Victor Kinon
(1873-1953)
Notice biographique extraite de :
Gérard WALCH, Poètes nouveaux, Delagrave, 1924.
Victor Kinon est né le 17 mars 1873 à Tirlemont (Belgique). Après avoir fait ses études de philosophie et de droit à l’Université de Louvain, il entre en 1896 au ministère de la justice, où il exerce les fonctions de chef de division. Il collabore fort jeune à des revues telles que le Magasin Littéraire de Gand, Durendal, etc., et surtout au Spectateur Catholique, qu’il a fondé avec Edmond de Bruyn. « Cette revue, dont le but était de faire de l’apologétique par la Beauté artistique et littéraire, se fit remarquer, nous dit Paul Halflants, par son caractère esthétique, ses allures décidées, son ton catholique, son admiration pour les mystiques et la liturgie : magnifique effort d’un groupe ardent de jeunes disciples enthousiastes des grands convertis Huysmans et Verlaine. » Plus tard, Victor Kinon étendit sa collaboration au Journal de Bruxelles et au Vingtième Siècle, où il se trouva chargé, pendant plusieurs années, de la critique littéraire.
Toute l’œuvre poétique de Victor Kinon, dont une partie était éparse dans les journaux et revues, se trouve enclose dans son recueil L’Âme des Saisons (1909), où se révèle un merveilleux et très catholique poète de l’âme et de la nature. Dans la pièce liminaire du volume :
Ce qui convient, c’est dans ton cœur une musique...
le poète proclame « sa soumission au geste ordonné par Dieu et scandé par la musique intérieure qui incline l’homme à la droiture, à la joie et à la paix, à l’indulgence enfin, qui pardonne et bannit la révolte... » « Cette âme du poète, elle frémit à toutes les pages de son livre, soit que nous feuilletions, après les Aubes printanières, le chapitre du Soleil et des Roses qui exalte la splendeur éblouissante de l’été, celui du Vent et des Feuilles mortes qui chantonne avec mélancolie les lamentations d’automne, ou celui de la Neige et des Lampes qui se meurt dans les glaces hivernales. S’il chante son amour, – de quel accent enthousiaste ! – pendant que la fête estivale bat son plein parmi les fanfares des parfums, sa joie même, et plus tard toutes les impressions un peu tristes de la saison qui décline, les marguerites qui meurent, les tilleuls qui se dépouillent, la lampe qui s’allume, les oiselets qui pépient, la haie qui se trempe de rosée, tout cela l’invite :
À devenir enfin un peu meilleur
Et un peu plus simple de cœur...
Et cela l’invite encore à s’en aller raconter la bonté des choses, tel un Saint François d’Assise conversant avec la nature, sa sœur, – et que de fois ce mélange de douce ingénuité, d’ardente solidarité, d’adoration pour l’œuvre du Créateur, qui résume toute la poésie de Victor Kinon, nous fera songer au Poverello ! – à s’en aller aussi, avec des mains de charité, apaiser les fièvres et les remords, prêcher la croisade du pardon, célébrer la bienheureuse puissance de la beauté terrestre ! » (Eugène Gilbert.)
D’une heureuse variété, le volume de Victor Kinon contient, à côté des jolies et naïves Chansons du petit pèlerin à Notre-Dame de Montaigu, qui rappellent la pieuse simplicité de Max Elskamp, à côté aussi de belles et ferventes « prières », inspirées par les psaumes et les hymnes de l’Église, des musiques d’une suavité toute verlainienne, des poèmes qui révèlent un sens profond de l’effrayant et universel Mystère tel que le possédaient Poe et Rollinat, de merveilleuses « géographies exotiques », d’un coloris superbe, où revivent les plus belles pages de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand, des souvenirs de ballades allemandes et d’adorables et spirituelles imageries.