans la Première Partie ; de là, l’amour de l’adultère, comme étant opposé, fait un avec les choses qui sont contre l’Église. Si ces Adultères rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion, c’est parce que l’amour du mariage est opposé à l’amour de l’adultère comme le mariage du bien et du vrai est opposé à la connexion (connubium) du mal et du-faux, Nos 427, 428 ; et le mariage du bien et du vrai est l’Église, au lieu que le connubium du mal et du faux est l’Anti-Église. Si ces Adultères rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion, c’est parce que l’amour du mariage et l’amour de l’adultère sont opposés comme le Ciel et l’Enfer, No 429 ; et dans le Ciel est l’amour de toutes les choses de l’Église, au lieu que dans l’Enfer est la haine contre toutes les choses de l’Église. Si ces Adultères rejettent loin d’eux toutes les choses de l’Église et de la Religion, c’est aussi parce que leurs plaisirs commencent par la chair, et qu’ils appartiennent à la chair même dans l’esprit, Nos 440, 441 ; et la chair est contre l’esprit, c’est-à-dire, contre les spirituels de l’Église ; de là aussi les plaisirs de l’amour scortatoire sont appelés Voluptés de la folie. Si vous en désirez des démonstrations, adressez-vous, je vous prie, à ceux que vous savez être de tels adultères, et demandez-leur en secret ce qu’ils pensent de Dieu, de l’Église, et de la vie éternelle, et vous entendrez. La véritable cause, c’est que, de même que l’amour conjugal ouvre les intérieurs du mental, et ainsi les élève au-dessus des sensuels du corps jusque dans la lumière et la chaleur du Ciel, de même de l’autre côté l’amour de l’adultère ferme les intérieurs du mental, et plonge le mental lui-même, quant à sa volonté, dans le corps jusque dans toutes les convoitises de sa chair ; et plus il l’y plonge profondément, plus il le détourne et l’éloigne du Ciel.

498. XVII. Cependant ils jouissent toujours de la rationalité humaine comme les autres. Que l’homme naturel, le sensuel et le corporel soient rationnels quant à l’entendement de même que l’homme spirituel, c’est ce dont j’ai eu la preuve d’après des satans et des diables, qui étaient montés de l’Enfer par permission, et s’entretenaient avec des esprits angéliques dans le Monde des esprits, voir çà et là dans les MÉMORABLES ; mais comme l’amour de la volonté fait l’homme, et que cet amour entraîne l’entendement à consentir, c’est pour cela que ceux qui sont tels ne sont rationnels que dans un état éloigné de l’amour de la volonté ; mais quand ils retournent de nouveau dans cet amour, ils deviennent plus insensés que des bêtes féroces. D’ailleurs, sans la faculté d’élever l’entendement au-dessus de l’amour de la volonté, l’homme ne serait point un homme, il serait une bête, car la bête ne jouit point de cette faculté ; conséquemment il n’aurait pu rien choisir, ni faire d’après le choix ce qui est bien et ce qui est avantageux, et ainsi il n’aurait pu être réformé, ni être conduit au Ciel, ni vivre éternellement. De là vient que les Adultères par propos déterminé et par confirmation, quoiqu’ils soient entièrement naturels, sensuels et corporels, jouissent cependant, comme les autres, de la faculté de comprendre, ou de la rationalité ; mais quand ils sont dans le désir libidineux de l’adultère, et que d’après ce désir ils y pensent et en parlent, ils ne jouissent point de cette rationalité, parce qu’alors la chair agit contre l’esprit, et non l’esprit contre la chair. Mais il faut qu’on sache que ceux-ci enfin, après la mort, deviennent stupides, non pas que la faculté d’être sage leur soit ôtée, mais ils ne veulent pas être sages, parce que la sagesse leur cause du déplaisir.

499. XVIII. Mais ils se servent de cette rationalité quand ils sont dans les externes, et ils en abusent quand ils sont dans leurs internes. Ils sont dans les externes quand ils parlent hors de chez eux et dans une réunion, mais ils sont dans leurs internes quand ils sont à la maison ou avec eux-mêmes : si tu veux en faire l’expérience, empare-toi de quelqu’un de tel, par exemple, de quelqu’un de l’ordre des Jésuites, et fais qu’il parle dans une Réunion, ou qu’il prêche dans un Temple sur Dieu, sur les choses saintes de l’Église, et sur le Ciel et l’Enfer ; et en l’entendant tu le trouveras rempli de zèle rationnel plus que tout autre ; peut-être même te portera-t-il à pousser des gémissements et à verser des larmes au sujet du salut : mais prends-le dans ta maison, élève-le au-dessus des autres Ordres, appelle-le Père de la sagesse, et fais-t’en un ami, au point qu’il t’ouvre son cœur, et tu entendras ce qu’alors il te dira sur Dieu, sur les choses saintes de l’Église, et sur le Ciel et l’Enfer, à savoir, que ce sont des fantaisies et des chimères, et par conséquent des liens inventés pour les âmes, par lesquels grands et petits, riches et pauvres, sont pris et garrottés, et sont tenus sous le joug de leur domination. Que cela suffise pour illustration de ce qui est entendu quand il est dit que les hommes naturels, jusqu’aux hommes corporels, jouissent de la rationalité humaine comme les autres, mais qu’ils s’en servent quand ils sont dans les externes, et en abusent quand ils sont dans leurs internes. La conclusion à tirer de là, c’est qu’il faut non pas juger d’une personne d’après la sagesse de sa bouche, mais en juger en même temps d’après la sagesse de sa vie.

 

 

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500. À ce qui précède j’ajouterai ce MÉMORABLE. Un jour, dans le Monde des Esprits, j’entendis un grand tumulte : c’étaient des milliers d’esprits rassemblés qui criaient : QU’ILS SOIENT PUNIS ! QU’ILS SOIENT PUNIS ! Je m’approchai plus près, et je demandai ce que c’était. Un esprit, séparé de cette grande Assemblée, me dit : « Ils sont dans l’emportement de la colère contre trois Prêtres, qui vont çà et là, et prêchent partout contre les adultères, en disant que les adultères ne reconnaissent pas Dieu ; que le Ciel leur a été fermé, et  l’Enfer ouvert ; et que dans l’Enfer, ce sont des diables immondes, parce qu’ils y apparaissent de loin comme des pourceaux se vautrant dans la fange, et que les Anges du Ciel les ont en abomination. » Je demandai où étaient ces Prêtres, et pourquoi l’on poussait à ce sujet de si grands cris. Il répondit : « Ces trois Prêtres sont au milieu d’eux sous la garde de satellites, et ceux qui sont assemblés sont de ceux qui croient que les adultères ne sont point des péchés, et qui disent que les adultères reconnaissent Dieu, de même que ceux qui s’attachent à leurs épouses ; tous ceux-là viennent du Monde Chrétien ; et des Anges ont été voir combien il y en avait parmi eux qui croyaient que les adultères sont des péchés, et sur mille il ne s’en est pas trouvé cent. » Alors il me dit que ces neuf cents parlent ainsi des adultères : « Qui est-ce qui ne sait pas que le plaisir de l’adultère est bien au-dessus du plaisir du mariage ; que les adultères sont dans une chaleur perpétuelle, et par suite dans une gaîté, une habileté et une vie active, bien plus que ceux qui vivent avec une seule femme ; qu’au contraire l’amour avec une épouse se refroidit, et parfois au point qu’enfin à peine si un seul mot de conversation et de société avec elle a de la vie, tandis qu’il en est autrement avec les courtisanes ; que l’état languissant de la vie avec une épouse, état qui résulte du manque de puissance, est réparé et ranimé par les scortations ? Et ce qui répare et ranime ne vaut-il pas mieux que ce qui rend languissant ? Qu’est-ce que le mariage, sinon une scortation permise ? Qui est-ce qui y connaît une différence ? Est-ce que l’amour peut être contraint ? Et cependant l’amour avec une épouse est contraint par une alliance et par les lois. L’amour avec le conjoint n’est-il pas l’amour du sexe ? Et cet amour est si universel, qu’il est même chez les oiseaux et chez les bêtes. Qu’est-ce que l’amour conjugal, sinon l’amour du sexe ? Et l’amour du sexe est libre avec toute femme. Si les lois civiles sont contre les adultères, c’est parce que les législateurs ont cru que le bien public l’exigeait ; et cependant ces législateurs et les juges commettent quelquefois l’adultère, et disent entre eux : Que celui qui est sans péché jette la première pierre. Il n’y a que les simples et les hommes religieux qui croient que les adultères sont des péchés, et il n’en est pas de même des hommes intelligents qui considèrent, comme nous, les adultères d’après la lumière de la nature. Est-ce qu’il ne naît pas des enfants des adultères de même que des mariages ? Est-ce que les bâtards ne sont pas habiles et propres à remplir des charges et des emplois de même que les légitimes ? Et, en outre, il est pourvu à des familles qui autrement seraient stériles ; n’est-ce pas là un avantage et non un préjudice ? En quoi est-il nuisible à une épouse d’admettre plusieurs rivaux ? Et en quoi cela est-il nuisible au mari ? S’il y a déshonneur pour le mari, c’est une opinion frivole fondée sur une pure fantaisie. Si l’adultère est contre les lois et les statuts de l’Église, c’est d’après l’Ordre Ecclésiastique à cause du pouvoir, mais qu’est-ce que la théologie et le spirituel ont de commun avec un délice purement corporel et charnel ? N’y a-t-il pas des prêtres et des moines qui sont adultères ? Est-ce que pour cela ils ne peuvent ni reconnaître ni adorer Dieu ? Pourquoi donc ces trois Prêtres prêchent-ils que les adultères ne reconnaissent point Dieu ? Nous ne pouvons tolérer de tels blasphèmes ; qu’ils soient donc jugés et punis. » Après cela je vis qu’ils appelaient des Juges, auxquels ils demandèrent que des peines fussent prononcées contre eux ; mais les Juges dirent : « Ceci n’est point de notre compétence ; car il s’agit de la reconnaissance de Dieu, et du péché, et par conséquent de la salvation et de la damnation ; la sentence sur de tels sujets viendra du Ciel : mais nous vous donnerons un conseil sur la manière de savoir si ces trois Prêtres ont prêché des vérités : Il y a trois LIEUX que nous, Juges, nous connaissons, où de tels sujets sont examinés et révélés d’une manière singulière : Le PREMIER c’est où est ouvert à tous un chemin pour le Ciel ; mais quand on arrive dans le Ciel, on perçoit soi-même quel on est quant à la Reconnaissance de Dieu : le SECOND lieu, c’est où est aussi ouvert un chemin pour le Ciel ; mais nul ne peut entrer dans ce chemin, que celui qui a en soi le Ciel : et le TROISIÈME lieu, c’est où il y a un chemin pour l’Enfer, et ceux qui aiment les choses infernales entrent dans ce chemin spontanément, parce que c’est d’après leur plaisir : nous, Juges, nous envoyons vers ces lieux tous ceux qui réclament de nous un jugement au sujet du Ciel et de l’Enfer. » Après avoir entendu ces paroles, ceux qui s’étaient assemblés dirent : « Allons vers ces lieux. » Et quand ils arrivèrent au PREMIER, où est ouvert à tous un chemin pour le Ciel, aussitôt il y eut obscurité ; c’est pourquoi quelques-uns d’eux allumèrent des torches, et les portèrent devant ; les juges qui étaient avec eux leur dirent : « Ceci arrive à tous ceux qui vont vers le Premier lieu, mais à mesure qu’ils approchent, le feu des torches devient plus faible, et dans le lieu même il est éteint par la lumière du Ciel qui influe, ce qui est un signe qu’on y est arrivé ; cela vient de ce que d’abord le Ciel pour eux est fermé, et qu’ensuite il est ouvert. » Et ils arrivèrent dans ce lieu, et les torches s’étant éteintes d’elles-mêmes, ils virent un chemin se dirigeant obliquement en haut vers le Ciel ; ceux qui étaient dans l’emportement de la colère contre les trois Prêtres y entrèrent ; parmi les premiers étaient les Adultères par propos déterminé, après eux les Adultères par confirmation ; et en montant les premiers criaient : « Suivez-nous. » Et ceux qui suivaient criaient : « Hâtez-vous. » Et ils les pressaient. Après une petite heure, comme ils étaient tous en dedans d’une Société céleste, il apparut un abîme entre eux et les Anges, et la Lumière du Ciel influant au-dessus de cet abîme dans leurs yeux ouvrit les intérieurs de leur mental, ce qui les força de parler comme ils pensaient intérieurement ; et alors il leur fut demandé par les Anges s’ils reconnaissaient qu’il y a un Dieu. Les premiers, qui étaient des Adultères par propos déterminé de la volonté, répondirent : « Qu’est-ce que Dieu ? » Et ils se regardèrent les uns les autres, et dirent : « Qui de vous l’a vu ? » Les seconds, qui étaient des Adultères par confirmation de l’entendement, dirent : « Est-ce que tout n’appartient pas à la nature ? Qu’y a-t-il au-dessus d’elle, si ce n’est le Soleil ? » Et alors les Anges leur dirent : « Retirez-vous d’avec nous ; maintenant, vous percevez vous-mêmes qu’il n’y a point en vous reconnaissance de Dieu ; quand vous descendrez, les intérieurs de votre mental se fermeront, et les extérieurs s’ouvriront, et alors vous pourrez parler contre les intérieurs, et dire qu’il y a un Dieu ; soyez assurés que, dès qu’un homme devient en actualité adultère, le Ciel lui est fermé, et le Ciel étant fermé, Dieu n’est point reconnu ; apprenez-en la cause : Tout ce qui est immonde dans l’enfer vient des adultères, et cela pue dans le Ciel comme la fange pourrie des rues. » Après qu’ils eurent entendu ces choses, ils se retournèrent, et descendirent par trois chemins ; et quand ils furent en bas, les premiers et les seconds, s’entretenant ensemble, disaient : « Là, les Prêtres ont vaincu ; mais nous savons que nous, de même qu’eux, nous pouvons parler de Dieu ; et quand nous disons qu’il existe, est-ce que nous ne le reconnaissons pas ? Les Intérieurs et les Extérieurs du mental, dont les Anges ont parlé, sont des inventions. Mais allons vers le second Lieu désigné par les Juges, où le chemin pour la Ciel est ouvert à ceux qui ont le Ciel en eux, ainsi à ceux qui doivent aller au Ciel. » Et quand ils en approchèrent, il sortit de ce Ciel une voix. « Fermez les portes ; des Adultères sont près d’ici. » Et aussitôt les portes furent fermées ; et des gardes, ayant des bâtons à la main, les chassèrent ; et ils délivrèrent d’entre les mains de ceux qui les gardaient les trois Prêtres, contre lesquels le tumulte avait été excité, et ils les introduisirent dans le Ciel ; et à l’instant où la Porte fut ouverte pour les Prêtres, le plaisir du mariage s’exhala du Ciel sur les rebelles ; et ce plaisir, étant chaste et pur, les priva presque de la respiration ; craignant donc de tomber en défaillance par suffocation, ils se hâtèrent d’aller vers le troisième Lieu, au sujet duquel les Juges avaient dit que de là parlait un chemin vers l’Enfer ; et alors de là s’exhalait le plaisir de l’adultère, ce qui fit que ceux qui étaient adultères par propos déterminé, et ceux qui l’étaient par confirmation, furent tellement vivifiés, qu’ils descendirent presqu’en sautant, et se plongèrent là dans la fange comme des pourceaux.

