EXTRAIT

 

Du livre de Jean Arndt, intitulé vrai Christianisme.

 

Comment nous devons chercher Dieu, ou la parole, et le trouver en nous par le recueillement dans un Sabbat tranquille, si nous voulons être rendus Bienheureux.

 

 Voici, le Règne de Dieu est au-dedans de vous.

Luc. 17, v. 21.

 

PUISQUE tout consiste dans la régénération et dans le renouvellement de l’homme, Dieu a compris dans l’Écriture extérieure tout ce qui doit se passer dans l’homme spirituellement en soi, et y a dépeint l’homme nouveau tout entier. Car puisque la parole de Dieu, qui est Jésus-Christ, la semence divine, est en nous, il faut qu’elle y croisse jusques à produire son fruit, et il faut que ce que l’Écriture témoigne et enseigne au dehors arrive par la Foi, autrement ce ne serait qu’une semence morte, un avorton. Il faut que je ressente en esprit et en foi avec consolation qu’il est ainsi que l’Écriture le dit. Il faut que tout ce que l’Écriture enseigne au dehors arrive en esprit et en foi dans l’homme par Jésus-Christ.

Ainsi, qu’est le nouveau Testament quant à la lettre, sinon un témoignage extérieur que tout doit se passer dans l’homme de la même manière en foi ? Car tout le nouveau Testament doit être entièrement accompli en nous, et aussi qu’il y pénètre avec force, puisque le règne de Dieu est au dedans de nous. Car comme Christ a été conçu et est né corporellement par le Saint Esprit en foi de la Vierge Marie, il faut aussi qu’il soit conçu et qu’il naisse en moi spirituellement ; il faut qu’il croisse en moi spirituellement. Et puisque je suis devenu une nouvelle créature en Christ, il faut aussi que je vive et que je chemine en lui ; il faut que je sois avec lui dans la pauvreté, dans l’humilité, dans le mépris du monde. Il faut qu’avec lui je chemine dans la débonnaireté et dans la Charité. Il faut qu’avec lui je pardonne à mes ennemis, je sois miséricordieux, j’aime mes ennemis, et que je fasse la volonté du Père. Il faut qu’avec lui je sois tenté par Satan, et qu’aussi je le surmonte. Il faut qu’avec lui je sois méprisé, bafoué, haï, persécuté à cause de la vérité qui est en moi, et que même, s’il est nécessaire, je souffre la mort pour l’amour de lui, comme tous ses Saints, pour témoigner devant lui et devant tous les Élus que j’ai été et que j’ai vécu en lui, et lui en moi par la foi. Ô Mon cher Lecteur, examine-toi si ces caractères sont et se trouvent en toi.

L’Écriture décrit l’image de Dieu extérieurement et il faut qu’elle soit en moi par la Foi. Elle décrit le Royaume de Dieu littéralement au dehors. Il faut qu’il soit au dedans de moi par la foi. Elle décrit Christ au dehors, il faut qu’il soit en moi par la foi. L’écriture décrit la chute d’Adam et son rétablissement ; il faut que tout cela se trouve en moi. L’Écriture fait une description de la nouvelle Jérusalem. Elle doit être en moi, et je dois être moi-même une Jérusalem nouvelle. L’Écriture rend témoignage au dehors de la régénération, de la nouvelle créature, tout cela doit être en moi, et je dois l’être moi-même par la Foi, autrement l’Écriture ne sert de rien. Tout cela est la foi, l’œuvre de la foi en nous, c’est l’œuvre de Dieu, c’est le Règne de Dieu dans nos cœurs.

Chapitre 23. L’homme qui veut que le Règne de Dieu soit érigé en soi, ou que Christ y prenne de l’accroissement, doit se retirer du monde et des compagnies mondaines. Car comme l’homme n’est jamais mieux quant à son Corps que dans sa maison, aussi l’âme n’est jamais mieux que lorsqu’elle repose chez elle, c’est-à-dire en Dieu, d’où elle est procédée. C’est là où elle doit derechef s’écouter, si elle veut être heureuse. Comme il n’est pas bon de laisser beaucoup courir et promener les jeunes filles et les enfants, de même aussi il n’est pas bon que tu souffres que tes pensées et tes paroles se promènent beaucoup parmi les autres hommes. Retiens-les dans la maison de ton cœur, et elles ne seront pas corrompues par les hommes.

C’est dans les parvis de notre Dieu que les plantes du Seigneur et les cèdres du Liban verdoient. Quels sont les parvis de notre Dieu ? Ce sont les fêtes spirituelles et intérieures du cœur, le Sabbat spirituel et intérieur. Et le Liban fleurissant du désert, c’est la solitude spirituelle. Ô Mon cher ami ! Cherche-la, et alors tu pourras l’éprouver toi-même, et méditer les merveilles et les bienfaits de Dieu. On ne doit, N.B., point ni écouter ni lire ce qui n’apporte point le repos et l’amendement du cœur, ni en parler, ni y penser. Car les arbres du Seigneur doivent toujours se fortifier en Christ. Saint Paul ne se propose de savoir que Christ et icelui crucifié. C’est pourquoi les Saints se sont toujours étudiés à vivre dans le silence avec une dévotion intime et divine, et à être rendus conformes aux Esprits Célestes, et à se reposer en Dieu. C’est là le souverain repos de l’âme. C’est pourquoi quelqu’un a dit ; Toutes les fois que je suis avec les hommes je reviens chez moi moindre qu’un homme ; tant plus au contraire l’homme se tourne vers Dieu, tant plus il devient semblable à lui. Or si l’homme veut se tourner vers Dieu, il faut qu’il se détourne du monde. Ô ! Que celui-là aurait une douce paix et un doux repos dans sa conscience qui ne méditerait que sur les choses divines, et qui mettrait toute son espérance en Dieu. Ô ! Quelle grande et douce consolation recevrait de Dieu celui qui ne se reposerait sur aucune consolation mondaine. Plusieurs trouveraient souvent leur conversion, leur amendement, et une Sainte dévotion chez eux, qui perdent tout cela avec les autres hommes. Aussi souvent donc qu’une âme dévote, lorsqu’elle est dans une solitude tranquille, s’afflige de ses péchés, aussi souvent qu’elle les pleure en secret, elle trouve une source de larmes avec laquelle elle se lave et se purifie en foi et en esprit toutes les nuits par le Nom de Jésus, pour être sanctifiée et rendue digue d’entrer dans le lien très Saint, où Dieu peut parler avec elle en secret, et ce secret sera d’autant plus particulier qu’elle sera séparée du monde.

Chapitre 36. Bienheureux est l’homme à qui Dieu se fait ainsi goûter dans son cœur. C’est ainsi que Dieu dès le commencement a nourri ses Prophètes de son pain Céleste délicieux par les discours de sa parole divine qui leur a été adressée et ils en ont pu parler ; car ils l’ont reçue et c’est de là qu’est procédée l’Écriture Sainte. Aujourd’hui encore il ne cesse pas de parler à tous les hommes, et de leur donner par ce moyen sa parole pour la nourriture intérieure de leurs âmes. Mais la plupart des hommes sont sourds à sa voix, ils écoutent plutôt le monde que Dieu, ils suivent plutôt leurs convoitises que l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi ils ne peuvent pas manger la manne cachée (c’est-à-dire ils ne peuvent pas entendre Dieu dans leur âme). Ils aiment mieux manger de l’arbre défendu qui cause la mort, et se nourrir de leurs convoitises charnelles que de l’arbre de vie, et partant c’est une grande folie et un triste aveuglement que les hommes ne veuillent pas comprendre qu’il y a infiniment plus de plaisir et de douceur en Dieu que dans le monde. Celui qui a une fois goûté la douceur divine ne trouve plus dans le monde qu’une amertume insupportable. Nos premiers parents se sont laissé éblouir par le monde, et ont mangé du Fruit défendu, et par-là ils ont mangé la mort cruelle, et cependant nous sommes si aveugles et insensés que nous mangeons des convoitises de notre chair qui nous sont interdites, quoiqu’elles nous donnent la mort. Combien y en a-t-il qui ne cherchent que les choses temporelles, et qui par-là se perdent eux-mêmes et se privent du salut de leur âme ? Et tous ceux qui le font n’ont point goûté la manne cachée de la parole divine, car ils ne sont point victorieux, mais ils se laissent surmonter par le monde. Celui qui veut goûter cette manne doit mépriser et surmonter le monde pour l’amour de Dieu. Celui qui peut le faire ressentira les plus douces consolations du Saint Esprit que nul ne connaît, sinon celui qui les reçoit. Il faut certes qu’avant toutes choses le cœur soit détourné du monde et converti à Dieu, si tu veux ressentir les Consolations Célestes. Tu regardes les consolations du monde comme une grande joie, et tu ne penses pas que les consolations divines peuvent donner plus de joie que tout le monde ensemble. Ce que Dieu fait est toujours infiniment plus exquis que tout ce que font le monde et toutes les Créatures. La Doctrine qui procède d’en-haut par l’inspiration du Saint Esprit est beaucoup plus excellente que tout ce qu’on peut apprendre des hommes par un grand travail. Si donc tu veux recevoir les précieuses consolations divines, il faut que tu méprises toutes les consolations et les joies mondaines. Si tu veux m’entendre comme il faut, il faut que tu tournes ton oreille de mon côté. Si tu veux me comprendre, il faut que tu y tournes ton cœur, et si tu veux me voir, il faut que tu y tournes tes yeux. Ainsi, tourne tout ton cœur et tous tes sens vers Dieu, et tu le verras, tu l’entendras, tu le comprendras, tu le goûteras et sentiras. Car il est écrit : Vous me trouverez après que vous m’aurez recherché de tout votre cœur. Jér. 29, v. 13.

 Plusieurs disent par un pur mouvement de l’amour du monde : Nous vivons dans un siècle fort éclairé, habile, et industrieux, et ils ne savent pas que la vraie science, qui consiste à aimer Jésus, ce qui surpasse toute connaissance, et la foi sont totalement éteintes, et qu’il y a très peu de gens enseignés de Dieu, et qui veuillent apprendre de Christ sa véritable vie humble et débonnaire. Certes les plus sages sont souvent tout à fait étrangers de la vie de Dieu, et n’ont encore jamais appris que la véritable vie est en Jésus-Christ. Ils s’imaginent que tout consiste en une science de mots, quoique la vraie science ne consiste pas en parler, mais dans la sagesse éternelle. Le Seigneur dit : Écoutez ma voix, et m’ouvrez. Mais comme dans le monde on ne saurait entendre un doux concert de voix dans une maison où on fait beaucoup de bruit, de même aussi Dieu ne peut être entendu dans un cœur mondain, car on n’y ouvre point la porte à Dieu. C’est pourquoi un tel cœur terrestre ne saurait goûter la manne Céleste. Lorsque le bruit du monde cesse dans l’homme, Dieu vient, il heurte, et se fait entendre, et alors tu peux dire : Ton serviteur écoute. Il est dit du souper intérieur, spirituel et Céleste que Ceux qui ont été illuminés et qui ont été rendus participants du Saint Esprit ont goûté les dons célestes, la bonne Parole de Dieu et les puissances du siècle à advenir.

Nous apprenons par-là que lorsque le Saint Esprit est dans l’homme et qu’il n’y trouve point d’obstacle, il le nourrit chaque jour de la manne cachée de la bonne parole de Dieu vivant qui procède de sa bouche et de laquelle nous vivons. Mais il est certain que sans un sérieux exercice de la foi, sans la mortification, sans le dépouillement et le renoncement de soi-même, sans le recueillement dans son cœur, et sans le Sabbat tranquille intérieur de l’âme, nul homme ne peut ressentir en soi la lumière divine, ou goûter la bonne parole de Dieu. Car s’il y a un péché dont nous ne voulons pas nous abstenir, nous retenons tous les précédents, et il faudra en subir la peine dans la damnation éternelle sans en pouvoir jamais faire un entier paiement. Et ainsi un homme peut être damné seulement à cause de la passion de la colère, et s’il venait à s’abandonner, tous ses autres péchés lui seraient pardonnés pour l’amour de Jésus Christ, mais parce qu’il ne le fait pas, il est aveugle, dit Saint Pierre, et il a oublié la purification de ses vieux péchés. Chapitre 37.

