Discours prononcé
au banquet de réception
de Jean Skrzynecki
LE 17 JANVIER 1841, À BRUXELLES.
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Aujourd’hui, en tant que fraternité, nous célébrons votre entrée, Frère Jean, dans le cercle des serviteurs de l’Œuvre de Dieu. Nous célébrons cette cérémonie intérieurement et extérieurement, pour la plus grande gloire de Dieu et pour une reconnaissance encore plus ardente à Dieu pour sa miséricorde envers vous. Nous célébrons encore un petit groupe, parce que c’est le moment où l’Œuvre de Dieu, qui était jusqu’à présent du domaine de l’esprit, dans l’autre monde, commence juste à passer dans ce monde et à y devenir une réalité. – Consacrons ce saint et joyeux moment, frères, à méditer sur certaines vérités chrétiennes qui ont été jusqu’à présent couvertes d’un voile de mystère et que Dieu, dans son Œuvre, nous fait connaître plus profondément, afin que nous puissions aimer davantage ces vérités et les mettre en œuvre plus facilement, et que nous puissions puiser à cette source force et consolation dans les moments difficiles de notre service.
L’homme est un instrument visible à travers lequel se réalise le domaine invisible de l’esprit, habité par d’innombrables groupes d’esprits de natures diverses. Selon la bonne ou la mauvaise volonté de l’homme, selon qu’il accomplit ou non son destin, c’est-à-dire la pensée de Dieu reposant sur lui, les esprits bons ou mauvais, supérieurs ou inférieurs, s’unissent à l’homme et agissent à travers lui, accomplissant en cela la loi universelle d’harmonie et de collaboration qui régit toute l’immensité de Dieu. Chaque pensée, parole et action de l’homme n’est donc pas le fruit de l’homme seul, mais est en grande partie le fruit des esprits qui agissent à travers lui. L’homme est toutefois responsable de tous les fruits qu’il produit, de tous ses actes intérieurs et extérieurs, même s’ils ne sont pas produits par lui seul ; car il acquiert du mérite ou se rend coupable devant Dieu en s’unissant à un esprit bon ou mauvais, en obéissant à la grâce de Dieu ou aux tentations. Et ce n’est pas seulement l’homme, mais toute la création terrestre qui est sous l’influence et la direction du monde spirituel invisible.
L’homme a une volonté, et bien qu’il ne puisse rien faire par lui-même, par la seule force de sa volonté, et qu’il fasse tout sous l’influence et la direction du domaine de l’esprit, son libre arbitre est néanmoins la source de ses actions, la source de ses comptes et de ses orientations devant Dieu, la cause fondamentale de tout ce qui lui arrive et lui arrivera dans l’éternité. Il y a des moments où Dieu, pour éprouver l’amour de l’homme, lui ôte toute influence étrangère et le laisse en pleine liberté, afin qu’apparaisse ce qu’il choisit dans cet état, ce à quoi il pliera son âme : au ciel, ou à la terre, ou à l’enfer. À ce moment-là, le bien et le mal, la grâce divine et les tentations s’effacent et attendent la direction que l’homme, laissé à lui-même, se tracera ; et quand cette direction est tracée dans l’âme de l’homme par son penchant vers le bien ou le mal, alors la grâce divine, l’Esprit Saint ou les esprits de la terre et de l’enfer, s’unissant à la volonté de l’homme, aux agitations de son âme, le visitent et le gouvernent. L’inclinaison volontaire de l’homme vers le bien, fruit de son amour pour Dieu et, par conséquent, de sa vie sous la conduite et la protection de la Grâce divine, non seulement ne lui enlève pas sa liberté, mais le rapproche toujours plus de cette véritable liberté dans laquelle la volonté de la créature, soumise à la volonté du Créateur, s’unit de plus en plus à la volonté du Créateur et n’en désire que l’accomplissement. Elle le rapproche de cette liberté pour laquelle, selon les mots de saint Paul, « nous gémissons en nous-mêmes », liberté que « la créature attend avec grande impatience [...]. Car la création elle-même sera délivrée de l’esclavage de la corruption pour accéder à la glorieuse liberté des enfants de Dieu... » Au contraire, lorsque l’homme fait preuve d’une certaine mesure de mauvaise volonté, de mauvais mouvements de l’âme, de ces fruits de son amour pour le mal, alors Dieu soumet l’homme au pouvoir du Malin. Ainsi, celui qui n’incline pas son âme au bien par l’amour de Dieu, qui, étant libre de choisir, fait passer le mal avant le bien, celui-là, Dieu lui donne en abondance le mal qu’il a aimé, afin qu’il se rassasie des fruits de ce mal, qu’il souffre et qu’il désire le bien. En devenant l’esclave du Malin, il perd son libre arbitre et, dans cet état, ce n’est que par un effort pénitentiel extraordinaire de l’esprit qu’il peut obtenir la grâce de Dieu, se libérer du pouvoir du Malin et sortir de son propre enfer. Non seulement des individus peuvent être liés par une telle servitude, mais aussi des nations entières pendant une période plus ou moins longue, qui dure souvent des siècles.
La force et la vie sont dans l’esprit seul, et cette force et cette vie sont d’autant plus grandes et actives que l’esprit est élevé et pur. Ce n’est pas Nicolas lui-même qui ébranle toute la Russie et trouble le monde entier, mais bien l’esprit inférieur qui domine sur lui ; et la Mère de Dieu, par la force de sa sainteté, tient en échec les colonnes de ces esprits et les commande d’un seul signe de tête. Devant le Christ Seigneur qui, ayant vaincu le mal et élevé son corps à la hauteur de son Esprit divin, dans cet éloignement complet de la terre, de la matière, est invisible même pour la plus grande partie du royaume des esprits, tout l’enfer tremble, comme devant la puissance céleste suprême, tout le mal tremble, non seulement sur la terre, mais aussi sur tous les globes suspendus dans l’espace incommensurable.
Mais tout esprit, en descendant sur terre, en prenant ce corps, cette enveloppe terrestre, perd la force et la vie qu’il avait dans le domaine de l’esprit, et ne peut être fort et vivant, ne peut faire beaucoup et puissamment, que s’il est soutenu par le domaine de l’esprit, c’est-à-dire par des esprits libres des liens du corps, esprits bons ou mauvais, qui, comme nous l’avons déjà dit, s’unissent à l’homme selon l’état de son âme, selon l’espèce et le degré de sa volonté. Nous savons que Moïse, en priant, c’est-à-dire en appelant le secours du ciel, quoique extérieurement faible, parce qu’il ne pouvait lever les mains de sa propre force, vainquit les ennemis d’Israël. C’est pour un seul juste que Dieu a sauvé des villes et des pays, parce que ce juste a apporté avec lui le ciel, qui a défendu cette ville, ce pays, contre les assauts du Malin.