 

 

 

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE DÉFLORATION.

 

 

501. Les Désirs libidineux dont il s’agit dans les quatre Chapitres qui suivent sont non-seulement des désirs libidineux d’adultère, mais sont plus graves qu’eux, puisqu’ils n’existent que d’après les adultères, car on en est saisi lorsqu’on s’est dégoûté des adultères ; ainsi, le Désir libidineux de défloration, dont il s’agit d’abord, lequel ne peut pas commencer auparavant chez quelqu’un ; pareillement le Désir libidineux de variétés, le Désir libidineux de viol, et le Désir libidineux de séduire les innocences, dont il est ensuite traité. Ils sont appelés Désirs libidineux, parce que autant et tel est le Désir libidineux pour ces actes, autant et telle est l’appropriation qui en est faite. Quant à ce qui concerne spécialement le Désir libidineux de défloration, afin qu’il y ait conviction évidente que c’est une infamie, cela va être manifesté en ordre dans les Articles suivants : I. De l’état de vierge ou de femme intacte avant le mariage et après le mariage. II. La Virginité est la couronne de la chasteté, et le gage de l’amour conjugal. III. La défloration sans but de mariage est une infamie de brigand. IV. Le sort de ceux qui ont confirmé chez eux que le désir libidineux de défloration n’est point un mal de péché est dur après la mort. Suit l’Explication des Articles.

502. I. De l’état de vierge ou de femme intacte avant le mariage et après le mariage. Quel est l’état d’une vierge avant qu’elle ait été instruite des diverses particularités du flambeau conjugal, c’est ce qui m’a été manifesté dans le Monde spirituel par des épouses qui étaient sorties du Monde naturel dans leur enfance, et avaient reçu leur éducation dans le Ciel. Elles m’ont dit que, dès qu’elles étaient parvenues à l’état nubile, elles avaient, en voyant des couples d’époux, commencé à aimer la vie conjugale, mais dans le seul but d’être appelées épouses, et de vivre en société d’amitié et de confiance avec un seul homme, et aussi de devenir maîtresses d’elles-mêmes en quittant la maison d’obéissance ; elles m’ont dit aussi qu’au sujet du mariage elles avaient pensé seulement à la béatitude de l’amitié et de la confiance mutuelles avec un homme qui partagerait leur sort, et nullement aux délices d’aucune flamme ; mais que leur état virginal avait été changé, après les noces, en un nouvel état, dont elles n’avaient rien su auparavant ; et elles ont déclaré que cet état était l’état d’expansion de toutes les choses de la vie de leur corps, depuis les premiers jusqu’aux derniers, pour recevoir les dons de leur mari, et pour les unir à leur vie, afin de devenir ainsi amour du mari et épouse ; que cet état avait commencé au moment de la défloration, et qu’après cette défloration la flamme de l’amour avait brûlé pour le mari seul, et qu’elles avaient senti les délices célestes de cette expansion ; et que, comme chaque épouse a été introduite dans cet état par son mari, et que cet état vient de lui, et par conséquent est à lui dans elle, elle ne peut absolument aimer que lui seul. Par ces déclarations il a été manifesté quel est l’état des vierges dans le Ciel avant le mariage et après le mariage : que sur la terre il y ait un semblable état pour les vierges et les épouses qui sont unies par de premiers liens heureux, cela n’est point inconnu ; quelle vierge peut connaître ce nouvel état avant que d’y être ? Demandez, et vous l’entendrez : il en est autrement chez celles qui avant le mariage recherchent par suite d’instruction les attraits du plaisir.

503. II. La Virginité est la couronne de la chasteté, et le gage de l’amour conjugal. La Virginité est appelée couronne de chasteté, parce qu’elle couronne la chasteté du mariage, et qu’elle est aussi la marque de la chasteté, c’est pourquoi la fiancée porte dans les noces une couronne sur sa tête : elle est aussi la marque de la sainteté du mariage ; car la fiancée, après la fleur virginale, se donne et se consacre tout entière au fiancé alors mari, et le mari à son tour se donne et se consacre tout entier à la fiancée alors épouse. La Virginité est aussi appelée gage de l’amour conjugal, parce qu’elle appartient à l’alliance, et qu’il y a alliance pour que l’amour les unisse en un seul homme, ou en une seule chair. Les maris eux-mêmes avant les noces regardent aussi la virginité de la fiancée comme la couronne de sa chasteté, et comme le gage de l’amour conjugal, et enfin comme l’objet désirable même d’après lequel doivent commencer et se perpétuer les délices de cet amour. D’après ces considérations et les choses qui précèdent, on voit qu’après que la ceinture a été ôtée, et la virginité sacrifiée, la vierge devient épouse, et que si elle ne devient point épouse, elle devient prostituée ; car le nouvel état, dans lequel elle est alors introduite, est l’état de l’amour pour son mari, et si ce n’est pas pour son mari, c’est un état de désir libidineux.

504. III. La défloration sans but de mariage est une infamie de brigand. Certains adultères ont un ardent désir de déflorer des vierges, et par suite aussi des petites filles dans leur âge d’innocence : ils les attirent à de tels actes, ou par les persuasions d’entremetteuses, ou par les cadeaux qu’ils leur font, ou par des promesses de mariage ; et ces hommes après la défloration les abandonnent, et en cherchent d’autres et encore d’autres : qu’on ajoute à cela qu’ils trouvent leurs plaisirs, non pas avec les anciennes, mais avec de nouvelles continuellement ; et que ce désir libidineux s’accroît jusqu’à devenir le principal plaisir de leur chair. Ils y joignent encore cette scélératesse, c’est que, par divers artifices, ils sollicitent des jeunes filles sur le point d’être mariées, ou aussitôt après les noces, à leur offrir les prémices du mariage, que même de cette manière ils souillent salement. J’ai entendu dire aussi que, quand cette ardeur avec sa puissance leur manque, ils se glorifient du nombre de virginités comme d’autant de toisons d’or de Jason. Cette infamie, qui est le crime de corruption (stuprum), ayant commencé dans l’âge de la force, et étant ensuite corroborée par des vanteries, reste enracinée, et par conséquent insitée après la mort. Quelle est cette infamie, on le voit d’après ce qui a été dit ci-dessus, que la virginité est la couronne de la chasteté, le gage du futur amour conjugal, et que la vierge consacre son âme et sa vie à celui à qui elle consacre sa virginité ; c’est aussi sur elle que sont fondées l’amitié conjugale et l’assurance de cette amitié ; et de plus, la femme déflorée par de tels hommes, après que cette porte de l’amour conjugal a été brisée, dépose toute pudeur et devient une prostituée, et c’est aussi ce brigand qui en est la cause. Si, après s’être livrés à ces satyriasis et à ces profanations de chastetés, ces brigands eux-mêmes tournent leurs idées vers le mariage, ils ne roulent dans leur mental autre chose que la virginité de leur future épouse ; et, quand ils l’ont prise, ils dédaignent le lit et la chambre à coucher ; bien plus encore, excepté les jeunes filles, ils méprisent tout le sexe féminin ; et comme de tels hommes sont violateurs du mariage, et contempteurs du sexe féminin, et par conséquent voleurs spirituels, il est évident que la Némésis Divine les poursuit.

