Saint Théodose le cénobiarque
par
Bernard VOYENNE
Théodose naquit en Cappadoce vers l’an 432. Il était d’une famille très chrétienne et fut élevé saintement. Tout jeune, il résolut de se consacrer à Dieu et devint lecteur d’Écriture sainte.
Mais bientôt il quitta sa maison pour se rendre à Jérusalem dans le dessein d’adorer les lieux de la Passion du Sauveur. Passant à Antioche il alla visiter Siméon le Stylite, statue vivante de la prière et du renoncement, afin de recevoir sa bénédiction. Le saint ne le confondit pas avec les curieux qui venaient en grand nombre troubler sa contemplation et pressentant la gloire future du jeune visiteur il l’appela en disant : « Théodose, homme de Dieu, soyez le bienvenu. »
Sur l’invitation du saint, Théodose monta sur la colonne et il reçut les conseils, le baiser de paix et la bénédiction du solitaire. Puis il poursuivit sa route vers Jérusalem. Après avoir longuement prié sur les Saints Lieux, il demanda au Seigneur de l’éclairer sur sa vocation. Il hésitait en effet entre la voie érémitique et la voie monastique. Après une profonde réflexion, il reçut un signe du ciel : Théodose serait moine, vivant sous une règle et en communauté.
Il suivit alors les enseignements d’un saint vieillard nommé Longin qui demeurait en un petit taudis de la Tour de David. Puis il se retira sur une montagne avec quelques compagnons. C’est là qu’il devait bâtir plus tard son monastère. Mais dans les premiers temps les saints compagnons y vivaient dans le plus extrême dénuement, habitant dans une caverne en forme de tombeau pour se tenir plus près de la pensée de la mort. Théodose menait entre tous une vie exemplaire entièrement consacrée à la prière et à la mortification. Il ne mangeait jamais de pain et ne se nourrissait que de dattes et d’herbes sauvages. Quand il n’avait plus de dattes, il faisait tremper les noyaux et les mangeait.
Le renom du saint moine et les miracles qu’il opérait sur la montagne vinrent aux oreilles de nombreux jeunes gens qui se présentèrent à la caverne des solitaires, en demandant à faire profession. Voyant cela, Théodose en fut très affecté car il avait souhaité de terminer ses jours terrestres dans la compagnie d’un petit nombre de frères et à l’abri des multiples soucis matériels que crée l’existence d’une grande communauté. Mais craignant que ce vœu ne fût que de l’égoïsme et se demandant s’il avait le droit de priver ces jeunes gens des enseignements de perfection qu’il était capable de leur donner, il pria comme toujours pour être éclairé. Le Seigneur lui apparut et lui fit comprendre qu’il devait faire plus de cas du salut des âmes rachetées par le sang du Christ que de sa propre tranquillité. Théodose obéit fidèlement et entreprit la construction d’un immense monastère capable de recevoir de nombreux religieux, des pèlerins et des malades.
Le saint moine veillait lui-même à toutes les tâches de l’abbaye. Il s’occupait principalement des malades qu’il pansait de ses propres mains et exhortait dans la foi et la pénitence. Il allait jusqu’à baiser leurs plaies infectes pour l’amour des plaies du Sauveur. Les pauvres et les voyageurs étaient reçus sans restrictions dans le monastère et ils y étaient traités comme des envoyés du ciel. Mais il vint sur le pays une grande famine, si bien que les gens, mourant de faim, se précipitèrent en foule pour être recueillis par les pères. À tel point que ceux qui étaient chargés de la porte s’effrayèrent et, pensant que le monastère ne pourrait nourrir une si grande quantité d’hôtes, ils fermèrent la porte, laissant les affamés au dehors. Apprenant cela, Théodose ordonna qu’on ouvrît les portes, qu’on laissât entrer tous ces malheureux et qu’on donnât à chacun tout ce qui lui était nécessaire, sans la moindre économie. Et Notre-Seigneur les pourvut si libéralement qu’ils ne manquèrent de rien, voulant montrer par là que ses grâces étaient offertes à tous, également, sans que jamais elles puissent venir à manquer.
L’autorité du saint abbé s’étendait sur tous avec charité et clairvoyance. Les lumières de son enseignement et la beauté de son éloquence faisaient que chacun trouvait sa tâche presque facile ou, en tout cas, proportionnée à ses forces. On permettra que nous transcrivions ici sans y changer un mot, le récit d’un de ses anciens biographes, si plein de saveur et d’équilibre que nous ne saurions y ajouter : « Il ne châtiait point avec rigueur, mais avec une parole douce, agréable et amoureuse, laquelle pénétrait jusques au plus profond du cœur. Il était conjointement rude et doux ; il donnait de la consolation et de l’étonnement aux religieux, qu’il gouvernait avec une si grande paix et tant de tranquillité, qu’il semblait être seul en un désert. Il était toujours le même, ou seul ou en compagnie, parce qu’il se tenait toujours en la présence de Dieu. »
En ce temps-là l’Église était tourmentée par l’hérésie qui fut nommée Acéphale parce qu’elle n’avait pas de chef. L’empereur Anastase, qui était gagné à cette erreur, dépensait une fortune pour corrompre les évêques et les dignitaires ecclésiastiques à sa cause. Sachant qu’il ne pourrait pas se concilier Théodose par un cadeau personnel mais que le saint abbé ne mendiait que pour ses pauvres, l’empereur lui envoya à cet effet une grosse somme d’argent en lui demandant de se rallier à l’hérésie. Théodose accepta l’argent, le fit distribuer aux pauvres et assura poliment Anastase de sa fidélité à l’orthodoxie. Ce que voyant l’empereur entra dans une grande fureur et il ordonna que Théodose fût emmené en exil. Mais ce bannissement ne dura guère car l’empereur mourut subitement et Théodose put revenir parmi les siens.
Plein d’admiration pour la fermeté du saint abbé, l’évêque de Jérusalem, Salluste, le nomma chef des cénobites de Palestine, tandis que Sabas était nommé chef des anachorètes. Avant que d’être réunis dans la même gloire céleste, Théodose et Sabas étaient d’intimes amis sur la terre. Ensemble ils défendirent la foi et œuvrèrent sans répit à la plus grande gloire de Dieu.
En vieillissant, Théodose fut frappé d’une longue maladie qui le rendit sec comme une statue. Il souffrait beaucoup mais supportait ses douleurs avec une patience parfaite, priant sans cesse, si bien que la nuit même on voyait ses lèvres remuer pour quelque oraison. Arrivé à l’âge de cent cinq ans, le pieux abbé rendit son âme à Dieu au milieu de tous ses frères. Sa réputation de sainteté, si grande déjà de son vivant, s’accrut encore après sa mort et les miracles se multiplièrent sur son tombeau et par son intercession.
Bernard VOYENNE,
dans Les saints de tous les jours de janvier,
Le Club du livre chrétien.