Au réciproque, ceux qui cheminent en lumière, c’est-à-dire qui suivent Christ en sa vie, ceux-là sont aussi éclairés de la vraie lumière, qui est Christ lui-même, qui les préserve de toute erreur, qui les enseigne, les exhorte, et les instruit dans leur âme, parce qu’ils sanctifient à Dieu le jour de son repos dans leurs cœurs. Car le Saint Esprit, qui éclaire le cœur, fuit les impies et n’habite point dans un corps soumis au péché ; mais il se communique de plus en plus aux Saintes âmes, et il crée les Prophètes et les amis de Dieu.

Celui qui s’attache au Seigneur devient un même Esprit avec lui. Et qu’est cela, être un même Esprit avec Christ, sinon avoir les mêmes sentiments, le même cœur, et le même Esprit que Christ ? C’est là la nouvelle vie Sainte et exquise de Christ en nous, aussi est-il dit : 2. Cor. 8, v. 17. Si quelqu’un est en Christ, il est nouvelle créature. Qu’est cela, être en Christ ? Ce n’est pas seulement croire en lui, mais aussi vivre en lui. Il est dit encore : Je te veux épouser pour l’Éternité, ou je me veux fiancer avec toi en foi.

Que veut dire cela ? sinon que l’homme est uni avec Christ d’une manière toute spirituelle, tellement que là où est la Foi, là est Christ, et là où est Christ, il y a une vie Sainte dans l’homme. Et là où est la vie de Christ, là est son amour ; et là où est l’amour, là est Dieu lui-même, car Dieu est amour, et là est aussi le Saint Esprit. Il faut nécessairement que toutes ces choses se trouvent ensemble, car il y a une liaison aussi étroite entre elles qu’entre la tête et les membres, et qu’entre la cause et les effets qu’elle doit produire ; comme il paraît par la description que fait Saint Pierre de la liaison de la foi et de la vie. 2. Pier. 1, v. 5. Quand il dit : Ajoutez vertu par-dessus avec votre foi, et avec la vertu, la science, avec la science, la tempérance, et avec la tempérance, la patience, et avec la patience, la piété, et avec la tempérance, la patience, et avec la patience, la piété, et avec la piété, l’amour fraternel, la Charité. Car, N.B., si ces choses sont en vous et y abondent, elles ne vous laisseront point oiseux ni stériles en la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ ; mais celui en qui ces choses ne se trouvent point, il est aveugle, et ne fait que tâtonner, ayant oublié la purification de ses vieux péchés. En cet endroit Saint Pierre déclare expressément que ceux, N.B., en qui cette liaison de la foi et de la vie Chrétienne ne se trouve pas ne connaissent point véritablement Christ, qu’ils ont perdu la foi, et qu’ils cheminent en ténèbres. Car la vraie foi est celle par laquelle l’homme tout entier est vivant et renouvelé en Christ, tellement qu’il vit, et demeure en Christ, et Christ en lui. Chapitre 39.

Chapitre 41. Tout le Christianisme consiste dans le rétablissement de l’image de Dieu dans l’homme, et dans la destruction de l’image de Satan. Car toute la vie Chrétienne ne doit être autre chose qu’un combat spirituel contre le péché originel, et un dépouillement d’icelui par le Saint Esprit, et par une vraie repentance. Tant plus donc tu étouffes le péché originel, tant plus es-tu renouvelé chaque jour à l’image de Dieu ; et ceux, N.B., qui ne se mortifient pas intérieurement par le Saint Esprit ne sont que des hypocrites, pour saints qu’ils paraissent devant le monde. Car tout ce qui n’est pas mort à soi-même et qui n’est pas renouvelé par le Saint Esprit à l’image de Dieu n’est nullement propre pour son Royaume, la vie d’un vrai Chrétien n’étant autre chose qu’une crucifixion continuelle, N.B., de sa chair. C’est ce que tu dois savoir une fois pour toutes. Car il n’y a que ces gens-là qui soient de Christ, et ceux qui sont de Christ, il ne les laisse point sans consolation. Ne t’attache pas aussi aux jugements prématurés de ce présent siècle, car ces gens qui jugent et qui veulent détruire avant le temps sont des pauvres aveugles qui ne connaissent point leur propre misère et désolation, et qui ne connaissent point ce que sont Adam et Christ, et comment il faut qu’Adam meure en nous et que Christ y vive. Celui qui ne veut point apprendre ces choses demeure dans les ténèbres et ne comprend point ce qu’est la vraie repentance, la foi, et la régénération, quoique ce soit en ces choses que consiste tout le Christianisme. Ce que dessus est extrait du premier livre du vrai Christianisme. Ô ! mon cher ami, examine-toi sérieusement si tu n’es pas du nombre de ceux qui ne sont Chrétiens que de nom, et si ta foi n’est pas une foi purement imaginaire et en paroles, qui ne t’induit point aux bonnes œuvres, ni à l’amour de Dieu et de ton prochain ? Ah ! mon cher lecteur, examine-toi bien, autrement tu seras trompé par Satan, car il y en a des milliers qui s’imaginent d’être des fidèles Chrétiens, et qui certainement ne le sont point. Il faut qu’un Chrétien fidèle puisse observer les Commandements de Dieu par sa foi, et ils ne lui sont aucunement difficiles. Il faut qu’un Chrétien fidèle puisse surmonter par sa foi le monde, le Diable, le péché, la mort et soi-même. Il faut qu’il puisse mener une vie sainte, pure, chaste, juste, et pieuse, etc. Ô ! Éprouve-toi donc, car plusieurs sont appelés et peu sont élus, la porte de la grâce t’est encore ouverte, ne te néglige pas, et qu’il n’y ait rien qui t’arrête un moment, Amen !

 Car la véritable foi vive fait toutes choses de gaieté de cœur, elle renouvelle l’homme, elle purifie le cœur, elle prend plaisir à aimer le prochain. Elle espère et regarde aux choses à venir, elle prie, elle loue, confesse, et craint Dieu. Elle est humble, patiente, miséricordieuse, amiable, débonnaire, réconciliable, compatissante, paisible, elle pardonne aisément, elle a faim et soif de la justice. Elle embrasse la grâce de Dieu avec tous ses dons, Christ avec tous ses mérites, et le pardon des péchés, et si tu ne fais pas vivre Christ en toi de cette manière par la Foi, et si tu ne ressens pas aussi les fruits de l’Esprit, il faut que tu les demandes avec des soupirs et des gémissements, et que tu persévères dans la prière, sans te relâcher jusques à ce que Dieu t’ait exaucé, etc. Tu dis : Je suis Chrétien, je suis Baptisé, j’ai la pure parole de Dieu, je l’entends, je participe au Saint Sacrement, je crois et je confesse tous les articles de la Foi Chrétienne, ainsi qu’est-ce qui me manque pour être sauvé ? C’est ainsi que tout le monde raisonne aujourd’hui, et c’est ce en quoi il fait consister la justice.

Mais, mon cher ami, examine-toi seulement par ton propre cœur. C’est dans le cœur où la preuve se trouve. Tu dis : Je suis Chrétien, voilà qui va bien, mais entre dans le fond de ton cœur, comment t’y trouves-tu ? Es-tu aussi un Chrétien réellement dans ton cœur, comme tu l’es de nom ? L’Onction du Saint Esprit est-elle aussi en toi ? Les Fruits de l’Esprit y sont-ils ? Ce sont eux qui démontrent quels sont les vrais Chrétiens. Si cela n’est, pour certain, tu n’es qu’un faux Chrétien. Tu dis aussi : Je suis Baptisé. Considère le fond de ton cœur, où sont les fruits de ton Baptême ? Vois-tu aussi, dans la naissance nouvelle, une continuelle repentance et mortification de ton vieil Adam ? Tu dis : Je crois et je confesse tous les articles de la foi Chrétienne. Cela est bien, mais examine ton cœur. La vraie Foi est celle qui t’unit avec Dieu et Dieu avec toi. Si tu crois en Dieu, il faut que Dieu soit en toi, qu’il vive, et qu’il opère en toi, sinon ta foi est fausse, et elle ne t’a point réuni avec Dieu, mais tu en es encore séparé, etc. Si tu crois en Jésus-Christ, il faut que Christ soit et vive en toi, sinon ta Foi est fausse. Crois-tu que Christ est mort pour tes péchés ?

Il faut que tu sois mort avec lui à toi-même et au monde, singulièrement à l’orgueil et à l’avarice, autrement tu ne crois point en Jésus-Christ. Crois-tu que Jésus-Christ a été crucifié pour les péchés du monde ? Il faut qu’avec lui tu sois crucifié au monde. Crois-tu que Christ est ressuscité des morts ? Il faut que tu demeures uni à lui comme à ton chef. En un mot, il faut que la naissance, la mort, la Crucifixion, la Résurrection et l’Ascension de Christ soient en toi ; autrement ta foi n’est rien. Crois-tu au Saint Esprit ? Il faut qu’il soit en toi, qu’il te conduise, qu’il t’éclaire, et qu’il te sanctifie. Car ce sont ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu qui sont ses enfants, Rom. 8. Il ne suffit pas ici de raisonner, il faut des démonstrations. Le Royaume de Dieu ne consiste pas en paroles mais en vertu. I. Cor. 1. Car certes on ne voit point d’œuvres Chrétiennes en ceux qui se nomment Chrétiens. S. Paul dit : Vous n’avez pas ainsi appris Christ, si toutefois vous savez qu’en lui il y a une vie Sainte et pure. Car ceux qui sont de Christ crucifient leur chair avec ses affections et ses convoitises. Ah ! mon Dieu, si nous ne sommes point de Christ pendant que nous continuons dans notre vie pécheresse et que nous ne mortifions pas les membres de l’iniquité, il faut nécessairement que ceux qui sont tels appartiennent au Diable, et par conséquent ceux qui ne crucifient pas leur chair ne peuvent pas hériter le Royaume de Dieu. Il faut que nous devenions des nouvelles créatures en Christ si nous voulons subsister devant Dieu, car en Christ ni Circoncision ni Prépuce n’a aucune vertu, mais la nouvelle Créature. C’est pourquoi nos plus grands soins doivent être comment nous pourrons étouffer chaque jour le péché dans notre corps mortel, afin que nous appartenions à Christ et non à Satan. Comment la parole de Dieu peut être accomplie et vivante en nous ; comment notre vie peut être rendue agréable à Dieu, tellement que nous obtenions sa grâce et que nous puissions être des vaisseaux de sa miséricorde, et non de sa colère. C’est pourquoi nous devons apporter toute notre diligence à chasser la paresse et la sécurité. David disait : Je devance le point du jour, et je pousse mes cris vers toi, attendant l’effet de tes promesses. J’ai les yeux ouverts avant les veilles de la nuit pour méditer ta parole. Ps. 119, v. 147, 148. Ce que dit Ésaïe là-dessus est aussi fort remarquable. Esa. 56, v. 4. L’Éternel m’éveille tous les matins, il ouvre mon oreille afin que je l’écoute comme son Disciple. Et Cant. 5, v. 2. J’étais endormie, mais mon cœur veillait, et j’ouïs la voix de mon bien-Aimé qui heurtait. Ces paroles nous font aussi souvenir des soins paternels et de l’amour de notre bon Dieu, combien il prend plaisir de converser avec les hommes, de s’entretenir et de cheminer avec eux, de les instruire et enseigner ; c’est pourquoi, N.B., il nous a donné son Fils pour être notre Docteur céleste, notre Pédagogue, ce qui nous est admirablement bien représenté par cet exemple : Lorsque l’Enfant Jésus enseignait dans le Temple de Jérusalem, cela n’arriva pas seulement par rapport au temple des juifs qui est maintenant détruit, mais par rapport à la Jérusalem spirituelle, qui est la Sainte Église chrétienne. C’est là où il veut être le seul Docteur par son esprit et par sa parole. En deuxième lieu, cela est arrivé par rapport aux temples de nos cœurs, dans lesquels il veut aussi donner ses enseignements, les consoler, les éclairer, les sanctifier, y former des prières, des demandes, et des réponses, y prononcer des discours par une dévotion fervente, et c’est là son office de Docteur dans nos cœurs. Ch. 7. Il est à remarquer qu’il y a dans chaque Chrétien deux hommes opposés avec leurs fruits, comme il est représenté par la table suivante.