505. IV. Le sort de ceux qui ont confirmé chez eux que le désir libidinaux de défloration n’est point un mal de péché est dur après la mort. Leur sort est celui-ci : Après qu’ils ont passé dans le Monde des esprits le premier temps, qui est un temps de modestie et de moralité, parce qu’ils sont en compagnie d’esprits angéliques, ils sont aussitôt, de leurs externes, introduits dans leurs internes, et alors dans les convoitises qui les avaient séduits dans le Monde ; et ils sont introduits dans leurs convoitises, afin qu’il apparaisse dans quel degré ils y avaient été ; et, si c’est à un faible degré, afin qu’ils en sortent après y avoir été introduits, et qu’ils en rougissent. Mais ceux qui avaient été dans ce pernicieux désir libidineux, au point d’y trouver un suprême délice, et qui se sont glorifiés de ces vols comme de dépouilles opimes, ne s’en laissant point détourner ; c’est pourquoi ils sont abandonnés à leur libre, et aussitôt ils errent de tout côté et cherchent des lieux de prostitution, et dès qu’on leur en indique, ils y entrent ; ces lieux sont sur les côtés de l’enfer ; mais, comme ils n’y rencontrent que des prostituées, ils s’en vont, et s’enquièrent où il y a des vierges ; et alors ils sont conduits vers des courtisanes qui, par une fantaisie, peuvent se donner une beauté suréminente et l’éclat fleuri de la jeunesse, et prétendre être vierges, auprès desquelles ils brûlent de désir de la même manière que dans le Monde ; en conséquence ils font un marché avec elles ; mais lorsqu’ils sont sur le point de mettre à exécution le marché, la fantaisie introduite d’après le Ciel est enlevée, et alors ces vierges apparaissent dans leur difformité, monstrueuses et basanées ; cependant ils sont forcés de s’attacher à elles pendant une petite heure ; ces courtisanes sont appelées Sirènes. Mais si par de telles fascinations ils ne se laissent point détourner de cet extravagant désir libidineux, ils sont jetés dans un Enfer qui est aux limites du midi et de l’occident sous l’Enfer des prostituées les plus astucieuses, et là ils sont associés à leurs semblables. Il m’a été donné de les voir dans cet Enfer, et il m’a été dit qu’il y avait là beaucoup de gens de noble extraction et des plus opulents ; mais comme ils avaient été tels dans le Monde, tout souvenir de leur extraction et des dignités qu’ils tenaient de leur opulence leur est enlevé, et il s’introduit en eux une persuasion d’avoir été de vils esclaves, et indignes par conséquent de tout honneur. Entre eux, il est vrai, ils apparaissent comme des hommes, mais aux yeux de ceux à qui il est permis de regarder dans cet enfer, ils apparaissent comme des Singes, avec une face affreuse au lieu d’une face agréable, et un air hideux au lieu d’un air gai ; ils marchent les reins contractés, et par conséquent ils sont courbés, la partie supérieure penchée en avant comme s’ils allaient tomber, et ils sentent mauvais : ils dédaignent le sexe et se détournent de celles qu’ils voient, car ils n’ont aucun désir pour elles. Tels ils apparaissent de près, mais de loin ils apparaissent comme des Chiens de complaisance ou de petits Chiens de délices, et l’on entend aussi comme une sorte d’aboiement dans le son de leur langage.

 

 

 

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE VARIÉTÉS.

 

 

506. Par le Désir libidineux de variétés, dont il s’agit ici, il n’est pas entendu le Désir libidineux de fornication dont il a été traité dans un Chapitre particulier ; celui-ci, quoiqu’il ait coutume d’être confus et vague, n’amène pas cependant le désir libidineux de variétés, à moins qu’il ne dépasse les bornes, et que le fornicateur ne considère le nombre, et ne s’en vante d’après la cupidité ; cette idée fait le commencement de ce désir libidineux, mais quel il devient dans sa progression, on ne peut le percevoir distinctement que dans une certaine série, comme celle qui va suivre : I. Par le Désir libidineux de variétés il est entendu le désir libidineux d’une scortation tout à fait dissolue. II. Ce Désir libidineux est un amour et en même temps un dédain pour le sexe. III. Ce Désir libidineux anéantit entièrement l’amour conjugal chez soi. IV. Le sort de ceux qui s’abandonnent à ce désir libidineux est misérable après la mort, parce qu’en eux il n’y a pas l’intime de la vie. L’explication de ces Articles va suivre.

507. I. Par le Désir libidineux de variétés il est entendu le désir libidineux d’une scortation tout à fait dissolue. Ce Désir libidineux s’insinue chez ceux qui dans la jeunesse ont relâché les liens de la pudicité, et qui ont eu à leur disposition une foule de femmes débauchées, surtout si l’opulence pour subvenir aux demandes d’argent n’a pas manqué : ils sèment et enracinent en eux ce désir libidineux par des scortations désordonnées et illimitées, par des pensées de nulle pudeur sur l’Amour du sexe féminin, et par des confirmations que les Adultères ne sont point des maux, et ne sont nullement des péchés. Ce Désir libidineux chez eux, dans sa progression, s’accroît au point qu’ils convoitent les femmes du Monde entier, et qu’ils en veulent par troupes, et chaque jour une nouvelle.

Comme ce désir libidineux s’élance hors du commun amour du sexe, implanté dans chaque homme, et entièrement hors de l’amour d’une seule personne du sexe, qui est l’amour conjugal, et se jette dans les extérieurs du cœur comme un délice d’amour séparé de ces deux amours, et cependant dérivé d’eux, c’est pour cela qu’il s’enracine dans les cuticules si profondément, qu’il reste dans le toucher, après que les forces se sont affaiblies. Ceux-ci considèrent comme rien les adultères ; c’est pourquoi, dans leurs pensées, ils regardent tout le sexe féminin comme une prostituée commune, et le mariage comme une prostitution commune, et ainsi ils mêlent l’impudicité à la pudicité, et d’après ce mélange ils deviennent insensés. Par ces explications on voit clairement ce qui est entendu par le Désir libidineux de variétés, à savoir, que c’est le Désir libidineux d’une scortation tout à fait dissolue.

508. II. Ce Désir libidineux est un amour et en même temps un dédain pour le sexe. Il y a en eux un amour pour le sexe, parce que c’est du sexe que vient la variété, et il y a un dédain pour le sexe, parce qu’après la jouissance ils rejettent la femme et portent leur désir sur d’autres : cet obscène désir libidineux s’embrase pour une femme nouvelle, et après l’ardeur il se refroidit pour elle ; et le froid est un dédain. Que ce désir libidineux soit un amour et en même temps un dédain pour le sexe, c’est ce qui peut être illustré de cette manière : Qu’on suppose à gauche nombre de femmes dont ils ont joui, et à droite nombre de femmes dont ils n’ont pas joui, est-ce qu’ils ne regarderont pas celles-ci avec amour, et celles-là avec dédain ? Et cependant les unes et les autres sont du sexe.

509. III. Ce Désir libidineux anéantit entièrement l’amour conjugal chez soi. C’est parce que ce désir libidineux est entièrement opposé à l’amour conjugal, et tellement opposé, que non-seulement il le met en pièces, mais même le réduit pour ainsi dire en poudre, et ainsi l’anéantit ; car l’amour conjugal est pour une seule du sexe, tandis que ce désir libidineux ne s’arrête pas chez une seule, mais après une heure ou un jour, il y a pour elle autant de froideur qu’il y avait d’ardeur auparavant ; et comme la froideur est un dédain, ce dédain par une cohabitation et un séjour contraints augmente jusqu’à exciter le dégoût, et ainsi l’amour conjugal est consumé au point qu’il n’en reste pas la moindre chose. D’après cela on peut voir que ce désir libidineux est mortel pour l’amour conjugal ; et que, comme l’amour conjugal fait l’intime de la vie chez l’homme, il est mortel pour la vie de l’homme ; et que ce désir libidineux par les interceptions et les fermetures successives des intérieurs du mental, devient enfin cutané, et ainsi entièrement séduisant, la faculté de comprendre ou la rationalité restant toujours.

510. IV. Le sort de ceux (qui s’abandonnent à ce désir libidineux) est misérable après la mort, parce qu’en eux il n’y a pas l’intime de la vie. Chacun possède l’excellence de la vie selon son amour conjugal, car cette excellence se conjoint avec la vie de l’épouse, et s’exalte par la conjonction ; mais comme chez ceux dont il est question il ne reste rien de l’amour conjugal, ni par suite rien de l’intime de la vie, c’est pour cela que leur sort après la mort est misérable. Après la période de temps passée dans leurs externes, dans lesquels ils parlent rationnellement et agissent civilement, ceux-ci sont mis dans leurs internes, et alors dans un semblable désir libidineux et dans ses plaisirs, au même degré qu’ils y avaient été dans le Monde ; car chacun après la mort est introduit dans le même état de vie qu’il s’était approprié, afin qu’il en soit détourné ; en effet, personne ne peut être détourné de son mal, à moins qu’auparavant il n’y ait été introduit ; autrement le mal se renfermerait, souillerait les intérieurs du mental et se répandrait comme une peste, et ensuite il romprait les barrières, et ravagerait les externes qui appartiennent au corps. C’est pour cette raison qu’il leur est ouvert, sur le côté de l’enfer, des lieux de débauche, où sont des prostituées avec lesquelles ils ont la faculté de varier leurs désirs libidineux, mais cela leur est accordé avec une seule par jour, et leur est interdit, sous une certaine peine, avec plusieurs le même jour. Ensuite, quand après examen il a été reconnu que ce désir libidineux a été tellement enraciné, qu’ils ne peuvent en être détournés, ils sont conduits vers un certain lieu, situé immédiatement au-dessus de l’Enfer qui leur a été destiné, et alors ils apparaissent à eux-mêmes comme s’ils tombaient en défaillance, et aux autres comme s’ils s’enfonçaient avec le visage tourné en haut ; et le sol s’ouvre réellement aussi sous leur dos, et ils sont engloutis et tombent dans l’Enfer où sont leurs semblables ; ainsi ils sont recueillis vers les leurs. Il m’a été donné de les y voir, et aussi de parler avec eux ; ils apparaissent entre eux comme des hommes, ce qui leur est donné afin qu’ils ne soient point pour leurs compagnons des objets de terreur, mais à une certaine distance ils sont vus la face constamment blanche, comme s’il n’y avait que de la peau ; et cela, parce qu’en eux il n’y a pas la vie spirituelle que chacun possède selon le conjugal insité en lui. Leur langage est sec, glapissant et triste ; quand ils ont faim, ils se lamentent, et leurs lamentations sont entendues comme le frémissement d’un son particulier : ils ont leurs vêtements déchirés, et leurs haut-de-chausses retirés au-dessus du ventre autour de la poitrine, parce qu’ils n’ont point de lombes, mais à la région du bas-ventre commencent les talons de leurs pieds ; cela vient de ce que les lombes chez les hommes correspondent à l’amour conjugal, et que cet amour n’est point chez de tels hommes. Ils disaient qu’ils dédaignaient le sexe, parce qu’ils n’ont aucune puissance. Cependant entre eux ils peuvent raisonner sur divers sujets comme d’après la rationalité ; mais, parce qu’ils sont cutanés, ils raisonnent d’après les illusions des sens. Cet Enfer est dans la plage occidentale du côté du septentrion. Or, ces mêmes hommes, vus de loin, apparaissent non comme des hommes, ni comme des monstres, mais comme de la gélatine. Toutefois, il faut qu’on sache que tels deviennent ceux qui se sont imbus de ce désir libidineux, à un tel degré qu’ils ont mis en pièces et anéanti chez eux le Conjugal humain.

511. Par le Désir libidineux de viol il n’est pas entendu le Désir libidineux de défloration ; ce désir-ci est un viol de virginités, et non de vierges, quand la défloration a lieu avec consentement ; mais le Désir libidineux de viol, dont il s’agit ici, s’amortit devant le consentement, et s’enflamme par le refus ; et c’est une ardeur de violer les femmes, quelles qu’elles soient, qui refusent absolument et qui résistent impétueusement, soit qu’elles soient vierges, ou veuves, ou épouses ; de tels hommes sont comme des brigands et des pirates, qui trouvent leur plaisir dans les choses ravies et pillées, et non dans celles qui sont données ou justement acquises ; ils sont aussi comme des malfaiteurs qui désirent avidement ce qui est illicite et défendu, et méprisent ce qui est licite et permis : ces violateurs ont absolument en aversion le consentement, et sont enflammés par la résistance, et s’ils s’aperçoivent qu’elle n’est pas interne, aussitôt l’ardeur de leur désir libidineux s’éteint, comme le feu quand on jette de l’eau dessus. Il est bien connu que les épouses ne se soumettent pas spontanément à la disposition de leurs maris quant aux derniers effets de l’amour, et que par prudence elles résistent comme elles résisteraient à des viols, dans le but d’ôter aux maris le froid qui vient du commun en ce que la chose est toujours permise, et qui vient aussi de l’idée de lasciveté de leur part : et ces résistances, quoiqu’elles enflamment, ne sont pas pourtant les causes de ce désir libidineux, mais elles en sont les commencements : la cause de ce désir, c’est qu’après que l’amour conjugal, et aussi l’amour scortatoire, se sont usés par les exercices, ils veulent, pour qu’ils soient réparés, être enflammés par des résistances absolues : ce désir libidineux, ainsi commencé, s’accroît dans la suite ; et, à mesure qu’il s’accroît, il méprise et rompt toutes les bornes de l’amour du sexe, et s’extermine lui-même ; et de lascif, corporel et charnel l’amour devient cartilagineux et osseux, et alors d’après les périostes, qui jouissent d’une sensibilité aiguë, il devient aigu. Néanmoins ce désir libidineux est rare, parce qu’il n’existe que chez ceux qui sont entrés dans le mariage, et se sont alors livrés à des scortations jusqu’au point qu’elles sont devenues insipides : outre cette cause naturelle de ce désir libidineux, il y a aussi une cause spirituelle, dont il sera dit quelque chose dans la suite.

