Le sourire de Léonard

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Auguste VALENSIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme je m’interrogeais sur Léonard en vue de cette allocution et battais les buissons à travers ses œuvres pour lever quelque idée, mon attention a été accrochée par un détail. Permettez-moi de m’y arrêter : je vous propose de faire avec moi une méditation devant un sourire.

Ce sourire, vous le découvrirez au Louvre, dans la galerie du bord de l’eau, où il s’est posé sur les lèvres d’une femme, la réticente Monna Lisa. Mais c’est le même qu’on retrouve autour des lèvres de sainte Anne, de celles de saint Jean-Baptiste, et qui affleure, mais imperceptible, comme s’il n’avait pas fini de naître, chez presque toutes les créatures artistiques de Léonard.

Pour donner à ce sourire toute sa signification, et sa réelle portée, ce n’est pas à la seule lumière du jour qu’il faut le regarder : elle ne peut rien éclairer que pour les yeux. Nous devons projeter sur lui, faisceau immatériel, la doctrine de Léonard. Celui-ci a consigné expressément dans ses écrits, il professait, il enseignait, cette vérité paradoxale : à savoir que les artistes ont une tendance naturelle à faire à leur image les figures qu’ils peignent. Leur propre physionomie les obsède : c’est le modèle non regardé qui dirige leur main.

Cela va loin. Car si l’artiste est porté à se représenter lui-même avec ses traits caractéristiques, et si le corps est, comme le pensait Léonard, le révélateur de l’âme, ayant été modelé par elle de l’intérieur, rien n’empêche d’admettre que le peintre nous fait, quand il peint et dans ce qu’il peint, des confidences sur lui-même.

Nous voici du coup encouragés à chercher Léonard lui-même dans ses œuvres, et à parler non plus seulement d’un sourire léonardesque, comme on le fait d’ordinaire, mais du sourire de Léonard.

Si nous ne voyons pas ce sourire sur le visage de l’ange que Léonard, jeune apprenti, peignit dans un tableau de son maître Verrocchio, c’est que Léonard, à cette époque, n’était pas encore lui-même : ce sourire n’était pas encore le sien. Et si nous ne le voyons pas non plus dans le portrait que, vieillard, entouré de respect, de confiance et d’honneurs, Léonard a dessiné de lui-même, ce n’est pas que la longue barbe nous le cache, c’est sans doute que, ce sourire, il ne l’avait plus.

 

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Que signifie donc ce sourire ?

S’il nous intrigue, et presque nous vexe, c’est parce que le personnage dont il fait un sphinx a tout l’air de nous proposer une énigme et de nous défier, en même temps, de la découvrir.

« Savez-vous au juste qui je suis ? », nous dit celui qu’on appelle Jean-Baptiste, et qui pourrait tout aussi bien, à un symbole près, s’appeler Bacchus. Nous sommes obligés de répondre : nous ne le savons pas.

« Savez-vous à quoi je pense ? », nous dit sainte Anne, en même temps que de ses yeux mi-clos elle semble moins contempler sa fille ou l’enfant qu’un songe intérieur.

« Savez-vous, nous dit Monna Lisa, si j’écoute les musiciens dont on racontera plus tard, en l’inventant, que maître Léonard m’avait entourée ? Ou si je me moque, gentiment, de mon peintre ? ou si, par hasard, je rêve d’amour ? »

Chaque fois, nous sommes obligés de répondre : nous ne le savons pas.

Les personnages à qui appartient ce sourire l’arborent à la commissure des lèvres comme s’ils voulaient tout ensemble provoquer notre curiosité et la décourager : ainsi Léonard lui-même. On peut dire du grand artiste qu’il a traversé son temps, caché derrière ce sourire. C’est le demi-masque de satin noir sous lequel il intriguait à Florence les Dominicains de Saint-Marc ; à Amboise, la Cour de France, éclaboussée par cet Italien ; et sous lequel, de nos jours, il continue d’intriguer l’Histoire.