Le Christ Seigneur qui, descendant du ciel sur la terre, devenant le Verbe incarné, s’est soumis lui-même, pour donner l’exemple à l’homme, à la loi ci-dessus, a donné à l’homme, c’est-à-dire à l’esprit emprisonné dans la chair, dans la matière, le vrai moyen de retrouver le trésor de lumière, de force, de vie et de liberté que l’esprit a perdu par la naissance sur la terre. Dans la mesure où l’homme accomplit le sacrifice donné par le Christ, dans la mesure où, par la force de ce sacrifice, il vainc, à l’imitation du Christ, la chair, le monde et Satan, il retrouve le trésor susmentionné de son esprit et, avec ce trésor, il se trouve en communion avec le Ciel, sous la protection et la direction de la Grâce divine ; il se trouve aussi en fraternité chrétienne avec ce monde, avec les frères avec lesquels, dans les temps passés, il s’est uni et a vécu dans le Christ Seigneur.
En présence de cette communion et de cette compagnie célestes, que sont pour l’homme tous les autres biens et forces ? Que sont sa force terrestre et tous ses pouvoirs, attributs et lumière terrestre, qu’est sa raison, son intelligence, sa science, etc. ? Quoiqu’un esprit très bas, qui occupe un échelon très bas sur le grand chemin divin menant du plus bas au plus haut, un esprit qui vient simplement de l’opération animale et commence l’opération supérieure dans le corps humain, puisse être riche des biens et de la force du royaume terrestre, peut-il, avec cette richesse et cette force, dominer toutes les branches de ce royaume ? Peut-il même être le souverain de la première nation du monde... ? Oh ! quels trésors pour l’homme que l’amour, l’humilité, le sacrifice, l’affection, ces vertus chrétiennes qui placent l’homme sur les niveaux supérieurs de la voie de Dieu, sur les niveaux qui constituent la voie chrétienne et l’Église du Christ, sur les niveaux sur lesquels descend la Grâce de Dieu, cette puissance céleste devant laquelle tremblent toutes les forces inférieures de l’immensité de Dieu ! Quand la force matérielle de toute la terre n’est rien en comparaison de la force d’un seul esprit inférieur libéré des liens de la chair, que dire de la puissance du Ciel, de la puissance des armées du Seigneur ? Et cette plénitude de la grâce, cette puissance céleste – ô incompréhensible miséricorde de Dieu ! – descend parfois sur un pur et humble soupir d’homme.
Le Christ Seigneur a sauvé le monde parce qu’il a apporté dans le monde le feu céleste de l’amour et du sacrifice, le feu qui, en apportant la Grâce de Dieu, en apportant le ciel sur la terre, dissipe les ténèbres et vainc le mal qui règne sur la terre. La Mère de Dieu a écrasé la tête du serpent parce qu'elle a collaboré à cette œuvre consistant à nous apporter le ciel, à vaincre le mal et à sauver ainsi le monde. L’homme retire un grand bien de son union en Christ avec son prochain, car il a été dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » ; parce que chacun de ceux qui sont unis dans le Christ, allumant sa propre étincelle, attire la Grâce, ces armées célestes qui s’unissent les unes aux autres et chassent tout mal. Les époques chrétiennes futures, au cours desquelles la Loi du Christ sera de plus en plus connue et accomplie, dépendent du fait qu’en elles l’homme allumera de plus en plus en lui le feu du Christ et, par la puissance de ce feu, il s’élèvera de plus en plus haut, deviendra saint, et en conséquence la Grâce de Dieu descendra de plus en plus abondamment sur la terre, cette Grâce de Dieu qui est le ciel destiné la terre ; et enfin, à la dernière époque, selon l’exemple le plus élevé donné par le Christ, ce dernier but de l’homme sera atteint : l’accomplissement de la Parole de Dieu, la pleine victoire sur le mal, la pleine vie par l’homme, le Royaume des Cieux sur la terre.
L’Agneau de Dieu enlève les péchés du monde, car sur le sommet terrestre et infernal où se trouve le monde à cause de ses péchés, il a placé son sommet céleste dans le ton de l’Agneau sans tache, doux, humble, patient, cachant sa puissance céleste... C’est sur ce ton que l’Agneau de Dieu, se sacrifiant en esprit, en corps et en actes, au milieu des plus grandes adversités de la terre et des enfers, a donné au monde le feu du ciel, et en lui la lumière et la puissance célestes, chrétiennes, avec lesquelles il a accompli l’œuvre du salut du monde ; cela fait, il dirige pendant des siècles, jusqu’à la fin du monde, l’œuvre de salut qu’il a entreprise, une œuvre qui ne peut s’accomplir dans le monde de l’ère chrétienne que selon le modèle donné par l’Agneau de Dieu et seulement par la puissance du feu céleste apporté par lui, une œuvre dans laquelle s’accomplit l’expiation des péchés, la délivrance du mal, puis la guérison et le progrès du monde. – L’Agneau de Dieu sera toutefois encore longtemps tourmenté en esprit dans le monde, parce que le mal, agissant par l’entremise des hommes de mauvaise volonté, qui sont ses instruments, déposera sur l’Agneau les fruits de sa colère, ce que Dieu permet, afin que les méchants et les hommes de mauvaise volonté, après avoir déposé leurs fruits, puissent reconnaître leur mal, se purifier par la repentance, être relevés, progresser...
Mais quand la cause du progrès, du salut du monde, ne se fait que par le feu céleste de l’amour et du sacrifice, pourquoi Dieu, cet amour et ce sacrifice suprêmes et parfaits, qui ne veut que le progrès, le salut de ses créatures, ces particules du feu céleste, et qui laisse si rarement tomber la terre et l’expose à des épreuves si lourdes, pourquoi, dis-je, se laisse-t-il insulter par ces particules et permet-il aux ténèbres de triompher ? La conscience de cet état de chose, qui justifie Dieu dans ses jugements, soutiendra notre foi et nous permettra de nourrir plus facilement nos cœurs avec un pur amour pour Dieu.