 

Adam,                                     Christ.

Le vieil homme,                      Le nouvel Homme.

L’Homme extérieur,               L’Homme intérieur.

La vieille naissance,               La nouvelle Naissance.

La Chair,                                L’Esprit.

La Nature,                              La Grâce.

La Raison,                               La Foi.

Les Ténèbres,                         La Lumière.

L’arbre de mort,                      L’arbre de vie.

Les mauvais fruits,                 Les bons fruits.

Le Péché,                                La Justice.

La Damnation,                       Le Salut.

La Mort,                                  La Vie.

La Vieille Jérusalem,             La Jérusalem nouvelle.

Le règne du Diable,                Le Règne de Dieu.

La semence du Serpent,         La Semence Divine.

L’homme Naturel,                  L’homme Spirituel.

L’image Terrestre,                  L’image Céleste.

 

C’est ce que l’Écriture aussi bien que l’expérience démontrent, de sorte qu’on n’en doit nullement douter, moins encore y doit-il avoir aucune contestation là-dessus entre les Chrétiens. Car c’est là le fondement de toute l’Écriture, et la vraie connaissance de l’homme. C’est là-dessus que la repentance est fondée qui consiste en ce qu’Adam meure en nous, et que Christ y vive. Car lorsqu’Adam meurt en nous, tout ce qui est d’Adam y est aussi détruit, le vieil homme, l’homme extérieur, la vieille naissance, la chair, le nature, la raison, les ténèbres, l’arbre de mort, les mauvais fruits, le péché, la mort, la damnation, la semence du serpent, l’homme animal, l’image terrestre, la vieille Jérusalem et le règne du Diable ; mais lorsqu’Adam vit, toutes ces choses vivent, et dominent dans l’homme ; tout cela est sous la domination et sous la malédiction éternelle ; au lieu que si Christ vit en nous, le nouvel homme, l’homme intérieur, la nouvelle naissance, l’esprit, la grâce, la foi, la lumière, l’arbre de vie, les bons fruits, la justice, la vie, le salut, la semence divine, l’homme spirituel, l’image céleste, la Jérusalem céleste, et le Royaume de Dieu y vivent, et y ont la domination. Toutes ces choses sont sous la bénédiction et appartiennent au salut. Ainsi chaque homme a assez à faire avec soi-même pour empêcher que le vieil Adam ne vive et ne règne en lui, mais le nouveau qui est Christ. Il s’agit ici de veiller, de jeûner, de prier, de lutter et de combattre ; et, comme dit saint Paul, de nous examiner et éprouver nous-mêmes si Christ est en nous, et de travailler en un mot à notre salut avec crainte et tremblement ; de mettre peine d’entrer par la porte étroite et marcher par le chemin étroit avec Christ. 2. Cor. 13, v. 5. Qui consiste, N.B., à se haïr soi-même, à quitter et renoncer à tout ce que nous avons, et à mourir au péché, ce qui ne peut point se faire en riant et en traitant la chair délicatement, comme les Saints délicats s’imaginent, mais avec une tristesse, contrition, et douleur intérieure, avec regrets, soupirs, pleurs, et gémissements, comme le témoignent les Psaumes 6 et 38, et autres Psaumes Pénitentiaux. C’est ce que S. Paul appelle crucifier la chair avec ses affections et ses convoitises. Lorsque cela arrive, Christ vit en toi par la foi. C’est pourquoi S. Jean dit que la foi est la victoire qui a surmonté le monde. 1. Jean. 5, v. 4. Mais ce n’est pas hors de toi, c’est en toi que tu dois surmonter le monde, car le monde n’est pas au dehors de toi, mais au-dedans. Mais nul ne veut connaître comme il faut l’abomination intérieure de son cœur et apprendre à se haïr soi-même. Chacun flatte et caresse son vieil Adam, et la chair, et le sang vicieux ; et à peine, N.B., trouve-t-on un homme qui veuille sonder à fond son cœur pervers, mais chacun se complaît en soi-même, et ne veut point attaquer à bon escient l’abomination de son cœur ; il ne fait pas aussi grand cas de la grâce précieuse de Jésus-Christ, et il la néglige malicieusement, persévérant dans ses habitudes et dans la nature du vieil Adam jusques à sa fin. 2e Liv., ch. 4 et 9.

Dans la Création, il y avait des ténèbres sur l’abîme ; il y en est de même dans l’abîme de notre cœur ténébreux jusques à ce que Dieu dise : Que la lumière soit et que l’Esprit de Dieu s’émeuve sur les eaux de notre cœur. La terre était vide et déserte. Il en est de même de notre cœur pendant qu’il n’est pas rempli de la grâce de Dieu. Veuille la parole par laquelle la lumière a été séparée des ténèbres séparer aussi les ténèbres de nos cœurs, comme dans un monde nouveau, dans une nouvelle créature, et dire aussi : Que la lumière soit. Car cette parole est elle-même la lumière, et elle est en Christ, et c’est Christ lui-même. Et la lumière est la vérité, sans laquelle tout ce qui est dans l’homme n’est que mensonge, et procède du Règne du Diable. Sans cette lumière qui est Christ, il n’y a dans l’homme que des ténèbres ; hors de ce chemin, il n’y a qu’égarement ; hors de cette vie Sainte, il n’y a dans l’homme que péché et la mort éternelle. C’est donc là la voie, c’est là la vérité, c’est là la vie, celui qui l’a a toutes choses, celui qui en est privé n’a rien quand même il posséderait tout le monde avec ses trésors. Tu peux, mon cher ami, obtenir toutes ces choses de Dieu pour l’amour de Jésus-Christ par une prière de foi persévérante, pourvu seulement que tu veuilles entrer dans un sérieux amendement et renoncement à toi-même, et t’étudier sérieusement à vivre selon la volonté de Dieu.

Or il y a trois sortes de prières : la vocale, l’intérieure, et la surnaturelle. La vocale est un exercice extérieur humble et très louable, qui amène l’homme dans la prière intérieure, et qui même le fait entrer dans son propre cœur, singulièrement lorsqu’on médite avec dévotion et en foi les paroles de l’oraison ; car elles émeuvent et élèvent l’esprit et l’âme vers Dieu, tellement qu’on vient à s’entretenir en foi avec une familiarité enfantine avec lui. La prière intérieure s’exerce sans discontinuation en foi et en esprit, comme dit notre Seigneur. Jean 4. Les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité. Mon cœur parle, il faut que mon Esprit cherche à pénétrer. Ps. 77. Or, par cette prière intérieure, on est amené à la prière surnaturelle qui se fait par l’union avec Dieu, par la Foi, lorsque notre Esprit créé se fond et s’abîme dans l’esprit de Dieu incréé ; lorsque, dans un moment, on fait tout ce que tous les Saints ont fait de paroles et d’œuvres depuis le commencement du monde. Et il y a plus de disproportion de cette prière avec la prière extérieure qu’entre mille marcs d’or et un denier. Car ici l’esprit est tellement rempli de l’amour de Dieu par le moyen de la vraie foi, qu’il ne peut penser qu’à Dieu, et lorsqu’il survient quelque autre pensée dans l’esprit, l’âme en a du regret. Un esprit ainsi disposé ne permet point ou peu à la bouche de parler. Il soupire continuellement vers Dieu, il a soif de lui, et exclut tout le monde, et il est de plus en plus rempli de la connaissance et de l’amour de Dieu et d’une joie divine que la langue ne saurait exprimer. Car ce que l’âme connaît alors est inexprimable, et si dans cette sublime dévotion on lui demandait : Que connais-tu ? elle répondrait : Un bien qui renferme tous les biens. Que vois-tu ? Une beauté qui surpasse toute beauté. Que sens-tu ? Une douceur qui est au-dessus de toutes les douceurs. En un mot elle répondrait : Toutes les expressions que je pourrais rechercher pour en parler ne seraient que des ombres. Car je ne saurais exprimer les douceurs exquises que je sens dans mon âme. C’est la voix de la parole éternelle, qui dit à l’âme amoureuse : Celui qui m’aime, je me manifesterai à lui. Ce qu’on voit et qu’on sent alors est au-dessus de la nature ; on entend des paroles et une voix inexprimable, qui se nomment des paroles d’intelligence, des discours de l’âme. C’est alors que l’âme apprend à bien connaître et goûter ce que Dieu est, et à mesure qu’elle le connaît, elle l’aime ; et à mesure qu’elle l’aime, elle désire de le posséder tout entier. Et ce sont là les vraies marques de l’amour, le désir de posséder tout entier l’objet aimé, de s’unir entièrement avec lui, et d’être transformé en lui ; et l’âme sent souvent ces choses dans un clin d’œil qui s’évanouit subitement, de sorte qu’elle recherche avec ardeur comment elle pourrait derechef recevoir ces rayons célestes et ce goût divin, et s’unir avec son bien-aimé, si pour cet effet elle recommence à prier et de bouche et de cœur, car elle voit bien que c’est par la prière qu’il faut chercher ces délices célestes, et que la sagesse éternelle l’a ainsi ordonné, elle qui ne fait rien qu’avec un ordre du tout admirable, et qui range toutes choses dans leur rang. C’est pourquoi elle a ordonné que nul ne peut parvenir à la prière intérieure sans la prière vocale, et nul ne peut sans celle-là parvenir à la prière surnaturelle, et à l’union avec le souverain bien qu’on sent véritablement mais qu’on ne saurait exprimer. C’est pourquoi Dieu a recommandé si sérieusement, si souvent, et si expressément la prière, parce qu’elle est un gage et un bien par lequel Dieu nous attire et nous unit à lui, comme à la source de tous les biens, tellement que jamais nous ne le pouvons oublier quoi qu’il nous arrive. Chap. 20.

L’union avec Dieu exige une profonde humilité, car sans une vraie humilité, toutes les prières sont inutiles. C’est principalement de notre Seigneur Jésus-Christ que nous pouvons apprendre cette vertu, lui qui est un miroir parfait de toutes les vertus. Car considérez sa vie, ce n’est qu’humilité, considérez sa doctrine, ce n’est que sagesse et vérité qui ne consiste pas en paroles, mais en vertu vive, efficace et réalité. Et afin que nous apprenions cette vertu de lui comme il faut, il ne nous l’a pas seulement enseignée par ses paroles, mais par effet, et par son saint exemple, en tant qu’il s’est humilié soi-même jusques à la mort de la Croix. Il a été l’humilité même ; c’est pourquoi il dit : Apprenez de moi, non pas à faire des grandes choses ou des miracles, mais à être débonnaires et humbles de cœur. C’est par l’humilité que l’homme est mortifié dans la connaissance de Dieu et dans l’espérance ; l’humilité rend aussi l’homme aimable et agréable dans sa vie extérieure. Car elle ne souffre pas que l’homme soit contentieux et querelleux, mais elle rend doux et paisible. Elle produit aussi une véritable paix dans le cœur, tellement que l’âme n’est jamais troublée ni affligée avec excès, quelque disgrâce et quelque croix qui lui survienne. L’humilité produit aussi le silence, car elle fait connaître à l’homme sa propre ignorance et folie, tellement qu’il ne s’émancipe pas de parler et d’enseigner beaucoup. Elle se juge toujours elle-même avant que de juger les autres, et elle entre elle-même lorsqu’elle voit le malheur des autres, et elle s’afflige sur elle-même, car elle voit dans les chutes du prochain ses propres défauts, ses péchés et sa misère ; en un mot, on ne saurait exprimer les biens spirituels sublimes et les trésors célestes et précieux qui sont cachés dans cette vertu. C’est pourquoi ce n’est pas sans sujet que le Fils de Dieu nous commande de l’apprendre de lui, lorsqu’il a dit : Apprenez de moi que je suis débonnaire et humble de cœur, et vous trouverez repos en vos âmes. Or on apprend cette vertu par deux moyens : 1. Par une prière fervente, dévote, et sincère. 2. Par la contemplation de Jésus Christ crucifié, savoir par la méditation de ses souffrances et de sa mort que nous devons méditer, et dans lesquelles nous devons étudier comme dans un livre, jusques à ce que cette vertu, de même qu’une charité pure et divine soient formées dans nos cœurs. Chap. 21.