 

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Nous faisons de Léonard un peintre, un grand peintre. On a pu dire qu’il l’aurait emporté sur l’auteur de l’École d’Athènes, sur celui de la Sixtine, s’il l’avait vraiment voulu. Et on a eu raison, car personne n’a été maître comme lui des moyens de son art.

Nous faisons de lui un dessinateur, un grand dessinateur ; et nous avons raison, car il dessine avec plus d’aisance que l’on n’écrit. Aucune difficulté technique ne l’arrête. Paysages, scènes de genre, animaux, têtes d’hommes, monuments, armes, machines, pièces d’orfèvrerie, que sais-je encore ? Tout lui est objet : des esquisses prodigieuses qui tiennent de l’épure et du croquis, sont les jeux de cette main experte.

Mais prenons l’avis de Léonard lui-même ; consultons-le dans les tableaux qui sont les miroirs où son visage se reflète, se transpose et s’immobilise. Voyez : il sourit. Par ce sourire, il nous signifie que, en croyant l’avoir saisi, au moins dans sa profession, dans son métier ou son travail, nous nous leurrons. Aucune formule ne peut l’emprisonner. Avant même que nous ayons fini de tracer autour de lui la définition qui doit l’enclore, il est déjà hors du cercle, et autre que nous ne le disons.

Artiste ? Oui ; mais c’est en passant qu’il l’est, et comme pour se distraire. Son cœur, sa vocation, il le croit du moins, est aux mathématiques ; celles-ci vont jusqu’à le dégoûter du pinceau. Mais à en faire un ingénieur, nous nous tromperions encore, car il est, sans doute, ingénieur, mais il n’est pas un ingénieur. De même, il est géographe, mais il n’est pas un géographe. Biologiste, chimiste, musicien, sculpteur, architecte, géologue, constructeur d’armes et d’instruments, vous pouvez dire de lui, et faire de lui, tout ce que vous voulez, mais à condition chaque fois de ne pas le restreindre à être ce que vous en dites.

Léonard créateur se refuse à être fixé. De son temps, on l’appelait Protée : c’est avec raison. Son sourire nous l’avait déjà dit, qu’il nous échappe.

 

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Mais nous ne l’avons encore envisagé que d’un point de vue. Et c’est celui de son moi en quelque sorte extérieur. Il nous faut laisser l’artiste et le savant pour considérer l’homme.

Léonard en tant qu’homme nous échappe-t-il aussi ? Si nous l’interrogeons sur son caractère, sur ses mœurs, sur sa foi, va-t-il encore distancer notre curiosité, nous laisser pour ainsi dire, derrière lui par la vitesse avec laquelle il se dépasse, se portant toujours au-delà de lui-même, à mesure que nous croyons l’avoir atteint ?

Pouvons-nous, par exemple, nous demander si cet homme fut réellement sensible, et n’être pas tout de suite rendus perplexes, renvoyés comme une balle du Oui au Non et du Non au Oui, par le jeu contraire des apparences ?

Cet homme se plaisait, nous dit-on, à d’étranges spectacles ; il enivrait des paysans pour étudier leur manière de se comporter et se montrait assidu aux pendaisons... Je le vois, appliqué à dessiner la dernière grimace de ceux qui vont mourir son sang-froid alors est assez grand pour lui permettre de tracer jusqu’au bout une ligne qui ne tremble pas.

Le même homme cependant ne peut supporter de voir souffrir autour de lui. Le malheur des autres le bouleverse. Il est charitable et tendre. Les animaux mêmes excitent sa compassion : s’il voit des oiseaux captifs, il les achète, pour les rendre aux arbres et à la liberté.

Les formes qui devraient avant tout charmer ses yeux d’artiste, son premier soin est d’en prendre les mesures Aphrodite se décompose sous son regard en proportions, c’est-à-dire en chiffres ; et cette arithmétique le retient, comme s’il ne pouvait goûter d’autres plaisirs que ceux de l’Intellect.