Au milieu des vicissitudes douloureuses que le feu du ciel traverse sur cette terre, s’accomplit la loi suprême de l’amour, de la justice et de la miséricorde, la loi par laquelle Dieu gouverne et qu’il ne transgresse pas à travers les âges ; et si les moindres choses du monde sont soumises à cette loi, à plus forte raison le progrès chrétien du monde, l’éclat du feu du ciel, l’extension du Royaume du Christ dans le monde, doivent-ils être soumis à cette loi.
Selon cette loi suprême, l’amour, ce feu du ciel, cette particule de Dieu lui-même, doit être volontairement accepté par l’homme, et cette fleur céleste ne peut être nourrie et fructifiée dans le cœur humain que volontairement. C’est de ce volontariat que dépend la sainteté de ce feu. L’amour commandé, imposé, ou même créé dans le cœur humain par la toute-puissance de Dieu, sans la contribution de l’homme lui-même pour le recevoir et le nourrir, perdrait sa sainteté, cesserait d’être de l’amour. Ayant senti cette essence du feu céleste, nous pouvons aussi facilement sentir pourquoi le Dieu tout-puissant, qui peut tirer le globe et le monde du néant et le renvoyer au néant d’un seul coup de tête, s’est tant sacrifié au cours des âges et a tant daigné souffrir pour tourner vers lui un seul ver terrestre, pour obtenir de lui un seul mouvement volontaire de l’âme, un seul soupir. Selon cette loi suprême, l’homme ne peut agir et se sauver autrement qu’en se tournant vers son Créateur et en agissant pour lui avec amour et sacrifice, créant ainsi en lui le feu du ciel ; en substance, il n’y a pas d’autre moyen par lequel Dieu peut conduire ses créatures, héritières du bonheur futur, à l’héritage qui leur est assigné.
C’est par cette loi suprême que tu es contraint, Seigneur tout-puissant ! et si Ton amour et Ta miséricorde infinis donnent à l’homme d’innombrables moyens pour faciliter son salut, ils ne peuvent cependant pas sauver l’homme sans l’homme, sans sa volonté, sans la fleur de son propre champ !
Quand donc le progrès et le salut de l’homme dépendent du fait de tourner son âme vers Dieu et de l’émouvoir pour Dieu, donc de l’amour et du sacrifice, de la réponse à l’appel le plus sacré : « Donne-moi, mon fils, ton cœur ! », quel peut être, sans cette essence qui seule élève et sauve, l'accomplissement de tout ce que la miséricorde de Dieu offre à l'homme comme moyen et aide pour atteindre cette essence ? Que vaut l’offrande à Dieu de simples biens terrestres, de la terre elle-même, de Mammon, que sont tous les sacrifices extérieurs et les vertus de l’homme sans ce sacrifice intérieur de son cœur, de son âme ? Que sont les formes et les rites de l’Église, que sont les prières et les bonnes actions qui, sans cette condition nécessaire, sont accomplies sans vie et froidement ? Que sont même les dons les plus sacrés de l’amour du Christ, les Saints Sacrements, reçus par l’homme de façon sacrilège, sans la participation de son âme, et à plus forte raison avec l’âme tournée vers la terre, Mammon, et même plus bas que la terre ? Que sont tous ces moyens et toutes ces aides saintes et très sacrées qui, lorsqu’on en abuse, ne font qu’assourdir dans l’âme de l’homme l’appel du Père Très-Haut à la tourner vers Lui et à l’émouvoir pour Lui, et ne font qu’apaiser la conscience troublée par le rejet de cet appel suprême ? Que vaut tout cela quand on sait que la grâce ne descend que vers l’amour et le sacrifice, et non vers la forme de l’amour et du sacrifice ? Comment peut-on supposer que l’Esprit Saint se laisse séduire par la seule forme de l’amour et du sacrifice, alors que si souvent l’homme lui-même ne se laisse même pas séduire par cette forme, étant donné qu’elle n’est qu’une apparence sans valeur ? – Est-il possible d’infléchir le ciel par des moyens extérieurs, en détournant l’âme du ciel et en la livrant à la terre et à ce qui est plus bas que la terre, en cédant aux murmures du Malin, en se laissant aller aux mauvais penchants et aux mauvaises passions, et en introduisant ainsi dans l’âme les fondements ténébreux du mal ?... Le mal triomphe depuis qu’il détourne efficacement à son propre avantage les moyens que Dieu a donnés à l’homme pour sa gloire et pour son salut, depuis que, en effet, même dans les temples du Seigneur des armées, les sacrifices sont offerts à Satan... ! Mais vains sont les assauts du Malin, car seuls l’amour et son fruit, le sacrifice offert par le Christ, tournant seuls l’âme vers Dieu et l’émouvant pour Lui, apportent à l’homme Sa bénédiction et Sa grâce !
L’amour et le sacrifice infinis du Créateur et Père universel, ayant destiné la créature à s’élever, à s’approcher de Lui-même, son but ultime, conduisent la créature à travers les âges vers ce but et se prend soin de chaque étape de son progrès, même la plus basse, comme étant nécessaire pour atteindre ce but. Il nous incombe d’expliquer cette chose suprême et céleste par une comparaison avec des choses d’un ordre plus bas et plus terrestre. Ainsi, par exemple, le chef d’une usine comprenant divers départements destinés aux opérations inférieures et supérieures doit superviser toute la production, de la première étape à la dernière sur la production initiale et sur toutes les productions ultérieures de son matériel, car il sait combien le processus entier est nécessaire à l’obtention du produit final ; ainsi, au milieu des difficultés et des impuretés des premières opérations, il a toujours en vue l’œuvre achevée, il ne cesse d’aimer cette œuvre et de veiller sur tout ce qui conduit à son achèvement. C’est ainsi qu’un chef, par amour de la cause pour laquelle il se bat, valorise le soldat, se soucie de son engagement, de sa coopération, et donc de son existence et de ses besoins ; – celui qui ne fait pas cela n’est pas vraiment un chef.