La charité est la plus grande de toutes les vertus, et sans elle tous les dons sont inutiles, et tout ce que nous faisons ou que nous laissons ne saurait être agréable à Dieu, quelque bon qu’il paraisse. Ainsi nous devons aussi prier en charité ; nous devons aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, et de tout notre entendement, et notre prochain comme nous-mêmes, si nous voulons être unis avec Dieu, et qu’il se manifeste à nous. Celui qui m’aime, je me manifesterai à lui, dit le Seigneur, Jean 14. Ô ! l’aimable et la gracieuse manifestation qui se fait dans le cœur avec un sentiment, une joie, une consolation, une sagesse, et une connaissance céleste. Et c’est là la vraie académie, l’unique chemin véritable pour obtenir l’intelligence et la sagesse, qui est si fort exaltée par le Roi Salomon dans les Livres de la Sapience et des Proverbes. Il dit qu’il ne l’a apprise que par la prière. J’ai prié, dit-il, et l’Esprit de sagesse vint à moi (Sap. 7, v. 7). Chap. 24.

En outre, tu peux bien penser que sans le renoncement à toi-même, sans l’imitation de Jésus-Christ, sans la mortification et le renoncement à tout ce que tu as, tu ne saurais être uni avec Dieu, et que le Fils de Dieu n’a pas voulu te faire égarer par son exemple ; mais qu’il te veut amener au souverain bien, à la sagesse la plus sublime, et à la joie céleste et parfaite. Quoique le chemin soit étroit et serré, cependant tu vois qu’il a marché lui-même par ce chemin, et parce qu’il y en a peu qui le suivent, il dit qu’il y en a peu qui trouvent ce chemin. Matth. 7, 4. Car il coûte beaucoup de se vaincre et de se renoncer soi-même, de mourir à soi, au monde, et à tout ce que l’homme a. C’est là le chemin étroit, il y en a très peu qui le trouvent, il y en a encore beaucoup moins qui s’unissent avec Dieu et qui pénètrent dans son amour pour l’aimer de tout leur cœur, et de toute leur âme, et leur prochain comme eux-mêmes, quoique Dieu nous ait aimés et nous aime d’un amour indicible. Car Dieu aime tellement les hommes qu’il prend plaisir de se répandre tout entier dans nos âmes, si seulement elles pouvaient être parfaitement purifiées et que l’homme ne lui apporte plus de résistance. Car il y a en Dieu un amour infini inexprimable. En ceci sa charité envers nous est magnifique qu’il n’a point épargné son propre Fils, mais qu’il l’a livré pour nous tous ; comment ne nous élargirait-il pas toutes choses avec lui ! Ô mes chers amis ! combattons, combattons et insistons par la prière jusques à ce que nous nous soyons surmontés nous-mêmes. Celui qui vaincra héritera toutes choses. Apoc. 21, v. 7.

Dieu manifeste aussi son amour envers nous par sa consolante habitation avec nous et en nous. Ah ! que c’est là une grande consolation, que Dieu sanctifie et consacre notre cœur pour son habitation par le sang et par la mort de Christ qui est mort pour nos péchés !

On est volontiers avec ceux qu’on aime ; Dieu aime extrêmement les hommes ; c’est pourquoi il demeure très-volontiers avec eux et y fait son habitation. Moi le Seigneur, dit-il, j’habiterai au lieu haut et saint, et avec celui qui est brisé de cœur, afin de vivifier l’esprit des humbles. Ésaïe 57, v. 15. Et au réciproque on aime toujours beaucoup ceux avec qui on se plaît de demeurer. Dieu demeure volontiers avec les hommes, c’est pourquoi il a pour eux un amour très-ardent. Les Saints qui sont sur la terre et les vertueux sont les seuls que j’aime. C’est pourquoi nous devons l’aimer de tout notre cœur et de toute notre âme. Car Dieu est infiniment aimable, infiniment beau et glorieux, tellement que nulle créature ne peut l’aimer ni louer autant qu’il le mérite. Dieu est si aimable que plus on l’aime, plus on désire de l’aimer. Il est tellement digne de louanges qu’on ne peut cesser de le louer. Il est d’une beauté si ravissante qu’on n’est jamais rassasié de le contempler, N.B., ses consolations sont si douces qu’on ne peut jamais se lasser de l’entendre. C’est pour l’amour de Dieu que les Saints ont souffert les plus cruels martyres et qu’ils ont livré leurs corps et leurs vies. Et quand un homme aurait mille corps, il devrait les livrer tous pour se conserver dans l’amour de Dieu. Dieu est un bien si sublime, si précieux, et si pur que plus on le connaît, plus on l’aime. Il est une douceur très délicieuse et très singulière, plus on le goûte, plus il paraît doux. Bienheureux le cœur qui sera rassasié de l’amour de Dieu ; il sentira une telle douceur dans l’âme qu’on n’en saurait trouver aucune dans cette vie dans toutes les créatures qui la puisse égaler. Voyez donc, vous, tous les enfants des hommes, comment vous êtes trompés par l’amour du monde ! Qu’est-ce que les hommes remportent de l’amour des choses temporelles ? Que des soucis et des inquiétudes, de la perte de temps, des paroles vaines et inutiles, dont ils auront à rendre conte, des querelles, des dissensions, des guerres, des divisions, et une conscience bourrelée. Tous les hommes auront un jour encore une douleur extrême d’avoir tant aimé le monde et les choses temporelles. Mes petits enfants, n’aimez point le monde, ni les choses qui sont au monde. Mais celui qui fait la volonté de Dieu, N.B., qui la fait demeure éternellement. C’est pourquoi un homme doit avoir du regret pendant toute sa vie d’avoir aimé quelque autre chose que Dieu ; si Dieu te donne sur toutes choses son amour dans ton cœur, il t’aura donné tout ce qu’il a de meilleur, c’est-à-dire lui-même. Ch. 25 et 26.

Ô ! que bienheureuse est l’âme qui ressent cet amour ! Car Christ y est droitement connu, et il lui est manifesté que Christ n’est que pur amour, et qu’il est l’amour de l’âme, ce qui est une parole qui comprend en soi un grand sens, et d’une grande expérience. Car Christ démontre qu’il est l’amour de notre âme par sa venue spirituelle et par la douce joie qu’il répand dans l’âme ; et lorsque notre âme en ressent une petite goutte ou un faible rayon, elle est remplie d’une joie souveraine. C’est ce que le martyr Ignace connaissait bien quand il nommait toujours le Seigneur Jésus Son amour, disant : Mon amour a été crucifié. Cet amour qui est répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit, lorsqu’il se fait sentir, produit plus de joie que tout le monde ne pourrait faire. Et quand toutes les créatures seraient présentes, une âme remplie de cet amour n’en ferait aucun cas, et ne daignerait pas se tourner pour les considérer, à cause de l’incompréhensible douceur de l’amour de Dieu, et quand toutes les créatures se mettraient à parler, si est-ce que la voix de l’amour de Dieu serait beaucoup plus forte, et plus douce que celle de toutes les créatures. Car cet amour lie l’Esprit et l’unit à Dieu, et le remplit de tous les biens les plus sublimes et les plus doux que toutes les créatures ensemble ne sauraient lui donner. Il est vrai que ce souverain bien n’est connu qu’en Esprit et ne peut être vu ni goûté qu’en esprit, mais il ne peut être exprimé par aucunes paroles. Chapitre 27.

Ô mon cher ami ! Examine-toi, sonde ton cœur, si tu as ressenti l’amour de Dieu par les marques susmentionnées, car il y en a des milliers qui s’imaginent d’avoir l’amour de Dieu et qui ne l’ont point véritablement dans le cœur, mais qui sont trompés ; ou s’ils aiment Dieu, ce n’est point d’un amour pur, mais seulement par quelque intérêt ou pour quelques biens qu’ils en ont reçus. Ce n’est point là un amour véritable, mais un faux amour qui n’est point salutaire. Car Dieu est amour, et celui qui aime Dieu comme il faut demeure en lui, et celui qui demeure en Dieu ne pèche point, c’est là le vrai caractère de l’amour. Mais parce que l’homme a été privé de ce souverain bien par le péché, et que par là il est devenu l’habitation du diable et est tombé sous sa puissance, tellement qu’il fait son œuvre dans l’homme et y produit l’orgueil, l’avarice, la volupté, la colère, l’envie, etc., qui sont toutes des œuvres du Diable dans l’homme, il faut que l’homme soit derechef converti à Dieu par la foi qui est son œuvre, du monde et du Diable même à Jésus-Christ, et il faut que Satan s’en retire avec ses œuvres. Car pendant que les œuvres du Diable sont dans l’homme, Dieu n’y opère point et son œuvre y est empêchée, tellement que l’âme ne peut point sentir combien Dieu est bon. C’est pourquoi il y a très peu de gens qui connaissent Dieu comme il faut, parce que, dans la plupart, les œuvres de ténèbres et de Satan tiennent la domination. La plupart sont attachés au monde, aux créatures et à eux-mêmes. Mais ceux qui veulent connaître Dieu comme il faut et le goûter doivent s’attacher au Seigneur, et devenir un même Esprit avec lui ; et plus on le fait, plus Dieu se manifeste à l’âme fidèle et amoureuse. Tant plus le cœur se détourne du monde, tant plus Dieu s’unit avec l’âme. Car il faut que tout amour du monde et des créatures soit banni pour faire place à l’amour de Dieu. Jean. 2, v. 15. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui. Et partout où Dieu trouve une âme vide du monde, il la remplit du Ciel, de lui-même, et de toute bonté. Tant plus le cœur est affranchi de l’amour du monde, tant plus Dieu le remplit de lumière et de consolation. C’est pourquoi un Ancien Docteur disait : Une âme vide et tranquille ressent mieux ce que Dieu est qu’elle ne le peut exprimer. Si donc l’homme veut savoir que Dieu est bon et qu’il est le souverain bien, il faut qu’il goûte la bonté dans son cœur ; l’Écriture en rend témoignage extérieurement, mais il faut que le cœur ressente au dedans cette bonté et la parole vivante. Hébr. 6, v. 5. Ceux-là ont goûté la bonne Parole et la puissance du siècle à venir. Tu ne saurais mieux comprendre que Dieu est bon que lorsque tu goûtes sa consolation. Nul ne peut mieux t’enseigner que Dieu est la source de la joie que lui-même lorsqu’il se réjouit en toi. Chapitre 28. (Je puis témoigner que ces choses sont véritables, non seulement parce que je l’ai éprouvé par effet, moi, indigne, mais aussi parce que Dieu me l’a enseigné et que je l’ai souvent ouï de sa bouche : Demeure, m’a-t-il dit, dans un repos tranquille et je me réjouirai en toi. Je ne veux pas rapporter ici ce que j’ai ressenti alors.)

La vérité dit : Si vous demandez quelque chose au Père en mon nom, il vous le donnera. Celui qui demande reçoit, celui qui cherche trouve, et il est ouvert à celui qui heurte. Tout ce que vous demanderez en croyant vous le recevrez. N.B. Il y a ici un commencement et une promesse, il faut avoir un cœur de pierre pour n’en être pas vivement touché. Celui qui ne croit pas a un cœur privé de grâce et ne mérite pas d’être homme. La vraie foi rend le cœur tranquille et susceptible de la grâce divine. Dieu n’exige de l’homme que le Sabbat, le repos de toutes œuvres, singulièrement de nous-mêmes ; notre Esprit est comme une eau sur laquelle l’Esprit de Dieu se meut sans cesse. Du moment qu’il est tranquille et qu’il n’est point agité par les vents des pensées temporelles, Dieu y demeure et il prononce sa parole efficace dans cette eau coite. Ce moment est plus précieux et vaut mieux que tout le monde ensemble. Les eaux coites sont facilement échauffées du Soleil, mais les fleuves rapides ne le sont point, ou rarement. L’incrédulité ravit à Dieu sa gloire, et la louange de sa fidélité et de sa vérité. Par elle, un Chrétien devient un païen ou un renégat ; s’il y persévère, il sera sûrement damné. Seigneur, bon Père, fais-moi la grâce de réfléchir sérieusement sur ces choses, afin que par là je parvienne à une foi vraie et constante, tellement que ta grande bonté ne soit pas inutilement en moi, mais que je demeure ferme en toi par la foi, que j’attende que ta lumière s’élève en moi avec une patience constante. Amen.