Le même homme cependant a le sentiment aigu de ce qui, dans la beauté plastique, transcende le définissable : et il n’est plus occupé, lorsqu’il peint ou dessine, qu’à saisir le « je ne sais quoi » dont la sensibilité seule a la clé, comme si, au calcul, il préférait l’extase.

Comment accorder ces contradictions ?

Le sourire a encore raison : Léonard n’a pas fini de nous intriguer.

 

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Changeons de perspective. Demandons-nous cette fois : Cet homme à qui la nature n’a pas seulement donné la force (nous savons qu’il pouvait arrêter un cheval furieux et tordre d’une seule main un battant de cloche), cet homme à qui la nature a aussi donné la beauté, c’est-à-dire les divines proportions, et ce je ne sais quoi dont je parlais, qui fascine l’homme le plus inculte et subjugue les plus altiers ; cet homme qui était la séduction même, a-t-il connu l’amour ?

De si près que nous regardions, pas une femme dans sa vie. Et la Joconde même, si elle a prêté à l’invention d’un roman, c’est encore d’un roman qui s’arrête aux frontières cérébrales de la passion.

Les gens d’alors, sensuels et simplistes, comprennent mal, disons, cette réserve. Et comme Léonard est entouré d’une cour de jeunes hommes qu’hypnotise son génie et qui vont à lui comme l’oiseau au serpent, on le soupçonne de goûts hétérodoxes. Cité deux fois pour le même cas devant les tribunaux, il est, les deux fois, acquitté. De l’accusation perfide, il ne doit absolument rien rester ; dans cette voie, Léonard ne semble même pas avoir été tenté, comme le fut, je crois, Michel-Ange : ses mœurs, autant qu’on peut savoir, étaient conformes à sa morale, celle qu’il a consignée dans ses carnets, et qui est d’un intellectuel, dédaigneux des voluptés que ne peut contrôler l’esprit.

Nous avons bien de Léonard quelques dessins extrêmement audacieux, mais ils sont d’un caractère technique, assez technique pour communiquer à l’obscène la chasteté de la science.

Cet ennemi de la chair ne laisse pas cependant d’être un admirateur passionné des corps, et singulièrement des visages. Mais son idéal (et il le cherchait non dans les créatures capables de frapper son regard, mais dans celles que lui proposait son imagination, jugeant, dans son orgueil, ce qu’il pouvait rêver plus beau que ce qu’il pouvait voir), son idéal, où le plaçait-il exactement ?

Dans la grâce féminine ? Oui et non, devons-nous dire, si nous voulons une réponse aussi ambiguë que son sourire. Dans la force virile ? Oui et non.

Nous y sommes, Messieurs. L’idéal plastique de Léonard ne réside pas dans un type unique : il relève de deux types à la fois ; il tient de la vierge et de l’adolescent. La beauté, pour être purement esthétique, doit, nous dit Léonard, par la fusion des caractères complémentaires de l’homme et de la femme, dérouter la concupiscence et provoquer l’admiration sans éveiller le désir : la plus belle beauté, selon lui, est essentiellement androgyne.

Androgyne, ce jeune et fluide athlète, à la chair délicate, qui est censé représenter le Précurseur ; androgyne, pour ne rien dire du Bacchus qui n’est probablement pas du Maître, la sainte Anne de la Vierge aux Rochers, et même, à la bien regarder, cette étonnante Monna Lisa, moins belle que parfaite, et plus admirable que charmante.

Aussi bien, si les peintures de Léonard ne nous disaient pas avec assez de clarté sa pensée sur l’androgyne, ses carnets, ses confidences très explicites suffiraient à nous l’apprendre.

 

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On n’a pas tout demandé sur lui-même à un homme, quand on a cherché de savoir son attitude par rapport à la femme : il faut encore lui demander son attitude par rapport à Dieu et aux choses de la religion.