La terre, errant entre les globes suspendus dans l’espace incommensurable, gravitant à un échelon inférieur sur le grand chemin de Dieu, habitée presque uniquement par des pécheurs et des pénitents, n’a encore que peu de communion avec le ciel et ne reçoit que peu d’aide du ciel. C’est, comme le disent les Saintes Écritures, une vallée de larmes, parce que ses habitants, les uns heureux, riches en biens terrestres, ne font que gagner pour eux-mêmes un avenir de pénitence, et les autres malheureux, souffrants, ne font que faire pénitence pour leur passé, parce que, en fait, cette terre est recouverte d’esprits inférieurs, d’esprits qui sont une tentation pour l’homme. Des colonnes imperceptibles de ces esprits remplissent l’atmosphère de la terre. Ces esprits sans corps, sans enveloppe terrestre, n’ayant d’autre vie que celle que l’homme, en s’unissant à eux, peut leur donner, sont là pour se repentir dans cet état, s’améliorer, se purifier, en attendant le moment où la Volonté Suprême les rappellera à la vie sur terre, afin qu’ils puissent offrir à Dieu et à leurs prochains le fruit de leur amélioration et de leur purification. Seuls de tels esprits, à quelques exceptions près, ont influencé l’homme et ont vécu sur la terre à travers lui avant la venue du Christ Seigneur.
Le Christ Seigneur, par la volonté et la miséricorde du Père éternel, et par son amour infini, étant descendu sur cette terre pour son salut, a vaincu la chair, le monde et Satan, a vaincu tout le mal, a vaincu les esprits inférieurs qui habitaient la terre et la gouvernaient selon leur nature, et préparant par cette victoire un chemin pour l’homme et lui donnant la force de vaincre, il lui a ouvert le ciel. Et le Sauveur a complété cette œuvre de salut du monde par la lumière du ciel, par son enseignement très saint, par lequel il a éclairé la terre et dissipé ses ténèbres ; il a complété cette œuvre par sa vie, qui était la réalisation de cette lumière, de son enseignement ; enfin, il l’a complétée par son souffle divin, par ce feu d’amour et de sacrifice qu’il a apporté sur la terre, même si ce don céleste n’a été accepté que par le petit nombre de ceux qui étaient prêts à le recevoir.
Dès que ces bienfaits célestes furent répandus sur la terre, les mauvais esprits de l’enfer et les esprits inférieurs de la terre, qui avaient jusqu’alors influencé l’homme, agi et vécu à travers lui sur la terre, furent limités dans leur pouvoir, et la grâce de Dieu, le Saint-Esprit et les bons esprits de ce monde commencèrent à influencer davantage l’homme, à agir davantage à travers lui. C’est ainsi que la domination de l’enfer sur la terre fut ébranlée par le Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ ; c’est ainsi que s’accomplit sur la terre le commencement de la victoire du ciel sur l’enfer, commencement que l’homme était destiné, selon le plan établi, à poursuivre et à compléter au cours des siècles dans son progrès par la force de l’amour et du sacrifice chrétien, jusqu’au triomphe complet du ciel sur la terre.
Or, à l’époque chrétienne, l’homme, rejetant l’essence de la loi du Christ, n’a pas nourri dans son âme ce souffle, ce feu du Christ, et le mal a de nouveau inondé la terre, comme une lourde punition de Dieu pour ce grave péché de l’homme. Dans ce triste état de la chrétienté, on vit apparaître sur la scène du monde un grand nombre de militants qui, porteurs d’un esprit inférieur, terrestre, non encore touché par le rayon du feu céleste, présidèrent le monde et reçurent son culte et ses louanges ; c’étaient pour la plupart des chrétiens de forme et des païens et idolâtres en substance, dans leur esprit même. Ils firent beaucoup et brillamment, et influèrent puissamment sur les destinées de l’homme, sur l’état et la tournure des nations ; mais ils le firent en tant qu’instruments d’esprits inférieurs, mus par la puissance d’une colonne ténébreuse qui les soutenait ; ils le firent avec la permission de Dieu, sur le chemin de la puissance et du châtiment de Dieu. Seule une grandeur de cette sorte était connue et appréciée dans le monde ; et bien que le Christ Seigneur ait montré en lui-même le modèle de la vraie grandeur, qui est donnée à l’homme par la puissance de l’amour et du sacrifice, et par la puissance de la grâce divine qui descend sur l’amour et le sacrifice, cette vraie grandeur et cette puissance n’ont encore rien fait dans le monde, et encore moins régné sur le monde. Par le bien, par la grâce de Dieu, par les colonnes lumineuses, il n’y a pas encore eu de pouvoir dans le monde ; seul le mal, les colonnes ténébreuses ont gouverné le monde ; l’esprit de la terre, le Prince de ce monde, et l’esprit de l’enfer, le Prince des ténèbres, alliés contre le Ciel, se sont librement répandus sur la terre comme sur leur domaine. C’est pourquoi le faible christianisme a lutté sans succès contre le paganisme et l’idolâtrie infiniment persistants ; les étincelles de la lumière et du feu du Christ, qui couvaient à peine dans quelques âmes, ont cédé devant les ténèbres accablantes. Le don céleste fait au monde par le Christ, ce fruit de la miséricorde et de la grâce de Dieu, malmené dans le monde, utilisé comme instrument de convenance et même de passion, n’a conservé qu’ici et là sa pureté et sa sainteté ; méprisé et humilié par le monde, il n’est apparu dans le monde qu’à la manière d’un mendiant. Dans les cellules des vrais moines et dans les chaumières des pauvres âmes simples, folles du Christ, dans ce dépouillement de la terre, il y avait une aspiration au ciel ; dans les niveaux supérieurs de la société, peu visités par la Grâce, se trouvait confirmée pour la plupart cette parole du Christ : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » – C’est de la sorte que le monde a fait accueil à l’amour suprême et le sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, pour le salut du monde, est descendu de la droite du Père éternel jusqu’à notre terre si basse et si ténébreuse !...