Or, on demande où est-ce que je puis trouver Dieu ? En Esprit et en vérité, non pas ici ou là, dans un lieu ou dans l’autre, Dieu nous est présent à tous. Mais nous ne nous tenons pas tous en sa présence, tout comme un aveugle qui ne voit point la lumière en plein midi. Dieu ne se détourne point de nous, mais nous nous détournons de lui, et par-là nous tombons dans un tel aveuglement que nous disons que Dieu s’est retiré de nous, qu’il est en colère, et qu’il retire sa grâce. Ce changement n’arrive qu’en nous, dans nos cœurs, c’est là où la chose nous paraît ainsi, et nous en parlons selon le sentiment que nous en avons. Ainsi chaque pécheur se punit et se tourmente soi-même par son détour de Dieu. Mais lui est toujours le même plein de bonté, immuable, juste dans toutes ses œuvres, bien que le pécheur aveugle et pervers le répute un Dieu-colère injuste et irrité. C’est par-là qu’on peut fort bien comprendre les passages qui parlent du Règne de Dieu et comment il n’est pas hors de nous, mais au-dedans de nous, etc. Ou ce passage : Qu’ai-je que faire de ceux de dehors ? Ceci ne se doit pas entendre du lieu extérieur. Mais selon la foi, en Esprit, et quant à l’homme intérieur. Autrement, si on liait le Règne de Dieu à des choses extérieures, ce serait une Doctrine Antichrétienne, comme le Seigneur l’a Prophétisé, savoir qu’on dirait : Le Christ est ici, le Christ est là. Le lieu ou la situation extérieure ne sauvent ni ne damnent personne ; car nous sommes tous dans le monde au milieu du règne du Diable qui est le Prince de ce siècle. Ô ! Que ceux-là sont malheureux qui cherchent leur salut auprès des hommes mortels, qui l’attachent aux lieux corporels et qui regardent à l’extérieur ! Combien de milliers y en a-t-il qui en usent de cette manière, et qui par-là perdent le trésor qui est en eux ! Les choses extérieures sont seulement des moyens qu’il ne faut pas mépriser, mais elles ne sont pas le trésor, c’est Dieu et Christ qui peuvent bien venir sans moyens lorsque nous ne les pouvons pas avoir.

Abraham disait lorsqu’il intercédait pour les sodomites : Voici, j’ai pris la hardiesse de parler au Seigneur quoique je sois poudre et cendre. Chacun doit se confesser indigne de parler au Seigneur, quelque élevé et Saint qu’il puisse être ; ce qui aussi fit prendre courage à Abraham, et afin que Dieu ne rejette pas sa prière, il ajoute : Que le Seigneur ne se courrouce point, si je parle encore cette fois. Or toutes les fois qu’Abraham parla au Seigneur, il lui répondit. Ô ! Cher ami, ne te jette donc point dans le doute ; c’est là un miroir admirable de l’entretien des âmes fidèles avec Dieu ; car Abraham est le Père des Croyants. C’est pourquoi c’est une chose très certaine et indubitable que toutes les fois qu’un cœur fidèle invoque le Seigneur, Dieu lui répond par des vraies consolations. Prenez aussi pour exemple de cette vérité le Ps. 85, où David parle de cette manière à Dieu : Éternel, tu as eu de l’indulgence pour la terre, tu as pardonné l’iniquité de ton peuple, tu as apaisé toute ta colère. Console-nous, ne reviendras-tu point à nous pour nous redonner la vie ? Ah ! que ne puis-je entendre ce que le Seigneur dira, etc. Sur cela il reçut une réponse dans son cœur ; c’est pourquoi il ajoute : Sûrement la délivrance est près. Chapitre 39. Ailleurs le même Prophète disait : L’Esprit de l’Éternel a parlé par moi, et sa parole a été sur ma langue. Sam. 23, v. 2. Que celui-là est heureux qui est venu si avant dans son Christianisme que de pouvoir s’entretenir avec son Dieu et recevoir les consolations de sa bouche ! Celui-là sera aussi enflammé chaque jour à louer et célébrer son Dieu. Car celui qui ne loue pas Dieu chaque jour a été créé pour néant, et il n’est point serviteur de Dieu. Je te loue sept fois le jour à cause des droits de ta justice. Ô ! Dieu ! louange t’attend en silence en Sion, dit David. Oui, bienheureux est celui qui dans son service divin est venu jusqu’à ce point que de prendre son plaisir au Seigneur et de le louer journellement ; celui-là reçoit une abondante consolation de son Saint temple. C’est pourquoi la louange de Dieu est la plus grande gloire, et le joyau le plus précieux de l’homme, parce que c’est dans cette louange qu’on trouve la plus grande joie spirituelle. Or la joie divine est le principal point de la vie éternelle et du règne de Dieu en nous. Qui est paix et joie par le Saint Esprit. Celui donc qui veut goûter chaque jour la joie Céleste de la vie éternelle et du Paradis le peut faire par le moyen de la louange de Dieu ; lorsqu’elle est véritablement dans le cœur et qu’elle est annoncée par un vrai fidèle en foi, elle réjouit le Corps et l’âme. Qu’est le Paradis autre chose que pure joie et exaltation, où l’on peut goûter et contempler combien le Seigneur est bon ? Qu’est-ce que la vie éternelle autre chose que la plénitude de la joie et des délices en sa droite pour toujours ? C’est pourquoi la louange de Dieu est la gloire la plus sublime et le joyau le plus précieux de l’homme, puisqu’on y médite les plus grandes œuvres et la plus haute gloire de Dieu, et que par là on est délivré de la folie et de l’aveuglement des hommes. Tant plus donc l’homme a de connaissance de Dieu, plus il le loue, et plus il le loue, plus il croît dans cette connaissance, tellement qu’on en vient jusques à pénétrer dans la profondeur de la sagesse divine, sans en pouvoir trouver le fond, et qu’on loue et on craint Dieu par-dessus toutes choses. Car tant plus l’homme s’avance dans la louange de Dieu, tant plus les pensées qui doivent le plonger en Dieu deviennent profondes. Ce n’est pas qu’on doive par curiosité chercher à sonder les choses impénétrables qui nous sont trop difficiles à comprendre. Mais c’est que Dieu découvre souvent à une âme qui le loue et qui l’aime les trésors de sa sagesse. Ô ! Seigneur, que tes œuvres sont merveilleuses, et tes pensées profondes ! Le sol ne les croît point, et l’insensé n’en fait point de cas, car les secrets de l’Éternel sont pour ceux qui le craignent, et il leur fait savoir son alliance. En un mot, tant plus on s’approche de Dieu par des louanges et on s’y exerce, tant plus Dieu manifeste les trésors de sa sagesse et ses pensées qu’il tient éternellement cachées devant les fols et les insensés. Car l’incrédule irrégénéré : L’homme animal ne comprend point les choses qui sont de l’esprit de Dieu, elles lui sont folie, et il ne peut comprendre combien le Seigneur est bon, et avec quelle familiarité il s’entretient et converse avec ses fidèles. Aussi nous sommes plantés en lui comme dans le cep vivant, tellement que nous recevons de lui le suc et la vie. Oui vraiment nous vivons en Christ, et la vie et la vertu de notre foi est cachée en lui. Le S. Esprit en rend témoignage dans notre cœur par la paix, par la joie, et par ses consolations. N.B. Comme il n’y a jamais eu aucun Prophète sous le vieil Testament qui n’ait entendu parler Dieu en soi, il n’y a aussi aucun fidèle Chrétien sous le Nouveau Testament qui n’ai ouï parler Jésus-Christ dans son cœur, et qui n’ait goûté l’onction du Saint Esprit, ch. 42, 43 et 51. (Mais parce qu’aujourd’hui les hommes vivent au Diable, c’est-à-dire dans l’avarice, dans la colère, dans la mondanité, et dans l’amour-propre, ils ne peuvent point entendre Dieu au-dedans d’eux, ni croire, car la Foi salutaire vient de l’ouïe intérieure.)

 

 

 

Extrait du Troisième Livre.

 

COMMENT notre vie a ses degrés, savoir l’Enfance, la Virilité, la Vieillesse. Il en est de même de notre vie spirituelle et chrétienne. Car elle a son commencement dans la repentance et dans l’amendement, par où l’homme devient chaque jour meilleur. Ensuite il arrive une plus grande illumination comme la virilité, par la méditation des choses divines par la prière, par les croix, par lesquelles tous les dons de Dieu se multiplient. Enfin arrive l’âge de perfection par une entière union, et par l’amour, ce que S. Paul appelle la parfaite stature de Christ, et un homme parfait en Christ. C’est cet ordre que j’ai observé autant que les choses l’ont pu permettre dans ces trois livres. Mais afin que tu me puisses bien comprendre dans ce troisième livre, sache qu’il tend à te montrer comment tu dois chercher et trouver le règne de Dieu en toi, ce qui ne peut arriver que tu n’aies abandonné à Dieu entièrement ton cœur et ton âme ; non pas seulement ton entendement mais aussi ta volonté avec un amour sincère. Plusieurs s’imaginent qu’il suffit de reste dans leur Christianisme d’embrasser Christ avec leur entendement, par des lectures et des disputes, ce qui est aujourd’hui l’étude de la Théologie usitée qui consiste uniquement dans une science de Théorie, et ils ne considèrent point qu’il ne faut pas moins y apporter les autres principales facultés de l’âme, la volonté, et un amour sincère ; il faut que tu donnes l’un et l’autre à Christ, et alors tu lui auras donné ton âme toute entière. Car il y a une grande différence entre l’entendement par lequel on connaît Christ et la volonté par laquelle on l’aime. Nous connaissons Christ autant que nous pouvons, mais nous l’aimons tel qu’il est. Il ne sert de rien de connaître Christ d’une connaissance de Théorie si nous ne l’aimons. Ainsi il vaut mille fois mieux l’aimer que de savoir beaucoup parler et disputer sur son Chapitre. C’est pourquoi nous devons tellement chercher Christ par notre entendement que nous l’aimions aussi par notre volonté et que nous y cherchions toute notre joie. Car c’est de la vraie connaissance de Christ que procède aussi son amour ; si nous ne faisons pas cela, nous avons véritablement cette connaissance, mais à notre grand dommage. Car c’est précisément ce qu’il dit : Tous ceux qui me diront Seigneur, Seigneur, n’entreront pas au Royaume des Cieux, etc.

Il y a aussi deux voies pour parvenir à la sagesse et à la connaissance. La première est une longue étude et la dispute ; ceux qui l’ont atteint sont nommés savants. L’autre, c’est la prière et l’amour ; ceux-là, on les appelle Saints. Il y a une grande différence entre eux, ceux-là, lorsqu’ils n’ont que le savoir sans l’amour, sont orgueilleux et enflés. Ceux-ci sont humbles et soumis. Tu ne trouveras jamais ton trésor intérieur par la première voie, mais par l’autre voie ; tu le trouveras en toi. C’est là le but de tout le troisième Livre.

Que c’est une chose glorieuse, excellente, et aimable, que notre trésor le plus précieux, le règne de Dieu, ne soit pas un bien extérieur, mais intérieur. Un bien que nous portons toujours caché au-dedans de nous devant tout le monde, et devant le Diable même, sans qu’ils puissent nous le ravir. Pour lequel aussi nous n’avons pas besoin d’un grand savoir, de beaucoup de langues et de livres, mais seulement d’un cœur soumis et abandonné à Dieu. Appliquons-nous donc de toutes nos forces à rentrer en nous-mêmes, vers ce bien et ce trésor intérieur et caché, céleste et éternel. Que cherchons-nous au dehors dans le monde, puisque nous avons tout en nous, le Royaume de Dieu même tout entier et avec toutes ses richesses. Oui c’est notre cœur et notre âme qui est la véritable école du S. Esprit, l’habitation de la très sainte Trinité, le véritable temple de Dieu, la maison de prière en esprit et en vérité. Car bien que Dieu soit dans toutes choses par sa toute présence sans y être renfermé, mais d’une manière incompréhensible, tellement que le Ciel et la terre en sont remplis, si est-ce qu’il est d’une manière plus particulière et plus précise dans une âme éclairée ; c’est là où il habite et où il fait sa résidence, comme dans son image et ressemblance. C’est là où il opère des œuvres conformes à sa nature. C’est là où il donne toujours des réponses à nos soupirs et à nos demandes. Car comment pourrait-il se refuser à ceux en qui il habite, qu’il meut et qu’il soutient lui-même ? Rien ne lui plaît davantage que de se communiquer à ceux qui le cherchent. Pour cet effet, il faut une âme tranquille et paisible, et l’âme est paisible et tranquille lorsqu’elle se détourne du monde ; ce qui a fait dire à un Païen que notre âme sera sage et bienheureuse lorsqu’elle sera paisible et tranquille. S. Cyprien et S. Bernard en parlent aussi d’une manière admirable.