Qu’a-t-il pensé, lui qui dominait son siècle par ses connaissances, de cette ignorance, autour de lui, qui donnait à de pauvres femmes hystériques la réputation de possédées, faisait croire au Sabbat des sorcières et voir dans les recherches de la naissante chimie les formules abominables d’un pacte avec le Diable ? Qu’a-t-il pensé des interdits dont une autorité religieuse mal instruite entourait alors les travaux des savants, lui qui, se cachant pour disséquer les cadavres, n’a pu progresser en anatomie qu’au mépris des lois de l’Église, et, en apparence du moins, en jouant son âme ? Qu’a-t-il pensé lorsque sur la place de la Seigneurie, à Florence, rougeoyait la flamme dans laquelle ardait Savonarole ? Qu’a-t-il pensé de ce fanatisme, qui nous laisse encore aujourd’hui un souvenir dont seul peut-être un historien peut trouver dans sa science des raisons pour ne pas rougir ? Qu’a-t-il pensé enfin d’une Religion qui, à côté d’admirables exemples de vertu et de piété, installait alors le scandale dans le sanctuaire même et, représentée par un pape libertin, cachait sous des pierreries, sous des fards et sous des mouches, le visage de Jésus-Christ ?

Ce qu’il pensait de ces aberrations et de ces crimes, de ce mélange de foi, de crédulité puérile et de superstition ? Trop de malveillance soupçonneuse l’épiait, pour qu’il pût oser le dire. Trop d’impitoyables sanctions le menaçaient, s’il se risquait à parler... Plutôt qu’expliquer dans quelle mesure il partageait et ne partageait pas les croyances de ses jeunes disciples, celles des moines prédicateurs, et de ceux-là qu’on pourrait appeler, si le terme n’était pas trop familier, les officiels, je le vois se contenter de sourire, de ce sourire sibyllin qu’il donne à Monna Lisa.

Melzi, son disciple le plus cher, sera longtemps perplexe et torturé à son sujet, se demandant, dans sa naïveté, si le maître qu’il admire, et qu’il n’arrive pas à déchiffrer, ne serait pas par hasard le Diable lui-même ou, du moins, un de ces athées qui se feignaient croyants pour sauver leur vie.

Comment douterions-nous cependant de la foi de Léonard ? Dans son testament, il recommande son âme, non seulement à Dieu, comme un vague théiste, mais, catholiquement, à la glorieuse Vierge Marie, aux saints et aux saintes du paradis. Près de mourir (1519 – il a soixante-sept ans), il fait venir un prêtre, nous dit Vasari, et se confesse humblement. Puis, comme il ne peut plus se lever tout seul, il demande à ses amis de l’aider : car c’est hors de son lit qu’il veut recevoir le sacrement des mourants. Par ce dernier trait, il nous fait songer à Pascal, et à la foi de Pascal. Mais, quand, dans ses carnets, après s’être moqué des théologiens qui « par inspiration savent tous les secrets », il a souci de préciser qu’il ne s’en prend pas aux Écritures, c’est à Descartes qu’il fait songer, à son aversion pour la théologie, à son agnosticisme mesuré.

Ce Léonard, croyant et incroyant, ne pouvait être qu’une énigme pour ses contemporains. Comment se serait-il livré à eux ? Il était et se sentait trop « différent » pour être compris. Le sourire qui intrigue – et que je lui vois – est bien la sorte de défense qui lui convient.

 

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Arrivé à ce point, Messieurs, je me demande si, d’une part, cette universalité qui, sans faire de Léonard un amateur, empêche de voir en lui l’homme d’une discipline, d’une science ou d’un art déterminés ; d’autre part, les contradictions apparentes qui en lui nous déconcertent, je me demande si tout cela, par quoi Léonard nous échappe, ne peut pas être rattaché à quelque unique principe qui en soit comme la source.

Il nous faudrait pour comprendre Léonard, c’est-à-dire l’unifier, pouvoir déceler en lui une faculté maîtresse, qui explique à la fois la multiplicité de ses pouvoirs, l’alliance en lui d’une apparente froideur et d’une exquise sensibilité, son amour du beau et sa peur de l’amour, la coexistence enfin dans son âme d’une foi véritable et d’une incrédulité non moins réelle.