Il n’est peut-être jamais venu à l’idée de personne que Dieu, après deux mille années lunaires, reprocherait fermement à l’homme de gaspiller le don de sa miséricorde, de gaspiller le fruit de l’amour et du sacrifice de son Fils ; à plus forte raison, l’idée n’est venue à personne qu’après ce blâme pour avoir rejeté le christianisme, l’homme recevrait un appel à s’élever à un niveau chrétien plus élevé, qu’en conséquence une nouvelle miséricorde se déverserait sur le monde, que l’Agneau de Dieu, qui par son sacrifice a ouvert et fermé les sceaux du ciel, ouvrirait pour l’homme le sceau d’une époque plus élevée, qu’en conséquence une lumière plus abondante et une nouvelle force chrétienne descendraient sur l’homme pour le guider dans cet âge, qu’ainsi les ténèbres de son atmosphère spirituelle seraient éclaircies pour le monde, et qu’alors le gouvernement et les directives du monde proviendraient du Christ, non pas comme jusqu’à présent dans la loi de la force et de la punition, mais dans la loi de la miséricorde et de la grâce. L’homme ne s’y attendait pas, et pourtant tout cela commence déjà à s’accomplir sur terre grâce à la miséricorde jubilaire illimitée de Dieu. Dieu, qui prend soin de l’œuvre de salut du monde depuis des siècles et ne permet pas que le sacrifice de son Fils se perde sans fruit, sauve aujourd’hui l’homme de sa misère, et envoie ce sauvetage dans l’Œuvre de sa miséricorde, dans laquelle une lumière chrétienne plus étendue, jusqu’alors sous le voile des mystères, est donnée à l’homme, dans laquelle un appel est lancé à allumer le feu céleste dans le cœur de l’homme, dans laquelle, enfin, il est décidé que ce feu ne doit pas seulement être allumé, mais qu’il doit même briller au point que les rayons de ce feu allument un feu chrétien dans le cœur de l’homme, cet astre céleste, cette partie du soleil du jour de Dieu destinée à la terre.
Lorsque, à l’époque supérieure, l’homme s’engagera dans la voie qui lui est tracée, lorsque l’Œuvre de Dieu commencera à se faire connaître à l’homme et que le feu du Christ commencera à se répandre sur la terre, la puissance du Malin régnant sur la terre diminuera de plus en plus devant ce feu, jusqu’au moment où, comme au temps du Christ, le ciel et l’enfer entreront dans une lutte résolue l’un contre l’autre, et alors le feu du Christ brûlera dans le cœur de l’homme à tel point que le ciel, descendant vers ce feu, se dressera sur la terre dans sa gloire et dans sa puissance. Par cette puissance du ciel, tout ce qui a été presque entièrement détruit par le mal sur terre s’élèvera, et tout le mal qui n’a pas été entièrement détruit tombera, et alors un nouvel ordre s’établira dans le monde, conformément à la pensée originelle de Dieu ; ce sera le début du jour de Dieu sur terre, le début de l’accomplissement de la prière quotidienne de l’homme : « Que ton nom soit sanctifié... » Ainsi, le feu du Christ illuminera la terre lugubre, les colonnes ténébreuses des mauvais esprits fuiront devant la particule du ciel vivant sur la terre, et les esprits bons et purs s’uniront à cette particule, ce qui aura pour conséquence que le mal perdra sa domination sur la terre dans une plus large mesure qu’auparavant.
Je dis « dans une plus grande mesure », car la terre basse et lourde de péchés est-elle capable de maintenir cet extraordinaire niveau de miséricorde de Dieu ?... Il est à craindre que cet hôte céleste, après avoir visité la terre, n’y puisse demeurer en permanence, que le feu du Christ, cet amour, ce sacrifice, ce sentiment ne s’y éteignent ; et alors les temps bénis passeront et le Malin s’emparera à nouveau des cœurs refroidis par ses colonnes ténébreuses, et ne cessera de régner sur le monde pendant longtemps, très longtemps encore... Et même au milieu du jubilé de la miséricorde, ce n’est qu’en certains points de la terre que le feu céleste brûlera et apportera au monde les bénédictions célestes. De même que notre soleil terrestre réchauffe certains pays et en laisse d’autres dans les ténèbres et le froid, de même le soleil céleste, réchauffant certains points de la terre, ne jettera pas même le plus faible rayon sur d’autres. Mais le sceptre du monde, une fois arraché au Malin, ne lui reviendra plus jamais dans son ancienne puissance ; car les élus du Seigneur, ces flambeaux appelés à porter sur la terre la cause du salut du monde, endigueront et ébranleront sans cesse la puissance du Malin ; et ainsi la domination sur la terre pourra s’exercer entre l’esprit de lumière et l’esprit des ténèbres ; et vous, âmes pures qui aspirez au jour de Dieu, vous aurez des havres terrestres vers lesquels vous pourrez vous tourner pour vous joindre à ces élus et vous fortifier à leur contact ! Aujourd’hui encore, il y a des nations qui, sans être des foyers de lumière, sont au moins des foyers blafards au milieu des ténèbres du monde, et c’est déjà, ô Seigneur Dieu, un début d’accomplissement de ta miséricorde pour la terre !
Ce n’est qu’à la septième époque que le feu du Christ s’allumera dans le monde, et avec une telle puissance que le mal disparaîtra de la face de la terre devant lui, et ce feu ne s’éteindra jamais, mais brûlera avec une plénitude marquée tant dans le cœur de l’homme que dans toute la sphère de sa vie. Alors la Parole de Dieu, qui était crucifiée et ensevelie dans le Christ, ressuscitera et vivra dans l’homme comme elle a vécu dans le Christ, comme elle vit à travers les âges dans les cieux ; le Royaume du Christ, comme une graine de moutarde, ayant grandi sur le fondement posé par le Christ, embrassera la terre entière, et ce que nous demandons chaque jour s’accomplira sur la terre : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite... » C’est ainsi que le jour de Dieu resplendira dans toute sa splendeur, dont les premières aurores, après une longue nuit, apparaissent déjà dans l’Œuvre de Dieu. Ainsi, l’Église vivante du Christ sera relevée et reconstruite, cette Église deviendra universelle sur terre et sera unie à l’Église de Dieu qui est universelle dans les cieux. À ce moment-là, toutes les époques chrétiennes seront accomplies, toutes les branches issues du tronc du Christ seront vertes, et le Père éternel joindra à son grand arbre à sept branches vertes la branche issue du sacrifice de son Fils. À ce moment-là, selon l’Apocalypse de saint Jean, « les sept Esprits de Dieu envoyés sur toute la terre », qui ont servi le Christ à travers les âges dans le plan de salut du monde, se tiendront sous la conduite du Christ, leur Père, devant le trône de Dieu, le Père universel, et le loueront et le serviront pour les siècles des siècles... Tout ce que l’homme a cru pendant des siècles s’accomplira alors : dans la sainte Église universelle, ce sera la communion des saints qui accomplissent la Volonté de Dieu, la Parole de Dieu ; les péchés commis contre cette Volonté, cette Parole, seront pardonnés ; il y aura une résurrection du corps, du corps que l’homme, à l’exemple du Christ, élèvera à la hauteur de la Parole ; et l’Agneau de Dieu, selon l’Apocalypse de saint Jean, conduira ses fidèles, avec leurs robes blanchies dans son sang, à la source d’eau vive, où commencera pour l’homme la vie éternelle. Ainsi l’œuvre de salut du monde, accomplie par le Christ, sera accomplie aussi par l’homme, sous la conduite du Christ gouvernant le monde jusqu’à sa consommation ; ainsi la grande Œuvre de Dieu, commencée par la création du premier homme à l’image et à la ressemblance de Dieu, se parachèvera en produisant le plein fruit du sacrifice du Christ ; ainsi la Parole de Dieu s’accomplira, le monde prendra fin, et un nouveau ciel et une nouvelle terre verront le jour : « car le premier ciel et la première terre ont disparu... » (Apocalypse de saint Jean).