Ô ! mon cher ami ! considère quel est ce Trésor Céleste, et ce que c’est que d’être affranchi des chaînes et des liens de ce monde. Quel bien souverain et exquis, pour lequel on n’a pas besoin de beaucoup de travail et d’intercessions des grands, ou de courses ; mais c’est un pur présent de la libéralité de Dieu. Car comme le Soleil éclaire par lui-même, qu’il fait couler la pluie de soi-même et rend la terre fertile, de même aussi le S. Esprit se répand dans une âme qui se retire du monde pour s’élever à Dieu, c’est-à-dire qui rentre en elle-même ; c’est alors que le trésor caché, quoique comme un éclair, se fait apercevoir dans l’âme, et ce moment vaut mieux que le Ciel et la terre, et que tout ce que les créatures ont de plus doux, comme dit Saint Bernard. « Celui qui a une fois appris comme il faut à se recueillir, et à chercher la face de Dieu, et à goûter sa présence dans son intérieur, je ne sais si une telle âme ne trouverait pas les peines et les tourments de l’Enfer pour quelque temps plus supportables que si, après avoir connu et goûté la douceur de cet exercice spirituel, elle était obligée de s’en priver pour retourner aux voluptés, ou plutôt aux désagréments et inquiétudes du monde et de la chair, et aux désirs insatiables et agitations des sens. » C’est ce que dit saint Bernard, car une telle âme ne trouve pas seulement le souverain bien en elle-même lorsqu’elle se tourne à Dieu, mais aussi la souveraine misère lorsqu’elle vient à le perdre. Elle s’aperçoit bien qu’elle vit en Dieu, comme dans la source de la vie, lorsqu’elle meurt au monde. Et par contre plus elle vit au monde, tant plus elle meurt à Dieu. Une âme qui est morte au monde vit véritablement en Dieu et est le bon plaisir et la joie de Dieu. Elle est un raisin mûr et délicieux dans la vigne du Seigneur, comme il est écrit dans le Cantique de Salomon. Les autres hommes mondains sont des lambruches amères et malmûres. Or les marques d’une âme qui est morte au monde sont celles-ci. Lorsqu’un homme préfère en toutes choses la volonté de Dieu à la sienne, qu’il étouffe son amour-propre, qu’il mortifie les désirs de la chair, qu’il suit les voluptés mondaines, qu’il s’estime pour le plus chétif de tous les hommes, qu’il ne juge pas légèrement son prochain, laissant à Dieu tout jugement ; qu’il ne s’élève point lorsqu’on le loue, ni ne se chagrine quand on le corrige ; qu’il supporte tout en patience et ne se plaint de personne ; voilà en quoi consiste la vraie perfection de la vie Chrétienne. Car cette perfection ne consiste pas, comme plusieurs se l’imaginent, dans une grande joie, une dévotion sublime et céleste ; mais elle consiste dans le renoncement à ta propre volonté et ton amour, et à ta gloire propre, en la connaissance de ton propre néant, dans un accomplissement continuel de la volonté de Dieu, dans une charité ardente et une compassion sincère pour ton prochain. En un mot, dans une telle charité qu’elle ne désire, ne se propose, et ne cherche que Dieu seul. C’est en cela que consiste la véritable vertu chrétienne, la vraie liberté, et la solide joie, dans la victoire de la chair et de ses affections.

 

 

Préface sur le troisième Livre.

 

L’Écriture sainte témoigne en divers endroits que les cœurs des hommes sont l’habitation de la très-sainte Trinité. Mais qui est-ce qui connaît en soi ce trésor ? Qui est-ce qui en fait un grand cas et qui le cherche ? Mais parce que ce trésor ne peut être connu ni recherché sans le Sabbat intérieur et tranquille du cœur, où le S. Esprit donne ses enseignements par la méditation de la parole, où il répand sa lumière, où il vivifie, et où l’esprit sonde les choses profondes, même de la divinité, il importe de savoir comment on peut amener le cœur à ce tranquille Sabbat. Pour cet effet, il faut, comme il a été dit, poser le fondement par la prière. Mais il faut savoir plus outre comment il faut chercher ce trésor, cette perle cachée dans le champ du cœur : c’est par le recueillement en soi, voire en Dieu. Car c’est lui qui est le Sabbat intérieur d’un cœur qui est purifié par la foi et qui est éclairé par le S. Esprit. C’est de ce trésor, de cet esprit et du règne de Dieu, qui est caché dans les cœurs fidèles, qu’est procédée toute la sagesse qu’ont eue tous les hommes de Dieu les plus illuminés qui ont jamais vécu, et même celle des prophètes et des Apôtres.

Ô mon cher ami, mon cher Lecteur, il faut chercher cette perle, il faut cultiver ce champ, il faut allumer ce don de l’esprit et cette grâce de Dieu, comme une étincelle de feu qu’on souffle comme saint Paul nous l’enseigne. Mais pour te donner une instruction naïve, toutefois solide, de quelle manière les Enfants de Dieu peuvent sortir de l’homme extérieur pour entrer dans l’intérieur, c’est-à-dire dans le fond de leur cœur, afin de le sonder, de le connaître et de le changer, et d’y trouver Dieu, et son Royaume céleste, observe bien que comme toute l’Écriture Sainte tend et regarde au cœur, aussi toute la doctrine de l’illuminé Tauler tend à l’homme intérieur, et va au fond du cœur ou de l’âme. De là vient qu’il dit si souvent qu’il faut avoir Dieu et son Règne, le chercher et le trouver purement dans le fond intérieur. C’est-à-dire que cela même que l’Écriture et sa droite exposition enseigne au dehors doit se trouver réellement en esprit et en vérité dans le fond du cœur. Pour cet effet, il est nécessaire de se recueillir dans son propre fond, et plus on se détourne du monde pour entrer en soi-même, tant plus on retourne à Dieu dans son éternelle origine. Et plus un vrai Chrétien s’exerce dans ce recueillement, tant plus le Règne de Dieu et le trésor caché se manifeste en lui. Celui donc qui ne porte pas ces fruits de l’Esprit, ou du nouvel homme, ne saurait avec la plus haute perfection subsister devant Dieu, mais il demeure sous son jugement. Matth. 7, v. 21-22. Tous ceux qui me diront : Seigneur ! Seigneur ! n’entreront pas dans le Royaume des Cieux, mais ceux qui feront la volonté de mon Père qui est aux Cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur ! Seigneur ! n’avons-nous pas Prophétisé en ton nom, chassé les Diables, et fait plusieurs miracles ? Mais il leur répondra : Je ne vous ai jamais connus, départez-vous tous, ouvriers d’iniquité. Car devant Dieu nulle chose extérieure n’est d’aucune considération, mais uniquement l’intérieur. Rien de ce qui ne consiste qu’en la lettre, mais ce qui procède de l’esprit et qui est esprit. C’est pourquoi il y a une grande différence, comme il a été déjà dit, entre un savant mondain et un homme enseigné de Dieu, ou entre un savant et un Saint. Le Savant acquiert son savoir du dehors, de la lettre. (Remarquez bien ceci.) Le Saint l’acquiert du dedans, du S. Esprit ou de l’onction, qui nous enseigne toutes choses. La Science d’un Savant consiste en paroles ; celle d’un saint en vertu. Car le Royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en vertu.

Mais pour n’en pas demeurer aux expressions usitées, et pour aider les simples particulièrement à entrer dans leur fond intérieur, jusqu’à ce qu’ils puissent mieux le comprendre, ils doivent observer les cinq articles capitaux de leur catéchisme. Et premièrement, tu crois que Dieu a donné sa loi sur la montagne de Sinaï écrite sur deux tables de pierre, et que cette loi contient la volonté de Dieu très-sainte, à laquelle tu dois conformer ta vie. Tu crois bien, mais cela ne te sert de rien si Dieu n’écrit lui-même du doigt de son esprit sa loi dans ton cœur et s’il n’accomplit en toi sa sainte volonté. Or afin que Dieu fasse ces choses et qu’il puisse exécuter en toi cette œuvre excellente, il faut, puisque tu es devenu Chrétien, que tu lui donnes ton cœur et que tu lui consacres ta volonté, et alors la sienne s’accomplira en toi. Et parce que c’est là une œuvre si noble et si sublime, le Roi Prophète David la demande à Dieu avec tant d’ardeur, singulièrement dans le Ps. 119, car c’est là le but de tout son Psaume, savoir que Dieu le conduise selon sa lumière et ses témoignages, qu’il le dirige et qu’il l’enseigne, afin que cette œuvre sainte et sublime ne trouvât en lui aucun obstacle. En outre, tu crois que Christ est ta justice, ta vie, et ton salut. Tu crois bien, car on ne peut point poser d’autre fondement que celui qui est posé, savoir Jésus Christ. Et il n’y a salut en aucun autre, il n’y aussi aucun nom sous le Ciel qui soit donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés. Mais il faut que tu aies Christ en toi, C’est-à-dire que tu le reçoives dans ton intérieur par la Foi, tellement qu’il te devienne propre avec sa personne et ses offices. Voilà, si Christ est à toi, tout ce que Dieu est est à toi. Ainsi tu ne dois chercher ton trésor en quoi que c’était hors de toi. Voici, le règne de Dieu est au-dedans de vous. Luc 17, v. 21. Il est la justice, la joie et la paix par le S. Esprit. Rom. 14, v. 17.

Tu crois que Christ est la Parole éternelle du Père, la véritable lumière, et la véritable vie de l’homme. Tu crois bien, mais prends garde que cette parole parle en toi, que cette lumière luise au-dedans de toi, et que cette vie vive en toi ; autrement ce que tu crois ne te sert de rien. Il faut que tu aies ce trésor au-dedans de toi ; il faut que tu sois uni à Christ par la foi. Tu crois et tu sais que la prière, l’action de grâces, les louanges de Dieu sont des œuvres excellentes. Tu crois bien, mais si Christ ne prie en toi, si le S. Esprit de grâce et de prière ne soupire en toi, et si toi-même tu ne pries dans le vrai temple de l’esprit en vérité et dans le fond de ton cœur, tout cela te servira de peu. Tu crois que le pardon des péchés et l’adoption Divine t’est accordée dans le Baptême. Tu crois bien, mais si tu n’as pas en toi les Fruits du Baptême, l’onction du S. Esprit, la vraie illumination, de quoi te sert tout cela ? Tu crois que Christ est l’agneau de Dieu sacrifié et offert sur la Croix. Tu crois bien, mais s’il n’est pas ta viande journalière et intérieure, de quoi te servira-t-il ? Ainsi tu vois comment tu dois chercher et posséder ton trésor au-dedans de toi, et non au dehors. Ch. 1.