Or, cette faculté, elle existe. Nous la connaissons. C’est celle qui, au pays de Descartes et de Valéry, règne en souveraine. Léonard en fut à son époque l’incarnation italienne la plus remarquable : elle s’appelle l’Intelligence.

L’intelligence ne connaît pas la spécialisation. Comme elle est à même de démonter les mécanismes de n’importe quelle faculté, elle est capable de les reconstituer ; ou plutôt d’en construire d’autres, analogues, qui produisent les mêmes effets. Elle peut faire par artifice ce que les autres facultés font par nature, se substituer à la mémoire, à l’imagination, au don poétique, donner à un homme d’être indifféremment architecte, géologue, mathématicien ou quoi que ce soit qu’il lui plaise d’être. Ainsi, c’est elle qui, chez Léonard, explique cette universalité par quoi il nous échappe.

L’intelligence est froide ou du moins, si elle brûle (car elle brûle à sa manière et le cerveau a des battements comme le cœur), ce n’est pas à la vue de ce qui peut émouvoir la chair. Son rôle souverain étant de comprendre, elle trouve également l’objet qui l’attire, dans la laideur, dans la souffrance et même dans le mal. Mais comme elle n’exclut rien, elle n’exclut pas la sensibilité, elle la pénètre seulement, la spiritualise, l’oriente et la contient. C’est encore elle qui explique, chez Léonard, l’union paradoxale d’un zèle presque impie à décomposer le Beau et d’une ardeur presque pieuse à l’admirer.

L’intelligence aime se rendre compte de ce qu’elle fait et protège autant qu’elle peut son propre exercice. Son domaine, qui ne connaît pas d’orages, est la clarté, alors que celui du cœur s’accommode du trouble, du vague, de l’indéfini. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est parce que Léonard aurait été tout entier intelligence qu’il est resté sourd, autant qu’on peut savoir, aux appels de la passion ; mais c’est bien par la volonté qu’il eut de garder son intelligence lucide, qu’il nous faut expliquer son ascétique réserve, s’il est vrai qu’il ait écrit quelque part, comme une devise qui est une confidence : « Crains la femme. »

Enfin, l’intelligence est essentiellement critique. À une époque où, plus encore que de nos jours, un partage s’imposait entre ce que la religion propose d’admirable et ce que l’esprit du temps y ajoute de déraisonnable ou de ridicule, un Léonard qui, dans le demi-secret de son âme prend sur soi de laisser tomber ce que les siècles suivants n’ont pas ramassé, ce Léonard, solitaire au milieu de ses contemporains, ne pouvait que leur donner tout ensemble l’impression d’être croyant et celle d’être sceptique. Il est en effet l’un et l’autre si l’on veut, Janus déconcertant, qui n’a qu’un sourire pour deux visages.

 

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J’ai fini. Vous auriez peut-être désiré, Mesdames, Messieurs, que je vous montre aujourd’hui en Léonard ce qui eût pu le rapprocher davantage, et plus chaudement, de notre cœur. Il faut en prendre notre parti : l’intelligence a quelque chose d’intimidant ; si elle attire, elle glace aussi. Mais il n’y a pas une faculté qui confère à l’homme plus d’autorité, l’arrache davantage aux limites auxquelles sont soumis les corps (limites d’espace et de temps), pour faire de lui le citoyen de tous les pays et le contemporain de tous les grands hommes : je salue en Léonard – dont je ne veux plus regarder le sourire, maintenant que j’en connais la source – l’être supérieurement intelligent que l’Italie – riche en génies – a donné au monde et qui restera sa gloire d’autant plus exaltante qu’elle n’est plus seulement la sienne.

 

 

Allocution prononcée au Centre Universitaire Méditerranéen.

Paru dans Regards, vol. 2, Montaigne, 1955.

 

 

 

 

 

 

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