Tel est l’avenir tracé pour le monde ! Merci, ô Seigneur Dieu, toi qui, par la révélation de cet avenir, nous permets de nous réjouir et de nourrir nos âmes !
Lorsqu’il a plu à Dieu de me révéler sa volonté de servir l’homme en ces temps où il est guidé, de lui donner Son pardon pour avoir rejeté Sa miséricorde, pour avoir gaspillé le fruit de l’amour et du sacrifice du Christ Seigneur, de l’appeler à un degré supérieur de la voie chrétienne et de l’aider à accepter ce degré, en obéissant à cette volonté suprême, j’ai quitté le pays de ma naissance et je suis venu dans cette France qui m’avait été assignée pour commencer ma vocation. Là, j’ai senti le devoir, parmi les exilés polonais qui avaient été appelés avant d’autres à servir l’Œuvre de Dieu, de vous révéler, Frère Jean, la volonté de Dieu et de vous appeler au service actif de Dieu, du prochain et de la patrie. À cette fin, du 24 décembre au 10 janvier, nous avons passé en revue les contenus de plusieurs années de travail ; et vous avez senti profondément, Frère Jean, le caractère sacré de l’Œuvre qui vous était présentée ; vous avez senti que cette Œuvre, qui s’élève aujourd’hui sur le fondement posé par le Christ, pour l’allumage du feu de la ferveur, pour l’accomplissement de ses promesses, est l’Œuvre de Dieu, la même Œuvre que celle que le Christ a accomplie jusqu’ici et qu’Il poursuivra jusqu’à la fin du monde ; qu’elle est faite dans l’Église du Christ pour l’élévation de l’Église, car en elle la doctrine de l’Église, ses formes et ses rites sont animés de l’esprit d’où ils ont jailli et tournés vers la fin prévue pour l’homme : émouvoir l’âme pour Dieu et accomplir Sa volonté. Vous avez senti que cette Œuvre, en rendant à l’homme sa liberté intérieure perdue, facilite sa reconquête de sa liberté extérieure ; qu’en ressuscitant et en élevant la foi de nos ancêtres, elle conduit à la résurrection de notre patrie ; que la Pologne ne sera pas libre tant qu’elle n’aura pas embrassé l’esprit du Christ et qu’elle ne l’aura pas manifesté dans ses actes, et d’abord dans l’acte de la pénitence et de la libération intérieure du joug terrestre. En conséquence, en renouvelant vos anciens vœux, mon frère, vous avez accepté l’appel qui vous est lancé par la volonté de Dieu à servir activement l’Œuvre divine et à vous unir à l’esprit de Napoléon, aujourd'hui serviteur actif du Christ et de son Œuvre.
Nous avons beaucoup parlé entre nous de la vocation de ce grand homme ; cependant, comme notre union avec lui est d’une grande importance pour notre service, je me sens obligé de vous la rappeler brièvement aujourd’hui, Frère Jean :
La France, par la naissance de son esprit, appartenant aux nations chrétiennes les plus élevées du monde, a reçu la pensée de Dieu pour devancer le monde dans le progrès chrétien et l’éveiller à ce progrès. Et lorsqu’une grande nation, pour le grand abaissement de son esprit, a obscurci, entravé et même altéré la pensée de Dieu qui reposait sur elle, Dieu, dans sa miséricorde, à l’approche d’une ère chrétienne supérieure, a ressuscité cette pensée par l’intermédiaire de Napoléon, le plus grand homme des derniers temps d’Israël.
La Révolution française de 1789 fut le premier mouvement révélant au monde l’approche de l’ère supérieure ; ce mouvement, dans la voie de la puissance et du châtiment de Dieu, prépara le monde à l’ère de la miséricorde et de la grâce. Déchirée et meurtrie par le ton de Louis XIV, la France, dans cette grande révolution, subit un terrible châtiment de Dieu pour avoir trahi et transfiguré Sa pensée, et terrifia le monde par l’ampleur de son châtiment ; or, après cette lourde expiation, après cette effusion de sang coupable et innocent, Dieu lui envoya un sauveur en la personne de Napoléon. Sa mission était de délivrer l’esprit français du joug de la terre et de l’enfer, de le guérir de la plaie infligée par Louis XIV, et cela en exaltant un idéal contraire, en réveillant de sa léthargie cet esprit français déchu pour le pousser à s’élever, et en élevant ainsi en France le ton du Christ sur la ruine du ton de l’excitation, de la mollesse et de la volupté. Par ce moyen, la France devait se préparer à accueillir l’ère chrétienne supérieure et à y briller, non plus par la terre élevée dans la civilisation terrestre, mais par l’esprit élevé dans la civilisation chrétienne, pour manifester sur la terre une grandeur correspondant à la grandeur de son esprit ; afin que cette grande nation, le peuple d’Israël chrétien, dont l’esprit est plus facile que d’autres à libérer et à élever, éveille à la vie chrétienne des nations plus fidèles à Dieu qu’elle-même mais assoupies parce que plus difficiles à libérer et à élever ; afin que ces nations, appelées à la fraternité dans le Christ, s’unissent les unes aux autres pour l’assistance commune à laquelle elles sont destinées ; afin que s’établisse sur la terre le fondement de la politique chrétienne, le fondement de la vie et de l’attitude chrétiennes des nations, et qu’ainsi le Christ triomphe au cœur même du paganisme. Napoléon était ainsi appelé à remplir pour la France, et par la France pour le monde, le devoir de précurseur d’une ère supérieure, l’ère de la liberté et de la vie chrétienne, privée et publique. La France fut tirée du péché, relevée, elle concentra son esprit et manifesta sa vigueur, après s’être appuyée sur la ferveur et le feu d’un grand homme qui, soutenu par le bras de Dieu, fit éclater sa grandeur sur la scène publique. Les nations fraternelles répondirent à la France ; les liens séculaires d’Israël, issus de la ressemblance de l’esprit, se renouvelèrent ; une joie et une vie inconnues jusqu’alors se répandirent sur la terre. Cet homme porteur de la pensée de Dieu devint aussi grand que le monde par le pouvoir d’accomplir cette pensée, par la force de cette grande chaîne de Dieu, quoique partiellement liée en lui, mais dont toutes les créatures de Dieu de ce monde et de l’autre sont les maillons !... Mais lorsque, peu après, cet homme, ayant tourné son esprit vers la terre, perdit sa pureté originelle et cessa d’offrir à Dieu sa pure intention de le servir, lorsqu’il commença à marcher sur la voie terrestre et à dominer uniquement la grandeur terrestre, le bras de Dieu se retira de lui, son étoile commença à pâlir, et finalement elle s’éteignit à Waterloo, et sa mission chrétienne fut interrompue.