Le vrai chemin du recueillement vers son trésor intérieur, et vers le souverain bien, c’est la vraie foi vive, dont la Propriété est de s’attacher à Dieu fidèlement et de tout son cœur, d’y mettre toute sa confiance, de se donner tout entier à lui, de s’abandonner à sa miséricorde, de s’unir à lui, d’être et de demeurer un avec lui ; de se reposer sur lui seul, et d’observer son Sabbat sacré, d’en faire l’unique objet de ses désirs les plus ardents, son plus doux plaisir, et toute sa joie, et à l’exclusion de toutes les créatures ; de ne désirer et ne demander que Dieu seul, comme étant le souverain bien, le bien éternel infini, et très parfait, qui est tout bien, et hors duquel il n’y a aucun véritable bien dans le Ciel et sur la terre, dans le temps et dans l’éternité, et le tout en Jésus Christ et par Jésus Christ notre Seigneur, qui est le Chef et le Consommateur de la foi. C’est la foi qui nous amène à notre trésor intérieur et au souverain bien. Car elle produit et opère le vrai Sabbat par lequel nous nous reposons en Dieu, et dans lequel Dieu se manifeste. C’est pourquoi le Seigneur disait à Marthe : Marthe, tu te travailles après beaucoup de choses, une seule chose est nécessaire, Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera point ravie. Quelle est donc cette meilleure part ? C’est sans doute Dieu seul en Christ ; car c’est par cette foi qui reçoit et admet Dieu seul dans le cœur qu’on choisit la meilleure part. C’est par cette foi que Dieu possède le cœur de l’homme, que Christ habite en nous, avec le S. Esprit, et la très-sainte Trinité. C’est là la meilleure part que l’homme puisse choisir. C’est là le salut et la vie éternelle. Tout ce qui concerne le vrai Christianisme est compris dans cette seule chose. C’est d’elle que découle la charité et toutes les vertus. Car celui qui croit aime et espère ; celui qui espère est patient ; celui qui est patient est débonnaire ; celui qui est débonnaire est aussi humble ; celui qui est humble craint Dieu ; celui qui craint Dieu prie, crucifie sa chair, et se renonce soi-même, il hait sa propre vie et méprise le monde, ce qui fait dire à S. Jean, I. Ép. 5, v. 4, que la foi est la victoire qui surmonte le monde. C’est à cette chose unique que Jésus-Christ renvoyait ce riche jeune homme qui lui demandait : Bon Maître, que faut-il que je fasse pour hériter la vie éternelle ? Comme le Seigneur l’eut renvoyé à la Loi, il répondit : J’ai observé ces choses dès ma jeunesse. Le Seigneur répliqua : Vends tout ce que tu as et me suis, et tu auras un trésor au Ciel. Par là le Seigneur lui enseignait cette unique chose, cette meilleure part qu’il devait choisir par la Foi, et à rentrer dans son origine, en Dieu par le Sabbat intérieur du cœur. Toute la vie Chrétienne découle par elle-même de cette seule chose, de même que tous les commandements qu’on saurait imaginer, comme l’eau coule d’une source ; non point par contrainte ou par la Force de la loi, mais par l’amour dans une entière liberté d’esprit. Car Dieu opère lui-même en nous toutes ces choses selon son bon plaisir, et tout ce qu’il n’opère pas lui-même il ne le reconnaît pas pour sien. C’est pourquoi on n’a que faire ici d’aucune loi coactive, d’aucun commandement, ni d’aucune défense ; car la foi seule fait tout ce qu’il y a à faire, par un esprit libre, c’est-à-dire qu’elle s’abandonne à Dieu qui opère toutes choses en nous par sa grâce. C’est aussi ce qu’Ésaïe nous prêche, lorsqu’il nous dit d’aller à Dieu pour l’écouter, et pour acheter sans argent du vin et du lait.

C’est donc ici le moyen pour parvenir à notre trésor intérieur, savoir la Foi qui observe un Sabbat sacré à Dieu et porte l’homme à rentrer en soi-même comme il est écrit. Ésaïe 46, v. 8. Vous, malfaiteurs, rentrez dans votre cœur. Car comme le cours des Cieux est le mouvement le plus noble et le plus parfait, parce qu’il retourne toujours en soi, dans sa première origine, où son cours a commencé, de même aussi la course la plus noble et la plus parfaite de l’homme est celle par laquelle il retourne à son origine qui est Dieu. Et cela ne se peut faire qu’autant que l’homme rentre en soi-même, avec toutes ses facultés, son entendement, sa volonté, sa mémoire, étant évacué du monde et de toutes les choses charnelles, tournant son âme avec tous ses désirs vers Dieu, se reposant par le Saint Esprit des agitations du monde dans un Sabbat tranquille. C’est alors que Dieu commence d’opérer en lui. Car c’est à ce Sabbat du cœur que Dieu s’attend, et sa plus grande joie est de pouvoir faire son œuvre en nous. Car Dieu est si empressé pour nous qu’il semble que son Essence divine se doit mettre en pièces, et s’anéantir elle-même, pour nous manifester tout l’abîme de sa Divinité, et la plénitude de son Essence et de sa Nature. Dieu s’empresse à se donner en propre à nous, comme il est à soi-même. N.B., l’homme ne saurait rien faire de plus agréable à Dieu que de demeurer tranquille et d’observer ce Sabbat. Dieu n’a besoin d’autre chose pour faire son œuvre sinon qu’on lui donne un cœur humble et tranquille ; c’est alors qu’il fait une œuvre dans l’âme à laquelle nul homme ne peut atteindre ; la sagesse éternelle de Dieu est si délicate dans ses ouvrages qu’elle ne peut pas souffrir qu’aucune créature s’en mêle. Autant donc que l’âme se repose en Dieu, autant Dieu se repose en elle ; si elle se repose entièrement en Dieu, Dieu se repose aussi entièrement en elle. Mais si tu suis ta propre volonté, ton entendement et ta mémoire, et que tu satisfasses tes propres désirs, Dieu ne peut pas s’en servir ni faire son œuvre en toi. Car lorsque deux doivent devenir un, il faut que l’un se tienne coi et souffre l’action de l’autre, qui doit agir. Or Dieu est une vertu infinie, et toujours agissante, un mouvement perpétuel qui ne se repose jamais, mais qui travaille toujours en toi, pourvu qu’il puisse parvenir à son ouvrage et que tu ne lui fasses point obstacle, ce qui se peut mieux comprendre par cette comparaison. Afin que ton œil puisse voir et recevoir une image, il faut qu’il soit libre et vide de toute autre image ou figure. Car s’il avait dans soi quelque image, il ne pourrait rien voir, ni recevoir une autre image. Il en est de même de l’âme avec ses facultés, son entendement, sa volonté sa mémoire, et ses désirs. Elle ne peut point recevoir Dieu en soi tandis qu’elle est remplie du monde et des choses terrestres. Aussi, comme il faut que l’oreille soit vide de tous les sons si elle veut ouïr quelque agréable musique, de même faut-il que ton âme soit vide du bruit du monde si elle veut avoir le plaisir d’ouïr la voix de Dieu réjouissante. Tant plus donc l’âme se retire des choses terrestres, tant plus elle devient céleste ; tant plus elle s’abstient des convoitises de la chair, tant plus est-elle participante de la nature divine. Que si ton emploi et ta vocation t’empêche d’entrer dans ton cœur, il faut du moins que chaque jour, sans manquer, ou la nuit, tu cherches quelque coin ou quelques moments pour entrer dans le fond de ton cœur, et de cette manière tu pourras dire avec Saint Augustin : Ah ! mon Seigneur, je veux faire un accord avec toi, je veux mourir véritablement à moi-même, afin que tu vives en moi ; je veux aussi me reposer, afin que tu opères en moi. Ch. 2.

Plusieurs cherchent divers moyens pour s’unir à Dieu, par des lectures extérieures ou d’autres dévotions. Mais la vérité est qu’il n’y a point de voie meilleure et plus facile, avec la vraie et vive foi qui purifie le cœur de tout l’amour des Créatures, qu’une vraie et profonde humilité ; mais elle ne doit pas consister en paroles ou en des apparences extérieures, mais dans le fond du cœur, de sorte que l’homme se répute comme rien en toutes choses, soit au regard des dons spirituels ou naturels, tellement qu’il soit véritablement pauvre en Esprit au dedans, et qu’il n’aime rien dans le monde, ni ses biens, ni son honneur, ni son corps, ni son âme, ni sa joie, ni son repos ; de telle sorte que si Dieu le voulait d’une autre manière, il ne fût prêt de l’abandonner gaiement pour l’amour de lui et pour sa gloire, selon sa sainte et paternelle volonté, et quand il devrait même souffrir les peines infernales, qu’il s’en réputât digne et l’en bénit, s’abandonnant à son bon plaisir.

Ô ! Pauvres morts ! De quoi vous occupez-vous ? Comment vous laissez-vous si misérablement tromper, par la nature rusée, par l’amour des créatures qui vous possède en secret et d’une manière cachée, et qui occupe la place la plus intime de votre âme, que Dieu seul devrait posséder ? Car nous sommes dans le monde afin que nous y mourions à notre volonté propre et que nous revenions à Dieu par le renoncement au monde et à toutes les Créatures pour être réunis à lui, tellement que nous rentrions dans notre première origine, et comme le corps est enseveli dans la terre, que notre âme soit aussi ensevelie dans l’abîme de la Divinité. Que si nous négligeons ces choses ici-bas, nous en serons éternellement privés, ce qui est fort à remarquer.

Un Chrétien doit se détourner pour le moins une fois chaque jour de routes les choses extérieures et rentrer dans le fond de son cœur. Ô ! Quel grand bien il en recevrait ! Ps. 116, v. 7 : Mon âme, retourne en ton repos, car l’Éternel t’a fait du bien. L’âme, lorsqu’elle se répand dans les choses extérieures et qu’elle s’attache uniquement aux Créatures, se trouve dans l’égarement comme une brebis égarée, et c’est à cela que Dieu applique tous ses soins à ramener une telle âme de son égarement, à la vider des créatures, et à la faire revenir à lui, afin qu’il y puisse perfectionner son œuvre excellente et divine. De là vient que David conclut le Ps. 119 par ces paroles : Je suis la brebis égarée, cherche ton serviteur.

Cette conclusion paraît une folie aux hommes charnels, mais elle montre à un homme sage selon Dieu toute l’œuvre de notre illumination et de la sapience céleste. Car l’âme est placée entre le temps et l’Éternité ; si elle se tourne vers le temps, elle se prive de l’Éternité et elle demeure éloignée de toutes les choses divines. Mais si elle se tourne vers l’Éternité, elle oublie les créatures, elle obtient sa liberté, et s’approche de Dieu. Ainsi Dieu la tire à soi, et c’est là sa plus grande joie, lorsqu’il peut faire son œuvre dans l’âme. C’est alors que l’âme goûte son véritable repos, sa véritable viande, sa véritable vie, les Fruits de l’onction d’où tu tires le nom de Chrétien. N’est-il donc pas bien convenable à un Chrétien de jouir du moins une fois chaque jour de cette viande Céleste de l’âme, et qui est sa véritable vie. Si tu comprenais ces choses, tu aurais mille fois plus d’empressement pour les choses éternelles que pour les temporelles.

Lorsque ces doux mouvements et cet amour de Dieu remuent l’âme, elle oublie à cause de cet amour toutes les souffrances ; elle les trouve légères et ne s’inquiète point qu’on l’aime ou qu’on la haïsse. Car elle a une paix continuelle en Dieu, et avec toutes les Créatures, amis ou ennemis, le joug de Christ lui est toujours doux. Car ces personnes-là sont en Christ et Christ en elles. Christ porte son joug en elles, et elles en lui ; c’est pourquoi elles disent avec Saint Paul : Nous pouvons toutes choses en Jésus-Christ notre Seigneur. Ô mon cher ami, tu vois combien il est utile et salutaire à un Chrétien d’entrer pour le moins une fois chaque jour dans son propre cœur en Dieu et en Christ, pour le repos de son âme précieuse, et pour pouvoir user droitement des choses temporelles.

Maintenant il suit de voir comment Jésus Christ, qui est la parole éternelle du Père, accomplit son œuvre dans le cœur du croyant, par des inspirations et entretiens intérieurs ; et comment cela arrive par le moyen de la charité, et comment il se manifeste et se donne à connaître dans l’humilité. Examinez-vous vous-mêmes si Christ est en vous. 2. Cor. 13, v. 5.