512. Leur sort après la mort est celui-ci : Alors ces violateurs se séparent spontanément de ceux qui sont dans l’amour limité du sexe, et tout à fait de ceux qui sont dans l’amour conjugal, par conséquent ils se séparent du Ciel : ensuite ils sont envoyés vers de très-astucieuses prostituées, qui non-seulement par persuasion, mais même par une parfaite imitation, telle qu’est celle des actrices, peuvent feindre et représenter comme si elles étaient des chastetés mêmes ; ces prostituées distinguent très-bien ceux qui sont dans ce désir libidineux ; devant eux elles parlent de la chasteté et de son grand prix ; et quand le violateur s’approche et les touche, elles s’emportent et fuient, comme de terreur, dans un cabinet où il y a une couchette et un lit, et elles ferment légèrement la porte après elles, et se reposent ; et ensuite par leur art elles inspirent au violateur un désir effréné de secouer la porte, de s’élancer dans le cabinet et de les assaillir ; quand cela arrive, la prostituée, se dressant sur ses pieds, commence contre le violateur à combattre des mains et des ongles, lui égratignant le visage, lui déchirant les habits, criant d’une voix furibonde aux prostituées ses compagnes, comme à des servantes, pour avoir du secours, et ouvrant la fenêtre en s’écriant : Au voleur ! au brigand ! à l’assassin ! et quand le violateur est en disposition, elle se lamente et verse des larmes ; et après le viol, elle se jette par terre, pousse des hurlements, et crie à l’infamie ; et alors d’un ton grave elle le menace de travailler à le perdre, s’il n’expie pas son viol par une grande récompense. Quand ils sont dans ces scènes de Vénus, ils apparaissent de loin comme des chats qui, avant l’accouplement, combattent presque de la même manière, courant çà et là et jetant des cris perçants. Après quelques combats du même genre dans des mauvais lieux, ils sont retirés de là, et transférés dans une caverne, où ils sont contraints à quelque travail ; mais comme ils sentent mauvais, parce qu’ils ont mis en pièces le Conjugal qui est le plus précieux Joyau de la vie humaine, ils sont relégués dans les confins de la Plage Occidentale, où, à une certaine distance, ils apparaissent maigres comme s’il n’avaient que la peau sur les os, mais de loin comme des panthères. Quand il me fut donné de les voir de plus près, je fus étonné de ce que quelques-uns d’eux tenaient des livres dans leurs mains et lisaient ; et il me fut dit que c’était parce que, dans le Monde, ils avaient parlé de diverses choses concernant les spirituels de l’Église, et cependant les avaient souillés par des adultères portés jusqu’à ces extrémités, et que telle était la correspondance de ce désir libidineux avec la violation du Mariage spirituel. Mais il est à remarquer qu’il en est peu qui soient dans ce désir libidineux. Il est certain que les femmes, parce qu’il ne convient pas qu’elles prostituent l’amour, résistent de temps en temps, et que la résistance donne de la vigueur ; néanmoins cela ne vient d’aucun désir libidineux de viol.

 

 

 

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE SÉDUIRE DES INNOCENCES.

 

 

5i3. Le Désir libidineux de séduire des Innocences n’est point le Désir libidineux de défloration, ni le Désir libidineux de viol, mais il est particulier et singulier par lui-même ; il existe principalement chez les fourbes. Les femmes qui leur paraissent comme des innocences sont celles qui considèrent le mal de la scortation comme un péché énorme, et qui par conséquent s’appliquent à la chasteté et en même temps à la piété ; ils s’enflamment pour elles : dans les contrées où règne la Religion Catholique-Romaine, il y a des vierges vouées à la vie monastique ; comme ils les croient, plus que toutes les autres, des innocences pieuses, ils les regardent comme les objets friands et délicats de leur désir libidineux. Pour séduire celles-ci ou celles-là, comme ils sont fourbes, ils inventent d’abord des artifices ; et, ensuite, après qu’ils en ont imbu leur génie, ils les exercent sans s’écarter de la pudeur, comme si elle leur était naturelle ; ces artifices sont principalement les feintes d’innocence, d’amour, de chasteté et de piété ; par ces feintes et par d’autres astuces ils entrent dans leur amitié intérieure, et ensuite dans leur amour, et par diverses persuasions, et en même temps par diverses insinuations, de spirituel ils le tournent en amour naturel, et ensuite en amour charnel par des irritations dans le corporel, et alors ils les possèdent à leur gré ; quand ils ont atteint leur but, ils se réjouissent de tout cœur, et se moquent de celles qu’ils ont violées.

514. Le sort de ces séducteurs après la mort est triste, puisque cette séduction est non-seulement une impiété, mais aussi une malignité : après qu’ils ont passé la première période, qui est dans les externes dans lesquels, plus que beaucoup d’autres, ils sont de mœurs élégantes et d’une conversation agréable, ils sont amenés dans la seconde période de leur vie, qui est dans les internes, dans lesquels leur désir libidineux est mis en liberté et commence son jeu ; et alors ils sont d’abord envoyés vers des femmes qui ont fait vœu de chasteté ; et près d’elles il est examiné jusqu’à quel point leur convoitise est maligne, afin qu’ils ne soient pas jugés sans être convaincus ; quand ils sentent la chasteté de ces femmes, leur fourberie commence à agir, et à machiner ses ruses ; mais comme c’est en vain, ils s’éloignent d’elles. Ensuite ils sont introduits auprès de femmes d’une innocence réelle ; comme ils s’efforcent pareillement de les tromper, ils sont fortement punis d’après une puissance donnée à ces femmes, car elles leur causent aux mains et aux pieds une pesanteur d’engourdissement, de même au cou, et enfin elles font qu’ils sentent comme une défaillance ; quand ils ont éprouvé ces tourments, ils s’enfuient loin d’elles. Après cela, il leur est ouvert un chemin vers une certaine troupe de prostituées qui avaient appris à feindre habilement l’innocence ; et d’abord celles-ci se moquent d’eux entre elles, et enfin après diverses promesses elles se laissent violer. Après quelques scènes semblables survient la troisième période, qui est celle du jugement ; et alors, convaincus, ils sont engloutis, et réunis à leurs semblables dans l’Enfer, qui est dans la Plage Septentrionale, et ils y apparaissent de loin comme des belettes : mais s’ils ont été remplis de fourberie, ils sont transportés de là vers l’Enfer des fourbes, qui est dans la Plage Occidentale profondément en arrière ; ils y apparaissent de loin comme des serpents de diverses espèces, et les plus fourbes comme des vipères ; mais dans cet Enfer même, dans lequel il m’a été donné de regarder, ils m’ont paru blêmes, avec une face de chaux ; et comme ce sont de pures Convoitises, ils n’aiment point à parler ; et, s’ils parlent, ils chuchotent et marmottent seulement diverses choses, qui ne sont entendues que par leurs compagnons à côté d’eux ; mais bientôt, soit assis, soit debout, ils se rendent invisibles, et voltigent dans la caverne comme des fantômes ; car alors ils sont en fantaisie, et la fantaisie apparaît voler : après le vol ils se reposent ; et alors, ce qui est étonnant, ils ne se reconnaissent pas l’un l’autre ; cela vient de ce qu’ils sont dans la fourberie, et que la fourberie ne se fie point à un autre, et ainsi se soustrait. Quand ceux-ci sentent quelque chose de l’Amour conjugal, ils s’enfuient dans des souterrains et se cachent ; ils sont aussi sans l’amour du sexe, et ils sont les impuissances mêmes ; ils sont appelés Génies infernaux.

 

 

 

DE LA CORRESPONDANCE DES SCORTATIONS AVEC LA VIOLATION DU MARIAGE SPIRITUEL.

 

 

515. Je devrais, avant tout, parler ici de la Correspondance, dire ce que c’est ; mais ce sujet n’appartient pas proprement à cet Ouvrage. Or, quant à ce que c’est que la Correspondance, ont le voit sommairement ci-dessus, No 76 et No 342 ; et pleinement dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, depuis le commencement jusqu’à la fin, à savoir, qu’il y a correspondance entre le sens naturel et le sens spirituel de la Parole. Que dans la Parole il y ait un sens naturel et un sens spirituel, et entre eux correspondance, cela a été démontré dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, et spécialement, Nos 5 à 26.

516. Par le Mariage spirituel il est entendu le Mariage du Seigneur et de l’Église, dont il a été parlé ci-dessus, Nos 116 à 131 ; et par suite le Mariage du bien et du vrai, voir aussi ci-dessus, Nos 83 à 102 ; et puisque le Mariage spirituel est le Mariage du Seigneur et de l’Église, et que par suite le Mariage du bien et du vrai est dans toutes et dans chacune des choses de la Parole, c’est la violation de la Parole qui est entendue ici par la violation du Mariage spirituel ; car l’Église existe d’après la Parole, et la Parole est le Seigneur ; le Seigneur est la Parole, parce qu’il y est le Divin Bien et le Divin Vrai. Que la Parole soit ce Mariage, on le voit pleinement confirmé dans la DOCTRINE DE LA NOUVELLE JÉRUSALEM SUR L’ÉCRITURE SAINTE, Nos 80 à 90.

517. Puis donc que la violation du mariage spirituel est la violation de la Parole, il est évident que cette violation est l’adultération du bien et la falsification du vrai ; car le mariage spirituel est le mariage du bien et du vrai, comme il a été dit ; il suit de là que, quand le bien de la Parole est adultéré, et que le vrai en est falsifié, ce Mariage est violé. D’après ce qui va suivre on peut entrevoir comment et par qui se fait cette violation.

518. Plus haut, quand il a été traité du Mariage du Seigneur et de l’Église, Nos 116 et suiv., et du Mariage du bien et du vrai, Nos 83 et suiv., il a été démontré que ce Mariage correspond aux Mariages dans les terres, d’où il suit que la violation de ce Mariage correspond aux scortations et aux adultères : qu’il en soit ainsi, cela est bien manifeste d’après la Parole elle-même, en ce que par les scortations et par les adultères il y est signifié les falsifications du vrai et les adultérations du bien, comme on peut le voir avec évidence par les nombreux passages de la Parole rapportés dans l’APOCALYPSE RÉVÉLÉE, No 134.

519. La violation de la Parole se fait par ceux qui en adultèrent les biens et les vrais dans l’Église Chrétienne, et ceux qui agissent ainsi sont ceux qui séparent le vrai d’avec le bien et le bien d’avec le vrai, puis ceux qui prennent et confirment les apparences du vrai et les illusions pour des vrais réels, comme aussi ceux qui savent les vrais de la doctrine d’après la Parole et vivent mal, outre d’autres de même genre. Ces Violations de la Parole et de l’Église correspondent aux Degrés prohibés, énumérés dans le Lévitique, Chap. XVIII.