Ainsi, la pensée, la volonté de Dieu, l’idée que Napoléon a apportée à la France et au monde, ne s’est que partiellement réalisée. Cette idée, en raison de la grande puissance du Malin régnant dans le monde, n’a pas été répandue, expliquée et réalisée même par son propre serviteur, ni connue et acceptée par le peuple français. L’idée venue d’en haut fut jugée comme le fruit du génie de l’homme, comme un système qui ne pouvait pas s’appliquer, et disparut du monde pour toujours avec son représentant. De son vivant, Napoléon a été puni pour son péché, il l’a reconnu, il a souffert à cause de lui, il a souffert de ne pas avoir accompli sa mission et, après sa mort, il s’est repenti par sa pénitence. Notre Dieu miséricordieux a eu pitié, n’a pas enlevé sa pensée à l’esprit qui aspirait à l’accomplir, et lui a permis de poursuivre la mission interrompue. Et aujourd’hui, après la pause autorisée, l’esprit de Napoléon, purifié par la pénitence, remplit sa mission depuis l’autre monde, marche et conduit sur le chemin chrétien, nous sert fidèlement et nous appelle à servir le Christ Seigneur et sa cause. Et aujourd’hui, après la pause autorisée, l’esprit de Napoléon, purifié par la pénitence, remplit sa mission depuis l’autre monde, marche et conduit sur le chemin chrétien, nous sert fidèlement et nous appelle à servir le Christ Seigneur et son Œuvre. En vertu de cette direction miséricordieuse, sa dépouille mortelle a été apportée en France, afin d’éveiller les Français à l’accomplissement du devoir qui leur avait été assigné, afin que la nation, habituée à la direction de Napoléon sur le chemin de la gloire terrestre, marche, sous la direction de son esprit, sur le chemin qui lui avait été assigné pour la gloire de Dieu. Et la volonté de Dieu m’a été signifiée de saluer sur la Seine l’arrivée de la dépouille mortelle du précurseur du siècle, rapatrié de l’île de Sainte-Hélène, afin que, m’approchant de lui sur la terre, je puisse d’autant plus fortement m’unir à lui en esprit ; – chose que j’ai également accomplie lors de l’acte de dépôt de sa sépulture aux Invalides.
Mais le plan encore inachevé de Dieu reposant sur la France opprime l’esprit de Napoléon et continuera de l’opprimer jusqu’à ce que la France fasse sous la direction de l’esprit ce qu’elle aurait dû faire sous la direction de l’homme. Comprenons donc combien cet esprit désire s’unir à ceux que Dieu destine à être ses organes et à vivre à travers eux ; or, il ne peut le faire aujourd’hui que par l’entremise de ceux qui obéissent au Christ Seigneur en accomplissant sa volonté. Comprenons aussi combien il est essentiel pour nous, serviteurs de l’Œuvre de Dieu, d’être associés à cet esprit qui, en tant que Serviteur du Christ, s’acquittant de sa dette envers le Christ et le monde, joue aujourd’hui un rôle éminent dans la réalisation de l’Œuvre de Dieu.
Appelés par les jugements insondables de Dieu à accomplir l’Œuvre de l’amour et de la miséricorde de Dieu, ne cherchons pas, mes frères, pourquoi Dieu nous ordonne une si grande chose, à nous qui sommes si indignes, mais tournons plutôt toutes nos énergies vers l’accomplissement de la volonté suprême. Au cours des siècles passés, nous aurions été obligés de nous cacher derrière les murs des monastères pour pouvoir garder vivante dans notre cœur l’étincelle de feu qui nous anime et nous incite à nous consacrer au service de Dieu et de son Œuvre. Aujourd’hui, alors que nous sommes appelés à un sacrifice actif, au milieu des obstacles que le mal dresse contre la propagation du Royaume du Christ dans le monde, enfermons-nous dans le cloître de notre intérieur, et avec la force chrétienne de l’amour et du sacrifice, notre seule arme, défendons-nous pour que le mal ne traverse pas les barreaux de notre cloître, n’éloigne pas de nous la Grâce de Dieu et n’introduise pas ses colonnes ténébreuses dans nos cœurs. Lorsque nous sommes appelés à un si grand honneur chrétien et à un si grand mérite, souvenons-nous toujours que seuls ceux qui sont purs à l’intérieur, libres de toute volonté propre et brûlants de l’amour et du sacrifice qui nous sont dévolus, peuvent accomplir notre vocation ; souvenons-nous que si nous osons mêler quoi que ce soit de personnel aux choses de Dieu, nous arrêterons bientôt le flux de la Grâce destinée à s’accomplir à travers nous, et donc nous offenserons gravement Dieu, nous trahirons sa sainte Œuvre, nous trahirons notre prochain et notre patrie. Beaucoup de ceux qui, dans le passé, ont été désignés pour servir l’Œuvre de Dieu ont entravé l’écoulement de la grâce par leur propre impureté ; aujourd’hui, la grâce, arrêtée par l’un, passera et s’accomplira par un autre, parce que ce qui est prévu en ces jours où commence l’époque supérieure chrétienne doit être accompli ; Dieu a marqué et béni son Œuvre de miséricorde, et le fil le plus élevé qu’il nous a donné à tisser, il l’a déjà tricoté de sa main souveraine !