Comme on est souvent contraint de souffrir malgré soi les suggestions de l’ennemi, de même aussi une âme fidèle ressent au réciproque la consolation divine que la parole éternelle prononce en nous ; ce qui a fait dire à un Docteur éclairé de Dieu : « Sachez que la parole éternelle est si près de nous, intérieurement dans notre fond, d’une manière inexprimable, que l’homme n’est pas si près de soi-même et si avant dans son intérieur, quant à sa propre nature, à ses pensées et à tout ce qu’il peut dire et penser, que la parole éternelle l’est dans l’homme. » Elle ne cesse de parler dans l’homme, mais l’homme ne l’entend point, à cause de la grande surdité de son cœur qui procède du Diable. Car cet ennemi malin étourdit l’homme par ses suggestions, par l’amour du monde, et par tout ce qui l’attache au monde. Car le Diable tente aussi aujourd’hui tous les hommes par tout ce qui flatte la nature. Comme il a tenté Ève, il fait le même chaque jour à l’homme, par les biens, les honneurs, les amis, et par sa propre nature, ou par toutes les imaginations qu’il lui suggère, par l’amour des créatures. C’est par-là qu’il exerce ses suggestions. Car il est toujours à l’entour des hommes, et il observe leurs inclinations au dedans et au dehors dans la joie ou dans la douleur. C’est par-là qu’il les tente et qu’il excite en eux des idées et des imaginations qui empêchent qu’ils ne puissent entendre ce que Dieu leur dit par son Esprit et par sa parole. Tu dois résister à ces sortes de suggestions Diaboliques ; car toutes les fois que tu y prêtes l’oreille intérieure, tu en es surmonté. Mais si sur-le-champ tu rentres dans ton cœur en détournant tes oreilles, tu as remporté la victoire. Comme donc l’amitié qui se trouve entre les gens de bien forme entre eux des agréables entretiens, de même aussi, si tu aimes Dieu sincèrement, tu entendras sa voix en toi. Car celui qui m’aime, dit le Seigneur, entend ma voix. Non seulement au dehors dans les assemblées Ecclésiastiques, mais dans le vrai Temple de son cœur. Car si elle ne se fait pas entendre dans ce temple, l’extérieur ne fera pas beaucoup de fruit. C’est pourquoi tout consiste en ce que tu aimes Dieu, afin que tu l’entendes dans ton cœur parler à ton âme.

Mais si tu veux savoir si tu aimes Dieu, dit Grégoire, observe soigneusement si tu reçois toutes sortes de croix, de souffrances, de tribulations, et de misères de la main de Dieu avec patience, sans aucun murmure ni de paroles ni d’action. Si tu le fais, il n’y a point de doute que tu n’aimes Dieu ; mais si cela n’est, tu n’aimes pas Dieu purement, tu aimes ce qui t’est propre plus que lui. Que si tu viens à l’aimer sincèrement, tu recevras de lui et tu entendras dans ton cœur plusieurs douces paroles. Car il a dit : Celui qui m’aime, je me manifesterai à lui. Cette manifestation se fait par l’ouverture de l’entendement et par l’illumination du cœur, par l’esprit de sagesse, de connaissance, de force, de vertu, d’intelligence, et de crainte de l’Éternel, singulièrement aussi par l’ouverture des yeux intérieurs par lesquels tu connais Jésus-Christ. Or comme le Diable bouche les oreilles par ses suggestions, comme il a été dit, il obscurcit aussi les yeux intérieurs par l’amour-propre, par l’amour du monde et des créatures, et par ton orgueil intérieur et extérieur. Car comme il faut que tu entendes dans un amour ardent et intime Christ parler en toi, il faut aussi que tu apprennes à le contempler en foi et en vraie humilité, par laquelle le cœur sera purifié et nettoyé de l’orgueil et de la vie. Car ce n’est pas sans raison que le Seigneur a dit : Bienheureux sont ceux qui sont nets de cœur, car ils verront Dieu. Matth. 5, v. 8. C’est pour cela que Dieu t’envoie diverses croix pesantes, afin que tu t’abîmes jusques au fond, par une pure humilité, et tout cela t’est plus avantageux que si tu vivais dans la plus grande prospérité, dans la joie, et dans l’honneur. Que le Ciel et la terre tombent sur toi, que tous les Démons de l’Enfer même viennent t’assaillir, il t’en reviendra le plus grand avantage ; car ces choses te plongeront dans la plus profonde humilité, où tu apprendras à connaître Christ comme il faut.

Considère que Christ est le Dieu très-haut et Tout-puissant qui a créé le Ciel et la terre, et qui les peut derechef anéantir, et néanmoins il a bien voulu endurer tant de souffrances et être anéanti pour l’amour de sa pauvre créature. C’est pourquoi tu dois être couvert de honte, toi qui n’es qu’un homme mortel, d’avoir donné entrée dans ton cœur à l’orgueil, à la vaine gloire, et au jugement des autres hommes. Soumets-toi extérieurement ; ploie ton esprit orgueilleux sous la couronne d’épines de Christ, et suis un Dieu crucifié avec un esprit humble, dans un vrai anéantissement de toi-même intérieur et extérieur, et apporte toute diligence à ce que tu sois rendu conforme à ses souffrances et par une conversation humble, et alors tu verras et tu connaîtras Christ véritablement. Car de quoi te sert-il de penser aux souffrances de Christ avec un amour éteint et aveugle, sans en venir à la pratique, te contentant du simple souvenir, sans vouloir le moins du monde relâcher de ton orgueil et de tes aises ? De cette manière tu n’apprendras jamais à bien connaître Christ, ni à en ressentir la vertu à opération. Car comme le Soleil et les Cieux opèrent dans les profondeurs de la terre, de même aussi Christ opère dans une humilité profonde, tellement que l’homme ne s’estime aucunement, ni quoi que ce soit qu’il ait ou qu’il fasse. Car s’il y a quelque bien dans ton œuvre, ce bien est de Dieu, non pas de toi, C’est dans la profondeur de cette humilité que tu dois venir si tu veux avoir des yeux bienheureux qui voient Christ. Car c’est aux petits et aux humbles à qui le Père Céleste manifeste ses secrets en Christ et sa sagesse cachée, mais il les cache aux grands, aux sages, et aux entendus de ce siècle. Car c’est dans la pure bassesse et petitesse que se trouve l’intelligence et la connaissance de la pure et divine vérité, où l’essence du salut éternel est cachée. C’est là où la hauteur de la Majesté Divine se manifeste, et tant plus la grandeur de Dieu est manifestée à l’homme, tant plus son néant lui est manifesté, et c’est en cela qu’on doit reconnaître la vérité de l’illumination divine. Car elle enfonce l’homme toujours plus avant dans son propre néant, afin qu’il cesse d’être amateur de soi-même. Car c’est de là que sont procédées toutes les ténèbres, tout l’aveuglement et toutes les erreurs. Mais ceux qui ressentent la lumière divine sont toujours plus affamés de souffrances et d’humiliations, et de l’imitation de la vie et de l’exemple de leur Seigneur Jésus-Christ, comme cette faim et soif de la piète est décrite dans le Ps. 119. Car ce Saint Roi Prophète comprenait fort bien que sans cela il n’y avait aucune lumière ni sagesse divine, ni aucune réponse, ni inspiration à attendre dans l’âme, et c’est là le vrai sens de tout ce long Psaume. Cette humiliation de l’Esprit de l’homme est la vraie demeure où Dieu opère toutes choses par sa grâce. Un tel homme craignant Dieu a toujours son âme remplie de lui et son corps rempli de douleurs. Car il s’estime indigne de tout et n’ose de rien qu’avec crainte et tremblement, et nullement pour sa volupté, mais il est comme un serviteur qui se tient devant la table de son maître et qui a les yeux sur lui pour connaître sa volonté. Jamais Dieu ne laisse un tel homme sans grâce et sans quelque amiable entretien. Ch. 15.

Mon cher ami, veux-tu être uni à Dieu en Esprit et en vérité, entendre en toi sa douce voix, contempler sa face en Christ et goûter son amour dans ton cœur ? Soumets-toi entièrement à sa divine volonté et reçois volontairement toutes sortes de croix, porte-les en patience, et suis ton Jésus dans le renoncement à toi-même. C’est ainsi que tu le trouveras.

Nul ne saurait exprimer le grand bien qui est caché dans les souffrances, car ce n’est que par un pur effet de son amour et de sa fidélité que Dieu impose la croix à ses amis, afin de les attirer à soi, de les rendre conformes à Christ, et que le salut ne leur puisse être ravi.

Ô ! si nous savions comment la croix nous mène à Dieu, et avec quelle promptitude elle chasse hors de nous le mauvais Esprit, nous irions plusieurs lieues de chemin au-devant d’elle. Car les souffrances et la croix sont si excellentes et si utiles que Dieu ne peut point laisser ses amis sans cela. Si nous pouvions comprendre l’excellence de la croix, nous nous en estimerions indignes, tant c’est une grande grâce de Dieu d’être rendus en cela conformes à l’image de Christ. Tu dois aussi savoir que tous les vrais dons de Dieu nous viennent par les souffrances. Et s’ils les devancent, si est-ce que ce sont elles qui les éprouvent, et parce que les souffrances sont aussi utiles et fructueuses à l’âme, Dieu en a imposé ici-bas des grandes à tous ses b. Saints et amis, et singulièrement à son Fils unique bien-aimé. C’est pourquoi souffre aussi au nom de Dieu à cause des grands fruits qui procèdent des souffrances. C’est ce que les sages de ce monde ne peuvent comprendre, ignorant absolument les grandes merveilles que le Saint Esprit opère dans ses saints par la croix. Il nous laisse souvent tomber dans l’opprobre et dans la tribulation d’une manière très pitoyable, afin que nous soyons abaissés en nous-mêmes.

Ainsi tous les hommes divins sont chétifs et de peu d’estime, ils ne sont pas non plus éloquents en leurs discours, et ne font pas des œuvres de grande apparence. Mais au dedans ils sont les veines vivantes dont Dieu lui-même est la portion et où il demeure éternellement. Chapitres 22 et 23 du 3e livre.

C’est pourquoi ceux-là font une grande folie qui aiment mieux être éclairés de la sagesse mondaine que de la sagesse divine et éternelle de Christ ; leur folie est aussi grande que celle de celui qui de plein jour aimerait mieux être éclairé d’une bougie que du Soleil ; ainsi on ne saurait concevoir une plus grande extravagance que de penser mieux voir et être plus sage par la sagesse du monde que par la sagesse divine, qui est Christ en nous. Ô ! quelle folie que de s’imaginer d’être plus éclairé par la Créature que par le Créateur. N.B. Celui qui comprend bien ici ce que je veux dire a le commencement de la sagesse éternelle, divine et céleste. Christ est l’ornement de son Église et la gloire du nouveau Ciel et de la nouvelle terre ; Dieu, qui est par-dessus vous tous, parmi vous, et en vous, est notre vie et notre vertu. C’est lui qui fait, qui voit, et qui entend toutes choses par son infinie et incompréhensible sagesse ; de là vient qu’il est nommé dans l’Écriture le voyant et le vivant. Ainsi nulle créature n’est cachée devant lui, mais toutes choses sont nues et à découvert devant ses yeux, et il n’habite nulle part plus volontiers que dans l’âme de l’homme. Ô ! la merveilleuse grâce et amour de Dieu pour nos âmes ! Ô ! l’admirable beauté ! si on la pouvait voir des yeux corporels, combien elle nous attirerait à soi ! Nous serions transformés de gloire en gloire, comme par l’Esprit du Seigneur.

C’est pourquoi nous devons aussi le servir en esprit et en vérité. Que si le service extérieur des créatures est une chose belle, combien plus le service intérieur spirituel qui se passe dans l’âme ? Car autant que l’âme est plus excellente que le corps, autant aussi le service de l’âme est plus excellent que le service corporel, et ce service Spirituel s’exerce dans le repos tranquille du Sabbat d’un vrai fidèle.

C’est ce que j’ai extrait du livre intitulé Le vrai christianisme, de Jean Arndt, touchant le repos du Sabbat de l’âme. Dieu veille que plusieurs entrent dans ce Sabbat et qu’ils choisissent Jésus-Christ, la véritable parole de vie, en la place de la lettre. De cette manière il ne leur pourra manquer aucun bien ici-bas et dans l’Éternité, Amen.

Ô ! Seigneur, dis aussi Amen, et donne-leur ton secours, afin qu’ils puissent parvenir au repos de l’âme. Jésus est le repos de l’âme, il est aussi la parole de Dieu et demeure tel à toujours, d’éternité en éternité, Amen.

 

 

À DIEU SEUL LA GLOIRE !

 

 

FIN.

 

 

 

 

Jean TENNHARDT, Œuvres, 1710.

 

 

 

 

 

 

 

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