520. Comme le Naturel et le Spirituel chez chaque homme sont en cohérence comme l’âme et le corps, car l’homme, sans le spirituel qui influe dans son naturel et le vivifie, n’est pas homme, il s’ensuit que celui qui est dans le Mariage spirituel est aussi dans un Mariage naturel heureux ; et que, de l’autre côté, celui qui est dans l’Adultère spirituel est aussi dans l’Adultère naturel, et vice versa. Or, comme tous ceux qui sont dans l’Enfer sont dans la Connexion (Connubium) du mal et du faux, et que c’est là l’Adultère Spirituel lui-même, et comme tous ceux qui sont dans le Ciel sont dans le Mariage du bien et nu vrai, et que c’est là le Mariage lui-même, c’est pour cela que l’Enfer tout entier est appelé Adultère, et que le Ciel tout entier est appelé Mariage.

 

 

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521. À ce qui précède sera ajouté ce MÉMORABLE. L’œil me fut ouvert, et je vis une forêt épaisse, et là une troupe de Satyres ; les Satyres quant à leur poitrine étaient velus, et quant aux pieds les uns comme des Veaux, d’autres comme des Panthères, et d’autres comme des Loups ; et, au lieu de doigts aux plantes des pieds, ils avaient des griffes de bêtes sauvages ; ils couraient de tous côtés comme des bêtes féroces, en criant : « Où sont les femmes ? » et alors apparurent des Prostituées qui les attendaient ; celles-ci aussi étaient de diverses conformations monstrueuses : les Satyres accouraient, et s’en emparaient, les entraînant dans une Caverne qui était profondément sous terre au milieu de la forêt ; et autour de la caverne sur la terre était étendu un grand Serpent roulé en spirale, qui soufflait son venin dans la caverne ; sur les branches de la forêt, au-dessus du serpent, croassaient et hurlaient de sinistres oiseaux de nuit. Mais les Satyres et les Prostituées ne voyaient pas ces choses, parce qu’elles étaient des correspondances de leurs lascivetés, et ainsi des apparences qui ordinairement sont vues de loin. Ensuite ils sortirent de la caverne, et entrèrent dans une cabane basse, qui était un lieu de prostitution ; et alors, séparés des prostituées, ils eurent entre eux des conversations, auxquelles je prêtai attentivement l’oreille ; car, dans le Monde spirituel, le langage peut être entendu à distance comme si l’on était présent, puisque l’étendue de l’espace y est seulement une apparence ; ils parlaient des Mariages, de la Nature et de la Religion. Ceux qui apparaissaient quant aux pieds comme des veaux parlaient des MARIAGES, et disaient : « Qu’est-ce que les Mariages, sinon des Adultères permis ? et quoi de plus doux que des hypocrisies scortatoires, et des tours joués aux maris ? À ces mots les autres éclataient de rire en applaudissant des mains. Les Satyres qui apparaissaient quant aux pieds comme des panthères parlaient de la NATURE, et disaient : « Qu’y a-t-il autre chose que la nature ? Quelle différence existe-t-il entre l’homme et la bête, excepté que l’homme peut parler d’une manière articulée, et la bête d’une manière sonore ? N’est-ce pas de la chaleur que vient la vie, et de la lumière que vient l’entendement chez l’un et chez l’autre, la nature opérant ? » À ces paroles les autres s’écriaient : « Bien ! vous parlez avec jugement. » Ceux qui apparaissaient quant aux pieds comme des loups, parlaient de la RELIGION, disant : « Qu’est-ce que Dieu ou le Divin, sinon l’intime de la nature opérant ? Qu’est-ce que la Religion, sinon une invention pour tromper et lier le vulgaire ? » Là-dessus les autres criaient : « Bravo ! » Quelques moments après, ils sortirent précipitamment ; et, en s’élançant dehors, ils virent que de loin je les regardais avec des yeux attentifs ; irrités de cela, ils sortirent de la forêt en courant, et ils accéléraient leur course vers moi avec un air menaçant ; ils me dirent : « Pourquoi te tiens-tu là, et écoutes-tu ce que nous disons tout bas ? » Et je répondis : « Pourquoi non ? Qui m’en empêche ? C’était entre vous du babil. » Et je rapportai ce que j’en avais entendu ; aussitôt leurs mentals (animi) s’apaisèrent ; c’était par crainte que ce qu’ils venaient de dire ne fût divulgué ; et alors ils se mirent à parler avec modestie, et agir avec pudeur ; je connus par là qu’ils n’avaient pas appartenu à la basse classe du peuple, mais qu’ils avaient été d’une naissance plus distinguée ; et alors je leur racontai que je les avais vus dans la Forêt comme Satyres ; vingt, comme des Satyres-Veaux ; six, comme Satyres-Panthères ; et quatre, comme Satyres-Loups : ils étaient au nombre de trente : cela les étonna, car eux-mêmes ne s’y étaient vus que comme hommes, de même qu’ils se voyaient alors près de moi ; et je leur appris qu’ils avaient apparu ainsi de loin d’après le désir libidineux de la scortation, et que cette forme de satyre était la forme de l’adultère dissolu, et non la forme de la personne ; je leur donnai cette raison, que chaque convoitise mauvaise présente une ressemblance d’elle-même dans une certaine forme, qui est aperçue non pas par ceux qui sont dans cette convoitise, mais par ceux qui se tiennent à distance ; et je dis : « Pour que vous en soyez convaincus, envoyez quelques-uns des vôtres dans cette Forêt ; et vous, restez ici, et regardez. » Et ils le firent, et ils envoyèrent deux des leurs ; et près de la Cabane, qui était un lieu de prostitution, ils les virent absolument comme des Satyres ; et quand ils revinrent, ils les saluèrent du nom de Satyres, et ils dirent : « Oh ! quelles choses plaisantes ! » Comme je les voyais rire, je badinai avec eux sur divers sujets, et je leur racontai que j’avais vu aussi des Adultères comme pourceaux ; et alors je me rappelai la Fable d’Ulysse et de Circé ; que celle-ci avait répandu sur les compagnons et les serviteurs d’Ulysse du jus d’herbes vénéneuses et les avait touchés de sa baguette magique, et changés en pourceaux, sans doute en adultères, car elle ne pouvait par aucun artifice changer quelqu’un en pourceau. Quand ils eurent beaucoup ri de ces propos et autres de ce genre, je leur demandai s’ils savaient de quels Royaumes ils avaient été dans le Monde ; ils dirent qu’ils avaient appartenu à divers Royaumes, et ils nommèrent l’Italie, la Pologne, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède ; et je demandai si parmi eux ils voyaient quelqu’un de la Hollande, et ils dirent : « Personne. » Après cela, je tournai la conversation vers les choses sérieuses, et je leur demandai s’ils avaient jamais pensé que l’Adultère fût un péché ; ils répondirent : « Qu’est-ce qu’un péché ? Nous ne savons pas ce que c’est. » Je leur demandai s’ils s’étaient jamais souvenu que l’Adultère fût contraire au sixième précepte du Décalogue ; ils répondirent : « Qu’est-ce que le Décalogue ? N’est-ce pas le Catéchisme ? Qu’avons-nous à faire, nous hommes, avec ce petit livre d’enfants ? » Je leur demandai s’ils avaient jamais pensé quelque chose au sujet de l’Enfer ; ils répondirent : « Qui en est remonté et en a donné des nouvelles ? » Je leur demandai si dans le Monde ils avaient pensé quelque chose au sujet de la vie après la mort ; ils dirent : « La même chose que ce qu’on pense des bêtes, et parfois la même chose que ce qu’on pense des fantômes, qui, s’ils s’exhalent des cadavres, s’évanouissent » ; enfin, je leur demandai s’ils n’avaient pas entendu des prêtres dire quelque chose sur ces divers sujets ; ils répondirent : « Nous avons seulement fait attention au son de leur langage, et non au sujet ; et, qu’est-ce que cela ? » Étonné de ces réponses, je leur dis : « Tournez la face ; et portez vos regards vers le milieu de la forêt, où est la Caverne dans laquelle vous avez été. » Et ils se retournèrent, et ils virent ce grand Serpent roulé en spirale autour de la caverne, et soufflant son venin, et aussi les oiseaux sinistres au-dessus de lui dans les branches ; et je leur dis : « Que voyez-vous ? » Mais, frappés de terreur, ils ne répondirent rien ; et, je dis : « N’avez-vous pas vu quelque chose d’horrible ? Sachez que c’est là le représentatif de l’adultère dans l’infamie de son désir libidineux. » Alors tout à coup se présenta un Ange ; c’était un prêtre ; et il ouvrit dans la Plage occidentale un Enfer, dans lequel sont enfin rassemblés ceux qui sont tels ; et il dit : « Regardez en cet endroit-là. » Et ils virent un Étang comme de feu ; et ils y reconnurent quelques-uns de leurs amis du Monde, qui les invitaient à venir vers eux. Ayant vu et entendu ces choses, ils se détournèrent, et ils se retirèrent de ma présence et s’éloignèrent de la Forêt ; mais j’observais leur marche, et je vis qu’ils feignaient de se retirer, mais qu’au moyen de détours ils retournaient dans la Forêt.

522. Après cela, je revins à la maison, et le jour suivant, m’étant souvenu de ces tristes scènes, je portai mes regards vers la même Forêt, et je vis qu’elle avait disparu, et qu’à sa place il y avait une Plaine sablonneuse, au milieu de laquelle était un Étang, où se trouvaient quelques serpents rouges. Mais quelques semaines après, lorsque j’y portai de nouveau mes regards, je vis à son côté droit une terre en jachère, et sur elle quelques Cultivateurs ; et de nouveau, après quelques semaines, je vis que cette Jachère était devenue une Terre labourée entourée d’arbustes ; et j’entendis alors une voix du Ciel : « Entre dans ta Chambre à coucher, et ferme la porte, et applique-toi à l’ouvrage commencé sur l’Apocalypse ; et mène-le à fin en deux ans. »

 

 

 

 DE L’IMPUTATION DE L’UN ET DE L’AUTRE AMOUR, LE SCORTATOIRE ET LE CONJUGAL.

 

 

523. Le Seigneur dit : NE JUGEZ POINT, AFIN QUE VOUS NE SOYEZ POINT CONDAMNÉS. – Matth. VII. 1 ; – par ces paroles il n’est nullement entendu le jugement sur la vie morale et civile de quelqu’un dans le Monde, mais le jugement sur sa vie spirituelle et céleste : qui est-ce qui ne voit que s’il n’était pas permis de juger de la vie morale de ceux avec qui l’on habite dans le Monde, la société tomberait ? Que deviendrait la société, s’il n’y avait pas de jugements publics, et s’il n’était pas permis à chacun de juger d’un autre ? Mais juger quel est son mental intérieur ou son âme, ainsi quel est son état spirituel, et par suite son sort après la mort, cela n’est point permis, parce que cela est connu du Seigneur seul ; et le Seigneur ne le révèle qu’après le décès de l’homme, afin que chacun fasse d’après le libre ce qu’il fait, et afin que par ce libre le bien ou le mal soit de lui et ainsi en lui, et que par suite il vive étant à soi et sien à éternité : si les intérieurs du mental, cachés dans le Monde, sont révélés après la mort, c’est parce que cela est important et avantageux pour les sociétés dans lesquelles alors l’homme vient, car tous dans ces sociétés sont spirituels ; qu’ils soient alors révélés, on le voit clairement par ces paroles du Seigneur : « Il n’est rien de couvert qui ne doive être révélé, ni rien de caché qui ne doive être connu ; toutes les choses donc que vous aurez dites dans les ténèbres seront entendues dans la lumière ; et ce dont vous aurez parlé à l’oreille dans les cabinets sera publié sur les toits. » – Luc, XII. 2, 3. – Un jugement commun tel que celui-ci : « Si tu es dans les internes tel que tu te montres dans les externes, tu seras sauvé ; ou bien, tu seras condamné » est permis ; mais un jugement singulier tel que celui-ci : « Tu es tel dans les internes, donc tu seras sauvé ; ou bien, donc tu seras condamné » n’est point permis. Le jugement sur la vie spirituelle de l’homme, ou sur la vie interne de l’âme, est entendu par l’imputation dont il s’agit ici. Quel homme connaît celui qui est Scortateur de cœur, et celui qui est Époux de cœur ? Et cependant les choses que l’on pense dans le cœur, qui sont celles que se propose la volonté, jugent chacun. Mais ce sujet va être développé dans cet ordre : I. À chacun, après la mort, est imputé le mal dans lequel il est ; pareillement le bien. II. La transcription du bien d’une personne dans une autre est impossible. III. L’Imputation, si par elle on entend une telle transcription, est un vain mot. IV. Le mal est imputé à chacun selon la qualité de sa volonté, et selon la qualité de son entendement ; pareillement le bien. V. Ainsi à chacun est imputé l’Amour scortatoire. VI. Pareillement l’Amour conjugal. Suit maintenant l’explication de ces Articles.