Quand, face à un service aussi grand et aux adversités qui s’y rattachent, toutes les forces et tous les pouvoirs de notre esprit et de l’homme ne sont rien, dans quoi placerons-nous notre confiance et nos espoirs, si ce n’est dans ce trésor céleste qui, par le Christ, est descendu sur terre ? Allumons donc dans nos cœurs le feu céleste qui, au milieu des ténèbres de notre pèlerinage, est notre seule lumière et notre seule force, notre seule défense contre le mal encore si puissant dans le monde ; allumons ce feu par des prières, des œuvres, des pressions intérieures, des actes d’amour, d’humilité, de pénitence !... Et dans la mesure où nous gardons ce feu dans nos cœurs par la force de la Croix donnée par le Christ, par le labeur, par le martyre propre à cette époque, dans cette mesure nous repousserons le mal, nous apporterons la Grâce de Dieu, nous recevrons la lumière et la force pour accomplir nos devoirs.
Le Christ est notre refuge et notre défense ; en tant que Sauveur du monde, il soutient la cause du salut du monde qui se poursuit aujourd’hui. Par la volonté du Christ, le ciel, le royaume de Dieu, les fidèles du Christ dans l’autre monde, et bientôt les fidèles du Christ dans ce monde, se lèveront pour défendre et soutenir cette œuvre. Nous qui sommes les premiers appelés à l’accomplir sur terre, nous sommes la dernière étape de cette colonne d’action, nous sommes le canal par lequel la miséricorde de Dieu va se déverser sur l’humanité.
Souvenons-nous qu’en servant fidèlement la cause de Dieu, nous servirons Dieu, notre prochain et notre patrie ; nous servirons aussi l’autre monde et, surtout, ces esprits supérieurs, sanctifiés à un certain degré, qui, après avoir accompli leur pèlerinage terrestre, ne se repentent plus, mais s’élèvent et se sanctifient dans l’autre monde. Ces Esprits, qui ont encore besoin de la terre pour progresser, pourront vivre et progresser sur la terre, lorsque celle-ci, par suite de l’élévation de l’homme dans l’Œuvre de Dieu, deviendra pour eux une demeure plus convenable. N’oublions pas non plus que nous rendrons service aux Saints du Seigneur eux-mêmes qui, en ces jours qui entament l’ère supérieure, donc en ces jours de conduite spirituelle de la terre, désirent faire leur sacrifice pour elle, afin de rendre au trésor de l’Amour suprême ce qu’ils lui ont reçu dans le passé, et ainsi de remercier Dieu pour leur élévation, leur sanctification. Et après avoir accompli leur dernier devoir pour la terre, ces saints du Seigneur quitteront la terre, quitteront ce monde qui appartient au cercle terrestre, et s’élèveront dans des cercles plus élevés, plus proches de ce ciel suprême d’où le Seigneur Jésus-Christ, assis à la droite du Père et régnant avec le Père sur l’univers créé, veille et veillera sur l’œuvre de salut du monde accomplie par Lui-même jusqu’à la fin des temps... C’est pourquoi l’aide de ces saints sera grande, plus grande que toute intelligence humaine, pour tous ceux par qui ils accompliront leur dernier devoir pour la terre. Avec un amour et un sacrifice incompréhensibles, ils illumineront et alimenteront leurs porte-parole, pourvu que la loi éternelle d’harmonie et de partenariat le permette, pourvu que ceux appelés à devenir leurs instruments portent des cœurs purs et innocents et que, dans ces cœurs, par la puissance de la croix du Christ, brille le feu céleste de l’amour et du sacrifice.
Après avoir offert au Seigneur notre humble action de grâces pour sa miséricorde, parce que, nous ayant regardés comme indignes, il nous a néanmoins appelés à son service dans l’œuvre du salut du monde, il nous est loisible de nous réjouir en esprit et de nous féliciter mutuellement pour la miséricorde de Dieu ; et puisque, en tant qu’hommes, il nous est permis de manifester par des signes terrestres les liens de l’esprit, nous sommes libres, à la manière de nos pieux ancêtres, de lever notre coupe avec un soupir ardent pour la prospérité de l’Œuvre de Dieu et de ses serviteurs.
Premier toast.
Que ton nom soit sanctifié, ô notre Père céleste, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! – Pour la prospérité de Votre Sainte Œuvre, dans laquelle cette prière sera accomplie ! Pour le salut du monde, pour sa libération du pouvoir du mal visible et invisible, pour la libération du joug de l’esclavage des peuples qui se sont repentis et méritent la liberté devant Toi, Seigneur !
Deuxième toast.
Miséricorde de Dieu sur toi, Esprit serviteur de Dieu, qui, malgré tes faiblesses et tes erreurs, es devenu le précurseur du siècle, qui a ouvert la voie au siècle, et qui aujourd’hui, dans ta vie plus pure et plus élevée, poursuis sur la terre la mission que tu as reçue d’en haut. Fais briller dans l’Œuvre de Dieu la splendeur de tes grandes qualités, fais briller ta vie, tes actes, ton énergie chrétienne ; achève ce que tu as conçu, réveille le monde de sa mort, conduis-le à la vie attendue, fais ainsi le bien de Dieu, de l’humanité et de la nation qui t’est confiée, et jouis de la paix éternelle ! – Frère, compagnon de notre saint service, toi qui partages cette joie, cette fête de notre esprit, accepte en ce moment l’assurance solennelle que nous obéirons aux directives que, connaissant mieux que nous les jugements de Dieu, tu nous donneras selon Sa volonté. – À la joie, à la paix et au salut de ton Esprit !
Troisième toast.
Toi, Frère Jean, qui dans les grands jours de la Pologne fus le chef chrétien de la Pologne selon la loi de l’époque passée, deviens maintenant, comme il avait été prévu pour toi, le chef de l’Œuvre de Dieu selon la loi de l’époque supérieure, selon la loi du Christ, qui est maintenant plus profondément comprise, plus vénérée et davantage mise en application dans les actions des hommes ! – À la prospérité temporelle et éternelle de notre cher frère Jean qui, par la grâce de Dieu, en rejoignant le cercle des serviteurs de l’Œuvre de Dieu, a réjoui notre esprit et notre cœur ! Que le serviteur et chef de l’Œuvre de Dieu vive dans la paix, dans la lumière et dans la force, guidé par la droite toute-puissante sur le chemin sacré de sa vocation !
André TOWIANSKI, Pisma, t. I, 1882.