524. I. À chacun, après la mort, est imputé le mal dans lequel il est ; pareillement le bien. Pour que cet Article soit présenté avec quelque évidence, il sera examiné par subdivision dans cet ordre : 1o Chacun a une vie qui lui est propre. 2o Après la mort, la vie de chacun lui reste. 3o Alors au Méchant est imputé le mal de sa vie, et au Bon est imputé le bien de sa vie. PREMIÈREMENT : Chacun a une vie qui lui est propre, par conséquent distincte de la vie d’un autre ; cela est connu ; il existe, en effet, une variété perpétuelle, et il n’y a aucune chose qui soit la même qu’une autre ; de là, chacun a son propre ; c’est ce qu’on voit clairement d’après les faces des hommes, il n’existe pas de face qui soit absolument semblable à une autre face, et il ne peut pas y en avoir dans toute l’éternité ; et cela, parce qu’il n’y a pas deux mentals (animi) semblables, et que les faces dépendent des mentals (animi) ; en effet, la face est, comme on dit, le type du mental, et le mental (animus) tire de la vie son origine et sa forme. Si l’homme n’avait pas une vie qui lui fût propre, comme il a un mental (animus) et une face qui lui sont propres, il n’aurait pas après la mort une vie distincte de la vie d’un autre ; et même, il n’y aurait pas non plus de Ciel, car le Ciel consiste en de perpétuelles variétés (ex aliis perpetuis) ; sa forme est uniquement composée de variétés d’âmes et de mentals disposées dans un tel ordre qu’elles font un, et elles font un d’après l’Un, dont la vie est dans toutes et dans chacune des variétés, comme l’âme est dans l’homme ; si cela n’était pas ainsi, le Ciel serait dissipé, parce que la forme serait dissoute. L’Un d’après Lequel la vie est dans toutes et dans chacune des variétés, et d’après Lequel la forme a de la cohérence, est le Seigneur. En général, toute forme est composée de choses variées, et est telle qu’est la coordination harmonique de ces choses, et leur disposition à être un ; telle est la forme humaine ; de là vient que l’homme, qui est composé de tant de membres, de viscères et, d’organes, ne sent quelque chose en lui et de lui que comme étant un. SECONDEMENT : Après la mort, la vie de chacun lui reste. Cela est connu dans l’Église d’après la Parole, et d’après ces passages dans la Parole : « Le Fils de l’homme doit venir, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. » – Matth. XVI. 27. – « Je vis des livres ouverts, et tous furent jugés selon leurs œuvres. » – Apoc. XX. 12, 13. – « Au jour du jugement, Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. » – Rom. II. 6. II Corinth. V. 10. – Les œuvres selon lesquelles il sera rendu à chacun sont la vie, parce que c’est la vie qui les fait, et qu’elles sont selon la vie. Comme il m’a été donné pendant plusieurs années, d’être de compagnie avec les Anges, et de parler (dans le Monde spirituel) avec ceux qui arrivent du Monde, je puis attester avec certitude que chacun y est examiné sur la qualité de sa vie, et que la vie qu’il a contractée dans le Monde lui reste à éternité ; j’ai parlé avec ceux qui avaient vécu il y a des Siècles, et dont la vie m’était connue par l’Histoire, et j’ai reconnu qu’ils avaient une vie semblable à la description historique ; j’ai appris aussi par les Anges que la vie de qui que ce soit ne peut être changée après la mort, parce qu’elle a été organisée selon son amour, et par conséquent selon les œuvres ; et que si elle était changée, l’organisation serait dissoute, ce qui ne peut jamais arriver ; puis aussi, que le changement d’organisation a lieu uniquement dans le corps matériel, et n’est nullement possible dans le corps spirituel après que le corps matériel a été rejeté. TROISIÈMEMENT : Alors au Méchant est imputé le mal de sa vie, et au Bon est imputé le bien de sa vie. L’Imputation du mal n’est ni une accusation, ni un blâme, ni une inculpation, ni un jugement, comme dans le Monde ; mais le mal lui-même fait cela ; en effet, les méchants d’après leur libre se séparent d’avec les bons, parce qu’ils ne peuvent point être ensemble ; les plaisirs de l’amour du mal ont en aversion les plaisirs de l’amour du bien, et les plaisirs s’exhalent de chacun, comme les odeurs s’exhalent de tout végétal sur la terre ; car ils ne sont ni absorbés ni cachés par le corps matériel comme auparavant, mais ils effluent librement de leurs amours dans l’atmosphère spirituelle (aura) ; et comme le mal y est senti comme dans son odeur, c’est ce mal qui accuse, blâme, inculpe et juge, non devant un juge, mais devant quiconque est dans le bien ; et c’est là ce qui est entendu par Imputation : en outre, le Méchant choisit des compagnons avec qui il puisse vivre dans son plaisir ; et comme il a en aversion le plaisir du bien, il se rend de lui-même vers les siens dans l’enfer. L’Imputation du bien se fait de la même manière ; cela a lieu pour ceux qui, dans le Monde, ont reconnu que tout bien en eux vient du Seigneur, et que rien du bien ne vient d’eux ; après que ceux-ci ont été préparés, ils sont envoyés dans les plaisirs intérieurs de leur bien, et alors il leur est ouvert un chemin pour le Ciel vers la Société où les plaisirs sont homogènes avec les leurs ; cela est fait par le Seigneur.

525. II. La transcription du bien d’une personne dans une autre est impossible. L’évidence de cet Article peut aussi être vue d’après des subdivisions dans cet ordre : 1o Chaque homme naît dans le mal. 2o Il est introduit dans le bien par le Seigneur au moyen de la régénération. 3o Cela est fait au moyen de la vie selon les préceptes du Seigneur. 4o C’est pourquoi le bien, quand il a été ainsi implanté, ne peut être transcrit. PREMIÈREMENT : Chaque homme naît dans le mal. Cela est connu dans l’Église. On dit que ce mal vient d’Adam par héritage ; mais il vient des parents ; c’est de ses parents que chacun tire un caractère qui est l’inclination ; que ce soit ainsi, la raison et l’expérience en donnent la conviction ; car il existe, quant aux faces, aux génies et aux mœurs, des ressemblances entre les parents et leurs enfants immédiats et les descendants de ceux-ci ; par là plusieurs personnes reconnaissent les familles, et jugent aussi de leurs mentals (animi) ; c’est pourquoi les maux que les parents eux-mêmes ont contractés, et qu’ils ont introduits par transmission dans leurs descendants, sont ceux dans lesquels les hommes naissent : si l’on croit que le délit d’Adam a été inscrit dans tout le genre humain, c’est parce qu’il en est peu qui réfléchissent chez eux sur quelque mal, et qui par suite le connaissent ; c’est pourquoi ils présument qu’il est si profondément caché, qu’il n’apparaît que devant Dieu. SECONDEMENT : L’homme est introduit dans le bien par le Seigneur au moyen de la régénération. Qu’il y ait une Régénération, et que personne ne puisse entrer dans le Ciel à moins d’être régénéré, on le voit clairement par les paroles du Seigneur dans Jean, – III. 3. 5 ; – que la Régénération soit la purification des maux, et ainsi la rénovation de la vie, c’est ce qui ne peut être inconnu dans le Monde Chrétien, car la raison le voit aussi lorsqu’elle reconnaît que chacun naît dans le mal, et que le mal ne peut être ni lavé ni effacé, comme une tache, par le savon et par l’eau, mais qu’il l’est par la résipiscence. TROISIÈMEMENT : L’homme est introduit dans le bien par le Seigneur au moyen de la vie selon les préceptes du Seigneur. Il y a cinq préceptes de la régénération, on les voit expliqués ci-dessus, No 82 ; au nombre de ces préceptes sont ceux-ci : Qu’il faut fuir les maux, parce qu’ils sont du diable et viennent du diable ; qu’il faut faire les biens, parce qu’ils sont de Dieu et viennent de Dieu ; et qu’il faut s’adresser au Seigneur, pour qu’il nous porte à les faire : que chacun se consulte et examine si le bien peut venir à l’homme d’autre part ; et si le bien ne lui vient pas il n’y a pas pour lui de salut. QUATRIÈMEMENT : Le bien, quand il a été ainsi implanté, ne peut être transcrit ; par transcription il est entendu la transcription du bien de l’un dans l’autre. De ce qui vient d’être dit, il suit que l’homme par la régénération est entièrement renouvelé quant à l’esprit, et que cela se fait par la vie selon les préceptes du Seigneur. Qui ne voit que cette rénovation ne peut se faire que par succession de temps ? À peine en est-il autrement que d’un arbre qui par la semence s’enracine, croît et parvient à sa perfection successivement ; ceux qui perçoivent autrement la régénération ne savent rien sur l’état de l’homme, ni rien sur le mal et le bien ; ils ignorent que le bien et le mal sont absolument opposés, et que le bien ne peut être implanté qu’autant que le mal a été éloigné ; ils ne savent pas non plus que tant que quelqu’un est dans le mal, il a en aversion le bien qui en soi est le bien ; si donc le bien de l’un était transféré dans quelqu’un qui est dans le mal, ce serait comme si un agneau était jeté devant un loup, ou comme si une perle était attachée aux narines d’un pourceau ; d’après ces considérations, il est évident que la transcription est impossible.

526. III. L’Imputation, si par elle on entend une telle transcription, est un vain mot. Que le mal, dans lequel chacun est, lui soit imputé après la mort, et pareillement le bien, c’est ce qui a été démontré ci-dessus, No 524 ; de là on voit ce qui est entendu par imputation ; mais si, par l’imputation, on entend la transcription du bien en quelqu’un qui est dans le mal, c’est un vain mot, parce que cette imputation est impossible, comme il a aussi été démontré ci-dessus, No 525. Dans le Monde, les mérites peuvent être comme transcrits par les hommes, c’est-à-dire qu’on peut faire du bien aux enfants à cause de leurs parents, ou aux amis de quelqu’un en considération de celui-ci ; mais le bien du mérite ne peut pas être inscrit dans leurs âmes, il peut seulement être adjoint extérieurement. Semblable chose ne peut pas avoir lieu chez les hommes quant à leur vie spirituelle ; celle-ci, comme il a été montré plus haut, doit être implantée, et si elle n’est pas implantée par une vie selon les préceptes du Seigneur ci-dessus rapportés, l’homme reste dans le mal dans lequel il est né ; avant que cela ait été fait, aucun bien ne peut atteindre cet homme ; s’il l’atteint, aussitôt il est répercuté et rebondit comme une balle élastique qui tombe sur la pierre, ou il est englouti comme un diamant jeté dans un marais. L’homme non réformé quant à l’esprit est comme une panthère, ou comme un hibou, et peut être comparé au buisson épineux et à l’ortie ; mais l’homme régénéré est comme une brebis ou comme une colombe, et peut être comparé à l’olivier et au cep de vigne ; pensez, je vous prie, s’il vous plaît, comment il est possible qu’un homme-panthère soit converti en homme-brebis, ou un hibou en colombe, ou le buisson épineux en olivier, ou l’ortie en cep de vigne, par quelque imputation, si par imputation on entend une transcription ; pour que la conversion se fasse, ne faut-il pas qu’auparavant la férocité de la panthère et du hibou, ou le nuisible du buisson épineux et de l’ortie, soient enlevés, et qu’ainsi le vraiment humain et le non nuisible soient implantés ? Quant a la manière dont cela se fait, le Seigneur l’enseigne aussi dans Jean, – XV. 1 à 7.

527. IV. Le mal ou le bien est imputé à chacun selon la qualité de sa volonté, et selon la qualité de son entendement. On sait qu’il y a deux choses qui font la vie de l’homme, la Volonté et l’Entendement, et que toutes les choses qui sont faites par l’homme sont faites par sa volonté et par son entendement, et que sans ces deux agents l’homme n’aurait pas d’action ni de langage autrement qu’une machine ; de là il est évident que tels sont la volonté et l’entendement de l’homme, tel est l’homme ; puis aussi, que l’action de l’homme est en elle-même telle qu’est l’affection de sa volonté qui produit cette action, et que le langage de l’homme est en lui-même tel qu’est la pensée de son entendement qui produit ce langage ; c’est pourquoi plusieurs hommes peuvent agir et parler de la même manière, et cependant ils agissent et parlent d’une manière différente, l’un d’après une volonté et une pensée mauvaises, l’autre d’après une volonté et une pensée bonnes. On voit par là ce qui est entendu par les Actions ou les Œuvres, selon lesquelles chacun sera jugé, à savoir, que c’est la volonté et l’entendement, que par conséquent par les œuvres mauvaises sont entendues les œuvres d’une volonté mauvaise, de quelque manière qu’elles se soient présentées dans les externes, et que par les œuvres bonnes sont entendues les œuvres d’une volonté bonne, quoique dans les externes elles se soient présentées semblables aux œuvres de l’homme mauvais. Toutes les choses qui sont faites par la volonté intérieure de l’homme, sont faites de propos déterminé, puisque cette volonté se propose ce qu’elle fait par son intention ; et toutes les choses qui sont faites par l’entendement sont faites par confirmation, puisque l’entendement confirme : d’après cela, on peut voir que le mal ou le bien est imputé à chacun selon la qualité de sa volonté en eux, et selon la qualité de son entendement à leur sujet. Je puis confirmer cela par la relation suivante : Dans le Monde spirituel j’ai rencontré plusieurs Esprits qui, dans le Monde naturel, avaient vécu de même que d’autres, s’habillant avec luxe, se nourrissant avec recherche, trafiquant comme d’autres avec profit, fréquentant les spectacles, plaisantant sur des sujets amoureux comme d’après un désir libidineux, et faisant plusieurs autres actions semblables ; et cependant les Anges considéraient chez les uns ces actions comme maux de péché, et chez les autres ils ne les imputaient pas comme maux, et ils déclaraient ceux-ci innocents, et ceux-là coupables : interrogés pourquoi ils décidaient ainsi, puisque les actions étaient pareilles, ils répondaient qu’ils les examinent tous d’après le propos déterminé, l’intention ou la fin, et par là les distinguent ; et que c’est pour cela qu’eux-mêmes excusent ou condamnent ceux que la fin excuse ou condamne, parce que la fin du bien est chez tous dans le Ciel, et la fin du mal chez tous dans l’Enfer.

528. Aux explications qui précèdent il sera ajouté cette observation : Il est dit dans l’Église que personne ne peut accomplir la loi, et que cela est d’autant plus impossible que celui qui prévarique contre un seul des préceptes du Décalogue prévarique contre tous ; mais cette formule de langage ne signifie pas ce qu’elle semble signifier, car voici comment elle doit être entendue : Celui qui par propos déterminé ou par confirmation agit contre un seul précepte agit contre tous les autres, parce que agir par propos déterminé ou par confirmation, c’est nier absolument que ce soit un péché d’agir ainsi, et celui qui nie que ce soit un péché, considère comme de peu d’importance d’agir contre tous les autres préceptes : qui ne sait que celui qui est adultère n’est pas pour cela homicide, voleur, faux-témoin, ni ne veut l’être ? Mais celui qui est adultère par propos déterminé et par confirmation considère comme de peu d’importance tout ce qui est défendu par la religion, ainsi les homicides, les vols et les faux-témoignages ; et, s’il s’en abstient, ce n’est pas parce que ce sont des péchés, mais c’est parce qu’il craint la loi et le déshonneur : que les adultères par propos déterminé et par confirmation regardent comme rien les choses saintes de l’Église et de la Religion, on le voit ci-dessus, No 490 à 493, et dans les deux MÉMORABLES, No 500 et Nos 521, 522 : il en est de même si quelqu’un par propos déterminé ou par confirmation agit contre un autre précepte du Décalogue, il agit aussi contre tous les autres, parce qu’il ne considère aucune chose comme péché.

529. Il en est de même chez ceux qui sont dans le bien par le Seigneur : si ceux-ci par la volonté et l’entendement, ou par propos déterminé et par confirmation, s’abstiennent d’un seul mal, parce que c’est un péché, ils s’abstiennent de tous, et à plus forte raison s’ils s’abstiennent de plusieurs maux : en effet, dès qu’un homme, par propos déterminé ou par confirmation, s’abstient de quelque mal, parce que c’est un péché, il est tenu par le Seigneur dans le propos déterminé de s’abstenir de tous les autres ; c’est pourquoi, si par ignorance, ou parce que quelque convoitise du corps a le dessus, il fait le mal, ce mal néanmoins ne lui est point imputé, parce qu’il ne se l’est point proposé, et qu’il ne le confirme pas chez lui. L’homme vient dans ce propos déterminé, s’il s’examine une ou deux fois par an, et s’il se repent du mal qu’il découvre chez lui ; il en est tout autrement de celui qui ne s’examine jamais. D’après ces explications, on voit clairement quel est celui à qui le péché n’est pas imputé, et quel est celui à qui il est imputé.

530. V. Ainsi à chacun est imputé l’amour scortatoire, à savoir, non selon les faits tels qu’ils se présentent dans les externes devant les hommes, ni même tels qu’ils se présentent devant le juge, mais tels qu’ils se présentent dans les internes devant le Seigneur, et d’après le Seigneur devant les Anges, c’est-à-dire, selon la qualité de la volonté et la qualité de l’entendement de l’homme dans ces faits. Il y a dans le Monde diverses circonstances qui mitigent et excusent les crimes, et il y en a qui les aggravent et les mettent à la charge de celui qui les commet ; mais toutefois les imputations après la mort se font, non pas selon les circonstances qui sont des circonstances externes du fait, mais selon les circonstances internes du mental ; et celles-ci sont considérées selon l’état de l’Église chez chacun ; soit, pour exemple, un homme impie par volonté et par entendement, c’est-à-dire, qui n’a ni crainte de Dieu, ni amour du prochain, ni par conséquent de respect pour aucune sainteté de l’Église ; cet homme après la mort devient coupable de tous les crimes qu’il a commis de corps, et il n’y a aucun souvenir de ses bonnes actions, puisque son cœur, d’où ces choses ont découlé comme d’une source, avait en aversion le Ciel et était tourné vers l’Enfer, et que les actes découlent du lieu d’habitation du cœur de chacun ; pour que cela soit compris, je rapporterai un arcane : Le Ciel est distingué en d’innombrables Sociétés ; pareillement l’Enfer d’après l’opposé ; et le Mental de chaque homme, selon sa volonté et par conséquent selon son entendement, habite en actualité dans une de ces Sociétés, et il se propose et pense les mêmes choses que ceux qui composent cette société ; si le Mental est dans quelque société du Ciel, il se propose et pense alors les mêmes choses que ceux de cette société ; s’il est dans quelque société de l’Enfer, il se propose et pense aussi les mêmes choses que ceux qui composent cette société ; mais aussi longtemps que l’homme vit dans le Monde, il passe d’une Société dans une autre selon les changements des affections de sa volonté et par conséquent des pensées de son mental ; mais après la mort ses pérégrinations sont réunies, et d’après leur réunion en un il lui est désigné un lieu ; s’il est méchant, dans l’Enfer ; s’il est bon, dans le Ciel. Or, comme chez tous dans l’Enfer il y a la volonté du mal, c’est d’après elle que tous y sont considérés, et comme chez tous dans le Ciel il y a la volonté du bien, c’est d’après elle que tous y sont considérés ; c’est pour cela qu’après la mort les imputations se font selon la qualité de la volonté et de l’entendement de chacun. Il en est de même des Scortations, soit qu’elles soient des Fornications, ou des Pellicats, ou des Concubinages, ou des Adultères, puisqu’elles sont imputées à chacun, non pas selon les faits, mais selon l’état du mental dans les faits ; car les faits suivent le Corps dans le tombeau, mais le Mental ressuscite.

531. VI. Ainsi à chacun est imputé l’amour conjugal. Il y a des Mariages où l’amour conjugal ne se montre pas et il y est cependant ; et il y a des Mariages où l’amour conjugal se montre, et cependant il n’y est point. Il y a pour l’un et l’autre cas plusieurs causes, qu’on peut connaître en partie d’après ce qui a été rapporté sur l’Amour vraiment conjugal, Nos 57 à 73 ; puis, sur les Causes des Froideurs et des séparations, Nos 234 à 260 ; et sur les Causes d’amour apparent et d’amitié apparente dans les mariages, Nos 271 à 292 ; mais les apparences dans les externes ne concluent rien à l’égard de l’Imputation : l’unique chose qui conclut, c’est le Conjugal, en ce qu’il s’établit dans la volonté de quelqu’un, et y est conservé, dans quelque état du mariage que soit l’homme ; ce Conjugal est comme une balance avec laquelle cet amour est pesé ; car le Conjugal d’un mari avec une épouse est le Trésor de la vie humaine, et le Réservoir de la Religion Chrétienne, comme il a été montré ci-dessus, Nos 457, 458 : et puisqu’il en est ainsi, cet Amour peut être chez l’un des deux époux et non en même temps chez l’autre ; et cet Amour peut être caché trop profondément pour que l’homme lui-même en découvre quelque chose ; il peut aussi être inscrit dans un progrès successif de la vie ; et cela, parce que cet Amour dans sa marche accompagne la Religion, et que la Religion, parce qu’elle est le Mariage du Seigneur et de l’Église, est l’initiation et l’inoculation de cet amour ; c’est pour cela que l’Amour conjugal est imputé à chacun, après la mort, selon sa vie spirituelle-rationnelle, et que pour celui à qui cet Amour est imputé, il est pourvu après son décès à un Mariage dans le Ciel, quel qu’ait été pour lui le mariage dans le Monde. De ces considérations résulte donc cette observation finale qu’il ne faut pas d’après les apparences des mariages, ni d’après les apparences des scortations, conclure de qui que ce soit que l’Amour conjugal est en lui, ou qu’il n’est pas en lui ; c’est pourquoi, « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point condamnés. » – Matt. VII. 1.

 

 

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532. À ce qui précède j’ajouterai ce MÉMORABLE. Un jour, je fus élevé quant à mon esprit dans le Ciel Angélique, et là introduit dans une Société ; et alors quelques-uns des Sages de cette société s’approchèrent de moi, et me dirent : « Qu’y a-t-il de Nouveau de la terre ? » Je leur dis : « Il y a cela de Nouveau que le Seigneur a révélé des Arcanes qui, en excellence, surpassent les Arcanes révélés depuis le commencement de l’Église jusqu’à présent. » Ils demandèrent quels étaient ces Arcanes ; je dis : « Les voici : I. Dans la Parole il y a dans toutes et dans chacune de ses choses un Sens spirituel correspondant au Sens naturel, et par ce Sens il y a conjonction des hommes de l’Église avec le Seigneur, et aussi consociation avec les Anges ; et la sainteté de la Parole réside dans ce Sens. II. Les Correspondances, dont est composé le Sens spirituel de la Parole, ont été découvertes. » Les Anges demandèrent si les habitants du Globe savaient auparavant quelque chose des Correspondances. Je dis qu’ils n’en savaient absolument rien, et qu’elles étaient restées cachées depuis des milliers d’années, à savoir, depuis le temps de Job ; et que chez ceux qui ont vécu dans ce temps, et auparavant, la Science des Correspondances était la Science des sciences, d’où leur venait la sagesse, parce que c’était la Connaissance des choses Spirituelles qui appartiennent au Ciel et par suite à l’Église ; mais que cette Science, ayant été changée en Idolâtrie, fut oblitérée et perdue, d’après la Divine Providence du Seigneur, au point que personne n’en voyait aucune trace : mais que cependant elle vient d’être dévoilée par le Seigneur, afin qu’il se fasse une conjonction des hommes de l’Église avec Lui-Même, et une consociation avec les Anges ; et elles se font par la Parole, dans laquelle toutes et chacune des choses sont des Correspondances. Les Anges furent ravis de joie de ce qu’il avait plu au Seigneur de révéler ce grand Arcane, si profondément caché pendant des milliers d’années ; et ils dirent que cela avait été fait afin que l’Église Chrétienne, qui est fondée sur la Parole, et qui est maintenant à sa fin, revive de nouveau, et tire son esprit du Seigneur par le Ciel. Ils s’informèrent si par cette Science il a été dévoilé aujourd’hui ce que signifie le Baptême, et ce que signifie la Sainte Cène, sur lesquels jusqu’à présent ou a pensé des choses si diverses ; et je répondis que cela a été dévoilé. III. Ensuite je dis qu’aujourd’hui il a été fait des révélations par le Seigneur sur la Vie des hommes après la mort. Les Anges dirent : « Quelles révélations sur la Vie après la mort ? Qui ne sait que l’homme vit après la mort ? » Je répondis : « On le sait, et on ne le sait pas ; on dit que c’est, non pas l’homme, mais l’âme de l’homme, et que celle-ci vit esprit ; et de l’esprit on s’est formé une idée comme du vent ou de l’éther, et l’on croit qu’elle ne vit homme qu’après le jour du Jugement Dernier, et qu’alors les choses corporelles, qu’on a laissées dans le Monde, quoique rongées par les vers, les rats et les poissons, seront rassemblées et de nouveau rétablies en forme de corps, et que les hommes ressusciteront ainsi. » Les Anges dirent : « Comment donc ? Qui est-ce qui ne sait pas que l’homme vit homme après la mort, avec cette seule différence qu’alors il vit homme spirituel, et que l’homme spirituel voit l’homme spirituel comme l’homme matériel voit l’homme matériel, et qu’on n’y connaît pas une seule différence, excepté qu’on est dans un état plus parfait. » IV. Les Anges firent cette question : « Que sait-on sur notre Monde, et sur le Ciel et l’Enfer ? » Je répondis qu’on ne savait rien ; mais qu’aujourd’hui il a été dévoilé par le Seigneur quel est le Monde dans lequel les Anges et les Esprits vivent, ainsi quel est le Ciel et quel est l’Enfer ; puis aussi, que les Anges et les Esprits sont en conjonction avec les hommes, outre plusieurs Merveilles sur ces sujets. Les Anges se réjouirent de ce qu’il a plu au Seigneur de faire ces révélations, afin que l’homme ne soit plus par ignorance dans l’incertitude sur son Immortalité. V. De plus, je leur dis : « Il a été révélé aujourd’hui par le Seigneur que dans votre Monde il y a un autre Soleil que dans le nôtre ; que le Soleil de votre Monde est pur Amour, et le Soleil de notre Monde pur feu ; que c’est pour cela que tout ce qui procède de votre Soleil, puisqu’il est pur Amour, tient de la Vie, et que tout ce qui procède du nôtre, puisqu’il est pur feu, ne tient rien de la vie ; et que de là vient la différence entre le Spirituel et le Naturel, différence qui, jusqu’à présent inconnue, a été aussi dévoilée. Ces révélations ont fait connaître d’où vient la Lumière qui éclaire de sagesse l’entendement humain, et d’où vient la Chaleur qui embrase d’amour la volonté humaine. VI. Eu outre, il a été dévoilé qu’il y a Trois Degrés de la vie, et que par suite il y a trois Cieux ; que le Mental humain a été distingué en ces trois Degrés et que par suite l’homme correspond aux trois Cieux. » Les Anges dirent : « Est-ce qu’on ne savait pas cela auparavant ? » Je répondis qu’on avait connaissance des Degrés entre le plus et le moins, mais qu’on ne savait rien des Degrés entre l’antérieur et le postérieur. VII. Les Anges demandèrent s’il avait été révélé plusieurs choses outre celles-là. Je répondis qu’il en avait été révélé plusieurs, à savoir : Sur le Jugement Dernier ; sur le Seigneur, qu’il est le Dieu du Ciel et de la Terre, qu’il n’y a qu’un seul Dieu et en Personne et en Essence, en qui est la Divine Trinité, et que ce Dieu est le Seigneur ; puis, sur la Nouvelle Église qui doit être instaurée par Lui, et sur la Doctrine de cette Église ; sur la Sainteté de l’Écriture Sainte ; que l’Apocalypse aussi a été révélée, laquelle n’a pu l’être, même quant à un seul petit verset, que par le Seigneur ; et de plus sur les Habitants des Planètes et sur les Terres dans l’Univers ; outre beaucoup de relations Mémorables et Merveilleuses du Monde spirituel, par lesquelles plusieurs choses qui appartiennent à la sagesse ont été dévoilées du Ciel.

533. Les Anges étaient très-réjouis de tout ce qu’ils venaient d’entendre, mais ils percevaient de la tristesse en moi ; et ils me demandèrent d’où me venait cette tristesse ; je leur dis : « De ce que ces Arcanes aujourd’hui révélés par le Seigneur, quoiqu’en excellence et en dignité ils surpassent les Connaissances divulguées jusqu’à ce jour, sont néanmoins regardés sur la Terre comme n’ayant aucune importance. » Les Anges en furent étonnés, et ils demandèrent au Seigneur qu’il leur fût permis de porter leurs regards sur le Monde ; et ils les y portèrent, et voici, il n’y avait que ténèbres : et il leur fut dit d’écrire ces Arcanes sur un Papier, et que le Papier serait jeté sur la Terre, et qu’ils verraient un prodige ; et il fut fait ainsi, et voici, le Papier sur lequel ces Arcanes avaient été écrits fut jeté du Ciel, et dans sa marche, pendant qu’il était encore dans le Monde spirituel, il brillait comme une étoile ; mais lorsqu’il pénétrait dans le Monde naturel, la lumière disparaissait ; et, à mesure qu’il tombait, elle s’obscurcissait : et, quand il eut été envoyé par les Anges dans des Assemblées où étaient des savants et des érudits d’entre les Ecclésiastiques et les Laïques, il fut entendu de la part de plusieurs un murmure au milieu duquel on distinguait ces mots : « Qu’est-ce que cela ? Est-ce quelque chose ? Que nous importe que nous sachions ces choses, ou que nous ne les sachions pas ? Ne sont-ce pas des productions du cerveau ? » Et il semblait que quelques-uns prenaient le Papier, et le pliaient, le roulaient et le déroulaient entre leurs doigts pour effacer l’Écriture ; et aussi, il semblait que d’autres le déchiraient, et que d’autres voulaient le fouler aux pieds ; mais ils étaient empêchés par le Seigneur de commettre cette action coupable, et il fut ordonné aux Anges de retirer ce Papier et de le garder ; et comme les Anges étaient devenus tristes, et pensaient : « Jusques à quand cela durera-t-il ? » il leur fut dit : « Jusqu’à un temps, et des temps, et la moitié d’un temps. » – Apoc. XII. 14.

534. Ensuite je dis aux Anges qu’il avait encore été révélé quelque chose dans le Monde par le Seigneur ; ils demandèrent ce que c’était ; je répondis que c’était sur l’Amour vraiment Conjugal, et sur ses Délices célestes ; les Anges dirent : « Qui ne sait que les délices de l’Amour conjugal surpassent les délices de tous les amours ? et qui ne peut voir que dans un certain amour ont été rassemblés toutes les béatitudes, toutes les félicités et tous les plaisirs qui puissent jamais être donnés par le Seigneur, et que le réceptacle de ces choses est l’Amour vraiment Conjugal, qui peut en un sens plein les recevoir et les percevoir ? » Je répondis : « Les hommes ne savent pas cela, parce qu’ils ne se sont pas adressés au Seigneur, et n’ont point vécu selon ses préceptes en fuyant les maux comme péchés, et en faisant les biens ; or l’Amour vraiment Conjugal avec ses délices vient uniquement du Seigneur, et est donné à ceux qui vivent selon ses préceptes ; ainsi il est donné à ceux qui sont reçus dans la Nouvelle Église du Seigneur, entendue dans l’Apocalypse par la Nouvelle Jérusalem. » À cela j’ajoutai : « Je doute que dans le Monde aujourd’hui on veuille croire que cet Amour en lui-même soit un Amour spirituel, et que par suite il vienne de la Religion ; et cela, parce qu’on ne conserve de lui qu’une idée corporelle » ; alors ils me dirent : « Écris sur cet amour, et suis la révélation ; et ensuite le Livre écrit sur cet amour sera envoyé du Ciel par nous, et nous verrons si les choses qu’il contiendra seront reçues, et en même temps si l’on veut reconnaître que cet Amour est selon la Religion chez l’homme, spirituel chez les spirituels, naturel chez les naturels, et entièrement charnel chez les adultères. »

535. Après cela, j’entendis sortir des lieux inférieurs un murmure hostile, et en même temps ces paroles : « Fais des Miracles et nous croirons. » Et je demandai si ce n’était pas là des Miracles ; et il fut répondu : « Non, ce n’est pas là des Miracles. » Et je leur dis : « Quels Miracles voulez-vous donc ? » Et ils dirent : « Manifeste et révèle les choses à venir, et nous y aurons foi. » Mais je répondis : « De telles révélations ne sont pas données du ciel, parce qu’autant l’homme connaît l’avenir, autant sa raison et son entendement, avec la prudence et la sagesse, tombent dans l’inaction, s’engourdissent et se détruisent. » Et j’adressai cette autre question : « Quels autres Miracles ferai-je ? » Et alors on cria : « Fais-en de semblables à ceux de Moïse en Égypte. » Et je répondis : « Peut-être, en les voyant, endurciriez-vous vos cœurs comme Pharaon et les Égyptiens ? » Et il fut répondu : « Non. » Mais de nouveau je dis : « Assurez-moi que vous ne danserez pas autour du Veau d’or, et ne l’adorerez pas comme les descendants de Jacob le firent, un mois après avoir vu toute la montagne de Sinaï en feu, et avoir entendu Jéhovah Lui-Même parler du milieu du feu ; ainsi, après le Miracle qui était le plus grand de tous. » – Le Veau d’or dans le sens spirituel est la Volupté de la chair. – Et il fut répondu des lieux inférieurs : « Nous ne serons pas comme les descendants de Jacob. » Mais alors j’entendis qu’il leur fut dit du Ciel : « Si vous ne croyez pas Moïse et les Prophètes, c’est-à-dire, la Parole du Seigneur, vous ne croirez pas d’après les Miracles plus que les fils de Jacob dans le désert, ni plus qu’ils n’ont cru, lorsqu’ils ont vu de leurs propres yeux les Miracles faits par le Seigneur Lui-même, quand il était dans le Monde. »

 

 

 

 

 

FIN.

 

 

 

 

 

 

 



[1] Ce qui est placé entre parenthèses a été ajouté pour suppléer à une omission évidente, soit de la part de l’Auteur, soit plutôt de la part du Typographe.

 

 

 

 

 

 

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